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Full text of "Annales du Conservatoire des arts et métiers"

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ANNALES 



DU 



CONSERVATOIRE 



DES ARTS ET MÉTIERS. 



3i442 — PARIS, IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS, 
55| Quai des Grands-Augustins. 



ANNALES 



DU 



CONSERVATOIRE 



DES ARTS ET MÉTIERS, 



PUBLIÉES PAR LES PROFESSEURS. 



3« SÉRIE. — TOME IV. 




PARIS, 

GAUTHIER-VILLARS, IMPRIMEUR-LIBRAIRE 

DU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS, 

Quai des Grands-Augiistins, 55. 

1902 
(Tous droits réservés.) 



ANNALES 



DU 



CONSERVATOIRE 

DES ARTS ET MÉTIERS. 



LISTE GÉNÉRALE 

DES 

CONFÉRENCES PURLIQUES ET GRATUITES 

faites en 1902 

AU CONSERVATOIRR NATIONAL DES ARTS ET METIERS. 



12 JANVIER. — L'éclairage et le chauffage par ralcool, par 
M. L. LiNDET, professeur à l'Institut national agronomique. 

19 JANVIER. — La navigation aérienne, par M. le commandant 

G. ËSPITALIER. 

16 JANVIER. — Les signaux optiques (vision des couleurs faibles 
et des lumières brèves)^ par M. le D"" André Broca, profes- 
seur agrégé à la Faculté de Médecine. 

2 et 9 FÉVRIER. — Les machines-outils, par M. Gustave Richard, 
ingénieur des Mines, agent général de la Société d'Encou- 
ragement pour l'Industrie nationale. 

16 FÉVRIER. — L'artillerie moderne, par M. Paul Clemenceau, 
ingénieur des Établissements Schneider et C*®. 



178893 



6 LISTE GÉNÉRALE DES CONFÉRENCES PUBLIQUES ET GRATUITES. 

23 FÉVRiÊB. — Les brevets d'invention et les marques de 
fabrique, par M. G. Breton, directeur de rOfiîce national 
des Brevets d'invention et des Marques de fabrique. 

a MARS. — Les ponts métalliques, par M. Résal, ingénieur en 
chef de la navigation de la Seine et des Ponts de Paris. 

9 MARS. — L'arc électrique (application à la Téléphonie), par 
M. P. Janet, directeur du Laboratoire central et de l'Ecole 
supérieure d'Électricité. 

i6 MARS. — Les Laboratoires d'essais, par M. Perot, directeur 
intérimaire du Laboratoire d'essais du Conservatoire. 

i3 MARS. — L'assurance ouvrière à l'étranger, par M. Mau- 
rice Belloh, ingénieur au corps des Mines. 

19 et 26 janvier; 2, 9, 16 et ^3 février; 2, 9, 16 et 28 mars. — 
])ix Conférences sur La prévention des accidents du tra- 
vail, par M. H. Mamy, ingénieur des Arts et Manufactures, 
directeur de l'Association des industriels de France contre 
les accidents. 



RECHERCHES 



SUR LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES 
ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES, 

Par le Colonel A. LAUSSEDAT. 



»o< 



CHAPITRE IV {Suite). 

MÉTHODES ET INSTRUMENTS DE DESSIN 
INNOVATIONS PRINCIPALES PROPOSÉES. 



XII. -- Instruments destinés à simplifier le calcul des 

différences de niveau. 

Règle à calcul. — On se souvient que, les points identifiés 
sur deux vues, dessinées à la chanjbre claire ou photogra- 
phiées, ayant servi à déterminer la position des points cor- 
respondants sur le plan, la cote de nivellement des points 
ainsi rapportés s'obtient par une qualrième proportionnelle 
dont les trois autres termes sont connus. 

Ainsi, a étant, sur la vue {fig. 33)^ Timage du point A, rap- 
porté sur le plan, et aa' la hauteur apparente h du point 
considéré au-dessus de la ligne d'horizon, sa hauteur réelle H, 
c'est-à-dire la différence de niveau de ce point et de la 
station (en tenant compte ensuite de la hauteur de Tinstru- 
ment au-dessus du sol) est donnée par la proportion : 

Oa' : OA :: aa' :^ ou Oa':rf::A:H 



8 



A. LAUSSEDAT. 



que l'on peut, eri menant AA' parallèle à xy^ trace du plan 
du tableau sur le plan horizontal jusqu'à sa rencontre en A' 
avec la ligne de dislance OP, remplacer par la suivante : 

OP : OA' : : ad : x ou /: d' : : A : H 

« 

dans laquelle on a introduit ainsi le terme constant 0P=/, 



Fig. 33. 



M 



H 



T 


p 


€L' 





H' 



N 




c'est-à-dire la distance focale de l'appareil ou, plus généra- 
lement, la distance du point de vue au tableau. 

Dans cette dernière proportion, k et / sont exprimés en 
millimètres et d' en mèlres, à l'échelle du plan, et Ton en 

déduit H = :pXd' également exprimé en mèlres. 

L'opération arithmétique s'effectue aisément au moyen de 

Fig. 34. 



W^ 



H 



^ 



T 



la règle à calcul {^g. 34) sur laquelle la lecture /est faite 
une fois pour toutes et repérée, dès le commencement des 
opérations (*). 



{*) C'est ainsi que nous avons opéré le plus habituellement. 



LES INSTRUMENTS^ LES METHODES. ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 9 

Compas de proportion, — Mais on peut éviter même 
d'évaluer h en millimètres et d' en mètres en employant, 
comme le fait M. E. Deville, un compas de proportion de 
dimensions suffisantes. Sur les deux branches de ce compas 
{figi 35) on marque en P, P, à partir du centre 0, la distance 

Fig. 35. 



focale /, puis on écarte ces branches jusqu'à ce que les 
deux marques soient à la dislance aa' mesurée à l'aide d'un 
compas ordinaire avec lequel on a pris cette dislance sur la 
photographie. On porte ensuite également sur les deux 
branches la longueur OA', prise à l'aide du compas ordinaire, 
et avec ce même compas on mesure la distance x des deux 
points A', A', que l'on évalue en mètres en portant celle 
dernière ouverture sur l'échelle du plan. 

On voit qu'en opérant de celte façon on évite à la fois les 
lectures et les calculs d'arithmétique. 

Echelle angulaire. — M. Deville a encore indiqué un pro- 
cédé entièrement graphique qui exige simplement le tracé 
suivant de ce qu'il appelle une échelle angulaire, 

OP {fig- 36) étant la dislance focale prise sur la ligne OQ 
d'une longueur arbitraire suffisante pour permettre de déter- 
miner les différences de niveau des points les plus éloignés 
de la station, on élève en P et en Q des perpendiculaires à 
OQ, PF, QQ' et l'on divise en parties égales la ligne OPQ el 
sa perpendiculaire QQ'; aux points de division de OPQ on 
élève des perpendiculaires à celle ligne etl'on joint le pointO 
aux points de division de QQ'. 



Il est aisé de voir que, si l'on porte OA' jiris sur le plan, 
avec un compas, de en A' sur la ligne OQ de la figure 36, 
puis sur PP', de P en a' la hauteur apparente atf (fig. 33) 
prise sur la photographie, en élevant en A' une perpendicu- 

Fig. 36. 




bire à OQ jusqu'à la rencontre en A' de la ligne qui joindrait 
et a'. A' A° porté sur léchelle du plan donnerait la diffé- 
rence de niveau cherchée x. 

Règles hypsométrtqaes. — Dans deux Mémoires consa- 
crés à la mélrophoiographie, M. Ed. Monet, ingénieur civil, 
a proposé plusieurs modèles de règles dites hypsomélriques 
pour obtenir le plus rapidement possible les cotes de nivelle- 
ment des points déterminés sur le plan par la mélhode des 
intersections. Nous renvoyons le lecteur à ces deux intéres- 
santes publications (') e' nous nous contenterons d'indiquer 
Ici celui des modèles auquel M. Monet donne la préférence. 

Cet instrument {fig. 3;) se compose d'une règle AB gra- 
duée en demi-millimètres sur laquelle est fixée, a l'une de 
ses extrémités, une lame métallique CD où se trouve tracé 
un trait fin perpendiculaire à l'arête ab de AB ei terminé par 
deux encoches C, D. 



CJ Principes fondamentaux de la Pkotogrammétrie .Nouvellet solu- 
tions du problème d'altimétrie au moyen des règles hypaométriques, 
])ar Edouard Monet, iDgénIeur civil; Paris, Société d'éditions scientlllqueg, 
.Sgî. 

Application de la photographie à la topographie, par le même. 
(Extrait des Mémoires de la Société des Ingénieurs civils de France, 
Kullclin d'août iSg'i ). 



1 1 



LES INSTRUMENTS, LES METllODKS ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 

EF est une autre règle à arêtes g/?, kq parallèles et biseau- 
tées, divisées chacune en demi-millimètres : cette dernière 
coulisse à frottement doux sur la première en lui restant 
toujours perpendiculaire. 

Une vis d'arrêt V permet de fixer EF sur AB. 
. Le zéro des divisions de EF se trouve à une dislance 5 de 



Fig. 37. 




l'arête ab vers le milieu de la longueur de cette règle et 
le numérotage des divisions est symétrique par rapport à 
ce zéro. 

Correspondant au trait CD de la lame métallique se trouve, 
en /, Taxe de rotation d'une autre règle ^T, à une distance te 
égale à ô, de sorte que tSy qui sera souvent amené sur la ligne 
d'horizon des photographies, soit alors rigoureusement paral- 
lèle à ab. 

La règle ^ï peut être remplacée par un fil très fin dont 
l'extrémité est fixée en t. 

Sur l'arête ab, à partir de e, c'est-à-dire du zéro de la gra- 
duation, on porte la grandeur de la distance focale/, et comme 
l'instrument doit pouvoir servir quand on change d'appareil, 
cette distance est simplement repérée par un petit triangle de 
papier noir collé sur l'épaisseur de la règle en.R. 

Voici maintenant comment on se sert de l'instrument. 

On applique d'abord la lame métallique sur la ligne X' Y' 
{fig. 33) parallèle à XY, et l'on fait coulisser la règle EF 



12 A. LAUSSEDAT. 

jusqu'à ce que Tun de ses côtés gp ou kq vienne rencontrer 
le point A dont il s*agil de déterminer la cote. Cela fait, on 
porte la règle sur la photographie en faisant coïncider ts avec 
la ligne d'horizon et en amenant le point R sur la perpendi- 
culaire aa' de Timage a; enfin, on fait pivoter la règle /T (ou 
l'on tend le fil qui la remplace) de façon que tT passe par le 
point a, et la différence de niveau cherchée se lit sur le biseau 
gp ou sur le biseau kq de la régie EF, selon le cas, cette 
double disposition de la règle étant nécessaire pour permettre 
de voir sûrement, d'un côté ou de l'autre, le repère R qui, 
sans cette précaution, pourrait êlre caché par la règle, lors 
de la première opération sur le plan. 

Le lecteur aura sans doute remarqué l'analogie de cette 
solution avec celle que Ton obtient au moyen de Véchelle 
angulaire, et il est à peine besoin d'ajouter que, dans ce cas, 
comme dans les précédents, on a à tenir compte de l'échelle 
du plan qui, dans celui-ci, doit êlre en relation simple avec 
l'échelle EF(*). 

M. Monet, en étudiant en outre plusieurs questions d'alti- 
métrie, en a donné d'ingénieuses solutions qui témoignent 
une fois de plus de la fécondité de la perspective, mais nous 
n'aurions pu les aborder sans entrer dans de trop longs déve- 
loppements sur des sujets qui ne se lient qu'indirectement 
à celui que nous devons surtout envisager. 



DU PARTI QUE L'ON PEUT TIRER DE PHOTOGRAPHIES 
Or3TENUES DANS DES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES, 
OU MÊME DE PHOTOGRAPHIES TROUVÉES 
DANS LE COMMERCE. 

Il y aurait un long Chapitre ou même tout un Ouvrage à consacrer à 
ce sujet; sans pouvoir lui donner ici le développement qu'il comporte, 
nous aborderons dans les paragraphes suivants et nous traiterons même 
en détail quelques-unes des questions les plus importantes, ce qui per- 
mettra, nous l'espérons, au lecteur d'aller plus loin et d'en tirer toutes 
les conséquences. 

(*) Un autre instrument très simple servant à faciliter la lecture des 
données sur la figure 33 a été imaginé par le colonel baron A. von Hubl 
et décrit dans les Mittheilungen des k. und k. milit. geogr. ïnstitutes 
zu Wien, XVHI Band. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l3 

■ 
t 

XIIÏ. — utilisation de vues recueillies accidentellement 
d'une localité dont on possède un plan plus ou moins 
détaillé. 

Vues trouvées dans le commerce. — Même avant Tinven- 
Uon de la photographie ou des procédés auxquels permet- 
taient de recourir l'antique chambre obscure ou la chambre 
claire, on a cherché à utiliser, pour des restitutions partielles 
de plans de monuments ou de plans topographiques, des vues 
dessinées : gravures, lithographies, aquarelles, etc., que Ton 
trouvait dans le commerce. Mais il est bien évident que les 
photographies, si répandues aujourd'hui, leur sont incompa- 
rablement préférables, tant à cause de leur exactitude de 
plus en plus parfaite que des détails beaucoup plus nom- 
breux qu'elles renferment. 

Nous avons montré précédemment (Chap. III, § XIV) 
comment une vue unique d'un édifice régulier pouvait servir 
à en reconstituer partiellement le plan et les élévations. 

Une utilisation analogue peut être faite de photographies 
isolées de paysages, de vues de villes ou de localités dont on 
possède un plan plus ou moins détaillé sur lequel on parvient 
à déterminer des points de repère convenablement situés et 
bien reconnaissables. 

Dans bien des cas, on a pu ainsi, même avec des vues 
dessinées à la chambre claire, compléter des plans et effec- 
tuer le nivellement du terrain représenté, et la même restitu- 
tion a été faite encore bien plus sûrement, quand on y a 
employé des photographies. 

Les circonstances dans lesquelles peut se trouver l'opé- 
rateur sont d'ailleurs trop variables pour qu'on puisse pré- 
tendre toutes les énumérer; nous supposons même que le lec- 
teur^ familiarisé avec l'art des reconnaissances, n*a pas besoin 
qu'on les lui rappelle. Mais nous devions nous attacher, en 
conseillant de faire intervenir la photographie dans la plupart 
de ces circonstances, à mettre en relief, plus que nous n'avons 
eu occasion de le faire jusqu'à présent, les propriétés de la 



u 



A. LAUSSEDAT. 



perspective conique propres au genre de recherches qu'elles 
provoquent, et en particulier celles qui ont été signalées tout 
récemment avec celte préoccupation. 

Admettons donc qu'un opérateur ait entre les mains à la 
fois le plan d'une ville ou d'une localité plus ou moins éten- 
due et des photographies de cette localité, prises d'ailleurs au 
hasard, de points inconnus pour lui, et que son principal 
objet soit d'étudier les formes du terrain, d'en obtenir le 
relief, à peine indiqué en général sur les plans ordinaires. 

XIV. — Cas où V opérateur peut se rendre sur les lieux. 

Orientation de la trace du plan du tableau. Détermina- 
tion de la distance du point de vue à ce tableau ou distance 
focale. — Admettons, en premier lieu, que l'opérateur soit 



Fig. 38. 



Fig. 39. 



a. 














|.C 


H, 




h' 




H, 


cl' 


■ 


b 


& 




en état de déterminer sur place le point d'où a été prise la 
photographie, ce qui est rendu facile par la simple confron- 
tation de l'image et de la nature. Il parviendra sans doute 
aussi très vite à rapporter ce point sur le plan qu'il a entre 
les mains. 

Soient A',B',G' {fig. 89), sur le plan, les projections des 
trois points connus et reconnaissables en a, è, c sur la pho- 
tographie {fig. 38), enfin 0' la slalion, c'est-à-dire la projec- 
tion du point de vue sur le plan. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l5 

Sur la photographie QRLT, et sans qu'il soit nécessaire 
de viser à une grande précision, on trace une ligne horizon- 
tale H^U^ (ligne d'horizon provisoire) sur laquelle on projette 
les images des points considérés en a', b' et c' , 

Les irois points A', B', C étant joints à la station 0', portons 
sur O' C des longueurs a^ bt et 6i c^ égales à a' b' et b' c' ( * ) ; 
par le point 61 menons la parallèle 61^2 à O'A', enfin joignons 
Ci ^2; prolongée jusqu'à sa rencontre avec O'A', celle droite 
Ci a" sera évidemment une parallèle à la trace du plan du 
tableau. 

Si donc sur cette parallèle on porte, de a'' en b" et de b" en 
c", des longueurs égales à a'b' et b'c\ en menant par b" une 
parallèle à O'A', on déterminera sur O'B' le point b' par 
lequel il suffira de mener la parallèle a'b'c' à a"b2Ci pour 
avoir la trace cherchée, et Ton auraii, au besoin, une vérifi- 
cation en menant par c" une parallèle à O'A' qui devrait 
passer par c ('). 

On voit d'ailleurs que la distance du point de vue au 
tableau (distance focale de l'appareil multipliée, s'il y a lieu, 
par le facteur de l'agrandissement) s'obtiendra immédiate- 
ment en abaissant du point 0' la perpendiculaire O'P' sur la 
trace a! c' qui donne la projection du point principal en P'. 

Ligne d'horizon et point principal, — En supposant 
encore l'opérateur sur les lieux et pouvant mesurer quelques 
angles de hauteur à chaque station, il lui sera facile de déter- 
miner les lignes d'horizon et les points principaux sur les 
différentes photographies par la méthode indiquée au Cha- 
pitre m, § XIV. 

Mais il n'en serait plus de même s'il était éloigné et sim- 



(1) Le procédé le plus simple serait, on le sait, de relever les trois 
points a', b'y c' sur le bord d'une bande de papier que l'on présenterait sur 
le faisceau O'A'B'C de façon à avoir par tâtonnement les points a' sur 
O'A', b' sur O'B' et C par C'C. Mais la construction géométrique indi- 
quée est elle-même assez expéditive. 

(') Cette méthode graphique pour orienter la trace du tableau sur le 
plan a été proposée dès 1887 par le Prof. F. Schiffner; elle est aussi men- 
tionnée par le Prof. F. Steiner, dont on trouvera plus loin une bien plus 
importante suggestion. 



|6 A. LAUSSEDAT. 

plement en possession de photographies et de plans incom- 
plets ne contenant aucune cote de nivellement. 

Il arrive cependant assez souvent, dans les pays civilisés, 
que les plans ou les cartes publiés par les gouvernements ou 
celles que Ton trouve dans les guides bien faits contiennent 
des cotes plus ou moins nombreuses dont on peut tirer parti. 

Enfin, sur les côtes, on parviendrait aisément à tracer la 
ligne d'horizon si le point de vue était voisin du niveau de la 
mer, ou si Ton connaissait la hauteur de la station, facile à 
estimer. 

Dans les autres cas, un examen attentif de la photographie 
permet seul de découvrir des indices de nature à faire déci- 
der la position la plus probable de cette ligne d'horizon. 
L'existence de constructions assez rapprochées pour faire 
apparaître la convergence des lignes de fuite horizontales, 
par exemple, donnerait assurément plus de chances de certi- 
tude à cette recherche. 

Quant au point principal, rapporté convenlionnellement 
au milieu de la ligne d'horizon telle qu'elle aura été adoptée 
et tracée sur la photographie, il pourra toujours être consi- 
déré comme déterminé avec une approximation suffisante (*). 

XV. — Cas où r opérateur ne peut pas se rendre 

sur les lieux. 

Trouver sur un plan la projection du point de vue d'une 
photographie sur laquelle on reconnaît les images de cinq 
objets au moins représentés sur le plan. — Ce problème 
dit des cinq points par son auteur, le Prof. Sieiner, peut 
être rapproché de celui des trois points ou de Pothenol; 



( 1 ) Les détails nécessairement assez vagues, dans lesquels nous sommes 
entré au sujet des études de terrain faites exclusivement à l'aide de pho- 
tographies et de plans trouvés dans le commerce ont été provoqués par 
le désir de faire apprécier l'importance du problème que s'est proposé le 
Prof. F. Steîner, de Prague, et dont il a donné Téléganle solution que 
nous exposons dans le texte. Voyez : Die Photographie im Dienste des 
Ingénieurs, ein lehrbuch der Photogrammetrie bearbeitet von Dipl. ing, 
Friedrich Steiner, Wien 1893. R. Lechner (Wilh. Miiller). 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I7 

mais la question étail beaucoup plus difficile et, au lieu des 
deux circonférences dont Tune des intersections était le point 
cherché, il a fallu recourir aux sections coniques pour trou- 
ver, dans Tune des in'ierseclions de deux de ces courbes, la 
projection du point de vue ou de la station photographique. 

La solution dont il s'agit est fondée sur les principes sui- 
vants de la Géométrie moderne que Ton pourrait faire remon- 
ter à Pascal et qui ont servi de point de départ à la théorie 
des sections coniques établie par Poncelet et Chasies (* ). 

1. Étant donnés quatre points a,b,c,d en ligne droite 

Fig. 40. 



CL/ à c d 



{fig, 4o)> le rapport anharmonique de ces quatre points est la 
quantité 

ac bc 

ad ' bd^ 

que Ton représente généralement, pour simplifier, par la 
notation conventionnelle 

abcd 

et qui a une valeur déterminée lorsqu'on a soin de prendre les 
points dans Tordre indiqué et de tenir compte du signe de 
chaque segment. 
2. Le rapport anharmonique d'un faisceau de droites 



est la quantité 



O(ABCD) (/g-.4i) 



sin(AC) . sin(BC ) 
sin(AD) • sin(BD) 



(') Je dois des remercîments à mon collègue M. Haag, Ingénieur en 
chef des Ponts et Chaussées, professeur à l'École Polytechnique, qui a 
bien voulu m'aider dans la rédaction de ce paragraphe. J'ai cru devoir 
y rappeler des principes qui ne sont pas familiers à tous les lecteurs 
et donner ainsi une démonstration complète de la méthode de M. le Prof. 
Steiner. 



3« Série, t. 1 V. 



i8 



A. LAUSSEDAT. 



que Ton représente, pour simplifier, par la notation conven- 
tionnelle 

(ABCD). 

3. Si un faisceau de quatre droites O(ABCD) est coupé 
par une sécante quelconque qui les rencontre en a, b, Cy d 
(/fg, 4i), le rapport anharmonique des quatre droites est égal 

Fig. \i. 




à celui des quatre points correspondants, c'est-à-dire que, 
d'après les notations précédentes, on a : 

{abc(l)=^{\BCD). 

k. Si l'on joint un point m d'une conique à quatre points 
fixes a,b,c,d pris sur la courbe {fig^ 4^), le faisceau 



?7V 




m{ahcd) a un rapport anharmonique constant quand la 
position du point m varie sur la conique, ou, si l'on veut, 
la conique des cinq points a^ b, c, d, e peut être considé- 
rée comme le lieu géométrique d'un point m tel que 
m {a b c d) =^ e {a b c d) == constante. 

5. Si le point m se rapproche indéfiniment de l'un quel- 
conque des quatre points a^ b, Cy dj du point a par exemple, 
(fig. 43), la droite ma devient la tangente at h la conique au 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I9 

point a et l'on a encore 

a (tbcd) =ze{abcd) 

dans ce cas limite. 

Nous allons voir comment ces principes servent à résoudre 
le problème proposé. 




Considérons d'abord la photographie sur laquelle on a iden- 
lifié les images des cinq points reconnus sur le plan. 

Soient a^byC^d^e (As*- 44) J^s images des cinq points 
A,B, C, D,E, du paysage (dont les distances réelles sont 

Fi g. 44. 




réduites à l'échelle du plan) projetés en A',B', C, D', E' 
qui sont les points supposés connus sur le pfan. 

Les points a', ^', c', J',<?', projections des images a, b^ c, d^e, 



sont égaloment connus ei, par conséquent, les rapports anhar- 
moniques que Tonnent quatre quelconques d'entre eux, par 
exemple : 

{a'b'c'd) et (fl'fr'cV). 
Mais ces rapports sont aussi ceux des faisceaux 
O'(a'b'c'd') et 0' (,a' b' & e' ) . 

Or, d'après la propriété précédemment rappelée (n' 3), le 
point & appartient (n" 4) à des coniques délinies, la première 
par les quatre points A', W, C, D' (/l'g-. 4^). et le rapport 




anharmonique (a' b' d d"), la seconde par les quatre poinis 
A', B',C',E' et le rapport anharmonique {a' b' d e'). Ces 
coniques sont d'ailleurs d'une détermination facile. En elTet, 
d'après la propriété ci-dessus énoncée (n" 5), si l'on construit 
en A' une droite K's telle que 

A'(5B'C'J)') = (a'6'c'rf') = (a. 6, c, (/,)i", 



(') Le procédé le plus simple pour obtenir la direction des droites A'« 
el k't consiste encore dans l'emploi de la bande moliile de papier sur \e 
liord do laquelle sont rapportés les points a. b. c, d, c relevés sur la plio- 
lOLTraphie. comme l'indique in fleure. 



LES INSTRUMENTS, LES UÉTIIODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 21 

Celte droite sera la tangente en A' à la première conique, 
qui se trouve ainsi déterminée par quatre points et sa tan- 
gente en l'un de ses points. 

I)e même, si l'on mène A' t tel que 

A'(fB'C'E')= {a'b'c' e') = {a,b,c,e,), 

la seconde conique sera tangente à A't et sera déterminée 
comme ta première. 

Le quatrième point d'intersection 0' de ces deux coniques 
sera le point cherché, et le problème est résolu ('). 

Indépendamment de la figure 4^, qui a peut-être per- 



{r - 


1 




,,w^ r-jm 


^^W»ii--', 


-«'■{•isSv 


-, a '<?. 








.-; 




'^JH 


ic 






mis de mieux suivre la démonstration, nous reproduisons 
{fig- 45 bis) l'ensemble de la photographie supposée et du 



ï conslrucfioiis s 



22 



A. LAUSSEDAT. 



plan sur lequel on distingue les cinq points A, B, C, D, £ 
signalés, d'après TOuvrage du D' Sleiner. 

Orientation de la trace du plan du tableau. — Nous nous 
trouvons ramené au cas précédent de l'opérateur parvenu à 
déterminer sur place la projection de la station d'où avait été 
prise la photographie. 

Le relèvement sur cette photographie des pointsa' , b' , c'ydyC^ 
ou même de trois de ces points seulement, sur le bord 



my 




d'une bande de papier que Ton transporte sur le faisceau 
O'A'B'C'l)', peut donc être employé. La méthode graphique 
du Prof. Schiffner serait également applicable, et c'est l'un 
ou l'autre de ces procédés que l'on adoptera généralement. 
Voici enfin une construction géométrique également très 
simple indiquée par M. Haag et qui procède des principes 
exposés plus haut. 

Il s'agit, en définitive, de mener une sécante mn {fig. 4^) 
tellement placée que le faisceau intercepte sur elle des seg- 
ments formant une figure égale à a'h' & d' e' . 

Pour cela prolongeons A'B' en /tel que 



I «' 



B7 _b'c 
A'B'""aT 

et menons par/ une parallèle à O'B' jusqu'à sa rencontre eng^ 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 23 

avec O'C Joignons alors A' g-; celle droile rencontre O'B' 
en z, el l'on a par les triangles semblables : 

A'/^ A'B' ""a'6'' 

Si nous prenons maintenant sur k'g une longueur k' h 
égale à a'b',ei si nous menons par h la parallèle à O'A' 
jusqu'à sa rencontre en fe"avec O'B', la parallèle mn à A' g 
menée par b" sera la droite cherchée. 

Soient, en effet, a", b'\ c" , d" , e" les intersections de cette 
droile avec les cinq droites du faisceau; on a, par les paral- 
lèles /w /z et A' g*, 

^' V gi _ h' c 
a"b" — X'i" a'b'' 

et comme, par construction, a" b" =2 k' h =l a' b\ il en résulte 
que b" c" est égal à h' c\ 

Mais les droites du faisceau O'(A'B'G'D') sont tellement 
disposées que le rapport anharmonique de quatre d'entre 
elles est égal à celui des points correspondants de la division 
a' 6' c' d! el Ton aura, d'après le lemme 3, 

{a"h"c"e") =.{a'b'c'e'). 

Or, les deux premiers segments de chacune de ces expres- 
sions étant égaux, Tégalité des trois autres segments en 
résulte, ce qui démontre que la droile mn répond bien à la 
question. 

Application du procédé à un exemple. — Il serait inutile, 
après toutes les explications précédentes, d'insister sur ce 
qu'il reste à faire lorsque, la position de la station et l'orien- 
tation de la trace du tableau sur le plan étant déterminées, on 
admet avec Fauteur que les cotes d'altitudes d'au moins deux 
points, bien reconnaissables sur la photographie, se trouvent 
indiquées sur le plan. On obtient, en effet, facilement avec 
ces données le tracé définitif de la ligne d'horizon, l'altitude 



24 A. LAUSSEDAT. 

de la station et les cotes de tous les autres points remar- 
quables vus de celte station et reconnus sur la photographie, 

La planche IV, que nous empruntons à la brochure du 
Prof. Steiner est un exemple tout à fait concluant de ce mer- 
veilleux procédé de reconnaissance. 

Le lecteur jugera bien que la réduction à laquelle Fauteur 
a été obligé de soumettre son dessin original et la photogra- 
phie surtout, pour les besoins de la publication, s'oppose à 
ce que Ton puisse tenter de faire des vérifications, d'ailleurs 
inutiles, la méthode générale à laquelle on a eu recours pour 
calculer les cotes n'éiant plus en question. 

II doit être bien entendu, d'ailleurs, que Ton ne se conten- 
tera pas d'une seule vue de la localité dont on désire faire la 
reconnaissance, toutes les fois que Ton pourra s'en procurer 
d'autres au moyen desquelles on obtiendra des renseigne- 
menls de plus en plus nombreux en même temps que des 
vérifications. 

Remarque, — Comme le problème de Polhenot, celui des 
cinq points est indéterminé lorsque le point cherché est sur 
la même section conique avec les points donnés A, B, C, D, E 
ou trop près d'elle, les deux courbes que Ton construit pour 
l'obtenir se coupant alors sous des angles très aigus. 

Mais tandis que, dans le problème de Pothenot ou des trois 
points, il n'y a que deux circonférences possibles à tracer, on 
peut recourir, dans celui des cinq points, à différents systèmes 
de sections coniques conjuguées deux à deux et passant par 
quatre des points donnés et par le point cherché. 

La figure 47» Q'Je nous empruntons encore au Prof. Steiner, 
met le fait en évidence. 

Sur cette figure, il a été convenu de désigner chacune des 
sections coniques qui y est représentée par la petite lettre du 
point par lequel elle ne passe pas. Ainsi o est la section 
conique qui passe par les cinq points A, B, C, D, E et ne passe 
pas par 0, et il en est de même pour les cinq autres 
a, 6, c, rf, e. Les trois premières a, b, csont des hyperboles 
et les autres rf, e et o sont des ellipses, a, b, c se coupent 
en sous des angles trop aigus pour pouvoir servir à déier- 






LKS INSTBIHENTS, LES UI^THODES KT LK HBSSIN TOPOGRAPIIIOUKS. l5 

miner ce poinl, tandis que c et rf se coupeni presque à angle 
droit. 

Les deux ellipses d el e sont également convenables. En 
résumé, il y a des cas où les différents systèmes de courbes 




sont tous salisrulsants, mais il y en a d'autres où il Taut cher- 
cber celui qui convient le mieux pour déterminer exacte- 
ment le point 0. 

XVI. — Problème des cinq points (suite). 



Solution simpifjiée dans un cas particulier. — Si les 
cinq points sont alignes sur deux droites qui se rencontrent, 
l'un d'eux se trouvant à leur intersection, comme cela arrive 
fréquemment lorsque la vue est prise sur un édifice d'archi- 
tecture, la construction se simpliOe naturellement. 



26 



A. LAUSSEDAT. 



Soient, en effet (fig, 48), les points A', B', C, D', E' situés 
sur les deux droites M C et C F; joignons le point A', déjà 
réuni à B' et à C, aux points D' et E' et le point E' au point B'. 
Portons successivement, à Taide de la bande de papier pliée, 
la série des points a' V d d é de la photographie sur le fais- 
ceau A' (C'D'E') et sur le faisceau E'(A' B' G), de manière 




à amener, dans le premier cas, le points c^^d^ye^ sur les 
droites A'C, A'D', A'E' et, dans le second, les points a^, b^y c^ 
sur les droites E'A', E'B', E'C Dans le premier cas, le point ai 
joi^it au point A' représentera la tangente à Tune des courbes 
en ce point, et dans le second le point e^ joint au point E' 
représentera également la tangente au point E' à l'autre 
courbe. Les droites X'C et A'ûi remplaceront la première 
courbe, et les droites CE' et e^E' la seconde. La rencontre 
des deux nouvelles droites e^E' ei a^PJ déterminera donc la 
position du point de vue 0' sur le plan et la perpendiculaire 
abaissée de ce point sur la trace a'b' d d! e' du plan du tableau, 
obtenue en appliquant la bande qui porte la série des points 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 27 

relevés sur la photographie, déierminera le point principal P 
et la distance O'P du point de vue au tableau, distance focale 
de l'appareil . 

Celte solution se rapportant au cas où le point de vue est 
compris dans Tangle formé par les droites A'C et CE', on 
pourrait se demander comment elle s'appliquerait à celui où 
le point de vue est extérieur. 

La construction suivante répond à ce cas, et elle est aussi 
simple que la première. 

On joint le point A' au point D', le point B' aux points D' 

« 




et E', on applique la bande qui porte la série des points 
relevés sur le faisceau B' (CD'W) en ei dx c^ bx ai et alors les 
deux droites B'bi et CE' remplacent Tune des sections 
coniques, puis sur le faisceau D' (A'B'C) en a^b^c^d^e^, et les 
deux droites D'd^ et A'C remplacent Tautre section conique^ 
de sorte que rinlersection des droites B'6i et W d^ prolon- 
gées donne le point de vue 0' que l'on joint aux trois autres 
points A', CE'. 

Il ne reste plus, comme précédemment, qu'à porter la 
bande a' b' c' d' é sur le faisceau 0' (A'B'CD'E') pour avoir 
la trace du plan du tableau, et à abaisser la perpendiculaire 



28 A. LAUSSEDAT. 

O'P sur celle Irace pour avoir le poinl principal P ei la dis- 
lance O'P du poinl de vue au lableau. 



XVII. — Problème des cinq points. Note complémentaire. 

Solution analytique du problème des cinq points et des 
trois rayons ( ' ). — L'exposé précédenl du problème des 
cinq poinls élaii imprimé quand nous avons reçu de M. Dole- 
zal une nouvelle solution 1res élégante de la question et même 
de celle d'un poinl par trois autres, c'est-à-dire du problème 
beaucoup plus simple dit de Pothenot. Voici, en abrégé, l'eii- 
irée en matières de l'auleur : 

Le problème des cinq rayons peut s'énorïcer de la manière 
suivante : cinq poinls Pq, Pi, P2, P3, P4 {fi^- 5o) sont con- 
nus par leurs coordonnées rectangulaires horizontales (^o> Jo)> 
(^1» Ji)> (^2, J2), (^'3,73), (.2îi, ji), et par leurs hauteurs ou 
coordonnées verticales Hq, Hi, Ho, H3 et H4. D'un sixième 
poinl ou station, on a pris une vue photographique sur lableau 
vertical, enfin on prend sur cette dernière les différences 
d'abscisses di, ^2, d^ el dik des poinls de l'image rapportés à la 
ligne principale VV et à la ligne d'horizon HH. On se propose 
de déterminer : 

a. le lieu de la station; 

b. les constantes perspectives de la chambre noire; 

c. l'angle d'orienlalion du plan du tableau. 

[Le lieu de la station P est déterminé par le rayon vecteur r 
et l'angle Q de ce rayon avec l'ordonnée de Po pris pour pôle. 
Les constantes de la chambre noire sont sa distance focale/ 
ei les positions de la ligne d'horizon et de la ligne principale; 
l'angle d'orienlalion du plan du lableau y est celui de la trace 
de ce plan avec le rayon vecteur PoP.J 



( ') Das Problem der funf und drei S Irakien in der Photogramme- 
trie von Eduard DoleXal, in Leoben. Sonder abdruck auf Zeitschrift 
Mathematik u.Physiky 47 Band, 1902; I u. 2 Heft. Druck und Verlag von 
B.-G. Teubner in Leipzig. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. ^9 

Ce problème, continue M. Dolezal, a été traité pour la pre- 
mière fois par M. Mtiller, de Freiburg, à l'occasion d'autres 
recherches de Géométrie moderne. Mais cet auteur n'en a 
fait aucune application pratique. De son côté, le Prof. Franz 

Fis, 5o. 




"q,i/c;-Oii/ ; i-^yi-^^s^ 



^èyè^sya 



^ 




Stelner, de Prague, sans avoir eu connaissance des travaux 
de Mûller, en donna une solution pratique, et c'est aussi lui 
qui Ta désigné sous le nom de problème des cinq points sous 
lequel il est connu en Phologrammétrie. 

Le capitaine J. Mandl, de l'armée autrichienne, dans un 
intéressant Mémoire (*), a montré qu'en s'appuyant sur les 



(') JuLius Mandel, Ueber Ver wertung von photo grapliischen Au fneh' 



3o A. LAUSSEDAT. 

principes de l'Algèbre supérieure ce problème était suscep- 
tible d'une solution analytique simple et d'une construction 
directe, à Faide de la règle et du compas seulement, tandis 
que le procédé indiqué par Steiner est pénible et exige le tracé 
de sections coniques ou des constructions toujours longues. 
Pour justifier le nouveau nom qu'il propose de donner au 
problème, M. DolezaI fait remarquer qu'en général, en Géo- 
désie, les points du terrain sont déterminés par des lignes de 
visée ou rayons visuels qui vont de différentes stations aux 
points considérés. Or le point dont on cherche la position 
résulte de la connaissance de celles de cinq points d'où l'on 
peut supposer que parlent des rayons qui s'y rencontre. Et il 
en est de même pour le problème de Pothenot que l'auteur 
propose, en conséquence, d'appeler le problème des trois 
rayions, 

La solution trigonométrique donnée par M. DolezaI est, nous 
le répétons, très élégante et nous regrettons de ne pouvoir la 
reproduire en entier, à cause du développement des calculs, 
d'ailleurs très simples, qu'elle exige. Nous nous contenterons 
d'en indiquer les résultats en rappelant que la signification des 
quatre inconnues principales est mentionnée ci-dessus entre 
crochets. 

Ces quantités r, 0, y et /sont données par les formules : 



r 


\/m--^- n\ 




rnq -+- np 


lai 


m 

ig b -, 


ïgy 


nq — mp 


mq -h np ' 


/ 


mq -h np 


p'^q' ' 



dans lesquelles m, n^ p eiq sont des inconnues auxiliaires 



men ans dein Liifiballon in den Afitteilungen iiber Gegenstande des 
Artillerie und Genie-ivesens. XXIX. Jahrgang. Wieii. 1898, S. i65. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 3l 

que Ton déduil de quatre équations de la forme suivante : 
— 2 ~~d: n-{-{ûr, — ,Xo)p + (r, — ro) g = I 



Nous ne suivrons pas l'auteur dans la recherche qu'il fait 
de la position de la ligne d'horizon et du point principal sur la 
photographie d'après les hauteurs supposées connues des 
points considérés au-dessus d'un plan de comparaison, et nous 
renvoyons à son excellent Mémoire, dans lequel il traite éga- 
lement le problème des trois rayons et pour le premier comme 
pour le second la question du degré d'exactitude sur lequel 
on peut compter avec des appareils ordinaires. 

En ce qui concerne le problème des trois rayons, l'auteur 
est naturellement obligé de recourir à d'autres données que les 
positions des trois points, et il admet, comme à l'ordinaire, 
que l'on ait pu mesurer les angles sous lesquels ces points 
sont vus de la station. On s'éloigne donc des conditions que 
nous avions supposées, mais on retrouve celles dans lesquelles 
sont placés les ingénieurs hydrographes, qui peuvent aujour- 
d'hui tirer un si grand parti de la Photographie. 

Nous indiquerons, en terminant celte Note, les résultats 
auxquels est parvenru M. DolezaI, en se servant, dans les deux 
cas, d'une vue photographiée de la ville de Vienne prise de 

r 

la plate-forme de l'observatoire de l'Ecole technique supérieure 
impériale royale. Dans le premier cas, les coordonnées de 
cinq points très reconnaissables (les clochers de cinq églises) 
ont été prises sur le plan officiel de la ville, et dans le second, 
où l'on ne considérait que trois de ces points, on avait mesuré 
de la station les deux angles nécessaires. 



3'2 



A. LAUSSEDAT. 



COMPARAISON DES DEUX MÉTHODES. 



DESIGNATION 

des quantités. 



Hayon vecteur r 

Angle polaire 6 

Coordonnées rectan- ( x. 

gulaires \y. 

Distance focale / 

Angle d'orientation y... 



CALCULKKS D APRES LB PROBLEME 



des cinq rayons. 



io5i",290 
i70«» Sg'aS* 

— loSg^jiSo 

— 284", o83 

2^2°"", 44 
Vô" f\l' 'lo' 



des trois rayons. 



io4i"*,33o 
170" 59' 12* 

— 284™, o39 

242""", 44 
i5'»42'5ï'' 



DEGRE D EXACTITUDE. 



en 

H 

H 

3» 



œ 

y 
f 

V 

I 



GRBEOU ABSOLUE D APRES LE PROBLEME 



des cinq rayons. 



db3'»,2o3 
d= i4'2f)" 

dr 3",4'<^ 
rt i"',o82 
±L o"'",8o 

/ 

9 



dlQ'6" 



des trois rayons 

±L 2",58o 
=b i4'i8'' 



10 



±2' 



±:4«,58 



f.f. 



1OV4 



±39' 2" 



ERREUR RELATIVE D APRES LE PROBLEME 



des cinq rayons. 



_1 . 
325 



306 



pour 100. 
o,3i 



0,33 



des trois rayons. 



404 



5469 



pour 100. 



0,2.1 



0,018 



XVIII . — Reconnaissances photo graphiques faites de stations 
plus ou moins éloignées, ( Téléphotographie,) 

Invention du Téléobjectif, — - Nous avons expliqué, au 
Chapitre III, § XVI, comment, en plaçant une chambre claire 
en arrière de Toculaire d'une longue-vue, on pouvait dessiner 
très exactement, sur une planchette convenablement disposée, 
des objets plus ou moins éloignés, et parvenir à en déterminer 
soit les dimensions d'après leur distance, soit la distance 
d'après les dimensions supposées connues, d'où le nom de 
Téiémétrographe donné à l'appareil ainsi constitué. 

Nous avons même fait connaître l'usage de cet appareil 
dans les reconnaissances ordinaires où la longue-vue n'avait 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAIMIIQUES. 33 

qu'un faible grossissement, de 4 à 5, enfin dans la défense 
des places, en recourant alors à de puissantes lunettes dont le 
grossissement atteignait de 35 à 65 et qui nous ont permis, à 
Toccasion du siège de Paris, de déterminer avec certitude la 
position et Timporlance des travaux des assiégeants jusqu'à 
lo^" et au delà, sur certains poinis. 

L'idée d'employer la chambre obscure dans des conditions 
analogues à celles du télémétrographe ou même de combiner 
l'objectif de cet instrument de dessin avec un verre divergent 
qui sert à dilater, amplifier Timage formée à l'intérieur de la 
chambre était même antérieure, et il est assurément très inté- 
ressant de constater ainsi que le téléobjectif a précédé de 
beaucoup l'inveniion de la photographie. 

C'est ce qui se trouve neitement établi dans un Mémoire 
plein d'érudition du Prof. N. Jadanza, de Turin (*), auquel 
nous empruntons les citations et la figure suivantes de l'Ou- 
vrage de Christian Wolff, de Breslau, publié en 174^ C-^). 

Le problème est posé en ces termes par l'auteur allemand : 

« L — Telescopium astronomiciim. contrahere, hoc est 
tubum astronomicum construerc, qui minoris sit longitudi- 
nis communia visibilis tarnen diametrum œque atnpiificet. » 

Nous ne reproduirons ni la solution ni la démonstration 
qu'il propose et expose assez clairement, mais un peu longue- 
ment, et nous nous contenterons de citer le corollaire suivant 
qui montre bien le but qu'il voulait atteindre et qui est préci- 
sément celui que les opérateurs modernes préoccupés de 
léiéphotographie ont eu en vue : 

« CoROLLARiuM. — Quitt Lens Concava Convexœ juncta 
magnam Objecti Imaginent in exigua distanlia exprimit; 



(') NicoDEMO Jadanza, // Teleobbiettivo e la sua storia. Torino, Carlo 
Glausen^ 1899. Est, dalle memorie délia Academia délie Scienze di 
Torino, série II, t. XLIX. 

(^) Ghristiani Wolffi Elementa mathesos universœ, etc. Genevae 
apud Henricum-Albertum Gosse et Socios, MDUGXLIl. Chi'istiaii Woîffétait 
né en 1679 à Breslau et mourut en i-S'i à Halle. 

3- Série, t IV. 3 



3 



4 



A. LAUSSEDAT. 



hoc A rtificium egregie conducit ad Caméras obscuras por- 
tatiles, » 

El il ajoute même la remarque suivante qui précise le bui 
qu'il se proposait d'atteindre en obtenant la netteté des images 
par la nature et la disposition des lentilles : 

« ScHOLioN II. ~ Quoniam usus Camerœ obscurœ postu- 
lat ut imagines delineentur ciarœ et distinctœ quantum 
fieri potest; ideo et danda opéra ut fientes probe elabo- 
rentur, et cavendum, ne Lens concava nimis acuta Radios 
nimium dispergat, Quid fieri conducat, tentando rectius 
definitur, qnemadmodum jam supra in casu simili anno- 
tai i mus, » 

On peut suivre la marche des rayons lumineux sur la figure 
de l'Ouvrage de Chr. Wolff qui a servi à la démonstration et 
que nous reproduisons {fig. 5i) d'après le Prof. Jadanzn. 



Fig. 5i. 



Q L 




Le même auteur (M. Jadanza) rappelle encore que Kepler, 
dans sa Dioptrique, publiée en 1611, avait déjà montré que Ton 
pouvait obtenir une image réelle en combinant une lentille 
concave avec une lentille convexe (*) et que Kircher, dans 
un paragraphe intitulé : De lentium effectibus, de son 
Ouvrage Ars magna iucis et umbrœ, Roma, 1646, avait 
signalé le même fait de la manière la plus précise dans les 
termes suivants : 



(') Nous saisissons cette occasion de signaler au lecteur un remar- 
quable article du giînéral J. Waterhouse, publié dans The Photographie 
Journal, mai 1901, traduit de i'anî2:lais et reproduit dans La Photogra- 
phie française, i4" année, nouvelle série, n»* 10 et 11, 1902, intitulé : 
Les origines de la chambre noire, 1° jusqu'en 1578 et 2" de iS^S à 1802. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 3!» 

a Ht. — ■ Lens concava post convexam non wullum ante 
ordinatœ fmaginœ sedem collocata, enmdern imaginem in 
char ta os tendit, majore m dis tant iorern et in dis tant ia 
majore quam so/a iens conveœa fuisset. » 

Toutefois et bien que Wolff ait négligé de s'attribuer formel- 
lement Tinvenlion de ia chambre obscure portative à agran- 
dissement, caméra ohscura portante, M. Jadanza conclui, 
avec raison, croyons-nous, que c'est à lui qu'il convient d'en 
reporter le mérite. 

Plus lard, on trouve dans V Encyclopédie méthodique une 
manière de raccourcir le télescope^ ])ar Leroy, qui n'est en 
réalité que la traduction incomplète du lexte de Christian 
Wolff accompagnée d'une figure tout à fait semblable à la 
précédente [jlg* 5i). 

Dans ces derniers temps, inspirés par les progrès incessants 
de la photographie dont les applications se multiplient en même 
temps que les manipulations se simplifient, un grand nombre 
de savants et d'habiles constructeurs se sont ingéniés à créer, 
ils le croyaient du moins, en tout cas, à perfectionner le télé- 
objectif. M. le professeur Jadanza avait été précisémertt l'un 
des premiers à aborder la question en construisant en 1884. 
sous le nom de lunette réduite {Cannochiale ridutta), un 
instrument qui fut remarqué par les constructeurs des autres 
pays dont l'attention s'était portée sur ce sujet, mais aucun 
d'eux, paraît-il, ni l'auteur lui-même ne connaissaient, à celte 
époque, la solution de Christian Wolff. Le premier essai 
publié de léléphotographie d'objets terrestres remonte à §886 
et a éié fait en France par M. Lacombe (*), qui avait, pour 
cela, disposé une longue-vue en avant de l'objectif de sa 
chambre noire. Avec un grossissement de 10 à 12 diamètres, 
il avait obtenu un cliché passable du Donjon de Vincennes vu 
d'une distance de 4*""- Mais cet appareil était bien compliqué 
et M. Lacombe reconnaissait lui-même qu'il eût élé préfé- 
rable de supprimer l'objectif de la chambre noire et de se ser- 
vir de l'oculaire de la longue-vue pour amplifier l'image réelle 



(') Voir La Nature du 4 soptembre 188G. 






jiroduiie au foyer, ainsi que l'avaienl déjà fuil les asiponomes, 
comme nous l'expliquerons un peu plus loin. 

C'esl à peu près ce que l'on (it, dans de meilleures condi- 
tions (car la luneiie de M. Lacombe n'étail pas achromatisée 
pour les rayons cliimiques), dès l'année suivanle, au Service 
géographique de l'armée, en combinant deux objectiTs plioto- 

Kif;. -ÎJ. 




graphiques de foyer très dilTérentB, l'un de 0^^,61 et l'autre de 
o'",076. Les résultais obtenus à celle époque et un peu plus 
tard par M. le commandant, depuis lieulenant-colonel Fri- 
bourg, auteur de la combinaison dont il s'agit, étaient déjà 
très satisTaisanis. Nous donnons (Jîff- 5o.) une vue de l'église 
de Saiiit-Cloud prise de Bellevue à 2O00" de distance environ 
par le commandant Fribourg. 

D'autres essais avec combinaisons d'objectifs faits de 1886 
à 1892 par MM. Emile Mathieu, Guilleniinot, etc., condui- 
saient plus ou moins péniblement à des résultats analogues. 

Mais, dés it>9o, un habile opticien de Paris, M. Jarret, con- 
struisait un véritubip téléobjeclîf en monlanl, aux deux extré- 



LES INSTRUMENTS, LES AIÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGUAPHIQUES. 3j 

mités d'un lube à crémaillère que Ton pouvait visser sur une 
chambre noire, un objectif photographique de i3o'"™ de foyer 
et une autre Jenlille convergente amplificatrice que l'on pou- 
vait éloigner ou rapprocher de l'objectif pour faire varier le 
grossissement. Ce système était entièrement analogue à celui 
de la lunette astronomique dont s'était d'ailleurs inspiré 
M. Jarret, tout en réduisant son appareil d'essai à de faibles 
dimensions. 



XIX. — Tëiéphotograpliie (suite). 

Téléobjectifs à deux lentilles com^ergentes, — Nous don- 
nerons immédiatement la théorie des effets de cette combi- 
naison de deux lentilles convergentes en l'appliquant au cas 
de la lunette astronomique ordinaire disposée pour recevoir 

Fis;. 53. 




les images de deux astres voisins, ou l'image d'un astre de 
diamètre apparent très sensible comme celui du Soleil ou de 
la Lune. 

Soient {/ig, 53) Tobjeclif, F^ et F^ ses foyers antérieur et 
postérieur, et /sa distance focale principale, 

0' l'oculaire, F^ et F^ ses foyers antérieur et postérieur, 
et/' sa distance focale principale, 

S la distance entre F^ et F^ désigné sous le nom d'in^er- 
valle opUquey 

Fi le foyer du système des deux lentilles dans le plan 
duquel se forment les images amplifiées, 

Enfin à' la distance de ce foyer au foyer postérieur F^ de 
l'oculaire. 

La figure 5?. montre comment l'image réelle mn formée 
dans le plan focal principal de l'objectif est transformée par 
l'oculaire et transportée en MN dans le plan focal de Fi con- 
jugué de ¥b par rapport à cet oculaire. 



38 A. L\tSSEDAT. 

Si l'on désigne aclueilemenl OT^ par p et OTj par p', f 
élanl la distance focale principale de la lentille O', comme 
7?=- d-f-/', ô élant supposé connue, on calculerait aisément 
/?', c'est-à-dire la distance à laquelle se forme Timage par 
rapport à l'oculaire, par la formule ordinaire des foyers 

mais en y remplaçant/? par ô-4-/' et/?' par 3' + /', et en fai- 
sant les réductions nécessaires, on la met sous la forme : 

également bien connue sous le nom ^'équation de Newton 
et qui peut se traduire en langage ordinaire : Le produit des 
dislances de Timagc et de l'objet aux plans focaux d'une len- 
tille est égal au carré de la dislance focale de celle lentille, 
théorème général qui s'applique ici à la lentille que nous 
continuons à qualifier d'ocuiaire, si bien qu'avec cette for- 
mule (2), indépendante de/, on déterminerait à' et par consé- 
quent /?', quand on connaît ou que l'on se donne d. 

Mais la valeur de à' n'esl cependant pas arbitraire, car elle 
entre et joue un rôle important dans une autre formule fon- 
damentale qui donne la distance focale F de l'objectif fictif, 
capable de produire immédiatement Tirnage amplifiée en Fi, 
appelée distance foca/e équii^aiente, facile d'ailleurs à éta- 
blir en se reportant à la figure précédente {Jtg, 52) et en se 
servant de la formule (2). 

On voit, en effet, sur cette figure, que le rapport des deux 
images MN et rnn est celui de la distance focale équiva- 
lente F à la distance focale/de l'objectif de la lunette, et l'on 
a, par conséquent. 



d'où 



F 

/ 


MN O'F, /'-t-a' 
rnn O'F i /' -1- ô 







LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGHAPHIQUES. Sq 

el, en remplaçant ô' par*^? puis réduisant, 

(3) Fnz-^'. 



Les formules (2) et (3) contiennent toute la théorie des 
téléobjectifs; elles sont générales et s'appliquent aussi bien 
à ceux qui sont composés d'une lentille concave qu'à ceux 
dont nous venons de nous occuper et pour lesquels elles 
ont été établies. 

Application déjà ancienne aux observations astrono- 
miques. — Pour une lunette astronomique dont les dislances 
focales /et/' de Tobjectif et de Toculaire sont déterminées, 
on peut se donner Tamplificalion désirée, c'est-à-dire la 
valeur de F, et calculer celle de Tiniervalle optique à par la 
formule (3), d'où Ton déduit celle de ô' par la formule (2). 

Prenons pour exemple celui d'une lunette de 3i'® (8i™'") 
d'ouverture et d'une longueur de 1'" environ, dont l'oculaire 
avait une distance focale de o'", 02 et que nous avons employée 
à l'observation photographique de l'éclipsé totale de Soleil du 
18 juillet 1860. 

L'image directe du Soleil au foyer de l'objectif avait un 
diamètre de o"*,oi seulement, et nous avions voulu sextupler 
ce diamètre afin de pouvoir bien discerner sur l'image les 
taches et les extrémités du croissant sur les différentes 
phases de l'éclipsé (*). Il fallait donc obtenir pour l'objectif 
fictif une distance focale équivalente F de 6™. 

En faisant dansl'équation (3) F=: 6'",/r:= i"» et/'=o™,o2, 
on trouve à = 3'"", 3, et cette valeur de à substituée dans l'équa- 



(') La lunette astronomique était disposée horizonlaiemenl ; son orien- 
tation était parfailentient déterminée et les rayons lumineux y étaient 
projetés à l'aide d'un héliostal. Nous espérons pouvoir indiquer plus loin 
la solution du problème do métropliotograptiie céleste qui s'est présenté 
à ce sujet. Nous avons proposé l'emploi de cette disposition constituant 
l'appareil désigné depuis sous les noms de photohéliographe horizontal 
et de sidérostat pour l'observation des passages de Vénus, et il a été 
adopte, en effet, par les astronomes français et américains en 187^ et 
1882. 



4o A. LAUSSEOAT. 

lion (2) donne, pour celle de d\ o™, 121, d'où 3'+/' = o™, i4i 
pour ia profondeur à donner à la chambre noire, à partir de 
Toculaire. Nous pourrions multiplier les exemples de l'emploi 
analogue fait de leurs lunettes par les astronomes, mais nous 
avons plutôt à nous occuper ici de la question des reconnais- 
sances lopographiques faites à distance, et nous y revenons. 

Le téléobjectif à deux lentilles convergentes a été égale- 
ment employé, comme nous l'avons vu (page 36), pour 
obtenir des vues de paysages assez éloignés. A l'occasion de 
reconnaissances faites en 1891 sur la frontière des Alpes, 
M. le commandant, depuis colonel de la Fuye, en a fait très 
habilement usage pour obtenir des renseignements exacts 
à des distances de 7''" à S'^"* et plus. Ses nombreuses expé- 
riences et les résultats qu'il a obtenus sont consignés dans 
un Mémoire très étendu auquel nous engagerions le lecteur 
à se reporter, s'il pouvait se le procurer ( * ). 

Limitation de l'amplification pour les diverses combinai- 

f 
sons de lentilles. — En reprenant la formule (3) F=^/'-^y 

on voit que l'amplification de l'image produite immédiate- 

ment par l'objectif de la lunette dépend du rapport — delà 

dislance focale de l'oculaire à l'intervalle optique. Comme il 
ne saurait être question de réduction, d doit toujours être 
plus petit que/', car pour à=f' la seconde lentille devien- 



( ' ) Mémoire du chef de bataillon Alloite de la Fuye, commandant 
l'École du génie de Grenoble, sur remploi des appareils photogra- 
phiques pour les observations à grande et à petite distances. Autogra- 
phié à l'Ecole du génie de Grenoble^ 1891. 

Dans ce Mémoire, M. AlloLte de la Fuye a étudié, en effet, avec soin, la 
question do la téléphotograpiiie et indiqué les solutions qu'il croit devoir 
conseiller selon les circonstances, par exemple en campagne, dans l'attaque 
et la défense des places, soit de stations fixes, soit d'un ballon captif ou 
d'un ballon libre, pour reconnaître les positions de l'ennemi, observer 
1(3S effets du tir, enregistrer les signaux de télégraphie optique, etc. 

On consultera également avec intérêt le Mémoire sur la téléphoto* 
graphie, publié par M. le capitaine du génie Bouttréaux, dans le numéro 
de septembre 1897 de la Revue du Génie, qui contient des spécimens 
très concluants de résultats obtenus par l'auteur. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 4l 

drail inutile, puisqu'on aurait F=:/;mais à mesure que ô 
décroît, F va en augmentant, même indéfiniment, et il sem- 
blerait qu'avec un s^^stème quelconque de deux lentilles, on 
pourrait obtenir telle amplification que Ton voudrait. 

Il est aisé de concevoir cependant qu'il ne saurait en être 
ainsi et que la question de l'intensité de la lumière transmise, 
de la luminosité de l'image, selon l'expression admise, pour- 
rait devenir insuffisante et qu'elle dépend à la fois des trois 
variables/, /' et d. 

L'expérience aussi bien que la théorie a permis de limiter 
les amplifications convenables aux différentes combinaisons 
des lentilles, amplifications qui, d'ailleurs, pour chacune de 
celles-ci, ont encore une assez grande élasticité. 



XX. — Téléphotographie (suite). 

Téléobjectifs composés d'une lentille convergente et 
d'une lentille divergente, — Vers 189^, en Allemagne et en 
Angleterre, des savants et des opticiens imaginèrent, indé- 
pendamment les uns des autres, des téléobjectifs composés, 
comme la chambre obscure portative de Chr. Wolff, d'une 
lentille convexe et d'une lentille concave (*). 

La figure schématique suivante {fig. 54), que l'on retrouve 
dans la plupart des Ouvrages ou des Mémoires cités dans la 



(') Le distingué fils de l'un de ceux qui ont réalisé les premiers d'ex- 
cellents téléobjectils, Th. R. Dallmeyer, dans la préface de l'Ouvrage 
Telephotography, dont nous donnons le titre complet ci-après, récla- 
ipait le principe de la lentille téléphotographique ( Telephotographic 
Lens) pour son compatriote Peter Barlow, qui Tavait appliqué, dès i834, 
au télescope astronomique et avait entretenu la Société royale «r des 
avantages que l'on aurait à employer une lentille négative dans les 
lunettes terrestres aussi bien que dans les lunettes astronomiques, car, en 
ajustant la lentille divergente, le grossissement peut varier dans une 
certaine proportion sans qu'il soit nécessaire de déplacer l'œil ou de 
perdre Tobjectif de vue. Je ne doute pas, ajoutait Barlow, que cette appli- 
cation et d'autres encore seront faites de l'oculaire divergent ». Evidem- 
ment la conjecture de ce savant était extrêmement judicieuse et sugges- 
tive à la fois, et l'on ne saurait douter qu'il ignorait la découverte faite 
un siècle auparavant par Chr. Wolff. 



/\'?. A. LAUSSEDAT. 

noie ci-dessous (*), montre comment le système d'une lentille 
convexe ou positive et d'une lentille concave ou négative peut 
remplacer un objectif à long foyer, et sa comparaison avec la 
figure 5 1 ne laisse aucun doute sur Tidentité des idées des 
inventeurs modernes et de leurs devanciers des siècles pré- 
cédents. 

En conservant les notations de la figure 53 et en remar- 
quant seulement que la distance â' du foyer Fi du syslènne 
doit être, dans le cas actuel de la lentille amplificatrice diver- 



gente, comptée à partir du foyer antérieur F], de celle lentille, 
les deux formules fondamentales (2) et (3) s'appliquent sans 
autre modification. 

f 
Coefficient d'amplification, — Le rapport- des distances 

focales des deux lentilles a reçu le nom de coefficient d'am- 

fr 

plification; en le représentant par y, la formule F =1- peut 



(•) Voir: Steinheil, Ueber Fer nphoto graphie {Photographie Corres- 
pondenz, 1892). 

Ad. Miethe, D' se, Optique photographique ^ traduit de l'allemand par 
A. NouiLLON et V Hassreidter. Paris. Gauthier-Villars, 1896. 

T.-R. Dallmeyer F. R. A. S., etc., The télégraphie Lens, published by 
J.-H. Dallmeyer ; 1892. 

Thomas T.-H. Dallmeyer, F. R. A. S., etc., Tetephotography, an elemen- 
tary Ireatise on the construction and application of Ihe telephoto gra- 
phie Lens, London, 1899. 

D' P. Rudolph, Guide pour Vusage des objectifs téléphotogra- 
phiques de la maison Garl Zeiss. léiia; 1896. 

Catalogue spécial d'objectifs photographiques. léna, Cari Zeiss; 
1896. 

Max. Loehr, chef de la maison C.-A. Steinheil, à Paris, Du Télé- 
objectif (Annexe du Bulletin de la Société française de Photographie). 

Le même, Sur la détermination des mesures du téléobjectif [Bulle- 
tin de la même Société; 1902). 



L£S INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 43 

êlre aussi mise sous la forme F = 7 >-? mais F, élantrimage 

de F^ par rapport à la lenlille négative / et « le produit 
des distances de Timage et de l'objet aux plans focaux 
étant toujours égal au carré de la distance focale de la len- 
tille », en un mol, la formule â(J' = f"^ s'appliquani encore 
dans ce cas, comme nous Tavons dit, il en résulte que à' ou 

(4) F.r„=-Ç' = iF. 

Remarquons maintenantque Fi peut être considéré comme 
l'image d'un point A de l'axe optique situé à gauche de la 
lenlille positive par rapport à celle-ci et à la distance ô" de 
son foyer antérieur telle que Ton a aussi àà" =/S d'où 

(5) 8''=-Ç = 7F. 

Les formules (4) et (5) peuvent servir à calculer : i° la dis- 
lance FiO' de l'image amplifiée ou du foyer Fj du système 
des deux lentilles à la lentille négative 

FiF:,-0'F'« ou ô'-/, 
c'est-à-dire que 

(6) F.O'^-F-/ 

et 2<» celle de Tobjet A à la lenlille positive OA, qui est égale 
à Fa A ou 8" 4- OFa, c'esl-à-dire que 

(7) OA=:)/F + /. 

Si Ton considère la formule (4) et que l'on imagine le foyer 
antérieur F'^ de la lentille négative repéré sur la monture de 

Tappareil, puisque â'mz-F, si un objectif ordinaire de dis- 
tance focale à' occupait cette place, l'image qu'elle donnerait 
en Fj serait y fois plus petite que celle que l'on obtient avec 
le téléobjectif, d'où le nom de coefficient d amplification 



44 A. LAUSSËDAT. 



f 

donné au rapport j, et le rôle important qui lui a été attribué 

par les auteurs et les constructeurs allemands (*). 

La distance ô' ou FiF,, est naturellement variable comme F 
avec rinlervalle optique ô, et le calcul de ses différentes 
valeurs pour â, égal à 1™% 2™", 3»"'"... 20"" et plus, selon les 
circonstances, sert à régler le tirage delà chambre noire. 

La formule (5) ou la formule (7) qui lient la distance de 
Tobjet à la lentille positive, à rinlervalle optique et à la gran- 
deur de Timage, est utile dans le cas où cette dislance doit 
être prise en considération, par exemple dans un atelier pour 
faire des portraits ou pour reproduire des objets d*art sous 
d'assez grandes dimensions. 

En photogrammétrie, on n'aura à y recourir que pour re- 
lever des détails d'architecture et de construction, en ne 
s'éloignant pas trop des monuments auxquels ils appar- 
tiennent (et cela intéresse surtout les ingénieurs, les archi- 
tectes et les archéologues). Toutes les fois, en effet, qu'il 
s'agira de l'étude du terrain à de grandes distances , on n'aura 
à considérer que la formule (4) ou la formule (6), l'objet 
ou les objets qui composent le paysage ayant leurs images 
dans le plan focal principal du système. 



XXL — Tëléphoiographie (suite). 

