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ANNALES
DU
CONSERVATOIRE
DES ARTS ET MÉTIERS.
3i442 — PARIS, IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS,
55| Quai des Grands-Augustins.
ANNALES
DU
CONSERVATOIRE
DES ARTS ET MÉTIERS,
PUBLIÉES PAR LES PROFESSEURS.
3« SÉRIE. — TOME IV.
PARIS,
GAUTHIER-VILLARS, IMPRIMEUR-LIBRAIRE
DU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS,
Quai des Grands-Augiistins, 55.
1902
(Tous droits réservés.)
ANNALES
DU
CONSERVATOIRE
DES ARTS ET MÉTIERS.
LISTE GÉNÉRALE
DES
CONFÉRENCES PURLIQUES ET GRATUITES
faites en 1902
AU CONSERVATOIRR NATIONAL DES ARTS ET METIERS.
12 JANVIER. — L'éclairage et le chauffage par ralcool, par
M. L. LiNDET, professeur à l'Institut national agronomique.
19 JANVIER. — La navigation aérienne, par M. le commandant
G. ËSPITALIER.
16 JANVIER. — Les signaux optiques (vision des couleurs faibles
et des lumières brèves)^ par M. le D"" André Broca, profes-
seur agrégé à la Faculté de Médecine.
2 et 9 FÉVRIER. — Les machines-outils, par M. Gustave Richard,
ingénieur des Mines, agent général de la Société d'Encou-
ragement pour l'Industrie nationale.
16 FÉVRIER. — L'artillerie moderne, par M. Paul Clemenceau,
ingénieur des Établissements Schneider et C*®.
178893
6 LISTE GÉNÉRALE DES CONFÉRENCES PUBLIQUES ET GRATUITES.
23 FÉVRiÊB. — Les brevets d'invention et les marques de
fabrique, par M. G. Breton, directeur de rOfiîce national
des Brevets d'invention et des Marques de fabrique.
a MARS. — Les ponts métalliques, par M. Résal, ingénieur en
chef de la navigation de la Seine et des Ponts de Paris.
9 MARS. — L'arc électrique (application à la Téléphonie), par
M. P. Janet, directeur du Laboratoire central et de l'Ecole
supérieure d'Électricité.
i6 MARS. — Les Laboratoires d'essais, par M. Perot, directeur
intérimaire du Laboratoire d'essais du Conservatoire.
i3 MARS. — L'assurance ouvrière à l'étranger, par M. Mau-
rice Belloh, ingénieur au corps des Mines.
19 et 26 janvier; 2, 9, 16 et ^3 février; 2, 9, 16 et 28 mars. —
])ix Conférences sur La prévention des accidents du tra-
vail, par M. H. Mamy, ingénieur des Arts et Manufactures,
directeur de l'Association des industriels de France contre
les accidents.
RECHERCHES
SUR LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES
ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES,
Par le Colonel A. LAUSSEDAT.
»o<
CHAPITRE IV {Suite).
MÉTHODES ET INSTRUMENTS DE DESSIN
INNOVATIONS PRINCIPALES PROPOSÉES.
XII. -- Instruments destinés à simplifier le calcul des
différences de niveau.
Règle à calcul. — On se souvient que, les points identifiés
sur deux vues, dessinées à la chanjbre claire ou photogra-
phiées, ayant servi à déterminer la position des points cor-
respondants sur le plan, la cote de nivellement des points
ainsi rapportés s'obtient par une qualrième proportionnelle
dont les trois autres termes sont connus.
Ainsi, a étant, sur la vue {fig. 33)^ Timage du point A, rap-
porté sur le plan, et aa' la hauteur apparente h du point
considéré au-dessus de la ligne d'horizon, sa hauteur réelle H,
c'est-à-dire la différence de niveau de ce point et de la
station (en tenant compte ensuite de la hauteur de Tinstru-
ment au-dessus du sol) est donnée par la proportion :
Oa' : OA :: aa' :^ ou Oa':rf::A:H
8
A. LAUSSEDAT.
que l'on peut, eri menant AA' parallèle à xy^ trace du plan
du tableau sur le plan horizontal jusqu'à sa rencontre en A'
avec la ligne de dislance OP, remplacer par la suivante :
OP : OA' : : ad : x ou /: d' : : A : H
«
dans laquelle on a introduit ainsi le terme constant 0P=/,
Fig. 33.