Exemples et résultats à V appui des théories précédentes. 
— Nous jugeons inutile, dans un Travail nécessairement res- 
treint aux notions les plus indispensables, d'entrer dans 
d'autres détails sur la construction et les propriétés des objec- 
tifs téléphotographiques, en particulier sur la construction 
des éléments positifs et négatifs et sur leurs nombreuses 
conrïbinaisons deux à deux, détails que l'on trouverait dans 
les Traités spéciaux ( ^ ) et dans les Brochures auxquelles nous 



( ) Voyez la Brochure déjà citée du D' P. Rudolph intitulée : Guide 
pour Image des objectifs télé photo graphiques et le Catalogue spécial 
<t objectifs photographiques de la maison Garl Zciss, d'iéna, 1896. 

( ; larmi les nombreuses publications de la maison Gautiiier-Villars, 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 4^ 

avons déjà plusieurs fois renvoyé le lecteur (Noies des 
pages 4o et 42). Nous nous bornerons à dire que ces combi- 
naisons répondent à toutes les circonstances que Ton s'est 
efforcé de prévoir et qui sont classées sous ces trois chefs : 
Portraiis, détails d'architecture et paysages, en y joignant 
Tune des deux conditions de l'instantanéité ou de la pose 
prolongée. 

Les distances focales des deux lentilles et la valeur du 
coefficient d'amplification qui en résulte, le format de la 
plaque, en relation avec la longueur du tirage de la chambre 
noire, qui dépend elle-même de l'intervalle optique aussi bien 
que la distance focale équivalente du système (de laquelle 
on peut déduire l'angle optique ou le champ), sont indiqués 
ou calculés dans des Tables où il ne reste qu'à choisir la com- 
binaison dont on a besoin (* ). 



qui ont déjà contribué au progrès de la construction des objectifs photo- 
graphiques en France, nous signalerons en particulier les Ouvrages sui- 
vants dans lesquels le lecteur trouverait les renseignements qu'il nous 
était impossible de donner ici : 

E. "Wallon, Traité élémentaire de robjectif photographique, 1891. — 
E. Wallon, Choix et usage des objectifs photographiques. — Lieute- 
nant-colonel MoESSARD, Étude sur les lentilles. — Capitaine Houdaille, 
Sur une méthode d'essai scientifique et pratique des objectifs photo- 
graphiques, 1894. 

Ajoutons que M. le capitaine, aujourd'hui commandant Houdaille, a 
entrepris depuis plusieurs années d'importantes études sur la construc- 
tion des objectifs et des téléobjectifs. Deux habiles opticiens de Paris, 
MM. Clément et Giimer, avaient même exécuté déjà, en 189a, plusieurs 
téléobjectifs qui ont été mis à l'épreuve par le commandant lui-même, 
par le commandant Fourtier, etc., et qui ont été trouvés irréprochables. 
Nous donnons, planche V, un spécimen des résultats auxquels on parvient 
avec ces instruments, qui méritent d'être signalés tout spécialement. 

(*) La luminosité des images et le temps de pose résultant qui dépen- 
dent du diamètre de Tiris et de la distance focale équivalente sont égale- 
lement indiqués dans des Tables dites Tables des diaphragmes. 

Au nombre des questions sur lesquelles il convient d'appeler la plus 
sérieuse attention des opérateurs qui ont à employer le téléobjectif, celle 
de l'état de l'atmosphère et de Téclairage des objets éloignés doit être 
mise au premier plan. Nous ne saurions mieux faire, pour édifier le 
lecteur^ à ce sujet, que de le renvoyer à l'article que le distingué Directeur 
de la Photographie française, M. Louis Gastine, a publié dans cette 
Revue et qu'il a illustré d'un grand nombre d'épreuves prises à des 
distances très différentes, quelques-unes très grandes, à travers l'atmo- 
sphère de Paris, obtenues avec d'excellents téléobjectifs de M. Jarret. 

Les figures 55 et 5G, dont les clichés ont été mis gracieusement à 



Le coerncieiiL d'-implificaiion y n'osl jnmais irès grand dans 
ces combinaisons; ii varie, en général, de 2,3 à 3,5 el piieîni 
exceplionnellemetit i,r>. Les intervalles optiques graves sur 



! ICS I tJ 






s Invalides (Montmartre i dro 



la monture du tube à mouvement de lorgnette, qui porte à 
ses deux exltémiiés la lentille positive el la lentille négative 



noire disposriioti par M. Gasline, témoignent de cette influence de l'état 
de l'almosphère. Sur la première, avec un grossissement modéré, c'est 
à peine si Von soupçonne à droite l'existence du monument du Sacré- 
Cceur de Montmartre, que par un temps plus favorable on a pu obtenir 
(fis- 5") eu employant même un grossissement beaucoup plus considt- 



LES IN'STBVMENTS, LES UÉTHODBS ET LE DESSIN TOI>OGBAPHIQtJES. 47 

avec l'iris dont l'ouverlure esl réglable (_/(§-. 57 et 58), varient 
de !""■ à 20""" et jusqu'à 60'"'", 

Les dislances Tocaies de la lentille positive sont comprises 




Églis 



du Sacré-Coeur de Montmarlre 



entre lao""" et 375""" et celles de la lentille négative entre 
2;"'" et iiS""" ('). 

Nous n'avons pas à examiner toutes les combinaisons de 
lentilles que l'on peut faire dans les limites ainsi adoptées 

(') Excepllonnellementpour la lentille positive on est de^^cendu à 10"" 
et l'on est allé jusqu'à (la"-, comme nous le verrons; enfin, pour In loiitille 
négative on est allé jusiiu'A auo"-. 



48 A. LAL'SSEDAT. 

el donl le choix dépend, nous le répélons, des circonstances 
FiR. 57. 




dans lesquelles on doil opérer. Nous nous en tiendrons 

Fis. ■'i«- 




donc a deux exemples correspondant à des cas extrêmes, en 



LKS INSTRL'UKNTS. LKS MÈniODES ET LK HESSIN TOPOGHAPJIIQirES. jg 

commençant par le plus modesle el le plus économique 
déjà suscepEibie néanmoins de nombreuses el inléressanies 
applications. 

Téléobjectif utilisant une chambre obscure ordinaire. — 
Plusieurs construcleurs en France el à l'étranger ont naUi- 
rellemeul cherché à utiliser des objectifs et des appareils 
courants. M.Beliieni,de Nancy, dont les excellentes jumelles 




stéréoscopiques sonl bien connues, a donné l'une des solu- 
tions les plus simples et les plus complètes que nous con- 
naissions et que nous allons indiquer en y joignant des 
spécimens des résultats obtenus qui répondent aux trois cas 
principaux de la pratique. 

Sur la chambre noire ordinaire ou sur l'une des moitiés 
d'une jumelle sléréoscopique, on dévisse l'objectircorrespon- 
dant que l'on place à l'une des extrémités B {fig. Sg) d'un 
petit tube en aluminium, à l'autre extrémité C duquel se 
trouve b lentille négative amplificatrice, et l'on visse le tube 
ainsi préparé, qui constitue le téléobjeciif, à la place de 
l'objectif simple. 

La figure Sg représente l'ensemble de l'instrument dans le 
cas d'une jumelle sléréoscopique. 

i- Série, i. jy. 4 



5o 



A. LAUSSEDAT. 



En partant des dimensions des plaques 8 X 9 et 9 x 12 et 
des distances focales de//8 1 10'""" et de //S i36"™™ des objec- 
tifs employés dans la construction de ses jumelles, M. Bel- 
lieni a réalisé quatre types de téléobjectifs avec des lentilles 
négatives de — 27^"* et — 45"»°* de distance focale dont le 
grossissement varie de 4 à 6 diamètres. 

Nous prendrons pour exemple la combinaison la plus 
réduite, celle de l'objectif de no™'" et de la lentille négative 
de ■— 27™™, le coefficient d'amplification y étant alors sensi- 
blement 4- Quant à Tamplification de l'image, elle est de 
5 diamètres environ, la distance équivalente ayant été faite 
de 533""", qui correspond à un intervalle optique de 55'"'". 

Pour rendre ce système propre à photographier les objets 
rapprochés, sans qu'il soit nécessaire de toucher à la chambre 
noire pour la mise au point directe, que Ton évite ordinaire- 
ment avec les appareils à court foyer, on modifie cet inter- 
valle optique en écartant très légèrement les deux lentilles 
Tune de Tautre. 

A cet effet, le tube {fig, 60) porte une graduation dont les 



FiV 



&• 



60. 




EjtM/LV. On. 



chiffres indiquent les différentes distances des objets rappro- 
chés : 5™, 10™, 9.0'", 3o"*, 5o"', que Ton veut pouvoir photo- 
graphier en profitant du pouvoir amplifiant du téléobjectif. 
Cette graduation a été faite avec le plus grand soin dans l'ate- 
lier par le constructeur sur un collimateur à foyer variable 
qu'il serait inutile de décrire ici. 

La section faite dans le tube montre comment on peut 



I.ES INSmiiMENTS, LKS MKTIiaDËâ ET I.K DESSIN TOL'OIIHAI'IIIQLES. 5l 

écarter les deux lentilles en faisant tourner ce tube, dont, 
l'extréniilé inTéiieure est Uletée, dans un écrou porté par lu 
monture de la lentille négative et dont le pas de vis eal seule-. 
ment de o""*,©;. 

Pour les objets situés au delà de Su*", on ndmet que la dis- 
lance des lentilles doit rester invariable et la division qui 




porte le signe de l'œ correspond alors à l'encoche pratiquée 
dans la monture de la leiilille négative. 

Pour les objets moins éloignés, le déplacement se fait par 
un tour ou même une fraction de tour, mais pour ceux qui 
soni très rapprochés ii faut plus d'un tour. Nous devions 
entrer dans ces détails pour expliquer la nettelé qu'une mise 
au point rigoureuse fait obtenir pour les images dont nous, 
donnons des spécimens {/ig. 6i et 6i). 

La première {Jig. 6i) suppose l'instantanéité et montre 
que l'on peut utiliser le pouvoir amplifiant de ce téléobjectif 
pour le portrait, pour des groupes rapprochés et même pour 



les objets en mouvemeiil. La seconde (/g". 63), qui repré- 
sente un bas-relief du lympan du grand portail de l'église 
d'Epvre, à Nancy, fait voir le parti que les arcbîtectes 
peuvent tirer de ce dispositif et nous ajoutons, par anticipa- 
lion (car nous allons y revenir dans le paragraphe suivant). 




Kpre 



z faible dislance. 



que le cliché de la figure 62, amplifié de cinq à isix fois, donne 
une magnifique représentation de ce bas-relief que nous 
regrettons de ne pouvoir mettre sous les yeux du lecteur, à 
cause de ses grandes dimensions. 

Pour les vues de paysages ou d'objets assez éloignés, 
rînde\ resie toujours en contact avec la division qui porte le 
signe de l'so et Ion n'a pas à toucher au lube. 

Nous donnons {Jig. .&i) une vue de Maizéville et de ses 
environs, près de Nancy, prise de Chanipigneulles, de l'aulre 
côlé de la Meurthe, avec l'objectif de uo™"" de distance 
focale, seul, et l'on verra sur la Planche III la vue d'une partie 



LE OliSSIN TOPOGRAPIIIQUES. 5J 

de la ville avec le pont situé en avani, lequel est à 5'"" de la 
slaiion, prise à l'aide du téléobjeclif. 

Il y a lieu de faire observer loulefoîs que le champ de 



Vue de Maliéville prise de Champignculks. 

l'image de la figure 62, quî est de ^5" environ, se trouve 
réduit à ^"So' pour l'image de la figure 63, 

Remarque importante concernant les défauts d'achroma- 
tisme. — Dans le bui de garantir les épreuves des effets 
d'un défaut d'achromatisme des lentilles, on a soin de n'ad- 
mettre que de la lumière jaune en interposant au-devant de 
l'objectif une lame de verre de cette couleur. 

Agrandissement éventuel des images. ~ Comme les verres 
du petit appareil que nous venons de décrire, objectif et len- 
tille négative, sont d'excellente qualité (et l'on ne doit pas en 
employer d'autres dans la construction des téléobjectifs), la 
netteté et la finesse des images sont telles qu'on peut encore 
soumettre ci>IIes-ci à un agrandissement au moins du même 
ordre que celui qu'a produit, immédiatement et sur place, le 
téléobjectif. 



54 . A. LAISSEDAT. 

Celle seconde opération qui suit la révélation et la fixation 
des premières épreuves, et que tout le monde sait faire, actuel- 
lement, peut eire effectuée à loisir, à moins qu'on ne soit 
pressé d'ohienir le résultat, comme cela aurait lieu, dans 
Tattaque ou la défense d'une place ou dans d'autres circon- 
stances urfçentes, à la guerre. Fort heureusement, toutes les 
manipulations nécessaires, déjà bien simplifiées, deviennent 
de plus en plus rapides, si bien qu'avec un matériel de cam- 
pagne facile à organiser ou même à improviser, on en vien- 
drait très vite à bout aujourd'hui. Sans donc nous en inquiéter 
davantage ici, nous mettons sous les yeux du lecteur {PI, III) 
un fragment de l'agrandissement représentant la partie qui 
comprend le pont de Maizéville, la Meurthe et les maisons 
voisines. 

En comparant les dimensions d'un même édifice d'une assez 
grande étendue, la longueur du pont, par exemple, sur la 
figure et sur la planche, on trouve que le rapport de l'agran- 
dissement est de 6,5; par conséquent, l'image définitive est 
celle que l'on aurait obtenue avec un objectif dont la distance 
focale eût été de o"',533x6,5 ou de 3™, 465, en nombres 
ronds 3'",5o. Or, si nous nous reportons aux vues dessinées 
pendant le siège de Paris, à l'aide d'une chambre claire 
adaptée à des luneties dont le grossissement moyen était 
de 5o (ce grossissement variait de 35 à 65), nous avons vu 
{Annates, t. 111/3*' série, p. 524) qu'au lieu de 3™, 5 pour le 
rayon du panorama auquel on pourrait rapporter l'image de 
la Planche VI, le rayon des nôtres atteignait et dépas- 
sait i5". 

Bien qu'à la rigueur, on puisse augmenter le rapport de 
l'amplification, on doit reconnaître que, pour de plus grandes 
dislances comme celle de lo''"» à i5''"» et même davantage, que 
l'on peut avoir à considérer à la guerre, il convient de re- 
courir à des téléobjectifs plus puissants. 



/;•: 



LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LK DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. "O > 



XXII. — Téléphotographie (suite). 

Téléobjectif à long foyer exceptionnel. — Prenons donc 
maintenant l'exemple du téléobjectif composé d'une lentille 
positive de o™,6o de dislance focale et d'une lentille néga- 
tive de o™,2o. Avec un intervalle optique de o'",oi, la dis- 
lance focale équivalente de ce système est de 1-2"'. La dis- 
lance de l'image à la lentille négative étant, comme on le 

sait, - F — /' (y égal à 3 et Fà i^'"), la longueur delà chambre 

noire à y adapter dans ce cas est de 3"*, 80; on devine d'ail- 
leurs qu'une pareille chambre doit être construite économi- 
quement et installée sur des tréteaux improvisés au besoin, 
tout en présentant les garanties nécessaires de stabilité et 
d'étanchéité à la lumière, 

La Planche IV représente une partie seulement d'une vue 
de Frascati prise du Monte Mario, près de Rome, avec le télé- 
objectif dont il s'agit construit par Steinheil fils, de Munich (*). 
L'épreuve entière était obtenue sur une plaque du format de 

3ox4o. 

La distance qui sépare Frascati de la station était de ii^"^. 
Nous n'avons pas besoin de dire que le cliché aurait pu être 
repris et amplifié de six à dix fois, car on avait eu le soin 
d'interposer le verre jaune en avant de l'objectif pour obte- 
nir des images d'une grande netteté; mais, à moins de cir- 
constances tout à fait rares, cette amplification ne semble pas 
nécessaire et l'examen attentif d'une telle image prise à une 
grande distance, qui renferme tant de détails et de renseigne- 
ments, convaincra sans doute tous les lecteurs intéressés 
que l'art des reconnaissances ne saurait négliger une res- 
source aussi précieuse. 

Nous pouvons ajouter que cette ressource est, en effet, 



(0 Le prix de cet objectif est assez élevé (lôoo^') pour que son emploi 
soit nécessairement limité; mais les services qu'il peut rendre sont d'un 
ordre tel que cette considération devient secondaire dans certains cas. 



50 A. LAUSSEDAT. 

mise 1res sérieusemenl à profil dans Tarmée, aussi bien en 
France qu'à Tétranger, pour effectuer des reconnaissances 
au delà ou, pour mieux dire, par-dessus la frontière. 

C'est ainsi qu'avec le même objectif de Steinheil, en faisant 
l'intervalle optique de o"',o2i, d'où F = 5^,70, ce qui réduit 
la longueur totale de l'appareil à 2"™, 60, on obtient sur des 
plaques de 21 X ^'j des images sur lesquelles on peut dis- 
tinguer des créneaux jusqu'à i5^"* de distance, les pièces 
d'une batterie jusqu'à 22''°', les portes et les fenêtres d'un 
bâtiment jusqu'à Sa"^"*. 

Les résultats récents si remarquables que nous venons de 
résumer ne sauraient faire oublier ceux qui ont été obtenus, 
dès 1892, à l'aide des premiers objectifs de Dallmeyer, et qui 
n'ont pas encore été dépassés, à notre connaissance, en par- 
ticulier par M. Frédéric Boissonnas, de Genève. 

Nous donnons {PL V) une réduction, à moitié de sa 
vraie grandeur, de 5ox6o, d'une vue du mont Klanc prise 
par cet babile photographe, de Saint-Cergues, dans le Jura, 
c'esl-à-dire d'une dislance de 90*"" du sommet. 

D'après les renseignements que nous avons pu obtenir de 
MM. Th. Dallmeyer et F. Boissonnas, renseignements demeu- 
rés un peu vagues sur certains points, en nous conformant 
aux notations précédentes on aurait eu/ = o"S222,/' = o"^,o6i 
avec un grossissement de 36, d'où F^nS"", ce qui donnerait 
2'" environ pour la longueur totale de la chambre noire, au 
lieu de 1"™, 5o indiquée par M. Dallmeyer. 

Il convient toutefois de reconnaître que ce merveilleux 
résultat n'a pas été atieint sans peine. M. Boissonnas a com- 
mencé ses essais en mai et n*a pleinement réussi qu'en août 
et septembre. Il fallait attendre que le temps fût favorable, ce 
qui n'arrive qu'assez rarement et vers la fin de la journée, 
presque au coucher du soleil. L'interposition d'un écran jaune 
foncé était indispensable et la durée de la pose de i5 minutes 
qui résultait de toutes ces circonstances pouvait faire manquer 
répreuve, les dimensions de l'appareil donnant prise au vent. 
Ajoutons que M. F. Boissonnas disposait d'excellentes plaques 
orlhochromaliques préparées par son frère. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET' LE* DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 67 

XXIII. — Conditions diverses dans lesquelles sont obtenues 
et utilisées les images dessinées ou photographiées. 

Images dessinées à Vœil nu y à la chambre claire ou au 
Télémétrographe, — Généralement les paysages dessinés 
par les artistes sont ou devraient être des perspectives sur un 
tableau situé à la distance de la vue distincte de chacun d^eux, 
mais il y a cependant de nombreuses exceptions. Quand on 
emploie la chambre claire, cette distance est nécessairement 
celle à laquelle est disposée la planchette et, lorsqu'on inter- 
pose une lunette pour amplifier l'image d'une partie de la vue 
qu'on. y projette, la planchette conserve la même place. 

Dans ce dernier cas, l'opérateur réalise pour ainsi dire gra- 
phiquement le grossissement de la lunette puisque, au lieu 
de l'image qu'il voyait à l'œil nu, il dessine l'image virtuelle 
partielle produite par l'interposition de la lunette à la distance 
qui convient à sa vue. 

Distance de la vue distincte prise pour unité. — Instincti- 
vement la distance de la vue distincte se trouve ici prise pour 
unité et il en doit être ainsi dans tous les cas; seulement, 
comme elle n'est pas la même pour tous les observateurs, il 
convenait d'adopter une valeur moyenne et les uns ont 
pris G"*, 3o, les autres o"', 25. Il n'y a d'ailleurs rien d'absolu dans 
le choix que l'on peut faire de l'une d'elles, et nous ferons 
remarquer que déjà nous avions conseillé non seulement de 
dessiner les vues à la chambre claire, à cette distance de 
o*",25 à o'",3o (qui s'imposait), mais de la choisir pour dis- 
lance focale des photothéodolites, à moins de la restituer en 
agrandissant les épreuves. Il y avait deux raisons pour cela; 
la première, c'est qu'il convient de donner aux rayons visuels 
tracés en projection sur la feuille de dessin une longueur 
analogue à celle de la règle de l'alidade qui convient à la con- 
struction des plans, et la seconde de conserver aux images 
l'aspect auquel l'œil est accoutumé. 

Mais on se trouve souvent dans l'obligation d'enfreindre 



58 A. LAUSSEDAT. 

celle règle, principalemeni quand on emploie la phoiographie, 
el il convîenl d'examiner les deux cas suivants très difFérenls 
Tun de Taulre. 

Images dans les appareils ordinaires. — Les appareils 
que Ton emploie le plus habiluellemenl onl une dislance 
focale inférieure à o"',25; par conséquenl, les images sont 
réduites ; si, par exemple, celte dislance est comprise entre 
o™,i2 el o™,i5, de o™,i35, qui est assez usuelle, en doublant 
la grandeur des images, on aura les mêmes que celles d'un 
appareil dont l'objectif aurait o™,^7 de distance focale. 

Avec un objectif de 0^,07 comme celui que nous avons 
proposé d'employer pour le pholoihéodolite à lunetie cen- 
trale, à l'usage des explorateurs, pour réduire le volume el le 
poids de l'instrument, tout en éianl grand angulaire, il fau- 
drait quadrupler les images pour retrouver celles qui corres- 
pondraient à la dislance de la vue distincte. £n conseillant de 
les tripler seulemenl ou à peu près, c'est-à-dire de se con- 
tenter de les ramener à la grandeur de celles que donnerait 
un objectif de o'",2o environ pour conserver le formai cou- 
ranl de i3x 18, nous avons fail un sacrifice, puisque ces 
dernières doivent être considérées comme réduites. 

Il y a donc de légères dérogations auxquelles on est bien 
obligé de se résoudre dans la pratique. Il sera toujours pré- 
férable néanmoins de se rapprocher aulanl que possible de la 
grandeur normale des images correspondanl à la dislance de 
la vue distincte. 

Images dans les téléobjectifs. — Les images que l'on 
demande aux téléobjectifs, même les moins puissants, sont 
toujours plus grandes que celles que l'on obtiendrait avec un 
objectif de o"^,25 à o"^,3o de distance focale. Ainsi, avec le 
téléobjectif de Bellieni, donl la lentille positive a 110™°* el la 
lentille négative 27™°* de dislance focale, on ne cherche pas à 
obtenir d'images qui soient amplifiées moins de cinq fois, ce 
qui correspond à une distance focale équivalente de plus de 
o™,5o, c'esl-à-dire à une image environ deux fois plus grande 
que celle donl nous avons jusqu'à présent conseillé l'emploi. 



LES INSTRUMENTS, LES AlÉTIIOOES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. OQ 

Dans des circanslances exceplionnelles, on pourrait à Ja 
rigueur utiliser de telles images (obtenues sans cette préoc- 
cupation) en les combinant deux à deux par la méthode des 
intersections, mais il eût beaucoup mieux valu, dans ce but, 
se contenter de la lentille positive, c'est-à-dire de Tobjeclif de 
•iio^"%donl le champ est beaucoup plus considérable que 
celui du téléobjectif ( * ), et agrandir par le procédé ordinaire 
les images avant de s'en servir. 

Cependant, comme on peut agrandir les images fournies 
par le téléobjectif et que, pour des objets très éloignés, on a 
besoin de le faire, les distances focales équwalentes aux- 
quelles on arrive ne se prêtent plus que très difficilement à 
la méthode des intersections. 

En réalité, de même qu'avec les vues prises au lélémétro- 
graphe, dès que la distance du point de vue au tableau 
dépasse i™, on ne doit plus chercher à s'en servir que pour 
y découvrir des renseignements qui peuvent d'ailleurs se tra- 
duire en évaluations des distances, si l'on connaît la gran- 
deur des objets, ou de celle grandeur elle-même, si l'on 
connaît la dislance de l'objet considéré à la station. 

Nous rappellerons, à ce propos, les chiflFres que nous 
venons de donner un peu plus haut, à savoir que tandis 
qu'avec les télémélrographes employés pendant le siège de 
Paris, la distance équivalente du point de vue au tableau 
atteignait et dépassait i5'" (jusqu'à 20") pour les images 
obtenues couramment avec le téléobjectif de Bellieni et 
agrandies de six à sept fois, cette distance équivalente n'est 
que de ^^y^o environ et qu'il faut recourir à des chambres 
noires de très grandes dimensions si l'on veut obtenir des 
images sur un tableau dont la dislance équivalente soit com- 
parable à celles de nos télémélrographes, comme la vue de 
Frascati. 

Nous n'en conclurons pas, on le sait bien, que le télé- 
objectif n'est pas destiné à rendre les plus grands services, 



(') On démontre facilement que dans les lunettes ou plus généralement 
dans les systèmes optiques, le champ est en raison inverse du grossisse- 
ment. 



6o A. LAVSSEDAT. — LES INSTRUMENTS, LES HliTHonES, ETC. 

mais il ne nous esl pas moins permis de recommander encore 
une fois l'emploi du télémélrographe si facile à improviser 
en loutes circonsiances, et dont un dessinateur lani soil peu 
exercé peut toujours tirer parti, en l'absence d'appareils 
téléphotographiques. 

Personne ne nous soupçonnera d'ailleurs de vouloir substi- 
tuer le télémélroeraphe à la téléphotographie... Nous savons 
trop que partout on s'occupe de faire construire des instru- 
ments du genre de ceux que nous venons d'étudier, destinés 
aux reconnaissances en temps de paix et en temps de guerre, 
et dont la puissance dépend des circonsiances dans lesquelles 
ils doivent être employés, à terre, à bord des bâtiments ou en 
ballon. Tantôt ce sont des objectifs à long foyer pour des 
reconnaissances partielles bien définies; tantôt des systèmes 
de téléobjectifs adaptés à des chambres noires de grandes 
dimensions et montés sur de véritables affûts. En un mot, il y 
a là comme un nouveau matériel de guerre en voie de forma- 
tion, sur quelques-unes lies propriétés duquel nous nous pro- 
posons même d'Insister. 

(A suivre.) 




ETUDE 

SUR LÀ 



SOLUBILITÉ DU SULFATE DE CHAUX, 

Par H. BOTER-GUILLON, 

Ingénieur civil des Mines, 

Préparateur du Cours de Mécanique appliquée aux Arts, 

au Conservatoire national des Arts et Métiers, 



Eocposé. — Nous avons déjà publié, dans les Annales du 
Conservatoire des Arts et Métiers et la Revue de Méca- 
nique (*), Télude de la courbe de solubilité du sulfate de 
chaux de 100° à 200". C'est pour compléter ces recherches que 
nous comnnuniquons aujourd'hui le résultat de nos dernières 
expériences concernant la solubilité de ce sel entre les tenn- 
pératures de 0° et 100°. 

Nous avons, coïnme dans les expériences précédentes, opéré 
en présence de Teau distillée. 

Recherches antérieures. — Les études antérieures sur la 
solubilité du sulfate de chaux sont beaucoup plus nombreuses 
aux températures inférieures à 100® qu'au-dessus; mais mal- 
heureusementles chiffres donnés par la plupartdes expérimen- 
tateurs qui se sont occupés de ces recherches sont loin de 
concorder entre eux. Nous allons, en quelques mots, rappeler 
les travaux les plus importants; on en trouvera du reste la 
bibliographie à la fin de cette noie. 

Dictionnaire de Chimie pure et appliquée (Ad. Wurtz, 
1870): «Le sulfate hydraté CaOS03,2H'-0, cristallisé dans le 

" ■■■■ -■ ■■■— .1.1 ■■■.^■■.-■■M ■■^■■-1 I I ^^m 

(') Voir : Revue de Mécanique, numéro de janvier 1901, p. i. — An- 
nales du Conservatoire des Arts et Métiers, 3" série, t. 11. 



&'A BOYER-Gl'ILLON. 

)> système du prisme rhombpïdal, a pour densilé 2,3i, il con- 
» lient 29,9 pour 100 d'eau de cristallisalion, il perd cette 
)) eau à 800 à l*air libre et à iiô"* en vase clos. Il reprend 
)) cette eau de cristallisation très facilement en augmentant 
» de volume. 

» 1000 parties d'eau dissolvent un peu plus de 2 parties de 
» ce sel à 100°. 

M A 0° : 2,o5 parties, et à 35*> : 2,54 parties. 

» 1000 parties d'une dissolution saturée de sel marin en 
n dissolvent 8,2 parties. 

n A 120» il se dépose dans les chaudières sous la forme 
» de 2 (SO*Ca) H*0. » 

Dans le deuxième Supplément de 1894 du même Diction- 
naire on trouve encore les renseignements qui suivent 
relatifs aux si intéressantes expériences de M. Le Chatelier : 

« M. Le Chatelier a étudié les phénomènes de la cuisson du 
» plâtre, en se bornant aux températures peu élevées. £n 
)) chauffant progressivement du gypse dans un bain de paraf- 
)) fine, M. Le Chatelier a confirmé d'anciennes expériences 
n de (iraham qui avaitconstaté deux temps d'arrêt dans la loi 
» d'échaufîement : d'après M. Le Chatelier, ces points seraient 
)) fixés l'un à 128°, l'autre vers i63«. La déshydratation est 
)) complète vers 194*' et la quantité d'eau abandonnée dans la 
)) première phase correspond exactement à i,v5 U*0. Le produit 
)) obtenu peut êire représenté par la formule S0*Ca,o,5H*0 
» et renferme 6,2 pour 100 d'eau; c'est le terme ordinaire 
)) de la cuisson du plâtre qui renferme généralement 6 à 
)) 7 pour 100 d'eau. M. Le Chatelier a réussi à préparer à 
)) l'état cristallisé le composé SO^Ca^OjSH^O en chauffant 
» à i^o"" en tube scellé une solution saturée de sulfate de 
)' calcium. C'est un corps qui constitue pour la plus grande 
)) partie les incrustations des chaudières alimentées avec de 
» l'eau de mer. » 

WuRTz. Premier Supplément. — « Hoppe-Seyier a con- 
» staté la production d'anhydriie lorsqu'on chauffe le sulfaie 
» de calcium hydraté avec une solution de chlorure de 



ÉTUDE SUR LA SOLUBILITÉ DU SULFATE DE CHAUX. 63 

» sodium à i3o° sous pression. Avec Teau pure à i4o«-i6o^ 
» la déshydratation n'est que partielle », etc. 

On trouve ensuite les chiffres suivants relatifs à la solubilité 
de ce sel. 

jooo parties d'eau : 

à 12** dissolvent % parties de sel (Lecoq de Boisbaudran) 
i6",5 » 2,19 » ) 



22" » 2,352 » \ 



20°, 5 






2,247 
2,38i 






(Cessa) 
(Church) 



D'après Church, l'acide carbonique diminuerait cette solu- 
bilité. Il en serait de même du chlorure de calcium. 

L'examen de la solubilité du sulfate de calcium entre o** 
et loo*» confirme l'existence d'un maximum de solubilité déjà 
signalé par Poggiale. D'après M. Marignac, ce maximum est 
situé entre 32" et 4i*'« Suivent les chiffres obtenus par cet 
expérimentateur. Ils indiquent la quantité d'eau nécessaire 
pour dissoudre une partie de sel : 



à o° 525 parties 

i8° 488 » 

24° 479 » 

32" 470 » 

38** 466 » 



à 4i" 468 parties 

53" 474 » 

72" 495 » 

86'' 528 » 

... 5? I 



99''- 



D 



Dans cetie étude, M. Marignac met les expérimentateurs en 
garde contre la sursaturation qui se produit avec une grande 
facilité, si l'on n'a pas soin d'agiter et d'opérer très longue- 
ment. Nous verrons plus loin par quel dispositif nous nous 
sommes mis à l'abri de cet inconvénient. 

Enfin nous citerons les très intéressantes études du profes- 
seur Van't Iloff qui ont fait l'objet d'une Communicaiion à 
l'Académie des Sciences de Berlin (1900, t. XXVIII, séance 
du Si mai), dans laquelle il établit que le point de transfor- 
mation du SO*Ca, 2H2O en SO^Ca, OjSH^O esl, en présence 
de l'eau, 107^ avec une tension de vapeur de 970™'". En pré- 
sence d'une solution saturée de chlorure de sodium le point 
de transformation est 77", i. 



64 BOYER-GUILLON. 

Objet des expériences. — Nous avons entrepris celle 
nouvelle série d'expériences dans le but de compléter nos 
premières recherches et de mettre en évidence les points de 
transformation du sulfate de chaux à 2*^^5 d'eau en sulfate 
à 0^1,5 d'eau et finalement en sulfate anhydre. 

Le premier de ces points de transformation qui a lieu à 107°, 
comme Ta montré le professeur Van'l HoflF dans ses expé- 
riences, se traduit très nettement par un point anguleux dans 
la courbe de solubilité. 

Quant au point de transformation en sulfate anhydre, aucun 
point singulier de notre courbe générale n'en fait pressentir 
la présence dans les limites de températures où nous avons 
opéré. 

Méthode d'expérience. Principe, — La méthode à laquelle 
nous nous sommes arrêté est la suivante : 

Du sulfate de chaux en excès est maintenu en suspension 
dans une certaine quantité d'eau distillée ; c'est par insufflation 
d'air comprimé à travers la masse liquide que nous sonnmes 
parvenu à brasser convenablement et d'une façon coniinue 
le sulfate soumis à l'expérience. En outre cette agitation avait 
l'avantage de maintehir en tous les points de la solution expé- 
rimentée la même température. 

Un filtre spécial immergé dans la solution permeltail de 
recueillir le liquide filtré à soumettre à l'analyse. 

Le point délicat dans ces expériences a été de maintenir 
une température constante et parfaitement stable pendant 
plusieurs jours. 

Choix d'un régulateur de température, — Nos premières 
recherches ont donc porté sur l'étude d'un régulateur de 
température. Nous avons soumis à l'expérience un grand 
nombre de régulateurs, dans un appareil spécial. 

Appareil d'essai des régulateurs, — Cet appareil se 
compose en principe (/g*. 1 ) d'une éprouvetle A contenant une 
faible quantité d'eau dans laquelle plonge le régulateur à expé- 
rimenter. Un vase de Mariotle D vient alimenter l'éprouvetie 



ETUOE SL'R LA SOLUBILITE DU SL'LFATE DE CHAli'X. 65 

et y maintenir un niveau constant. Le gaz, après avoir traversé 
le régulateur, vient chaulTer l'enceinte fi par la cheminée C et 
les produits de la combusiion s'échappent par E. Nous avons 
reconnu que, pour maintenir dans l'appareil des températures 
très voisines de l'air ambiant, il était bon de placer dans la 




égb^de; D.vasedaMa 


riolta pour al 


meoter l'éprouvelte A. — 


chauffage. — C, chem 


lée d'arrivée 


lès gai chauds. — E, che 


— F, bec régulateur d 


u tirage . 





i-appal. 



cheminée E un bec de gaz F au moyen duquel on peut, dans 
une certaine mesure, augmenter ou diminuer la circulation 
d'air dans le circuit CBË. On peut, en effet, en activant le 
courant d'air, utiliser dans le bec chauffeur une flamme plus 
forte pour une température plus basse, et partant augmenter 
la sensibilité du régulateur employé. 

Après avoir expérimenté un certain nombre de régulateurs, 
nous nous sommes arrêté au régulateur type Chancel repré- 
senté figure 3 et dont les dimensions caraciérisliques sont les 
suivantes : 



66 



BOYER-GUILLON. 



Dimensions du réservoir de mercure : 
Hauteur i4o 



mm 



Diamètre. 



10 



mm 



Surface de la section au droit du biseau de l'arrivée du gaz 38"°»', 5. 
Biseau très peu prononcé et pointe effilée. 
Angle du biseau : io<> avec Thorizontale. 
Diamètre intérieur de la pointe d'arrivée du gaz : 2' 



,mm 



Ce type de régulateur nous a donné de très bons résultais. 
Pendant plusieurs jours, les écarts de température ne 



Fig. 2. 




jl Arrivée dugaix 



j Départ du gaz 



Régulateur de température, type Chancel. 



dépassaient jamais 2 ou 3 dixièmes de degré. Pendant ces 
essais, le liquide de Téprouvette était brassé par un échap- 
pement continu de bulles d'air. 

Description des appareils, — Nous avons utilisé deux 
appareils différents, Tun pour les basses températures, l'autre 
pour les températures élevées. 



rVDE Sun LA SOLUBILITE DIT 



Appareil à glace. — Notre appareil pour les basses tem- 
pératures se compose d'un seau de zinc fort A {fig. 3) percé 
de trous à sa partie inférieure; sur le fond repose un tré- 
pied H qui supporte le vase en verre B dans lequel est 
contenu le liquide à soumettre à l'expérience. Une lubu- 




Appareil à gli 



LÉOENDB : B, vase en verre conleaaol les liqueura à analyser. — D, Hltre. — 
II, robioet servant de prise d'esaal. — 0, tube amenant l'air comprimé pour 
brasser les liqueurs, — il, lliermom êtres, —H. trépied supportant le vase B. 
— K, glace pilée.— A, vase en cuivre percé <lo trous à sa partie intérieure, — 
C et I. vases pour recueillir l'eau provenant de la glace tondue. — ti. couver- 
ture en feutre épais. — E, flacon de prise d'essai. — F, bouchon en liège. 

lure («) est ménagée à la base du récipient en verre, elle est 
fermée d'un bouchon à travers lequel passe la tige (d) du 
filtre I>. Entre le vase B et le seau A on lasse convenable- 
ment de la glace pilée pour obtenir le refroidissement de la 
liqueur. L'eau provenant de la glace fondue s'écoule dans le 
bac C, de là dans I. Tout l'appareil est enlouré d'un feutre 
épais G ligaturé par le bas sur les parois du bac C et dont les 
bords supérieurs sont rapprochés par des fils tendus diamé- 
tralement de h en i et sur tout le pourtour. 
Le vase B est fermé par un bouchon en liège F percé de 



68 BOYER-GL'ILLON. 

trous pour laisser passer les thermomètres / et t\ et le tube 
en verre par lequel arrive Tair comprimé destiné à brasser 
le liquide pour y maintenir coniinuellement du sulfate de 
chaux en suspension. Une ouverture centrale (/i) permet 
d'introduire la liqueur à soumettre à Texpérience. 

Prise d'essai, — Pour faire une prise d'essai, on dispose 
un flacon E comme le montre la Ogure 3 et Ton ouvre le robi- 
net {d). Si le liquide ne s'écoule pas assez vite, on peut par 
une simple aspiration produire le vide dans le flacon £; il 
suffit alors de le munir d'un bouchon percé de deux trous, 
l'un pour la lige du filtre, l'autre pour le tube d'aspiration. 

Appareil à température réglable. — Cet appareil est 
dérivé de l'appareil d'essai représenté figure i. Il se compose 
d'un cylindre en tôle CjCi {fig. 4)> n^uni à sa|base des tubu- 
lures A et E, partagé perpendiculairement à AE par une cloi- 
son B sur laquelle repose le vase en cuivre CC, qui contient 
le liquide à expérimenter. Il s'appuie sur le cylindre Cf Ci par 
une couronne circulaire (a) destinée à faire couvercle. Ce 
vase porte une tubulure (c) sur laquelle on fixe le filtre 0, 
une ouverture (c?) supporte, par l'intermédiaire d'un bouchon, 
le tube en verre (6) indiquant le niveau du liquide dans le 
vase ce. Un couvercle en cuivre percé de trous vient fermer 
le vase CC et porter les thermomètres, le régulateur F et le 
tube par lequel l'air comprimé vient brasser la liqueur. Les 
coupes, plan et élévation delà figure 4 indiquent suffisamment 
la disposition de l'appareil. L'air, chaufTé par un bec de gaz 
dont l'intensité est réglée par le régulateur F, arrive par A; 
canalisé par la cloison B, il fait le tour du vase CC, pour 
s'échapper par E qui est l'amorce d'une cheminée où le 
lirage est réglé par une flamme comme dans l'appareil de la 
figure I. 

Filtre. — Le filtre d'amiante est le mêmeque celui dont nous 
nous sommes servi dans nos expériences de ioo° à 200° (*)• 



C) Voir lievue de Mécanique, iiumcro de ianvier 1901. 



ÉTUDE SUR LA SOLUBILITÉ DU SULFATK DE CHAUX. 69 



Fig. 4. 
Plan du couvercle. Coupe ÇR. 




Appareil à température réglable. 

LËOEKDB : F, régulateur de (empëralure. — 0, flltre an tolla d'umiante. — P, ro- 
binet des prises d'essai. — sa, couronne circulaire supportant le vase C et 
(aisaat fermeture pouric vaie C,. — bd, tube du uiveau. — N. arrivée de l'air 
comprimé pour braager les liqueurs eipérimsDléos. — CC, vase en cuivre 
coolenant les liqueurs à analyser. — C, C„ vase eitârleur taisant cheminëe 
pour la clrcuiation des gaz cliauds. — B, cloison canalisant les gai chauds. — 
A, amorce de iacbemioée d'arrivée des gaï de chaufTage. — E, amorce de la 
ctieminée d'appel. 



70 



BOTBR-GUILLON. 



Nous nous contenterons ici d'en donner la fîgure avec sa 
légende suffisamment explicite {fig- 5). 

Méthode d expérimentation. Prise (fessai. — Les prises 
d'essais sont faites au bout de deux ou trois jours pendant 
lesquels on a maintenu une température absolument con- 
stante, et fait un brassage continu du sulfate de chaux. 
Il suffit d'ouvrir le robinet P de la tige du filtre {Jîg. 4) et 
le liquide s'écoule dans des fioles numérotées. Les prises 



B. 




Filtre. 

LÉGENDE : T, tige du filtre. — D, rainures par où passe la liqueur filtrée. — 
C, toile métallique. — B, grosse toile d'amiante. 

d'essai étaient faites sur looi^ de liqueur calcique diluée dans 
ioo« d'eau distillée pour éviter la précipitation qui se serait 
produite pour les liqueurs prises à une température supé- 
rieure à la température qu'il faisait le jour de l'expérience. 

Au-dessus de 6o°, pour éviter les erreurs qu'aurait intro- 
duites l'évaporation du liquide pendant la prise d'essai, nous 
avons prolongé la tige du filtre par une sorte de tube en U 
plongeant dans un vase à circulation d'eau ayant pour but de 
refroidir la liqueur, comme le montre la fîgure 6. 

Appareils de mesure. — Les mesures de températures ont 
été faites avec des thermomètres gradués en dixièmes de degré. 
Ils ont été comparés à des thermomètres étalons gradués en 
cinquantièmes de degré. Les prises d'essais et leur eau de 



ETUDE SUR LA SOLUBILITE DU SULFATE DE CHAUX. 



7Ï 



mélange élaient pesées sur une balance sensible avec des 
poids étalonnés et vérifiés. 

r 

Méthode d'analyse, — Nous ne reviendrons pas en détail 
sur le procédé d'analyse, qui est le même que celui que 
nous avons employé dans nos premiers essais. 

Il consiste essentiellement à précipiter le sulfate de chaux 
contenu dans un volume mesuré de liqueur à analyser à Tétat 



Kig. 6. 



du ^Itre 




Disposition d'une prise d'essai avec tube refroidisseur. 

d'oxalate au moyen d'une solution mesurée et titrée d'oxalate 
d'ammoniaque. On filtre et Ton dose Toxalate d'ammoniaque 
en excès, qui a traversé le flitre, au moyen d'une solution titrée 
de permanganate de potasse. Nous avons introduit une légère 
modiOcation à cette méthode, d'après les conseils de M. Carnoi, 
l'éminent professeur de chimie, Directeur de l'École nationale 
supérieure des Mines. Nous avons titré par le permanganate, 
non seulement l'oxalate en excès, mais encore le précipité 
d'oxalate de chaux. On procédait ainsi: après un lavage abon- 
dant, on crevait le filtre et Ton faisait passer le précipité dans 
un vase à analyser où il était redissous par Tacide sulfurique. 
L'acide oxalique mis en liberté était dosé par le permanganate 
de potasse. Ce dernier procédé avait l'avantage d'opérer sur 
des quantités plus grandes d'oxalate et de donner au dosage 
une précision plus grande à mesure que la teneur des solu- 



72 



BOYER-GUILLON. 



lions en sulfate de chaux augmentait; au contraire, Tanalyse 
par différence avait l'inconvénient de manquer de précision 
pour les grandes teneurs en sulfate de chaux. 

Les solutions de permanganate étaient titrées au fer. Pour 
plus de détails sur ce sujet, nous renvoyons le lecteur à la 



3.20 
2,10 
2.00 
1.90 

. i.eo 

.-i 1.10 



a. 



E 
E 

o 



X 

3 
4 

X 

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« 

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o 

5 



1,60 
1.50 
1>0 
1,30 
1,20 
1.10 
1,00 
0,90 



^ 0.80 



3 
10 

3 
« 

3 
0) 

c 



0,70 
0.60 
0.50 
Q,<^0 
0.30 
0.20 
0,10 



Fig. 7. 









=- 




































y 




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V. 


























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V 








































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s^ 


=^ 

















































































10 20 30 «rO 50 60 70 80 90 100 110 120 130 1M> 150 160 170 180 190 200 

Températuras en degrés centigrades. 
Courbe de la solubilité du sulfate de chaux. 



Rei^ue de Mécanique de janvier 1901, où nous avons donné 
un exemple détaillé de la méthode employée pour faire ces 
dosages. — Voir également Annales du Conservatoire des 
Arts et Métiers y 3° Série, t. IL 

Résultats des expériences. — Nous donnons dans le 
Tableau suivant les résultats obtenus. Les chiffres portés sur 



ETUDE SUR LA SOLUBILITÉ DU SULFATE DE CHAUX. 78 

ce Tableau sont la moyenne d'un grand nombre d'analyses 
faites aux températures indiquées. Nous avons également 
rappelé dans ce Tableau les chiffres obtenus dans nos pre- 
mières expériences. 

La courbe de la figure 7 est la traduction des chiffres du 
Tableau suivant: 

TABLEAU DE LA SOLUBILITÉ DU SULFATE DE CHAUX. 

Températures Grammes 

en degrés de sulfate de chaux 

centigrades. par litre, 

o g 

o 1,84 

2,6 1,87 

10 1,97 

20 2,o5 

3o 2,11 

34,4 2,116 

40 2,10 

4i,3 2,09 

5o 2,06 

56,7 2,025 

60 2,01 

64,5 1,98 

70 iî94 

80 1,85 

87,3 1,77 

90 1,73 

9^5 1,72 

100 1 , 62 

107 1,53 

ïi9,7 ^oo; 

i34,o 0,698 

i5i ,2 0,486 

169,6 o,3io 

200,4 o, i55 

Nota. — Le maximum de solubilité paraît ôlre voisin de 34". 

liésiimë. — Les résultats de ces recherches peuvent en 
quelques mots se résumer ainsi. 

La solubilité du sulfate de chaux dans i'eau augmente de 
o^ à 34^, point où sa solubilité passe par un maximum ; puis 
elle décroît lentement d'abord jusqu'à 107°, qui est un point 
de transformation du sulfate à deux équivalents d'eau en sul- 



74 BOTER-GUILLON. 

faie en \ équivalent d'eau. À partir de ce point, la solubiliié 
décroît très rapidement d^abord, puis moins vite, pour atteindre 
200° où sa solubilité n'est plus que de o«,i5 par litre. A 80*», 
la teneur en sulfate de chaux est la même qu'à o<>. 

Je veux, avant de terminer, remercier les personnes qui 
ont eu l'amabilité de m'aider dans celte étude, soit de leurs 
conseils éclairés soit par leurs recherches antérieures où j'ai 
trouvé des renseignements qui m'ont été d'un grand secours. 
M. le Professeur Van't HoiF, qui a bien voulu me communi- 
quer ses savants travaux sur le sulfate de calcium ; M. Carnot, 
Directeur de l'École des Mines; M. Le Chatelier, Professeur 
au Collège de France; M. Fleurent, Professeur au Conserva- 
toire national des Arts et Métiers, et M. Merelle, Préparateur 
du cours de Chimie industrielle, et surtout M. Hirsch, Profes- 
seur de Mécanique au Conservatoire des Arts et Métiers, dont 
les conseils si éclairés m'ont élé d'un précieux secours et 
qui a bien voulu faire précéder mes premiers essais d'une si 
aimable préface (*). 

BIBLIOGRAPHIE. 



Le Chatelier. Thèse Faculté des Sciences, Paris, 1887. 

Ad. Wurtz. Dictionnaire de Chimie pure et appliquée, Paris, 
Hachelle et G'*, 1870; et encore i*"" et 2" supplément; 1894. 

Van't Hoff. Académie des Sciences de Berlin; 1900^ t. XXVIII. 
Séance du 3i mai. 

Edward Frankland Armstrong. Sur l'hydrate de calcium, Berlin, 
Gustave Schade (Otto Francke). 

Marignac. Annales de Physique et de Chimie, 5* série, t. I, p. 274. 

ËRLENMËYER. Bulletin de la Société de Chimie, t. XXI, p. 79. 

Pelouse et Fremy. Traité de Chimie générale, analytique, industrielle. 
Paris, Victor Masson et fils; 1861. 

Fremy. Encyclopédie chimique (1 vol.). Paris, Dunod; i883. 

Lecoq de Boisbaudran. Annales de Physique et de Chimie, 4* série, 
t. IX, p. 173. 

PoGGiALE. Annales de Physique et de Chimie, 3* série, t. VIII, p. 463. 

^ » . — ' 

(*) Voir: Revue de Mécanique de janvier 1901, et Annales du Ganser^ 
vatoire des Arts et Métiers, 3« série, t. II. 



L'ASSURANCE OUVRIÈRE 

A L'ÉTRANGER. 

CONFÉRENCE PUBLIQUE 

FAITE LE 23 MARS 1902 AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS, 

Par H. Maurice BELLOH. 



Mesdames, Messieurs, 

Lorsque le Conseil d'administration du Conservatoire natio- 
nal des Arts et Métiers m'a proposé de traiter dans une 
conférence publique la question de l'assurance ouvrière à 
l'étranger, j'ai été à la fois séduit et effrayé par Toffre qui 
m'était adressée : séduit par la perspective de traiter devant 
un pareil auditoire un sujet d'une telle importance; effrayé par 
l'étendue de cette matière qui touche à la fois aux sciences 
mathématiques, aux sciences économiques et aux sciences 
sociales, en raison des Irens qui la rattachent à la technique 
actuarielle par l'application des règles des assurances, à l'éco- 
nomie politique par les problèmes d'ordre financier qu'elle 
soulève, à l'économie sociale par la répercussion que l'orga- 
nisation de l'assurance ouvrière exerce sur l'individu, sur la 
famille et sur la société. 

J'ai pensé toutefois que ma mission ne consistait pas à 
traiter dans ses détails une matière qui fait l'objet de cours 
professés dans cet établissement, et qu'elle se réduisait à 
exposer les grandes lignes du mouvement des idées et des 
faits, la transformation des desiderata avec le temps, la com- 
paraison des systèmes adoptés à l'heure actuelle et à préciser 
les enseignements qui s'en dégagent pour l'avenir. 

3- Série, t. IV, 6 



76 MAURICE BELLOM. 



I. 

Les risques inhérents à l'absence de travail occasionnée 
par rétat physique de Touvrier sont la maladie, Taccidenl, 
Tinvalidité et la vieillesse. 

La maladie conslsie dans toute altération de la santé, quelle 
que soit la cause de cette altération. 

L'acciV/^n/ consiste dans tout événement qui, survenu par 
le fait du travail, entraîne une lésion de Torganisme. 

U Ini^atidité consïsie dans une réduction durable et impor- 
tante de la capacité de travail, en dehors des cas d'accidents; 
la vieillesse^ dont une définition paraît superflue, résulte de 
Taccomplissement d'un âge avancé à partir duquel les forces 
du travailleur encore valide sont présumées affaiblies (*). 

Tandis que rAssuRANCE contre la maladie n'alloue de 
secours que pendant une période limitée, Tassurange contre 
LES ACCIDENTS, d'une part, et T assurance contre l'invalidité 
ET LA vieillesse, d*autre pari, doivent pourvoir à des allocations 
de longue durée au profit du blessé, de l'invalide ou du vieil- 
lard, el, si ce dernier succombe, à des allocations de durée 
variable au profit de ses ayants droit. Ces deux dernières 
formes d'assurance doivent donc réaliser Vassurance contre 
l'invalidité prématurée y accidentelle ou naturelle , l'assu- 
rance en cas de décès prématuré, accidentel ou naturel, du 
chef de famille, l'assurance contre la vieillesse, l'assurance 
des frais funéraires. 

Il s'en faut de beaucoup que ce vasle programme ait été 
rempli dès l'origine des temps et que même il le soit aujour- 
d'hui. 

Dans les sociétés primitives, le souci essentiel du chef de 
famille consiste dans le développement des membres de sa 
famille, qui sont les collaborateurs de son âge mûr et les sou- 



(*) Voir pour plus de détails le Rapport de M. Maurice Bellom, au 
Congrès international des accidents du travail et des assurances sociales 
de 1900, sur les Relations mutuelles des diverses branches de Vassurance 
ouvrière. 



l'assuranxe ouvrière a l'étranger. 7^ 

tiens de sa vieillesse. Ceux-ci peuveht également attendre, 
dans la vie pastorale, un concours de la part du vieillard encore 
capable de travaux de surveillance agricole. 

Le développement de la grande industrie, rafflux dans les 
villes de populations denses^ le relâchement des liens de la 
famille ont conduit le travailleur à prendre des mesures en 
vue de son avenir, à faire acte de prévoyance : c'est ainsi 
qu'il a été naturellement conduit à l'épargne. L'épargne 
répond, en effet, à tous les besoins : elle peut être employée 
soit à l'acquisition du foyer domestique, qui garantit au vieil- 
lard le lieu de sa retraite, soit à l'achat d'un petit domaine 
rural ou à la fondation d'un atelier qui réalisent l'élévation du 
travailleur dans la hiérarchie sociale. £n d*autres termes, 
l'épargne est une application de la prévoyance individuelle. 

Pour la rendre plus efficace, l'ouvrier d'individuelle Ta 
faite collective (*); en se réunissant à d'autres ouvriers, il a 
cherché à affaiblir, par une répartition sur une vaste étendue, 
le choc des coups qui le menaçaient. 

Sous la forme collective, la prévoyance peut être associée 
ou solidarisée : dans le premier cas, elte fonctionne selon les 
règles du calcul des probabilités; dans le second, elle substiT 
tue la notion de la fraternité à la recherche de la valeur exacte 
du risque à couvrir, dans l'espoir de donner à ses moyens 
d'action plus d'élasticité et de portée; les institutions d'assu- 
rance relèvent de la première forme; un grand nombre de 
sociétés de secours mutuels ne pratiquent que la seconde. 

L'assurance apparaît ainsi comme le terme du perfectionr 



(') 11 ne faut pas confondre la prévoyance collective avec l'assurance 
collecLive : on désigne d'ordinaire sous le nom d'assurance collective Tas- 
surance qui est contractée par un patron, soit en faveur de renjsemble de 
ses ouvriers, soit en vue de couvrir sa propre responsabilité, et cela par 
opposition avec l'assurance individuelle qui est contractée par ou pour 
ciiaque ouvrier pris isolément : « L'assurance collective peut donner des 
résultats supérieurs au point de vue de la quantité^ mais l'assurance indi- 
viduelle en donne de supérieurs au point de vue de la qualité » (Ulysse 
GoBBi, Rapport au Congrès des assurances sociales de Milan, 1894, t. J, 
p. 894). En eflfet, suivant que l'assurance, collective est contractée dans 
Tun ou l'autre des deux buts précités, l'ouvrier n'accomplit point d'acte 
personnel de prévoyance ou l'assurance n'est qu'un acte de prévoyance du 
patron. 



73 MAURICE BELLOM. 

nement technique de la prévoyance. Si toutefois on compare 
l'assurance à Tépargne, on doit reconnaître que ce l'assurance 
a plus d'efficacité technique que l'épargne» mais moins de 
valeur morale (*) » : en effet, l'assurance diminue l'effort en 
le rendant nécessaire, et elle prive le travailleur de la dispo- 
nibilité des produits de l'épargne ; de plus, l'épargne permet de 
faire face à toutes les éventualités, et elle revêt un réel carac- 
tère de a fécondité sociale » (-) en permettant l'acquisition de 
la propriété et la constitution du capital. 

En même temps que cette évolution se produisait dans les 
préoccupations de l'individu, les pouvoirs publics concevaient 
leur mission sous une forme nouvelle. Tout d'abord ils entre- 
tenaient ou subventionnaient des établissements d'assistance; 
puis ils créaient des organes d'assurance; ils décrétaient 
ensuite l'obligation de l'assurance, tantôt en laissant aux inté- 
ressés le choix des moyens, tantôt en leur assignant Tinsiitu- 
tion à laquelle ils devaient nécessairement recourir; enfin, ils 
estimaient que l'aumône étant humiliante et le bénéfice de 
l'assurance malaisé à conquérir, il y avait lieu d'instituer un 
remède aussi efficace que l'assistance et aussi certain que 
l'assurance; ils prenaient pour point de départ la notion de 
relations mutuelles entre la société et ses membres et, par 
suite, celle d'un échange continuel de services réciproques : 
par exemple, le travailleur est utile au corps social, et, 
lorsqu'il est usé par son labeur^ la société doit lui venir en 
aide; de même, le travailleur réduit à la misère par le fait de 
son imprévoyance devient, en raison des conséquences du 
paupérisme, un danger pour les autres membres du corps 
social; dès lors, la société doit créer au profit des travailleurs 
une organisation qui supplée à leur défaut de prévoyance. 
De là la conception d'une dette sociale acquittée par un 
système d'assurance générale obligatoire ('). 



(*) Eugène Rostand, Rapport sur le concours pour le prix Félix de 
Beaujour ( Comptes rendus de l'Académie des Sciences morales et 
politiques f 1902, r» livraison, p. 95). 

(') Ibid^ p. loi. 

(') L'expression la plus récente en a été donnée au Congrès d'assistance 
familiale (28 octobre 1901) ; « L'assistance aux faibles, moyen transitoire 



LASSURANXE OUVRIERE A L ETRANGER, 79 

Avant d^examiner la question deTobligation de l'assurance, 
je tiens à exprimer des réserves formelles quant à l'existence 
d'une detie sociale à l'égard de tous les travailleurs. Sans 
méconnaître l'obligation, qui incombe à la société, de pro- 
curer aux artisans de son bien-êlre les moyens de pourvoir 
à leur avenir, j'estime qu'il s'agit pour elle de devoirs à 
accomplir, non de dettes à acquitter. ^/^/2 n'autorise endroit 
l'ouvrier à venir, sa lâche accomplie, réclamer une pension 
de retraite indépendamment du salaire librement débaitu; 
aucune oh\\^2i\\oï\ Juridique ne lie le patron à l'égard des tra- 
vailleurs à qui il a payé la rémunération convenue. Mais tout 
conseille à l'ouvrier, lors de la discussion des éléments du 
contrat de travail, de songer à la prévoyance par la demande 
d'un salaire qui comporte un prélèvement volontaire en vue 
de l'assurance, et c'est une obligation morale pour le patron 
de comprendre dans l'évaluation du coût de production les 
charges qu'il s'imposera volontairement en vue d'assurer 
l'avenir de son personnel ouvrier. D'auire part, s'il est juste 
que la société ait pitié des infortunes dont les victimes n'ont 
pu faire l'effort de prévoyance, si même elle peut étendre sa 
commisération à celles qui n'ont pas su faire cet effort, ce 
n'est pas d'une créance des intéressés, mais de la philan- 
thropie du donateur que procèdent ces libéralités. 

En d'autres termes, il y a une justice sociale qui consiste, 
d'une pari, à garantir aux membres de la société la libre 
disposition d'eux-mêmes ei, d'autre part, à les aider dans les 
efforts qu'ils accomplissent eux-mêmes dans un but d'affran- 
chissement et d'ascension intellectuelle et morale. Celte justice 
n'exclut pas la charité, mais elle doit la dominer : la charité 
n'iniervient que là où la justice ne trouve pas les éléments 
d'application pour subvenir aux misères sociales. L'assistance 
qui convient aux malheureux ne doit pas être confondue 
avec l'assurance qui est réservée aux prévoyants. 



et insuffisant, doit être progressivement remplacée par le syslcme de 
Tassurance générale, basée sur le principe de la dette sociale, reconnue par 
tous et payée par chacun selon ses facultés. » 



9o . MAURICE BELLOn. 



II. 

De l'exposé qui précède se dégage à l'évidence lesenlimenl 
universel de la nécessité de la prévoyance. L'action a pour 
corrélatif le risque, et le risque appelle l'assurance. D'ailleurs, 
le risque n'existe pas seulement pour l'ouvrier qui travaille 
auprès d'une machine ou sur un échafaudage. Il menace 
également le modeste artisan que le travail dans un atelier 
privé d'air désigne comme une victime aux maladies profes- 
sionnelles et au fléau malheureusement plus général de la 
tuberculose. 

Mais, si la nécessité de la prévoyance s'impose, doit-elle 
être inscrite dans la loi et, au cas de Taffirmaiive, le législa- 
teur doit-il la prescrire sous la forme de l'assurance? 

C'est là, semble-t-il, la question dont la solution domine 
l'ensemble du sujet. 

La question de l'obligation ou de la liberté de l'assurance 
se rattache à la question générale de l'intervention de l'Etal 
dans l'ordre économique. Sans entrer dans l'examen de cette 
dernière question, je me bornerai à énoncer les trois propo- 
sitions suivantes : 

i*> D'une manière générale, l'histoire montre qu'avec les 
progrès de la civilisation la liberté de l'individu se développe 
et les devoirs de l'État se multiplient (*); 

2° La société doit d'abord réclamer que l'Étal assure la 
liberté de l'individu et cesse d'intervenir lorsque cette liberté 
suffit (*); 

3^ Il n'y a point antinomie entre le respect de la liberté 
individuelle et une intervention de l'État destinée soit à amé- 
liorer l'état social, soit à combattre un mal que l'initiative 
individuelle a été reconnue impuissante à écarter. 

Sur le point spécial de l'obligation de l'assurance, il con- 



(») Voir sur ce point le rapport de M. Levasseur relatif au concours 
pour le prix Rossi, cité dans la préface de l'Ouvrage de M. Jourdan [Du 
rôle de l'État dans l'ordre économique^ p. XII). 

(2) Ibid., p. XV. 



l'assurance ouvrière a l^etranger. 8i 

vient de signaler d'abord que Tassurance obligatoire n'est pas 
nécessairennenl l'assurance par l'Étal. Ainsi, en Allemagne et 
en Autriche pour Tassurance-maladie, en Allemagne pour 
rassurance-invalidilé, en Italie pour l'assurance-accidents, 
Tobligation de l'assurance n'a pas entraîné la suppression de 
la liberté dans le choix des moyens. 

Les principaux arguments que Ton invoque en faveur de 
l'obligation sont les suivants. Les trois premiers sont d'ordre 
général et visent Finlervention de l'État; les autres sont spé- 
ciaux à l'assurance : 

1° Le besoin d'assurance est général : l'Etat doit donc y 
pourvoir comme à un service public, tel que celui des voies 
de communication ou des transmissions postales; 

2<> L'État réaliserait l'assurance à moins de frais que les 
particuliers : il n'aurait point de dépenses de publicité, et son 
personnel actuel lui suffirait; 

3° L'Étal offre seul les garanties de sécurité nécessaires à 
la sauvegarde des réserves; 

4® En l'absence d'obligation, Taâsurançe est irréalisable 
pour l'ouvrier : tout d'abord, celui-ci, préoccupé des néces- 
sités actuelles de l'existence, n'est guère porté à songer à 
l'avenir; puis, lorsqu'il a le légitime souci du lendemain, il 
est arrêté par la modicité et Tinstabilité du salaire qui le fait 
vivre ; 

5" L'obligation procure à la société des avantages incontes- 
tables par l'amélioration de l'hygiène et par la diminution des 
charges de l'assistance publique, ainsi que le démontre 
l'exemple de l'Allemagne (*); 

6° L'imprévoyance individuelle d'un grand nombre com- 
promet le bien commun de la société : l'institution d'un 
régime de contrainte se justifie dès lors comme en matière 
d'hygiène publique, lorsque l'hygiène d'un seul individu met 
en péril l'hygiène de tous; 



(*) Voir sur cette question les lîésultats de l'assurance ouvrière à la 
fin du xix" siècle. (Conférence faite à la Société de statistique de Paris, 
le 20 mars 1901, par M. Maurice Bellom, p. 44 à 46). 



8a MAURICE BELLOM. 

7*^ L'institution de l'obligation fournit seule les grands 
nombres nécessaires à toute organisation d'assurance qui 
tient à comprendre la nuptialité et la natalité au nombre des 
éléments assurables et à n'exiger que des primes faibles et 
certaines, conditions à remplir^ d'une part, pour obtenir la 
généralisation de l'assurance et, d'autre part, pour permettre 
à l'industrie de lutter contre la concurrence étrangère : or la 
liberté conduit à la dissémination des risques et ne donne 
pas au petit industriel le moyen d'assurer économiquement 
son personnel ouvrier; 

8° Dans les branches d'assurance où la prime augmente 
avec l'âge d'entrée, celle-ci devient décourageante ou même 
prohibitive lorsque l'ouvrier s'assure à un âge relativement 
élevé : il faut donc l'obliger à s'assurer jeune encore, à un 
âge fixé par la loi; 

9° La liberté de l'assurance expose à une mauvaise gestion 
des produits de l'épargne; 

10° L'obligation de l'assurance réalise entre les industriels 
d'un même pays les conditions d'égalité dans la concur- 
rence. 