M
H
T
p
€L'
H'
N
c'est-à-dire la distance focale de l'appareil ou, plus généra-
lement, la distance du point de vue au tableau.
Dans cette dernière proportion, k et / sont exprimés en
millimètres et d' en mèlres, à l'échelle du plan, et Ton en
déduit H = :pXd' également exprimé en mèlres.
L'opération arithmétique s'effectue aisément au moyen de
Fig. 34.
W^
H
^
T
la règle à calcul {^g. 34) sur laquelle la lecture /est faite
une fois pour toutes et repérée, dès le commencement des
opérations (*).
{*) C'est ainsi que nous avons opéré le plus habituellement.
LES INSTRUMENTS^ LES METHODES. ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 9
Compas de proportion, — Mais on peut éviter même
d'évaluer h en millimètres et d' en mètres en employant,
comme le fait M. E. Deville, un compas de proportion de
dimensions suffisantes. Sur les deux branches de ce compas
{figi 35) on marque en P, P, à partir du centre 0, la distance
Fig. 35.
focale /, puis on écarte ces branches jusqu'à ce que les
deux marques soient à la dislance aa' mesurée à l'aide d'un
compas ordinaire avec lequel on a pris cette dislance sur la
photographie. On porte ensuite également sur les deux
branches la longueur OA', prise à l'aide du compas ordinaire,
et avec ce même compas on mesure la distance x des deux
points A', A', que l'on évalue en mètres en portant celle
dernière ouverture sur l'échelle du plan.
On voit qu'en opérant de celte façon on évite à la fois les
lectures et les calculs d'arithmétique.
Echelle angulaire. — M. Deville a encore indiqué un pro-
cédé entièrement graphique qui exige simplement le tracé
suivant de ce qu'il appelle une échelle angulaire,
OP {fig- 36) étant la dislance focale prise sur la ligne OQ
d'une longueur arbitraire suffisante pour permettre de déter-
miner les différences de niveau des points les plus éloignés
de la station, on élève en P et en Q des perpendiculaires à
OQ, PF, QQ' et l'on divise en parties égales la ligne OPQ el
sa perpendiculaire QQ'; aux points de division de OPQ on
élève des perpendiculaires à celle ligne etl'on joint le pointO
aux points de division de QQ'.
Il est aisé de voir que, si l'on porte OA' jiris sur le plan,
avec un compas, de en A' sur la ligne OQ de la figure 36,
puis sur PP', de P en a' la hauteur apparente atf (fig. 33)
prise sur la photographie, en élevant en A' une perpendicu-
Fig. 36.
bire à OQ jusqu'à la rencontre en A' de la ligne qui joindrait
et a'. A' A° porté sur léchelle du plan donnerait la diffé-
rence de niveau cherchée x.
Règles hypsométrtqaes. — Dans deux Mémoires consa-
crés à la mélrophoiographie, M. Ed. Monet, ingénieur civil,
a proposé plusieurs modèles de règles dites hypsomélriques
pour obtenir le plus rapidement possible les cotes de nivelle-
ment des points déterminés sur le plan par la mélhode des
intersections. Nous renvoyons le lecteur à ces deux intéres-
santes publications (') e' nous nous contenterons d'indiquer
Ici celui des modèles auquel M. Monet donne la préférence.
Cet instrument {fig. 3;) se compose d'une règle AB gra-
duée en demi-millimètres sur laquelle est fixée, a l'une de
ses extrémités, une lame métallique CD où se trouve tracé
un trait fin perpendiculaire à l'arête ab de AB ei terminé par
deux encoches C, D.
CJ Principes fondamentaux de la Pkotogrammétrie .Nouvellet solu-
tions du problème d'altimétrie au moyen des règles hypaométriques,
])ar Edouard Monet, iDgénIeur civil; Paris, Société d'éditions scientlllqueg,
.Sgî.
Application de la photographie à la topographie, par le même.
(Extrait des Mémoires de la Société des Ingénieurs civils de France,
Kullclin d'août iSg'i ).
1 1
LES INSTRUMENTS, LES METllODKS ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES.
EF est une autre règle à arêtes g/?, kq parallèles et biseau-
tées, divisées chacune en demi-millimètres : cette dernière
coulisse à frottement doux sur la première en lui restant
toujours perpendiculaire.
Une vis d'arrêt V permet de fixer EF sur AB.
. Le zéro des divisions de EF se trouve à une dislance 5 de
Fig. 37.
l'arête ab vers le milieu de la longueur de cette règle et
le numérotage des divisions est symétrique par rapport à
ce zéro.
Correspondant au trait CD de la lame métallique se trouve,
en /, Taxe de rotation d'une autre règle ^T, à une distance te
égale à ô, de sorte que tSy qui sera souvent amené sur la ligne
d'horizon des photographies, soit alors rigoureusement paral-
lèle à ab.
La règle ^ï peut être remplacée par un fil très fin dont
l'extrémité est fixée en t.
Sur l'arête ab, à partir de e, c'est-à-dire du zéro de la gra-
duation, on porte la grandeur de la distance focale/, et comme
l'instrument doit pouvoir servir quand on change d'appareil,
cette distance est simplement repérée par un petit triangle de
papier noir collé sur l'épaisseur de la règle en.R.
Voici maintenant comment on se sert de l'instrument.
On applique d'abord la lame métallique sur la ligne X' Y'
{fig. 33) parallèle à XY, et l'on fait coulisser la règle EF
12 A. LAUSSEDAT.
jusqu'à ce que Tun de ses côtés gp ou kq vienne rencontrer
le point A dont il s*agil de déterminer la cote. Cela fait, on
porte la règle sur la photographie en faisant coïncider ts avec
la ligne d'horizon et en amenant le point R sur la perpendi-
culaire aa' de Timage a; enfin, on fait pivoter la règle /T (ou
l'on tend le fil qui la remplace) de façon que tT passe par le
point a, et la différence de niveau cherchée se lit sur le biseau
gp ou sur le biseau kq de la régie EF, selon le cas, cette
double disposition de la règle étant nécessaire pour permettre
de voir sûrement, d'un côté ou de l'autre, le repère R qui,
sans cette précaution, pourrait êlre caché par la règle, lors
de la première opération sur le plan.
Le lecteur aura sans doute remarqué l'analogie de cette
solution avec celle que Ton obtient au moyen de Véchelle
angulaire, et il est à peine besoin d'ajouter que, dans ce cas,
comme dans les précédents, on a à tenir compte de l'échelle
du plan qui, dans celui-ci, doit êlre en relation simple avec
l'échelle EF(*).
M. Monet, en étudiant en outre plusieurs questions d'alti-
métrie, en a donné d'ingénieuses solutions qui témoignent
une fois de plus de la fécondité de la perspective, mais nous
n'aurions pu les aborder sans entrer dans de trop longs déve-
loppements sur des sujets qui ne se lient qu'indirectement
à celui que nous devons surtout envisager.
DU PARTI QUE L'ON PEUT TIRER DE PHOTOGRAPHIES
Or3TENUES DANS DES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES,
OU MÊME DE PHOTOGRAPHIES TROUVÉES
DANS LE COMMERCE.
Il y aurait un long Chapitre ou même tout un Ouvrage à consacrer à
ce sujet; sans pouvoir lui donner ici le développement qu'il comporte,
nous aborderons dans les paragraphes suivants et nous traiterons même
en détail quelques-unes des questions les plus importantes, ce qui per-
mettra, nous l'espérons, au lecteur d'aller plus loin et d'en tirer toutes
les conséquences.
(*) Un autre instrument très simple servant à faciliter la lecture des
données sur la figure 33 a été imaginé par le colonel baron A. von Hubl
et décrit dans les Mittheilungen des k. und k. milit. geogr. ïnstitutes
zu Wien, XVHI Band.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l3
■
t
XIIÏ. — utilisation de vues recueillies accidentellement
d'une localité dont on possède un plan plus ou moins
détaillé.
Vues trouvées dans le commerce. — Même avant Tinven-
Uon de la photographie ou des procédés auxquels permet-
taient de recourir l'antique chambre obscure ou la chambre
claire, on a cherché à utiliser, pour des restitutions partielles
de plans de monuments ou de plans topographiques, des vues
dessinées : gravures, lithographies, aquarelles, etc., que Ton
trouvait dans le commerce. Mais il est bien évident que les
photographies, si répandues aujourd'hui, leur sont incompa-
rablement préférables, tant à cause de leur exactitude de
plus en plus parfaite que des détails beaucoup plus nom-
breux qu'elles renferment.
Nous avons montré précédemment (Chap. III, § XIV)
comment une vue unique d'un édifice régulier pouvait servir
à en reconstituer partiellement le plan et les élévations.