A chacun des arguments invoqués par les partisans de l'as- 
surance obligatoire, les défenseurs de la liberté formulent 
une réponse : 

1° La nécessité de l'intervention de l'État ne résulte pas 
forcément de la généralité d'un besoin : les motifs qui ont 
conduit l'État à intervenir en matière de travaux publics ou 
de communications postales — nécessité de l'expropriation, 
dans le premier cas, et besoins propres de l'Etat, dans le 
second — n'existent point en matière d'assurance; 

2° L'Étal, par la nature même de son fonctionnement, 
comporte certaines dépenses inhérentes aux formalités et 
au contrôle; de plus, lors même qu'il pourrait utiliser une 
partie de son personnel, il n'en devrait pas moins créer de 
nouveaux emplois; 

3° Si l'éventualité de voir un grand État faillir à ses enga- 
gements n'est pas à redouter, on peut craindre que des tour- 
mentes révolutionnaires ou des réactions violentes n'entra!- 



L ASSURANCB OUVRIERE A L ÉTRANGER. 83 

nent soii Tabsorption des réserves, soit la suppression du 
service des pensions, d'où une calamité générale que la bien- 
faisance publique ou privée ne pourrait, en raison de son 
caractère d'universalité, réparer comme dans le cas de la 
ruine d'un assureur isolé; 

4° Sans doute, la prévoyance rencontre des difflcullés, 
voire même des obstacles; mais ce ne sont pas surtout ceux 
qui sont invoqués pour justifier Tinstiiution d'un régime de 
contrainte : du côté de l'ouvrier, c'est la tendance à affronter 
les risques de l'avenir, c'est le désir excessif des satisfactions 
immédiates^ ce sont les préjugés qui ont cours en faveur de 
la prodigalité; du côté des pouvoirs publics, c'est le régime 
légal relatif à l'assistance, tel que l'institution de l'assistance 
obligatoire; d'une manière générale, ce sont les théories 
erronées, notamment celles qui concluent à l'impossibilité de 
modifier la condition des travailleurs et celles qui attribuent 
à l'État dans l'ordre économique un rôle qui ne saurait lui 
convenir; enfin, au point de vue financier, les variations du 
taux de l'intérêt constituent un élément dont l'influence est 
essentielle en matière de prévoyance. D'ailleurs, ces difficul- 
tés, quelles qu'elles soient, ne se présentent pas toujours : 
ainsi la régularité du travail, l'excès de la production sur 
la consommation faciliient la prévoyance; en outre, ces 
obstacles, lors même qu'ils existent, ne sont pas insurmon- 
tables : du côté de l'ouvrier, la prévision, le courage de s'im- 
poser des privations; du côté des pouvoirs publics, l'institu- 
tion d'un régime qui encourage l'énergie morale; d'une 
manière générale, la diffusion de saines doctrines en matière 
économique, peuvent aplanir les difficultés redoutées. Bien 
plus, l'obligation, par les conséquences qu'elle entraîne, ne 
fait que les aggraver; 

5° Les avantages de l'obligation sont très réels dans l'ordre 
matériel, mais disparaissent en regard de ses conséquences 
morales; 

6^ Pour que le danger de l'imprévoyance individuelle 
appelle l'intervention d'une loi d'obligation, il faut que lu 
preuve de l'existence de ce danger résulte de la constatation 
du caractère incurable de cette imprévoyance; or l'initiative 



"84 MAURICE BELLOM. 

privée n'est pas nécessairement impuissante : l'exemple de 
la Belgique et de Tltalie en matière de pensions de vieillesse 
tend à le démontrer. De plus, l'institution immédiate d'un 
régime de contrainte ne peut que revêtir un caractère absolu 
de généralité : elle frappe donc les prévoyants comme les 
imprévoyants, alors qu'elle devrait être limitée à ces der- 
niers; 

7' La possibilité de réunir, sous le régime de la liberté, un 
nombre suffisant de risques est démontrée par l'existence 
même des assureurs privés; quant au petit industriel, con- 
sidéré comme consommateur d'assurance, il est garanti par 
la concurrence entre les assureurs nationaux et les assureurs 
étrangers, concurrence qui n'est entravée par aucun droit 
protecteur; 

8"^ L'argument basé sur le caractère excessif ou prohibitif 
de la prime s'inspire de la conception erronée qui consiste à 
faire du bien à l'individu en dehors de lui et malgré lui; 

9° Pour garantir l'épargne contre les risques d'une mau- 
vaise gestion, il n'est pas nécessaire de recourir à l'obliga- 
tion; il suffit d'un contrôle et d'une publicité officielle; 

10° L'exemple des industriels qui ont créé spontanément 
des institutions en faveur de leurs ouvriers montre que les 
dépenses de la prévoyance n'ont pas compromis l'avenir de 
leurs entreprises. 

III. 

L'organisation allemande et les institutions plus récentes 
de la Belgique et de l'Italie permettent, d'ailleurs^ de trans- 
porter du domaine des idées dans celui des faits la compa- 
raison du régime de l'obligation et du régime de la liberté. 
Cette comparaison est d'autant plus instructive que, quelle 
que soit la divergence des vues sur la matière, les partisans 
de chacun des deux systèmes sont unanimes à reconnaître la 
haute valeur des hommes qui ont créé et organisé les œuvres 
basées sur le système adverse. Un hommage spécial est dû, 
en Allemagne, à M; le docteur Bœdiker et à ses collabora- 
teurs et continuateurs, MM. Gœbel et Zacher, en Belgique à 



L ASSURANCE OUVRIERE A L ETRANGER. 85 

M. Lépreux, en Italie à M. Magaldi. Ce sont, du reste, les 
limites étroites de notre cadre qui nous empêchent de pro- 
céder autrement que par voie d'exemple et, par suite, de citer 
les hommes éminents qui, dans les autres pays, ont attaché 
leurs noms à des œuvres similaires. 

i"* Allemagne, 

En Allemagne, Tassurance obligatoire existe contre la mala- 
die, contre les accidents, contre l'invalidité. 

A. L'assurance contré la maladie, régie par la loi du 
10 avril 1892, alloue les soins médicaux et les médicaments 
dès le début de la maladie et, en cas d'incapacité de travail, 
à partir du troisième jour, un secours pécuniaire au moins 
égal à 5o pour 100 du salaire; la caisse de maladie peut 
toutefois allouer le seèours pécuniaire dès le premier jour et 
le porter aux trois quarts du salaire. Le traitement à l'hôpital 
peut remplacer ces allocations, sous réserve du maintien de 
la moitié du secours pécuniaire au profit des ayants droit 
soutenus par le malade. 

La durée des soins est limitée en général à treize semaines 
à dater du début de l'incapacité de travail : elle peut être 
portée à un an par la caisse de maladie; celle-ci a également 
le droit de faire suivre la cessation des secours de maladie 
de l'allocation de soins de convalescence. L'attribution du 
secours pécuniaire de maladie est prévue au profit des 
femmes en couche pendant les quatre semaines qui suivent 
la délivrance : la caisse de maladie peut porter à six semaines 
la période légale minima de quatre semaines. Enfin, une 
assurance de frais funéraires, comprise entre un minimum 
légal égal à vingt fois le salaire quotidien et un maximum sta- 
tutaire égal à quarante fois le salaire quotidien, est prévue par 
la loi. Les assurés peuvent compléter l'assurance légale 
auprès de caisses libres jusqu'à concurrence de leur salaire. 
D'autre part, les organes d'assurance contre la maladie sont 
admis à organiser l'assurance des soins médicaux et des frais 
funéraire^ au profil des membres de la famille de l'assuré; 
mais ils ne sont pas autorisés à pourvoir au service d'une 



86 MAURICE BËLLOU. 

autre forme d'assurance, telle que l'assurance des inva- 
lides, des veuves ou des orphelins. 

B, L'assurance contre les accidents, actuellement régie par 
la législation du 3o juin 1900, a pour but de réparer le dom- 
mage causé par un accident de travail non imputable à Tin- 
tention de la victime. Elle alloue : 

a. En cas de blessure, à dater du début de la quatorzième 
semaine consécutive à l'accident, — l'assurance contre la 
maladie faisant face aux treize premières semaines d'inca- 
pacité de travail, — la gratuité du traitement et une pension 
variable suivant le degré d'incapacité jusqu'à concurrence 
des deux tiers du salaire; 

fc. En cas de décès, une indemnité funéraire égale au quin- 
zième du salaire annuel jusqu'à concurrence de 5o marcs 
et des pensions d'une part au veuf sans ressources ou à la 
veuve et aux enfants jusqu'à l'âge de quinze ans accomplis, 
d'autre part aux ascendants sans ressource ou aux petits 
enfants orphelins de père et de mère : l'ensemble de ces 
pensions, fixées individuellement à 20 pour 100, ne peut excé- 
der pour le premier groupe 60 pour 100 du salaire; le second 
groupe n'a droit à pension que si ce maximum n'est pas 
atteint. 

Les secours thérapeutiques peuvent être donnés à rhôpital : 
la pension de blessé est alors supprimée, et les ayants droit 
reçoivent la même pension qu'en cas de décès du blessé. De 
plus, les allocations minima doivent être portées à l'intégra- 
lité du salaire en cas d'indigence absolue de la victime 
frappée d'incapacité totale; l'organe d'assurance peut éga- 
lement porter au taux de la pension d'incapacité totale la 
pension d'incapacité partielle au profit du blessé que des 
causes indépendantes de sa volonté réduisent au chômage. 

C. L'assurance contre l'invalidité, sous le régime de la loi 
du i3 juillet 1899, alloue des pensions d'invalidité et de 
vieillesse, et certaines allocations accessoires aux assurés et 

à leurs ayants droit. 

La pension d'invalidité est accordée à tout assuré qui, par 

suite d'infirmités naturelles, quel que soit son âge, ne peut 

plus gagner le tiers de son salaire normal ou est frappé d'in- 



l'assurance ouvrière a l* étranger. 87 



y 



capacité de travail depuis plus de vingt-six semaines : toute- 
fois il doit, en général, être assuré depuis deux cents semaines. 

La pension de vieillesse est allouée à tout assuré, même 
valide, âgé de soixante-dix ans : toutefois Tintéressé doit être 
assuré depuis douze cents semaines. 

La pension de vieillesse et la pension d'invalidité compren- 
nent l'une et l'autre une partie fixe et une partie variable : la 
partie fixe est constituée par la subvention de l'Empire, égale 
à 5o marcs; la partie variable dépend du salaire et, en outre, 
pour la pension d'invalidité, de la durée de l'assurance : les 
assurés sont répartis, suivant l'importance de leur salaire, en 
cinq classes à chacune desquelles correspondent une part de 
pension de vieillesse de 60, 90, 120, i5o et 180 marcs, une part 
de pension d'invalidité de 60, 70, 80, 90 et 100 marcs et une 
majoration, par semaine d'assurance, égale à 3^ 6, 8, lo et 
12 pfennigs. En d'aulres termes, la pension de vieillesse varie 
de: 

5o -h 60 = no marcs par an 

a 

5o 4- 180 == 23o marcs par an, 

et la pension d'invalidité varie, d'une part, entre la durée 
minima d'assurance (200 semaines) et la durée assignée 
comme caractéristique de la période d'équilibre (5o ans, soit 
25oo semaines) et, d'autre part, entre les classes de salaire 
extrêmes, de 

5o H- 60 -H 200 X jjq = 1 16 marcs par an, 
a 

5o 4- 1 00 -4- 25oo X Y^ = 4^0 marcs par an . 

Les allocations accessoires consistent dans la restitution 
des cotisations payées après deux cents semaines d'assurance : 

1" Aux assurés du sexe féminin qui se marient avant d'avoir 
obtenu une pension ; 

2*» Aux ayants droit d'assurés qui décèdent avant d'avoir 
droit à pension ; 

3° Aux assurés qui deviennent invalides par accident et qui 



88 MAURICE BELLOU. 

ne reçoivent pas la pension d'invalide, celle-ci étant inférieure 
à la pension de blessé. 

Enfin une assistance est prévue au profit des ayants droit 
d'un assuré qui reçoit des soins destinés à prévenir la surve- 
nance de l'invalidité. 

Telle est l'économie générale de chacune des branches 
d'assurance. Il convient d'indiquer leurs relations mutuelles. 

1° Les relations entre Tassurance-maladie et l'assurance- 
accidents résultent d'abord de l'assimilation des petits acci 
dents aux maladies : la caisse de maladie accorde au blessé, 
pendant les quatre premières semaines, les mêmes allocations 
qu'au malade; toutefois, à partir du début de la cinquième 
semaine, le secours pécuniaire doit atteindre une valeur au 
moins égale aux deux tiers du salaire, et, si le secours pécuniaire 
normalement exigible de la caisse de maladie est inférieur à 
ce minimum, le patron doit fournir la différence : la loi aller 
mande a réalisé de la sorte une amélioration de la situation 
des blessés sans grever de nouvelles charges ni les organes 
d'assurance contre la maladie, ni les organes d'assurance 
conire les accidents : les premiers reçoivent des patrons le 
remboursement du supplément d'allocations qu'ils doivent 
servir; les seconds n'ont à subir aucune majoration de frais 
d'administration qu'entraîneraient de nouveaux rapports avec 
les caisses de maladie. D'autre part, le blessé dont le traite- 
ment prend fin avant Texpiration de la treizièmie semaine con- 
sécutive à l'accident, sans qu'il ail recouvré sa capacité de 
travail, serait exposé à la privatioa du secours pécuniaire de 
maladie à une époque où le bénéfice de l'assurance contre les 
accidents ne lui serait pas encore garanti. La loi allemande 
du 3o juin rgoo a, par son article i3, imposé à l'établissement 
d'assurance contre les accidents l'obligation de servir à la 
victime la pension de blessé à dater de la cessation du secours 
pécuniaire de maladie; si, d'ailleurs, la caisse de maladie a 
indûment suspendu le service des secours dont elle était 
débitrice, l'établissement d'assurance contre les accidents est 
investi, à l'égard de celle caisse, des droits qui appartenaient 
au blessé. 



L ASSURANCE OUVRIÈRE A L ÉTRANGER. 89 

De plus, la législation allemande, combinée avec la jurispru- 
dence de rOfOce impérial des assurances, prévoit, d'une part, 
que les caisses de maladie peuvent continuer, si elles en sont 
chargées par les établissements d'assurance-accidents, Tallo- 
çation, contre remboursement, des indemnités — tant secours 
que pensions — au blessé au delà du début de la quatorzième 
semaine et jusqu'à l'expiration de la période de traitement; 
elle autorise, d'autre part, l'établissement d'assurance-acci- 
dents à intervenir dans le traitement du blessé dès le début de 
l'incapacité de travail. 

En résumé, le blessé reçoit sans interruption les secours 
successifs de l'assurance-maladie et de l'assurance-accidents, 
grâce à des mesures qui Fui garantissent l'unité d'un traitement 
approprié; 

2° Les relations enire l'assurance-maladie et l'assurance- 
invalidité présentent, au contraire, une lacune entre la 
cessation des secours de maladie et l'origine du service de la 
pension d'invalidité ; car, tandis que les secours de l'assurance- 
maladie ne peuvent jamais excéder une période d'une année, 
la pension d'invalidité ne peut être obtenue qu'au bout de 
deux cents semaines, soit près de cinq années d'assurance; 
d'autre part, même pour un assuré qui aurait accompli ce stage 
légal, si les secours de maladie ne lui sontservis par une caisse 
de maladie que durant treize semaines, il subsistera une lacune 
entre l'expiration de celte période et celle de la période légale 
de vingt-six semaines d'incapacité de travail. Les rapports dans 
le domaine thérapeutique entre les deux branches d'assurance 
sont, au contraire, fort étroits : les établissements d'assu- 
rance-invalidité sont, en effet, admis à appliquer soit direc- 
tement, soit par l'intermédiaire de la caisse de maladie, le 
traitement qu'ils jugent convenable aux assurés dont la 
maladie peut faire redouter une invalidité ultérieure; à cette 
initiative, qui tend à la prévention de l'invalidité, les mêmes 
établissements sont autorisés par la loi à en joindre une autre 
qui vise Tallénuation de l'invalidité en appliquant aux invalides 
un traitement susceptible de leur faire recouvrer la capacité 
de travail ; 
3' Enfin les relations entre l'assurance-accidents et l'assu- 



go MAURICE BELLOM. 

rance-invalidité résultent des dispositions législatives qui 
spécifient que la présomption du caractère accidentel de 
l'incapacité de travail n'exclut pas le bénéfîce de la pension 
d'invalidité, et qui confèrent à rétablissement d'assurance- 
invalidité, vis-à-vis de l'établissement d'assurance-accidents, 
un droit à remboursement pour les avantages que celui-ci a pu 
retirer du traitement médical préventif organisé par les insti- 
tutions d'assurance-invalidité. 

Cette analyse sommaire des fonctions remplies par les or- 
ganes de l'assurance allemande permet de constater que cette 
assurance ne procure pas à l'ouvrier une protection complète. 
D'une part, le malade qui devient invalide est exposé à 
attendre l'achèvement du stage légal pour être admis au 
bénéfice d'une pension. D'autre part, l'assurance contre 
l'invalidité ne comprend l'assurance en cas de décès préma- 
turé du chef de famille que sous la forme embryonnaire d'une 
restitution de cotisations. 

D'ailleurs, l'assurance contre les accidents en Allemagne 
laisse encore à la responsabilité civile une place suffisante pour 
que les industriels allemands aient dû, en vue d'y faire face, 
prendre des mesures telles que la création du Syndicat des 
industriels allemands {DeutscherHaftpfUcht-Schutzverband) 
présidé récemment encore par M. Th. Môller, aujourd'hui 
ministre du Commerce prussien. 

D'autre part, si l'on recherche quelles seront, par tête 
d'assuré, les charges de l'assurance allemande lorsque la 
période d'équilibre sera atteinte, on trouve les chiffres sui- 
vants (*) : 



(M Les divergences qui peuvent exister entre ces ctiiffres et d'autres 
cliiffres déjà publiés proviennent de la base sur laquelle les prévisions 
ont été établies; un nouveau système financier ayant été mis récemment 
en vigueur : les chiffres ci-contre sont calculés d'après le dernier système. 
D'autre part, les explications suivantes relatives à Tassurance-accidents 
semblent opportunes : 

La loi allemande de 1884 avait adopté le système de la répartition : la 
loi allemande de 1900 a décidé que le fonds de réserve devait devenir tel 
qu'eu affectant ses intérêts à compléter les cotisations on pût main- 



l'assurance ouvrière a l'étranger. 



91 



Assurance contre 
le risque de 

Maladie 

Accident 

Invalidité 



Charges annuelles par tête d'assuré 
supportées par 

le patron, l'ouvrier. l'Empire. 



marcs 

5,i5 

10 » 

7,o5 



22,20 



marcs 

10, 3o 



/ î 



03 



17,35 



marcs 



3,55 



3,55 



Total. 

marcs 

i5,45 
10 » 
17,65 

43,10 



A l'heure actuelle, les chiffres correspondants sont les sui- 
vants : 



Assurance contre 
le risque de 

Maladie 

Accident 

Invalidité 



Charges annuelles par tête d'assuré 
supportées par 

le patron, l'ouvrier. l'Empire. 



marcs 

5.i5 

6,08 
4,65 



marcs 

10, 3o 



4,65 



i5,88 14,95 



marcs 



2,88 



2,88 



Total. 

marcs 
13,43 

6,08 

12,18 

33,71 



Ces chiffres correspondent à un salaire annuel moyen de 
600 marcs pour 3oo jours de travail par an. 

On peut déduire de ces chiffres que, dans la période d'équi- 



tenir celles-ci à un niveau constant, intermédiaire entre la prime mathé- 
matiquement nécessaire et la contribution maxima résultant de Tapplica- 
cation du système de la répartition. Cette valeur intermédiaire ressort à 

16 marcs 5o 
par assuré dans l'industrie. 

La prime constante aurait été de 12 marcs 36; la contribution, dans le 
système de la répartition» devait, lors de la période d'équilibre, atteindre 
20 marcs. 

Ces chiffres sont spéciaux à l'industrie. 

Pour que le système fonctionne, il faut que le fonds de réserve atteigne 
80 marcs 384 par assuré. Le régime que la loi de 1900 a prévu pour la 
constitution du fonds de réserve assure à ce fonds, en 1922, une valeur 
de 85 marcs 27 par assuré; il existe donc entre la valeur nécessaire et la 
valeur prévue une différence de 4 marcs 886 qui a été jugée suffisante pour 
faire face à l'éventualité d'un abaissement du taux de l'intérêt. 

II convient d'ajouter que les ouvriers participent aux charges du traite- 
ment du blessé pour la période initiale qui donne lieu à l'intervention des 
caisses de maladie (voir Maurice Bellom, Conférence précitée à la Société 
statistique de Paris, 1901, p. 36). 



3* Série, t. IV. 



9^ IIAIRICE BELLOM. 

libre, Touvrier allemand sera obligé de consacrer, par se- 
maine, à la prévoyance o marc 33 (soit o',4' )> dont o marc 19 
(soit 0^24) pour la maladie et omarc i4 (soit o^l7) pour Tin- 
validité. 

L'influence de l'assurance allemande sur la paix sociale 
peut s'apprécier d'après les deux critériums suivants : amé- 
lioration des rapports entre patrons et ouvriers, et satisfac- 
tion des légitimes aspirations des uns et des autres. 

Sur le premier point, il paraît certain que, d'une manière 
générale, la participation des ouvriers à la gestion de Tassu- 
rance-maladie et de Tassurance-invalidité et le règlement des 
litiges par voie arbitrale ont permis aux patrons et aux 
ouvriers de se connaître et de s'apprécier mutuellement. On 
a signalé, sans doute, l'augmentation du nombre des litiges (^) 
depuis l'entrée en vigueur de l'assurance. Toutefois, cette 
progression s'explique jusqu'à ce que l'institution ait atteint 
son régime d'équilibre, par la survenance annuelle de nou- 
velles victimes qui viennent se joindre aux victimes des 
années antérieures et par l'augmentation corrélative du 
nombre des personnes dont la pension doit être revisée et 
réduite en raison du recouvrement progressif de la capacité de 
travail. D'ailleurs, il semble impossible d'obtenir la suppres- 
sion des litiges sous un régime, quel qu'il soit, si la garantie 
des droits des patrons et des ouvriers est assurée par des 
recours contre les décisions intervenues. On a ajouté qu'en 
Allemagne les conflits qui s'élèvent au sujet des accidents 
n'afl'eclent point le caractère d'aigreur que pourrait revêtir 
une contestation individuelle entre l'ouvrier et son patron; 
car le travailleur ne se trouve point en présence du chef 
d'entreprise, mais en présence de l'établissement d'assurance, 
c'est-à-dire d'une collectivité, et les deux parties rencontrent, 
dans le tribunal, des juges désignés parmi leurs pairs. 

Sur le second point, il semble que les diverses branches 
de l'assurance ouvrière n'aient pas été, de la part des chefs 
d'entreprise, l'objet d'un accueil également favorable. Tandis 



( ' ) Voir les deux études de M. Maurice Bellom, publiées dans le Journal 
de la Société de statistique de Paris, 1897, p. 289 et 240, et 1901, p. 273. 



l'aSSURANCK OUVRIERE A L'ÉTRANGER. gS 

que rassurance-maladie consacrait, d'une manière presque 
exclusive, le régime existant et que Tassurance-accidenls, 
basée sur le groupement professionnel, associait des indus- 
triels que rapprochait sur le terrain économique la commu- 
nauté d'intérêts, Tassurance-invalidité, fondée sur le système 
territorial et appliquée à une population ouvrière plus éten- 
due et moins homogène, a rencontré de nombreux adver- 
saires. C'est qu'en effet Tobligaiion de prêter, à titre gracieux, 
un concours personnel à Tadministration de l'assurance est 
une de celles qui ont pesé le plus lourdement, du moins a 
l'origine, sur le patron allemand. Il convient d'ajouter qu'une 
modification législative, qui a chargé de l'exécution de cer- 
taines formalités les caisses de maladie et les autorités com- 
munales, a supprimé des causes de mécontentement et que 
l'amélioration des rapports entre le capital et le travail a dis- 
sipé certaines préventions des chefs d'entreprise. 

Quant aux charges financières imposées à l'industrie 
allemande par les lois d'assurance ouvrière, elles ont été 
évaluées comme suit dans un document que le gouvernement 
allemand a présenté à l'Exposition universelle de 1900 (*). 
Pour un salaire quotidien moyen de 2 marcs, les charges 
patronales seraient de : 

proniilgg 

/ maladie i ,3'3 

Assurance l accidents 9. 

( invalidité 2 

5,33 
soit 2,67 pour 100 du salaire. 

La période de prospérité que l'industrie allemande a tra- 
versée lors des premières années d'application des lois d'as- 
surance ouvrière explique la facilité avec laquelle cette indus- 
trie a supporté les charges nouvelles qui lui incombaient. 

Le parti socialiste allemand avait fait, au début de l'institu- 
tion des assurances ouvrières, une opposition marquée à 
l'organisation nouvelle. La loi sur l'assurance-invalidilé de 



(•) LuDWiQ Lass und Friedrich Zahn, Einrichtung und Wirkung 
der deutschen Arbeiterversicherung, p. 220. 



94 MAURICE BELLOM. 

1889 n'avait élé volée qu'à une majorité de vingt voix, et les 
socialistes avaient refusé leur approbation à la loi, en parti- 
culier à cause de Tinsuffisance des avantages que, d'après 
eux, elle procurait à la classe ouvrière ; ils imitaient, selon 
l'expression du ministre d'Etat M. de Botiicher, l'exemple de 
l'homme affamé qui demande un morceau de pain beurré et 
le refuse sous prétexte qu'il est sec. La loi de 1899 fut, au 
contraire, adoptée par plus de deux cents voix contre une 
minorité infime (de cinq voix); la majorité comprenait les 
socialistes : c'était la première loi sociale qui eût obtenu leurs 
suffrages. Et cependant, si l'on compare les avantages garantis 
par la législation allemande d'assurance-invalidité à ceux que 
promet la législation similaire projetée en France, on est amené 
à penser que les travailleurs allemands, s'ils avaient été con- 
sultés dans un référendum analogue à l'enquête française de 
1901 (^), auraient formulé des critiques semblables à celles 
des ouvriers français. Si l'âge de 65 ans a paru trop élevé 
pour l'admission à la retraiie de vieillesse, l'âge de 70 ans 
aurait été qualifié de plus prohibiiif encore, et la crainte de 
voir retomber sur l'ouvrier, par voie de réduction de salaire, 
la charge de la contribution patronale, n'aurait pas été for- 
mulée avec moins de vigueur. 

Toutefois, ce qui aurait peut-être atténué les critiques de 
la part des ouvriers allemands, c'est que l'ensemble de l'or- 
ganisation d'assurance, en dépit des lacunes existant entre 
les diverses branches, permet la réalisation d'avantages incon- 
testables dans l'ordre matériel. D'après les chiffres donnés 
plus haut, les ouvriers acquittent moins de la moitié des 
charges de l'assurance ouvrière ( 14 marcs 9^ sur 33 marcs 71 ; 
17 marcs 35 sur 43 marcs 10). Ils reçoivent, d'ailleurs, des 
allocations dont la valeur est de beaucoup supérieure à celle 
des cotisations qu'ils ont payées, comme l'indiquent les 
chiffres suivants : 



(M Voir l'analysa da ce referemlum dans l'article de M. Maurice 
B::llo>i sur les Retraites ouvrières en France {Revue politique et parle- 
mentaire, 1902, t. XXXI, p. 119 et suiv.). 



L ASSURANCE OUVRIEHE A L ETRANGER. 95 

Assurance Charge Dépense 

contre supportée par assuré 

le risque de par l'ouvrier. en 1899. 

mnrcii marcs 

Maladie io,3o i5,85 

Accident — 4,4i 

Invalidité 4 , 65 6/23 

14,95 26,49 

A la On de Tannée 1899, 4^ millions de personnes (malades, 
victimes d'accidents, invalides et ayants droit de blessés ou 
d'invalides) avaient reçu 2 milliards-} de marcs d'indemnités. 
Les ouvriers avaient payé moins de la moitié de celte somme 
à titre de cotisations. On a calculé que l'assurance ouvrière 
entraîne en Allemagne une dépense de i million de marcs par 
jour; la fortune des éiablissemenls d'assurance atteint près 
de I milliard, dont 100 millions environ ont été employés à la 
construction de maisons ouvrières, d'établissements thérapeu- 
tiques et d'autres institutions en faveur des ouvriers. 

De plus, les caisses de maladie ont développé les secours 
thérapeutiques par Tallocaiion des soins immédiats et par la 
création d'établissements de convalescence; elles ont, en 
outre, cherché à améliorer l'hygiène du travail (^). Les éta- 
blissemenls d'assurance-accidents se sont préoccupés à la 
fois de l'allocation de soins immédiats aux blessés par l'orga- 
nisation de postes de secours, et de la réalisation d'un traite- 
ment efficace par la combinaison de la mécanothérapie et de 
la chirurgie; ils ont également dirigé leurs elForts dans le 
sens de la prévention des accidents. Si, d'autre part, l'aug- 
mentation du nombre des accidents a été signalée comme 
imputable à l'assurance obligatoire, il convient de rappeler (*) 
que les accidenis graves diminuent et que la progression, 
limitée aux accidents légers, s'explique par l'exercice d'un 
contrôle plus rigoureux sur la déclaration des accidents, par 
l'accroissement de l'activité industrielle, par le développe- 



(*) Voir les éludes précitées de M. Maurice Bellom, dans le Journal 
de la Société de statistique de Paris, 1901, p. 261. 
(2) Ibidf ^897, p. 282, et 190 1, p. 265. 



96 MAL'RICB BELLOU. 

menl de remploi des machines, — ces deux dernières circon- 
stances conduisant parfois à l'emploi d'ouvriers inexpérimen- 
tés, — par la diffusion de la connaissance des dispositions 
légales, enfin par le libéralisme de la jurisprudence. Les 
établissements d'assurance-invalidité ont également cherché à 
réaliser à la fois la prévention et la guérison de Tinvalidité : 
ils ont consacré dans ce but des efforts particuliers à la lutte 
contre la tuberculose et à l'amélioration de l'hygiène de la 
famille ouvrière par la construction de maisons à bon marché. 
Les avantages que les ouvriers retirent de ces allocations 
de l'assurance doivent, d'ailleurs, profiter à l'ensemble de la 
population, qui peut recourir aux postes de secours et trouve 
dans les établissements d'assurance un précieux auxiliaire 
pour l'amélioration de la sanlé publique (^). 

2* Belgique et Italie, 

Le régime institué en Belgique par la loi du 10 mai 1900, 
en Italie par la loi du 17 juillet 1898-7 juillet 1901, est, à la 
différence du système allemand, basé sur la liberté. Dans l'un 
et Taulre pays existe une Caisse d'Etat, mais l'affiliation n*y est 
nullement obligatoire. 

De plus, l'une et l'autre législation ont cherché à utiliser le 
concours des sociétés de secours mutuels pour le recrutement 
des assurés : les moyens employés devaient, d'ailleurs, diflTérer 
en raison du rôle que les lois en vigueur attribuaient, dans 
chacun de ces pays, aux sociétés mutualistes. En effet, tandis 
que les sociétés belges ne peuvent réaliser que l'assurance 
contre la maladie, l'assurance de pensions de retraite est 
accessible aux sociétés italiennes. S'il est impossible d'énu- 
mérer ici le détail des procédés (*), il est du moins essentiel 
de signaler que Toeuvredu législateur a trouvé dans toutes les 
classes de la population les plus actifs auxiliaires, a L'enthou- 



(M Voir Journal de la Société de statistique de Paris, loc. cit., 1901, 
p. 273. 

(») Voir pour ce détail, Maurice Bellom, Les retraites ouvrières en 
France {Revue politique et parlementaire, 1902, t. XXXI, p. 3i4 à Sig). 



»-l. 



L ASSURANCE OUVRIERE A L ETRANGER. 



97 



siasme» quiaaccueillienBelgiqueynotammentdansleHainaut, 
la propagande du clergé, des hommes politiques» des jeunes 
gens, des femmes elles-mêmes n'a d'équivalent que dans 
le zèle développé en Italie par les comités de patronage 
et les comices agricoles. 

Ces généreux efforts ne sont pas demeurés stériles. En Bel- 
gique, le nombre des affiliations nouvelles à la Caisse de 
retraite a plus que doublé en 1900 : de 66712 il a passé à 
1 36384. En Italie^ la progression, si elle porte sur des chiffres 
plus faibles, n'en est pas moins évidente : 



îombre des ouvriers inscrits 
Versements des ouvriers in- 
scrits 

lentes servies dans l'exercice 
'ortune de la Caisse 



3i décembre 


3i décembre 


3i décembre 


1899. 


1900. 


1901. 




10 000 


42000 


— 




809060 lires 






2 180000 lires 


11498000 lires 


14 340 175 lires 


16339 117 lires 



IV. 



De ce qui précède ressort la constatation d'avantages maté- 
riels dus au régime de Tobligation. Toutefois il est indéniable 
que ces avantages sont acquis au prix de charges que la pro- 
spérité de Tinduslrie permet seule d'accepter : l'institution 
d'un pareil régime soulève donc une question d'opportunité, 
et il serait impossible d'en faire supporter la création durant 
une période de crise. 

D'autre part, s'il était possible de créer pour l'ensemble 
d'une nation une organisation d'assurance complète qui 
pourvût à la fois aux secours de maladie et aux pensions de 
veuves et d'orphelins, et en général aux allocations les plus 
différentes au point de vue des conditions de leur régime, on 
serait fondé à célébrer comme un bienfait l'intervention du 
législateur. Mais il n'existe pas encore une organisation géné- 
rale d'assurance créée par la loi : l'édifice allemand, qui a 
réalisé la plus vaste application de l'assurance obligatoire. 



S8 MAURICE BELLOH. 

ofTre des lacunes, et Theure ne saurait être encore Gxée où 
elles seront comblées. 

Enfin, si le seul but à atteindre était la généralisation 
immédiate des idées de prévoyance ( • ) et Texlension uniforme 
d'un régime applicable à tous les cas, la déûnition, par ua 
texle de loi, des éléments de ce régime s'imposerait au nom 
de la logique. Mais c^est Ténergie morale qu'il importe avanl 
tout de développer, ei c*est la variété, et non Funiformité, 
qu'il convient de demander à un système d'assurance : l'assu- 
rance ne doit-elle pas, en effet, revêtir les formes diverses 
du risque à couvrir, et n'y a-t-il pas une connexité inéluctable 
entre la nature du mal et le choix du remède? 

L'examen des Inconvénients du régime de l'obligation pré- 
cise et confirme ces observations. 

Au début de cet examen, une distinction préjudicielle 
s'impose entre l'assurance contre les accidents et les autres 
branches d'assurance. La première a pour base la responsa- 
bilité patronale; le risque à couvrir est, sous un régime de 
responsabiliié légale, un risque patronal et non un risque 
ouvrier. L'adoption d'un système de responsabilité forfaitaire 
a ainsi entraîné par voie de conséquence nécessaire l'institu- 
tion de l'assurance obligatoire contre les accidents, dans des 
pays où l'obligation de l'assurance n'a pas été édictée contre 
les autres risques : l'exemple de l'Italie, qui, par la loi du 
17 mars 1898, a imposé l'obligation de l'assurance contre les 
accidents sous réserve du libre choix des moyens et qui, en 
matière d'invalidité, est restée fidèle au système de l'assurance 
facultative, le prouve nettement. C'est qu'en effet la combi- 
naison de l'assurance facultative contre les accidents sous le 
régime de la responsabilité légale entraîne, au début tout au 
moins, des difficultés d'application (-) et aboutit, pour la con- 
stitution de la garantie des indemnités, à des conséquences 



(•) Voir le développement de cet argument dans le rapport de M. ie 
D' Zacher au Congrès des accidents du travail et des assurances sociales 
de 1900 {Compte rendu des travaux du Congrès, t. I, p. 12). 

(') Voir sur ce point Maurice Bellom, La loi sur les accidents du 
travail et les difficultés présentes {Revue politique et parlementaire, 
1899, t. XXI, p. 90 et 91). 



l'assurance ouvrière a l étranger. 99 

illogiques (*) qui ne se juslifienl que par la. modicité des 
intérêts en cause. 

C'est donc abstraction faite de l'assurance contre les acci- 
dents que les inconvénients de la contrainte vont être exa- 
minés. 

Ces inconvénients sont les uns moraux, les autres maté- 
riels : les premiers, comme les seconds, atteignent à la fois 
l'individu et la société. 

I. — Inconvénients moraux. Pour rindwidu : 

1° La contrainte s'oppose à la tendance instinctive de 
l'homme à l'activité; 

2® Elle supprime chez l'individu la noiion de la responsa- 
bilité et le sentiment de la nécessité de l'effort; l'apologue 
antique est toujours vrai : un Athénien, pour éviter à ses 
abeilles le trajet de son jardin au mont Hymette, plante dans 
son jardin les fleurs de la montagne et coupe les ailes des 
abeilles; celles-ci ne produisent plus de miel et ne lardent 
pas à mourir. Le sort de ces abeilles n'est-il pas celui qui 
attend l'individu privé de la liberté de l'effort? 

3*» La contrainte retarde l'ascension sociale du travailleur 
par la privation, qu'elle lui impose, de la disposition du fruit 
de son labeur. 

Pour la société : 

1° L'obligation arrête le progrès social qui dépend des 
progrès de l'individu; 

2° Elle tend à constituer arbitrairement dans la société des 
classes distinctes : en effet, l'obligation ne s'applique pas à 
l'ensemble de la population qui doit recourir à la prévoyance; 
les citoyens non admis au bénéfice du régime légal ne sont 
pas tous dans l'aisance; parmi eux figurent soit des travail- 
leurs agricoles, soit de petits artisans qui différent à peine des 
simples ouvriers avec lesquels ils travaillent. 

IL — Inconvénients matériels. Pour rindwidu : 



(M Voir Maurice Bellom, De la responsabilité en matière d^accidents 
du travail, 2* édition, p. 5o3 à 5o5. 



• - • ; :■ • v> 



lOO UAURICB BELLOM. 

Le régime d'obligation prive le travailleur de la libre dispo- 
sition du produit de son travail. £n effet : 

i"" L'obligation empêche le travailleur de consommer la 
totalité de son salaire^ contrairement au respect du droit de 
propriété; 

2<' Elle détermine, par une violation du même droit, la pari 
du salaire à affecter à l'épargne, et elle enlève au travailleur 
le libre emploi de cette épargne. Or : 

D'une part, sous le régime de la liberté, le travailleur con- 
sacre son épargne à Tobjet le mieux approprié à ses besoins 
ou à ses goûts : l'un cherche à s'élever au-dessus de son 
niveau social primitif en achetant l'outil, le champ ou l'atelier 
par lequel ou dans lequel il travaille, afin de pouvoir, aujour- 
d'hui manœuvre industriel ou agricole, devenir demain artisan 
ou cultivateur; l'autre acquiert par des sacrifices successifs et 
persévérants la maison qu'il habite; un autre consacre ses 
ressources à l'éducation d'une nombreuse famille. L'obligation 
d'affecter à l'assurance une portion du produit du travail réduit, 
si elle ne la supprime, la portion qui peut être réservée à des 
objets différents. 

D'autre part, la variété des situations du travailleur appelle 
la diversité correspondante des formes de prévoyance : l'assu- 
rance en cas de vie, par exemple, qui suffit au célibataire, ne 
saurait répondre aux préoccupations du mari ou du père, qui 
doit recourir aux diverses combinaisons de l'assurance en cas 
de décès (*). 

Pour la société : 

1° L'institution d'un régime obligatoire entraîne, pour la 
production, des charges qui atteignent, par répercussion, 
soit le salaire, soit le profit industriel, soit le prix de vente, 
c'est-à-dire l'ouvrier, l'entrepreneur ou le consommateur, et 
souvent tous trois ensemble. 

2° L'organisation de l'assurance obligatoire crée pour l'État 
une fonction nouvelle et fort complexe. D'une part, l'applica- 



(') Voir pour plus de détails Des relations mutuelles des diverses 
branches de l'assurance ouvrière (Rapport présenté par M. Maurice 
Bellom au Congrès international des assurances sociales de 1900). 



l'assurance ouvrière a L*ËTRANG£R. ioi 

1 

tion de la contrainte constitue, tout au moins à l'origine, une 
expérience tentée en l'absence de bases techniques suffi- 
santes : elle ne se prête que difficilement aux essais limités 
que comporte le régime des entreprises de Tinduslrie privée; 
elle expose donc à des mécomptes dont les conséquences 
financières sont supportées par l'État, s'il est lui-même 
assureur, et lui sont, en tout cas, reprochées parce qu'il n'a 
pu édicter l'obligation sans veiller par un contrôle efficace à 
la solvabilité des assureurs. D'autre part, l'assurance obliga- 
toire ne comporte point de retouches susceptibles d'atteindre 
les assurés dans leurs droiis acquis ou en cours d'acquisi- 
tion : elle revêt un caractère définitif; elle n'offre donc point 
l'élasticité de réforme nécessaire à l'application de combinai- 
sons aussi vastes. Enfin, outre l'absence de données tech- 
niques au début de l'organisation, l'éventualité de modifica- 
tions du taux de l'intérêt crée un danger d'autant plus grave 
que les capitaux immobilisés sont plus considérables et que 
la variété des placements est moindre (*). 

3° Les ressources de l'assurance sont obligatoirement 
recouvrées comme l'impôt, avec cette différence qu'elles 
pèsent sur des contribuables qui ne seront jamais appelés au 
bénéfice des avantages correspondants ; en effet, lorsque 
l'assurance est décrétée obligatoire, il est nécessaire que la 
société intervienne par ses ressources à la place de ceux qui 
sont incapables de tout efîort de prévoyance. La société est 
ainsi conduite à effectuer sur chacun de ses membres un 
prélèvement qui pourra être qualifié, au début, de prime 
d'assurance, mais qui ne tardera pas à être assimilé à l'impôt. 
Le contribuable aisé aura peine à distinguer la somme qu'il 
acquitte pour le service de l'assurance de celle qu'il paie 



(*) C'est à dessein que je ne signale pas l'argument opposé fréquem- 
ment au principe de l'obligation de Tasçurance et tiré des dangers de 
l'accumulation de capitaux qu'elle entraîne (Voir mon ouvrage précité: 
De la responsabilité en matière d^ accidents du travail, a* édition, p. 493, 
I" alinéa); il convient, en effet, de signaler que la disponibilité intégrale 
de ces capitaux n'est pas exigible comme celle des capitaux de caisses 
d'épargne et que Tinstitution d'un régime d'obligation n'exclut point la 
possibilité d'accorder aux assureurs une liberté suffisante dans les place- 
ments qui ne sont nullement limités aux emplois d'État. 



102 mai:rice bellom. 

ff 

pour le service de l'assistance publique : c'est donc à la con- 
fusion de l'assurance et de l'assistance qu'aboutit un régime 
de contrainte. 

4"* Le régime de l'obligation conduit, pour un autre motif, à 
la même confusion. Les considérations qui déterminent 
l'institution de ce régime doivent, logiquement, aux yeux de 
ses partisans, en hâter l'application. Elles ne permettent donc 
pas de l'ajourner à l'époque où les intéressés, aujourd'hui 
jeunes et valides, auront atteint l'âge légal de la vieillesse ou 
auront été frappés d'invalidité; elles exigent l'octroi immédiat 
du bénéfice de l'assurance aux vieillards et aux invalides 
actuels, bien qu'ils n'aient effectué aucun sacrifice per- 
sonnel. 



Est-ce à dire qu'il n'y a rien à faire? Loin de là, il y a beau- 
coup à faire, de nombreux progrès à réaliser, de vastes 
réformes à accomplir. Mais qui dit réforme ne dit pas révolu- 
tion ; qui dit progrès ne dit pas bouleversement. 

Il est, du resle, peu de matières où l'on puisse affirmer, 
avec plus de confiance qu'en la maiière de la prévoyance, 
que le progrès doit être cherché dans le concours de notions 
morales et de données scientifiques. Je n'hésite pas à ajouter 
qu'une réforme ne saurait être durable que si elle est entrée 
dans les mœurs avant d'être inscrite dans la loi. C'est donc 
par la notion d'un devoir à accomplir que la question me 
paraît se poser, et c'est dans l'accomplissement de ce devoir 
qu'elle trouvera sa solution : 

Devoir, pour l'ouvrier, de songer non seulement au pré- 
sent, mais encore à l'avenir, tant pour lui-même que pour sa 
famille; 

Devoir, pour le patron, de ne ménager à l'ouvrier ni les 
encouragements matériels ni les exhortations morales aux 
œuvres de prévoyance; 

Devoir, pour les associations de secours mutuels et pour 
les sociétés d'assurance, de mettre à la disposition des inté- 
ressés, patrons et ouvriers, des institutions capables de pour- 
voir aux diverses formes de la prévoyance; 



L ASSURANCE OUVRIERE A L ETRANGER. I03 

ff 

Devoir, pour lElal, d'encourager la prévoyance et de 
s'abstenir de toute mesure susceptible de détourner l'individu 
de l'efifort personnel ; 

Devoir, pour tous les citoyens, de concourir à l'enseigne- 
ment de la prévoyance. 

Comment chacun de ces devoirs peut-il et doit-il être 
accompli ? C'est ce qu'il me reste à examiner. 

1** Devoir de r ouvrier. — «Obtenez du travailleur, s'écriait 
Mirabeau devant l'Assemblée Constituante, non par des lois, 
mais par la toute-puissance de l'exemple, qu'il dérobe une 
très petite portion de son travail pour le confier à la repro- 
duction du temps, et par cela seul vous doublerez les res- 
sources de l'espèce humaine. » Et il ajoutait : « Qui doute 
que le travail de l'homme dans sa vigueur ne pût le nourrir 
dans sa vieillesse? » Sans doute, il existe des obstacles à la 
prévoyance; mais, comme je l'ai dit, ils ne sont pas insur- 
montables, et l'effort que la prévoyance exige de l'ouvrier, si 
malaisé qu'il soit, n'est nullement impossible. Pour ne citer 
que des exemples de l'étranger, les ouvriers belges et, à leur 
suite, les ouvriers italiens donnent chaque jour une preuve 
éclatante des sacrifices dont le travailleur est capable. J)e 
même, en Angleterre et en Amérique, ce ne sont pas seule- 
ment les caisses d'épargne, ce sont aussi les sociétés d'assu- 
rance populaire ou « industrielle » (*) qui drainent une 
grande partie de l'épargne du travailleur. 

^^ Devoir du patron. — C'est un vériiable lieu commun 
que d'insister sur l'obligation morale, qui s'impose au patron, 
de donner à l'ouvrier autre chose que le salaire. Celte noble 
pensée, naguère formulée par Dollfusde Mulhouse, au eu son 
écho jusque dans les sociétés plus jeunes, comme aux Etats- 
Unis, soit dans l'industrie des chemins de fer (^), soit da:is des 
industries diverses (^). 



(') Voir sur ce point, Bulletin de l'Institut des Actuaires^ 1902, n* 1, 
Chronique, par M. Maurice Bellom. 

(^) Bulletin of the Department of Lahor^ novembre 190 1, p. 1076 
et suiv. 

(•■') Réforme sociale, t. I, 1901, p. 279, 1" alinéa. 



J04 MAURICE BELLOIf. 

On a, sans doute, signalé les difficultés que rencontre Texer- 
cice du patrondge : on a dit (*) que « Thisloire économique 
du xii"" siècle a été à certains égards l'histoire de la grandeur 
et de la décadence des institutions patronales », et, après 
avoir reconnu aux patrons le mérite d'avoir pris Tinitiative de 
presque toutes les œuvres d'économie sociale, on a ajouté 
que « Tiniiialive patronale a été resserrée et comme étouffée 
entre deux autres facteurs : d'une part, Tassociation ouvrière; 
d'autre part, l'État », celui-ci se chargeant de pourvoir aux 
institutions d'épargne et de prévo^'ance, celle-là substituant 
l'effort coopératif aux libéralités du patron. On a également 
signalé le développement de l'esprit d'indépendance qui 
pousse l'ouvrier à échapper à ce qu'il appelle la tutelle patro- 
nale. On en a conclu que l'action patronale devait se réduire 
à rendre le travail plus facile et plus agréable, et l'on a cité 
les aménagements réalisés aux États-Unis pour améliorer le 
bien-être matériel et moral des travailleurs ,(*). H a semblé 
toutefois (') que l'intervention patronale ne comportait plus 
la création de caisses de prévoyance. 

J'avoue ne point partager cette dernière opinion. Sans 
doute, comme l'a fait remarquer dès 1867 M. Levasseur (*), 
(( le patronage direct est difficile à pratiquer, il doit s'armer 
d'une volonté persévérante, déployer un zèle ingénieux sans 
jamais s'imposer, s'attendre à de nombreux obstacles opposés 
par la déOunce, sans faire fond de la reconnaissance des 
obligés ». Toutefois, en rappelant cette formule il y a quelques 
mois à peine (^), M. Levasseur constatait la tendance des 
patrons à prendre à leur charge l'ensemble des dépenses de 
prévoyance afin de supprimer des résistances et de simplifier 
la gestion, et il exprimait la crainte de voir l'ouvrier confondre 



(') Gide, Les nouvelles formes des institutions patronales {^L'Éman- 
cipation, numéro du i5 février 1902, p. 19 et suiv). 

(') Voir des exemples de ces institutions dans une étude de M. Louis 
lliviÈRE {Réforme sociaUf t. II, 1900, p. 604 ). 

(') Gide, loc. cit., p. 21, !*'• col. 

(*) Histoire des classes ouvrières en Europe, édition de 1867. 

(^) Rapport à l'Académie des Sciences morales et politiques sur le con- 
cours pour le prix Jules Audéoud, 1901, p. 33 et 3/|. 



L ASSURANCE OUVRIÈRE A L'ÉTRANGER. Io5 

avec une clause du contrat de travail les avantages qu'il doit 
à la libéralité patronale. Il ajoutait : «Il est excellent que le 
patron prévoyant veille aux besoins matériels de ses employés; 
mais il est moral d'inculquer aux ouvriers le sentiment de la 
prévoyance, qui est une des conditions de leur dignité per- 
sonnelle ». 

N*est-il pas possible de concilier les vues qui viennent 
d'être rappelées, le respect de la complète indépendance de 
l'ouvrier et le souci de la prévoyance, sans limiter les institu- 
tions patronales au domaine de l'amélioration matérielle et 
morale du sort des travailleurs? Il me semble que le patron, 
qui crée dans son usine une société de secours mutuels pour 
le personnel qu'il emploie, et qui ajoute sa cotisation à celle 
de l'ouvrier, ne compromet point la liberté de celui-ci et 
laisse à l'acte de prévoyance de l'ouvrier la part de sacrifice 
personnel qui relève le travailleur à ses propres yeux. Il en 
sera de même du patron qui, soit isolé, soit associé à 
d'autres, contribue de ses deniers à Talimentation d'une 
caisse à laquelle versent ses ouvriers. 

L'encouragement à la prévoyance peut d'ailleurs résulter, 
soit de l'addition de la contribution patronale à la contribu- 
tion ouvrière librement consentie, soit de l'insertion dans le 
contrat de travail d'une clause qui oblige l'ouvrier à verser à 
la caisse subventionnée par le patron. Cette dernière combi- 
naison est, au point de vue moral, inférieure à la première; 
mais elle peut être réclamée par l'insouciance du travailleur 
ou par son ignorance des bienfaits de la prévoyance ; en tout 
cas, elle doit être limitée aux ouvriers proprement dits et 
ne jamais être étendue aux employés, que la supériorité des 
ressources et l'élévation du niveau intellectuel ne permettent 
pas de supposer ignorants à ce point des conditions de leur 
avenir. 

Quant à la gestion, s'il est désirable en principe que le 
patron y participe pour écIaiKcr et aider les administrateurs 
ouvriers, il est essentiel qu'il y renonce dès que cette colla- 
boration éveille la susceptibilité de ceux qu'elle tend à 
seconder : sa retraite ne saurait être qualifiée de désertion, 
mais de discrétion. 



Io6 MAURICE BBLLON. 

Enfin, aux encouragenients niatériels doivent s'ajouter les 
encouragements moraux, tels que conférences et distribu- 
tions de brochures ou d'images pour la diffusion des idées 
de prévoyance, fêtes et distributions de récompenses desti- 
nées à célébrer les institutions de prévoyance et à honorer 
les efforts soutenus de l'ouvrier prévoyant : la vertu de 
l'exemple est, à l'égard de l'ouvrier, d'une admirable puis- 
sance. 

Cet ensemble de mesures exige, dans l'application, un tact 
dont l'exercice est souvent plus difficile que ne sont lourds 
les sacrifices pécuniaires exigés du patron. Mais celui-ci ne 
doit pas oublier qu'il a charge d'âmes et que, s'il doit donner 
à ses ouvriers, il doit aussi se faire accepter par eux. Une 
libéralité qui aigrit par la forme qu'elle revêt est plus nuisible 
qu'utile : elle éloigne l'ouvrier non seulement du patron, 
mais aussi de l'œuvre qui a motivé la libéralité patronale. On 
a dit qu'il y avait une « morale des milliardaires » ; il y a 
aussi une morale des chefs d'entreprise, grands ou petits, et 
l'éducation de leur personnel en matière de prévoyance est 
une des règles de celle morale. 

3"" Devoir* des associations de secours mutuels et des 
sociétés d assurance, — L'un des avantages essenuels des 
associations nées de l'initiative privée est la variété de leurs 
formes, Télasiicité de leur cadre. A chacune des crises de la 
famille ouvrière elles doivent offrir un remède; à chacune des 
préoccupations de l'ouvrier soucieux de son avenir elles 
doivent donner satisfaction. Elles ne doivent donc point, 
comme dans cerlains pays, limiter leur action à l'assurance 
contre la maladie ou a l'assurance de capitaux au décès. 
Elles doivent, dans la mesure et selon les règles que le 
législateur leur a tracées, pratiquer elles-mêmes ou faciliier 
par leur entremise les diverses formes de l'assurance, à 
l'exemple des caisses autrichiennes enregistrées, qui pour- 
voient même à l'assurance des veuves et des orphelins et à 
l'assurance dotale. Mais, pour remplir celte mission, il est 
essentiel qu'elles renoncent aux habitudes anciennes qui 
consistaient à allouer des secours selon les ressources exis- 



L ASSURANCE OUVRIERE A L ETRANGER. I07 

lanles, à la manière d*insUtulions d'assistance qui ne s'en- 
gagent que dans les limites de leur fortune éventuelle. Pour 
être appréciées des travailleurs et mériter de Têtre, elles 
doivent leur fournir des garanties qui répondent au besoin 
de la certitude exigée d'une institution d'assurance. Elles 
doivent pour cela se conformer aux règles de la technique 
des assurances. Les actuaires belges et italiens, les uns dans 
le Bulletin de la Préi^oyance, les autres dans le Bulletin du 
Crédit et de la Prévoyance, prodiguent, les premiers à titre 
de travaux d'initiative privée, les seconds sous forme de 
rapports officiels, les conseils éclairés de leur expérience et 
de leur savoir (* ). 

Les sociétés d'assurance ont également une mission à rem- 
plir. Elles peuvent contribuer à la diffusion de la prévoyance 
en mettant à la disposition des classes laborieuses des com- 
binaisons appropriées à leurs besoins, accessibles aux plus 
modestes budgets et entourées du minimum de formalités. 
L'exemple du développement qu'ont pris en Angleterre, aux 
États-Unis, et même en Allemagne, les sociétés d'assurance 
populaire, montre ce dont l'industrie de l'assurance est ca- 
pable sous un régime légal qui ne l'entrave point par un con- 
trôle excessif ni ne l'écrase par une fiscalité oppressive. 

4° Devoir de l'État, — Il semble superflu de préciser le 
devoir de l'État en matière d'encouragement de la prévoyance. 
Et cependant les enseignements de Thisloire démontrent que 
l'État peut non seulement oublier ce devoir, mais encore 
nuire au développement spontané de la prévoyance. Sans, 
revenir sur les obstacles qu'un régime légal d'obligation 
oppose au développement de l'épargne ou de certaines formes 
de l'assurance, il est intéressant de signaler que l'État doit 
faire preuve d'une sagacité particulière dans le choix des 
moyens d'encouragement à employer. 

Tout d'abord, lorsqu'il crée des caisses officielles pour per- 



(') Eli France, la Bévue de la Prévoyance et de la Mutualité rôpond 
au même besoin par les travaux du Comité teclinique de la Ligue dont 
cette Revue est l'organe. 

3- Série, t. IV. 8 



lo8 UAURICE BELLOM. 

meure aux intéressés de conlracter les assurances qu'ils 
désirent, il doit songer que les institutions d'État seront 
prises pour modèles par les particuliers ; il doit donc les 
organiser sur des bases rationnelles, comme s*il s'agissait 
d'institutions autonomes, sans se confier aux garanties que le 
public trouve dans le crédit de TÉtat : la tenue d'une gestion 
spéciale et rétablissement de bilans techniques s'imposent à 
rÉtat comme aux particuliers. L'État y gagne la connaissance 
exacte du fonctionnement de chacune de ses caisses d'assu- 
rance^ la notion de l'étendue des sacrifices qu'il fait pour 
les alimenter et, par suite, de ceux qu'il peut consentir 
encore. De plus, il faut que les pouvoirs publics fassent con- 
naître aux intéressés Texislence et le fonctionnement des 
institutions officielles et qu'ils leur facilitent le recours à ces 
institutions; en d'autres termes, l'État doit prendre, d'une 
part, des mesures de publicité et de propagande; d'autre 
part, des mesures de simplification quant aux formalités à 
remplir : les premières peuvent consister notamment dans 
des avantages matériels ou dans des distinctions accordées 
aux fonctionnaires qui répandent la connaissance des insti- 
tutions de prévoyance; les secondes, dans la suppression des 
règles que la pratique administrative n'exige pas comme la 

■ 

condition indispensable d'une bonne gestion. £n outre, FËlat 
doit constamment veiller à ce que ses caisses d'assurance 
soient toujours en mesure de satisfaire aux desiderata des 
intéressés : il convient, à cet effet, que le cadre primitif de 
l'institution ait été tracé sur un plan assez large pour com- 
porter une extension ultérieure; il faut, de plus, que les 
agents chargés du service de l'institution se tiennent en con- 
tact assez intime avec les intéressés pour connaître et signa- 
ler aux autorités compétentes les réformes à accomplir. 

Ce programme, qui semble revêtir un caractère exclusi- 
vement théorique, a été réalisé. La Caisse générale d'épargne 
et de retraites de Belgique, la Caisse italienne de prévoyance 
pour Tinvalidiié et la vieillesse des travailleurs ont été éta- 
blies et fonctionnent d'après les règles qui viennent d'être 
formulées. La loi belge du i6 mars i865-i*^ juillet 1869, 
par son article i4, prescrit la tenue d'une gestion distincte de 



L ASSL'RANCK OUVUIKRK A L ETHAXGKR. rO() 

la Caisse d'épargne et de la Caisse de relraiies, et la production 
d'un connpte rendu annuel. La loi ilalieniie du "28 juillet 1901 
exige, par son article 3o, la préseniaiion de bilans techniques 
au minisire de TAgriculiure, de l'Industrie et du Commerce, 
et leur communication au minisire du Trésor. La plus 
large publicité et la plus active propagande (^) sont réalisées 
par voie d'écrits et de conférences avec le concours des auto- 
rités locales. L'affiliation est facilitée dans la mesure la plus 
étendue. Enfin, d'une part, en Belgique, la loi du 9 août 1889 
relative aux habitations ouvrières a, par son article 8, auto- 
risé la Caisse générale d'épargne et de retraites à faire des 
opérations d'assurances mixtes, et la loi du 21 juin 1894 a 
annexé à la Caisse de retraites une Caisse d'assurance sur la 
vie (-); d'autre part, en Italie, un décret du 21 décembre 1901 
a autorisé la Caisse de prévoyance à exploiter l'assurance 
populaire de rentes viagères ('). 

Indépendamment de la création d'Institutions officielles, 
l'État peut et doit faciliter la prévoyance par des encoura- 
gements aux œuvres d'initiative privée. Ces encouragemenis 
sont moraux ou matériels. Les uns consistent dans l'attribu- 
tion de distinctions aux administrateurs désintéressés d'insti- 
tutions de prévoyance, ainsi qu'aux travailleurs qui ont fait 
acte persévérant et méritoire de prévoyance; les autres résul- 
tent de l'organisation de concours ou de l'attribution de prix 
en argent (*) aux caisses dont le fonctionnement est le plus 



(') Voir, sur rintervention des gouverneurs provinciaux en Helgique 
et sur celle des comités locaux en Italie, Les Retraites ouvrières en 
France, par M. Maurice Bellom {Revue politique et parlementaire, 
1902, t. XXXI, p. 817 et 3i8). 

(^) Le Rapport de M. Lépreux relatif à l'exercice 1900 renferme des 
détails très intéressants sur les diverses combinaisons de la Caisse l»clge ; 
assurances vie entière et assurances mixtes; la Caisse admet l'assurance 
sans examen médical; dans ce cas, l'assurance ne débute que 2 ans après 
le premier versement de prime et, en cas de décès survenu avant cette 
échéance, les primes sont remboursées sous déduction de 3 pour 100. 

(^) Un article de M. V. Magaldf, dans l'Économiste d'Italie du i" fé- 
vrier 1902, contient des détails fort instructifs sur le régime de cette 
assurance. 

(*) Vou\ sur les mesures prises à cet égard en Italie, Maurice Bellom, 
loc. cit. {Revue politique et parlementaire, 1902, t. XXXI, p. 319). 



IIO MAURICE BELLON. 

salisfaisant, de Toclroi d'un taux d'intérêt de faveur aux 
placements effectués par les institutions de prévoyance dans 
les caisses de l'État (M, enfin de l'octroi de subventions 
directes soit au profit des assurés, soit au profit des institu- 
tions, qui peuvent à leur tour en gratifier leurs membres (*). 
Pour ne citer qu'une preuve de la nécessité d'un choix judi- 
cieux du système d'encouragement à adopter, il suffira de 
comparer le système de l'octroi d'un taux d'intérêt de faveur 
à celui des subventions directes : le premier système a le 
triple inconvénient de ne procurer aux prévoyants que des 
avantages indirects qu'il leur est difficile, sinon impossible, 
d'apprécier eux-mêmes; d'imposer aux caisses officielles 
dépositaires des placements la charge d'un service d'intérêts 
dont l'exagération fait de leurs administrateurs des adver- 
saires de la diffusion de la prévoyance; d'inciter les œuvres 
de prévoyance à affecter exclusivement à des dépôts dans les 
caisses de l'Éiat les fonds qui proviennent des versements de 
leurs assurés, au lieu de les consacrer à des placements d'un 
revenu moindre, mais d'une plus haute portée sociale, telle 
que les habitations ouvrières. Le système des subventions 
directes offre, au contraire, l'avantage de permettre au béné- 
ficiaire la constatation, à chaque instant, de Timportance des 
faveurs que l'Étal lui concède; il laisse à l'œuvre delà pré- 
voyance son élasticité propre, au sacrifice de l'Étal le carac- 
tère de récompense directe de l'effort accompli. 

En échange de ses subsides, l'Etat a le droit d'exiger que 
les institutions dont les caisses ou les membres sont bénéfi- 
ciaires de subventions offrent, dans leur organisation et dans 
leur gestion,les garanties désirables au point de vue financier : 
l'exercice d'un contrôle technique apparaît, d'ailleurs, non 
seulement comme un droite mais aussi comme un devoir de 
l'État, devoir qui se rattache à la mission, qui lui incombe, de 
garantir la sécurité de l'épargne populaire. 



(') Ce système est celui de la loi française du i" avril 1898 sur les 
sociétés de secours mutuels. 

(2) Ce système est celui de la loi belge du 10 mai 1900. Voir Maurice 
Bellom, loc. cit. {Revue politique et parlementaire, 1902, t. XXXI, 
p. 3i'f et 3i5). 



.^ 



LASSUnANCE OUVRIERE A L ETRANGER. II I 

5° Devoir de tous les citoyens. — Il ne suffit pas que les 
intéressés et TÉlal lui-même recommandent et encouragent 
la prévoyance. Celle œuvre de conseils et de propagande est 
un devoir pour tous. Mais, pour l'accomplir, il faut être 
instruit : la connaissance de la prévoyance ne sMnvente pas; 
les moyens de propagande ne s'improvisent pas. Pour faire 
œuvre utile à cet égard, il faut donc que les citoyens s'in- 
struisent, puis qu'ils combinent leurs efforts en vue de 
répandre des idées justes et pratiques dans les milieux inté- 
ressés. Ils auront à convaincre les ouvriers de la nécessité 
d'un sacrifice en vue de l'avenir, les patrons de la nécessité 
d'une parlicipalion aux charges de la prévoyance ouvrière. 
Il y a là un apostolat social à remplir. Ce n'est pas, du reste, 
seulement en Belgique et en Iialie qu'on s'en acquitte. La 
League for social service y d'après les déclarations formelles 
de son directeur M. ïolman (*), doit prochainement l'entre- 
prendre aux États-Unis. 

Le sentiment du devoir n'est pas le seul qui doive inspirer 
aux divers facteurs que je viens de passer en revue l'accom- 
plissement de leur mission en matière de prévoyance. Le 
sentiment de l'intérêt les y engage. 

1° L'ouvrier a un intérêt évident à se garantir des risques 
qui le menacent ainsi que sa famil-le. 

Qt° Le patron trouve dans l'amélioration de ses rapports 
avec ses ouvriers et dans la stabilité de son personnel une 
large rémunération de ses sacrifices : lors même, en effet, 
que la contribution patronale est versée sur un livret que l'ou- 
vrier emporte en quittant l'usine, celui-ci n'est pas certain de 
pouvoir suppléer par ses propres ressources à la contribution 
patronale qui fait défaut après l'abandon du travail et qui, en 
l'absence d'obligation légale, ne se retrouve pas dans toutes 
les entreprises. Le patron contribue de la sorte à la perma- 
nence des engagements et à la paix sociale. 