Une utilisation analogue peut être faite de photographies
isolées de paysages, de vues de villes ou de localités dont on
possède un plan plus ou moins détaillé sur lequel on parvient
à déterminer des points de repère convenablement situés et
bien reconnaissables.
Dans bien des cas, on a pu ainsi, même avec des vues
dessinées à la chambre claire, compléter des plans et effec-
tuer le nivellement du terrain représenté, et la même restitu-
tion a été faite encore bien plus sûrement, quand on y a
employé des photographies.
Les circonstances dans lesquelles peut se trouver l'opé-
rateur sont d'ailleurs trop variables pour qu'on puisse pré-
tendre toutes les énumérer; nous supposons même que le lec-
teur^ familiarisé avec l'art des reconnaissances, n*a pas besoin
qu'on les lui rappelle. Mais nous devions nous attacher, en
conseillant de faire intervenir la photographie dans la plupart
de ces circonstances, à mettre en relief, plus que nous n'avons
eu occasion de le faire jusqu'à présent, les propriétés de la
u
A. LAUSSEDAT.
perspective conique propres au genre de recherches qu'elles
provoquent, et en particulier celles qui ont été signalées tout
récemment avec celte préoccupation.
Admettons donc qu'un opérateur ait entre les mains à la
fois le plan d'une ville ou d'une localité plus ou moins éten-
due et des photographies de cette localité, prises d'ailleurs au
hasard, de points inconnus pour lui, et que son principal
objet soit d'étudier les formes du terrain, d'en obtenir le
relief, à peine indiqué en général sur les plans ordinaires.
XIV. — Cas où V opérateur peut se rendre sur les lieux.
Orientation de la trace du plan du tableau. Détermina-
tion de la distance du point de vue à ce tableau ou distance
focale. — Admettons, en premier lieu, que l'opérateur soit
Fig. 38.
Fig. 39.
a.
|.C
H,
h'
H,
cl'
■
b
&
en état de déterminer sur place le point d'où a été prise la
photographie, ce qui est rendu facile par la simple confron-
tation de l'image et de la nature. Il parviendra sans doute
aussi très vite à rapporter ce point sur le plan qu'il a entre
les mains.
Soient A',B',G' {fig. 89), sur le plan, les projections des
trois points connus et reconnaissables en a, è, c sur la pho-
tographie {fig. 38), enfin 0' la slalion, c'est-à-dire la projec-
tion du point de vue sur le plan.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l5
Sur la photographie QRLT, et sans qu'il soit nécessaire
de viser à une grande précision, on trace une ligne horizon-
tale H^U^ (ligne d'horizon provisoire) sur laquelle on projette
les images des points considérés en a', b' et c' ,
Les irois points A', B', C étant joints à la station 0', portons
sur O' C des longueurs a^ bt et 6i c^ égales à a' b' et b' c' ( * ) ;
par le point 61 menons la parallèle 61^2 à O'A', enfin joignons
Ci ^2; prolongée jusqu'à sa rencontre avec O'A', celle droite
Ci a" sera évidemment une parallèle à la trace du plan du
tableau.
Si donc sur cette parallèle on porte, de a'' en b" et de b" en
c", des longueurs égales à a'b' et b'c\ en menant par b" une
parallèle à O'A', on déterminera sur O'B' le point b' par
lequel il suffira de mener la parallèle a'b'c' à a"b2Ci pour
avoir la trace cherchée, et Ton auraii, au besoin, une vérifi-
cation en menant par c" une parallèle à O'A' qui devrait
passer par c (').
On voit d'ailleurs que la distance du point de vue au
tableau (distance focale de l'appareil multipliée, s'il y a lieu,
par le facteur de l'agrandissement) s'obtiendra immédiate-
ment en abaissant du point 0' la perpendiculaire O'P' sur la
trace a! c' qui donne la projection du point principal en P'.
Ligne d'horizon et point principal, — En supposant
encore l'opérateur sur les lieux et pouvant mesurer quelques
angles de hauteur à chaque station, il lui sera facile de déter-
miner les lignes d'horizon et les points principaux sur les
différentes photographies par la méthode indiquée au Cha-
pitre m, § XIV.
Mais il n'en serait plus de même s'il était éloigné et sim-
(1) Le procédé le plus simple serait, on le sait, de relever les trois
points a', b'y c' sur le bord d'une bande de papier que l'on présenterait sur
le faisceau O'A'B'C de façon à avoir par tâtonnement les points a' sur
O'A', b' sur O'B' et C par C'C. Mais la construction géométrique indi-
quée est elle-même assez expéditive.