3° Les associations de secours mutuels, en développant 
l'effectif de leurs membres par l'amélioration de leur fonction- 

(*) Réforme sociale^ '901, t.I, p. 279, 1" alinéa. 



112 MAURICE BELLOU. 

nemenl, diminuent leurs frais généraux et étendent leur 
iiinuence. Les sociétés d'assurance, comme toute entreprise 
industrielle^ ne peuvent que gagner à l'augmentation de Jeur 
clientèle et de leur sphère d'action. 

4" L'Etat, par les ressources qu'il affecle à la prévoyance, 
fait entrer dans les rangs des prévoyants de futurs invalides 
ou de futurs vieillards qui viendraient grossir le nombre des 
indigents; de plus, par son contrôle sur les institutions de 
prévoyance, il exerce une action tulélaire sur le produit de 
l'épargne. Il décharge ainsi, d'une part, le budget de Tassis- 
tance publique, grâce à une meilleure utilisation de ses sub- 
sides, et il élend, d'autre part, les bienfaits de la colleciiviié 
à une catégorie d'infortunes que l'assistance, en dehors du 
concours des intéressés, est impuissante à soulager. En un 
mol, il réduit la misère et contribue de la sorte à la paix 
publique dont il a la charge. 

5" Les citoyens, enfin, grâce à leur participation à l'ensei- 
gnement de la prévoyance, coopèrent à la réalisation de l'ordre 
dans l'atelier et dans la société; ils contribuent ainsi à la paix 
sociale et à la paix publique. 

Il serait invraisemblable que, dans les pays — et ils sont 
nombreux — où la question de l'assurance ouvrière n'est pas 
encore complètement résolue, cette double voix, celle du 
devoir et celle de l'intérêt, ne provoque pas un généreux élan 
en vue du développement de la prévoyance. 

Si, toutefois, les intéressés demeuraient sourds à l'une et à 
l'autre, à ce que M. Luzzalti a appelé V impulsion de la 
raison et du cœur, l'intervention de la loi serait inévitable : 
l'imprévoyance serait alors regardée comme un fléau dont 
il serait nécessaire d'enrayer les progrès. 

\\ importe du moins que l'établissement, direct ou indirect, 
d'un régime de contrainte soit précédé d'une période d'encou- 
ragement par les pouvoirs publics et de propagande générale 
sous le régime de la liberté. L'intervention du législateur à 
l'expiration de cette période revêtirait alors le caractère d'une 
action de haute police en vue soit de remédier à l'inetlie géné- 
rale, soit de faire exécuter par un petit nombre de récalcitrants 



l'assurance ouvrière a l'étranger. Il3 

ou de retardataires Teffort qu'une immense majorité aurait 
spontanément accompli. 

£n tout cas, et même réduite à ces limites, l'action du 
législateur devrait respecter la démarcation nécessaire entre 
l'assistance et l'assurance (*) et réserver une place à part •— 
une place d'honneur — au sacrifice librement consenti, à 
reifort spontané de la prévoyance, qui est le propre d'une 
vertu. 



(») Voir Maurice Bellqm, Des relations mutuelles de l'assistance et 
de V assurance ouvrière {Revue politique et parlementaire y mars tgoi). 



LES, 



SIGNAUX OPTIQUES. 

(ÉTUDE DES COULEURS FAIBLES ET DES LUMIÈRES BRÈVES.) 



CONFÉRENCE 

FAITE AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS 
LE DIMANCHE 26 JANVIER 1902, 

Par H. le docteur André BROCA, 

Professeur agrégé de Physique à la Faculté de Médecine de Paris. 



Messieurs, 

A mesure que la civilisation se perfectionne, les hommes 
ont de plus en plus besoin de communications sûres et 
rapides entre les points les plus éloignés du globe. Nous 
avons besoin de nos navires à grande vitesse, de nos chemins 
de fer, peut-être demain de nos ballons dirigeables; nous 
avons besoin aussi de savoir le plus rapidement possible ce 
qui se passe à Saint-Pétersbourg, à Rome ou à New-York, 
les affaires ayant de plus en plus une répercussion considé- 
rable les unes sur les autres. Un premier mode de com- 
munication immédiate doit donc correspondre à la réunion 
de deux points fixes, entre lesquels des appareils posés sur 
le terrain ne sont exposés à aucune dégradation. C'est le cas 
des communications entre villes en temps de paix. Aucune 
solution actuellement ne vaut celle que nous donne la Télé- 
graphie électrique, avec ses appareils qui permettent les 
transmissions de plusieurs dépêches par le même fil, qui 



LES SIGNAUX OPTIQUES. Il5 

permettent aussi l'enregistrement des signaux avec une très 
grande rapidité, ou le fonctionnement plus rapide encore 
au moyen du parleur, les employés reconnaissant au son seul 
les traits et les points dont les alternances constituent le lan- 
gage conventionnel inventé par Morse. 

Je ne m'occuperai pas aujourd'hui de ces procédés ni de 
ceux de la Télégraphie sans fil, qui rend des services émi- 
nents quand le terrain entre deux points n'est pas accessible 
pour une raison ou pour une autre, mais qui nécessite des 
appareils assez compliqués et une installation^ sinon absolu- 
ment fixe, au moins peu mobile quand on veut communi- 
quer à distance notable. Je m'occuperai des procédés qui 
permettent de communiquer entre deux mobiles, comme des 
vaisseaux ou des trains en marche, où entre une installa- 
lion fixe et un mobile de cette espèce, ou entre deux posi- 
tions fixes, quand on ne peut installer la télégraphie avec ou 
sans fil. 

Pour la résolution de problèmes de cette nature, nous ne 
pouvons nous adresser qu'aux moyens les plus simples qui 
nous avertissent de la présence des énergies extérieures, c'est- 
à-dire aux organes de nos sens. Ceux-ci ont des propriétés 
qu'il nous faut connaître pour savoir quels services nous 
pouvons leur demander; c'est l'exposé des propriétés les 
plus essentielles du plus important d'entre eux au point 
de vue qui nous occupe, l'œil, que je vais faire aujour- 
d'hui. 

Voyons d'abord quelle sensibilité aux actions infiniment 
petites nos organes présentent. Il est de mode aujourd'hui 
d'admirer de confiance tous les résultats de la Science 
moderne, et beaucoup de personnes croient que nos 
appareils de Physique ont une sensibilité illimitée. C'est 
là un sentiment bien compréhensible, étant donné le per- 
fectionnement admirable que la Science présente chaque 
jour, mais c'est un point de vue auquel se refuse absolument 
le physiologiste, surtout quand il considère ce qui se passe 
pour l'œil. 

Nous connaissons l'existence des radiations de l'élher au 
moyen de l'œil, des procédés thermo-électriques ou des 



Il6 A. DHOCA. 

actions photographiques. Chacun de ces procédés ne fonc- 
tionne que dans une étendue limitée du spectre solaire; 
Toeil, par exemple, ne nous indique Texislence que des 
oscillations comprises entre 1,5 quadrillionièmes de seconde 
et 1^3 quadrillionième de seconde. La plaque photographique 
ne nous permet de percevoir que les oscillations à périodes 
1res courtes; les procédés Ihermo-éleclriques ne s'étendent 
aisément que sur la région des périodes très longues. Quand 
on prend une radiation qui a une action à la fois sur les 
appareils thermo-électriques et sur la rétine, on voit que 
celle-ci est infiniment plus sensible. Ainsi les appareils 
thermo-électriques les plus délicats permettent de déceler un 
flux d'énergie de un cent-millionième de petite calorie par 
seconde et par centimètre carré. Cela correspond à rémis- 
sion d'une petite calorie en 3 ans environ. Si l'on admet 
maintenant^ avec Tumiirz, qu'une bougie décimale rayonne 
en énergie visible sur une pupille de 7"" d'ouverture une 
petite calorie en 45o jours, et qu'elle est encore visible à 12*'" 
(ce qui me semble exagéré d'ailleurs), on trouve que notre 
œil est encore sensible à une énergie assez faible pour dissi- 
per une calorie en 5o millions d'années à travers notre 
pupille. 

Si nous prenons maintenant une plaque photographique et 
que nous la placions dans la région du spectre qui correspond 
à sa sensibilité maxima, nous voyons que, longtemps avant 
que la plaque puisse être impressionnée, même par une 
pose très longue, l'œil est impressionné immédiatement par 
la lumière. 

Si nous nous adressons à nos autres organes, nous voyons 
des faits du même ordre. Dans les limites où ils sont sen- 
sibles, ils le sont infiniment plus que les appareils les plus 
perfectionnés de nos laboratoires. C'est là une conséquence 
de la grande loi de Darwin, celle de l'évolution et de l'adap- 
tation au milieu. Nous avons besoin, dans la lutte pour la 
vie, de voir le mieux possible, même à la lumière faible de la 
Lune par exemple, et nos cellules rétiniennes et cérébrales 
se sont spécialisées et adaptées par des modifications qui ont 
duré un temps extrêmement long : il doit se compter par 



LES SIGNAUX OPTIQUES. II7 

millions d'années. Quand nous créons, dans nos laboratoires, 
des appareils qui nous permettent de mesurer la grandeur 
des agents physiques, ou de garder une trace durable de leur 
action, nous sommes bien loin de pouvoir réaliser ce que la 
nature a mis un temps si long à réaliser dans nos organes. 
Puisque je parle de l'adaptation au milieu, je veux vous en 
montrer un exemple dans l'œil même. Langley a mesuré la 
quantité minima d'énergie lumineuse nécessaire pour impres- 
sionner la rétine dans les diverses régions' du spectre, et il 
a trouvé que la sensibilité maxima était dans le jaune vert. En 
même temps, il a mesuré l'énergie totale rayonnée par les 
diverses radiations du spectre solaire. Il a trouvé que la radia- 
lion qui donne dans ce spectre le maximum d'énergie est 
précisément celle pour laquelle l'œil présente la sensibilité 
la plus grande. Nous utilisons donc le mieux possible cette 
radiation-là. Pourquoi maintenant n'utilisons-nous pas les 
autres aussi bien ? C'est q^e les cellules ne peuvent être sen- 
sibles également à toutes les énergies, c'est que la spécia- 
lisation des appareils dans l'organisme est sournise aux mêmes 
lois que celle des appareils de nos laboratoires. Quand nous 
construisons un galvanomètre extrasensible pour les courants 
électriques, il ne nous sera pas plus utile pour déceler l'exis- 
tence de la lumière qui l'écIaire que si son organe électrique 
n'existait pas. Il en est de même pour nos cellules. Toutes 
sont sensibles à toutes les énergies ; elles répondent, par leur 
fonctionnement propre, à toutes les excitations, mécaniques, 
électriques, chimiques, calorifiques, nerveuses, mais chacune 
d'elles a son énergie adéquate, à laquelle elle est infiniment 
plus sensible qu'aux autres. C'est l'énergie mécanique pour 
le sens musculaire, le tact, l'audition et peut-être l'odorat, 
l'action chimique pour le goùl, la lumière pour l'œil. Mais 
nous voyons que, quand l'énergie change de qualité en ne 
changeant pas de nature profonde, tous nos sens varient de 
sensibilité. Toutes les actions chimiques ne provoquent pas 
également la gustation ; de même toutes les actions méca- 
niques ne produisent pas également la sensation du contact 
et celle de bruit. Notre peau est insensible ou à peu près aux 
mouvements périodiques rapides de l'air, au lieu que notre 



Il8 A. BUOCA. 

oreille a pour ces mouvemenis une sensibilité exquise. Elle 
ne perçoit pas, au contraire, les mouvennents à période très 
lente ou ceux à période très courte. Nous voyons donc que 
la spécialisation des organes à une forme très peu variable 
de l'énergie est une des lois restrictives de révolution des 
êtres : chacune de nos cellules ne peut arriver à la perfection 
que pour une forme de Ténergie; la division du travail est la 
loi fondamentale de l'organisme comme celle de la société. 

Nous comprenons donc immédiatement que, quand nous 
allons demander à notre œil, pour nos communications à dis- 
tance, des renseignements d'une autre nature que ceux qui 
sont indispensables chez l'animal à l'état sauvage, nous 
allons nous heurter à des difficultés. Nous allons trouver un 
organe admirablement adapté à ses fonctions naturelles, etqui, 
par cela même, ne sera pas adapté directement à la fonction 
que nous lui demandons. Ce que nous devrons faire intelli- 
gemment, ce sera de plier nos exigences aux propriétés phy- 
siologiques de notre organe; nous devrons nous pénétrer de 
son mode de fonctionnement normal, afin de lui imposer seu- 
lement un travail qui lui convienne. 

Nos organes des sens sont des transformateurs d'énergie; 
fait curieux, pour pouvoir difféi^encier par nos perceptions les 
diverses énergies extérieures, il faut qu'elles viennent, sur 
nos terminaisons nerveuses périphériques, se transformer, et 
il est probable que la transformation produit une énergie tou- 
jours de même forme, celle qui se propage le long du nerf, 
l'influx nerveux. Si nous distinguons ces énergies, c'est que 
les aboutissants des fibres nerveuses dans le cerveau ne sont 
pas les mêmes, c'est à cause des localisations cérébrales. 
Helmhollz disait : « Si nous pouvions couper le nerf optique 
et le nerf acoustique et si nous pouvions souder le bout péri- 
phérique de chacun d'eux au bout central de l'autre, de 
manière que l'intégrité de la fonction se rétablît, nous enten- 
drions réclair et nous verrions le tonnerre. » 

Maintenant que nous avons compris comment nous pou- 
vons distinguer les énergies, étudions la façon dont peut se 
faire la transformation dans la rétine. Ce que je vais lâcher 
de faire ressortir, ce sont les analogies frappantes des phéno- 



LES SIGNAUX OPTIQUES. II9 

mènes physiologiques avec ceux de la matière inerte. L'année 
dernière, je vous ai déjà montré, en vous parlant de la Télé- 
graphie sans fii, que les lois des perturbations électriques 
étaient les mêmes que celles des perturbations élastiques de 
la matière. Aujourd'hui, je vais tâcher de vous montrer que 
cette identité de forme de lois s'étend encore à ceux des 
phénomènes que nous connaissons dans l'œil. Est-ce à dire 
que nous sommes prêts à en émettre une théorie qui nous 
guiderait pour la coordination des faits connus et la recherche 
des faits nouveaux? Bien loin de là; même dans le domaine 
de la Physique inorganique, dans la théorie des phénomènes 
lumineux et électriques, nous sommes obligés de recon- 
naître notre impuissance en disant : tout se passe comme 
s'il y avait un éiher doué d'élasticité et de masse; mais 
nous n'avons aucune certitude à ce sujet. Cette hypothèse 
nous rappelle seulement que les phénomènes visés par 
cette théorie sont tels que, quand une perturbation se pro- 
duit, ils reviennent à l'équilibre par une série d'oscillations 
amorties et qu'ils se propagent avec une vitesse finie, con- 
stante dans un même milieu. 

Voilà des phénomènes dont nous connaissons les équations 
à n'en pas douter, et dont la théorie est bien loin de nous; 
nousi leur attribuons bien des raisons suffisantes, nous en 
ignorons la raison qui, à la condition d'être suffisante, joint 
celle d'être nécessaire. A plus forte raison en est-il de même 
pour les phénomènes physiologiques. L'évolution de la 
Science est bien loin dans ce cas de ce qu'elle est dans la 
Physique pure; nous sommes bien loin de pouvoir même 
définir des paramètres à faire entrer dans des équations qui 
représenteraient des phénomènes; nous en sommes réduits à 
l'expérience pure, mais ce que je vais vous montrer, c'est la 
conformité des lois expérimentales connues avec celles de la 
matière inerte. 

En étudiant la lumière et l'électricité, nous avons vu les 
équations des phénomènes du régime variable prendre la 
même forme que celle des phénomènes matériels, en y intro- 
duisant les constantes que nous avons pu définir. Je vais 
m'efforcer de vous démontrer maintenant que si, dans 



l'iO A. UROCA. 



quelques dizaines ou quelques centaines d'années, les hommes 
arrivent à définir pour les énergies organiques des paramètres 
nnesurabies, ils trouveront toujours les mêmes formes de lois 
pour ces phénon)ènes que pour les phénomènes lumineux, 
électriques ou matériels. Certes, nous trouverons, chemin 
faisant, des complications très grandes, mais il est philoso- 
phique de penser qu'on en trouvera l'explication dans des 
phénomènes élémentaires encore inconnus. 

Quand nous voulons ébranler un système matériel pour lui 
faire subir une transformation dans un certain sens, nous 
avons toujours affaire avec des phénomènes analogues à 
ceux de l'adhérence. Voici un poids sur un plan incliné: il 
faudra donner à ce plan une certaine inclinaison pour que le 
poids glisse. Si nous prenons maintenant une auge électroly- 
lique, nous voyons que si notre force électromolrice ne 
dépasse pas une certaine limite, l'éleclrolyse ne se produira 
pas. Une plaque photographique, quand elle est placée dans 
une lumière suffisamment faible, restera indéfiniment sans 
subir aucune impression. Les phénomènes soht identiques 
pour l'œil. Quand la lumière est assez faible, elle ne produit 
aucune sensation, notre œil présente une certaine inertie; 
pour déclencher le sens lumineux, il faut une énergie par 
seconde minima. Cette énergie est extrêmement faible. Je ne 
puis vous montrer expérimentalement son existence, car il 
faut pour cette expérience une obscurité complète en dehors 
de la plage contemplée, mais je [)eux vous donner les résul- 
tats de cette expérience. 

Le minimum lumineux perceptible est exirêmenient va- 
riable suivant l'état de la rétine. Quand celle-ci est placée à 
l'obscurité, elle s'adapte, comme on dit, et son minimum per- 
ceptible peut devenir aSoo fois plus faible que quand elle 
vient de regarder une lumière moyenne (Charpentier). Avec 
une adaptation moyenrie comme celle qu'on a la nuit dehors, 
ce qui n'est jamais l'obscurité absolue, le résultat de Tumiirz 
indiqué tout à l'heure vous indique la sensibilité absolue de 
noire œil. Mais un fait fort suggesiif établi par Charpentier 
nous montre que, quand une lumière est vue, on peut In 
diminuer beaucoup sans cesser de la voir; le minimum de 



LES SIGNAUX OPTIQUES. 121 

disparilion est inférieur à cehii d'appariiion, fait remarquable 
lout à fait compréhensible avec l'assimilation déjà faite aux 
phénomènes de frottement. Le minimum de disparition est 
en moyenne trois fois plus faible que celui d'apparition; nous 
voyons donc que, une fois noire réiine excitée, on peut, en 
diminuant la lumière, voir encore une surface lumineuse 
qui rayonnerait sur elle une petite calorie en i5o millions 
d'années. 

Nous avons là des phénomènes d'inertie considérables; ils 
sont conformes à nos idées mécaniques. Notre œil, par adap- 
tation darwinienne, est amené à une sensibilité énorme; les 
procédés de la nature sont ceux que nous cherchons à imiter 
dans nos instruments mécaniques, auxquels nous n'arrivons 
à donner une grande sensibilité qu'en leur donnant une 
grande inertie. 

Voilà pour la sensibilité brute; mais ce phénomène de 
seuil d'excitation se reproduit pour tous les états de la rétine. 
Quand elle est soumise à une excitation lumineuse, il lui 
faut une surexcitation notable pour que nous percevions une 
différence, et le seuil de diiïérenciation est d'autant plus 
élevé que l'excitation primitive est plus grande. Voici une 
plage éclairée vivement, et une seconde source plus faible. 
Faisons porter ombre sur la première plage par une tige 
opaque éclairée au moyen de la seconde source; nous 
voyons qu'il y a une limite au-dessous de laquelle l'œil ne 
voit aucune différence sur la plage entre l'ombre et les parties 
voisines. Le rapport de ce seuil différenciable à Téclairement 
du fond est à peu près constant pour les éclairages moyens; 
c'est la loi de Bouguer. Celle-ci d'ailleurs est absolument 
fausse à basse lumière. On déduit de là, au moyen d'une 
liypothèse plausible, que la sensation croît bien moins vite que 
l'excitation. Nous pouvons dire, en considérant l'œil comme 
une machine, que son rendement diminue très vite quand son 
régime augmente. Il y a à cela une raison profonde. Nos 
machines s^usent en fonctionnant, mais leur usure est lente; 
il est vrai que la reconstitution est lenie aussi : il faut rem- 
placer les pièces usées. Ce que nous réalisons d'une manière 
discontinue dans nos appareils, notre organisme le réalise 



122 A. BROCA. 

d'une manière continue. Nos organes s'usent en fonctionnant, 
mais le sang leur apporte constamment des éléments de recon- 
stitution et un régime permanent s'établit, équilibre entre la 
destruction par l'agent extérieur et le phénomène de restitu- 
tion. Ces phénomènes sont limités par l'afflux sanguin; aussi 
voit-on notre œil, par exemple, présenter des phénomènes de 
défense contre la lumière quand celle-ci augmente: la pupille 
se contracte, et divers phénomènes se passent sur la rétine, 
trop longs à décrire pour trouver place ici. 

L'expérience de Bouguer a, au point de vue des signaux 
optiques, une grande application. Il faut avoir soin de placer 
toujours les projecteurs sur un fond sombre. Le jour, il faut 
se placer, autant que possible, au-devant d'un bois et, même 
la nuit, il faut éviter que les projecteurs ne se détachent sur 
le ciel. Dans ce cas, en effet, on a à distinguer la différence 
entre la lumière et le fond. 

La fatigue de la rétine par les fortes lumières est aisée à 
constater. Voici un arc électrique que je vais faire jaillir un 
instant. Si vous portez ensuite votre regard sur une surface 
uniformément éclairée, vous verrez l'image de l'arc se déta- 
cher en noir, votre rétine est devenue moins sensible. Mais 
si, au lieu de regarder un fond éclairé, vous regardez un fond 
noir, vous voyez, au contraire, l'image se détacher en clair. 
Ce n'est pas là un phénomène pur de persistance des impres- 
sions; je vous parlerai tout à l'heure de ce dernier ordre de 
phénomènes. L'étude approfondie de ces images subjectives 
nous montre qu'elles doivent probablement être dues à la 
reconstitution de la rétine usée par une lumière vive; au 
point de vue pratique, notez soigneusement leur existence: 
elles nous expliqueront pourquoi les signaux optiques se 
distinguent mal quand la lumière est trop vive. 

Étudions maintenant d'un peu plus près notre rétine. Sa 
surface est divisée en petites régions qui correspondent 
chacune à un élément sensible. Les éléments sensibles 
portent en anatomie le nom de cônes et de bâtonnets; ils 
sont fonctionnellemenl indépendants les uns des autres, et 
c'est cette indépendance qui nous permet de disiinguer des 
formes. Supposons, en effet, que deux cônes excités par la 



LES SIGNAUX OPTIQUES. 123 

lumière soient séparés par un fcône non excité : nous aurons 
la notion de deux points distincts. Chacun des éléments ainsi 
constitués aura donc son individualité propre, il sommera les 
impressions de lumière qui lui arriveront. Une expérience 
simple permet de le voir. Voici une fente dont je puis faire 
varier l'ouverture et Téclairage indépendamment. Si je la rends 
très fine, et si je l'ouvre un peu, ceux qui sont assez loin 
n'auront pas la notion qu'elle augmente de largeur, mais 
seulement qu'elle augmente d'éclat. Maintenant, je la rends de 
nouveau fixe et j'augmente son éclairage : la sensation est 
exactement la même. 

Nous avons, par ce qui précède, les éléments nécessaires 
pour aborder la vision des couleurs et celle des feux colorés. 
Un premier fait est que la notion de couleur est éminem- 
ment variable avec l'intensité lumineuse. Ainsi, quand on 
regarde un arc électrique à travers un verre coloré, l'arc lui- 
même paraît presque absolument blanc, les parties latérales 
seules du verre donnent la notion de couleur: l'arc paraît 
blanc, sauf avec le verre rouge. Dans ce cas, la notion de 
couleur est très diminuée, mais elle existe cependant. Notons 
ce fait : le rouge est la couleur qui résiste le mieux à l'aug- 
mentation d'intensité. 

A faible lumière, il en est de même. Voici une expérience 
concluante. Une fente peut se déplacer dans un spectre, dont 
je puis faire varier l'éclat en diaphragmant plus ou moins 
l'objectif qui le produit. Je produis une image agrandie de 
cette fente sur l'écran, et l'on voit facilement que, dans le 
bleu, à lumière faible, la notion de couleur n'existe pas, et 
qu'il faut augmenter notablement l'intensité pour arriver à 
avoir la notion de couleur bien définie. Dans le vert, le même 
phénomène a lieu, mais il est beaucoup moins prononcé; 
avec le rouge, dans les conditions où l'on peut se placer 
devant un auditoire nombreux, on a immédiatement la notion 
de couleur. La notion de la saturation augmente toutefois 
certainement avec l'intensité. 

Voyons maintenant ce qui se passe quand, l'éclat restant le 
même, la surface de l'image diminue nous verrons que c'est 
le cas des projecteurs). L'expérience va encore nous rensei- 

3* Série, t. IV. 9 



1^4 A. BHOCA. 

gner. Produisons une petite image d'une fente vivement 
éclairée par une couleur spectrale. Quand elle est fine, el 
dans le bleu, elle paraît incolore; la couleur apparaît quand 
elle devient plus large. Dans le vert^ le même phénomène se 
produit, mais moins marqué; dans le rouge, nous ne pouvons 
le discerner dans les conditions où Ton peut se placer devant 
un amphithéâtre. 

En somme, nous pouvons dire que la notion de couleur ap- 
paraît après celle de lumière. Le rapport des quantités d'éner- 
gie nécessaires pour produire ces deux notions est ce qu'on 
nomme Vinten^a/Ie photochromatique. Il est d'autant plus 
grand que la couleur est plus réfrangible; pour le rouge, il 
existe, mais il est difficile à saisir; pour le bleu exiréme, il peut 
atteindre la valeur énorme de 625. 

Etudions maintenant la façon dont on aperçoit une lanterne 
colorée destinée à un signal. Le verre coloré est placé devant 
un miroir ou une lentille qui concentre la lumière. Cela con- 
stitue un projecteur. Que la concentration soit effectuée par 
le moyen d'un miroir ou par celui d'une lentille, les résultats 
sont identiquement les mêmes; on voit aisément que, quand 
la surface éclairante a des dimensions suffisantes (et cela est 
toujours réalisé dans la pratique), la surface utile du projec- 
teur agit comme une source de lumière ayant précisément 
l'éclat de la source qui sert à l'éclairage. Supposons maintenant 
que la lumière s'éloigne de l'observateur: son image rétinienne 
diminuera de grandeur en suivant la loi de l'inverse du carré 
des distances, et, si la pupille garde le même diamètre, la 
quantité de lumière reçue par l'œil variera suivant la même 
loi. Par conséquent, l'éclat intrinsèque de l'image sera con- 
stant. 11 semble donc que nous serions dans le cas de la 
seconde expérience de tout à l'heure où nous faisions varier 
l'étendue de la plage illuminée en laissant son éclat constant. 
Nous savons que, pour toutes les couleurs, sauf le rouge, 
l'intervalle pholochromatique dans ces conditions est consi- 
dérable; il y a donc une distance où le feu coloré sera vu 
comme lumière sans être vu comme couleur. Mais si nous 
calculons la distance à laquelle un feu de 3o*^"* de diamètre 
donne une image rétinienne égale au plus à la section droite 



LES SIGNAUX OPTIQUES. 1*5 

(l'un cône (le la rétine, nous trouvons celle dislance égale à i''™. 
A partir de celte dislance, nous aurons la notion que l'éclat 
varie, sans avoir celle que retendue de la surface varie; nous 
serons dans le cas de l'expérience faite tout à l'heure avec une 
fente dont on pouvait faire varier à volonté soit l'éclat, soit la 
largeur. Dans ces conditions, la notion de couleur varie extrê- 
mement vite. On peut aisément réaliser l'expérience dans la 
chambre noire avec un petit trou coloré deo»""*,i de diamètre 
fait avec une pointe d'aiguille. On voit dans ces conditions 
que, à partir de 3™ environ, on ne perçoit plus la couleur, 
même rouge, et qu'on a encore une notion de lumière jusqu'à 
4" ou 4'">^o- Gela concorde avec la pratique des marins qui 
reconnaissent leurs feux de position jusqu'à 7''™ ou S''"*, la 
nuit. Dans ces conditions d'ailleurs, comme dans celles de la 
chambre noire, le rouge présente un intervalle photochroma- 
lique notable : c'est que la rétine a été mise à l'obscurité ; elle 
a pris l'étal que l'on nomme adaptation à l'obscurité. L'expé- 
rience montre que, dans ce cas comme dans celui de la rétine 
non adaptée à l'obscurité, le rouge est cependant celle des 
couleurs qui apparaît le plus facilement. Ces expériences nous 
expliquent pourquoi les marins reconnaissent toujours les feux 
rouges longtemps avant les feux veris qui, cependant, sont 
plus éclatants et sont vus de plus loin comme lumière. 

L'étude précédente nous montre que, même en s'en tenant 
aux simples conditions physiologiques, le rouge doit absolu- 
ment être adopté pour les signaux, et qu'il faut prendre comme 
seconde couleur celle qui se distingue le mieux à la fols du 
rouge et du jaune des flammes que nous nommons blanches, 
tout en étant le moins possible réfrangible, puisque l'inter- 
valle photochromatique nuisible croit avec la réfrangibilité. 
C'est pour cela qu'on a pris le vert; le bleu serait absolument 
impossible à reconnaître, au moins pour la majorité des yeux. 

il y a cependant un inconvénient grave à l'adoption du 
rouge: c'est la fréquence du daltonisme. Dans cette viciaiion, 
quand elle est complète, on ne peut voir la lumière rouge, et, 
dans bien des degrés faibles, on voit mal le rouge; l'intervalle 
phoiochromalique pour le rouge est très étendu. Aussi des 
épreuves sont-elles prescrites pour l'examen de la vision de 



1^6 A. BROC A. 

ceux qui veulent entrer dans la nnarine. Bien des accidents 
graves sont dus cependant à Texistence de celte viciation du 
sens chromatique. C'est que Talcoolisme, ce fléau qui ravage 
noire pays, a pour conséquence fréquente une maladie qu'on 
nomme le scotome central, dans laquelle la vision des cou- 
leurs est abolie très rapidement au centre de la rétine. Le 
scotome se déclare à tout âge, et ceux qui en sont atteints 
peuvent causer les accidents les plus graves, car c'est préci- 
sément avec le centre de la rétine qu'on regarde les signaux 
qui se présentent sous forme de petits points. 

Pour examiner les yeux viciés, on leur donne à classer un 
grand nombre d'écheveaux de soie de toutes couleurs, où la 
saturation de la teinte varie. On reconnaît les yeux légèrement 
viciés à ce que, dans les teintes peu saturées, très lavées de 
blanc, ils ne distinguent plus le rose du vert très clair. Il est 
mieux encore de faire une épreuve de nuit avec des sources 
de lumière de petites dimensions. 

Enfin, je veux vous indiquer un procédé pour reconnaître 
les feux, même dans le cas de doute; il consiste à les regarder 
successivement avec des verres colorés identiques à ceux qui 
servent pour les produire. Un verre rouge n'affaiblit pas sen- 
siblement le rouge et affaiblit au contraire beaucoup le vert, 
et inversement un verre vert affaiblit beaucoup le rouge, sans 
affaiblir notablement le vert. Il serait donc très simple de munir 
les vigies ou les mécaniciens de deux verres de cette sorte; 
peut-être pourrait-on ainsi éviter bien des accidents. 

Laissons de côté maintenant la question des couleurs et 
occupons-nous de la vision des signaux télégraphiques pro- 
prement dits. 

La télégraphie optique emploie des signaux analogues à 
ceux du télégraphe Morse. Son organe essentiel est encore 
un projecteur et la source lumineuse est disposée de manière 
qu'on puisse l'intercepter au moyen d'une palette qui passe 
devant un diaphragme. On donne alors successivement des 
éclats longs et des éclats courts, l'observateur les note, et il 
peut ainsi lire par un procédé analogue à celui qu'on emploie 
fréquemment en télégraphie électrique, et qui consiste à 
comprendre une dépêche par le son seul des appareils. Les 



LES SIGNAUX OPTIQUES. I27 

V. 

noms qui viennent de renregislremenl graphique des signaux 
ont été conservés : on nomme traits les éclats longs ei points 
les éclats courts. On a pour habitude de donner à un point 
la même durée qu'à un temps d'obscurité; on donne au trait, 
pour qu'il soit perçu nettement, la longueur de quatre points; 
l'intervalle de deux signaux est d'un point, l'intervalle de 
deux lettres est d'un trait, l'intervalle de deux mots est de 
deux traits. Mais nous sommes, dans les deux cas de l'ouïe 
et de l'œil, en présence de deux appareils différents : l'œil et 
l'oreille ont des organisations tout à fait distinctes. Quand on 
prend, d'après Lord Rayleigh, la quantité d'énergie minima 
nécessaire pour impressionner l'oreille, on voit que celle-ci 
est de cinq fois environ moins sensible que l'œil : il lui faut une 
énergie qui dépenserait à travers le conduit auditif externe une 
petite calorie en lo millions d'années. Si nous appliquons 
maintenant aux organes de nos sens les mêmes considérations 
(|u'à nos appareils de physique, nous voyons qu'à une sensi- 
bilité plus grande doit correspondre une inertie plus grande et 
un retour à l'équilibre plus lent. On comprend donc que l'œil 
doit percevoir des signaux distincts moins aisément que 
l'oreille. Nous trouvons par la pratique que la télégraphie 
optique donne une vitesse limite de transmission deux fois 
plus faible que le télégraphe électrique au parleur. Si les 
rapports ne sont pas mieux conservés, c'est qu'il y a, à côté 
des phénomènes particuliers aux organes des sens, des phé- 
nomènes généraux qui tiennent aux centres nerveux mêmes. 
Examinons ces phénomènes avant d'étudier les phénomènes 
rétiniens purs pour les lumières variables. 

Marey a vu, il y a quelques années, que, quand deux exci- 
tations électriques agissaient successivement sur le cœur de 
la grenouille, elles avaient des effets variables suivant leur 
rythme. Quand elles sont trop rapprochées, la seconde peut 
être nulle et non avenue, le cœur présente une phase réfrac- 
laire. J'ai vu, avec Gh. Richet, que des phénomènes analogues 
S2 passent dans le cerveau et que deux excitations devaient 
avoir plus de yV ^® seconde d'intervalle pour donner des 
excitations régulières. Si donc une seconde excitation suit 
la première à moins de -~ de seconde, elle ne produit aucur 



128 A. BROC.\. 

effet, si elle n'est pas trop considérable. Ces phénomènes 
sont tout à fait analogues à ceux que nous réalisons pour 
ramener au zéro un appareil sensible présentant des oscilla- 
tions lentes. Voici un galvanomètre balistique à 8 secondes 
de période. Son retour au zéro est très lent et nous ne 
pourrons arriver à faire deux observations successives 
que si elles sont fort espacées. Mais j'arriverai à observer 
bien plus facilement si, au lieu de l'abandonner à son retour 
normal à l'équilibre, je lui donne une impulsion brusque 
qui le ramènera rapidement au zéro, et si en ce point je 
l'arrête par une impulsion bien graduée de sens inverse. 
C'est un procédé analogue qui a été employé par Lord 
Kelvin pour transmettre rapidement des dépêches par câble 
sous-marin, et éviter la gêne due aux périodes électriques 
très lentes de ces organes. On comprend qu'avec un sys- 
tème analogue à celui-là, une impulsion arrivant pendant 
le retour rapide n'ait pas d'autre effet que de retarder le 
retour à l'équilibre, si elle n'est pas assez grande. C'est en 
effet ainsi que les phénomènes se passent. Nous voyons 
donc que nous ne pourrons jamais distinguer complètement 
deux impressions successives, si elles n'ont pas entre elles 
au moins -^ de seconde. 

Je vais vous montrer qu'il en est bien ainsi pour les signaux 
optiques. Voici un disque rotatif portant deux fentes situées 
à -iV de circonférence l'une de l'autre. Nous allons faire 
tourner le disque à un tour par seconde dans le plan d'une 
première image réelle d'une fente de lanterne dont je vous 
projette sur le tableau une seconde image; vous commen- 
cerez par voir deux éclats distincts; si j'augmente un peu 
la vitesse, les éclats se confondent, en donnant lieu à la sen- 
sation du papillotemeni, que je ne puis mieux vous définir 
qu'en vous le faisant éprouver. 11 faut donc au moins 
Tô de seconde pour commencer à avoir la sensation de noir 
entre deux signaux. Il faut même, pour que le noir soit tout 
a fait indubitable, un temps un peu plus long. L'étude de 
la courbe de la sensation va nous montrer d'autres temps 
limites qui viennent empêcher la plus grande rapidité des 
signaux optiques. Mais pour l'oreille il semble que cet appa- 



LES SIGNAUX OPTIQUES. I29 

reil à faible inertie ne soit limité dans son fonctionnement 
que par ia période cérébrale, un lélégrapliisie exercé arrivant 
à percevoir au moins six intervalles à la seconde. La limite 
est la même que pour la vitesse possible de manipulation, et 
sa cause est la même, la période réfractaire du cerveau. 

L'œil est un appareil à grande inertie; il lui faut donc 
longtemps pour arriver à son régime permanent, longtemps 
pour revenir à son équilibre. Le temps nécessaire pour arriver 
au régime permanent est aisé à voir. Il suffit de produire une 
lumière très brève; on voit que, même si l'éclat de la source 
est considérable, elle peut disparaîire. Ce phénomène a fait 
l'objet d'études de Richet et Breguei, de Bloch et de Char- 
pentier. Voici Texpérience. Un disque qui développe environ 
i" de circonférence tourne à dix tours à la seconde envi- 
ron. Il porte une fente de a™*" qui laisse passer un éclat 
de -gôVô" ^® seconde environ. Dans ce cas, on peut régler la 
lunnière pour que ce qui passe soit au-dessous du seuil de 
l'excitation. Quand on arrête le disque, on voit un éclat très 
considérable. 

Ce phénomène a été étudié quantitativement par Charpen- 
tier. Il a vu que les courbes de la sensation en fonction du 
temps se confondaient presque avec des droites à l'origine, 
et arrivaient à leur régime permanent en un temps d'autant 
plus court que la lumière était plus forte. Donc, une durée 
d'éclair enlève, dans le cas d'une lumière faible, la moitié de 
l'éclat par exemple, alors qu'une lumière forte atteindra dans 
le même temps son éclat entier. C'est là la raison péremptoire 
pour laquelle la cadence de la télégraphie optique doit être 
beaucoup moins rapide quand les feux sont juste visibles que 
quand ils sont intenses. L'expérience va nous montrer le fait: 
en ouvrant l'œil-de-chat de ma lentille de projection, je puis 
augmenter l'éclat de l'image et vous voj'ez que le phénomène 
est infiniment moins accentué, quoique la diminution reste 
parfaitement sensible, qu'avec des feux près de la limite de 
visibilité; vous comprenez immédiatement qu'une manipula- 
lion rapide puisse faire disparaître ceux-ci alors qu'ils sont 
parfaitement visibles en régime permanent. C'est ainsi que 
le télégraphe optique fonctionne à 2i'2*'"' entre Nice et la 



l3o A. BROCA. 

Corse, quand Talmosphère est assez pure, ce qui arrive une 
nuit sur trois. On peut arriver à lire des signaux dans ces 
conditions quand on a pour le point une durée de ^^ de 
seconde ou yô ^® seconde environ, alors qu'avec les inten- 
sités convenables on arrive à ^ de seconde ou même en 
extrême limite à-y^ de seconde. 

Nous voyons ainsi la nécessité qu'il y a à avoir, pour la 
télégraphie optique, des éclats suffisamment puissants. Mais il 
ne faut pas aller trop loin dans cette voie, car bientôt les 
images. accidentelles, dont nous avons déjà parlé, prennent 
naissance et empêchent Tœil de bien percevoir. La fatigue 
intervient puissamment avec les lumières vives, surtout 
quand on emploie des éclairages intermittents. Vous avez 
vu tout à rheure papilloter une fente lumineuse et vous 
avez senti Teffei désagréable ainsi produit. Il est assez dif- 
ficile d'en donner la raison véritable. Je crois, pour ma 
part, que cela est dû à des phénomènes rétiniens, à ces 
réflexes de défense dont je vous ai parlé tout à Theure. On 
s'aperçoit aisément, quand on étudie les images accidentelles, 
comme Exner Ta fait, que ces images ont un maximum d'éclat 
aux environs de ^ de seconde. Cela tient à ce que, à ce 
moment, pour les fortes lumières, la sensation a déjà acquis 
depuis longtemps son maximum et que les réflexes rétiniens 
de défense n'ont pas encore eu le temps de se produire. 

Si Ton sollicite fréquemment la rétine par des excitations 
de cette nature, on comprend aisément la fatigue qui peut 
en résulter. 11 résulte en effet d'expériences que je viens 
de faire avec D. Suizer, que la sensation produite par une 
lumière brève peut être la même que celle produite par une 
lumière continue cinq fois plus forte, et la fatigue intensive 
du papillotement nous montre que son abaissement est dû 
bien certainement à des réflexes de défense. 

Les mêmes expériences dont je viens de vous parler mon- 
trent que pour les autres lumières le maximum est atteint à 
environ ^ à -^^ de seconde, mais que le régime permanent 
n'est atteint qu'au bout de i seconde; cependant, au bout de 
-ï^ à ^ de seconde, la sensation est très voisine du régime 
permanent. On comprend qu'il faille toujours attendre celle 



LES SIGNAUX OPTIQUES. l3l 

période pour que les signaux ne produisent pas sur la réline 
ces images accidentelles qui, pour des signaux de ^ de se- 
conde de durée, seraient deux fois plus intenses que pour 
ceux de y- de seconde. Nous trouvons ainsi pour la durée 
minima du signal le plus court en bonne lumière la durée 
de Yô ^^ seconde environ, qui est bien conforme avec les 
données de la pratique de la télégraphie opiique. 

Étudions maintenant ce qui se passe quand la lumière cesse. 
Nous allons retrouver là encore des phénomènes très voisins 
de ceux de la Mécanique. Et d'abord, nous allons retrouver 
un phénomène de retour rapide à l'équilibre identique à 
celui que je vous ai décrit pour le cerveau. Charpentier a 
montré que, quand une excitation brusque se produisait en 
un point de la rétine, il y avait une ondulation transversale 
des éléments rétiniens, se manifestant par des phénomènes 
visuels qui ont une période complète de 3 V à ^ de seconde 
et qui se propagent sur la réline autour du point excité avec 
une vitesse de 72™™ par seconde. Ces oscillations sont dues, 
au point de vue physiologique, à des périodes d'inexcitabilité 
comme dans le cas du cerveau. Je vais vous en rendre 
témoins. Voici un disque rotatif de 60*^'" de diamètre porteur 
d'un secteur blanc de 10° environ, que j'éclaire vivement. Je 
le fais tourner à peu près à un tour par seconde, et, si vous 
fixez l'œil, si vous ne suivez pas le secteur dans son mouve- 
ment, vous verrez bien nettement une bande noire sur la 
plage blanche, à une petite distance angulaire du bord qui 
sert de proue au mouvement. Peut-être même les yeu^c exer- 
cés distingueront-ils deux bandes équidistantes et très légè- 
rement grises venant après la première. 

Ces phénomènes ne sont visibles qu'à haute lumière. 

A basse lumière, on ne peut les saisir. C'est peut-être l'ex- 
plication de ce fait que, à lumière basse, la sensation se 
prolonge pendant un temps plus long qu'à haute lumière. 
Ces phénomènes de prolongation, de résonance, donnent lieu 
à un ordre de phénomènes que je veux étudier à part main- 
tenant, celui de la persistance des impressions lumineuses. 

Nous savons que, quand des excitations lumineuses se 
succèdent assez vile, nous avons la sensation d'une lumière 



l32 A. BnocA. 

continue. Cela lient à ce que la sensation baisse assez lente- 
ment après une excitation, et la durée de la piersisiance 
nous indique la limite du temps au bout duquel la sensation 
n'a pas baissé suffisamment pour nous donner une différence 
perceptible. Ce temps varie énormément avec Téclairageià 
très haute lumière, il peut atteindre à peine le j^ de 
seconde; à très basse lumière, il est de Tordre de ^ 
ou Yô ^^ seconde. Cela tient, je crois, à ce que, à basse 
lumière, les processus de retour rapide ne se déclenchent 
pas comme ils font à haute lumière. Mais pour sortir de la 
théorie et pour entrer dans la pratique, nous en tirerons 
cette conclusion, déjà obtenue pour une autre raison, que 
les signaux optiques à basse lumière ne peuvent se faire que 
très lentement. 

Nous voyons donc que, pour toutes ces raisons, il y a une 
intensité. lumineuse, la meilleure pour la transmission des 
signaux optiques, et qu'il faut avoir des appareils dilïérenls 
suivant les conditions à remplir. 

Je vous ai déjà dit que les projecteurs avaient pour pro- 
priété de |)résenter sur toute leur surface un éclat égal à 
celui de l'objet lumineux, et je vous ai expliqué que, à partir 
d'une faible distance, tout se passe comme si la source, vue 
comme un simple poini, changeait seulement d'intensité. 
C'est à ce moment seul que la question devient intéressante, 
et que nous la prendrons. 

Les appareils en usage sont 1res divers: il y a le petit appa- 
reil à pétrole de io*=™ de diamètre, ceux de i4'"^, de 24'"'°, 
de So*"»», de 40**'", de 5o^™, de 60^"; dans les grands appareils, 
on emploie aussi l'acétylène ou la lumière électrique. Je vous 
présente ici trois projecteurs : le petit est à pétrole, le grand 
réfracteur est à acétylène et le grand projecteur à miroir 
est à arc électrique. Celui-ci n'est pas disposé pour faire 
des signaux; les autres le sont. Je ne vous décrirai pas en 
détail les dispositifs; il suffit d'avoir un appareil en main pour 
les comprendre immédiatement. J'insisterai sur ce point que 
les signaux, pour chaque appareil, peuvent s'observer soit 
à l'œil nu, soit à la lunette. Le rôle de celle-ci est extrê- 
mement simple à comprendre. En somme, nous recevons 



LES SIGNAUX OPTIQUES. |33 

dans rœii loule la lumière qui a traversé l'objectif, si l'anneau 
oculaire est convenable, et l'usage de la lunette revient exac- 
tement à remplacer notre pupille par Touverlure de l'objectif. 
1! y a donc une énorme différence entre les deux modes 
d'emploi, et il y aurait lieu, pour avoir tous les intermé- 
diaires, de munir les objectifs d'un diaphragme à œil-de- 
chat, permettant de ramener toujours la lumière à sa valeur 
la plus propice. 

Les praticiens savent bien que, quand ils ont un appareil 
d'émission puissant placé trop près, il faut diaphragmer 
l'objectif. Un procédé analogue à celui de l'œil-de-chat 
objectif dont je vous parlais tout à l'heure consisterait à 
avoir une série de pupilles ariificielles formées de petits trous 
dans une lame opaque qui permettrait alors aux télégra- 
phistes de recevoir parfaitement bien les signaux d'un pro- 
jecteur sur toute la zone où sa lumière est sensible. Les deux 
appareils pourraient peut-être se remplacer avantageusement 
par un bon diaphragme iris dans Tanneau oculaire de la 
lunette, mais la construction de ces organes est assez déli- 
cate, et l'autre solution serait peut-être plus simple. 

Voilà ce que nous pouvons dire sur la perception des 
lumières brèves des signaux. Mais il nous reste à indi- 
quer encore ce qui a rapport à la distinction des deux 
espèces de signaux, les brefs et les longs, ou, pour parler 
le langage de Morse, les traits et les points. L'intensité de 
la lumière joue encore ici un grand rôle, et cela se com- 
prend d'après ce que nous avons dit. A basse lumière, la 
sensation met un temps très long à s'établir, puisque, aux 
limites de visibilité, il peut atteindre o\3, et de même elle 
met fort longtemps à s'éteindre quand l'excitation a cessé. 
On distingue donc fort mal dans ces conditions les brèves des 
longues. A haute lumière, de bons télégraphistes lisent avec 
des longues égales à trois brèves; aussitôt que la lecture 
devient difficile par abaissement de l'intensité, il faut allonger 
les longues et les porter parfois à la durée de cinq brèves. Ce 
sont là des données de la théorie que la pratique vérifie 
chaque jour. L'expérience nous montre, avec les projecteurs 



l34 A. BROCA. — LES SIGNAUX OPTIQUES. 

que vous avez sous les yeux, combien il est délicat de discer- 
ner les longues des brèves. 

El maintenant, je ne veux pas terminer cette conférence 
sans en tirer une conclusion générale. Nous avons été guidés 
dans cette élude des signaux optiques par les propriétés 
théoriquement connues de la rétine ; les résultats pénible- 
ment acquis dans le laboratoire et scientifiquement coor- 
donnés nous montrent ce que la pratique a de bon, et dans 
quel sens ses perfectionnements pourruienl encore se faire. 
Mais je veux remonter plus haut encore. Nous avons compris 
tous ces faits, si complexes au premier abord, en prenant 
pour guide les résultats obtenus par la Mécanique, résultats 
que les phénomènes électriques et lumineux nous ont appris 
à généraliser. Nous avons suivi dans ses moindres détails 
Tassimilation des phénomènes nerveux et rétiniens avec ceux 
des corps inertes. N'est-ce pas là une preuve bien mani- 
feste de Texcellence des tendances physiologiques actuelles 
qui cherchent à expliquer le plus possible de la vie par des 
phénomènes physico-chimiques? Mais ne nous leurrons 
pas d'un trop grand espoir et ne croyons pas avoir ainsi 
trouvé la panacée universelle. Ici, comme dans le cas des 
phénomènes électriques, nous avons pu atteindre par Texpé- 
rience les phénomènes de perturbation, les régimes variables, 
et nous avons trouvé que ces régimes variables biologiques 
étaient soumis aux mêmes lois que tous les régimes variables. 
Mais cela ne nous éclaire en rien sur la nature intime des 
phénomènes, et il ne faut pas croire que nous soyons bien 
avancés dans cette connaissance. Certes, il est philosophique 
de montrer que les lois biologiques rentrent dans nos cadres 
connus; mais cela même nous prouve que ces phénomènes 
variables, si intéressants qu'ils soient, ne nous renseignent 
en rien sur la nature intime des choses. C'est à d'autres 
expérimentations que nous devons demander une réponse à 
cetie question dont nous n'entrevoyons même pas la solu- 
tion : Comment se produisent la notion de lumière et celle de 
couleur? 



TELEGRAPHIE SANS FIL 



LA 

(•) 



CONFÉRENCE 

FAITE AU CONSEHVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS 
LE DIMANCHE 10 MARS 1901, 

Par M. le docteur André BROCA^ 

Professeur agrégé de Physique à la Faculté de Médecine de Paris, 



Mesdames^ Messieurs, 

Cesl un sujet assez ardu que celui de la télégraphie sans 
fil. Pour comprendre ce qui se passe dans cet admirable 
procédé de communication, il faut faire appel à ce qu'il y a 
de plus élevé dans les sciences physiques, à cette théorie 
générale de Téiher créée par notre compatriote Fresnel pour 
expliquer les phénomènes lumineux, et dont Maxwell a tiré 
l'explication de la propagation des perturbations électroma- 
gnétiques. Je pourrais bien, certes, vous décrire les appareils 
et vous dire : « Voilà ce que Ton fait, et voilà comment cela 
marche «.Je pourrais vous décrire en détail les petits perfec- 
tionnements des appareils. Mais ce serait là quelque chose 
de bien fastidieux et vous ne me suivriez pas longtemps. 

llfaut donc que je prenne le taureau par les cornes, et que 
je lâche de vous expliquer de mon mieux ce que c'est que 

(•) Les expériences de télégraphie sans fil ont été faites avec le concours 
de M. Dobkéwiteh, préparateur de M. Blondel. Nous les remercions du 
concours qu'ils ont bien voulu nous prêter. — A. B. 



l36 A. BROCA. 

celle forme de Ténergie qui va iransmeilre nos signaux à 
loule dislance, sans avoir besoin d'êlre conduite par un de 
ces fils mélalliques qui iransporlenl habiluellement Ténergie 
éleclrique. 

Mon but es! que vous sorliez d'ici avec celle conviction que 
l'énergie qui traverse I^espace pour aller écrire noire pensée 
là où il y a un récepleur convenable, c'est de la lumière. 
Je viens d'employer un bien mauvais mol, car il n'y a pas de 
lumière là où il n'y a pas d'œil pour transformer l'énergie 
objective en un phénomène de conscience que nous appelons 
lumière. Il faut une rétine continuée par un nerf optique 
aboutissant à une circonvolution cérébrale occipitale, ei bien 
d'autres choses encore certainement; mais je m'arrêie là où la 
Science s'arrête et où commence l'hypothèse. Cependant, c'est 
à dessein que j'ai employé ce mauvais mot de lumièrey car il 
me semble qu'avec les réserves faites les choses vous paraî- 
tront ainiïi plus frappantes. 

Fresnel nous a appris quelle est la forme de l'énergie qui 
produit la sensation de lumière. C'est un mouvement vibra- 
toire situé dans le plan de l'onde, transversal comme on dit, 
qui se propage dans un milieu appelé éther. Ce milieu subsiste 
même là où nous avons fait le vide le plus parfait. La lumière 
nous parvient du soleil et des étoiles, à travers le vide inter- 
planétaire. Mais, à côté de ces ondulations qui impressionnent 
notre œil, il y en a d'autres, qui impressionnent, les unes seu- 
lement la plaque photographique et les autres seulement le 
thermomètre. Ce qui les distingue l'une et l'autre, c'est ce 
que les physiciens appellent leur période. Dans les phéno- 
mènes lumineux, nous avons à considérer pour les molécules 
d'éther des orbites qui sont parcourues en un temps qui se 
chiffre par quelques quadrillionièmes de seconde. C'est cette 
durée qui caractérise la lumière employée. Nous appelons 
lumière rouge celle qui vibre en un peu moins de 3 quadrillio- 
nièmes de seconde, lumière jaune celle qui vibre en 2 qua- 
drillionièmes de seconde environ, et lumière violette celle 
qui vibre en un peu plus de i quadrillionième de seconde. 
Les vibrations plus lentes ou plus rapides que celles-là n'ont 
plus d'action sur noire rétine, ne sont plus déjà de la lumière 



LA TÉLÉGRAPHIA âANS FIL. l37 

vériiable, mais nous les connaissons par leurs aciions diverses. 

Établissons donc bien les propriétés caractéristiques com- 
munes à toutes ces radiations lumineuses, et cherchons à les 
retrouver pour l'énergie utilisée en télégraphie sans fil. 

Quand, dans un milieu élastique, il y a un centre d'ébranle- 
ment, rébranlement se transmet de proche en proche; ceci 
se voit très aisément au mo^en d'un tube de caoutchouc : 
j'en prends une des extrémités, un aide prend l'autre; je frappe 
vivement sur le caoutchouc; vous voyez une onde se trans- 
mettre d'un bout à l'auire. Quand elle atteint l'autre extré- 
mité fixe, elle se réfléchit et revient sur ses pas. Celte expé- 
rience nous montre immédiatement la propagation d'un 
ébranlement et sa réflexion. 

Nous voyons aussi que cet ébranlement se transmet avec 
une certaine vitesse, nous le suivons dans tout son chemin, 
très facilement si le tube est lâche, très difficilement si le 
tube est tendu; dans ce dernier cas, l'ébranlement va plus 
vite, la vitesse de propagation dépend du milieu où l'ondulation 
se transmet. 

Au lieu de donner un seul coup au caoutchouc, donnons- 
en deux ou trois., et l'on peut les donner plus ou moins rappro- 
chés, produisant ainsi des mouvements de périodes difl^érentes ; 
nous verrons une onde à deux ou trois inflexions se propager 
le long du tube, et, si le tube est toujours dans le même état, 
la vitesse de propagation est identique, quelle que soit la 
période. Celle constante caractéristique, la vitesse, a été mesu- 
rée pour la lumière d'abord par Rœmer, par des considérations 
astronomiques, puis par Foucault, Fizeau et M. Cornu, qui a 
trouvé 300 300*^™ par seconde. 

En même temps que l'existence d'une vitesse de propa- 
gation fixe, le tube de caoutchouc nous montre que les 
inflexions du tube se suivent avec une régularité parfaite, 
que les points identiques, ceux qui vibrent toujours identi- 
quement, synchroniquement comme on dit, sont toujours 
à la même distance l'un de l'autre. Or l'un d'eux a commencé 
à vibrer au moment où l'autre a commencé sa deuxième 
oscillation; leur distance est donc celle que parcourt l'ondu- 
lation pendant une période du mouvement. Elle s'appelle la 



|38 A. BROCA. 

longueur d'onde du mouvement. Appelons-la À; soil V la 
vitesse de propagation, T la période, on a X = VT. Retenons 
de là que, quand on connaît la vitesse de propagation carac- 
téristique d*un milieu et la longueur d'onde d'un mouvement^ 
on connatt sa période. 

Éludions maintenant ce qui se passe quand un mouvement 
périodiquement entretenu se réfléchit. II y a des points où les 
impulsions diverses et réfléchies sont en sens contraire. Ces 
points sont fixes; on les nomme des nœuds de vibrations; on 
démontre que leur distance est égale à la demi-longueur 
d'onde du mouvjement. Entre ces points, il y en a où les mou- 
vements s'ajoutent; on les nomme des ventres. Le milieu se 
sépare en ondes stalionnaires. Le tube de caoutchouc permet 
de montrer le fait. Avec une période convenable, on obtient un 
ventre au milieu et un nœud à chaque bout; en doublant la 
fréquence, on a la division en deux segments avec un nœud 
au milieu, puis en trois en triplant, etc. Cette expérience est 
particulièrement brillante avec le dispositif de M. Argyropou- 
los. Un fil métallique est parcouru par un courant interrompu; 
il est soumis à des dilatations rythmées, et il rougit, on le voit 
donc aisément vibrer. On peut, en variant la fréquence, obtenir 
la vibration de totalité, ou des nœuds en nombre quelconque. 

Si donc on montre qu'une forme de l'énergie présente des 
nœuds et des ventres, des interférences comme on dit, on 
aura montré qu'elle est vibratoire. C'est ce qu'a fait Fresnel 
pour la lumière. Il a même pu montrer que la vibration se 
faisait dans le plan de l'onde, qu'elle éidXi transversale et non 
longitudinale, comme dans le son. Les expériences de Fresnel 
ont été théoriquement moins simples à comprendre que ce que 
je viens de décrire. Pour la lumière, les nœuds ou ventres des 
ondes stationnaires devant les miroirs sont à des fractions de 
millièmes de millimètre. Il a fallu les progrès de la photo- 
graphie pour les mettre en évidence. Cela fut fait d'abord par 
M. Otto Wiener ; puis M. Lippmann, par un procédé plus simple 
et meilleur, obtint une série de couches d'argent réduit dans 
une couche de gélatinobromure bien transparente placée 
devant un miroir de mercure, et il démontra que si la lumière 
blanche venait frnpper une plaque ainsi impressionnée, les 



LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. iSq 

interférences des lumières réfléchies sur les couches d'argent 
successives devaient éteindre tous les rayons, sauf ceux qui 
ont produit la couche ; on obtient ainsi la photographie des cou- 
leurs. Je vous montre ici en projection un spectre dû à 
réclairement d'une des photographies ainsi obtenues par 
M. Lippmann et qui fait partie des belles collections du 
Conservatoire des Arts et Métiers. C'est cette expérience que 
Hertz a réalisée avec les ondes électriques ; c'est pour cela que 
je vous l'ai montrée. 

Tel était l'état de la philosophie scientifique^ quand Maxwell 
pensa que les phénomènes électriques, qui certainement sont 
modifiés par la nature de la matière située entre les corps 
électrisés,et qui cependant sont réalisables dans le vide absolu, 
devaient être dus, non à des fluides quelconques, mais à l'élher 
lumineux lui-même. Laissons-le parler et citons textuellement 
ce qu'il dit dans son Traité d' Électricité et de Magnétisme: 

« En plusieurs passages de ce Traité, on a tenté d'expliquer 
les phénomènes électromagnétiques par une action méca- 
nique transmise d'un corps à un autre par Tintermédiaire 
d'une matière qui remplirait l'espace compris entre ces corps. 
La théorie ondulatoire de la lumière suppose aussi l'existence 
d'un milieu. Nous avons maintenant à montrer que le milieu 
électromagnétique a des propriétés identiques à celles du 
milieu où se propage la lumière. 

» Remplir l'espace d'un nouveau milieu toutes les fois que 
l'on doit expliquer un phénomène nouveau ne serait point un 
procédé philosophique; au contraire, si, étant arrivé indépen- 
damment par l'étude de deux branches différentes à l'hypo- 
thèse d'un milieu, les propriétés qu'il faut attribuer à ce 
milieu pour expliquer les phénomènes électromagnétiques 
se trouvent être de la même nature que celles que nous 
devons attribuer à l'éther lumineux pour expliquer les phéno- 
mènes de la lumière, la probabilité de l'existence d'un pareil 
milieu se trouvera sérieusement confirmée. » 

D'après ce qui précède, nous voyons que la première chose 
à faire était de mesurer la vitesse de propagation des perlur- 
bations électriques, ou au moins de la calculer, et de montrer 
que c'est celle de la lumière. 

3« Série f t. IV, lo 



i4o 



A. BROC A. 



Les phénomènes d'induction sont bien connus. Quand un 
channp magnétique varie dans le temps en un point déterminé, 
il y a production en ce point d'une variation de la force élec- 
tromotrice. Les courants induits ainsi produits donnent des 
eiîets à distance qui ont pu être utilisés pour la télégraphie 
sans fil par M. Preece, pour des communications à 2"^'" envi- 
ron; je vais vous le montrer par deux séries d'expériences 
frappantes. D'abord celles de M. Elihu Thomson. Un électro- 
aimant est parcouru par du courant alternatif; si Ton place au- 
dessus un anneau de cuivre ou d'aluminium, il est violemment 
projeté en l'air. Dans une auire expérience, un circuit conve- 
nable porte une lampe électrique, et le tout est plongé dans 
un vase plein d'eau au-dessus de l'éleclro-aimant. Quand le 
courant passe, la lampe s'allume, le circuit est repoussé; le 
système s'élève dans l'eau, et en même temps la lampe 
s'éteint. Ces effets sont d'autant plus puissants pour une 
même intensité efficace que la fréquence du courant alternatif 
est plus grande. 

Prenons maintenant un appareil de Tesia où un circuit, com- 
prenant les armatures intérieures a, h de deux bouteilles de 



ig. 1. 




Leyde dont les armatures extérieures c, a sont réunies mélalli- 
quement, est chargé par le secondaire d'une bobine d'induc- 
tion et se décharge toutes les fois que le potentiel électrique est 
suffisant pour faire jaillir une étincelle entre deux boules e,/. 



LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. l4l 

Toutes les fois que l'étincelle jaillira, les bouteilles subiront 
une perturbation brusque et reviendront à Téquilibre suivant 
les lois énoncées par Sir William Thomson, aujourd'hui Lord 
Kelvin, le courant électrique subissant des oscillations de 
période calculable. Dans les appareils de ce genre, on a envi- 
ron 5ooooo périodes par seconde; aussi les effets d'induction 
sont énormes. Une lampe de no volts s'allume quand elle est 
munie d'un seul fil qui embrasse le solénoïde S. Ces courants 
traversent le corps humain sans y produire aucun désordre. 
Voici un chapelet de 4 lampes de i lo volts muni de deux poi- 
gnées; j'en prends une à la main et mon aide prend l'autre. 
Nous louchons chacun un point de S, et les lampes s'allu- 
ment. Elles demandent environ ^ ampère, et ce courant tra- 
verse deux corps humains sans aucun inconvénient. Bien plus, 
mon aide ne touche aucun point du circuit^ sa capacité électro- 
statique suffit pour que ces courants illuminent les lampeà. 

Mettons, à l'exemple de Tesla, autour du solénoïde S une 
bobine d'une couche de fil fin; nous formerons un transfor- 
mateur et nous aurons à ses extrémités une différence de 
potentiel considérable^ et cette énergie électrique jouit en- 
core, vis-à-vis du corps humain, des mêmes propriétés. Cette 
énergie se propage à grande distance, illuminant brillamment 
des lubes à vide qui ne touchent aucun appareil métallique, 
ou couvrant d'aigrettes puissantes des fils métalliques. De véri- 
tables nappes lumineuses de lo*'"' à 12*^™ de large et de 
plusieurs mètres de longueur peuvent rejoindre deux fils en 
communication avec les deux pôles du transformateur de 
Tesla. Celui-ci doit être plongé dans l'huile pour éviter les 
étincelles. 

En appliquant le calcul à ces phénomènes, Maxwell a 
montré que la force électrique et la force magnétique sont 
liées par des équations de même forme que les équations 
de propagation d'un ébranlement dans un milieu élastique; 
les équations relatives aux perturbations transversales du 
champ électromagnétique ont donc un coefficient qui est le 
carré de la vitesse de propagation de ces perturbations. Ce 
coefficient est exprimé au moyen de quantités mesurables 
directement par desimpies expériences d'attraction électrique 



l42 A. BROCA. 

ei magnélique; c'est le rapport des unités de quantité d'élec- 
tricité définies d'une part dans le système électrostatique et 
d'autre part dans le système électromagnétique. On a trouvé 
pour le rapport de ces nombres Sogodo^" par seconde, vitesse 
de la lumière. 

Mais cette conception de Maxwell était de pure théorie et 
beaucoup de bons esprits ne s'y ralliaient pas, quand Hertz 
eut la gloire de démontrer expérimentalement cette théorie, 
en prouvant que les ondes électriques se propagent avec la 
vitesse de la lumière, se réfléchissent et se réfractent. 

Thomson, il y a longtemps, nous l'avons déjà vu, avait 
montré que, quand un condensateur se décharge dans un 
circuit convenable, le courant produit était oscillatoire, et la 
connaissance des constantes du circuit permettait de calculer 
cette période. Hertz a alors pensé que, si l'on prenait un pareil 
système constamment excité par une bobine de Ruhmkorff, 
on pouvait obtenir dans le diélectrique des perturbations ayant 
la même période. H pensa qu'avec un circuit accordé sur 
l'excitateur et terminé par deux pointes formant un micro- 
mètre on aurait possibilité d'observer des étincelles entre les 
pointes et de les mesurer. 

Un ingénieux appareil de M. Guillaume va me permettre de 
vous montrer comment, quand un système oscillant doué 



Il g. a. 





d'une période bien nette est excité par une cause ayant la 
même période, il prend une oscillation extrêmement grande. 
Soit un morceau de bois A percé d'un trou où passe sans 
frotljement un axe horizontal projeté en 0. l\ est réuni à cet 



LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. l^^ 

axe par Hnlermédiaire d\in ressort R. Si Ton écarte A de sa 
position d'équilibre, il est ramené par le ressort après une 
série d'oscillations. Le syslèntie de manivelle et bielle OBC, 
mû par la roue de centre D, permet d'imprimer au mobile A 
des mouvements de période donnée. On voit alors que, pour 
les mouvements lents, le mobile A suit exactement le mou- 
vement excitateur; que, pour les mouvemenis de période voi- 
sine de la sienne, l'amplitude augmente énormément jusqu'à 
atteindre iSo** pour l'accord exact, et que, pour les mouve- 
ments rapides^ le mobile A ne fait plus autour de sa position 
d'équilibre que de très petites oscillations. 

Ayant alors constitué un excitateur au moyen de deux 
capacités réunies par une tige métallique interrompue par un 
éclateur d'étincelle. Hertz vit qu'il y avait un circuit qui don- 
nait l'étincelle maxima par induction, qui entrait en réso- 
nance, qui avait par conséquent la même période que l'exci- 
tateur. Les autres circuits donnaient des étincelles moindres. 
Il prit alors le résonateur accordé avec l'excitateur, et par son 
moyen il reconnut devant les miroirs métalliques les nœuds 
et les ventres que nous avons indiqués ci-dessus; il introduisit 
dans la formule le x calculé et le X mesuré. Le nombre trouvé 
pour V fut, aux erreurs d'expériences près, la vitesse de la 
lumière (*). 

Celte expérience de Hertz démontre donc du même coup 
que les ondes électromagnétiques se réfléchissent et qu'elles 
se propagent avec la vitesse de la lumière. 

Mais elle ne comportait pas une grande précision. Par d'in- 
génieuses expériences susceptibles, elles, de précision, mais 
que je ne puis décrire ici, MM. Sara&in et de la Rive mon- 
trèrent que les ondulations se propagent avec la même vitesse 
dans l'airet le long des fils conducieurs. M. Bloridiot fit alors 
ses belles expériences, indépendantes de touie hypothèse, 
sur la vitesse de propagation le long des fils. 



(') C'est à dessein que nous ne parlons pas ici de ramorlissemenl des 
oscillaUons et de la résonance multiple; cela nous entraînerait trop loin. 
Nous renvoyons les lecteurs que cela intéresse au bel Ouvrage de 
M. Poincaré, dans la collection Scientia; ils y trouveront les phéno- 
mènes exposés sans calcul. 



i44 A- BnocA. 

Des expériences anciennes de Fizeau et Gounelle avaient 
montré que la fermeture d'un courant sur une ligne télégra- 
phique donne une perturbation qui se propage avec une 
vitesse qui semble être de 177000^" par seconde. Siemens 
trouva des nombres du même ordre de grandeur, mais 
variables. La théorie démontra que cela était dû à la diffu- 
sion du courante à la formation d'une onde peu nette. Pour 
éviter cet inconvénient, M. Blondiot employa des oscilla- 
tions de décharge de condensateurs, et il trouva comme 
vitesse 298000''"* par seconde. 

On peut donc dire que les idées de Maxwell ont été véri- 
fiées de la manière la plus rigoureuse par Texpérience. 

Une coïncidence entre deux phénomènes d'origine solaire 
vint prouver le même fait. Il y a quelques années, Trouvelol, 
à rObservatoire de Meudon, observa une tache brillante qui 
apparut subitement à une heure qu'il put noter. A la même 
heure exactement, une perturbation considérable de l'aiguille 
aimantée fut notée. La perturbation solaire produisant simul- 
tanément des ondes de toute espèce dans l'éther, les ondes 
lumineuses et électriques arrivèrent exactement au même 
instant à la terre : c'est M. Guillaume qui appela Tattention 
sur cette belle vérification des idées de Maxwell. 

Ces oscillations ne donnent pas d'effets sensibles à plus de 
quelques mètres, et nous allons voir qu'on ne peut espérer 
les concentrer notablement par la réflexion ou la réfraction. 

L'élude de la lumière nous a montré que, lorsque les 
miroirs devenaient petits par rapport à la longueur d'ondula- 
tion, des phénomènes nouveaux se produisaient qui troublent 
la réflexion régulière; ce sont les phénomènes de diffraction. 
Il faut donc arriver aux petites longueurs d'ondulation, c'est- 
à-dire aux périodes courtes, pour espérer avoir des résultats 
bien nets. Le calcul montre qu'il faut avoir de très petites 
capacités. Hertz opérait avec deux lames métalliques séparées 
par une coupure à étincelle, donnant des oscillations au 
nombre de 5o millions par seconde, c'est-à-dire une longueur 
d'onde de 6'" environ. On pouvait se demander si, dans 
ce cas, le phénomène de l'étincelle serait assez subit pour 
donner lieu aux oscillations du système. En effet, soit un 



LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. l45 

pendule écarlé de sa position. Si je le lâche brusquement il 
oscillera; si je le ramène doucement au zéro, il n'oscillera 
pas. L'expérience montre qu'en chargeant le système de 
Hertz avec une bobine d'induction, il donne des oscillations 
conformes au calcul. L'étincelle est donc assez subite pour 
produire ces oscillations. 

D'autres formes d'excitateurs ont été employées. Lodge 
place une simple sphère entre les deux boules qui servent de 
pôles à la bobine; Righi a préconisé l'emploi de deux sphères 
égales, placées de la même manière. Il a pu ainsi répéter 
toutes les expériences de l'Optique : réflexion, réfraction, 
double réfraction. Actuellement, on emploie simplement un 
éclateur dont une boule est à la terre et l'autre est réunie à 
l'antenne, long fil qui s'élève dans l'air. Sans antennes, les 
signaux ne peuvent se faire qu'à quelques dizaines de mètres; 
avec l'antenne, on peut en faire parvenir à des dizaines de 
kilomètres. Nous allons voir comment Tanlennepeut concen- 
trer les signaux. 

Aussitôt que Hertz eut découvert ses phénomènes, il essaya 
de concentrer ses ondes électriques au moyen de miroirs 
paraboliques. Il était en effet très intéressant d'augmenter 
l'intensité des effets. Il y réussit dans une certaine mesure, 
mais il fut bien vile arrêté dans cette voie par la diffraction 
dont je vous ai déjà parlé, et qui est si difficile à éviter quand 
il s'agit de pareilles longueurs d'onde. Il faudrait des appareils 
d'une taille inadmissible pour l'éviter. On pourrait bien, il est 
vrai, diminuer la longueur d'onde en employant de plus petits 
appareils, mais on est vite arrêté dans cette voie. L'oscillateur 
de M. Righi permet bien, en effet, de réaliser des oscillations 
de quelques centimètres de longueur d'onde, mais quand on 
veut descendre aux environs du centimètre, comme l'a fait 
M. Lebedew, on est aussitôt arrêté par le manque d'énergie 
de la radiation. 

Il faudrait une véritable révolution dans les méthodes 
actuelles de production de l'énergie électrique pour pouvoir 
espérer obtenir avec une intensité suffisante des oscillations 
de période beaucoup plus courte capables d'être concentrées 
par des miroirs. Aussi les chercheurs qui ont voulu rendre 



l46 A. BROCA. 

pratique la communicalion à grande dislance au moyen de 
ces ondes hertziennes onl-ils eu recours à un aulre procédé 
pour obtenir des ondes énergiques. Ils ont pour cela, comme 
je le disais tout à Theure, adapté un long il! vertical à Tune 
des boules de Toscillateur, el mis Tautre boule à la terre. 
L*appareil récepteur comprend aussi un long fîl vertical, 
parallèle au premier. Le rôle de ce dernier fil n'est autre que 
celui d'un paratonnerre, aussi nous n*y insisterons pas; il se 
conçoit facilement, si l'explication rigoureuse en est délicate. 
Occupons-nous au contraire de l'antenne d'émission. 

11 faut avant tout comprendre la façon dont les ondulations 
de haute fréquence se propagent le long des fils conducteurs. 
Un des résultats immédiats de la théorie de Maxwell, dont 
j'essaie aujourd'hui de vous exposer les principes et l'impor- 
tance, est que les ondulations électriques doivent se propager 
avec la même vitesse le long des fils et dans l'air. Je vais vous 
expliquer comment l'expérience a vérifié le fait, et quelle dif- 
ficulté les expérimentateurs ont rencontrée. 

Fizeau, comme je le disais tout à l'heure, essayant de mesu- 
rer le temps mis par la perturbation due à une fermeture de 
courant à parcourir un fil, trouva seulement 177000*''" 
à la seconde et expliqua ce fait par ce qu'il a appelé 
la diffusion du courant, phénomène qu'on peut déduire des 
équations. Il semble que la tête de l'onde va plus vite que le 
corps même de celle-ci. Une assimilation va nous rendre le 
phénomène parfaitement net. La théorie de Thomson nous 
montre qu'un corps conducteur soumis à une perturbation 
brusque prend une oscillation propre. Mais nous supposons 
essentiellement, pour établir cette formule, que la perturbation 
a lieu exactement en même temps en tous les points du circuit. 
C'est ce qui se produit pour le circuit secondaire de la bobine 
d'induction. Nous avons une image de ce qui se passe dans 
ce cas au moyen du pendule. Écartons de sa position la boule 
d'un pendule en maintenant son fil tendu, et lâchons le tout: 
le système prendra son oscillation propre. Si le pendule est 
très long, son oscillation pourra être très lente; il en sera de 
•même du circuit secondaire de la bobine. 

Mais nous pouvons ébranler ce pendule d'une autre façon. 



j^ 



LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. l47 

Déplaçons son point d'attache. Si le déplacement est unique 
et très lent, le pendule va se mettre à osciller autour de ce 
point nouveau. Si le déplacement est plus brusque, l'ébranle- 
ment se propagera le long du fil, avec la vitesse correspondant 
aux propriétés physiques de celui-ci, et le mouvement du 
pendule commencera au bout d'un temps égal au produit de 
la vitesse de propagation par la longueur du pendule. Puis le 
pendule prendra un mouvement troublé, composé d'oscilla- 
tions rapides correspondant à la vilesse de déplacement du 
point de suspension, se produisant autour des positions occu- 
pées par le mobile dans le mouvement pendulaire qu'il prend 
autour de son nouveau point de suspension. Si le pendule 
est très long, ce nouveau mouvement sera très lent, et le temps 
mis par le pendule à arriver à une distance déterminée de sa 
première position d'équilibre pourra être très long, même si 
le temps qui s'écoule entre l'ébranlement et le commence- 
ment du mouvement est très court. 

Au contraire, si le point de suspension de ce pendule est 
attaché à un diapason vibrant, l'ébranlement devient considé- 
rable; des nœuds et des ventres se forment le long du fil de 
suspension; c'est là un double phénomène qui nous intéresse 
sous ses deux faces. Nous voyons, en effet, que le mouvement 
de l'extrémité du pendule prend la période du diapason; il y 
a synchronisation, suivant l'expression des physiciens, et le 
temps mis par la boule à acquérir son élongalion maxima est 
donc indépendant de la période propre du pendule total. De 
plus, les nœuds et les ventres indiquent, comme je vous le 
disais tout à l'heure, une réflexion de l'onde au bout du fil. 
Dans le premier cas, nous avons eu un phénomène analogue 
à l'ébranlement propre et simultané d'un circuit; dans le 
deuxième cas, la propagation avec diffusion ; dans le troisième, 
la propagation nette d'un ébranlement ryihmé. Le dernier 
cas est celui de l'oscillateur de Hertz. Les deux autres cas 
ont été étudiés dans la Télégraphie par fils (signaux ordinaires 
et signaux bridés). 

Quand nous plaçons un tuyau sonore dans une salle fermée. 
Il donne un son propre, indépendamment du son propre de 
la salle elle-même, et les ondes qui s'en échappent vont pro- 



l4S A. BROCA. 

duire dans celle-ci les phénomènes divers que comporle sa 
forme. Quand nous allons exciter un système électrique muni 
de Tantenne de Marconi, des phénomènes analogues vont se 
passer. Certes, il se produira une ondulation du système total, 
comme dans le pendule de tout à l'heure, mais elle sera faible; 
presque toute l'énergie sera employée à ébranler la sphère 
ou les parties très voisines, et Tondulaiion propre de celle-ci 
se propagera le long du fil, suivant les lois de cette propa- 
gation. Cela est rendu bien probable par les expériences de 
MM. Abraham et Lemoine, qui ont montré qu'une étincelle 
électrique durait moins de .^^^, ooimuô ^® seconde. La pertur- 
bation qu'elle produit ne peut donc aller tout au plus qu'à i" 
pendant sa durée, c'est-à-dire pendant qu'un régime oscilla- 
toire peut s'établir; l'antenne ne peut donc vibrer en totalité. 

Nous avons par conséquent une onde électrique qui va avoir 
une symétrie indiquée par la direction de l'antenne. Nous 
savons, d'un autre côté, par la formule de Thomson, que les 
oscillations électriques sont assimilables à de la lumière pola- 
risée, c'est-à-dire vibrant suivant une direction déterminée. 
L'antenne va donner à l'onde la symétrie correspondant à la 
lumière polarisée quand elle se propage par ondes sphériques. 

La théorie de l'élasticité nous apprend que la répartition de 
l'énergie sur une onde sphérique n'est pas uniforme, qu'elle 
est proportionnelle au carré du cosinus de Tangle fait par la 
direction considérée avec un certain plan équatorial. La pro- 
pagation est nulle sur la normale à ce plan. Mais ce sont là de 
simples vues de l'esprit, des résultats de calcul au sujet des- 
quels je vous vois en défiance. Le calcul est du bon sens 
condensé, suivant l'idée de Lord Kelvin ; aussi ne devons-nous 
pas nous étonner si cette prévision a été vérifiée de point en 
point. Vous avez certainement entendu parler xles expériences 
de M. Zeeman relatives à l'action d'un champ magnétique 
sur une flamme. Sous cette action, chaque radiation est 
décomposée en plusieurs autres, dont l'une au moins est 
polarisée parallèlement aux lignes de force du champ. Elle est 
maxima dans le plan normal au champ et ne se propage pas 
suivant le sens du champ. L'optique a donc réalisé des ondes 
ideniiques à celles de la télégraphie sans fil. Le calcul pur, 



L\ TÉLÉGRAPIIIK SANS FIL. l49 

indépendanl de loule expérience, avait montré qu'on devait 
trouver des ondes remarquables de cette nature par l'hypo- 
thèse d'un milieu élastique soumis à une perturbation trans- 
versale. J'étais donc fondé à vous dire, il me semble, que 
nous avions là une nouvelle et puissante raison de croire aux 
idées de Maxwell, c'est-à-dire à la théorie électromagnétique 
de la lumière. Au point de vue pratique, nous dirons que 
l'antenne est un moyen de concentrer les ondes normalement 
à sa direction, ce que l'expérience vérifie. Le lieutenant de 
vaisseau Tissot a en effet montré qu'on avait de bons résul- 
tats avec des antennes horizontales normales à la direction 
de propagation. 

Voilà ce que je voulais vous dire de théorique sur ces 
ondes de la télégraphie sans fil. Étudions maintenant les 
propriétés au moyen desquelles on a pu créer des récepteurs. 

Beaucoup de procédés ont été mis en œuvre pour les études 
théoriques dont je vous ai entretenus jusqu'ici. Quelques-uns 
ont le mérite de permettre des mesures plus ou moins pré- 
cises. Mais un seul est assez sensible pour permettre de révé- 
ler des ondes extrêmementfaibles : c'est celui du changement 
de conductibilité des tubes à limailles. 

Il y a quelques années déjà, en 1890, M. Branly étudia une 
curieuse propriété des limailles métalliques pressées dans des 
tubes isolants. Ces corps ont une résistance électrique très 
considérable en général, mais cette résistance est éminem- 
ment variable. Elle peut passer subitement de plusieurs 
mégohms à quelques ohms, et la cause la plus efficace pour 
produire ce changement est la production dans le voisinage 
d'une étincelle électrique. M. Branly étudia soigneusement ce 
changement de résistance ; il vit toute l'importance qu'avaient 
pour la production des phénomènes le tassement et l'état de 
la surface de la limaille; il reconnut qu'un tube à limaille, 
rendu conducteur par une étincelle produite dans le voisi- 
nage, restait conducteur et qu'un choc suffisait à lui rendre 
sa résistance initiale, mais il n'eut pas l'idée d'appliquer cet 
appareil à l'élude des ondulations hertziennes. 

Cinq ans auparavant, M. Onesti, en Italie, avait vu des phé- 
nomènes analogues produits par le passage d'un extracou- 



l50 A. BROCA. 

rani, mais ce travail n'enlève rien au mérite de M. Branlv, 
qui a vu Taction sur les lubes des ébranlements électriques 
rapides transmis par le diélectrique. 

Ces travaux ont été appliqués à Fétude des ondulations 
électriques par M. Lodge. Cest lui qui a montré tout le parti 
qu'on peut en tirer pour transformer ce phénomène si délicat 
de l'ondulation électrique en un phénomène énergique, le 
passage d'un courant. Pour M. Lodge, les ondulations élec- 
triques produisent les contacts de la limaille, de là le nom de 
cohéreur qu'il a donné à l'appareil. M. Branly n'admet pas 
cette interprétation : il a montré que les poudres noyées dans 
des diélectriques solides avaient les mêmes propriétés. Il con- 
çoit cette action comme une modification des diélectriques. 
Des expériences faites par M. Arons, il y a quelque temps, 
semblent prouver la manière de voir de M. Lodge. Il étudia 
sous le microscope quelques grains de limaille placés entre 
deux pointes très voisines de papier d'étain collées sur verre. 
11 vit alors, sous l'action des ondes électromagnétiques, des 
étincelles jaillir et des ponts de limaille se former, ponts que 
des chocs détruisaient. Quelquefois il se forme des ponts 
solides qui sont soudés aux pointes en papier d'élain. Dans 
des préparations faites de la même manière, mais vernies au 
copal, nous avons des phénomènes du même genre, et de 
plus formation de bulles gazeuses qui empêchent l'appareil de 
fonctionner au bout d'un certain temps. Mais, fait curieux, 
ces bulles gazeuses se résorbent ensuite et l'appareil redevient 
utilisable. Elles sont fort intéressantes, car elles prouvent que 
ces étincelles si petites sont capables cependant de fondre les 
diélectriques qui contiennent la limaille, pourvu que ceux-ci 
soient sous couche infiniment mince. L'énergie totale est 
faible, l'énergie spécifique devient considérable aux pointes. 

Comment la conductibilité s'établit-elle alors dans les per- 
tuis ainsi formés dans le diélectrique? Une nouvelle expérience 
de M. Arons nous le montre. Quand il expose son oscillateur 
en papier d'étain sans limaille aux oscillations électriques, il 
en jaillit des étincelles, et l'appareil prend une certaine con- 
ductibilité due à la formation, sur la lame de verre, d'un dépôt 
brun qui est de l'étain volatilisé, puis condensé. 



LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. l5l 

Vous voyez que nous commençons à connaître certains 
faits relatifs au fonctionnement de ces cohéreurs. Ces appa- 
reils sont formés d'un tube de verre de 2"»", 5 de diamètre, où 
glissent deux cylindres d'argent bien ajustés, entre lesquels 
on laisse un jeu de i™*". C'est cet espace qui est rempli de 
limaille. 

Ces appareils doivent être vides d'air, pour que l'oxydation 
des limailles reste toujours constante. La limaille, d'ailleurs, 
devient moins bonne par l'usage, probablement à cause de 
l'usure des pointes des grains. Aussi M. Blondel soude-l-il 
au-dessus de C un tube de verre deux fois courbé à angle 
droit, et contenant une provision de limaille; on peut, en 
renversant l'appareil, changer la limaille active. La meilleure 
limaille est celle des alliages monétaires. 

La force électromotrice fermée sur le cohéreur n'est pas 
indifférente. Il faut employer pour le courant primaire de 
celui-ci une force électromotrice de 0,26 volt seulement. 

Fig. 3. 
A 







sssassssffî 





z:^ 



Cohéreur. 

A, Tube de verre. — B. B, Électrodes métalliques reliant le 111 et comprenant 
entre elles le petit espace C partiellement rempli de limaille. (C a 1""» 
d'épaisseur sur 'i"" ou 3"»™ de diamètre.)— D, D', Fils métalliques établissant 
les connexions électriques. 

L'appareil ainsi construit est fermé sur un élément de pile, 
et n'est traversé par aucun courant sensible quand tout est 
au repos. Si des ondes électriques rendent le tube conducteur, 
le courant passe, déclenche un relais qui ferme le circuit 
d'une pile puissante au moyen de laquelle on peut faire fonc- 
tionner un récepteur de Morse, et aussi un marteau de son- 
nerie qui vient frapper sur le tube à limaille. Celui-ci devient 
alors résistant et le reste tant qu'un nouvel ébranlement ne 
vient pas le rendre conducteur. 

Voilà les appareils utilisés. Quels sont les inconvénients, 
quels sont les avantages du procédé qu'ils permettent de 
mettre en œuvre? 



l52 A. BROC A. 

Ils sont beaucoup plus simples et beaucoup moins coûteux 
que ceux de la télégraphie ordinaire; ils sont transportables 
et permettent une installation, même mobile. Ils permettent 
de communiquer même à travers des murailles, quoique dans 
ce cas il y ait un affaiblissement considérable de Ténergie. 

Mais la portée est encore actuellement limitée et variable 
suivant les circonstances. C'est à la surface de la mer qu'on 
peut aller le plus loin, et en opérant ainsi, grâce à l'étude 
approfondie qu'il a faite des conditions de sensibilité de la 
méthode, M. Marconi a pu aller, en service courant, jusqu'à 
57*"" (*), et une fois il a atteint ioo^"\ C'est déjà une portée 
avec laquelle on peut espérer des résultats du plus haut inté- 
rêt au point de vue de la marine. Les phares ne peuvent, en 
effet, rendre de services en cas de brouillard, la lumière 
visible par notre œil étant très vite absorbée par la vapeur 
d'eau. Cette nouvelle lumière de Hertz, dont je viens de 
vous entretenir, traverse au contraire le brouillard presque 
aussi facilement que l'air pur. La portée est seulement un peu 
diminuée. Si donc les navires portent des antennes réceptrices 
le long de leurs mâts, une communication s'établira entre le 
phare et eux, aussitôt qu'ils seront à 5o^". Comme je vous 
le disais tout à l'heure, l'onde électrique impressionnera 
toute antenne située à la surface de la mer, donc les navires 
seront avertis dans toutes les directions. Joignons à cela un 
excitateur sur chaque navire, et nous arrivons à éviter la 
plupart des collisions en mer. 

Cette diffusion de signaux, qui serait, dans les applications 
à la télégraphie ordinaire, un grave inconvénient, puisqu'elle 
empêcherait complètement le secret des dépêches, est donc 
un avantage considérable dans le cas qui nous occupe. Peut- 
être pourrait-elle aussi avoir un intérêt majeur dans les opé- 
rations militaires, à condition qu'on assure le secret des 
ordres par un langage conventionnel. 

Enfin, ces appareils permettent la communication avec les 
trains en marche. 



(») Le 3o mars 1899, ou a communiqué, par-dessUs la Manche, de France 
en Angleterre, entre Boulogne (Wimereux) et Douvres, et les communi- 
cations entre ces deux points sont régulières. 



LA TKLÉGRAPIIIE SANS FIL. ]53 

Mais, à côté de ces avantages, Tanlenne présente un incon- 
vénient. C'est un véritable paratonnerre dont le voisinage peut 
être dangereux en temps d'orage. Dans ce cas^ la transmission 
des signaux est troublée longtemps avant tout danger, les 
perturbations électriques de l'atmosphère impressionnant le 
récepteur au même titre que celles émanées de Texcitaleur. 
C'est là d'ailleurs un défaut aussi des lignes électriques ordi- 
naires^ que les orages paralysent parfois. 

Je crois vous en avoir assez dit sur cet intéressant sujet 
pour vous montrer la double voie dans laquelle il nous 
engage. D'un côté, pour comprendre les phénomènes mis 
en œuvre, nous sommes obligés d'avoir recours aux plus 
hautes conceptions de la Physique moderne, aux idées les 
plus délicates de l'EIectro-oplique; de l'autre, nous voyons 
Juire l'espoir d'arracher quelques vies humaines aux dangers 
de la mer, et c'est là, certes, la plus belle récompense que les 
chercheurs peuvent espérer de leurs travaux. 



RECHERCHES 



SUR LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES 
ET LE DESSIN TOPO&RAPHIQUES, 

Par le Colouel A. LAUSSEDAT. 



CHAPITRE IV {Suite). 

MÉTHODES ET INSTRUMENTS DE DESSIN. 
INNOVATIONS PRINCIPALES PROPOSÉES. 



ADDITION 

AUX PARAGRAPHES RELATIFS A LA TËLËPHOTOGRAPHIE. 

La nécessité de réduire au strict nécessaire l'exposé des 
nombreux sujets qui se rattachent à la Métrophotographie 
nous oblige souvent de supprimer des détails qui pourraient 
servir à guider les opérateurs et à leur éviter des mécomptes. 

L'utilisation de la téléphotographie est dans ce cas, et nous 
regrettons de n'avoir pu insister davantage sur la théorie et 
les propriétés d'instruments appelés à faciliter singulièrement 
les reconnaissances à grandes distances. 

La question des agrandissements des épreuves obtenues, 
soit avec les objectifs ordinaires, soit avec les téléobjectifs, 
par exemple, mériterait d'être étudiée avec soin. 

N'ayant ni le temps ni la place nécessaires pour entreprendre 
celte étude et la publier, nous nous sommes adressé à M. le 
Commandant Houdaille, dont la compétence en ces matières 

3* Série, t. IV. ii 



I'jG a. laisse DAT. 

est notoire. Cet officier a bien voulu nous donner un Résumé 
de ses propres recherches, dont nous nous faisons un agréable 
devoir de le remercier, dans lequel le lecteur trouvera de 
précieuses indications sur quelques-unes des questions con- 
cernant Tagrandissement des épreuves ou le grossissement 
que peuvent donner les objectifs du commerce. 

NOTE 

SUR LÀ PUISSANCE DE DÉFINITION ET LE GROSSISSEMENT DES OBJECTIFS. 

La puissance de définition d'un objectif photographique 
se mesure par la dislance à laquelle cet instrument permet de 
séparer Tunité de longueur. 

Ainsi un objectif capable de distinguer à 3oooo™ deux 
sphères de i" de diamètre séparées par i"" d'intervalle aura 
une puissance de définition mesurée par le chiffre 3oooo. 

Comme terme de comparaison emprunté à la Métrophoto- 
graphie, nous rappellerons que le centième de grade corres- 
pond à la puissance de définition 6366 et le millième de grade 
à6366o(*). 

Les objectifs photographiques de construction courante 
permettent presque toujours de séparer le centième de grade, 
tandis qu'il est très rare de trouver un instrument qui enre- 
gistre le millième de grade ou 3" sexagésimales. 

Du reste, la puissance de définition d'un objectif photogra- 
phique existe en quelque sorte à Vëlat iatent, et de nombreuses 
causes viennent limiter cette puissance ou la rendre inutili- 
sable. 

Nous examinerons sommairement les principales. 

lo Grosseur du grain de la gélatine. 

On sait qu'une émuision est d'autant plus sensible que le 
grain du gélatinobromure est plus gros. Pour les plaques 



1 

(') Ripport (lu ravon à la longueur du centième de ?rade r _■ 

ioooo 



LKS INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. iSj 

extra-rapides, ce grain peut atteindre 4*0 à g^ de millimètre de 
diamètre» et il empêche pratiquement d'enregistrer sur la 
plaque les détails dont le diamètre est inférieur à ëV de milli- 
mètre. 

De ce fait, la puissance pratique de l'objectif est sensible- 
ment proportionnelle à sa distance focale et Ton peut en dé- 
duire que, pour déOnir le centième de grade, il faut employer 
un objectif de ©""jio, ou, si Ton veut séparer le millième de 
grade, un objectif de i™ de distance focale. 

20 Défaut de mise au point. 

La tolérance de mise au point pour la netteté du ^^ de milli- 
mètre est extrêmement réduite. 

Avec l'ouverture - elle ne dépasse pas ^^ de millimètre; on 

se rend compte que la moindre erreur a pour effet de réduire 
très notablement la puissance de définition. 

3® Report sur papier de V épreuve positive. 

Sauf certains cas spéciaux, on n'utilise pas directement le 
cliché négatif et l'on passe par l'intermédiaire d'une épreuve 
positive tirée sur un papier albuminé, papier au citrate ou 
papier au gélatinobromure. 

Le transfert sur papier réduit au moins de moitié la netteté 
(lu g\) de millimètre, de sorte que, pour obtenir la même puis- 
sance de définition du centième ou du millième de grade, il 
faudrait employer des objectifs de o™,2o ou de 2™ de distance 
focale. 

Ces derniers instruments sont d'un poids considérable et 
d'un prix exorbitant. 

4" Agrandissements. 

f 

Au lieu d'utiliser le cliché direct ou une épreuve tirée par 
contact, on peut se servir d'un agrandissement. 
Dans ce cas, non seulement la finesse est altérée du fait de 



l58 A. LAUSSEDAT. 

Tobjectif agrandisseur, mais encore l'image est déformée par 
suite du défaut presque inévilable de parallélisme du cliché el 
de récran. On peut affirmer que les mesures directes prises 
sur le cliché sçnl toujours plus précises que les mesures prises 
sur un agrandissement. 

5<* Limite de la vision distincte. 

Tous les résultats que nous venons d'énumérer supposent 
Texamen du cliché ou de Tépreuve au moyen d'une loupe ou 
d'un microscope. Si Timage doit être regardée à l'œil nu, les 
détails d'un diamètre inférieur à ^^^ de millimètre cessent d'être 
perceptibles. On peut en déduire qu'une épreuve permet- 
tant de distinguer le centième de grade doit être obtenue avec 
un objectif de o™,6o de distance focale au minimum. 



I. — Emploi du téléobjectif. 

En plaçant à l'arrière de l'objectif un système grossissant 
convergent ou divergent, il devient possible d'utiliser la totalité 
de la puissance de définition latente de l'objectif. 

Le grossissement maximum à adopter sera celui qui permet 
d'obtenir sur une épreuve la netteté de -^ ^^ millimètre, et il 
est inutile d'aller au delà, car on augmenterait le poids et les 
dimensions du matériel photographique, sans changer d'une 
façon appréciable le résultat au point de vue documentaire. 



II. — Grossissement du téléobjectif. 

En divisant la puissance de définition par dix fois la distance 
focale exprimée en millimètres, on obtiendra le grossissement 
maximum à employer. 

De nombreux essais, effectués tant dans notre laboratoire 
personnel que dans celui de la Société française de photogra- 
phie, nous ont permis de dresser un Tableau de la puissance 
de définition moyenne des objectifs de bonne qualité. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. iSq 



TABLEAU 

DONNANT LA PUISSANCE DE DÉFINITION, LA NETTETÉ ET LE GROSSISSEMENT 
MAXIMUM DES BONS OBJECTIFS DU COMMERCE. 



DISTANCE FOCALB 

(le robjectif. 
i5 

100 

200 

3oo 

4oo 

5oo 

600 ; 

700 

800 

900 

I 000 



PUIS SAXO B 
DB DÉFINITION 

moyenne. 



NETTETE MAXIMA 

théoïique. 



GROSSISSBMCNT 



maximum. 



2 300 
10 000 

28000 
39000 
48000 
54000 
60000 
66000 
72000 
76000 
80000 



\ 166 ) 

_1_ 

150 

__1_ 

140 

1 

130 

_1_ 
120 
_1_ 
1 10 
__1_ 
100 

1 

9 5 

l_ 

9 

1_ 

'8 5 

_L 

80 



OBSBBVATIONS. 



17 fois 
i5 



i4 



i3 

12 

1 1 

10 
9,5 » 
9,0 » 
8,5 » 

• 8 » 



œil humain 



Nota. — Les chiffres ci-dessus se rapportent à des objectifs 
remarquablement corrigés au point de vue de l'aberration 
sphérique. Dans la plupart des cas il est inutile d'atteindre des 
grossissements aussi considérables. 



III. — Diamètre des systèmes divergents. 

Si l'on emploie pour amplifier l'image un système diver- 
gent, le tirage à donner à la chambre noire est égal à la dis- 
lance focale du système divergent multipliée par le grossisse- 
ment moins un. 

D'autre part, le diamètre du cercle éclairé est sensiblement 
égal au diamètre de la lentille multiplié par le grossissement 
plus un. 

Enfin, il est possible de réaliser pratiquement des lentilles 
divergentes dont le diamètre est égal au tiers du foyer. 



l6o A. LAUSSEDAT. 

Ces trois remarques suffisent à résoudre la plupart des pro- 
blèmes relatifs à la construction des téléobjectifs. 

Exemple. — On possède une chambre i8 X 24 (diagonale 
3oo»^'™) ayant o",6o de tirage. Quel est le grossissement mini- 
mum à employer pour couvrir la plaque 18 x 24 sans décen- 
iremeni? 



On a les deux équations 






600 =/(G — 1 ), 3oo = ^ (G -M ) ; 



d'où 0=5 et/=i5o 



mm 



CONCLUSIONS. 



L'emploi du téléobjectif permet d'utiliser touie la puissance 
des excellents objectifs mis actuellement dans le commerce 
et de les transformer en instruments de haute précision, toul 
en se servant d'un matériel photographique de dimensions 
restreintes. Ainsi, en accouplant un objectif de 600™°" avec 
une lentille divergente de 80™™ on pourra obtenir, au moyen 
d'une simple chambre noire 18 x 24, une image permettant de 
mesurer le millième de grade, résultat qui aurait exigé l'emploi 
d'un objectif de 6"* de foyer. Ce simple exemple montre 
tout l'intérêt que présentent les téléobjectifs pour la Métro- 
photographie et la Photographie documentaire. 

RELATIONS ENTRE LES DIVERSES DIMENSIONS D*UN OBJECTIF. 

Cette Note a été suivie d'une autre dans laquelle M. le 
Commandant Houdaille, s'appuyant sur les relations qui 
existent entre les diverses dimensions d'un téléobjectif, a 
montré que l'on peut aisément calculer le diamètre de la len- 
tille divergente permettant d'utiliser une chambre noire dont 
les dimensions sont déterminées et obtenir un grossissement 
convenable fixé lui-même à l'avance. 

Nous allons d'abord rappeler les relations dont il s'agit. 

£n reprenant les notations de la figure 54 et en supposant 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAl'UIQUËS. l6l 

seulement que mn {fig. 64) est l'image de MN dont la dislance 
au foyer antérieur de l'objectif convergent est représentée 

Fig. 64- 




par un multiple nf de la distance focale/, on a, pour déter- 
miner le foyer conjugué P' du point P de l'objet considéré. 



d'où 

(O 



/(«-H1)"^0P'-/ 

0P'=/(.-h1); 



pour le tirage T = 0' F,, si G désigne le grossissement, on a 

d'où T = G(/-8); 



P _ 0' F. _ T 



O'P 



/-«' 



F ff 

d'ailleurs on a aussi: G= -^mais F = '^) donc /' =:Go et 



De 

(3) 
on tire 



T=/(G-i). 



0'F,_ T 
O' 1" "~ O' P' 



0'P'=ï=/(.-i 



Enfin, la dislance des centres optiques (ou des points 
nodaux) des deux systèmes convergent et divergent est 



(4) 



00' = OP'-0'P'=/(^H-^^ -/ (i — ^ 



l6a A. LAL'SSEDAT. 

pour que Fimage couvre la plaque {mn étant la diagonale de 
cette plaque) il faut que le diamètre d ou // de la lentille 
négative soit au moins 

00' /-/ + {+ïï(4> 



(5) d= mn^x jr-zrp^mnx ^ . 

et, en réduisant, 



(I) 



(5) dzrzmn \ i — 






Exemple numérique. -— On veut couvrir le formai i3x '8 
avec un tirage de o'",32 et le grossissement 5. Calculer le foyer 
et le diamètre de la lentille divergente. 

Foyer de la lentille divergente = -p = 8o°*™, d'après la 

relation (a). 

Dimension de Fimage primaire I = /w/i, la diagonale M' N' 
du rectangle i3xi8 étant de 222"™; 

mn = -^ =: 44""** 4- 

Diamètre de la lentille //pourG=5, /w = iooel/ = 24o'°'°: 
// ou d= 44 M 7^) — ^2"""» ^» d'après la relation (5). 

La lentille divergente doit donc avoir au minimum 32™™,5 de 
diamètre. 

Calcul du lube de jonction de Tobjectif convergent et de 
l'objectif divergent : 

00' = 240 — 8o-f- 2,4 4- i6r= 178™", 4 

dont il faut déduire le demi-écart des lentilles du système 
convergent si ce dernier est symétrique. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l63 

XXIV. — La Photographia en balion. 
Reconnaissances et restitutions planimétriques. 

Premiers essais déjà signalés, — Nous avons rappelé dans 
plusieurs paragraphes du Chapitre III et au commencement 
de ce Qhapitre IV les premiers essais de photographie faits avec 
succès en i858 en ballon captif par Nadar (*), puis l'emploi 
de vues également prises en ballon captif et utilisées aux 
Etals-Unis pendant la guerre de la sécession. Nous avons aussi 
indiqué sommairement les propriétés et les conditions d'em- 
ploi des vues prises de stations aériennes plus ou moins éle- 
vées sur des tableaux verticaux, horizontaux ou inclinés à 
Thorizon, non seulement dans les reconnaissances rapides, où 
Ton se contente des vues elles-mêmes ou de quelques éva- 
luations approximatives de distances, mais pour une restitu- 
tion plus ou moins complète du plan de la région explorée. 
On pouvait prévoir, et Ton a vériflé par un exemple que les 
photographies obtenues sur un tableau horizontal avec de 
bons objectifs donnaient immédiatement le plan exact du ter- 
rain embrassé par le champ de ces objectifs, à la seule condi- 
tion que le point de vue soit relativement assez élevé. Mais 
nous avons, d'un autre côté, pris la précaution de mettre en 
garde, d'une manière générale, contre les illusions que Ton 
pourrait se faire, sinon sur la portée des appareils, qui peut 
être considérable, au moins sur l'étendue vraiment utilisable 
des vues pour les restitutions planimétriques, et nous aurions 
pu comprendre afortiori, dans cette restriction, les restitu- 
tions altimétriques. 

Les ressources de la téléphotographie augmentent sans doute 
beaucoup la portée à laquelle nous venons de faire allusion, 
et à mesure que l'aérostat, c'est-à-dire le point de vue, s'élève, 
l'étendue utilisable des vues s'accroît aussi naturellement. Il 



{*) Nous aurions pu citer un autre Français, Andraud, bien connu comme 
l'un des inventeurs les plus féconds de son temps, qui, dès i855, avait mis 
en avant Tidée d'employer les ballons pour prendre des vues photogra- 
phiques de stations élevées, aériennes, mais sans en tenter l'application. 



l64 A. LAUSSKDAT. 

serait cependant peu prudent de trop y compter, l'amplifica- 
tion que l'on peut donner aux images prises d'un point de vue 
mobile étant nécessairement subordonnée à la condition de 
Tinstantanéilé (*). 

Toutes les questions soulevées à propos de la télégraphie 
en ballon sont étudiées aujourd'hui dans les différents pays 
où il existe des parcs aéroslatiques militaires, et nous ne sau- 
rions les traiter ici avec les détails minutieux qu'elles compor- 
tent; nous nous en tiendrons donc à un exposé, un peu plus 
développé que celui auquel nous nous sommes déjà livré, des 
principes fondamentaux susceptibles de trouver des applica- 
tions entre les mains des aéronautes, de jour en jour plus 
nombreux dans notre pays et dans les pays voisins, qui se 
dévouent aux recherches scientifiques. 

Photographies sur tableaux horizontaux. — L'exemple 
donné au Chapitre III, que nous venons de rappeler et dans 
lequel on a rapproché d'un fragment du plan parcellaire offi- 
ciel de Paris une photographie de la même région obtenue 
le 19 juin i885 par MM. G. ïissandier et Ducom, de la nacelle 
d'un ballon, à 6oo°> de hauteur, avec un objectif de Français, 
de o™,36 de distance focale, pourrait nous dispenser de répé- 
ter une démonstration par le fait qui ne saurait d'ailleurs faire 
l'ombre d'un doute toutes les fois que l'on opérera d'un 
point de vue convenablement élevé au-dessus d'un sol peu 
mouvementé. 

Or, c'est en pareil cas, nous voulons dire dans les pays de 
plaines, que l'on pourrait songer, en temps de paix, à recourir 
aux aérostats pour compléter des études de terrain ayant réussi 
tant que les accidents topographiques, montagnes, collines ou 
simples ondulations avaient pu fournir des stations se prêtant 
à la méthode photographique ordinaire (^). 



V) Il va sans dire que l'agrandissement ultérieur des iHiages obtenues 
directement pourra encore être mis à contribution pour augmenter la 
portée en question, souvent même sans que l'on ait recours aux téléob- 
jectifs. 

(») Nous aurons peut-être, avant d'avoir terminé cet ouvrage, à signaler 
des essais de ce genre entrepris en Perse par l'ingénieur topographe russe 



LES INSTRU&IËNTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l65 

Il doit être bien entendu que les précautions nécessaires 
devraient être prises pour assurer la continuité entre les 
épreuves successives qui, d'ailleurs, seront obtenues d'alti- 
tudes inévitablement variables dans une certaine mesure. On 
aurait donc à la fois à ramener les plans à la même échelle et 
à les rattacher les uns aux autres, sans être toujours bien sûr 
de ne pas laisser subsister quelques lacunes. Mais, comme 
nous admettons que Ton opère à loisir et en temps de paix, 
ces lacunes pourraient toujours être comblées, et les éléments 
de vérification ne feraient pas défaut. 

Nous ne nous occuperons pas du choix de Taérostat (*),qui 
serait nécessairement captif, monté ou non monté d'ailleurs, 
le déclenchement de Tobturateur, dans ce dernier cas, pou- 
vant être fait électriquement d*en bas, et le déplacement de la 
pellicule sensible (^) effectué automatiquement du même 
coup. 

Chambre noire des ballons-sondes de il/. Cailletet, -— 
Sans vouloir fixer les détails de la construction de la chambre 
noire qu'il conviendrait d'employer dans les diverses cir- 
constances de la pratique, nous prendrons pour point de 
départ l'ingénieux appareil construit par M. L. Gaumont, 
d'après un programme de M. Cailletet. Le savant physicien 
avaiteu l'idée bien naturelle de recourir à la photographie pour 
contrôler les indications du baromètre anéroïde dont on se 
sert généralement aujourd'hui pour évaluer les hauteurs 



M. Thilé, qui, après avoir construit par la méthode photographique ordi- 
naire et avec une grande habileté la Carte de la région montagneuse de 
Kars à Téhéran, pour l'étude du chemin de fer transcaucasien, devait 
continuer ses opérations de Téhéran à Ispahan et jusqu'au golfe Per- 
sique, en traversant des plaines souvent étendues. 

(*) Ce choix dépend évidemment des conditions dans lesquelles se 
trouve l'opérateur. Nous indiquerons un peu plus loin le modèle très 
réduit proposé en Allemagne sous le nom de ballon-cerf-volant et dont 
M. Thilé comptait pouvoir se servir en Perse et aussi en Russie, dans les 
contrées où les matières premières nécessaires à la production du gaz 
sont difficiles à se procurer. 

(2) L'emploi de la pellicule s'impose en pareil cas, et il en résulte une 
grande simplification dans la construction et la manœuvre ou plutôt le 
fonctionnement de l'appareil. 



160 A. LAUSSEDAT. 

successives de l'aérostat. Ces indications sont, en effet, comme 
nous le savons, presque toujours entachées d'une erreur due 
à l'inerlie du mécanisme de l'instrument, et l'on n'est pas 
encore bien fixé non plus sur la loi du décroissement de la 
pression dans tes régions élevées de l'atmosphère. En obtenant 
simultanément, et à des intervalles de temps égaux, sur une 
Fig. 65. 




pellicule sensible, la photographie du terrain au-dessus 
duquel se trouve le ballon-sonde et celle du cadran et de 
l'aiguille du baromètre anéroïde, la hauteur du ballon pou- 
vait être déduite avec une grande exactitude de mesures 
prises, d'une part, directement sur le terrain ou sur la feuille 
correspondante du cadastre et, de l'autre, sur la photo- 
graphie, et la comparaison de cette hauteur avec celle que 
donne le baromètre anéroïde permettait de se rendre compte 
du degré d'approximation sur lequel on pourrait tabler avec 
cet instrument employé isolément. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 167 

La figure 65 représente l'ensemble de l'appareil avec son 
mode de suspension. 

La figure 66 est une coupe verticale passant par Taxe de 



Fig. 66. 




l'objectif et par le milieu des faces latérales de la chambre 
noire. 

On y voit en F la pellicule sensible enroulée sur les deux 
bobines T et U dont la seconde est commandée par le barillet^, 
actionné lui-même par un mouvement d'horlogerie MH. 
Cette pellicule est maintenue rigide et horizontale par une 
glace G; 6 et c sont deux autres barillets qui commandent les 
obturateurs D et K des objectifs et Z, dont le premier est 
tourné vers le sol et le second, protégé contre les rayons du 
soleil par le tube P, est tourné vers le baromètre anéroïde 
placé en B. 



Au moment où les oblurateurs D et K sont déclenchés 
simultanément, l'image du terrain etcelledu baromètre irnpres- 




sionneni, l'une la face inférieure et l'autre la face supérieure 
de la pellicule. L'objectif anastigmatique est diaphragmé 



I.KS INSTRCMKNTS, LRS UliTIlOOES F.T Li: DESSIN TOPOCH VPiriQUKS. I(i9 

à //20 et sa dislance focale est de aii'""". L'obturateur I) 
donne le ceiflième de seconde environ. 




L'objectif Z est un reclilinéaîre grand angulaire de 95'""de 
distance Tocale, eljson oblirraieur K permet une exposition 



IJO A. LAUSSEDAT. 

double de celle de D nécessitée par la position du cadran du 
baromètre. 

La pellicule a i8«™ de largeur et les bobines-magasins T et U 
peuvent en recevoir lo™. La surface exposée vers l'objectif 
correspond sensiblement au format i3xi8. 

Pour déterminer sur chaque épreuve le retrait ou rallonge- 
ment qui peuvent se produire à la suite des diverses manipu- 
lations photographiques, la glace GG porte, gravés au diamant 
sur la surface en contact avec la pellicule, des traits qui sont 
reproduits sur un phototype. 

Cette description, empruntée presque textuellement à un 
article de M. L. Gaumont dans la Reçue des Sciences pures 
et appliquées {*), se rapporte à la chambre noire mise en 
expérience par MM. Hermilte et Besançon, pendant une 
ascension effectuée le 21 octobre 1897. 

La flgureSy a été calquée aussi complètement que possible 
sur une épreuve obtenuequand le ballon passait sensiblement 
au-dessus du fort de Saint-Cyr, dont le périmètre se voit sur 
le bord inférieur. 

Elle a été réduite de { dans les deux sens pour pouvoir tenir 
dans le texte. 

Une rapide comparaison de Tépreuve originale {^g. 68) (dont 
le format exact était dans ce cas 12X16, mais qui a été réduit, 
toujours pour pouvoir tenir dans le texte) avec une bonne 
Carte des environs de Paris à Téchelle de jôjjô ^ montré que 
le plan qui s'y trouve représenté était lui-même à une échelle 
très voisine de ^^^^j^ ; d'où l'on peut conclure que le bal- 
lon-sonde était alors à 2000"* environ au-dessus du sol. 
Nous n'avons pas pris la peine de comparer ce plan avec 
celui de la Carte d'assemblage du cadastre à cette même 
échelle de fôVôT, mais nous ne craignons pas d'affirmer que 
si, en le faisant, on constatait des différences, cela proviendrait 
simplement des changements survenus dans le groupement 
des parcelles, le tracé de routes ou de chemins nouveaux, de 
rédification ou de la disparition de constructions, etc. £n un 



( ' ) Reproduit dans le n" 2, février 1 898, de La mise au point {Revue pho- 
tographique trimestrielle), publiée par M. L. Gaumont. 



LES INSTRUMIÎNtS, LES MÊTIlOOKS Et LE DESSIN TOPOGBAPHIQUKS. I71 

mot, c'est la photographie qui donnerait Vétatde lieux exact 
à la date où elle a été prise ('). 

Enfin, nous ferons remarquer qu'en admettant J'échelle 
de ioo'oo ^ '^ formai annoncé de i3Xi8 et, par conséquent, 
pour le plan i 3oo™ et i8oo«» de côtés^ la superficie du terrain 
ainsi relevé serait de 234'". 



XXV. — La photographie en ballon en pays de plaines 

(suite). 

Modifications proposées à la construction de l'appareil 
précédent, -^ Pour compléter les renseignements donnés sur 
le fonctionnement automatique de la chambre noire de 
MM. Cailletet et Gaumont, nous aurions du ajouter que c'est 
toutes les deux minutes que la pellicule, ayant été impres- 
sionnée à la suite du déclenchement des obturateurs, est 
entraînée et remplacée par une surface d'égale éiendue prête 
à poser à son tour. 

Pour Tusage auquel nous pensons qu'il serait avantageux de 
destiner cet appareil, il y aurait lieu d'introduire dans sa con- 
struciion les niodifîcations suivantes: 

Tout d'abord, le baromètre anéroïde pourrait être supprimé 
tout à fait, ou bien remplacé par une boussole dont le limbe 
serait tracé sur une glace au centre de la surface supérieure 
duquel un pivot vertical supporterait l'aiguille aimantée. On 
prendraitnaturellementalorstoutesles précautions nécessaires 
pour éviter que l'aiguille soit influencée par le voisinage des 
autres parties du mécanisme dont le fer et l'acier seraient 
exclus autant que possible (2). 

En second lieu, le déclenchement des obturateurs et le 
déplacement de la pellicule seraient déterminés, à la volonté 
de l'opérateur, et non plus à des intervalles de temps réguliers. 

(') A la condition que Tépreuve soit bien nette dans toute son étendue, 
€t que le terrain ne soit pas trop accidenté. 

(') L'appareil simplifié par la suppression du baromètre anéroïde pour- 
rait très bien se passer de l'introduction d'une boussole. Les épreuves que 
l'on obtiendrait dans ces conditions seraient sans doute plus nettes. 

3" Série y t. IV. 12 



172 A. LAUSSEDAT. 

En ballon monté, on opérerait à peu près comme à terre et 
Tappareil pourrait êlre encore simplifié; en employant un 
ballon captif nt)n monté, il faudrait recourir, comme nous 
Tavons dit plus haut, à l'électricité; dans ce cas, le seul à 
considérer si l'on voulait procéder méthodiquement au lever 
complet d'une localité plus ou moins étendue, la hauteur ne 
devrait guère dépasser Sco"* et la surface embrassée par le 
même champ se trouverait considérablement réduite. Tandis, 
en effet, que l'échelle serait quadruplée, c'est-à-dire de ytjô 
environ; l'étendue superficielle ne serait plus que de ^^ ou 
de i4 à i5*»". 

L'accroissement de l'échelle pourrait sans doute éventuel- 
lement offrir de l'intérêt, mais il conviendrait le plus souvent 
de ne pas lui sacrifier l'avantage d'obtenir d'un seul coup le 
plan d'un terrain suffisamment étendu. On devrait donc, 
croyons-nous, employer de préférence une autre chambre 
obscure élargie^ mais dont le volume total ne se trouverait 
pas moins réduit, parce que sa hauteur serait suffisamment 
diminuée. 

Ainsi, avec un objectif de o"^, 10 de distance focale seule- 
ment, d'un champ angulaire de go^' utilisé dans les deux sens, 
la largeur de la pellicule étant portée à 0^,20 et la longueur 
exposée à o™, 20 également, on aurait des épreuves 2ox^o(*) 
qui, prises d'une hauteur de 5oo°» avec l'objectif supposé de 
G™, 10, comprendraient un plan d'une étendue de'ioo*»*, à 
l'échelle de yy^ô- 

Si Ton disposait d'un câble suffisant et que l'on se contentât 
de Féchelle de ^ô^, en élevant l'aérostat à 1000°», la surface 
du terrain levée atteindrait 4oo^". 

Nous ne faisons qu'indiquer ces solutions que les aéronautes 
photographes et topographes sauront appliquer ou modifier 
selon les circonstances dans lesquelles ils devront opérer, et 
il en sera de même de celles que nous allons aborder. 



(•) 11 n'y a plus lieu, en pareil cas, de chercher à se rattacher aux 
formats adoptés pour les appareils employés à terre. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 178 



XXVI. — Photographie en ballon en pays de plaines 

(suite). ' 

Épreuves sur tableaux verticaux. — Théoriquement, et 
en partant de Tappareil dont nous venons de parier, on pour- 
rait concevoir un système de quatre autres chambres noires 
ayant les axes de leurs objectifs horizontaux, orientés sur les 
côtés de la première. On aurait ainsi le moyen de relever le 
plan de la partie du terrain vu par la chambre verticale et 
d'obtenir en même temps le panorama quadrangulaire sur 
les tableaux verticaux des chambres horizontales, tableaux qui 
se raccorderaient chacun avec le côté correspondant du 
plan. 

Si nous supposons toujours que Ton ait à opérer dans un 
pays de pFaines où les différences de niveau soient négligea- 
bles, il serait évidemment facile d'effectuer la transformation 
des vues en plans,à Faide de l'un desperspectographes connus, 
et d'étendre, par conséquent, le plan dans tous les sens, aussi 
loin que le permettrait la netteté des images et que les détails 
en pourraient être distingués. 

Épreuves sur tableaux légèrement inclinés, — En général, 
cependant, il convient d'incliner l'axe des chambres noires 
autres que celles dont le tableau est horizontal. La difficulté 
d'employer des objectifs grands angulaires de 90° de champ 
dans toutes les circonstances a déterminé, par exemple, l'ha- 
bile opérateur russe M. ïhilé (*), qui avait à faire des études 
dans de vastes plaines, en Russie et en Perse, à adopter un 
système de sept chambres noires disposées comme on le voit 
sur la figure {fig- 69) qui m'a été communiquée par l'auteur. 



(') M. Tfiilé avait d'abord pensé à la solution précédente en recourant 
aux paiitoscopes de Busch d'un champ de 96% mais il avait craint que leur 
trop foi te connexité les exposât à ne pas être garantis des rayons solaires, 
et il s'est arrêté aux anastigmats de Zeiss, série V, n" 3, de 141""" de foyer 
avec un champ de 82° pour plaques i8xi4- L'appareil décrit a été, croyons- 
nous, exécuté dans les ateliors du parc aérostatique de Saint-Pétorshourg. 



174 A. LAUSSEDAT. 

Les six chambres à axes inclinés sont assujeities contre une 

Fig. 69. 




•charpente légère composée de deux troncs de pyramides trian- 
gulaires entretoisés, emboîtant la chambre noire à axe vertical 



LES INSTBUMENTS, LES UÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. tj5 

qui leur est reliée par une solîde armature en laiton i| 62 (s b^ 
rattachée elle-ménte à une suspension à la Cardan d. 

Tout cet ensemble peut être manoeuvré à l'aide de poulies 
et porté sous la nacelle, où il d&it être accroché^ ou ramené 
à terre, sans que le ballon soit obligé de descendre tout à fait. 

Les axes des six chambres du pourtour sont inclinés seule- 
ment de lo"" au-dessous de Thorizon, mais, comme le montre 
la figure, le point principal de chacune des perspectives ne 
passe pas par le centre de la plaque et se trouve seul*çment 
au tiers delà hauteur, ce qui augmente le champ dans le sens 
convenable et permet un raccordement plus facile des images 
ainsi obtenues avec celle de la chambre à axe vertical, dont la 
plaque a la même dimension dans les deux sens (^4 x M» 
celles des chambres noires inclinées étant de 18x24. Voir 
la Note précédente). 

Les sept obturateurs ai; as, as, ... sont déclenchés simulta- 
nément quand on presse la poire métallique e avec ventila- 
teur de sûreté à laquelle aboutissent des tuyaux conducteurs 
d'air également métalliques e^, c,, C3,... M. Thilé se proposait 
de faire fonctionner la poire par une mèche à temps assez 
lente pour permettre de donner au ballon la hauteur jugée 
nécessaire. 

Nous avons donné la description de l'appareil de M. Thilé 
à peu près telle qu'il nous l'a communiquée, et nous désire- 
rions bien pouvoir faire connaître quelques-uns des résultats 
auxquels il est parvenu en utilisant les images des chambres 
inclinées. 

Restitution du plan, —• Nous ne ferons pas moins remarquer^ 
en attendant, qu'en pareil cas, c'est-à-dire avec une faible 
inclinaison du tableau, on pourra encore recourir facilement 
aux perspectographes, notamment au perspectographe opti- 
que, c'est-à-dire au prisme de la chambre claire; 

11 suffira, en effet, de placer la photographie sur une table 
inférieure inclinée (de io<>) sur l'horizon {Jig, 70), car on voit 
immédiatement, en se reportant au besoin au § X et à la 
figure 3o, comment les figures tracées sur la table horizontale 
AO', dont la position est déterminée par la hauteur 00' du 



176 A. LAUSSEDAT. 

point de vue au-dessus du plan de projection, ne sont autre 

Fig. 70. 




chose que le plan restitué des figures correspondantes sur la 
photographie. 



XXVII. — Photographie en ballon en pays 

de plaines (suite). 

Épreuves sur tableaux assez fortement inclinés. — Il 
arrive le plus souvent que les aéronautes n*ont à leur dispo- 
sition qu'une chambre noire et que, devant la diriger sur une 
région du panorama plus intéressante que les autres, ils sont 
obligés de lui donner une assez grande inclinaison. C'est aussi 
généralement le cas des opérateurs qui ont recours au cerf- 
volant, et dont les épreuves ne sont nullement à dédaigner, 
nous le verrons bientôt. Il est seulement à désirer que les uns 
et les autres s'attachent à déterminer avec autant de précision 
que possible la hauteur du ballon ou du cerf-volant, et Tangle 
que Taxe optique de leur appareil fait avec l'horizon au 
moment du déclenchement de l'obturateur. 

Ces données, sans oublier la distance focale de robjecUf, 
permettront d'entreprendre avec beaucoup de chances de 
succès la restitution du pian de la région représentée sur la 
photographie, si l'on suppose toujours que le terrain soit sen- 
siblement horizontal. 

Toutefois, l'emploi d'un perspectographe devenant alors 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I77 

incommode ou même impraticable, on doit recourir à la 
construction géométrique suivante : 

Soit O {Jig. 71) la station ou, pour mieux dire, le point de vue, 
XYWZ le tableau, OP la direction de Taxe optique donlTincli- 
naisonMOP = a au-dessous del'horizon est supposée connue. 

La verticale du point de vue rencontram en 0' le plan du 
tableau prolongé au besoin, si Ton fait passer par ce point un 
plan horizontal, la pyramide quadrangulaire oblique dont le 
sommet est en O et q.ui a pour base le tableau sera coupée 

Fi g. 71. 




par le plan horizontal suivant un quadrifôtère^ sur ^equd les 
rayons visuels prolongés transporteraient et transformeraient 
Tirnage du tableau en un plan horizontal du terrain embrassé 
par cette image* ' 

L'échelle de ce plan sera d'ailleurs facile à déterminer, soit 
que Ton connaisse la distance exacte de deux points suffi- 
samment espacés de ce terrain, soit qu'on la déduise de 
la grandeur de la distance focale de la chambre noire et de la 
hauteur supposée connue du ballon. 

Admettons, par exemple, que OP=:o"*,ao avec a = 3o° et 
que la hauteur du ballon soit de 4oo™ = H. 

On a 

00'= -. — =z — z? — =o™^,4o 
sma 0,0000 



1^8 A. LAUSSEDAT. 

qui, comparé à la hauteur H de 400", donnerait j^Vô P^"** 
réchelle du plan. 

Mais le plus ordinairement on évitera d'exécuter des épures 
de trop grandes dimensions et, dans le cas supposé, on pour- 
rait tout réduire dans la proportion de 5 à i, ce qui donne- 
rait O0' = o"*,o8, et le plan cherché serait encore à Féchelle 
de ' 

^^ 5000 • 

Remarquons, toutefois, qu*au lieu du résultat numérique 
simple que nous venons de trouver en partant d'éléments 
choisis intentionnellement pour faciliter Texpiication, il arri- 
vera le plus souvent que le rapport de 00' S la hauteur du 
ballon ne sera pas une fraction décimale correspondant à 
Tune des échelles en usage. Alors, au lieu de faire passer le 
plan horizontal de projection par le point de rencontre de la 
verticale avec le plan du tableau, il suffira de relever ou de 
rabaisser d'u4ie quantité convenable. C'est ce que nous avons 
fait, comme on le verra bientôt, dans le cas que nous avons 
pris pour exemple. 

Ënfin^ même alors que Fhorizon de la station passe au-dessus 
du tableau, une partie plus ou moins étendue de l'image 
pouvant devenir inutilisable, à cause du trop grand éloigne- 
ment des objets représentés, pour éviter d'exécuter des figures 
trop étendues (le quadrilatère s'élargissant précisément de ce 
côté), on peut, comme on Ta indiqué sur la figure 71, tracer 
une limite supérieure du champ UV. C'est alors le rectangle 
UVXY qui est la base de la pyramide dont le prolongement, 
jusqu'à la rencontre du plan horizontal, donne le trapèze sur 
lequel il s'agit d'effectuer la transformation de l'image du 
tableau. 

Celle opération peut être faite par un procédé entièrement 
analogue à celui de la craticulation. 



XXVIIL— Photographie en ballon en pays de plaines (suite). 

Exemple de construction graphique, — Dans une série 
de photographies faites en ballon pour expérimenter d'excel- 
lenls objectifs de M. Suier, constructeur d'instruments d'as- 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I79 

tronomie et d'optique à Bàle, nous avons choisi une épreuve 
obtenue à 400°* au-dessus du Rhin {PI. Vf). 

Notre intention ne saurait être de restituer entièrement le 
plan de la partie de la ville dont la photographie donne une 
vue très nette; nous voulons seulement indiquer la marche à 
suivre et qui s'appliquerait aisément au cas d'un terrain de 
même étendue (*) sur lequel, au lieu d'édifices qui se pro- 
jettent sur les voies publiques, sur les cours ou les uns sur 
les autres, il n'existerait que des routes, des chemins, des 
divisions de culture et quelques bâtiments isolés ou à peine 
groupés, comme ceux d'une ferme ou d'un hameau. 

On se rendra compte, toutefois, qu'à la rigueur on relève- 
rait sur celte vue de Bâle le tracé très approximatif des prin- 
cipales artères, des places, des grandes cours intérieures, etc. 
Nous avons même choisi pour notre exemple la vue d'une ville 
de préférence à celle d'une plaine cultivée, pour faire pres- 
sentir que, dans le cas où l'on aurait la photographie d'un 
port militaire ou d'une forteresse, on en restituerait sanspeine 
les principaux détails. 

Eléments connus ou tirés de Vépreuve, — La distance 
focale de l'objectif était exactement de ©""jiBo (renseigne- 
ment fourni par M. Suter); le format utile de l'épreuve est 
de 12 X 16 (au lieu de 1 3 x 18); la hauteur du ballon au-dessus 
du Rhin était de 4oo">; mais Tinclinaison de la plaque n'a pas 
été mesurée, et il a fallu se servir de la convergence des per- 
spectives des arêtes verticales des édifices pour obtenir le 
point I {PL VI eijlg, 78), où la verticale du point de vue ren- 
contre le plan de la plaque prolongée. En procédant un peu par 
tâtonnement, — car les arêtes dont il fallait se servir étaient 
trop courtes pour que leurs directions fussent bien détermi- 
nées, — on a trouvé Pl=: (o™,235) et comme la distance focale 
0P = (o'",i8o), on en conclut que 01 — (o™, 296) et que l'in- 
clinaison de l'axe optique a=r 37<>3o'. 



(*) On reconnaîtra sur l'épure {/ig. 72 et 73) que celte étendue est de 
84''* à 85''*, en y comprenant la place prise par le fleuve et en supposant 
que rinclinaison de Taxe optique soit exactement déterminée. 



•» * • - !• 

* • * • " 



i8o 



A. LÀUSSEDAT. 



Pour exécuter la construction graphique, nous avons réduit 
toutes les données linéaires au quart et nous avons ainsi 
CAê*. 72 et 73): 0P = 0^045, PI = o",o585, 01 = 0^,740. 

Si nous adoptons TécheUe de j^ pour le plan, comme la 






hauteur H du ballon est de 4oo°*, on aura 00' = o",o8o; le 
plan horizontal de projection se trouvera donc passer un peu 
au-dessous du point I. 

L'inclinaison de Taxe optique étant assez grande dans ce 
cas et la hauteur de Tépreuve assez restreinte elle-même, 
cette épreuve est entièrement utilisable. On voit alors immé- 
diatement sur la figure comment on a obtenu dans le plan 



LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGHIPHIQUES. iSl 

principal la hauteur N'Q' du trapèze qui est la perspective 
du contour de l'épreuve, c'est-à-dire le cadre du plan. 11 

Fig. 73. 

















10 










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)x'^'3\/ 








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N 


M hf 










\\\\ 










M 












1 



























est aisé de voir également comment ont été déterminées 
les deux bases X'V, U'V de ce trapèze, la première étant 
égale à lalargeurde l'épreuve ^(o^.iâ) ampliliée dans le rap- 
port de OQ' à OQ et la seconde à celle même largeur 
amplifiée dans le rapport de ON' à ON. 



l82 A. LAtJSSEDAT. 

Pour préparer la craticulation, il suffît, après avoir quadrillé 
répreuve {PL VI) en partant de la ligne principale et de sa 
perpendiculaire menée par le point principal, de projeter les 
points de division de la ligne principale {fig. 78) sur sa 
perspective N'Q' et d'élever des perpendiculaires par les 
points ainsi déterminés, puis de diviser les deux bases X'Y' 
et U'V en autant de parties égales que les longs côtés de 
répreuve et de joindre les points correspondants. 

Détails d exécution. — Nous nous sommes contenté, pour 
la démonstration, de diviser les axes de l'épreuve de centi- 
mètre en centimètre, et il en résulte que les mailles du plan 
X'Y'U'V de la fig, 73 sont trop larges, surtout dans la 
partie voisine de U' V, pour que la craliculation puisse s'effec- 
tuer facilement et avec précision ; mais on conçoit bien qu'il 
suffit de serrer ces mailles partout où l'on en éprouve le 
besoin, en augmentant le nombre des divisions sur l'épreuve 
et sur sa perspective. 

Comme il serait généralement incommode de quadriller 
l'épreuve elle-même, il vaut beaucoup mieux construire un 
réseau sur papier transparent que l'on applique sur l'épreuve^ 
où elle est rigoureusement repérée (*). 

C'est ce que nous avons fait pour effectuer simplement 
quelques mesures sur l'épreuve photographique de la 
planche VI, et quoique les données dont nous nous sommes 
servi, autres que la distance focale de l'objectif, ne fussentpas 
rigoureusement exactes, nous avons pu déterminer la lon- 
gueur du pont deWetlstein, qui figure à droite de l'épreuve, 
sa largeur, la portée de ses arches, la dislance de sa sortie au 
rond-point de Wellstein, etc., et, en les contrôlant sur un plan 
de Baie à l'échelle de xA^ ^" guide Baedeker, nous avons pu 
constater que les différences, généralement peu importantes, 



(') Nous conseillerions même de faire tracer très exactement sur cellu- 
loïd des réseaux, de millimètre eu millimètre, analogues à ceux qui sont 
assez communément répandus (mais tracés de centimètre en centimèlre 
seulement) et destinés à la lecture des Caries topograpliiques aux échelles 
décimales. 



r ^ " * , » 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l83 

croissaient légèrement à mesure que l'on s'éloigne de la 
projection de la station (^). 

Nous avons effectué deux autres mesures assez délicates, 
puisqu'il s'agissait de déduire les hauteurs réelles des tours 
delà cathédrale de leurs hauteurs apparentes sur la photo- 
graphie, qui sont Tune de 18"»" et l'autre de 16°»°*. Or, nous 
avons trouvé 82"» pour la plus haute et 72"* pour l'autre, et le 
gMide donne pour la première 25o pieds, ce qui fait 8i"»,25. 

Nous ne faisons d'ailleurs que citer ces derniers résultats, 
dont la grande précision est sans doute fortuite; mais il y a 
bien d'autres problèmes à la solution desquels se prêtent les 
photographies d'une ville prises dans des conditions favorables 
el notamment par un ciel découvert, les ombres portées d'édi- 
fices assez élevés permettant, par exemple, avec la date de 
l'observation seulement (la latitude étant connue), de déter- 
miner, au besoin, assez approximativement l'orientation du 
plan. 



XXIX. — Photographie en ballon^ en pays accidenté. 

Circonstances exceptionnelles qui justifient cette utili" 
sationde la photographie, — Nous avons exprimé, dans les 
paragraphes précédents, l'opinion qu'il ne fallait tenter les 
restitutions de plans, d'après les photographies prises en 
ballon, que dans les pays de plaines, et nous ferions remar- 
quer, au besoin, que, dans les pays accidentés, la méthode 
photographique ordinaire s'applique bien plus facilement et 
conduit à des résultats d'une exactitude comparable à celle 
des méthodes dites régulières. Nous continuons aussi à penser, 
comme nous le disions au § VI du Chapitre III, qu'il sera tou- 
jours assez difficile de déterminer les différences de niveau et 



(*) Si Tune des données demeurées incertaines, la hauteur du ballon 
(estimée dans ce cas en nombres ronds et l'inclinaison de l'axe optique 
obtenue par tâtonnement), éid^ii&éiQvmméQ avec précision, il serait facile 
de corriger l'autre en se servant d'une distance mesurée sur le plan (ou 
sur le terrain), dans une direction voisine de celle du plan principal delà 
perspective, et la restitution deviendrait alors tout à fait satisfaisante. 



l84 A. LAUSSEDÀT. 

les formes du terrain sur des épreuves prises de stations 
aériennes, c'est-à-dire très élevées au-dessus du sol. 

Il peut cependant se présenter des circonstances, no- 
tamment à la guerre, où Ton aurait des occasions de prendre 
des vues en ballon monté, en pays plus ou moins accidenté, 
occupé par Tennemi, et il ne faudrait pas négliger d'en tirer le 
meilleur parti possible. Dans ce cas, à la vérité, on aurait 
généralement à opérer sur une épreuve unique, et la diffi- 
culté d'en déduire le relief serait beaucoup plus grande que si 
Ton en avait plusieurs représentant le même terrain, prises 
de stations différentes. 

Celte dernière expérience, relativement facile à faire en 
temps de paix, a été assez récemment tentée en Allemagne, et 
nous devons essayer de donner une idée plus complète que 
celle que l'on trouverait (Ghap. III, § VI) de la marche à suivre 
en pareil cas, en faisant connaître les résultats ainsi obtenus 
en Bavière en 1899 (*). 

Supposons qu'au moyen d'un seul ballon on ait pris suc- 
cessivement au moins deux vues du même terrain, de stations 
aériennes différentes. 

Nous avons déjà indiqué, dans le paragraphe cité, comment 
on pouvait déterminer sur chacune d'elles un certain nombre 
de repères pris sur des lignes considérées comme sensiblement 
horizontales, tels que les bords d'un lac, d'un cours d'eau ou 
d'une route en plaine. Nous avons admis également que l'on 
avait pris les précautions nécessaires pour évaluer l'inclinaison 
de l'axe optique de l'appareil. 

.En principe, le problème serait alors facile à résoudre, à la 
condition, toutefois, que les hauteurs du ballon à chaque 
station fussent aussi exactement connues. 

Considérons, en effet, un plan horizontal de projection sur 
lequel nous avons au moins trois repères du terrain a, ft, c 
(/§*• 74)- Si les opérations préparatoires décrites au paragraphe 



( ) Uebev die Konstruktion von Hohenkarten aus Ballonaufnahmm 
von S. Finsterwaldcr ( Separat-Abdruck aus den SUzungsberichten der 

^, Y vT^tt^^- ^^""^'^ '^^'' ^^^- ^^«^em/e der Wissensclia/ten, rgoo, 
m. ÂAA, Heft II. Miinchen, Verlag der k. Akademie). 



LES INSTRUMENTS, LES lUËTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l85 

précédent ont été effectuées sur les photographies prises des 
stations 0< et O2 {fig- 76) et sur lesquelles les trois repères 
sont bien reconnaissables, en présentant les calques des deux 
faisceaux O'^aéc, 0\abc (relevés sur les réseaux analogues 







Fig. 74. 




M 


S 


^H_ 


•. 






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oX.,.'-^^^^ \ 


:::v>... 






^ 


Oi 



N 



à celui de la planche VII) sur ce plan, nous y déterminerons, 
comme il est aisé de le voir {fig, 74), les projections 0', et 0', 
des stations O4 et O2. 

Sur le plan MN de la figure 75 élevons maintenant les per- 



Fig. 75. 




pendiculaîres 0\0< et 0',02 respectivement égales aux hau- 
teurs des stations successives du ballon. Un point quelconque 
Pdu terrain serait projeté obliquement en/7i sur le plan (à Taide 
du réseau de craticulation) d'après son image sur la photo- 
graphie prise de la station Oi , que nous désignerons par $< , et 
en /72 d'après la photographie $2. En tirant 0\pi et Oj/?2, le 
point d*intersection p de ces deux lignes serait évidemment 



l86 A. LAUSSEDAT. 

la projection cherchée du point P, qui se trouverait lui-même 
à rinterseciion théorique des deux rayons visuels 0</?i et 

O2P2' 

La hauteur P/7 de ce point au-dessus du plan de projection 
se calculerait facilement par les triangles semblables OiO\pi 
et ^pp\ ou OîO',/?2 et P/?/?2. On. aurait, en effet, immédiate* 

ment Pz? ou h = 11\ {-J-^ ou h = IJ2 ^f-^ > ce qui donnerait 

O,/? 0.^p 

une vérification. 

D'un autre côté, la droite qui joint les deux points /7| et/?2 
prolongée devrait passer par le point K, où la ligne Oj O2 éga- 
lement prolongée irait rencontrer le plan horizontal sur la 
droite qui passe par les projections Oi et 0', des deux staiions, 
aune distance que Ton calculerait aussi facilement dans le 
cas où Ton tiendrait à faire cette vérification qui, d'ailleurs, ne 
devrait être tentée que si les deux hauteurs Hf et H2 étaient 
très différentes. 

Enfin, il y aurait une autre source de vérification, dont on 
dispose rarement, à la vérité, celle qui résulterait de l'emploi 
d'une troisième station O3 d'où Ton aurait pris une photogra^ 
phie du même terrain. 

Les données que nous avons admises ne sont pas toujours 
à la disposition de l'opérateur, mais elles ne sont pas les seules 
qui puissent servir à résoudre le problème. Dans le cas, par 
exemple, où Ton emploierait un ballon captif non monté où 
Tinclinaison de Taxe optique de l'appareil disposé un peu 
arbitrairement sur le bord de la nacelle ne pourrait pas être 
observée (*), M. Finslerwalder indique un moyen d'obtenir 
directement sur le tableau le point de fuite des verticales en 
laissant tomber de l'équateur du ballon ou des lignes du filet 
d'autres cordes libres qui prennent spontanément la direction 
verticale et dont quelques-unes donnent sur la plaque sensible 
leurs images dirigées, par conséquent, vers ce point de fuite. 

Nous ne suivrons pas, d'ailleurs, M. Finsterwalder dans les 

(*) C'est aussi le cas d'une chambre noire enlevée par un cerf-volant, et 
alors on ne peut pas recourir à l'expédient indiqué par M. Finsterwalder. 
Voyez plus loin ce que nous disons des vues prises à l'aide d'un cerf- 
volant. 



LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUKS. 187 

différentes hypothèses qu'il a faites, et nous renverrons le lec- 
teur que ses solutions intéresseraient à la brochure citée 
plus haut (renvoi de la page i84). Nous nous bornerons à 
rendre compte sommairement d'une expérience entreprise 
par la Société de navigation aérienne de Munich, le 18 no- 
;e 1899, à Taide de deux images prises d'une hauteur 
itive de9oo'°au-dessusdeWaal,prèsdeKaufbeuern, 
m Sou^^^Une des épreuves a été prise par M. le baron 
Bassil^^Lr une plaque 12x16 avec un objectif ortho- 
itigmat d^^Wnheil de iSs™"" de distance focale, et l'autre 
>ar M. le D^^ynke, sur une plaque 9X 12 avec un double 
'anastigmat d^^wrz de 149'°^"' de distance focale. 

Les positio^^Ki ballon en projection horizontale et en 
hauteur ont ét^^^rminées d'après trois points connus et 
cotés du plan ; o^^^rouvé pour la première 945°"» pour la 
seconde SgS"", et 



lions 1676™. 

La première imag 
deux fois. 

£n partant de q 
feuille du cadastre 
on a calculé, par^ 
positions de 12 
de 3o de ces p 
à Taltitude 

Les posi 



la distance horizontale des projec- 
été agrandie trois fois et la seconde 



points A, B, C, D, relevés sur une 

chelle de 5^, on a construit, ou plutôt 

méthode donnée dans le Mémoire, les 

ts et les hauteurs positives ou négatives 

par rapport à un plan de projection choisi 

ne 637" du terrain représenté. 

des points sur le plan ont été comparées avec 



celles des 
iication. 



les points (autant que le permettait leur identi- 
la feuille du cadastre de i8ii, revisée en 1841, 



fefauts de concordance doivent être attribués, dans 
certains cas, aux incertitudes de l'identification, mais le plus 
souvent aux changements survenus dans l'état des lieux. Quant 
aux hauteurs, elles ont été calculées deux fois, c'est-à-dire 
d'après les photographies prises de chacune des stations et, 
l'ensemble des différences relativement assez grandes si on 
les compare aux hauteurs absolues généralement petites, — 
car l'expérience a été faite sur un terrain à peine ondulé, — 
a permis de déterminer l'erreur moyenne à craindre dans les 

3- Série, t. IV. i3 



j88 a. laussedat. 

coiidilions où l'on a opéré. Celle erreur moyenne esldeo'^jôS, 

TABLEAU DES HAUTEURS DE POINTS DU TERRAIN DOUBLEMENT MESUREES. 



N". 



2 

5 
6 
7 

li 

12 

31 

32 

6i 

64 

62 

65 

66 

70 

71 

71 a 

71 b 

l'I 

73 a 

83 
106 
108 
lO'J 
111 
113 
100 
107 
1140 
ll<) 
119 



m m 
P.P. 



'.7 
i»7 

1,2 
— 1,2 

—0,4 

0,8 

0,1 

—0,2 

0,2 

o,o 

0,2 

o,8 
— 0,5 

-0,4 

— 0,2 

— 1,2 

— 0,6 



— o. 



9 



—0,8 
—0,8 

-Oi9 
-0,5 

0,8 

1,0 

0,8 

i3,3 

—0,4 

0,2 



mm 

p.o;, 



2o8 

3l2 

3i8 

2l6 

245 

210 
195 

'97 
282 

256 

265 

275 

276 

254 
234 
283 
280 
222 
226 

2l4 

'7't 

2 22 

^99 
192 

3i4 

3j8 
287 
2. '12 
i58 
268 



m 



7.7 

5,2 

3.6 

-5,3 

-1,5 

3,6 

0,5 

— 1,0 

0.7 
0,0 

0,7 

2,7 
3,8 

-1,6 
-0,7 

-2,6 
-3,8 

4»9 

-4,3 

-3,4 
-4.3 

— 2,5 

2 A 

2,9 
2,6 

52,0 

—2,4 

0,6 



mm 
P,P. 



2,2 

ï,9 
1,5 

—2,4 

— 0,3 

0,6 
0,3 
0,0 
0,2 
0,0 
0,0 

1,2 
1,2 

0,0 
— 0,5 
— 0,5 
-1,8 
— 0,3 
-1,0 

1,0 
-1,3 

— 1»7 

— »,9 

-0,4 

i,ï 
1,5 

16,0 

0,1 

0,2 



mm 

p,o5. 



224 
3i4 

25 1 

35o 
195 

168 

223 
2l5 
167 

188 

i5o 
240 

249 
271 

271 

Î74 

272 

?8o 

298 

237 
3l2 

3o9 
332 

3l2 
212 

288 
293 
26', 
219 

358 



m 



8,1 

5,4 

5,4 

-6,1 

— «»7 

3,2 
1,2 

0,0 

0,0 
0,0 

4,5 
4,3 

0,0 

— ',7 
-1,6 

— 6,0 
—1,0 

— 3,0 

3,9 

-3,7 

—4.9 
-5,. 

—1,2 

4,6 

3,4 
4,6 

54,5 
0,4 

0,5 



m 

A 

/I3 — /j, 



0,4 
0,2 

1,8 
—0,8 
—0,2 
—0,4 

0,7 
1,0 

0,4 

0,0 

—0,7 

,,8 

0,5 

>,9 
—0,1 

—0,9 

—1,9 
1,6 

0,8 

—1,0 

o»6 

-1,5 

—0,8 

1,3 

2,2 

0,5 

2,0 

2,5 

2,8 

— o. I 






14.6 

= EA 



0,16 
0,04 
3,24 
0,64 
0,0^ 
0,16 

0,49 
1,00 

0,16 

0,00 

0,49 
3,24 

0,25 

3,61 

0,01 

0,81 
3,61 

2,56 
0,64 
1,00 
0,36 

2,25 

1,^59 
4,8'* 

0,25 
4,00 
G, 20 

0,01 



5o,:î6 

— VA» 



(M I-e point 114 n'est pas situé sur le terrain 
clocher de l'église de Waal. 



même : c'est le sommet du 



maisily a des erreurs individuelles qui se sont élevées à 2", 5 
ei jusqu'à 2"^, 8 {voir le Tableau ci-dessus), alors que, à une 



LES INSTRUMENTS) LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 189 

exception près, celle de la hauteur d'un clocher, les points 
considérés n'étaient au-dessus ou au-dessous du plan de pro- 
jection que de quelques mètres (8™ au plus). 

Pour que Ton puisse bien juger de l'intérêt de cette expé- 
rience, nous donnons le Tableau des résultats du nivellennent 
et, sur la planche VII, la restitution d'un fragment du plan levé 
et nivelé à l'échelle de ï^toTô» extraits de la brochure de M. Fin- 
sterwalder, où Ton trouve aussi mentionnées les durées des 
diverses opérations graphiques et de calcul qui, tout compris, 
n'ont été que de quelques heures, sans que l'on ait tenu 
compte, toutefois, de celles qui concernaient les ascensions. 

Peut-être des expériences analogues non parvenues à notre 
connaissance ont-elles été faites ailleurs? Il est bien probable^ 
dans tous les cas, que, dans les parcs aérostatiques où l'on 
dispose d'un matériel qui doit être fréquemment manœuvré 
pour l'instruction du personnel, on aura des occasions d'en 
faire de plus complèles encore. 

Nous devions, ne fût-ce que pour faciliter ces recherches, 
consacrer quelques pages à une variante de la méthode phoio- 
topographique qui, sans pouvoir être conseillée générale- 
ment, ne paraît pas devoir être négligée par les aéronautes, de 
plus en plus disposés à prendre des vues photographiques au 
cours de leurs ascensions (* ). 



XXX. — Photographie en ballon (suite). 

Hauteur du ballon et inclinaison de l'axe optique de 
l'objectif, — La hauteur du ballon ne semble pouvoir être 
déterminée exactement qu'en employant accessoirement une 
chambre noire à axe vertical, comme celle de Cailletet, que 



(*) On se souvient des émouvantes expériences de M. Santos-Duroont et 
qu'à cette occasion on s'est donné beaucoup de peine pour déterminer la 
trajectoire de son ballon dirigeable à l'aller et au retour, en recourant à 
des photographies prises de stations fixes et à des instants qui n'étaient 
pas toujours rigoureusement déterminés. On peut se demander pourquoi 
cet aéronautc, généralement bien renseigné, ne s'était pas muni d'une 
chambre noire de M. Cailletet qui, en enregistrant tout, lui eût fourni le 
moyen d'établir sûrement cette trajectoire en plan et en hauteur. 



igO A. L4USSBDAT. 

nous avons retrouvée dans l'appareil panoramique de Tin- 
génieur russe Thilé et dont beaucoup d'autres aéronautes pho- 
tographes avaient déjà fait usage. On sait, en effet, que ni le 
baromètre anéroïde ni le baromètre à mercure ne sont capables 
de donner une mesure suffisamment exacte de la hauteur du 
ballon au-dessus du sol, et Finsterwalder estime à 3o°* au 
moins Terreur à craindre dans les meilleures conditions 
d'observation de ces instruments. 

A la vérité, l'incertitude sur cette hauteur n'empêche pas 
de restituer un plan exact, c'est-à-dire de construire une figure 
géométrique semblable à la projection du terrain, sauf à 
déterminer, après coup, l'échelle de cette figure par la mesure 
d'une base de longueur convenable et dont les extrémités 
sont bien reconnaissables sur l'image photographique. 

Mais si l'inclinaison de l'axe optique pour les vues latérales 
qui embrassent de grandes étendues n'est pas exactement 
connue, la restitution du plan est fatalement incorrecte, et 
si, en même temps, la hauteur du ballon n'est connue qu'ap- 
proximalivement, on n'a plus le moyen de corriger l'évalua- 
tion de rinclinaison. 

Appareil destiné à mesurer l'inclinaison de Vaxe optique. 
— On a cherché à mesurer cette inclinaison de plusieurs 
manières, mais nous allons décrire immédiatement l'appareil 
vraisemblablement le plus précis, sinon le plus simple, qui ail 
été proposé jusqu'à présent, et dont l'idée appartient au baron 
Conrad von Bassus, de Munich. 

A l'extrémité d'une sorte de fusil, dont la monture a (Ji^. 76) 
peut s'appuyer sur le bord de la nacelle, est accrochée la 
chambre noire b mobile autour d'un axe de rotation c. 

La face inférieure de la chambre noire porte un arc gradué d 
dont les divisions passent devant un vernier e fixé à la mon- 
ture a et dont le centre est sur l'axe de rotation c. 

L'objectif est en/ et la plaque ou la pellicule sensible en g. 
Le système de déclenchement de l'obturateur est placé en h 
et est aciionné jwir une détente de chien de fusil / et une 
tringle de transmission k. 

Un niveau à bulle d'air /, placé à la parlie supérieure de la 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I9I 

monlure a, permet d'assurer rhorizontalité des arêtes de la 
face supérieure dont le plan passe par Taxe de rotation c. On 
observe le niveau par la réflexion de Timage de la bulle d'air 
dans le miroir m, qui est reclifiable comme le niveau lui-même. 
Sur la face supérieure de la chambre noire se trouve un 
dioplre np qui, à l'aide d'un miroir q légèrement convexe, 

Fig. 76. 




permet de viser l'objet dont on veut amener l'image au point 
principal de la perspective. 

L'observateur, dont l'œil, après l'épaulement du fusil, se 
trouve en A, peut voir à la fois l'image réfléchie de la bulle du 
niveau dans le miroir /w et, dans le miroir q, l'image de l'objet 
sur lequel il veut orienter l'appareil, en donnant à la chambre 
noire la position convenable. La lecture faite sur l'arc gradué 
donne l'inclinaison de l'axe optique de l'objectif, la bulle du 
niveau maintenue entre ses repères assurant l'horizontalité de 
la face supérieure de la monture, dont le plan passe par le 
zéro de la graduation quand l'axe optique cle l'objectif est 
lui-même horizontal. 

Selon la remarque de M. DoiezaI ('), à qui nous avons 
emprunté sa description, cet intéressant appareil jouit des 
avantages suivants : 

i. Les erreurs d'appréciation provenant habituellement de 
la détermination indirecte de l'inclinaison de l'axe optique se 



( * ) Arbeiten und Fortschritte auf dem Gebiete der Photogrammetrie 
im Jahre iSyg (Separat-abdruck aus Jahrbuch fur photographie und 
Beproductionstechnik fiir das Jahr 1900 von Hofrath D' Josef xVlaria Eder ). 



19^ A. LAUSSEDAT. 

irouvenl évitées avec cei appareil, la lecture de Tangle s'y 
faisant directement avec une grande précision. 

â. Si l'on prend plusieurs épreuves de la même station avec 
la nrième inclinaison de Taxe optique, il en résulte une grande 
simplification dans les opérations graphiques de la resti- 
tution. 



Appareil simplifié. — Peut-être le dispositif beaucoup plus 
simple dont s'étaient déjà servis G. Tissandier et Ducom, per- 
fectionné un peu plus tard par un habile observateur allennand, 
Hagen, serait-il préférable, à la condition qu'il soit accompa- 
gné d'un niveau à bulle d*air et d'un viseur ou même d'une 
lunette, faciles à y introduire s'ils ne s'y trouvaient déjà, ce 
dont on ne peut juger d'après le schéma suivant {fg. 77) 



Fig. 77. 



e n--- 




I 



que nous empruntons à l'Ouvrage, très documenté cependant, 
du major Pizzighelli (*). 

a est une armature métallique accrochée au bord supé- 
rieur de la nacelle; d est la chambre noire qui peut pivoter 
autour d'un axe horizontal cet dont la planchette inférieure, 6, 
reste e^n contact avec un quart de cercle divisé e e qui fait 
partie de Tarmature et sur lequel on peut lire l'inclinaison 
de l'axe optique de la chambre noire. 



(*) Die Anwendung der Photographie dargestellt fur Amateure und 
Touristen von G. Pizzighelli, k. und k. major in Genie-Slab. Halle a. S., 
Wilhelm Knapp, 1892. 



LES INSTRUMENTS» LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPlilQUKS. 198 



XXXI. — Photographie en ballon (suiie). 

Épreuves obtenues à différentes hauteurs, — Des expé- 
riences, dont nous regrettons de ne pouvoir reproduire tous 
les résultats, parce qu'ils sont très frappants, ont été faites avec 
un même objectif de M. Suter de o", i8o de distance focale, 
depuis 4oo*" de hauteur (vuedeBâIe de la planche VI) jusqu'à 
i5oo" (450*", 500", i25o"*, i4oo'" et i5oo"»). Les épreuves 
ainsi obtenues successivement permettent en effet d'appré- 
cier immédiatement les avantages et les inconvénients des 
changements de hauteur qui décident aussi souvent l'obser- 
vateur à faire varier l'inclinaison de l'axe optique de la 
chambre noire. On reconnaît sur-le-champ, comme on 
pouvait d'ailleurs s'y attendre, que s'il s'agit de con- 
struire des plans détaillés avec des vues prises sur tableaux 
inclinés, en tenant compte de la grandeur de la distance focale 
en question, les hauteurs de 4oo"* à 5oo™ sont les plus conve- 
nables (*) et qu'il ne faudrait guère dépasser looo"*, à moins 
de recourir à des objectifs à plus longs foyers. S'il convient, 
au contraire, d'embrasser de grandes étendues pour obtenir 
seulement des renseignements généraux sur le pays ou sur 
des objets assez éloignés, encore suffisamment recon- 
naissables malgré leur petitesse, il devient indispensable de 
s'élever à d'assez grandes hauteurs. On est conduit d'ailleurs 
à conclure, de l'examen des épreuves dont il s'agit, que, pour 
des objets éloignés que l'on aurait intérêt à reconnaître très 
nettement, comme des troupes ennemies, des ouvrages de for- 
tification, des travaux de siège ou de campagne, il faut de 



(') Nous avons vu cepcmlaiit qu'avec un objectif de o'", 211 de foyer, 
c'est-à-dire à peine plus puissant que celui de M. Suler, on avait obtenu 
directement un plan du terrain à l'échelle de tfoôô^ environ, d'une hau- 
teur de aoco"». Mais on comprendra facilement (|ue, dans ce cas, on était 
dispensé d'effectuer des constructions graphiques pénibles et souvent 
même in>praticables sur des vues obliques dont les détails éloi^'nés 
deviennent microscopi«|ues et généralement obtenues dan& des conditions 
telles qu'ils ne seraient guère susceptibles d'être ampliliés. 



- - » 



194 A. LAUSSEOAT. 

toute nécessité recourir, sinon à la téléphotographie propre- 
ment dite, au moins à des objectifs à long foyer. 

Des objectifs à long foyer employés en ballon, — A la 
suite d'essais faits avec un téléobjectif, d'ailleurs très bien 
étudié et qui avait même donné des résultats assez satisfai- 
sants (*), on a été obligé de reconnaître que les conditions 
dans lesquelles sont placés les aéronautes étaient peu favo- 
rables à remploi de ces appareils. 

Une Commission spéciale, composée d'officiers du génie 
très expérimentés, chargée d'élucider la question, avait, dès 
le début de ses travaux, décidé qu'il fallait se contenter de 
demander aux opticiens de bons objectifs à long foyer, el un 
concours avait été ouvert à cet effet. Les principes qui 
devaient servir de guides, l'organisation du concours, les 
méthodes d'appréciation basées sur des mesures de haute 
précision, enfin les résultats on ne peut plus concluants de 
cette épreuve sont exposés dans une Notice récemment publiée 
par le commandant Houdaille, rapporteur de la Comnnis- 
sion (2). 

Dans l'exposé des principes, on rappelle qu'un ballon captif 
peut être soumis à trois mouvements : mouvement pendu- 
laire de la nacelle, mouvement de rotation du ballon et mou- 
vement de l'ensemble du système à l'extrémité du câble. 

Le mouvement pendulaire du ballon libre est beaucoup 
moins sensible, mais les mouvements de giration peuvent 
devenir considérables et la vitesse propre de translation atteint 
jusqu'à 20" à la seconde et au delà. 

Il en résulte que, dans tous les cas, on doit pouvoir opérer 
dans un temps très court. 

En supposant que le déplacement angulaire possible soit 
de 6 degrés, et en admettant qu'un déplacement de 70 de mil- 



(*) Ces essais ont été faits en 1895 par le capitaine du génie Bouttieaux 
avec un téléobjectif construit d'après les calculs du capitaine Houdaille, 
aujourd'hui commandant. 

(^) Notice sur les résultats du concours d'objectifs à long foyer des- 
tinés au Service de l' Aérostation militaire (Extrait de la Bévue du Génie, 
mai 1902. Paris-Nancy, Berger-Levrault et C"). 



LES INSTRUUBNTS, LES MÉTHODES ET LE DESSLN TOPOGRAPHIQUES. 1 qS 

limèlre sur l'image soil lolérable, F élanl la dislance focale 
de Tobjeciif en millimètres et / le temps de pose en secondes, 
comme lang 6« = o, i , on aurait : 

o«»°*, i = /x lang6«x F = /xo,i x F, d'où i = w, 

r 

c'est-à-dire que le temps de pose doit être en raison inverse 
de la distance focale : avec un objectif de Goo""™, ^; avec un 

objectif de i"", • 

lOOO 

La vitesse des obturateurs doit donc croître proportion- 
nellement au foyer de l'objectif et les obturateurs de plaque 
qui consistent en un rideau à fente très étroite se déplaçant 
devant la plaque peuvent seuls être employés. Avec une fente 
de I"™ de largeur, il suffit, en effet, que le rideau ait une 
vitesse de i™ à la seconde pour obtenir l'obturation en j^ de 
seconde. Mais on conçoit déjà que la distance focale de i" 
est une limite qu'il ne faudrait pas dépasser, et il est aisé de 
voir que cette distance focale doit être celle d'un objectif 
direct et non celle d'un téléobjectif; l'intensité de Timage sur 
la plaque sensible, dans ce cas, étant inversement proportion- 
nelle, comme on sait, au carré du grossissement, ce qui la 
rendrait absolument insuffisante pour que les détails fussent 
perceptibles par l'œil de l'observateur. 

Tels sont les motifs qui ont déterminé la Commission à 
demander des objectifs à long foyer, ne dépassant cependant 
pas 1™, à large ouverture et donnant des images d'une grande 
finesse. 

Elle reconnaissait d'ailleurs hautement que, pour les vues 
d'ensemble, il fallait conserver les chambres du format i3 x i8 

F 

ou 18x24, de 180'"™ à 220"»'" de foyer, d'ouverture—» 

enfm d'un obturateur pouvant donner -^ de seconde, et nous 
avons montré plus haut tout le parti que Ton pouvait tirer de 
ces vues, à la seule condition de munir les chambres d'or- 
ganes de précision permettant de déterminer au moins l'in- 
clinaison de l'axe optique. 



19^ A. LAUSSEDAT. 

Mais pour les délails d'objeis éloignés dpnl les images irop 
peiiies deviennent imperceptibles, la léléphoiographie étant 
difQcilement praticable, on avait dû essayer d'augmenter 
la distance focale de Tobjectif et sa puissance de définiiion, 
en limitant d'ailleurs nécessairement le champ. 

Le but à atteindre a donc éié formulé dans les termes sui- 
vants : 

« Enregistrer en toute saison^ sauf par temps de brume, 
à la distance de 8*^™, tous les éléments constitutifs d'une 
batterie : sentants, c/ieçaux, canons, caissons, retranche- 
ments. 

» Le cliché obtenu doit être lisible à Vœil nu, sans être 
obligé de recourir à un agrandissement. » 

Nous n'avons pas à rendre compte defs opérations de la 
Commission, dont le lecteur pourrait prendre connaissance 
dans la brochure du commandant Houdaille; mais nous signa- 
lerons les conditions très nettes du concours éliminatoire qui 
avaient été communiquées aux opticiens intéressés, relatives 
à la distance focale, à la puissance dedéfinition, d'impression 
et de vision (*). 

1** Distance focale principale. — Les objectifs devaient 
avoir une distance focale comprise entre o™,6o et i™;au delà 
de I™, l'objectif devient trop lourd (on n'avait pas limité le 
poids et l'un des objectifs soumis atteignait 7*'s,5; le rappor- 
teur suggère comme limite à imposer ultérieurement le poids 
de S'^s) et le matériel trop encombrant pour être installé dans 
la nacelle d'un ballon captif. 

Au-dessous de o"^,6o, les détails sont trop fins pour être 
perçus directement sur le cliché sans grossissement préalable. 
L'image d'un homme situé à 8"™ est représentée par un rec- 
tangle ayant pour côtés ^i de millimètre et | de millimètre, si 
l'on emploie un objectif de o'",6o de foyer. 

(*) Les délails suivants, aussi bien que la plus grande partie de ceux 
qui précèdent, sont empruntés presque texLuellcuieuL à la ^oticc du cuui- 
mandant Houdaille. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I97 

a*» Puissance de définition, — Pour que Ton puisse compter 
sur le cliché les servants d'une batterie, il faut que l'objectif 
soit capable de séparer des détails dont la dimension est infé- 
rieure à xû^ ^6 ^^ distance focale principale. 

A la distance de 8^™, cette condition correspond à la percep- 
tion de deux servants séparés par i" d'intervalle. 

3° />Mmanc^c?7/7?/?r^.w/o/i. — L'image obtenue sur le cliché, 
même par la lumière diffuse, en hiver, doit être assez vigou- 
reuse pour que les détails, dont la dimension atteint ^^^„^ de 
la distance focale, soient encore visibles à l'œil nu. Cette 
condition imposait en fait aux objectifs d'avoir une ouverture 

F 

supérieure à — et d'être bien corrigés au point de vue de 

l'aplanétisme. 

4** Puissance de vision. — L'objectif doit embrasser et 
enregistrer nettement à des distances variant entre i^^ et 8"^'" 
l'étendue du fronl d'une batterie évaluée au maximum à 3oo". 
Des expériences antérieures ayant démontré que Terreur de 
pointé en ballon était inférieure à 5*5 de la distance, il a 
suffi d'imposer aux objectifs de couvrir nettement le for- 
mal i3 X 18. 



XXXll. — Photographie en ballon. Objectifs 

à long foyer (suite). 

Degré de précision. — Encore une fois nous renverrions 
au besoin le lecteur au Rapport de la Commission pour qu'il 
se rendît compte de la délicatesse des épreuves auxquelles 
ont été soumis les objectifs présentés au concours. 

Nous indiquerons seulement le procédé démesure employé 
à la détermination delà distance focale pour donner une idée 
du degré de précision qu'elle cherchait à obtenir. 

Tout d'abord il convenait, dans ce cas, de ne plus se con- 
tenter de la théorie du centre optique de l'objectif et de rap- 
peler que la dislance focale principale est celle qui sépare le 



igS A. LAl'SSEDAT. 

point nodal d'émergence du point de concours des rayons 
lumineux parallèles à Taxe, tandis que la distance de Tobjet 
doit être comptée à partir du point nodal d'incidence. Or, 
Tintervalle de ces deux points n'est pas toujours négligeable, 
car, pour les objectifs simples, elle varie du tiers à la moitié 
de répaisseur de la lentille. 

Toutefois, avec les objectifs symétriques, elle est beaucoup 
moindre en général, et Ton peut même arriver à la rendre 
nulle. 

Pratiquement, dit le Rapport, on peut admettre que la dis- 
tance des points nodaux est inférieure à j^ ^c la distance 
focale principale. 

a Pour des objectifs destinés à des reconnaissances mili- 
taires, ajoute-t-il, il est indispensable de mesurer le foyer avec 
une certaine précision. Dans ces conditions, le cliché obtenu 
n'est plus une simple image, mais bien un véritable dessin 
géométrique sur lequel on peut relever des dimensions au 
compas et au double décimètre (*). » 

Pour déterminer la dislance focale principale d'un objectif/, 
on suppose connu le rapport n de la grandeur de Timage mn 
à la grandeur de l'objet MN (Jig, 78). 

I et E étant les points nodaux d'incidence et d'émergence 



TIL'i 



avec l'intervalle e, P et /? les foyers conjugués, on sait que 
IP =/(i -{-n) et lp=z/l 1 -t-- j; la distance L de l'image à 



( ') Il est évident que la même précision s'impose toutes les fois qu'on 
se préoccupe de mesures géométriques à effectuer sur les épreuves, mesures 
linéaires ou mesures angulaires^ à tous les instruments destinés à la 
métrophotographie. 



LES INSTRUUENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I99 

Tobjet esi donc 



L=/(a + «+^) 



£> 



d'où 

L— 6 



/= 



I 

n 



La précision de la mesure de F dépend donc de celle de la 
mesure de L, de n el de la valeur de e. 

La Commission disposait de rinsialiation du Service géogra- 
phique de Tarmée, où la chambre noire, mobile sur rails, peut 
être amenée à la distance de io°* avec une erreur inférieure 
à S"""*. 

La valeur de L pouvait donc être obtenue à tôÏôq près. Celle 
de n avait le même degré de précision, grâce à des mesures 
microméiriques faciles à exécuter et en négligeant la distance 
des points nodaux ; il est aisé de voir également, puisqu'on 
suppose e inférieur à j|^ dans les objectifs symétriques, que 
Tincerlitude résultante est elle-même inférieure à-j-ylôô» parce 

que,aveclesdispositionsprises,2-f-AH — était supérieur à lo. 

En résumé, Terreur à craindre sur la mesure de la distance 
focale principale, effectuée dans ces conditions, est inférieure 
à Yh^ cl devient insignifiante dans la pratique, c'est-à-dire, 
pour Tusage que Ton a à faire d'un objectif à long foyer, à la 
distance de 8^". 

La conclusion de la Commission a été, en premier lieu, 
qu'il avait suffi de proposer aux opticiens un programme pré- 
cis pour le voir résolu d'une façon satisfaisante et, en second 
lieu, que le concours ainsi ouvert avait permis d'établir sur 
des bases scientifiques et indiscutables les éléments d'appré- 
ciation de la valeur comparée d'objectifs de constructions 
différentes. 

Les deux objectifs classés les premiers avaient été construits, 
l'un par M. Fleury-Hermagis et l'autre par M. Voigtlânder 
(M. Gaumont, dépositaire). Le premier était un objectif de i™ 

F 

de foyer, ouvert à — ; le second un objectif de o"»,6o de foyer. 



'2O0 A. LAUSSEDAT. 

F 

ouvert à -• Ils ont été achetés tous les deux par Tétablisse- 

9 
ment de Ghalais el mis en service pendant les manœuvres 

d'aéroslalion du camp de Ghâlons en octobre 1901. 

Malgré le mauvais temps, ils ont fourni des résultats abso- 
lument remarquables et ont démontré que le problème posé 
de relever les détails d'une batterie située à 8"'"' était pratique- 
ment résolu (*). 



XXXIII. — Photographie par cerf-volant. 

Premiers essais. Avantages que présente le cerf-volant, 
— - Deux habiles expérimentateurs français, MM. Arthur Batut, 
d'Enlaure, près Labruguière ( Tarn ), et Emile Wenz, de Reims, 
ont utilisé successivement le cerf-volant pour oblenirdes vues 
photographiques du terrain, de points déjà assez élevés au- 
dessus du soi pour constituer des reconnaissances relative- 
ment étendues, le plus souvent très intéressantes et dont ils 
espéraient que les topographes pourraient tirer parti, comme 
nous en sommes convaincu nous-même. 

Les motifs qui ont guidé les deux inventeurs dans leurs 
recherches sont dignes de la plus sérieuse attention. Alors, 
en effet, que l'emploi des ballons exige habituellement un 
personnel nombreux, ainsi qu'un matériel encombrant et dis- 
pendieux ('), rien n'est plus facile que d'improviser partout, 
à peu de frais, l'ingénieux appareil connu depuis si long- 



( ' ) Notice sur les résultats du concours d'objectifs à long foyer 
destinés au Service de l* Aérostation militaire^ page 333. 

(^) On a bien pensé à réduire le plus possible le volume de ballons cap- 
tifs destinés uniquement à enlever des appareils photographiques; mais 
la construction de ces engins reste encore assez onéreuse et, dans tous 
les cas, il faut avoir le gaz à sa disposition. Ëntin, selon la remarque de 
M. Wenz, le ballon captif ne peut pas s'élever par un grand vent, qui est, 
au contraire,, favorable au lancement du cerf-volant, et l'on en doit con- 
clure avec lui que le mieux serait, si on le pouvait, d'avoir recours aux 
ballons captifs pendant les temps calmes et au cerf-volant dès que la vitesse 
du vent atteint S"* à la seconde, et, à plus forte raison, au delà, ce qui arrive 
sept fois sur dix, selon les statisliquos établies à TÉcole aérostatique de 
Meudon. 



LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. '20I 

temps et en usage dans tous les pays pour la dislraclion de la 
jeunesse, dont elle exerce à la fois l'adresse et l'agilité. Ce 
genre de sport très attachant n'est d'ailleurs pas le seul titre 
du cerf-volant à l'attention générale. On sait que, depuis plus 
d'un siècle, il a servi à l'élude de l'éleclricilé aimosphérique 
à d'assez grandes hauteurs et, dans ces derniers temps, il est 
même devenu l'un des auxiliaires les plus précieux des météo- 
rologistes (• ). 

Les premiers essais de photographie à l'aide d'un cerf- 
volant, faits par M. A. Batut, remontent à 1888 (*). Frappé de 
la netteté et de l'intérêt des résultats obtenus par d'habiles 
aéronautes, mais en même temps de la dépense et des autres 
difficultés inhérentes à l'emploi des ballons ('), M. Batut 
s'était demandé pourquoi l'on ne tenterait pas de recourir au 
cerf-volant et, en très peu de temps, grâce à son ingéniosité, 
il parvenait à réaliser un projet qui, au premier abord, aurait 
pu paraître bien hasardeux. 

La publication dans la Nature des premières épreuves 
obtenues par un procédé aussi original fut à la fois une sorte 
d'événement dans le monde photogra|)hique et un véritable 
triomiphe pour l'inventeur. Mais, quoique ces épreuves fussent 
déjà remarquablement nettes (et l'on en pourra juger par la 
vue de Labruguière, photographiée le 29 mars 1889, le cerf- 
volant étantà 90" de hauteur, reproduite/*/. F///), l'inventeur 
ne se tint pas pour satisfait et, avec la plus louable persévé- 
rance, il a continué et continue encore à perfectionner la con- 
struction du cerf-volant et de sa chambre noire, le mode de 
suspension de cette dernière, le mécanisme de l'obturateur, 



( ï ) Dans plusieurs grands pays de l'Europe et aux États-Unis. En France, 
il convient de mentionner tout particulièrement V Observatoire de Trappes, 
si habilement dirigé par M. Léon Teisserenc de Bort. 

(") A la même époque, un Anglais, M. E. Douglas-Archibald, avait 
employé le cerf-volant pour obtenir des vues photographiques. Le fait est 
consigné dans une brochure ayant pour titre : Les cerf s-votants militaires, 
par E. Douglas-Archibald, Librairie Universelle, Paris, 1888; mais on ne 
connaît aucune reproduction des épreuves de cet auteur. 

(3j Voir Gaston Tissandier, La Photographie en ballon. Paris, Gau- 
thier-Villars et fils, 1886; La Nature^ années 1888, 1889, 1890 et 1897, et 
La Photographie aérienne par cerf-volant, par Arthur Batut. Paris, 
Gauthier-Villars et fils, 1890. 



9.02 A. LAUSSEDAT. 

en un moi tous les détails d'un engin qui, pour simple qu'il 
soit en principe, n'en est pas moins très délicat. Il s'est beau- 
coup occupé aussi du choix de l'objectif et du procédé pho- 
tographique, employant tour à tour comme supports de l'image 
des glaces et des pellicules; enfin il a expérimenté tous les 
moyens d'enlever le cerf-volant même dans les temps calmes, 
c'est-à-dire quand la vitesse du vent était inférieure à 5° à la 
seconde. 

Dès l'année suivante (1890), M. Arthur Batut. avait un dis- 
ciple et un émule qui, aussitôt engagé dans la même entre- 
prise, lui prêtait un précieux concours en résolvant, de son 
côté, plusieurs des difficultés du problème. 

A moins d'entrer dans des détails trop minutieux, nous ne 
saurions exposer ici tous les travaux de ces deux infatigables 
chercheurs; mais nous engageons le lecteur à consulter leurs 
publications (*) et celle d'un ingénieur distingué qui, dans un 
livre attachant, après avoir donné une théorie élémentaire de 
l'appareil, a résumé l'histoire anecdotique, scientifique, mili- 
taire, utilitaire en général, du cerf-volant en Europe, en Asie 
(en Chine, au Japon, en Corée) et en Amérique (*). 

Nous nous contenterons donc d'indiquer succinctement les 
caractères essentiels des cerfs-volants utilisés pour la photo- 
graphie par MM. Batut et Wenz ( ' ), nous réservant de signaler 
ensuite les difficultés que présente encore le procédé dont il 
s'agit, au point de vue d'une restitution possible du plan, et, par 
suite, les desiderata auxquels il faudra s'efforcer de satisfaire 



[') Arthur Batut, Notes dans la Nature, années 1888, 1889, 1890 
et 1897, et La Photographie aérienne par cerf -volant, déjà cités. 

Emile Wenz, dans V Aéronaute : Note sur la photographie aérienne 
par cerf-volant, octobre 1897, ^^ Note sur Venlèvement d'un cerf-volant 
par temps calme au moyen d'une voiture automobile^ avril 1899. 

Dans le Bulletin de la Société française de Photographie : Obser- 
vatoire-sonde avec enregistreur photographique, mars 1900; Résumé 
historique de l'invention de la photographie aérienne par cerf-volant, 
avril 1902. 

(^) Les cerfs-volants^ par J. Legornu, Ingénieur des Arts et Manu- 
factures. Paris, Nony et C*% 1902. 

(^) On ne peut que mentionner, d'après le Résumé historique de M, E. 
Wenz, les résultats analogues à ceux de nos compatriotes obtenus pos- 
térieurement (en 1895) par MM. William -A. Eddy et Gilbert Totten- 
Woglom, à New-York. 



LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 2o3 

pour que la photographie par cerf-volant parvienne à rendre 
les mêmes services que la photographie en ballon. 

Forme et dispositions principales des cerfs-volants por- 
tant une chambre noire. — La forme la plus répandue en 
France est celle d'un quadrilatère symétrique par rapport à sa 
plus grande diagonale dite épine dorsale, la petite, qui lui est 
par conséquent perpendiculaire, la coupant en deux parties 
généralement assez inégales. C'est aussi celle qui paraît con- 
venir au cerf-volant photographique, la petite diagonale pou- 
vant d'ailleurs rester rectiligne ou être arquée comme dans la 
plupart des cerfs-volants que Ton construit journellement 
pour le seul plaisir de les lancer dans Tair. 

Une particularité importante de la construction, introduite 
d'abord par M. Wenz et adoptée par M. Batut, a été de rendre 
la carcasse du cerf- volant démontable et, par conséquent, faci- 
lement transportable. Quant à la voilure (que l'on peut faire 
en papier dans les circonstances ordinaires), lorsqu'il s'agit 
d'un appareil destiné à durer et à fonctionner par tous les 
vents, elle doit être en étoffe solide, andrinople ou ponghée 
(soie de Chine), la première recommandable par son bon 
marché, la seconde plus chère, mais beaucoup plus légère et 
plus résistante. 

On sait que, pour donner plus de stabilité au cerf-volant en 
l'air, on attache à l'extrémité inférieure de la grande diago- 
nale ou de l'épine une queue dont la longueur est environ 
quadruple de celle de l'épine elle-même. Cette queue est 
formée d'une ficelle double garnie, à des intervalles réguliers 
de o™,io à o™,2o, de petits morceaux de papier ou d'étoffe de 
0™, 3o de longueur sur o™, i5 de largeur, repliés sur eux-mêmes 
et fortement noués à la ficelle (*), terminée elle-même par 
une sorte de panache de même nature ou par un petit sac de 
toile convenablement lesté de sable fin ou de terre. 

Enfin, on sait également que, pour enlever le cerf-volant, 
une bride à laquelle est attachée la corde de manœuvre se 

(*) On remplace avantageusement cette queue à nœuds par une bande 
d'étoffe de même longueur posée à cheval sur la ficelle. 

. 3« Série, t. IV. i\ 



ao4 



A. LAUSSEDAT. 



trouve ordinairement fixée par ses deux extrémités en deux 
points convenablement déterminés de Taxe, c'est-à-dire de 
répine recliligne. 

Ce dernier dispositif a dû nécessairement être modifié pour 
dégager le champ de l'objectif de la chambre noire. 

La figure 79 montre la solution adoptée dès le début par 
M. Batut et qui consiste à substituer à Tépine rectiligne un 

Fig. 79- 




Cerf-volant photographique de M. Arthur Balut. 



bàli (ponctué sur la figure) sur lequel est fixée la chambre 
noire et à la bride un système de quatre cordes partant deux 
à deux des points d'attache ordinaires de la bride O et X et 
aboutissant aux extrémités d'un palonnier en roseau MN, 
lesquelles servent également de points d'attache à une corde 
lâche dont le milieu Z est noué à l'extrémité supérieure de la 
corde de manœuvre Y. 

La figure 80 représente le cerf-volant de M. Wenz avec un 
mode de suspension de la chambre noire d'une extrême sim- 
plicité. 

M. Wenz a voulu, en effet, conserver facilement démontable 



LKS INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 2o5 

la carcasse du cerf-volant et, pour cela, il a supprimé le bâli. 

Fig. 80. 




Cerf-volant photographique de M. Emile Wenz. 

D'un autre côlé, sa chambre noire remplace pour ainsi dire le 
palonnîer de M. Batut, puisque c'est à ses deux flancs que s'ac- 

Fig. 81. 




croche le système de cordes qui remplace la bride; il en résulte 
que le champ de Tobjeclif est entièrement libre, que la surface 



2o6 A. LAUSSEDAT. 

soumise à raclion du vent est sensiblement augmentée, enfin 
que Tinclinaison voujue de Taxe optique de la chambre peut 
être réglée depuis une perspective en avant jusqu'à une per- 
spective en arrière du cerf-volant, en passant, bien entendu, 
par la verticale, si Ton veut exécuter directement une vue 
qui donne le plan du terrain. La chambre noire est d'ailleurs 
beaucoup moins influencée par les mouvements du cerf- 
volant. 

Pour faciliter le changement de direction de l'axe optique 
et pour régler son inclinaison, M. Wenz a eu recours à un 

Fig. 82. 




cadre en bois aux quatre angles duquel sont attachés les 
brins de la bride, comme cela est représenté sur les deux 
figures 81 et 82. 

Sur la première, la chambre noire est disposée de manière 
à plonger en avant du cerf-volant, et sur la seconde elle plonge 
en arrière. On voit sur les deux figures Tune des encoches du 
cadre dans lesquelles on engage Taxe horizontal de rotation 
perpendiculaire à Taxe optique et Técrou correspondant qui 
sert à régler Tinclinaison de cet axe par rapport au cadre dont 
le plan est sensiblement parallèle à celui du cerf-volant. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 207 



XXXIV. — Photographie par cerf -volant {siiiie). 

Difficultés d'exécution. Desiderata déjà atteints en partie, 
— Nous avons laissé de côté la question des dimensions eldu 
poids de Tensemble de Tappareil, celle des nioyens d'assurer 
Tenlèvennenl du cerf-volant et quelques autres difficultés 
d'exécution d'ordre purement matériel. Nous en dirons seule- 
ment quelques mots à la fin ou dans le courant de ce para- 
graphe; mais il y a trois points essentiels qu'il nous importe 
surtout d'élucider, savoir : la détermination de la hauteur du 
cerf-volant, celle de l'inclinaison de l'axe optique de l'objectif, 
enfin le moyen d'obtenir sûrement la vue du terrain que l'on 
désire reconnaître. 

Hauteur du cerf-volant au-dessus du sol. — On sait que 
celte hauteur sert à déterminer l'échelle des restitutions. Son 
évaluation à l'aide de la longueur déployée de la corde de 
manœuvre et de l'inclinaison estimée ( * ) de la droite qui passe 
par les deux extrémités de la chaînette formée par cette corde 
ne peut être qu'approximative. 11 en est de même, d'ailleurs, 
de celle que l'on obtient par l'observation d'un baromètre 
anéroïde avant le départ et au retour du cerf-volant, celui-ci 
ayant emporté le baromètre et la hauteur atteinte pouvant 
s'être enregistrée au moment du déclenchement de l'obtura- 
teur de l'objectif. 

Le procédé le plus précis sera toujours de se procurer, 
quand on le pourra, les positions en plan de trois ou quatre 
points du terrain bien reconnaissables sur la photographie; 
mais, à défaut de ce renseignement, c'est au baromètre ané- 
roïde que l'on est disposé à recourir. 

MM. Batul et Wenz ont cherché tous les deux à enregistrer 
la position de l'aiguille du baromètre, et nous allons indiquer 
le moyen le plus récemment employé par M. Wenz avec une 



(*) Mesurée à pou près au moyen d'un petit quart de cercle. Voir 
Les cerfs-volants, par M. J. Legornu, p. i58. 



208 A. LAUSSEDAT. 

chambre noire en Torme de pyramide ironquée, ce qui a per- 
mis d'en diminuer le poids. Nous profilerons de celle occasion 
pour indiquer le procédé de déclencliemenl de l'obturaieur 
adoplé de préférence par les deux expérimeniaieurs- 
La figure 83 représente la chambre noire en forme de pjra- 

Fig. 83, 




mide tronquée dont les arêtes sont en bois et les faces en 
carton fort. 

Le renflement que l'on voit a droite sur la figure est une 
petite chambre auxiliaire qui contient le baromètre ab dont 
l'aiguille retournée en crochet cd est disposée de manière 
que son extrémité d, éclairée par les ouvertures 0', afQeure 
la surface de la plaque sensible quand le cerf-volant aiteint la 
hauteur que l'on a cherché à lui donner. L'image de cette 
extrémité se fait au voisinage d'un repère triangulaire r, ei la 
position de l'aiguille sur le cadran du baromètre s'en déduit 
facilement. 

Le déclenchement de l'obturateur est produit par une 
mèche à temps mm' repliée plusieurs fois le long de l'unedes 
faces de la chambre (' ) et dont la longueur est calculée pour 
que le feu vienne atteindre le fil /qui retient l'obluraleur 
armé, quand le cerf-volant est à la hauteur voulue, et, du 



(') M. Wenz s'est aussi servi de l'électricité pour obtenir le déclencbe- 
ment, mais la mèctie t temps, dont l'emploi est plus simple, semble iiiKi 
sûre et a sutli daas la plupart des expérlCDces taites Jusqu'à prcsenl. - 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 209 

même coup, le Vi\f qui est tendu sur rexirémité d'une ban- 
derole de papier pp', laquelle, en se développant, informe 
l'opérateur que la plaque est impressionnée. 

Indépendance relaWe désirable de la chambre noire et 
du cerf-volant; inclinaison de l'axe optique, — On a déjà 
vu que le contact immédiat de la chambre noire et du cert- 
volant avait été supprimé et que cela avait eu les plus heureux 
effets. Cette disposition, proposée par M. Wenz, avait été aus- 

Fig. 84. 




sitôt approuvée par M. Batut, qui, de son côté, a réalisé d'im- 
portants perfectionnements dans le même ordre d'idées. 

Ainsi, pour obtenir une vue qui soit un plan du terrain, 
c'esl-à-dire pour diriger verticalement l'axe optique de la 
chambre noire, celle-ci est munie de deux tiges déterminant 
un axe horizontal perpendiculaire à l'axe optique; à ces tiges, 
dont l'une est en R {Jig, 84), on attache des brides liées deux 
à deux à des palonniers AB, CD, EF, et prolongées en se 
réunissant, les premières jusqu'aux points d'attache S, T sur 
répine et les dernières au point V, extrémité de la corde de 
manœuvre. 

Pour incliner commodément l'axe optique, M. Batut a 



210 



A. LAUSSEDAT. 



adopté un autre syslème de suspension, représenté sur la 
figure 85. 

Deux cadres en bois ABCD, GHIJ s'entre-croisent en E et F 
et sur Tun deux, ABCD, la chambre noire est suspendue par 

Fig. 85. 




deux tiges formant axe horizontal de rotation. L'autre, GHU, 
est relié au cerf-volant en S et à la corde de manœuvre en U. 
Un écrou R, placé sur Tune des tiges qui est filetée, sert à 
arrêter la chambre noire en donnant à Taxe optique Tinclinai- 
son convenable. 

M. J. Lecornu ayant suggéré Tidée que l'on pourrait éloi- 
gner bien davantage le système de suspension du cerf- 
volant ( 0> M. Wenz s'en est emparé et, en s'aidant de tous les 
perfectionnements antérieurs, il est parvenu à accrocher sur 



(1) Les cerfs-volants^ p. i5a. M. Lecornu indique encore un peu plus 
loin l'emploi d'un gouvernail triangulaire en toile pour maintenir l'appa- 
reH de suspension dans le lit du vent. Toutes ces idées contribueront, 
sans doute, au perfectionnement ultérieur de la photographie par cerf- 
volant. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 211 

la corde de relenue (*) un système de suspension à la Cardan 
analogue à celui de la figure 85, à une cinquantaine de mètres 
du cerf-volant, ce qui donne la plus grande indépendance 
possible à la chambre noire. 

La question de la mesure de l'inclinaison de Taxe optique 
de l'objectif est donc bien près d'être résolue. 

Si l'on était sûr, en effet, à l'aide d'un poids placé au-dessous 
des deux cadres de la suspension à la Cardan et à leur inter- 
section, de maintenir exactement la verticalité des montants, 
ce qui ne semble pas impossible, il suffirait de disposer un 
cercle divisé sur la paroi de la chambre en contact avec l'un 
des montants AD, BC {fig> 85) et un index sur le montant 
pour régler Tinclinaison de l'axe optique, qui serait ainsi 
connue. 

M.Wenz pense que l'on pourrait, à la rigueur, se contenter, 
indépendamn^ent de la direction verticale qui donnerait le 
plan du terrain sur la photographie, des deux inclinaisons 
à 45° en avant et en arrière du cerf-volant, ce qui conserverait 
une plus grande simplicité à la construction des appareils. 

Sur quelques-uns des résultats déjà obtenus. — Si nous 
n'étions pas obligé de limiter le nombre de nos planches, nous 
reproduirions volontiers plusieurs des nombreuses épreuves 
que les deux ingénieux inventeurs ont bien voulu nous faire 
parvenir. Après celle de Labruguière de M. Baïut {PL VIII), 
nous donnerons seulement les deux suivantes : 

i«Une vue de l'hôpital de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais) 
{PL IX) j prise à 350°^ de hauteur avec un objectif dont la 
distance focale était de o™,2o6. Le point où la verticale du 



(') Cette manœuvre, dont une solution a été également indiquée par 
M. Lecornu, suppose que le lancement du cerf-volant se fait avec beau- 
coup de méthode et que l'opérateur est maître de toutes les parties de son 
appareil. Nous n'avons pas à nous arrêter ici sur des détails techniques 
que l'on trouverait dans l'Ouvrage déjà si souvent cité. Quant aux moyens 
de lancer les cerfs-volants : coureurs à pied, cavaliers, automobiles, etc., 
nous n'avons pas non plus à nous en occuper et nous supposons même 
tout de suite que l'on a recours au treuil qui est employé généralement 
pour les travaux scientifiques, dans les observatoires météorologiques 
notamment, et dont se sont servis MM. Batut et Wenz. 

14. 



2(2 A. LÀUSSEDAT. 

centre optique de cet objectif rencontre le plan de la photo- 
graphie, c'est-à-dire, dans ce cas, le point de concours des 
perspectives de nombreuses verticales (arêtes des édifices), 
s'obtient imnnédiatement avec beaucoup de précision; il serait 
aisé, dès lors, connaissant, par exemple, la longueur du grand 
bâtiment qui est de 121™, 80, de vérifier la hauteur indiquée 
par M. Wenz, de déterminer Tinclinaison de Taxe optique, 
puis de construire, à une échelle choisie, le plan de tous les 
bâtiments représentés, le bord mouillé du rivage au momenl 
de l'opération, enfin de trouver la hauteur des principaux 
édifices. 

On remarquera toutefois que, d'après la position de la trace 
de la verticale du point de vue sur la photographie, le plan 
principal de la perspective est dirigé presque suivant la diago- 
nale de l'épreuve, au lieu d'être parallèle aux petils côtés, 
comme sur les épreuves ordinaires. Cela n'altérerait évidem- 
ment en rien Texaclitude des résultats, mais il serait préférable 
de conserver l'orientation que l'on a choisie, et il est probable 
que, avec la disposition de la chambre noire suspendue à une 
certaine dislance du cerf-volant, il en sera ainsi. 

1° Deux vues stéréoscopiques d'une partie du village de 
Jonchéry-sur-VesIe (Marne) {PI, X), Nous ne présenterons 
aucune observation au sujet de cet essai, qui sera continué 
par M. Wenz. Nous voulions seulement montrer, dès à pré- 
sent, que l'on est arrivé, dans cet ordre d'idées, à des résultais 
acceptables et qui en font espérer d'autres dont on pourra 
songer à tirer parti, comme des vues stéréoscopiques prises 
de stations terrestres dont nous nous occuperons bientôt. 

Nous compléterons cet historique de la photographie par 
cerf-volant par l'indication de quelques chiffres qui répondront 
à plusieurs questions que pourrait se faire le lecteur. Nous 
les empruntons à l'excellent Ouvrage de M. J. Lecornu, que 
nous ne saurions trop lui recommander, et à la Communication 
faite en avril dernier (190-2), à la Société française de Photo- 
graphie, par M. Wenz. 

Le format des épreuves en centimètres a été, au début, 
de 8 X 10, et il s'est élevé jusqu'à 18 x 24; 

Les foyers des objectifs ont varié de o™, 166 à o"»,2io; 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 21 3 

Enfîn, le. poids minimum de Tappareil a été de o"^», 600 et n'a 
pas dépassé, jusqu'à présent, au maximum i^^. 

Dans les expériences de nos deux compatriotes, la hauteur 
des cerfs-volanis est restée comprise entre 5o™ et 35o™. 

Nous ne saurions terminer ce qui se rapporte à la photo- 
graphie par cerf-volant ssins mentionner la tentative qui a 
été faite en Allemagne d'employer de petits ballons pour 
accroître la force ascensionnelle du cerf-volant, en un mot 
des engins nouveaux désignés sous le nom de ballons cerfs- 
volants. Nous donnons un croquis d'un de ces engins (fig> ^6) 



Fig. 86. 




construits à Augsbourg, chez Augustus Riedenger ; nous y 
joignons les renseignements suivants pris dans le catalogue 
de celte maison et qui se rapportent à quatre modèles de 
capacités dilTérenles : 



1 


Capacité, 
in' 

10,4 


Hauteur 


à atteindre. 

m 
200 


Prix. 

36o' 


2 


37 




340 


820 


3 


64 




55o 


ï6oo 


4 


100 




780 


2200 



mks 



2l4 A. LAUSSEDAT. — LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES, ETC. 

On remarquera sans doute qu'avec les n°^ 3 et 4 on pour- 
rail atteindre des hauteurs assez considérables^ ce qui est 
un avantage; mais il faut ajouter aux prix déjà élevés de ces 
appareils celui d'accessoires assez nombreux et fort encom- 
brants, en particulier de ceux qui sont nécessaires pour fabri- 
quer Fhydrogène. 

Nous sommes loin d'ailleurs de vouloir critiquer une tenta- 
tive, dont il faut, au contraire, souhaiter le succès. 

Dans tous les cas, il est sûrement permis d'espérer, d'après 
tout ce qui précède, que la branche si intéressante de la pho- 
tographie aérienne^ créée en France, continuera à y faire 
des progrès entre les mains de ses deux jeunes initiateurs 
et de leurs émules. Il y a lieu d'espérer aussi qu'elle sera 
mise à profit par les topographes, dans des circonstances où 
les autres procédés deviendraient difficiles ou même impos- 
sibles à employer. Elle peut être recommandée, en particu- 
lier, aux explorateurs qui, pour la plupart, accoutumés à 
s'ingénier, ne seraient pas embarrassés de construire un cerf- 
volant de fortune et sauraient s'en servir utilement pour se 
renseigner sur des parties plus ou moins inaccessibles des 
contrées qu'ils parcourent. 



La figure ci-dessous est destinée à remplacer la figure Î3 (3* Série, 
Tome III, page i63) dont le tracé est erroné. 

Fig. 33. 



D H 








P^^ 


4■v^^vs^ 


L' 




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X 


///Il /■■-, 


A\ \\ \\ 



COURS PUBLICS k QRÀTUITS DE HAUT ENSEMEHENT 

ou CONSERVATOIRE NATIONAL OES ARTS ET MÉTIERS, 

PENDANT l'année 1902-1903. 



Géométrie appliquée aux Arts (les lundis et jeudis, à neuf 
heures un quart du soir). — M. A. Laussedat, professeur; 
M. P. Haag, remplaçant. — Le cours ouvrira le lundi 3 no- 
vembre. 

• 

Cinématique. — Classification des mécanismes. — Étude géométrique 
des organes qui servent à la transformation des mouvements : Engrenages, 
cames, excentriques, articulations, échappements, encliquetages. — Comp- 
teurs. — Instruments enregistreurs. — Notions sur l'étude du mouve- 
ment à Taide de la Photographie (Chronophotographie). 

Géométrie descriptive (les lundis et jeudis, à huit heures 
du soir). — M. E. Rouché, professeur. — Le cours ouvrira 
le lundi 3 novembre. 

Principes fondamentaux de l'art du trait : Application à la charpente 
et à la coupe des pierres. 

Mécanique appliquée aux Arts (les lundis et jeudis^ à neuf 
heures un quart du soir). — M. E. Sauvage, professeur. — 
Le cours ouvrira le lundi 3 novembre. 

Chaudières à vapeur : Combustibles, combustion, foyers, tirage natu- 
rel et forcé, surfaces de chauffe. — Types divers de chaudières, réchauf- 
feurs, surchauffeurs. — Alimentation, appareils de sûreté. — Accidents. 

Locomotives : Chaudière, mécanisme, châssis et roues, types divers, 
moyens d'arrêt. 

Machines marines : Anciens types, machines-pilon pour hélice, emploi 
de la triple expansion, chaudières, poids et encombrement. 

Moteurs à gaz et à pétrole : Étude théorique, descriptions, allumage, 
gaz de ville, de gazogène, do haut fourneau; essences, alcool, pétroles 
lourds. 



2l8 PROGRAMME DES COURS POUR l'ANNÉE igO'l-igoS. 

Constructions civiles (les lundis et jeudis^ à neuf heures 
un quart du soir). — M. J. Pillet, professeur. — Le cours 
ouvrira le lundi 3 novembre. 

Travaux hydrauliques. — I. Torrents: Ravages, correction, extinction. 

II. Rivières : Régimes^ inondations, défense de rives, quais. — Navigation 
en rivière, barrages et écluses, utilisation des ciiutes. — Touage. 

m. Canaux : Tracé, construction, alimentation, exploitation, élévateurs 
pour bateaux. 

IV. Travaux maritimes : Mer et marées. — Digues au large : jetées et 
brise-lames. — Ports et avant-ports, bassins, réparation des navires, ou- 
tillage et exploitation des ports, phares et balises. 

V. Percement d'isthmes : Suez, Panama, canal des Deux-Mers. 

VI. Franchissement de détroit : Pas de Calais. 

Physique appliquée aux Arts (les lundis et jeudis, à huit 
heures du soir). — M. J. Violle, professeur. — Le cours 
ouvrira le lundi 3 novembre. 

Physique moléculaire, — Propriétés fondamentales et utilisation des 
gaz, des liquides et des solides. 
Chaleur^ — Sources de chaleur et de froid. — Mesure des températures. 

— Chauffage et ventilation. 

Électricité industrielle (les mercredis et samedis, à huit 
heures du soir). — M. Marcel Deprez, professeur. — Le 
cours ouvrira le mercredi 5 novembre. 

Étude des lois de l'électricité au point de vue spécial de leur application 
à Tindustrie. — Magnétisme. — Électricité statique. — Électro-cinétique. 

— Électro-magnétisme. — Induction électro-magnétique. 

Chimie générale dans ses rapports avec Tlndustrie (les 
mercredis et samedis, à neuf heures un quart du soir). — 
M. É. JuNGFLEisGH, professeur. — Le cours ouvrira le mer- 
credi 5 novembre. 

Généralités. — Notions préliminaires, corps simples et corps composés, 
classification des corps simples, métalloïdes et métaux, lois des actions 
chimiques, nomenclature. 

Métalloïdes, — Histoire particulière des principaux métalloïdes et de 
leurs combinaisons non métalliques les plus utilisées : production, pro- 
priétés, réactions, notions analytiques, applications à l'industrie. 

Chimie industrielle (les mardis et vendredis, à neuf heures 
un quart du soir). — M. É. Fleurent, professeur. •— Le cours 
ouvrira le mardi 4 novembre. 



PROGRAMME DES COURS POUR L 'ANNÉE igOÎ-igoS. 219 

I. Matières végétales : Notions générales sur leur structure et leur com- 
position chimique. — Valeur alimentaire des légumes et des fruits, pro- 
cédés de conservation. 

If. Bois : Emplois divers, altérations, procédés de conservation. 

Ifl. Mouture des céréales: Farines diverses. — Boulangerie et biscui- 
terie. 

IV. Féculerie et amidonnerie, 

V. Huiles végétales. 

VI. Essences odorantes. — Térébenthine, résines et vernis. 

VII. Combustibles fossiles : Tourbes, lignites et houilles. — Agglomérés. 

— Gaz d'éclairage et de chauffage. — Acétylène. — Distillation des bois. — 
Huiles minérales, pétroles, etc. 

Métallurgie et Travail des métaux (les mardis et vendre- 
dis, à huit heures du soir), — M. U. Lb Verrier, professeur. 
— Le cours ouvrira le mardi 4 novembre. 

Propriétés mécaniques, physiques et chimiques des métaux. — Alliages. 

— Procédés de travail et emplois des métaux usuels. — Décoration des 
métaux. 

Chimie appliquée aux industries de la Teinture, de la Céra- 
mique et de la Verrerie (les lundis et jeudis, à huit heures 
du soir). — M. V. DE Luynes, professeur. — Le cours 
ouvrira le lundi 3 novembre. 

Matières colorantes naturelles et artificielles : Indigo, alizarine, méthodes 
de synthèse. — Étude chimique des fibres. — Teinture, impression. — 
Mordants, réserves, rongeants. — Différents genres d'impression. — 
Papiers peints. 

Chimie agricole et Analyse chimique (les mercredis et sa- 
medis, à huit heures du soir). — M. Th. Sghlgesing, profes- 
seur; M. Th. ScHLGEsiNG fils, remplaçant. — Le cours ouvrira 
le mercredi 5 novembre. 

I. Chimie agricole. — L'atmosphère; éléments de l'atmosphère qui con- 
courent à la nutrition des plantes. — Généralités sur les microbes et 
quelques fermentations. — Le sol; constitution des sols agricoles; leurs 
propriétés physiques; pliénomènes chimiques et microbiens dont ils sont 
le siège. 

II. Analyse chimique. — Analyse des sols et des matières agricoles. -^ 
Méthodes gazométriques. 

Agriculture (les mardis et vendredis, à neuf heures un quart 
du soir). — M. L. Grandeau, professeur. — Le cours ouvrira 
le mardi 4 novembre. 



29.0 PUOGRAMMK DES COLRS POUR L ANNÉE 1902-1903. 

Les végétaux de la grande culture. — Céréales. — Blé. — Seigle. — 
Avoine. — Orge. — Sarrasin. — Mais. 

Production des céréales dans le monde. — Production de la France. 

Sols et climat. — Préparation du sol. — Choix des semences. — Fumures. 
— Procédés de culture et de récolte. — Conservation. — Commerce. 

Résultats généraux et discussions des dix années de cultures expérimen- 
tales du Parc des Princes. 

Filature et Tissage (les mardis et vendredis, à huit heures 
du soir). — M. J. Imbs, professeur. — Le cours ouvrira le 
mardi 4 novembre. 

Métiers à filer, continus à ailettes, continus à anneaux, mull-Jenny et 
self-acting. — Retordage et apprêts des fils en droite fibre. —Préparation 
et filage pour fils en fibre libre. 

Tissus en général et entrelacements types. — Tissus proprement dits 
en armures-grain et en armures composées. 

Économie politique et Législation industrielle (les mardis 
et vendredis, à huit heures du soir). — M. É. Levasseur, 
professeur. — Le cours ouvrira le mardi 4 novembre. 

Circulation des richesses. — La valeur. — La monnaie. — L'histoire 
des prix. — La cherté et le bon marché. — Le crédit, les banques et la 
circulation fiduciaire. — L'influence des moyens de communication. — Le 
commerce et les tarifs de douane. 

Économie industrielle et Statistique (les mardis et vendredis, 
à neuf heures un quart du soir). — M. André Liesse, pro- 
fesseur. — Le cours ouvrira le mardi 4 novembre. 

Consommation des richesses. — Consommations privées. — La popu- 
lation. — Nature des consommations. — Le luxe. — Influence de certains 
impôts sur les consommations. 

Consommations publiques, — Les finances publiques. — Ressources: 
impôts, emprunts. — Dépenses qui s'appliquent plus directement au com- 
merce et à l'industrie; les travaux publics, l'enseignement technique et 
professionnel, etc. 

Statistique. -- Utilité de la statistique. —Définitions. — Historique.— 
Méthodes. — Sources et moyens d'information et d'observations : Mercu- 
riales, cotes, bilans de banques et de sociétés industrielles, documents 
administratifs, enquêtes. Groupement des faits. — Moyennes. — Grands 
nombres. — Critique des résultats. — Représentations graphiques. — Théo- 
ries qu'on a tirées de la Statistique : périodicité de certains phénomènes 
économiques, probabilités, etc. 

Art appliqué aux métiers (les mercredis et samedis, à neuf 
heures un quart du soir). — M. L. Magne, professeur. — 
Le cours ouvrira le mercredi '5 novembre. 



PROGRAMME DES COURS POUR l'ANNÉE igoa-igoS. 221 

L'art appliqué au travail du bois. — Charpente : Combinaisons d'as- 
semblage et décor. — Combles et pans de bois apparents. — Flèches et 
dômes. — Escaliers. — Planchers et plafonds. — Tribunes. 

Menuiserie: Construction et décoration. — Lambris. — Portes et croisées. 

— Stalles. — Plafonds lambrissés. — Cheminées. — Buffets d'orgues. 
Mobilier : Meubles en bois d'assemblage ou plaqué. — Combinaisons 

décoratives du bois avec d'autres matériaux. — Carrosserie. 

L'art appliqué au travail des tissus. —Étoffes tissées pour le vête- 
ment et l'ameublement : Décor par chaînes et par trames, — Damas. — 
Velours. — Décor par impression. — Broderie. — Dentelles. — Tapisserie 
de haute et basse lisse. — Tapis. 

L'art appliqué au décor du papier. — Papiers peints : Décoration du 
livre. — Caractères. — Gravures sur bois et sur cuivre. — Enluminure. — 
Applications de la Photographie. — Reliure. — Décor du cuir. 

Histoire du Travail {Cours fondé par la ville de Paris) (les 
lundis et jeudis, à huit heures du soir). — M. G. Renard, 
professeur. — Le cours ouvrira le lundi 3 novembre. 

Sociétés primitives et antiquité. — L'économie domestique. — Orga- 
nisation du travail fondée sur la famille et l'esclavage. — Production des- 
tinée aux gens de la maison. 

Assurance et prévoyance sociales {Cours subventionné par 
la Chambre de Commerce de Paris) (les mercredis et 
samedis, à huit heures du soir). — M. L. Mabilleau, profes- 
seur. — Le cours ouvrira le mercredi 5 novembre. 

L^ÉPARGNE : SES EMPLOIS ET SON RÔLE SOCIAL. — I. L'épargne simple. — 
Les caisses d'épargne. — Leur régime dans les différents pays d'Europe et 
d'Amérique. L'emploi des fonds. 

II. L'épargne et le crédit. — Le crédit populaire et mutuel. — Rôle des 
institutions d'épargne dans le crédit urbain et le crédit agricole. 

III. Utilisation de l'épargne par les formes supérieures de la prévoyance. 
Évolution de ces formes. 

Droit commercial (les mercredis, à neuf heures un quart du 
soir). — M. £. Alglavb, charge de cours. — Le cours ouvrira 
le mercredi 5 novembre. 

Les payements commerciaux. — Monnaies diverses. — Lettre de change. 

— Billet à ordre. — Chèque. — Titres au porteur. — Historique et législa- 
tion de la lettre de change. — Moyens de payement et moyens de crédit. — 
Clearing-house. — Comparaison avec le droit civil. 

Économie sociale (les samedis, à neuf heures un quart du 
soir). -— M. P. Bëauregard, chargé de cours. — Le cours 
ouvrira le samedi 8 novembre. 



219. PROGRAMME DES COURS POUR L*ANNÉE J902-jgo3. 

L'Assistance publique. — Son organisation el son fonctionnement en 
France. — Assistance communale. — Assistance départementale. — Assis- 
tance par l'État. 

Le salaire et le contrat de travail. — Conditions essentielles du contrat. 

— Clauses ordinaires. — L'apprentissage. ~~ Les syndicats professionnels. 

— Les grèves. 



RECHERCHES 



SUR LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES 
ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES, 

Par le Colouel A. LÂUSSEDAT. 



CHAPITRE IV {Suite). 

MÉTHODES £T INSTRUMENTS 
INNOVATIONS PRINCIPALES PROPOSÉES 



LA SÏÉRÉOSCOPIE APPLIQUÉE A LA CONSTRUCTION 

DES PLANS. 

Considérations préliminaires, — Nous avons fait pressentir^ 
dès le début de ce Chapitre, au paragraphe XV, que les 
vues siéréoseopiques pourraient faciliter souvent le travail du 
phototopographe, en lui permellant de se mieux rendre compte 
des formes du terrain, quelquefois difficiles à bien saisir sur 
une vue isolée ou sur deux vues prises de stations trop éloi- 
gnées Tune de l'autre. Nous n'avions pas été seul à nous en 
aviser et nous n'avons même pas tardé, depuis lors, à 
apprendre que, de divers côtés, le problème de la construction 
immédiale des plans nivelés par la sléréoscopie avait été 
abordé et résolu, au moins théoriquement, d'une manière, on 
pourrait dire de plusieurs manières satisfaisantes (^). 

(») Au premier abord, en se référant aux principes très justifiés de la 
méthode des intersections, on serait, peu disposé à admettre que Ton 
puisse parvenir, avec de petites bases, à déterminer exactement des 

3« Série, t. IV. i5 



a^l 



A. LAUSSEDAT. 



Il y aurait même dès à présent tout un livre à faire sur ce 
sujet, que nous (levons traiter avec quelque détail, mais pas 
aussi complètement que nous l'eussions souhaité, faute de 
temps et de place. D'ailleurs la question est encore à Télude 
et nous chercherons surtout à donner une idée aussi nette 
que possible de Tétat dans lequel elle se trouve, avec Tespoir 
que les renseignements contenus dans les pa<^es suivantes 
engageront le lecteur à remonter aux sources qui y sont indi- 
quées et peut-être à contribuer lui-même au succès d'une 
méthode plus délicate que celle à laquelle nous avions du 
nous arrêter, mais dont^ après tout, si elle réussit, elle aura 
tiré son origine. 

XXXV. — Principe du stéréoscope. 

Stéréoscope à miroirs, — Le stéréoscope a été imaginé 
par le célèbre physicien anglais Wheatstone en i832, c'esl- 

Fig. 87. 



/V 



/^' \ 







Stéréoscope de Wheatstone. 

à-dire plusieurs années avant la publication de la découverte 
de Niepce et de Daguerre. Il était surtout destiné à mettre en 



points relativement éloignés. Mais rextréme délicatesse des images photo- 
graphiques d'une part, et leur précision géométrique de plus en plus 
grande, d'autre part, ont cependant permis de modifier cette méthode en 
la rapprochant de celle des parallaxes dont les astronomes sont bien obli- 
gés de se contenter depuis longtemps. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRÂPIIfQUES. 225 

évidence les propriétés de la vision binoculaire et les deux 
images planes conjuguées qui servaient aux expériences 
n'étaient d'abord que des figures géométriques composées de 
lignes droites dont la séparation et l'orientation dans l'espace 
produisaient déjà des effets de relief saisissants. Le premier 
modèle de stéréoscope de Wheatstone est représenté par la 
figure 87. 

il se compose de deux miroirs (*) ab^ a' b' formant un angle 
dièdre de 90*^ et de deux planchettes cd, c cl' disposées latéra- 
lement à la même distance du plan bissecteur (distance 
correspondant à celle de la vue distincte), contre lesquelles 
on applique les dessins. En plaçant les yeux en o et en o' chacun 
d'eux voit le dessin correspondant 1 ou F en 1" où les deux 
images se superposent; mais comme elles sont symétriques 
des originaux, pour obtenir l'effet de la vision directe, il faut 
que ceux-ci aient été exécutés en sens inverse. 

Stéréoscope à réfraction, — Brewster ne larda pas à 
améliorer l'instrument de Wheatstone en indiquant la con- 
struction suivante généralement adoptée, à quelques modifi- 
cations près introduites successivement par l'artiste français 
Duboscq, puis par d'autres savants ou artistes de divers 
pays (*). 

Le stéréoscope de Brewster {fig. 88) est une boîte en bois 
de forme évasée comparable à un tronc de pyramide quadran- 
gulaire. Au fond de cette boîte sont placés les deux dessins 
disposés à côté l'un de l'aulre et éclairés par l'ouverture d'un 
volet V. Deux demi-lentilles égales p et/?' convenablement 
équarries ("*), placées symétriquement à la partie supérieure 
de la boîte {fig. 88 et 89), servent à regarder les deux images 



(*) Métalliques ou argentés en dessus pour éviter les doubles images. 

(2) Foi/' pour ces ni odi fi cation s et la description de divers modèles de 
stéréoscope IMnlcressante brochure de M. F. Diouin intitulée : Le stéréo- 
scope et la photographie stéréoscopigue. Paris, Charles Mendel, édi- 
teur, 1894. 

(^) Remplacées depuis par des lentilles entières dont les axes optiques 
n'ont pas besoin de converger, surtout quand l'inslrument est destiné à 
examiner des photographies de paysages qui donnent ainsi des edels plus 
naturels. 



:)26 



A. LAUSSEDAT. 



à la fois, et, pour éviler la confusion, une cloison mnïsole les 
images donl chacune ne peut être vue que par Tun des deux 
yeux. 

. La hauteur de la boîte ou plutôt la distance des centres 
optiques des objectifs aux dessins est ordinairement de o", i5-, 
mais les images sont transportées virtuellement à la distance 
de la vue distincte en même temps qu'elles sont projetées 
Tune sur Tauire par TefTel de la réfraciion sur les bords 






88. 



Fi g. 89. 





Stéréoscope Brewsler. 

inclinés des demi-lentilles qui agissent comme deux prismes 
accolés par leurs arêtes. 

On introduit les deux dessins convenablement juxtaposés 
par une fente / pratiquée au bas du stéréoscope et on les 
éclaire en ouvrant le volet V dont la surface intérieure est 
recouverte d*une feuille d'étain pour servir de réflecteur. 

Enfin, dans le cas où lés dessins sont tracés sur une sub- 
stance transparente (papier huilé, celluloïd, pellicule, verre), 
on a remplacé le fond de la boîte par une glace dépolie qui 
permet de diriger Tappareil vers le jour ou vers une lumière 
artificielle et d'éclairer les images aussi vivement qu'on le 
désire. 



XXX V^l. — Propriétés de la projection stéréoscopique» 

Images dessinées et images photographiées. — Puisque 
la Sléréoscopie a précédé la Photographie, les premières 



LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIllQUKS. 27.7 

expériences ont naturellement été faites, comme nous Tavons 
supposé jusqu'à présent, à l'aide de dessins géométriques ou 
obtenus par d'ingénieux procédés mécaniques (*). On a 
encore récemment fait usage de figures dessinées expressé- 
ment pour éprouver l'aptitude à la vision binoculaire des 
personnes appelées à Tuiillser. 

Nous tâcherons de profiter nous-mêmes du moyen indiqué 
à cet effet par M. le D' Pulfrich d'iéna, à propos de Tapplica- 
tion du téléstéréoscope de Helmhollz à la léléméirie, mais 
nous devons auparavant indiquer quelques-unes des pro- 
priétés fondamenlales de la projeciion siéréoscopique. 

Soient o eto' {Jig. 90) les yeux de l'observateur, Tel T' deux 
tableaux situés dans un même plan vertical parallèle à la ligne 
des yeux supposée horizontale, H H' la ligne d'horizon, la 

Fig. 90. 




même sur les deux tableaux, et A un point d'un objet rappro- 
ché situé dans le plan de l'horizon; enfin a et a' les images 
de ce point sur chacun des deux tableaux qui correspondent 
aux points de vue o et o'. 

L'écart a a' de ces images sera facile h calculer si l'on 
connaît l'intervalle 00' des yeux, la distance des points de 
vue aux tableaux et la distance du point A au plan de ces 
tableaux ou de ce point à la ligne des yeux. 

Si l'on considère un autre point B situé au-dessus ou au- 
dessous du plan de l'horizon, il est évident que ses deux 



(*) Oïl peut citer entre autres les images stérc^oscopiques tracées par 
l'appareil de Tisley, dit harmonographe (Tisley et G'* de Londres), dont 
un modèle existe au Conservatoire des Arts et Métiers, depuis TExposition 
Universelle de 1878. 



228 



A. LAUSSEDAT. 



images b el b* sont siluées sur une parallèle à oo' ei par 
conséquent à la ligne d*horizon. 

On démontre encore aisément que si le point A se déplace 
en restant dans un plan parallèle à celui des tableaux, Técart 
des deux images est toujours égal h^aa' (*). 

Cela étant, considérons {fig- 91) un point A situé à une 
certaine dislance en avant de la ligne des yeux oo\ Soient 

Fig. 91. 




T et T' les traces des deux tableaux interposés sur le plan 
d'horizon pris pour plan de projection. Joignons le point 
considéré ou, s'il n'est pas dans le plan d'horizon, sa projec- 



(*) La démonstration analytique de ces propriétés et d'autres encore 
de la projection stéréographique se trouvent dans V Optique physiolo- 
gique de Helmholtz, traduite par Émilo Javalet M. Tli^. Klein. Paris, Victor 
Masson et fils, 1867, p. 842 et suivantes. 



LES INSTRUMENTS, LIilS MKTIIODKS ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 1ig 

lion (A) aux points o et o', les intersections a et a' des droites 
oA et o'A avec les deux tableaux déierminenl l'écart des 
images du point A. 

Soient I) la distance du point A ou de sa projection à la ligne 
des yeux, d la distance des yeux aux tableaux (la hauteur du 
stéréoscope ordinaire), e Tintervalle o o' égal à la dislance des 
axes parallèles des yeux, de o™,o6 à o^^o;, enfin e l'écart aa' 
des deux images; on aura : 

D \) — d ^, , \)-d 

y d OU t = e 



e t J) 

En tenant connpte du grossissement des lentilles du stéréo- 
scope, rf devient égale à la distance de la vue distincte, de 
o»",25 à o™,3o, c'est-à-dire que, dans tous les cas, c'est une 
très petite quantité par rapport aux dislances (D) des objets 

extérieurs que Ton a à considérer. — - — diffère donc très peu 

de Tunité, et la parallaxe linéaire e — e est elle-même toujours 
très petite et devient insensible pour les objets très éloignés. 

La distance à laquelle la sensation du relief ou de la pro- 
fondeur relative des différents objets cesse d'être perceptible 
avec la vision binoculaire correspond, d'après de nombreuses 
expériences, à une parallaxe angulaire oX' o' de 3o secondes 
sexagésimales, pour une vue normale. En supposante égale 
à o"*, o65, il en résulte que. les objets situés au delà de 4^0™ 
se confondent avec le fond du tableau (*). 

Pour des yeux dont l'intervalle optique n'est que de o'",o6 
et si l'acuité de la perception correspond seulement à une 
parallaxe de i' comme plusieurs anciens expérimentateurs, 
Helmholtz en tête, l'admettaient en général, cette distance 
au delà de laquelle la sensation du relief s'évanouit, dépas- 
serait à peine 200™. 

Les personnes jeunes, douées d'une excellente vue, et, en 



(*) Gomme il s'agit de 1res petits angles qui peuvent être pris 
pour leurs tangentes, on peut écrire (Voir /ig. 91) e = /• x 3o" et 

comme i" = ,. ^r et e = o^.oôo, /• = — 5 x 206266 = 44^", 90, soit 

en nombre rond 45o"». 



23o A. LAUSSEDÀT. \ 

particulier, celles dont les deux yeux ont le même degré de 
sensibilité, arrivent toutefois à accroître, de beaucoup celte 
portée çt, pour quelques-unes, des parallaxes de lo" et même 
moindres permelient encore d'apprécier des différences de 
profondeur jusqu'à 1200™ à 1500*" de distance et plus. 

Ces personnes sont les mieux qualifiées, non senlemeni 
pour emplo)^er le télémètre stéréoscopique dont nous 
parlons un peu plus loin, mais pour tracer les courbes de 
niveau par la méthode métropholographique ordinaire en 
s^aidant de vues stéréoscopiques qui leur font sentir les 
formes du terrain. 

Dès qu'à la suite des perfectionnements de l'objectif pholo- 
graphique» on put compter sur des images correctes de 
paysages, on songea à accoupler deux chambres noires pour 
prendre des vues simultanées du même sUe qui, placées dans 
le stéréoscope, y produisirent aussitôt des effeis de relief 
encore bien plus expressifs que ceux que Ton avait obtenus 
avec les figures géométriques les mieux dessinées (^). 

Les modèles nombreux de jumelles photographiques si 
répandues aujourd'hui peuvent tous être utilisés pour aider 



(*) C'est le cas de rappeler que les images obtenues à l'aide d'une 
jumelle photographique ont besoin d'être inversées, c'est-à-dire que celle 
de droite dans la jumelle doit être placée à gauche dans le stéréoscope et 
celle de gauche placée à droite. 

Nous profiterons de l'occasion pour rappeler aussi qu'en laissant à ces 
images leurs positions sur les clichés sortant dC la jumelle et en les 
regardant sans instrument, mais en usant du strabisme artificiel, pouf 
les dédoubler et superposer les deux images médianes, on produit l'effet 
stéréoscopique exact. 

Enfin en prenant, au contraire, les épreuves préparées pour être vues 
dans le stéréoscope, c'est-à-dire après leur inversion, mais en les regar- 
dant sans l'instrument et en usant encore du strabisme artificiel, on 
amène en avant les objets situés en arrière, c'est-à-dire que l'on renverse 
l'effet du relief comme Whealstone le faisait au moyen de Tappareil elle 
plus loin dans le texte sous le nom de pseudoscope. 

Cette faculté de faire converger à volonté les axes optiques de nos deux 
yeux peut être utilisée, quand on Ta suffisamment exercée, pour provo- 
quer d'intéressants phénomènes de vision binoculaire et pour mieux se 
rendre compte, en particulier, des effets stéréoscopiques. 

On peut ainsi, par exemple, arriver à toucher du doigt les points 
amenés en coïncidence dans l'espace et effectuer de véritables mesures 
sur les reliefs virtuels d'objets dont on a combiné optiquement les deux 
imui^res. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTUODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 7.3l 

les opérateurs dans les travaux de métrophotographie, et, 
parmi eux, il en est un, le vérascope de M. Jules Richard, 
qui doit être signalé tout particulièrement parce qu'il réalise 
rigoureusement l'idée de Brewster qui conseillait de regarder 
les images avec des lentilles de même puissance optique que 
les objectifs des jumelles. 



XXXVJI. — - Effets stéréoscopiqiies intentionnellement 

exagérés. 

Insuffisance de la distante des yeuùc comme hase géomé- 
trique. -— Mais on a voulu aller plus loin, et, en se préoc- 
cupant moins de la vérité de l'impression physiologique, on a 
cherché à accroître Teffet du relief, d'abord pour reculer la 
limite de la perception de la profondeur et suriout afin 
de pouvoir effectuer sur les nouvelles images stéréosco- 
piques des mesures que les très faibles parallaxes corres- 
pondant à la distance des yeux prise pour base interdisaient 
autrement. 

Nous ne saurions mieux faire, pour préciser l'origine d'une 
innovation qui a déjà eu et qui promet d'avoir des consé- 
quences considérables, que de citer le passage suivant du 
grand Ouvrage de Helmhoitz (*). 

<( Aussi, d'après la proposition de Brewster, se sert-on 
généralement aujourd'hui de chambres noires jumelles qui 
fonctionnent simultanément sur deux parties difïérenles de la 
même plaque. Les centres des deux objectifs ont la même 
distance que les yeux de l'homme ou une dislance un peu 
plus grande, de o'",o7 à 0^,075; la chambre noire elle-même 
présente donc l'aspect d'un stéréoscope renversé. Ces instru- 
ments sont très convenables pour photographier les objets 
voisins et reproduisent ce que verrait un observateur immo- 
bile en se mettant à la place de l'appareil. Ils présentent sur- 
tout cet avantage que, par un beau soleil, l'exposition inslan- 



(') Optique physiologique, traduction française de Javal et Klein, 
p. 869 et suivantes. 



23? A. LÂUSSEDAT. 

tanée de la plaque peut donner de bonnes images d*objels 
mobiles, d*hommes, d^animaux, de vaisseaux et même les 
images magnifiques d*une mer agilée. 

» Mais ils ne suffisent pas pour des paysages qui présentent 
des lointains, parce que la distance des points de vue est trop 
petite pour donner des diiïérences sufOsantes; aussi les parties 
éloignées d'un paysage demeurent-elles ordinairement tout à 
fait planes. 

» Pour des cas de ce genre, il vaut mieux obtenir une sorte 
d'effet téléstéréoscopique, en prenant deux épreuves à partir 
de points éloignés. » 

« C'est ainsi, ajoute-t-il, que parmi les excellentes épreuves 
de paysages de Braun (de Dornach), j'ai trouvé des vues du 
Wetterhorn prises de deux points différents de Grindeiwald, 
deux autres vues de la même montagne prises de deux points 
différents de Bachalp, de même deux vues de la Jungfrau 
prises de Murren; on obtient un modèle excellent de la forme 
montagneuse^ si l'on sépare les images de chaque paire et 
qu'on les associe deux à deux, de manière à obtenir la com- 
binaison d'épreuves prises de points assez éloignés. Au lieu 
de reconnaître la forme des montagnes aussi mal qu'un obser- 
vateur immobile, on la distingue alors bien mieux, comme un 
observateur qui se déplacerait et comparerait les aspects 
successifs que la montagne lui aurait présentés. » 

Dans un autre endroit, Helmhoitz avait insisté sur ce fait 
qu'une telle comparaison est bien plus incertaine lorsqu'elle 
se fait de mémoire que quand elle a pour objet deux sensa- 
tions instantanées. Il en concluait naturellement que des 
photographies d'une montagne prises de deux points de vue 
convenablement espacés et mises en présence l'une de l'autre 
donneraient une idée bien plus précise de la forme de cette 
montagne que le souvenir des aspects perçus successivemenl 
et faisait en quelque sorte pressentir ce qu'il appelle Xeffet 
téléstéréoscopique. Jl a d'ailleurs réalisé lui-même cet effet, 
en élargissant, modérément toutefois, la distance des deux 
points de vue à l'aide de l'instrument qu'il a désigné pré- 
cisément sous le nom de télés ter éoscope. 



LES INSTRUMENTS, LES IIETHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 233 



XXXVIII. — Tëlésteréoscope, ses analogues et ses dérivés. 

Téléstéréoscope de Helmholtz. — Les condilions de la 
vision binoculaire peuvent êlre facilement altérées par l'inter- 
position, entre les )^eux et les objets, de miroirs plans qui modi- 
fient les trajets des rayons lumineux et par suite les directions 
des rayons visuels. C'est ainsi que Whealslone renversait tota- 
lement le relief stéréoscopique en plaçant devant chaque œil 
un prisme rectangulaire avec ses arêtes perpendiculaires au 
plan de visée et dont les hypoténuses de o",oi5 de côté 
environ disposées sensiblement en face Tune de l'autre for- 
maient miroirs et produisaient la superposition des images 
entrecroisées, ce qui donnait un effet inverse du relief naturel. 
Cet appareil est connu sous le nom de pseudoscope^ et un 
autre expérimentateur, le J)' Javal, a montré que l'on pouvait 
même, toujours à l'aide de miroirs convenablement placés 
sur le trajet des rayons lumineux, faire disparaître le relief des 
objets les plus espacés en profondeur et ramener toutes les 
images de ces objets à prendre l'aspect d'une peinture plane. 

Ce dernier appareil, désigné sous le nom diconoscope, est 
composé de quatre miroirs plans disposés à l'inverse de ceux 
du téléstéréoscope de Helmhoitz représenté {/ig- 9^) et 
qui est, en effet, destiné, au contraire, à exagérer le relief, en 
écartant pour ainsi dire l'un de l'autre les yeux de l'obser- 
vateur : 

Les deux grands miroirs MM, MM' sont disposés à angle 
droii, l'un par rapport à l'autre, dans une boîte ouverte par 
devant, qui renferme en outre les deux petits miroirs m et/w', 
respectivement parallèles aux premiers et leur faisant face. 
La cloison de la boîte a deux ouvertures par où les yeux 
o et o' peuvent regarder les images des objets éloignés vers 
lesquels l'instrument est dirigé. Les rayons lumineux partant, 
par exemple, d'un point a très éloigné, se réfléchissent d'abord 
en b et en 6' sur les deux grands miroirs, puis en c et en c' 
sur les deux petits et sont reçus par les yeux o et o'. 

La parallaxe produite par cette modification du trajet des 



234 



A. LAUSSEDAT. 



rayons lumineux est celle qui existerait pour deux yeux placés 
en Oi et en O'j, et, si Ton examine un paysage dans cet instru- 
ment, l'œil le voit comme s'il était en Oi, et l'œil 0' comme 

Fig. 92. 




Télcsléréoscope de Helmlioltz. 

s'il était en 0',. En un mot, la base d'observations est ampli- 
fiée dans le rapport de Oi O'i à 00' ( ' ). 

(( Il se produit, dit Helmholiz, quelque chose d'analogue au 
téléstéréoscope lors de Vexamen de la plupart des photogra- 
phies stéréoscopiques de paysages, parce qu'en général, en 
prenant la photographie, on a donné aux deux points de vue 
une distance bien plus grande que celle des deux yeux (-). » 

Stéréoscope de Cazes, — L'illustre physicien ne paraît 
pas toutefois avoir songé à se servir de son ingénieux instru- 
ment pour regarder, comme dans un stéréoscope, les images 
prises de points de vue assez distants l'un de l'autre. 

Un sagace expérimentateur, M. L. Cazes, s'en est avisé et 
a réalisé un appareil dont la disposition générale est la même 

r* * ■ ■ .^ — — i-.i I ■■ !■ I II ■■ Il ■ ■ ■ Il ^ 

(^) Si l'on imagine un appareil entièrement analogue, mais réduit à des 
proportions telles qu'en le retournant les yeux puissent se placer en a et 
en a', les rayons lumineux venus des objets éloignés qui tomberaient 
d'abord sur les deux petits miroirs, se rapprocheraient en continuant leur 
route, au point de presque se confondre. On aurait V iconoscope de Javal. 

(^) Optique physiologique, p. 822. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTifODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l35 

que celle du léléstéréoscope avec celte unique particularité 
que les positions relatives des miroirs et celles des photogra- 
phies sont réglables (*). 

A cet effet, les deux petits miroirs mm' {fig, 98) étant 
fixés sur les branches d'une sorte d'équerre ACB, les grands 
miroirs MM, M'M' peuvent glisser sur ces branches et y être 
arrêtés à une distance convenable, la même des deux côtés, 

Fig. 93. 




en se guidant sur les graduations qui y sont tracées et dont 
les zéros correspondent aux petits miroirs. 

Les épreuves XY, X' Y', prises aux deux stations, sont dis- 
posées dans un même plan perpendiculaire au plan bissec- 
teur de Tangle droit de Téquerre, à un intervalle qui dépend 
surtout du format de ces épreuves. 

Le déplacement des grands miroirs entraîne, comme il est 
aisé de le voir, un déplacement latéral des images virtuelles, 
par rapport aiix épreuves elles-mêmes, qui, pour chacune, 
est égal à l'intervalle des miroirs parallèles multiplié par \fiy 
ce dont il est tenu compte sur la graduation en parties égales 
dont chaque division vaut i*''",4i. 



(•) Voyez à ce sujet: L. Gazes, Stéréosc^pie de précision. Théorie et 
pratique. Paris, Librairie Michelet, Ph. Pellin, éditeur, 21, rue de l'Odéon, 

1895. 



236 A. LAUSSEDAT. 

Le rapprochement des images peut être réglé de façon 
que chacun des yeux de Tobservateurqui les voit séparémeni 
se trouve dans les mêmes conditions qu'avec le stéréoscope 
de Wheatstone, en y joignant celle circonstance favorable 
que les deux réflexions successives redressent ces images. 

Si les épreuves supposées du format i3 x i8 ont éié obte- 
nues en dirigeant le plus grand côté horizontalement (on peut 
aussi les obtenir avec ce côté vertical), en les juxtaposant, 
la distance de leurs points principaux sera au moins de csiS; 
admettons que celle distance soit de o»",i9. Pour que les 
points principaux soient ramenés à Técarlemeni des yeux, 
de o°',o65 en moyenne, il faudra les rapprocher de 

o'"^ 1 9 — o™, o65 = o™, o 1 25, 
ce qui se fera par moilié, au moyen des deux couples de mi- 
rolrs, les grands étant placés sur la division — '■^— z=z 6,25. 

2 

Les épreuves sont elles-mêmes portées par un support 
mobile {Jî^- 94) le long d'une lige reliée à Téquerre qui per- 
met de les éloigner ou de les rapprocher des yeux; il convient 
d'en régler la position de façon que les images virtuelles 
soient reportées à une dislance égale à la distance focale de 
l'objectif (si Ton emploie deux chambres noires, leurs objec- 
tifs doivent avoir la même distance focale). Supposons 
que cette distance soit de o™,2o, on placera les épreuves 
à o'",2o — o™,o625 ou o"*, 1875 des yeux, car le stéréoscope 
dont il s'agit ne fait pas que déplacer latéralement les images, 
il les éloigne de la même quantité, c'est-à-dire deo",o625 
dans le cas actuel. 

Il reste enfin à examiner ces images avec des verres 
(besicles) appropriés d'une part à la vue de l'observateur, et 
de l'autre à la condition de produire le relief le plus exact, le 
plus parfait possible. 

Nous ne pourrions pas entrer ici dans toutes les explica- 
tions que donne M. Gazes pour préciser les conditions dans 
lesquelles doivent être prises les épreuves et celles que doit 
s'imposer l'observateur . pour produire le relief exacL 
Nous renvoyons le lecteur à l'excellent Mémoire de cet 



I,K8 INSTRUMENTS, LRS MÉTHODE!) ET LK DESSIN TOPOGItAPIIIQUES. a37 

auieur(')et nous nous bornerons à dire que tes épreuves 
prises successivemetil aux deux stations, plus ou moins éloi- 
tfnées l'une de l'autre, doivent être situées dans des plans 
verticaux parallèles entre eux et à la direction de la base et, 
autant que possible, au même niveau ('). 

Nous donnons (fig. i)'}) une vue du stéréoscope à miroirs 




Stéréoscope de Cuzcs. 

de M. Cazes, construit par l'hnbile opticien M. Ph. Pellin, et 
nous reproduisons {PL Mfl) deux vues photographiques prises 

('} Le Cliapllre essentiel iIq ce Mùiiioiro coiitietil mie olintu Jii pliéiin- 
mciie lie l'accommoda lion ilc la vision combina avec celui de la convergence 
lies axes optiques des veux do l'observateur qui sort à déterminer /? 
premier plan de front du aujet dont la distance est liée à celte qui 
sépare les deux stations. Il cite, comme exemples, des bases de iio" sur 
lesi|uelles il a opéré, le premier plan étant à &', et il ajoute : « La recon- 
stitution ne laisse rien à désirer au douhie point de vue de l'exactitude 
géométrique et de l'Illusion ; le relief ^'impose infiniment plus qu'en pré- 
sence de la nature. » 

(') M. Cazes parait même disposé à exiger que cette dernière condition 
soit remplie, ce qui, dans certains cas, pourrait rendre la métliode plus 
difllcllemenl praticable. 



'238 A. LAVSSEDAT. 

aux extrémllés d'une base de 20"*, 62 avec un objeelif 
de o°\ 1962 de dislance focale, qui, disposées sur le plateau- 
support T du stéréoscope, à la distance indiquée ci-dessus, 
les miroirs étant eux-mêmes réglés d'après l'intervalle néces- 
saire entre les deux épreuves, produisent un effet de relief 
vraiment surprenanl. 

L'impression qui en résulte permettrait déjà à un opérateur 
exercé de s'en inspirer très utilement pour interpréter graphi- 
quement les formes du terrain, mais M. Gazes a voulu faire 
davantage, parvenir à exécuter le plan de tous les accidents 
lopographiques visibles à la fois sur les deux photographies 
et y tracer les courbes de niveau par un procédé optique et 
mécanique sur lequel nous reviendrons par la suite en indi- 
quant les méthodes analogues imaginées par d'autres savants. 



XXXIX. — Téléstéréoscope et ses dérivés (suite). 

Télémètre stéréoscopique. — L'appareil désigné sous ce 
nom, conçu, comme nous l'avons dit au Paragraphe XV, en 
1893, par feu l'ingénieur Hector de Grousilliers, deCharlotlen- 
burg, ei réalisé dans ces dernières années par la maison Zeiss, 
d'iéna, présente une disposition tout à fait analogue à celle 
du lélésléréoscope. Il agrandit comme lui la base de la vision 
binoculaire, mais l'effet stéréoscopique y est encore rendu 
beaucoup plus sensible par le grossissement des images. Sur 
le trajet des rayons lumineux se trouvent installées, eii 
effet, deux lunettes deux fois coudées {fig- 95) dans les- 
quelles les miroirs plans du téléstéréoscope sont remplacés 
par des prismes à réflexion totale (comme dans la longue-vue 
de Porro). 

D'un autre côté, au foyer de chacune de ces lunettes sont 
placées, au lieu de réticules, des plaques de verre sur les- 
quelles sont gravées des séries de repères chiffrés disposés en 
ligne droite ou sur des lignes brisées dont l'ensemble est des- 
tiné à former des échelles de distances aériennes en prof on- 
deur. C'est pour faire comprendre le rôle de ces échelles 
qu'ont été publiées les deux vues stéréoscopiques dont il est 



MENTS, LES lIliTHODIiS Kt I.E IIKSSIX TOPOGHAPHIQUKS. aSg 

question au paragraphe XV de ce Chapitre IV el qui sont 
reproduises sur la planche I. 

En même temps que les perspectives du pajsafie formées 




aux Toyers des deux lunettes sont vues sléréoscopiquement 
par l'observateur, les repères se présentent eux-mêmes 
comme des objets aériens dislribués sysiémaliquemenl en 
3- Séiie. I. /!'. i(i 



lîles i|ui s'éloignent et planeni au-dessus du sol. En inclinant 
légèrement l'appareil dans un sens ou dans l'autre, on amène 
celte sorie d'échelle sur le point dont on veut connaître la 
distance, laquelle se trouve précisément exprimée par le 
chiffre de la division qui l'alteini, ou bien estimée avec une 
approximation sufflsoiite quand le point considéré tombe entre 
deux divisions. 

Les objectiTs du télémètre sont fixés invariablement à la 
monture. Les oculaires, au contraire, peuvent être déplacés 
pour se prêter à l'écartement des yeux, entre les limiles de 
58""" à 72"°'. Ils sont d'ailleurs, comme dans toutes les 
lunettes, susceptibles d'être mis au point, séparément même, 
pour les observateurs dont les yeux ne sonl pas égaux. 

Nous avons déjà dit que le I)' Pulfrich, qui a dirigé la con- 
struction de ce télémètre ('), appelait effet du relief total \v: 

E 
produit G X - du grossissement des luneites par le rapport 

de l'écartement des objeciifs à l'écarlement des oculaires ou 
des yeux de l'observateur. 

Il existe trois modèles du lélémètre siéréoscopique dans 
lesquels l'écartement des objectifs est de 5i'" pour le pre- 
mier, 87'"' pour le second et t4j™ pour le plus grand, avec 
des grossissements correspotidants de 8, i4 et 33 Tois, ce qui 
donne pour lesefTets du relier total 63, 188 et 5 10. Cela signifie 
que, tandis qu'à la vue simple les elTets du relief ne se font 
plus sentir, eu général, au delà de 4^0'°, avec le premier 
modèle le cliamp de la vision stéréosco pique pourraits'éiendre 
à 63 X 450" ou à ?8*", avec le second modèle à 84'"°, enfin 
avec le troisième à 218'™; ce qui ne veut pas dire d'ailleurs 
que l'on puisse avoir la prétention de Caire des évaluations à 
de pareilles dislances, même si l'on y découvrait le terrain. 

Echelle des largeurs et des hauteurs ou de front. — Les 

[ ') Voir la Notice sur le télémètre sléréoicopique. Cominuiiicalion pré- 
pentée i la .Xaïai/orKheraammliing à Muiili'li, t« lo sK|jteiiil>re iB8i|, 
par le D' PuKricli Jléria. 8. Hirzel, éditeur, Leipzig: eL le pro*ptctua de 
.\otrt lèléniéire tléréiaropigiie, lie Cari Zeias. opiisclie Werkslntle, 



LES INSTHUMKNTS, LES BIÉTIIODKS KT LE DESSIN TOPOGRAPHIQUKS. '24 1 

champs angulaires des luneties de ces trois modèles sont 
respectivement de a** 54' (a'», 9'), 2* et i"; nous n'examine- 
rons que le premier modèle^ le plus portatif et le plus 
employé (*). 

Chacune des pInqOes focales sur lesquelles sont tracés 
les repères (yîg*. 96), porte en outre une échelle divisée en 
vingt parties égales, destinée à évaluer les largeurs et les hau- 

rig. 96. 

G • 10 • 20 

I j 1 1 1 1 1— I 1— H 1 [• — I 1 1 1 1 1 1 1 1 1 » 

&0 (Kil) (Kil.) 

(hect) ^^ 6^8 

^ 3 SSoT ^ f f 

^ ^ ^ 1 « 



leurs des édifices ou des objets (lignes de tenies, lignes de 
troupes, etc.) qui se présenteraient de front. L'étendue embras- 
sée par le diamètre du champ de 2°, 9' (soit ^V» ^^^ substituant la 
tangente à Tare) sur un plan de front qui serait silué à looc"" 

serait de ^o" et, en général, de — pour une distance quel- 

conque D. L'échelle des parties égales est tracée de façon que 

Tune de ses divisions corresponde à — r afin que l'inier- 

valle intercepté de front à 1000'" soit de i" et par conséquent 

de à la distance D. Celle échelle el celle des profondeurs 

1000 

dont il nous resie à expliquer la conslruclion sont exéculées 

en grand et réduites par la photographie sur les plaques focales 

où elles sont gravées chimiquement. 



(*) Le poids de ce modèle est de 3''s environ; il peut à la rigueur être 
manœuvré à la main. Le poids du second est de 8''« et celui du troisième 
lie i3»'«,5; oes «ieriiiers entraînent inévitablement l'emploi d'un trépied. 



21'/ 



A. LAISSEDAT. 



Échelle des profondeurs. Calcul des parallaxes. — Sup- 
posons le télémèlre dirigé vers un poinl A indéfiniment 
éloigné (y/g*. 97), les images de ce point se faisant aux foyers 
des deux lunettes en a et en a' ; si Ton considère un autre poinl 
A' suffisamment rapproché et que son image dans la lunette 
de gauche se fasse encore en â, celle qui se fait dans la lunette 



*^'»g- 97- 



(A A') 



0; 





--e- 




A'I 



IVI' 



Schéma de la marche de$$ rayons lumineux 
dans le télémètre stéréoscopique. 



de droite se trouvera déplacée en a'\ et c'est cette parallaxe 
a'a" qu'il s'agit de calculer. Or, si Ton imagine Taxe du 
faisceau des rayons lumineux redressé en ligne droite^ depuis 
le centre optique 0' jusqu'en a", et ramené de a" en OJ, à la 
rencontre de o'à prolongé, on formera un triangle û*' a' 0{ 
semblable à OO'A'; en désignant donc par E Técartement 
des objectifs, par 1) la distance du point A' à l'instrument et 
par /la distance focale reconstituée de Tobjectif a"Oi, on a: 



(I) 



a' a" 

f 



E 
1) 



d'où 



a' a" = 



■■ « 
i) 



Les positions des repères sur les lignes légèremeiu inclinées 



Ï.ES INSTIlUMIîNTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGIIAPHIQUES. 243 

que Ton voit sur la figure {fig* 96) peuvent être déierminées 
graphiquement, et alors il suffit de marquer avec soin les 
extrémités de chacune de ces lignes, c'est-à-dire les deux 
repères limites, les intermédiaires s'y insérant ensuite facile- 
ment (*). 



(*) Nous supposons que les repères de la figure 96 ont été ainsi tracés 
et cela nous donne l'occasion de rappeler le procède graphique très simple 
que Ton emploie généralement pour diviser en parties égales une ligne 
droite donnée en perspective, ce problème pouvant avoir d'assez fréquentes 
applications en Métrophotographie. 

Soient MN le plan du tableau (fig. 98), le point de vue et AG une 
droite qui rencontre le tableau en E; par le point de vue menons la 

Fig. 98. 




parallèle OF à AG, le point F sera le point de fuite de la perspective do la 
droite AG et EF sera cette perspective; par le point F, menons une 
droite FD dans une direction qui peut être quelconque, mais que nous 
choisirons parallèle à la ligne d'horizon et portons de F en D une longueur 
égale à OF; sur la droite AG prenons un point B et joignons-le au point 
de vue, OB rencontrera le Tableau en b sur EF; enfin menons par le point 
E une parallèle Kl à FD et joignons D6 qui, prolongée, rencontrera El en b\ 
Les triangles semblaldes FOf), ^BE donnent la proportion 

OF _ F^ 
BE "" 6K' 

et les triangles FD6 et 66'E également semblables donnent 

F6 _ FD 
b^ " ô'E' 

xl'où Ton conclut, par comparaison avec la proportion précéJcnte, 

OF _ FD 
bu: "^ 6'E' 

Mais FD = OF par construction ; donc BE = 6'E. 
Les lonj^Mieurs Ec', E6', etc. portées sur la droite El, à partir du, point B, 



Mi A. LAISSEDAT. 



XL. — Tétéstéréoscope et les dérivés (suite). 

Degré de précision des mesures de distances stëréosco- 
piques. — Si Ton désigne par a Li parallaxe linéaire a' a"^ en 
dilTéreniianl Texpression (i) de la page 242 

E/* 
(i) aV ou ^ = "ïf 

dans laquelle £ et /sont conslanls, on trouve 

rfl) = </a = — zr-j. da ; 

a hf 

da, c'est-à-dire Tincertitude sur la valeur de la parallaxe 



sont donc égales à celles que Ton mesurerait sur la droite AG, à partir 
de ce même point et en s'éloignant du plan du tableau. 11 est aisé de 
conclure de là que si l'on divise en parties égales un intervalle quelconque 
pris sur £1, en joignant les points de division au point D, on aura surEP 
une division correspondante qui sera la perspective de celle que Tun 
aurait eiïectuée sur la droite AÔ elle-même. 

La petite épure {fig. 9g) exécutée sur des tableaux d'un format réduit 
avec l'écarteraent des yeux de o"»,o65 et la distance focale de go"" est 
simplement destinée à donner une idée de la manière dont peuvent élrc 
tracées les échelles aériennes. 

Sur le tableau de gauche MN, les points E et F de rencontre et de fuite 
de la droite sur laquelle doivent s'aligner les repères ont été pris un peu 
arbitrairement mais de façon toutefois à placer convenablement Téchelle, 
et la construction de cette échelle résulte immédiatement de l'explication 
précédente. 

Quant à l'échelle du tableau de droite M'N', elle a été déduite delà 
première, en menant des parallèles à la ligne d'horizon par tous les points 
de division et en prenant sur les deux extrêmes des longueurs calculée:» 
d'après ia formule de la page 229 

b — d 

dans laquelle e= o"',o05 ei d = o^^oog (dislance focale des olijeclifs) et 
en admettant que le point lo plus rapproche soit à 20"" et le plus éloigné 
à 100"*. Les autres divisions 3,4»^ ^t 7 de celte échelle sont les inter- 
sections de la droite 2 — 10 avec les parallèles venant des divisions cor- 
respondantes de l'échelle du tableau MiN. 

On conçoit d'ailleurs que, pour obtenir des échelles suffisamment précises,, 
les épures doivent être exécutées en grand et les résultats réduits par 1j 
Photographie. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES KT LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 1^5 

linéaire, esl proporiionnelle à la parallaxe angulaire que nous 




,1/1 /, 



I 



\ j M / I / 

\ !/ / 



1/ 
I 



^7 

'• /i 



/•/ 



i-* 



/ W I / / 

Ml/'l 



/ / / / V I 
r / / / / \ t'* 



// / / 
// / / 



I I 



ri 11/ 

Il II/ 
Uillf 

m 
m// 



\ I 
\ I 
\ i 

-Y 



-^==^. 



-^^ 



•^. 



f 



désignerons par $, à la disiance focale / des lunettes et en 



246 A. LAUSSEDAT. 

raison inverse du grossissemenl G, (da = -^3 j, par consé- 
quent^ on peut écrire: 

iiiij 

mais si r désigne le rayon du chanop de vision stéréoscopique 
à l*œii nu, c'esl-à-dire la dislance à laquelle un objet doil se 
trouver pour être vu sous l'angle parallaclique j» on a : 

{i) = ri ou r = 3 

et en désignant par R le rayon du champ dû à l'effet du relief 
tolaif 

(3) \{ = rx-~ xG = —=r' 

e 

D'où, en subsliluant dans l'expression (a), 

D* 
((3) ^'^ = ¥' 

En admettant 30" pour la valeur de la parallaxe angulaire 
nous avons vu (note de la page 229) que r = 447™ et 

E 

que, grâce au relief total — G, les télémètres de 5i''"', 87'" et 

e 

144'"™ ^^ ^2ise avec les grossissemenis correspondants de 8, 
de i4 61 de 23 fois atteignent, cela a été également indiqué, 
des champs de vision stéréoscopique dont le rayon R est res- 
pectivement égal à 28'''^, 84''"™ et 228"^™; d*où, en appliquant la 
formule ((3), les erreurs suivantes que Ton peut avoir à 
craindre selon l'instrument que Ton emploie ; 



LES INSTRUMENTS, LKS MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGHAI'IIIQI'ES. 2/17 





l*' MODÈLE. 


II* MODÈLE. 


III* MODÈLE. 


DISTANCE. 


base ôl*""' 


basrt 87«''" 


hase Ui*-" 




irroBsissemeiit 8. 


grossissement 14. 


grossissement 23. 


Ul 


m 


m 


01 


5 00 


9 i,8pourioo 


3 0,6 pour 100 


// 


1000 


35 3,5 » 


1 "i 1 , A J) 


5 o,5poiirioo 


2000 


1 4 1 7,0 j) 


5o 2,5 » 


18 0,9 » 


4000 


564 ï4î» » 


200 5,0 » 


70 I , 8 » 


8000 


// 


800 10,0 » 


280 5,5 » 



De nombreuses expériences entreprises en Allemagne, en 
Angleterre, en Autriche, en Italie, en Suisse, par des obser^ 
vateurs indépendants (*) ont confirmé pour la plupart ces 
indications théoriques. Nous nous conienlerons de signaler 
particulièrement au lecteur l'une des brochures y relatives 
que In Maison Zeiss met à la disposition de ceux qui lui en 
font la demande, celle du J)' 0. Hecker, dePoisdam (-). 

Mesure des distances pendant la nuit. — On peut aussi 
mesurer les dislances des points lumineux plus ou moins 
éloignés pendant la nuit. A cet etfet, au-devant des objectifs 
sont disposés des réflecteurs plans inclinés à 45° sur la ligne 
de visée et percés d'ouvertures qui laissent passer les rayons 



(') Nou.<î avons fait nous-même récemment d*assez nombreuses expé- 
riences avec un télémètre stéréoscopique du i" modèle et nous avons 
acquis la conviction que cet instrument donnait, en eiïet, des résultats 
d'une précision remarquable, pour peu que l'on ait pris la peine de s'as- 
surer si l'on était suffisamment doué. 

(^) Ueber die Beurtheilung der Raumtiefe und den stereoskopischen 
Entfernungmesser von Zeiss-Jena von D' 0. Hecker, Polsdam. Sonderab- 
druclt aus der Zeitschrift fUr Vermessungswesen, 1901» Heft. 3. Stuttgart, 
Verlag von Konrad Wltvver, 1901. 

On trouve, à la date de février 190 1, une bibliographie complète des 
comptes rendus détaillés sur remploi du télémètre dans l'armée, 
dans le Prospectus de Notre télémètre stéréoscopique de Cari Zeiss. 

Zeiss a également construit un autre type de télémètre stéréoscopique. 
Dans ce type à compensateur, il n'y a qu'un seul index dans le champ de 
chaque oculaire. Cet index se déplace par mouvement micrométrique. 
Grâce à ce système, on peut procéder successivement à des mesures indé- 
pendantes les unes des autres qui donnent, par comparaison, une idée de 
la précision que l'on peut ojjtenir. 



24^ A. LAtSSEDAT. 

venanl des points lumineux. Pour éclairer le champ, on place 
une lanterne en avant et au milieu de Tappareil. Le point 
lumineux considéré se détache alors sur les divisions de 
réchelle aérienne et sa distance s'évalue comme à Tordinaire, 
en présence de ces divisions convenablement éclairées. 

Aptitude ou inaptitude à la vision stérëoscopique. 
Tableaux d'épreuve, — Les observations de jour aussi bien 
que celles de nuit ne réussissent qu'avec un instrument par- 
faitement réglé; celui dont nous nous occupons est naUirel- 
lement construit de manière à se prêter aux vérifications et 
aux rectiflcations nécessaires (*). Mais même alors que les 
rectifications seraient supposées effectuées avec le plus grand 
soin, nous avons déjà prévenu (p. 229) qu'il y avait des per- 
sonnes pour lesquelles la vision stéréoscopique élail très 
limitée, on peut ajouter 1res imparfaite. 

De même que pour celles qui sont affectées du daltonisme, 
c'est-à-dire qui ne distinguent pas bien les couleurs et qui, 
après des épreuves convenables, sont déclarées incapables de 
se guider avec les signaux d'avertissement sur les chemins 
de fer, il fallait chercher un moyen de reconnaître l'aptitude 
plus ou moins grande ou même de constater l'inaptitude 
absolue de celles qui pourraient être appelées à se servir des 
instruments stéréoscopiques, en particulier lorsqu'ils sont 
destinés à évaluer les distances. 

C'est dans ce but que le D"" Pulfrich a imaginé et construit 
un Tableau d'épreuves [PrUfungstafel) dont nous indique- 
rons succinctement la disposition (*)• 

Ce Tableau reproduit Planche XI ne comprend que des 
figures très simples, dessinées au trait, ne présentant aucun 
relief apparent, aucune ombre portée, rien qui puisse faire 

( * ) Voyez La Notice sur le télémètre stéréoscopique^ par le D' Pulfrich, 
V Instruction pour l* emploi du télémètre stéréoscopique grossissant 
S /ois, et le Prospectus de Notre télémètre stéréoscopique de Cari Zeiss. 

( ' ) Voyez Ueber eine PrUfungstafel filr Stereoskopisches sehen voii 
D' C. Pulfrich in lena in Zeitschrift fUr Jnstrumentenkunde, 1901, Ueft. 9. 
M. Max Lœhr, représentant, à Paris, de la Maison Steinlieil, nous a prèle 
gracieusement son concours pour la lecture de ce Mémoire. Nous lui 
adressons ici nos rcmercîmenls. 



Les iNSTlltJUKNTS, LKS AIKTIIODIJS KT Lit: DESSIN TOI>OGH.II'lllQ(Ji:». ^49 

presseniir, à la simple vue, la posiiion relative dans Tespace 
de leurs différenls élémenls. 

Mais, sous un sléréoscope ou, même sans instrument, pour 
un observateur exercé au strabisme artifleiel, toutes ces 
figures semblent s'animer, s'éloigner plus ou moins du plan 
du Tableau et se décomposer chacune en parties détachées 
les unes des autres, en un mol produire des eiïeis de relief 
des plus variés, poussés jusqu'aux extrêmes limites de la 
distinction en profondeur. 

Tracé des figures. — • Toutes les figures ont été dessinées à 
la main, à une grande échelle (treize fois environ celle du 
Tableau) et réduites par la Photographie. Pour la perfection 
de Teffel sléréoscopique, les figures choisies ou composées 
avec soin étant tracées dans le grand cercle de gauche, on 
les a transportées une à une parallèlement à elles-mêmes 
dans le grand cercle de droite, les éloignements relatifs étant 
déterminés par l'écartement entre les deux composantes cal- 
culé d'après la formule connue 

e = ^ — rr — X le coefficient d'amplification, 

dans laquelle e est l'écarlement des yeux, d la hauteur du 
stéréoscope et J) l'éloignement voulu. 

La construction dont il s'agit a été opérée sur le dessin 
original au moyen d'une longue règle de verre divisée en 
millimètres, sur laquelle on estime aisément o"*™, 2 (*). 

Nous citerons comme exemple le tracé de la figure 1 de la 
Planche XI, composé d'un point, d'un triangle, d'un carré et 
d'un cercle qui, sous le stéréoscope, sont vus à des profon- 
deurs allant en décroissant du premier au dernier. 

Il est bien entendu que les chiffres suivants conviennent au 

(0 «Sur les figures réduites, rincertitude résultante devient 

0™". 2 



'- =3=0°"". 010, 



ce qui correspond à une parallaxe de =t: 20", limite de la perception du 
relief en profondeur atteinte parles ol>scrvaleurs assez bien doués. 



2J0 



A. LAL'SSEDAT. 



Tableau de la Planche, c'est-à-dire à la réduction du dessin 
original exécuté à grande échelle. 

L'écartemenl des yeux e étant supposé de <>'",o6 et la Iiau- 
leur rf du stéréoscope de o*",i5, pour les distances voulues 
du point, du triangle, du carré et du cercle, on trouve les 
intervalles correspondants et les parallaxes linéaires et angu- 
laire résultantes. 



u. 


OBJBTS. 


e. 


I>IFF£KEKCKS 

011 parallaxes. 


III 
5,52 


point. 


III m 

58,37 


mm 
o,4o = g'io". 


4,43 


triangle. 


^7^97 


o,',3 = 9'5i\ 


3,60 


carré. 


57,5'f 


0,38 =- 8'42'. 


3,17 


cercle. 


57,16 


// 



Nous ne pourrions pas reproduire dans tous ses détails 
l'instruction du D»* Pulfrich qu'il faut suivre en entier pour 
faire servir le Tableau d'épreuve à la sélection des personnes 
convenablement douées de la vision stéréoscopique; mais 
nous signalerons quelques-uns des effeis les plus remar- 
quables et qui permettent déjà de se rendre compte de leur 
utilité pratique. 

Ainsi la figure 2 est la reproduction de deux photographies 
de Saturne, obtenues le 9 et le 10 juin 1899, par le prolesseur 
Wolf, à l'Observatoire de Heidelberg. La base qui en résulte 
pour les deux yeux est donc la partie de l'orbite terresire par- 
courue pendant un jour. Celte base qui, d'ailleurs, n'est 
pas de moins de 25ooqoo kilomètres, (réduits à la vérité à 
I 780000 par le déplacement de la planète) suffit pour faire 
voir Saturne avecsessalellitessuspendu dans l'espace en avant 
des étoiles fixes qui forment un fond plan. 

Sur la figure 4 se trouvent deux échelles dont l'une, celle 
de gauche, avec des traits rigoureusement équidistants, 
tandis que sur celle de droite il existe de légères irrégularités 
de tracé. Sous le stéréoscope ces irrégularités sont révélées 
par des différences de profondeur des traits, La première 



LKS INSTRL'MKNTS, LKS MÉTHODES KT LIi OKSSIN TOPOGRAPIUQI'ES. 'l5l 

échelle peul servir de règle normale à laquelle on compare la 
seconde. Le sléréocomparaieur du 1)' Pulfrich esi destiné à 
faciliter de telles comparaisons et à beaucoup d'autres 
recherches intéressantes, en particulier aux applications mé- 
trophoiographiques. 

A propos de l'inscription en caractères d'impression placée 
au centre des ligures, l'auteur rappelle que la comparaison 
stéréoscopique d'un vrai billet de banque et d'un faux ou 
même d'une bonne pièce de monnaie et d'une fausse dévoile 
la fraude. On voit très bien, par exemple, sur le Tableau, que le 
mot Prufungstafel est irrégulier, avec des différences de pro- 
fondeur des lettres qui montrent que la composition n'est pas 
rigoureusement la même sur les deux Tableaux de droite et de 
gauche. La figure 7 représente quelque chose d'analogue à ce 
que l'on voit dans un télémètre stéréoscopique; d'abord des 
objets appartenant à un paysage: une tour surmontée d'une 
croix, une croix de Lorraine, une girouette ou un drapeau et 
en outre différents repères de l'échelle aérienne amenés dans 
Fes positions propres à l'évaluation des distances de ces objets. 

Encore une fois, il convient de recourir au Mémoire du 
])' Pulfrich et de mettre à profit les indications plus complètes 
qu'il renferme pour pouvoir se prononcer sûrement surl'apli- 
litude de tel ou tel observateur à la perception du relief eit 
profondeur et par suite à l'emploi des instruments sléréosco- 
piques. 

XLl. — Le stét ëocomparateur (*). 

Objet et par ticularilés de cet tnslniment. — Le stéréocom- 
parateur de Pulfrich est en quelque sorte le complément du 
télémètre stéréoscopique. Ce qui le caractérise essentielle- 



(*)Tout ce qui se rapporte au stéréocomparateur est extrait du Mé- 
moire intitulé : Ueber neueren Anwendungen der Stereoskopie und iïber 
eineii hierfur bestimmten Slereo-comparator von D' C Pulfrich, in lena, 
Sonderabdrucl; aus der Zeitschnft fur Instrumentenkunde, 1901, H. 3, 
5, 6, Julius Springer, Berlin N. Nous avons eu recours, pour nous aider ^ 
traduire cet important travail, à roi)ligeance de M. le D' Arthur Viana de 
Lima, à qui nous exprimons ici notre reconnaissance. 



7.^\ A. LAVSSfiDAT. 

nient, c*esl qu'avec lui, ce n'est plus le paysage que Ton exa- 
mine, mais des images photographiques. Aussi, au lieu d'une 
double longue-vue à prismes, est-ce un microscope binocu- 
laire (avec un stéréoscope à miroirs pour Texamen d'en- 
semble) qui constitue ici l'appareil optique. 

Il convient d'ailleurs d'ajouter que ces photographies ne 
sont plus nécessairement prises «aux extrémités d'une petite 
base (celle du télémètre sléréoscopique du plus grand modèle 
est de i",5o). Nous verrons même que la grandeur de celte 
base peut devenir considérable, quand on ne se contente plus 
de photographier des paysages pour effectuer des mesures 
topographiques. On peut en effet étudier avec le sléréocom- 
parateur des phénomènes éloignés comme les météores ou 
même ceux qui intéressent les corps célestes, en les photo- 
graphiant de deux points distants de plusieurs kilomètres au 
besoin ou même de deux points successifs de Torbite ter- 
restre, comme dans le cas déjà cité de Saturne. 

Propriétés du stéréocomparateur, — Les ressources du 
stéréocomparateur sont pour ainsi dire inépuisables. Indé- 
pendamment des mesures phologrammétriques ordinaires, du 
contrôle des billeisde banque et des monnaies, de Tévaluatioii 
des erreurs de division sur les échelles, etc., rinstrument 
peut servir à la comparaison des clichés de paysages ou d'ob- 
jets célestes pour y découvrir les défauts de plaques ou les 
changements survenus dans les objets eux-mêmes ou dans 
leurs positions. Entre autres avantages que présente rins- 
trument et qui le distinguent esseniiellement du télémètre 
stéréoscopique, l'auteur cite les effets merveilleux (que nous 
connaissons déjà d'ailleurs) (*) produits parla vue stéréos- 
copique d'un paysage alpestre dont les éléments ont été 
obtenus aux extrémités d'une base de 45°" par le colonel 
Baron von Hûbl, de l'Institut géographique militaire de 
Vienne. L'examen de ces clichés avec le microscope stéréo- 



( *) Voyez Paragraphe XXXVIl les effets de relief exact obtenus avec des 
épreuves prises aux extrémités d'une base pouvant aller jusqu'à 120- de 
longueur, dans le stéréoscope de Gazes. 



LKS INSTRUMENTA, LICS MÉTIIODKS KT LE DESSIN TOPOGRAPlllQUES. 253 

scopique permelirait de construire le modèle en relief de 
cette contrée (Steinen-Alpen mit der Ojstrien-Spiize) avec la 
plus grande exactitude, à ce point que jusqu'à i^'* de dis- 
lance on peut distinguer sur les plaques des différences de 
profondeur de i™,5o. 

Une seconde supériorité du procédé stéréoscopique con- 
siste en ce que les mesures et les comparaisons s'effectuent 
ainsi beaucoup plus faciiemenl^ plus rapidementet plus sûre- 
ment que par tout autre moyen, et Tauteur cite comme 
exemples : la constatation des mouvements des glaciers, des 
affaissements du sol, des mouvements propres des étoiles, la 
recherche des petites planètes, etc. Quant aux irrégularités, 
aux différences d'un cliché à l'autre, elles se trahissent immé- 
diatement, soit par un effet particulier du relief, soit par une 
vision stéréoscopique troublée, vague (*). 



(*) Ces affirmations ne sont pas le moins du monde hasardées et nous 
pensons que le lecteur nous saura gré de donner ici la traduction d'une 
Noie tout à fait précise du D' Pulfricii, publiée dans les Astronomiscfie 
Nachrichteriy Bd GLIX, Juli 190Q, intitulée: Auffindung eines neuen 
Plcuieten, 1899, I. F. mit HiXlfe des Stereo-Komparators . 

« J'ai pu démontrer, à Taide des plaques photographiques d'étoiles que 
M. le professeur Wolf a mises à ma disposition pour les premiers essais 
du stéréo-comparateur, que des objets tels que des orbites de planètes, 
des étoiles variables et des défauts de plaques qui ne se trouvent que sur 
Tune des deux que Ton compare entre elles ou qui occupent sur les deux 
plaques des plans différents se font remarquer de suite sans qu'on ait 
besoin de les rechercher spécialement. Le trouble que les différences 
existant entre les deux plaques apportent dans la représentation de l'es- 
pace produit en effet, devant les yeux de Tobservateur, une espèce de 
lueur vacillante qui dirige immédiatement son attention sur Tendroit inté- 
ressant de la plaque. Kffectivement je réussis, dès mes premiers essais dans 
celte voie, en juin de l'année dernière (1901), non seulement à retrouver 
plusieurs peliles planètes déjà découvertes par M. le professeur Wolf, 
mais en outre à décider avec la plus grande facilité si le trait signalé est 
l'oriûle d'une planète, une série d'étoiles fixes très faibles ou un défaut de 
la plaque. 

» Récemment j'ai encore consacré un cerlain temps à la recherche de 
petites planètes sur les deux plaques de Wolf, \ d'Ophiuchus, des 9 et 
10 juin i9oi,qui ont servi de fond â l'image stéréoscopique si connue de 
Saturne (•) et je suis parvenu à découvrir encore une planète sur ces 
plaques, planète qui avait passé inaperçue auparavant, ainsi que me l'a 
écrit M. le professeur Wolf; et cet oubli est bien facile à comprendre, 

(•) Celte image est celle qui est reproduite sur le Tableau d'épreuve {PI. A7, 
/••ff. 1). 



'2'>4 A. LALSSEDAT. 

La précision avec laquelle on évalue les différences sur les 
images comparées est un troisième avantage de la méthode 
stéréoscopique qui permet de déterminer le lieu précis d'ob- 
jets à contours vagues comme la hauteur des nuages ou 
d'objets mobiles tels que des oiseaux en plein vol, des gerbes 
d'eau ou de terre sous rinfluence d'explosifs. Très probable- 
ment la même méthode sera d une application féconde dans 
rétude des étoiles filantes, des aurores boréales, des taches 
solaires, de la lumière zodiacale et des comètes (^). Enfin 
il est aisé de se rendre compte que le sléréocomparateur peut 
être aussi employé pour la mesure des longueurs par obser- 
vation monoculaire. 

Suggestions et tentatives antérieures, — Avant de décrire 
son instrument et d indiquer la manière de Tutiliser en pho- 
togrammélrie('), le l)"" PullVich rappelle que lecolonel Baron 
von HubI et nous-même avions signalé l'intérêt que présen- 
tait l'examen stéréoscopique du paysage dans cet ordre d'idées. 
A léna, ajoute-l-il, on a fail, depuis 1895, des recherches 
dans ce but. Dès 1893, Siolze avait insisté sur la valeur des 
vues léléstéréoscopiques pour l'étude des terrains, de chaque 



tant à raison du faible éclat de celle planèle que de rexlréme difficullé 
que présente la découverte dWbites planétaires de cette sorte par la vision 
monoculaire. 

» A l'aide des organes de mesures que comporte le sléréocomparateur 
et en prenant comme base les cartes célestes de Bonn, j'ai déterminé la 
position de celte planète le 9 juin 1899: heure moyenne de roblenlion du 
cliché: ii'»49"'6*; durée de l'exposition: io»*59™6» à 12»» 39" 5*; leraps 
moyen de Heidelberg; mouvement en r\: — o'",8, et en cD : — o',4 jusqu'à 
\i^ t^Z"":^* du 10 juin. Éclat entre la 12* et la i3« d'après M. le D' Villiger, 
de Munich. » 

(*) Nous semblons depuis quelque temps nous éloigner beaucoup des 
questions de Phototopographie, mais nous avons cru devoir suivre l'ordre 
adopté par Tautenr et, si nous trouvions plus tard l'occasion de traiter les 
applications de la Métrophotographie à la Météorologie et à rAstronomie, 
nous n'aurions qu'à rappeler les suggestions et les faits exposés dans ce 
Paragraphe et dans un autre endroit du Mémoire du D' Pulfrich visé 
plus loin. 

(-) Pour abréger, nous négligeons les applications de la stéréoscopie à 
l'Astronomie citées par l'auteur et faites la première fois depuis plus de 
quarante ans par Warren do la Rue et plus récemment par divers astro- 
nomes français, allemands et américains. 



LES INSTRIIMKXTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGHAPIIIOI'ES. '^55 

côlé d'une roule parcourue. Il s'était déjà servi alors pour la 
mesure sur les plaques d'un procédé semblable à celui employé 
à celle époque chez Zeiss pour le télémèire sléréoscopique 
imaginé par Grousilliers. Siolze avait en effet recours à deux 
réseaux gravés sur verres, identiques, dont un mobile, ce qui 
est analogue à Tindicateur qui, dans le lélémèlre ou le siéréo- 
comparaleur, parcourt le champ de vision. 

Enfin, bien antérieurement, en 1866, le professeur £. Mach 
signalait déjà la portée scientifique des applications de la 
Photographie et de la Siéréoscopie à la Stéréométrie, à la 
géométrie descriptive, à la représentation complète des 
organes de machines, des préparations analomiques, etc. (*). 
Mais les dispositifs examinés par Mach et par Siolze ne 
paraissent pas avoir fourni de procédé de mensuration prati- 
quement utilisable. 

XLIf. — Descriptions du téréacomparateiir. 

* 

m 

1" Le stéréocomparaleur {/ig. 100) secompose d'un micro- 
scope redresseur binoculaire, d'un champ de quelques milli- 
mètres seulement, grossissant de 4 à 8 fois, à prismes de Porro, 
servant à Télude des détails et à la mesure des trois coor- 
données : dislance, hauteur et largeur, direction des objets; 

2* D'un stéréoscope à miroirs, dans le gein*e du téléstéréo- 
scope de Helmhollz, permettant d'examiner les vues dans 
leur ensemble. La figure 100 représente le premier modèle 
du stéréocomparaleur. Ce modèle est disposé pour recevoir 
des plaques i3xi8; les nouveaux stéréocomparaleurs 
actuellement en conslruciion établis pour plaques 16 x 16 
et 24 X 3o avec quelques perfeclionnemenls de détail, n'en 
différent que par les dimensions ei par la faculté d'autres 
déplacements que ceux indiqués ci après {-). 



(') Cet auteur serait même allé jusqu'à parler d apparitions d'esprits, à 
l'exemple d'ailleurs de Brewster dans the Stéréoscope, p. 173-205, ce qui, 
on nous permettra de le dire, est au moins jusqu'à présent extra-scientifique. 

(^) Nous abrégerons la description de l'instrument donnée dans le 
Mémoire de l'auteur, la figure permettant de se rendre compte des précau- 
tions prises, par exemple, pour équilijjror le poids du cadre mobile k 

3* Série, t. II'. 17 



t56 A. LAUSIîeDAT. 

P[ el 1*1, qui soiil les plaques à comparer, peuvent ùlre 




déplacées en lous sens, isulémenl ou à la fois, para lié iemeni 



I aide du conlrepoids G et pour faciliter les déplacements au moven des 
mumveiles H, R, V et do vis et écrous oa môme d-enj-ren.-iges "d'an (rie 
auiit les fonctions se comprenneni ù première vue. 



LKS INSTRUilENTS, LKS SIÉTIIODES KT LE DESSIN TOI*OGRAlMllQlES. 9.'i7 

au plan de leur supporl (cadre). Le bras T peut porter à 
volonté soit : le microscope binoculaire à travers les oculaires 
duquel on examinera successivement toutes les régions de la 
plaque à étudier, soit : le stéréoscope à miroirs. Les 
miroirs S éclairent les plaques à examiner, et, pour éviter le 
miroitement, des verres dépolis sont interposés à i*™,5 des 
plaques. Les objets non transparents sont éclairés par en 
liaul(»). 

a, b. A, B sont des règles divisées avec leurs verniers qui 
servent à effectuer la mesure des déplacements; J est l'index 



Kij;. loi. 



Gauche G 




Bas^' 



Droite D 



Pi P^ 




delà division du cercle pour Torientalion des plaques; tous 
les verniers donnent jusqu'à ^ ou ~ de millimètre. 
L'ensemble de ce dispositif permet de mesurer les dépla- 
cements des cadres effectués : i'' parallèlement à la ligne 
des oculaires, à l'aide de la vis micrométrique M; ?/» per- 
pendiculairement à cette direction à l'aide de la vis micro- 
métrique N; le nouveau modèle de comparateur permet 
de tenir compte de la différence d'épaisseur des deux 
plaques P|, P2. Le cadre E peut enfin aussi se déplacer le 



(') Dans les nouveaux modèles les plaques transparentes sont éclairées 
à l'aide de petites lannpcs électriques. 



7,58 



A. LAt'SSKDAT. 



long de son support en pupitre, et ses déplacements sont 
mesurés sur les échelles A et B. 

La marche des rayons dans le sléréocomparateur et aupa- 
ravant pour Tobleniion des plaques est représentée sur les 
figures loi, 102 et io3. 

La figure ici indique celle marche pour les vues prises 
avec un appareil phoiographique; Pi et Po sont les plaques el 
£ la parallaxe résultant de la grandeur I-II de la base. 



Fig. 102. 



-Sl 



P, 



D 



G />3 



Oiaciine 
des pliHiucs csL reiournée de 180". 



GFf;D GFU^H,/; 





Yeux de l'observateur. 



La figure lo^ représente la marche des rayons dans le 
microscope stéréoscopique. 

Les deux objectifs Qi, Q2 sont mobiles suivant Taxe du 
microscope stéréoscopique. Le grossissement des oculaires 
est d'environ 6 fois (/= 3o'"'"), et de cette façon le grossisse 
ment des microscopes peut varier à volonté de 4 à 8 dia- 
mètres. 

La marche des rayons dans le stéréoscope à miroirs esl 
indiquée sur la figure io3. 

M|, Mo sont les centres des diaphragmes B, Bi, B2 B2 placés 
devant chaque image; ceux-ci combinés dans la vision stéréo- 
scopique formeront un cadre BB à la vue du paysage, ^i, Sp 
^2, S2 sont les quatre faces réfléchissantes; Ji, ^2 étant des 
faces argentées de prismes, tandis que S|, S2 sont des glaces 
planes argentées. On règle la position des surfaces réflé- 
chissantes de façon que Timage stéréoscopique des dia- 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPllIQUES. l5g 

piiragmes^ B B, soll approximativement à la même dislance 
de rœil que les plaques elles-mêmes (en tenant compte des 
rayons brisés). Si Tobjectif qui a servi à prendre les vues 

Fi g. io3. 
P(oo) 




Yeux de l'observa leur. 



Pi, p2 a un foyer égal à la distance des plaques à l'œil, la 
perspective ne sera pas altérée. 



XLIII. — Emploi du microscope-stéréoscope . 



Ordre des opérations. — On met d'abord au point les 
oculaires 0|, O2 (fig* 100) pour chaque œil séparémeni, en 
se servant du mouvement hélicoïdal et des indications en 
dioptries dont ils sont munis; dans le champ de chacun des 
oculaires on doit voir nettement un index. Puis, à l'aide 



2Go A. LAU«^ËDAT. 

(le la vis mlcrométrique iv on règle récarlement des oculaires 
(le façon à pouvoir bien superposer les images. Si Tonconnaii 
la dislance pupillaire, récariemeni pourra êlre établi d'emblée 
en amenant le trait ^en face de la division convenable. 

£n mettant alors simultanément au point les deux plaques, 
la parallaxe entre Tindex et Timage doit disparaître. 

Les mesures avec le microscope-stéréoscope se font au 
moyen de Tindex mobile qui avance ou recule dans le sens 
de la profondeur quand on agit sur la vis micrométrique m 
que Ton voit sur les figures loo et io^ï. L'index est un petit 
irait vertical qui se trouve dans le champ de l'oculaire droit 
et peut se mouvoir latéralement dans le sens de la ligne OiO, 
des deux oculaires. On peut lire directement sur l'échelle le 
millième de millimètre. 

Cette vis micrométrique m ne doit d'ailleurs être employée 
que pour les petites différences de profondeur. Habituellement 
et, en-particulier, dans les applications photogrammétriques, 
on la laissera au zéro et l'on aura recours à la vis M (/g*. loo) 
de l'échelle a. 

On effectue les mesures comme avec le télémètre sléréo- 
scopique, en faisant arriver l'index au-dessus ou à côté de 
l'objet à mesurer et en réglant la position de M (ou de m) de 
manière que l'index soit vu à la même distance apparente 
que l'objet. 

Orientation des plaques. — Pour se retrouver dans les 
conditions mêmes de l'observation, on a soin de disposer les 
plaques Pi, P, sur le siéréocomparaleur de la manière 
suivante : les négatives la couche en bas, les diapositives^ 
laites par simple contact, la couche en haul. On inet les 
plaques P, et {\ sur le siéréocomparaleur, à gauche et à 
droite, de façon à reproduire rorientalion naturelle. Cela n'est 
nécessaire toutefois, on le comprend, que pour les paysages 
et non pour les clichés siellaires. 

Dans tous les cas, on doit toujours procéder de façon 
que l'observateur, en se servant du siéréocomparaleur, voie 
les choses comme si ses yeux se trouvaient aux deux extré- 
mités de la base qui peut êlre d'ailleurs inclinée ou non par 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LÉ DESSLN TOPOGRAPIUQUES. 261 

rapport à l'horizon des plaques, c'est-à-dire aux deux stations 
d'où les vues ont été prises. 

Le meilleur procédé pour l'examen du détail et pour les 
mesures avec le stéréoscope-microscope est d'orienter la 
plaque (quelle que soit l'inclinaison de la base) de manière 
que son horizon soit parallèle à la ligne des deux oculaires 
(/îg*. io4). Alors les divisions A et B {Jig\ loo) donnent 

Fi g. 10 ;. 








V 


II 

— ---i 


^ 






X / 


/ 


K 


K 


1 X 







--^^^^- H' 



immédiatement les .deux coordonnées d'un point de l'image, 
et, de la projection B' de la base sur l'horizon de la plaque 
ainsi que des projections (e') directement mesurées des 
différences parallactiques sur le même horizon découle la 
distance cherchée. 

Dans cette orientation des plaques, le résultat de la mensu- 
ration est en tout le même que si les objets du paysage et les 
deux stations d'observation se trouvaient sur un même plan 
(le plan de projection passant par l'axe optique et l'horizon 
de la plaque), l'observateur les voyant des deux extrémités 
de la projection de la base. 

Une autre orientation peut être utile pour la mensuration (*). 



(*) L'auteur avait indiqué tout d'abord une orientation s'appliquant au 
cas très fréquent où la base est inclinée sur l'horizon, elle consiste à faire 
tourner les deux plaques placées d'abord sur le sléréocomparateur avec 
leurs lignes d'horizon parallèles à la ligne des yeux, d'un angle égal à 
rinclinaison de la base, mesuré à l'aide de l'index J {fig> loo). Avec cette 
disposition on évite certaines chances d'erreurs en examinant les plaques 
dans toute leur étendue, au moyen du stéréoscope à miroirs qui facilite 
une exploration rapide du paysage. 

Toutefois elle ne saurait être employée que subsidiairement dans la 



262 A. LAISSKDAT. 

Dans le cas où la différence de hauleur des deux stations esl 
plus grande que la dislance horizontale, il est avantageux de 
faire tourner chacune des deux plaques I et U (fig, io4) 
d'un angle de 90'' vers la gauche ou vers la droite, suivant 
que la slation 1 esl plus haute ou plus basse que la staiion II. 
La ligne des oculaires est alors parallèle à la verticale de la 
plaque. 

Examen des plaques sous dâ'ers angles de position. — 
Les considérations précédentes s'appliquent à rinterprétaiion 
exacte de Teffet stéréoscopique, quand il existe une base. 
S'il n'y a pas de base et que l'on se propose seulennenl de 
découvrir et de mesurer les différences d'iniages, alors l'exa- 
men peut se faire sous n'importe quel angle de position, mais 
toujours le même sur les deux plaques. 

Dans tous les cas où ne prédomine pas une direction déter- 
minée pour le déplacement des poinis de l'image, l'observation 
stéréoscopique des plaques dans deux angles de position 
différant entre eux de 90° sera nécessaire et suffisante pour 
reconnaître et mesurer les déplacemenis de points enregistrés 
sur les plaques. 

Il y a naturellement beaucoup de précautions à prendre 
pour assurer l'exactitude des mesures, et la position des 
plaques sur le stéréocomparateur a notamment besoin d'être 
bien réglée; mais nous ne saurions entrer ici, à ce sujet, dans 
tous les détails nécessaires et nous devons encore renvoyer 
le lecteur au Mémoire de l'auteur (*). Nous signalerons 
cependant l'emploi de deux prismes à réi^ersion fixés sur 
une monture qui peuvent être introduits près des oculaires 
du microscope-stéréoscope, ce qui permet de tourner et d'in- 



praLique courante, car si elle permet de clélerraiiier immédiatement les 
différences parallacliques ainsi que les distances chercliées des objets, 
elle ne se prête pas à la détermination des éléments nécessaires au calcul 
des autres coordonnées (largeur et hauteur) des points des images par 
rapport à la croisée des lignes tracée sur les plaques; d'où la direction. 

(•) Ueber rieuere Anwendimgen der Stereoskopie, elc.f Sanderabdruck 
ans der Zeitschrift fur Instriimentenkunde, 1902, Heft 5. S. i38, 139 
und i^o. 



LES INSTRLMENÏS, LES MÉTHODES ET LE UESSLN TOPOGRAPIIIQUES. î63 

lerchanger les plaques sans avoir à procéder à un nouveau 
réglage. 

Degré d'exactitude de la détermination des parallaxes 
stéréoscopiques. — La condition d'aplilude pour la vision 
stéréoscopique est avant tout indispensable et Ton sait 
que la limiie de la sensation du relief correspond à une 
parallaxe angulaire de 3o'' pour un observateur ayant une 
vue normale et qu'elle atteint lo" pour un observateur excep- 
tionnellement doué. 

Mais une différence de Tangle de convergence des axes des 
deux yeux de i' correspond dans le stéréoscope, avec un ocu- 
laire de foyer /' = 3o"^'", à une différence parallaclique du 
point de l'image de o^^^joog, soit o"^'",oi (*). 

Avec celte valeur linéaire limite de la différence parallac- 
lique (<i^a=: =b o™"Soi) et la distance focale / de Tobjectif 
photographique, la parallaxe angulaire du point de respace, 
à la limite de la perception du relief, peut être obtenue immé- 
diatement, car elle est égale à -779 ou, ce qui revient au même, 

a-T,délanl l'angle parallaclique à l'œil nu (supposons 1') 

et G le grossissement de l'ensemble optique, c'est-à-dire le 

f 
rapport*^ de la distarice focale de l'objeciif photographique 

qui a donné les images à celle de l'oculaire du stéréocompa- 
rateur avec lequel on les a examinées. 

Par exemple, avec une distance focale de 170™'", supposée 
la plus petite que l'on doive employer dans les levers photo- 



(') L'auteur avait déjà présenté la remarque suivante, à un aulre endroit. 
« Avec le stéréocomparateur, par suite du grain des plaques (des émul- 
«ions), la distinction des difTérences de profondeur est nécessairement un 
peu réduite. Néanmoins, de bons observateurs arrivent encore à distinguer 
10" comme différence de profondeur sur d'excellentes plaques. Avec le gros- 
sissement moyen (6 diamètres) du microscope stéréoscope, on aurait donc 
comme dernière limite linéaire de la distinction de profondeur pour les 
plaques, dans les meilleures observations, zto^^jOoiS et dto^^jOi pour 
une moyenne ordinaire en chiffres ronds. Avec les grossissements de 4 
ou de 8, celte limite serait naturellement plus petite ou plus grande, a 



2G4 A. LAl'SSEDAT. 

grammétriques, la différence de direcUon du point de Tes- 
pace esl de lo" à 12"; avec une distaoce focale de 3'°,4o, 
comme celle des objectifs employés au lever de la Carie du 
ciel, celle différence n'est plus que 6*, el, dans les meilleures 
circonstances^ elle se réduit même à 7!^ et jusqu'à 1". 

XLIV. — Principes de la Stéréopkotogrammétrie (•) 

ou Me trostéréo graphie. 

Avantages de la Stéréophotographie, — Le procédé de 
mensuration siéréoscopique, tout en permettant une plus 
grande précision, n'exige que des bases dix ou vingt fois plus 
peliles que celles dont on fait habituellement usage en Photo- 
grammétrie et qui sont de 5oo™ à 1000'" et plus. 

Dans les levers siéréophologrammétriques, on doit diriger 
constammeni les axes optiques parallèlement entre eux et 
perpendiculairement à la direction de la base, les deux stations 
éiani, d'ailleurs, à la même altitude ou à des altitudes diffé- 
rentes ('^). 

A bord d'un bâtiment il seraii facile d'installer, à poste ^\\&y 
deux appareils identiques, en ayant ainsi pour base une parlie 
bien déterminée de la longueur de ce bâtiment et en prenant les 
dispositions nécessaires pour que les obturateurs soient dé- 
clenchés simultanément par l'électricilé ; on ferait ainsi 
d'excellenies éludes de topographie des côtes dans des con- 
ditions qui ne sauraient être trop appréciées. Il serait même 
à souhaiter que des expéditions nautiques fussent organisées 
dans un avenir prochain pour entreprendre des explorations 
téléstéréoscopiques . 



(*) C'est le nom adopté par le D' Pulfrich auquel nous subslitueroiis 
souvent celui de métrostéréo graphie employé par M. Gazes. Nous.iratla- 
chons d'ailleurs pas plus d'importance à l'une de ces désignalions qu'à 
l'autre, et ce qui nous intéresse avant tout, c'est de rencontrer la meil- 
leure solution de la question. Kn faisant une analyse aussi complète que 
possible du Mémoire de M. le D' Pulfrich, nous continuerons donc à nous 
servir de l'expression qu'il a choisie. 

(0 On se souvient qu'au contraire, avec le stéréoscope do M. Gazes, les 
deux stations doivent être sensiblement à la même allilude. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN T0P*0GRAPI1IQUES. 265 

Conditions que doivent rempiir les appareils photogra^ 
phfques.— La plaque doit être perpendiculaire à Taxe optique 
et bien centrée, c'est-à-dire que le point d'intersection des deux 
traits, horizontal et vertical, qui figurent sur l'épreuve, doit 
correspondre à la rencontre de Taxe optique (point principal 
de la perspective). La distance de la plaque au point nodal 
d'émergence de l'objectif doit être constante et, quand on 
emploie deux appareils, ces distances doivent être identiques. 
On conçoit, notamment, que cetie condition est absolument 
indispensable dans l'observation de phénomènes instantanés, 
comme les mouvements des vagues ou des nuages, les étoiles 
niantes, les aurores boréales, etc. 

Lorsqu'on ne dispose que d'un appareil qui doit être placé 
successivement aux extrémités de la base, dans les levers 
topographiques, la condition d'égalité se trouve spontanément 
remplie, mais il pourrait arriver qu'entre les deux opérations 
il se produisît un changement d'éclairage appréciable dans la 
vision stéréoscopique. Heureusement cela n'exerce aucune 
influence sensible sur l'exactitude des mesures. 

La rigidité de l'appareil est tout à fait nécessaire. On 
emploiera donc une chambre noire métallique. Les plaques 
devront être bien planes^ et c'est un motif de préférence pour 
les glaces. Les déformations de l'image par l'objectif pouvant 
avoir une influence sensible sont celles qui portent sur les 
coordonnées en hauteur et en largeur. 

Disposition et mise en station de VappareiL — La 
figure io5 est un croquis schématique de l'appareil pholo- 
grammétrique. 

Cet instrument est naturellement du type du théodolite. 
A| est son axe vertical, A2 son uxe horizontal, H le cercle 
aziniulal et V le cercle vertical, L la lunette, l'objectif, 
P la plaque. 

La croisée -h qui doit être reproduite sur l'épreuve est tracée 
sur la face extérieure d'une glace parallèle que l'on dispose à 
très petite dislance en avant de la couche sensible de la 
plaque. Un prisme à réflexion totale 11 dit rfé? Pranrf//, dont 
l'angle de déflexion est constant cl de 90", est phcé devant 



l'objeclirde la iuiielle et peutlourner aulourde l'axe optique. 
Grâce à ce dispositiT, la condition formulée plus haut est faci- 
lement remplie, à savoir que les axes optiques des appareils 




-^ 



placés aux extrémités de la base seront diriges perpendicii- 
lairemenE a celle-ci et seront parallcle>< entre eux. 



XLV. — Stéréopholograinmëlrie. Détails 



Détermination de la position d'un point dans l'espace à 
l'aide des mesures stéréophotogrammélriques. — Soient 
M,, Mî (Jig- 106) les centres des objecliTs photographiques; 
OtMi etOiMi les axes optiques, parallèles entre eux et per- 
pendiculaires à la base B; P,elP, les plaques photographiques, 
parallèles à la base et perpendiculaires à OM, sur lesquelles 
les lignes horizontales Oi X ei Oi X ont été obtenues indépen- 
damment, à chacune des stations, quelle que soit la difTérence 
de niveau de celles-ci. 

Soient enfin i l'inclinaison de l'axe optique sur l'horizon 



LES INSTRUMKNTS, LES MKTHODKS ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 267 

dans les deux stations, S le point à déiernfiiner {fig. io6 bis), 
par ses dislances d^ et d^ à Mi et Mj. 

Les images de S sur les plaques Pj et Pj étant /7i et/?,, 
pour déterminer immédiatement la différence parallactique 



Fig. loG. 




Fi g. loi) bis. 




a=^ p^Pi, le premier moyen qui se présente est d'orienter les 
deux plaques, comme cela a été indiqué dans la note de la 
page 261, et l'on trouve en même temps les coordonnées des 
points d'image py et p^, par rapport à la croisée des lignes 
verticales et horizontales des deux plaques. 

Avec ces données et la longueur de la base B, en recourant 
à la similitude des triangles />, p^ Mo et Mj Mj S, on calculerait 
assez facilement r/j et d^. 

Mais on peut supposer les points M,^ M2 el S projetés sur un 



•Jif»8 



A. LIUSSEOAT. 



plan passant par Taxe optique et par la ligne horizontale Oj X 
de la plaque et ensuite sur un plan passant par le mênne axe 
optique et la ligne verticale G, Y de la plaque. 

En orientant alors convenablement les deux plaques, selon 
le cas, d'après les indications données page 261 {fig. lo^), 
on détermine successivement les différences parallacliques 



a' = p'ip'i =: Xî — Xi (Jig, 106 et 107) 



et 



a 



Pi-Pi^Ti-r^ 



(et Ton en déduirait au besoin a, puisque a' = a cosjx ou 
a":=asin/uL et que Ton peut déterminer l'inclinaison de la 
base fz comme nous le montrerons). 

En menant par le point S^ dans le premier cas^ un plan 
parallèle à ceux des plaques, la trace de ce plan sur le plan 



Fig. J07. 




de projection sera S' Q {fig. 107), S' étant la projection de S, et, 
selon la remarque de M. le professeur C. Koppe, la distance 
Z = MiQ de ce plan à la station Mj, qui est la projection 
sur l'axe optique des dislances rfj, «?2, d\ , d^, peut être avanlî^ 
geusement employée dans les calculs. 
Après avoir obtenu, en effet, sous le sléréocomparateur, le: 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 2G9 

projections a' et a" de la différence parallaciique a pour tous 
les points considérés des épreuves Pj et Pj, d'après la simili- 
liide des triangles PiP^^lt et Mi M2 S {Jlg- loG et 107) et 
celle des triangles /?| Oi Mi et Mi SQ, on a : 

et, d'après la similitude des triangles y^;/^; M.^ et Mi Mj S' 
et celle des triangles p\ 0\ M| et M, S' 0? 

a' : B' : : p\M^ : d[ =/: z 

et Ton trouverait de même a" : B" =f : z. 
Ainsi l'on a la relation générale 

(l) ^=:*^B = 4b' = 4b"('). 

^ ^ a a a ^ 

En prenant Mi pour origine d'un système de coordonnées 
rectangulaires ayant la parallèle à 0|X pour axe des X, la 
parallèle à OiYpour axedes Yet l'axe optique pour axe des Z; 
sur les trois coordonnées, Z est donnée immédiatement par 
l'une des équations (I), et, pour déterminer les deux autres, 
nous aurons, par les coordonnées Xi et j, du point de l'image 
sur l'épreuve Pi, les valeurs : 

(II) ^ = J^ ^^ {lU)Y^^z; 

ces trois expressions peuvent d'ailleurs être réunies sous la 
forme suivante : 

J = ^i I B' B' 

\ z=ri } X -7 ou X -- 

A — / ] 

et le problème est ainsi complètement résolu. 

La distance du point S ou de sa projection S' à Mi et à M2 
se calcule en effet immédiatement au moyen de X, Y et Z. 



(*) Il résulte de cette relation que la différence parallactique et ses 
projections sont les mêmes pour tous les points situés dans un même plan 
perpendiculaire à l'axe optique ou parallèle aux plans des plaques. 



270 A. LAL'SSEDAT. 

Il y a lieu toutefois de bien se rendre compte des précau- 
tions à prendre dans l'emploi du stéréocomparateur, en par- 
lant des zéros des deux échelles A et B(y?g*. 100) pour évaluer 
les coordonnées Xi et jTi de chacun des points de l'épreuve Pi 
et celles a?, ely^ de l'épreuve P,. 

Il reste enfin à savoir conunent on obtient les valeurs de B' et 
de B". On a bien B'= Bcos/jt elB"=:sin /x, mais Tangle/x que 
la base fait avec la ii^çne horizontale OX delà placjue ne peut 
pasêlre mesuré directement; ilfautdoncmesurerrinclinaisoiu' 
de Taxe optique et celle X de la direction de la base avec l'hori- 
zon, et Ton voit alors facilement que B' = :v/cos^z — slii*>. 

^ cos i ^ 

etB" = .sinX; d'où l'on pourrait aussi déduire la valeur 

cos i 

de /x. 

Quant à la longueur de la base elle même, on la mesure 

avec un décamètre ou bien elle est déduile d'une triangulation 

ordinaire. 



XLVI. — Stéréopliotogrammétrie. Suggestions pratiques. 

Construction des plans et des modèles. — Il ya deux cas 
particulièrement intéressants à considérer dans la pratique : 
celui où l'axe optique est horizontal ^ := o et celui où il est 
vertical i=^ 90*^. 

Dans le premier, qui est de beaucoup le plus fréquent, en 
considérant d'abord l'épreuve Pi, tous les points dont les 
images sont sur OiX, qui est alors la ligne d horizon et que 
nous prendrons pour axe des Y, sont évidemment à la même 
hauteur que Mi. En calculant X et Z, on a donc les éléments 
du tracé de la courbe de niveau correspondante. 

On peut opérer de même sur l'épreuve Pg et obtenir ainsi, 
en général, deux courbes de niveau distinctes dont la diffé- 
rence de hauteur est égale à B sin [x, ^ étant alors égal à X. 

L'auteur ajoute qu'en prenant des épreuves à plusieurs 
hauteurs différentes, on construirait autant de courbes de 
niveau par ce procédé. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGUAPIIIQtES. 27 1 

IVuii auire côié, d'nprès la propriété indiquée dans la 
note (*) de la page 9.6c) qui résulte de l'expression (]), on 
conçoit la possibilité de déterminer lous les profils verticaux 
que Ton voudrait, à des distances déterminées de Tune ou 
de Taulredes deux siations M^ ou M.,. 

Le second cas, où / = 90°, correspond à celui de vues prises 
en ballon avec une chambre noire dont l'axe optique est 
vertical et où ces vues, prises de hauteurs suffisantes, consii- 
tuenl de véritables plans; on conçoit alors également que 
l'on puisse déterminer autant de courbes de niveau que Ton 
voudra, en se fondant sur la remarque précédente relative 
aux profils verticaux que l'on obtient dans le cas où l'axe 
optique est horizontal. 

L'auteur espère, à l'aide du stéréocomparateur associé à un 
mécanisme approprié comprenant un pantographe, parvenir à 
tracer directement, soit les courbes de niveau, soit les profils 
verticaux à l'échelle convenable et, par conséquent, à 
réunir les élémenls nécessaires pour construire, au besoin, 
des modèles en relief du terrain; mais il n'est pas encore 
entièrement fixé à ce sujet. 

Ei'aluallon des erreurs et mesure des dimensions d'objets 
éloignés. — Pour évaluer les erreurs, il faut tenir compte 
de l'exactitude avec laquelle les trois quantités a, œ^ et y\ 
peuvent être mesurées. 

En ce (pli concerne a, nous avons admis qu'à la limite 
^/a =1^ it= o'""',oi (p. 2.63); pour Xi et j,, cela résulte de la 
lecture des deux verniers A et B (//^. 100) qui donnent 

dx^ — dy\ — ±. G""", I . 
En dilîérentlant les expressions (l), (ll).et (lll), il vient 

dT^--^~da^^'i.da, d^^'fy , ^V^^Z. 

L'exactitude des dimensions des objeis éloignés dépend 
également de celle des lectures faites sur le siéréocompa- 
raieur, c'est-à-dire de da, dx^ et r/j,. 

3" Série, t. IV. i« 



l'I A. LAUSSËDAT. 



Dans la formule de ^/Z, qui esl la plus importanie, on peut 
introduire avantageusement le rayon R du champ siéréosco- 
pique du à TelTel du relief totaiy en remplaçant récartemeniE 
des objectifs du télémètre par la buse B dans la formule (3) 
de la page 7.46 qui devient alors : 

C â /* 

R=-:^B et comme e/a=~(p. 246) 
Jà vi 

^ ' da 

pour une distance Z, Terreur sera donc : 

Z* 7- Z* 

(2) rfz=^-jg</fl=j- d'où ^^^ 

OU encore la proportion rfZ : Z :: Z : R. 

Cette formule peut servira calculer rapidement la longueur 
de la base qu'il faut employer pour mesurer, avec une 
approximation donnée rfZ, la distance Z d'un objet indiqué, 
quand on se sert d'un objectif dont la dislance focale est 
connue. 

Supposons, par exemple, qu'il s'agisse, avec un objeclif 
de 18""" de foyer, de mesurer la distance d'un point situé 
à 10'"" environ, à loo'" près, on aura pour R [formule (2)] 

Z- loo"^"' .^ 

dZ 1^ 

10 

et pour B [formule ( i )] 

_ H ,., I oooooo'" 1000"^ .^ 

B = ( ' ^ — ^ = — TT- = 55'", 6. 

I joooo 10 

~da^ 

La Table suivante donne quelques valeurs numériques 
relatives au foyer /= 180""" et aux éléments considérés 
B, 1), a, c'est-à-dire la base, la dislance du point ei la diffé- 
rence parallactique, enfin le relief total qui, comme nous le 



xitim 



C) -j- = = 18000. 



LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN T0P0GRA1>HIQUES. 273 

savons, est le coefficient d'amplificalion du champ de vision 
à l'œil nu : G X -> G étant le grossissement et e l'écartemeni 



Distance D = Z 
en 


Ditrércnce 


s parai lactique 


a = - f en mir.imètres 


kilomètres. 




pour f ^ 180 


"■• et 5 = 1'. 






- 


• 


< 0,01 


1 
< 0,01 


2000 
1000 


0,02 
o,o4 


0,01 


5oo 






o,o3 


0,07 


200 
100 




< 0,01 


0,06 
o,i3 


0,18 

0,36 


0,02 


80 




0,02 


0.16 


0,45 


60 


< o,or 


o,o3 


0,21 


0,60 


40 


0,01 


o,o5 


o,3i 


0,90 


20 


o,o3 


0,09 


0,63 


1,80 


10 


o,o5 


0,18 


1,26 


3,60 


8 


0,07 


0,22 


1,58 


4,5o 


6 


0,09 


o,3o 


2, 10 


6,00 


4 


0. i3 


0,45 


3,i5 


9.00 


2 


0,27 


0,90 


6,3o 


18,00 


I 
0,8 


0,54 
0,66 


1.80 
2,20 


12,60 
1 5 , 75 


36,00 


45,00 


0,6 


0,90 


3,00 


21 ,00 


60,00 


0/» 

0,2 


1,35 
2,70 


4,5o 
9,00 


3i ,5o 




63 , 00 


0,1 


5,^0 


18,00 






Base B en mètres. 


3 


10 


7'» 


200 


Rayon R du champ 










sléréoscopique 


3'i 


180 


12 60 


36oo 


en kilomètres. 










Relief total. 


280 


925 


65 00 


1 8 5oo 



des axes des yeux (65""" en moyenne). Cette Table est aussi 
également intéressante pour les relevés téléstéréoscopiques. 



a "4 A. LAISSKDAT. 



XLVII. — Stéréophoiogrammétr.ie ou métrosléréoscopie. 

Élat de la question ^ 

Solutions diverses proposées ou à l'étude . — La meil- 
leure preuve que la méirosiéréoscopie lend à s'iiilroduire 
dans la pratique, sinon à se subsliiuer enlîèremeni à la mé- 
thode phoiograplilque ordinaire (ce qui ne serait pas toujours 
possible, il faut bien en convenir) c'est que plusieurs per- 
sonnes s'en occupent, igdépendammenl les unes des autres 
el dans différents pays, en France, en Allemagne, en Au- 
triche, et dans deux des plus importantes colonies anglaises, 
au Cap et au Canada. 

En France, sans rappeler nos propres prévisions, riiabile 
opérateur et observateur, M. Cazes, a déjà réuni les élémeius 
d'une solution dont il poursuit activement la réalisation. A 
la prière que nous lui avions faite de nous mettre au courant 
de ses recherches, il nous a l'ait la réponse suivante (^) : 

« En ce qui concerne mon procédé de mélrostéréoscopie 
(dont l'étude complète ne pourra se faire qu'après mon 
retour à Paris), je ne voudrais pas trop m'avancer dans les 
explications y relatives, de crainte de laisser échapper quel- 
ques inexactitudes. 

)) Tout ce que je puis dire pour Tinstanl, c'est qu'il con- 
siste essentiellement en un appareil permettant d'uliliser 
immédiatement la vision stéréoscopique pour tracer un plan 
coté méthodique de la région photographiée dans des condi- 
tions déterminées, de deux points de vue différents. 

» Les conditions principales à réaliser sont les suivantes: 

» i*" Les deux points de vue seront à la même altitude; 

» ?,'* Les distances focales des deux objectifs seront égales; 

)) y Les plaques sensibles seront dans un même plan; 

» 4^ Les deux points de vue seront distants l'un de l'autre 

— — — ^ " ■ — F — - — "* 

(•) Lettre datée du 3o août iv^^yî, de Fos (Haute-Garonne). 



LES INSTULMKNTS, LKS MKTHODKS ET LK DKSSLN TOPOGR APIIIQUKS. 275 

(l'une longueur qui ne dépassera pas le { de la distance du 
point de vue au premier plan de front utilisé ( ' ). 

» Je comple obtenir une précision variable avec la dis- 
lance, mais de même ordre que celle qu'on obiiendrait par la 
méthode habituelle des intersections, si Ton reportait tous les 
points au ~ de millimèlre près. 

» La rapidité des mesures est vraiment étonnante, grâce à 
Tordre systématique adopté. » 

£^n Allemagne. — M. lel)'' Pulfrich, de son côié, dans les 
conclusions de son Chapitre sur les principes de la stéréo- 
photo gramme trie dont nous avons mis les parties essen- 
tielles sous les yeux du lecteur, dit qu'il a fait des essais, dans 
les ateliers de Zeiss, sur de nombreuses épreuves photogra- 
phiques et comparé quelques-uns des résultats qu'il obtenait 
avec ceux du colonel autrichien baron von Hûbl. Il dit aussi 
qu'un autre promoteur de la phologrammélrie, le professeur 
C. Koppe, s'est rendu comple personnellement, à léna, des 
propriétés de son appareil et de son emploi, en rappliquant à 
l'examen de vues de la Jungfrau qui, par leur combinaison 
stéréoscopique, avec une base de plus de looo"', donnaient 
des elfeis de relief un peu exagérés pour des objets situés 
jusqu'à S"""* ou 4*""» niais tout à fait surprenants en ce qu'ils 
faisaient saisir d'un coup d'œil les vraies formes de la mon- 
tagne (-). 

Les deux planches XI et XII déjà citées représenieni, l'une 
les vues siéréoscopiques de la Vallée de Fos prises par 
M. Gazes el la moitié inférieure de l'autre une réduction de 
deux vues prises dans les Alpes dolomitiques par M. le Colo- 
nel baron von Hùbl. 

Ces groupes examinés, le premier avec le stéréoscope à 
deux miroirs pour chaque vue de M. Gazes, et le second dans 
un stéréoscope ordinaire de Brewster, produisent des elfeis 



(•) Pour la détermination de cette distance du premier plan de front 
ulilisal)le, voir la Stéréoscopie de précision, de M. L. Gazes. 

(-) A rapprocher de ce que disait déjà iielmlioltz, à propos des vues de 
la .lungfrau prises de Mûrren par liraun père (p 232). 



276 A. LALSSEDAT. 

de relief déjà très accusés et qui peuvent donner une idée de 
ceux qui viennenl d'être signalés. 

Au Cap de Bonne-Espérance, — M. H. -G. Fourcade, du 
Service forestier, a proposé aussi une méthode stéréoscopiqiie 
pour le lever des plans (^), qui présente la plus grande ana- 
logie avec celle du D' Pulfrich. Voici comnnent Tauteur en 
expose lui-même l'idée fondamentale. 

« Dans la méihode proposée, des photographies sont prises 
avec la chambre noire, de- deux stations, les plaques étant 
exposées dans le plan vertical qui passe par ces deux siaiions. 
Un réseau ou un cadre gradué donne le moyen de mesurer 
les coordonnées de chaque point sur la plaque par rapporta 
Taxe optique de la chambre. Après le développement et le 
fixage, les négatives ou les positives sont examinées dans un 
appareil stéréoscopiqne mesureur, en les combina nt de façon 
à rendre possible l'exacte ideniificaiion des poinis communs 
aux deux images. Des fils micromélriques traversent le chanip 
de chacune des images et on les amène à être vues simulta- 
nément avec les deux yeux. La leciure des micromètres 
rapportée au réseau donne les trois coordonnées du point 
correspondant, par multiplication ou par division, les constantes 
pour les plaques étant la distance focale de Tobjectif et la 
longueur de la base. 

» Quand les poinis ont été rapportés en assez grand nombre, 
on peut tracer les courbes de niveau. » 

Suivent, après la théorie de la méthode, la description de 
la chambre noire montée toujours comme un théodolite avec 
une lunette dont la direction est perpendiculaire à Taxe optique 
de l'objeciif, la détermination des constantes instrumentales, 
la description de l'appareil pour effectuer les mesures sur 
les plaques qui, sous tous les rapports, rappelle le stéréo- 
comparateur (-). enfin une discussion relative à la précision 



{') A stereoscopic method of photographie surveying. A paper read 
on oclober 2, 1901, before llie South Alrica IMiilosoptiical Societv, by 
M. H.-G. FouHCADE, Forest Deparlmenl, Capetown. Absiract from Naturt 
June j, 1902. Lonilon. 

( = ) Cela est si vrai que, M. Fourcade s'otan l'adressé à la maison Zeisspour 



LKS INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQIJES. 277 

des mesures, en faisant varier la grandeur de la base qui doit 
être réduite, notamment quand on opère dans des vallées 
élroîles. 

La méthode, dit en terminant Tauleur, peut être d'ailleurs, 
combinée avec celle des levers photographiques ordinaires. 
Elle est plus particulièrement recommandable quand on a à 
lever de grandes éiendues en po^s de montagnes. 

Au Canada. — Nous terminerons cette revue par la des- 
cription d'un appareil stéréoscopique pour la construction 
des plans topographiques présenté récemment par M. E. De- 
ville à lu Société royale du Canada (*). 

M. E. Deville a bien voulu nous communiquer un extrait de 
son Mémoire accompagné d'un dessin très expressif qui n'ont 
pas encore été publiés par lui et dont il nous a autorisé à 
nous servir. 

* 
Appareil stéréoscopique de M. E. Deville, — Cet appareil 

représenté planche XIU n'est, comme on le voit, autre chose 

qu'un stéréoscope de Wheatstone posé sur une planchette 

à dessiner et accompagné d'un écran vertical mobile dont le 

rôle sera expliqué ci-après. 

Les deux photographies destinées à être conjuguées doivent 
toujours avoir été prises dans un même plan vertical, mais il 
n'est pas nécessaire que les deux stations soient au même 
niveau (*). 

Les œilletons I), D du viseur A sont percés dans une plaque 
de métal mobile autour d'un axe horizontal et dont l'inclinaison 



faire construire un appareil qui réalisorait sa conception, il lui a été 
répondu que cet appareil existait et qu'il pouvait lui être envoyé en com- 
munication (renseignement donné par M. le D' Pulfrich, qui ne doute pas 
d'ailleurs qu'il s'agisse siniplement d'une coïncidence, singulière, à coup 
sûr, mais comme il s'en produit cependant assez souvent quand une ques- 
tion nouvelle s'impose a l'attention générale). 

(') Société royale du Canada. Session de mai 1902 h Toronto. Section 111. 
Sciences mathémati([ues, physi(iues et cliimiques. 5m/- l'emploi du sté- 
réoscope de Wlieatstone dans les levers topo graphiques, par E. Devillk, 
arpenteur général du Canada. 

(^) M. Deville espère même pouvoir s'a iïranchir de la première condition 
à laquelle les autres auteurs sont absolument obligés de se conformer. 



27^ A. LAUSSEDAT. 

est évaluée sur un arc gradué fixe E devant lequel passe un 
vernier appartenant à la plaque. 

Les deux petites glaces verticales F, F à faces parallèles 
portées parle même bâti que le viseur sont inclinées à 45** sur 
Taxe de rotation de celui-ci. Leur face antérieure est légère- 
ment argentée pour former miroir, mais pas assez pour empê- 
cher de voir, à travers, le point brillant d'un trou pratiqué au 
centre de l'écran mobile LL. 

Les châssis ou cadres B, B qui portent les diapositives des 
vues convenablement présentées ( c'est-à-dire retournées pour 
compenser l'effet de symétrie produit par la réflexion sur le 
petit miroir) sont verticaux et parallèles entre eux et à Taxe 
de l'appareil. La dislance de chaque diapositive à l'image, de 
l'œilleton correspondant, dans son petit miroir, doit être égale 
à la distance focale de Tobjectif qui a servi à prendre les 
vues. 

Le bâti C qui porte l'écran L L se compose de deux montants 

« 

verticaux soutenus par un trépied reposant lui-même sur trois 
vis calantes renversées dont les têtes en forme de calottes 
sphériques peuvent glisser facilement sur le papier posé sur 
la planchette. Dans la partie médiane de ce trépied se trouve 
engagée la lige d'un crayon N dont la pointe doit être la pro- 
jection horizontale du trou pratiqué dans Técran. La hauteur 
de l'écran (eidu trou) est indiquée par une échelle tracée sur 
l'un des montants MM du bâii. L'ensemble de ce système est 
désigné sous le nom de traceur. 

Si l'on place les œilletons sur une même horizontale, en fai- 
sant coïncider les zéros du vernier et de l'arc gradué, lorsque 
le trou de l'écran est à la hauteur de l'axe de rotation, le bas 
de cet écran doit être au zéro de l'échelle dont la graduation 
s'élend dans les deux sens au-dessus et au-dessous. 

Chacun des organes que nous venons d'énumérer porte des 
vis de rectification qui permettent de régler complètement 
l'appareil. 

Nous supposerons, pour abréger, que ces rectifications, très 
simples d'ailleurs, soient effectuées, et nous allons expliquer 
comment on peut exécuter le plan nh'eié du terrain repré- 
senté sur les deux vues sléréoscopiques. 



LK8 INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 279 

Mode d'opérer, — La distance des deux stations ou la base 
et rinclinaison de celte base étant mesurées, d'où l'on peut 
conclure la différence de niveau des deux siaiions, admettons 
que la station de gauche soit la plus élevée. 

On commencera par donner à la plaque du viseur rincli- 
naison observée (voir PL XUl) et l'on déterminera Téchelle 
de réduction du relief sléréoscopique du terrain représenté 
par les deux vues (relief que l'on doit concevoir comme exis- 
tant dans l'espace, bien qu'il soit virtuel), en comparant la 
distance des œilletons (réglée sur celle des yeux de l'obser- 
vateur) à la distance effective des deux station^. 

Pour fixer les idées, supposons que cette dernière, c'est- 
à-dire la longueur de la base, soit de 6v^'" et la première 
de o'",o6f), l'échelle de réduction sera de-n;Vôî supposons aussi 
que l'inclinaison de In base soit de lo^'^io', cela donnera 
12.™ pour la différence de niveau. 

Les lignes d'horizon et les lignes principales étant tracées 
sur chacune des photographies, il reste à placer celles-ci dans 
leurs châssis respectifs, en se préoccupant des conditions 
dans lesquelles elles ont été prises. Considérons d'abord la 
diapositive de la station de gauche introduite dans son châssis. 
On commence par mettre l'écran à la hauteur convenable pour 
l'œilleton correspondant, en le relevaru au-dessus du zéro de 
l'échelle de la moitié de la différence de niveau des deux sta- 
tions réduite, dans le cas actuel, à l'échelle de -nnnr» soit 
de 6"""; puis on manœuvre le traceur dont on a soulevé le 
crayon, en suivant le point brillant du trou de l'écran a travers 
l'œilleton de gauche pour l'amener près de l'image du bord 
du châssis que l'on déplace en hauteur à l'aide des vis H, H, H 
jusqu'à ce que l'image de l'extrémité de la ligne d'horizon 
bissecte ce point brillant. On répète la même opération pour le 
bord opposé du châssis et on la recommence, au besoin, 
alternativement pour les deux bords jusqu'à ce qu'on ait 
obtenu que les deux extrémités de la ligne d'horizon soient 
exactement à la même hauteur que le point brillant. 

On s'occupe ensuite de régler la posiiion de la ligne prin- 
cipale. Pour cela, on mène sur le papier par la projection 
horizontale de l'œilleton, que Ton obtient facilement à l'aide 



28o A. LAUSSBDAT. 

d'un fil à plomb, une parallèle à Taxe du viseur ou au plan du 
châssis. On amène sur celle parallèle la poinledu crayon tra- 
ceur, puis on abaisse l'écran jusqu'à ce que le point brillant 
paraisse sur le bord inférieur du châssis ou pluiôt de Fa diapo^ 
silive,el, en agissant sur les vis JJ, on amène l'image de l'ex- 
irémilé de la ligne principale sur le point brillant. 

On fait les mêmes séries d'opérations pour la diapositive de 
droite et, quand elles sont terminées, si elles ont été faites 
avec soin, en regardant à la fois par les œilletons avec les deux 
yeux, on doit apercevoir le trou de l'écran se projetant comme 
un point lumineux sur le relief du terrain. 

Tracé du plan et des courbes de niveau^ — Ce point lumi- 
neux peut être, dès lors, considéré comme un repère mobile 
lié à la pointe du crayon traceur qui en est la projection hori- 
zontale sur le papier. En le promenant systématiquement sur 
tout le relief stéréoscopique, il est dans le cas de servir à en 
explorer complètement la surface ei, par conséqueni, à en 
projeter lous les détails, c'est-à-dire, à en tracer le plan, le 
crayon abaissé et appuyé sur le papier suivant exactement les 
mouvements du point brillant. 

Il convient seulement de rappeler une. fois de plus que, 
pour exécuter les opérations dont il s'agit, il est indispensable 
d'être doué de l'apiiiude stéréoscopique, car il faut, évidem- 
ment, une grande netteté de perception en même lemps que 
beaucoup d'alleniion et d'adresse de main pour maintenir le 
point lumineux à la surface d'un relief virtuel, sans rester en 
deçà et sans le faire pénétrer plus avant. 

L'honorable auleur^ dans une leitre qui accompagnait la 
description de son intéressant appareil, convenail que celui-ci 
ne saurait prétendre à une aussi grande précision que le slé- 
réocomparateur du I)''Pulfrich et que l'opérateur se trouverait 
plus limité dans le choix de ses stations. Il estimait, toutefois, 
que ce stéréoscope graphique devait être plus expédiiif et 
pourrait rendre des services dans les reconnaissances dé- 
taillées. 

Il ajoutait, d'ailleurs, avec autant de modestie que de 
prudence, qu'on ne pouvait dire ce que vaut une idée lant 



LES INSTRUJUENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 28 1 

qu'elle n'a pas été mise en pratique. Or, jusqu'à présent, il n'a 
pas eu le loisir de faire construire son instrument. 

Nous ne devons ni ne pouvons être plus affirmaiif que lui, 
et, cependant, nous no craignons pas de dire qu'il y a de 
grandes chances pour que Ton obtienne de très bons résultats 
avec un appareil aussi simple qu'ingénieux, de nombreuses 
expériences faites sur des reliefs virtuels produits spontané- 
nient à Taide du strabisme artificiel, à l'aide de vues sléréosco- 
piques analogues à celles dont il s'agit, nous ayant permis de 
nous rendre compte de la facilité avec laquelle on peut fixer 
la position dans l'espace d'autant de points que Ton veut de 
ces reliefs, en en approchant, par exemple, une tête d'épingle 
qui revient toujours à la même place chaque fois que l'on 
recommence l'expérience. 

Application à V exemple donné sur la planche XI IL — En 
nous reportant à la |)ianche XIll et en y considérant, sur les 
deux vues, la ligne qui dessine le bord d'un golfe ou d'un lac 
et qui est, par conséquent, une courbe de niveau^ il est aisé 
de concevoir qu'en amenant le point brillant sur l'un des caps 
que l'on y remarque, et en faisant suivre ce bord ou cette côte 
par le point lumineux, le crayon tracera le plan de cette courbe 
de niveau sur le papier. Si, maintenant, on remonte l'écran 
d'un millimètre, que l'on mette le point brillant en contact 
avec un point de la surface du relief stéréoscopique et qu'on 
fasse marcher le traceur en maintenant ce contact du point 
brillant et de la surface du relief, la courbe de niveau de j™ 
au-dessus du golfe ou du lac sera tracée dans le voisi- 
nage de la première. On voit immédiatement comment on 
parviendrait à obtenir de même toutes les courbes équidis- 
tantes de i'" ou de tout autre intervalle. 

On conçoit aussi que, chemin faisant, partout où l'on ren- 
contre des détails topographiques : arbres, rochers, ruisseaux, 
roules, maisons, etc., on peut les dessiner sur le plan ou au 
moins les repérer (pour ne pas interrompre le tracé de la 
courbe de niveau, en changeant la hauteur de l'écran), sauf 



28-2 A. LAL'SSEDAT. 

à y revenir après coup ei à raccorder à la maîn les fragmenis 
des détails (*). 

Nous avons profilé de Texempie que nous avions sous les 
yeux, parce qu'il nous fournissait l'occasion de faire pressentir 
qu'en pareil cas on pouvait vérifier facilement le réglage de 
l'instrument et de la mise en place des diapositives, le point 
brillant devant suivre la côte, l'écran conservant la même 
hauteur. 

Nota. — Ce paragraphe était écrit et imprimé quand M. le 
D' Pulfrich, après avoir pris connaissance du projet d'appareil 
de M. E. Deville, s'est occupé des modifications qui pourraient 
y être introduites pour le rendre sûrement utilisable. Indé- 
pendamment de plusieurs améliorations apportées aux diffé- 
renls organes, ce savant a reconnu la nécessité de recourir 
au pantographe. Avec un appareil provisoire qui n'était pas 
muni de cet intermédiaire, il s'était, en effet, vu obligé d'em- 
ployer un aide pour manœuvrer le traceur. 

M. le D"* Pulfrich n'est pas moins parvenu, en opérant sur 
le plancher d'une chambre bien éclairée, à traqer, d'après 
deux des vuesstéréoscopiques prises dans les Alpes dolomi- 
tiques par le colonel baron von Hiibl, un certain nombre de 
courbes dont les extrêmes s'éloignaient jusqu'à 4'""- Or la 
base étant de 44*"»3^*^P3'' conséquent l'échelle de g-sô^ (pour un 
écartement des yeux de o™, 068) il avait fallu couvrir un espace 
de 6'" de longueur, après quoi l'opérateur avait jugé bon de 
réduire son tracé à l'échelle de -ôjôô^ ^^ Q" '* eût réalisé immé- 
diatement avec le secours du pantographe. M. le I)'' Pulfrich 
faitexécuter, à la daieoù nous publions celle note (janvier 1903) 
sous le nom de stéréo-planigrap/ie, l'appareil dont il s'agit. 

Télëstéréoscopie, — Nous avons déjà employé celle 
expression en suggérant l'idée qu'en mer, pour effectuer 

(') M. Deville conseille, pour le dessin des détails, de suhsliluer à l'écran 
percé cfun trou un autre écran portant une fente verticale le lonj? de laquelle 
on peut suivre les accidents du sol, chemins, cours d'eau, limites de 
cultures, elc. Il serait même d'avis de substituer au simple trou de récran 
celte fente verticale recroisée à la place du trou par une amorce de fenle 
horizontale. 



LI<:S INSTIIL'MKNTS, LES MKTIIODKS KT LE DKSSIN TOPOGRAPHIQIIES. 'À^'i 

des reconnaissances rapides de côies, d'îles, d^archipeis, 
on recourrait avantageusement à la léléphoiographie pour 
prendre des vues simultanées de deux points suffisamment 
espacés à bord d'un même navire, d;ms des circonstances où 
les appareils ordinaires et des vues isolées ne fourniraienl le 
plus souvent que des indications insuffisantes. 

Il est bien évident que des circonstances analogues se pré- 
senteront anssi à terre et tout ce que nous savons des pro- 
priétés de la Téléphoiographie et de la Stéréoscopîe nous 
permet de prévoir, dans ce cas comme dans l'autre, ce que 
Ton peut attendre de remploi combiné de ces deux puissants 
auxiliaires du procédé habituel. 

Nous jugeons donc inutile d'entrer à ce sujet dans d'autres 
détails et nous nous contenterons de mettre sous les yeux du 
lecteur (Pi, XlVetXV) deux spécimens de vues téléstéréosco- 
piques prises avec le téléobjectif de M. Bellieni, et nous l'en- 
gageons à les placer, l'un après l'autre, sous un stéréoscope. 
Il y constatera aussitôt les merveilleux effets de relief évi- 
demment utilisables que produit déjà un appareil très portatif 
placé successivement à deux stations espacées de lo'" seu- 
lement pour les premières et de 55»^ pour les secondes. 



CONCLUSION DE CE QUATRIÈME CHAPITRE. 

L'auteur aurait bien désiré pouvoir remplir intégralement 
le programme es(juissé dans V Avertissement i\Q ce Chapitre, 
c'est-à-dire indiquer ici, au moins sommairement, les appli- 
cations de la Métrophotographie à la Météorologie, à l'Astro- 
nomie et en général aux sciences d'observation. 11 aurait 
voulu aussi pouvoir tenir l'engagement qu'il avait pris avec le 
lecteur en annonçant, en plusieurs endroits, la publication de 
documents concernant notamment le dessin topographique 
dans l'antiquité, qui eussent complété ceux qu'il a déjà men- 
tionnés. Mais il lui eut fallu, pour cela, beaucoup abréger les 
explications dans lesquelles il a cru devoir entrer pour mettre 
le lecteur à même de se rendre compte des progrès de la 
méthode pholotopographique proprement dite etden profiter. 



28 î A. LAUSSEDAT. — LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES, ETC. 

Quand il a commencé à écrire ce Chapitre, il soupçonnait 
à peine, en effet, ceux qu'allaient faire la Téléphotograpiiie,ia 
Photographie en ballon et par cerf-volant et surtout la Siéréo- 
scopie. 

Il avait espéré, d'un autre côté, pouvoir faire l'historique 
des travaux lopographiques déjà si considérables exécutés à 
l'aide de la Photographie dans les différentes contrées de 
l'Europe el des autres parties du monde et donner des spéci- 
mens de quelques-uns des résultais les plus remarquables 
ainsi que des instruments qui ont servi à les obtenir. Ne pou- 
vant pas y songer faute de place, il doit se borner à renvoyer 
les lecteurs à Tune des Bibliographies les plus complètes 
qu'il connaisse (*) pour permettre à ceux qui consulteraient 
lesOuvragesindiqués de contrôler l'exactitude des nombreuses 
citations qu'il en a faites. 



(') Celte BibliograpUie se trouve dans un remarquable petit Traité inti- 
tulé : Die Anwcndung der Photographie in der praktischen Aîesskunsi, 
von Eduard Dolezal Halle a. S. Druck und Veriag von Wilhelm Knapp. 1896. 

Depuis celte époque, M. Dolezal a donné, chaque année, dans ieJahrbuch 
fUr Photographie du D' Edcr de Vienne, des analyses très complètes des 
publications sur la Métrophotographie faites dans lous les pays. 



TABLE DES MATIERES 

CONTKNUKS DANS 

LE TOME QUATRIÈME DE LA TROISIÈME SÉRIE. 



Pages. 

Liste générale des Conférences publiques et gratuites faites en 1902 

au Conservatoire national des Arts et Métiers 5 

Recherches sur les instruments, les nriéttiodes et le dessin topogra- 
phiques, Chap. IV {suite), par M. le Colonel A. Laussedat 7 

Etude sur la solubilité du sulfate de chaux, par M Boyer Guillon. 61 
Conférence sur l'assurance ouvrière à l'Etranger, par M. Maurice 

Bellom 75 

Conférence sur les signaux optiques, par M. le D'André Broca 114 

Conférence sur la télégraphie sans fil, par M. le D' André Broca.. 135 
Recherches sur les instruments, les méthodes et le dessin topogra- 
phiques, Chap. IV [suite), par M. le Colonel A. Laussedat 155 

Cours publics et gratuits de haut enseignement du Conservatoire 

des Arts et Métiers pendant l'année 1902-1903 217 

Recherches sur les instruments, les méthodes et le dessin topogra- 
phiques, Chap. IV {suite et fin), par M. le Colonel A. Laussedat. 223 



PLANCHES. 

PI, I à XV. — Recherches sur les instruments, les méthodes et le dessin 
topographiques. 



3i'/42. - PAIUS, IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLAHS, 
5ô, quai dc5 Grancls-Auguslins. 



Anna 



3« Série, T. JV, PI. I. 



pris dans le commerce 




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'cwc i\> ch lU 1 1 1 .H* c .'> i^-» i t' i] c 



hk). 

cil Stf.iner. Wien, R. Lechner, 1893. 



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Il COHSraïATOlRE DES ARTS R MÉTIEBS - 


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Vue de Frascati, prise du Mont 



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lU DESSUS DU Rhin, par M. Suter 






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PL VII. 



lOGRAMMÉTRIQUE 

rises en ballon. 



LùniiB d» la^Jetalle^ cUiy cadastre^ S. W. Vil. 26 . 

.— . — . — EtendxjA' thu terrazny reoanmo d^jUt'JtcUiaTV O» . 
m^m^^ Cours cL'eau, dL'c^jrèy la, restUMitùxv photoanzmjniétrùfue'. 

— ■ — — a — * //■ — d'après Is oadeurtrer. 

Zé rêseaiL ponctué' corrmporul OM, terraùv naçon/UL de^ lœJïatùmyO^ 



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le l 'Académie des Sciences de Munich, année 1900. 




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