(') Cette méthode graphique pour orienter la trace du tableau sur le
plan a été proposée dès 1887 par le Prof. F. Schiffner; elle est aussi men-
tionnée par le Prof. F. Steiner, dont on trouvera plus loin une bien plus
importante suggestion.
|6 A. LAUSSEDAT.
plement en possession de photographies et de plans incom-
plets ne contenant aucune cote de nivellement.
Il arrive cependant assez souvent, dans les pays civilisés,
que les plans ou les cartes publiés par les gouvernements ou
celles que Ton trouve dans les guides bien faits contiennent
des cotes plus ou moins nombreuses dont on peut tirer parti.
Enfin, sur les côtes, on parviendrait aisément à tracer la
ligne d'horizon si le point de vue était voisin du niveau de la
mer, ou si Ton connaissait la hauteur de la station, facile à
estimer.
Dans les autres cas, un examen attentif de la photographie
permet seul de découvrir des indices de nature à faire déci-
der la position la plus probable de cette ligne d'horizon.
L'existence de constructions assez rapprochées pour faire
apparaître la convergence des lignes de fuite horizontales,
par exemple, donnerait assurément plus de chances de certi-
tude à cette recherche.
Quant au point principal, rapporté convenlionnellement
au milieu de la ligne d'horizon telle qu'elle aura été adoptée
et tracée sur la photographie, il pourra toujours être consi-
déré comme déterminé avec une approximation suffisante (*).
XV. — Cas où r opérateur ne peut pas se rendre
sur les lieux.
Trouver sur un plan la projection du point de vue d'une
photographie sur laquelle on reconnaît les images de cinq
objets au moins représentés sur le plan. — Ce problème
dit des cinq points par son auteur, le Prof. Sieiner, peut
être rapproché de celui des trois points ou de Pothenol;
( 1 ) Les détails nécessairement assez vagues, dans lesquels nous sommes
entré au sujet des études de terrain faites exclusivement à l'aide de pho-
tographies et de plans trouvés dans le commerce ont été provoqués par
le désir de faire apprécier l'importance du problème que s'est proposé le
Prof. F. Steîner, de Prague, et dont il a donné Téléganle solution que
nous exposons dans le texte. Voyez : Die Photographie im Dienste des
Ingénieurs, ein lehrbuch der Photogrammetrie bearbeitet von Dipl. ing,
Friedrich Steiner, Wien 1893. R. Lechner (Wilh. Miiller).
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I7
mais la question étail beaucoup plus difficile et, au lieu des
deux circonférences dont Tune des intersections était le point
cherché, il a fallu recourir aux sections coniques pour trou-
ver, dans Tune des in'ierseclions de deux de ces courbes, la
projection du point de vue ou de la station photographique.
La solution dont il s'agit est fondée sur les principes sui-
vants de la Géométrie moderne que Ton pourrait faire remon-
ter à Pascal et qui ont servi de point de départ à la théorie
des sections coniques établie par Poncelet et Chasies (* ).
1. Étant donnés quatre points a,b,c,d en ligne droite
Fig. 40.
CL/ à c d
{fig, 4o)> le rapport anharmonique de ces quatre points est la
quantité
ac bc
ad ' bd^
que Ton représente généralement, pour simplifier, par la
notation conventionnelle
abcd
et qui a une valeur déterminée lorsqu'on a soin de prendre les
points dans Tordre indiqué et de tenir compte du signe de
chaque segment.
2. Le rapport anharmonique d'un faisceau de droites
est la quantité
O(ABCD) (/g-.4i)
sin(AC) . sin(BC )
sin(AD) • sin(BD)
(') Je dois des remercîments à mon collègue M. Haag, Ingénieur en
chef des Ponts et Chaussées, professeur à l'École Polytechnique, qui a
bien voulu m'aider dans la rédaction de ce paragraphe. J'ai cru devoir
y rappeler des principes qui ne sont pas familiers à tous les lecteurs
et donner ainsi une démonstration complète de la méthode de M. le Prof.
Steiner.
3« Série, t. 1 V.
i8
A. LAUSSEDAT.
que Ton représente, pour simplifier, par la notation conven-
tionnelle
(ABCD).
3. Si un faisceau de quatre droites O(ABCD) est coupé
par une sécante quelconque qui les rencontre en a, b, Cy d
(/fg, 4i), le rapport anharmonique des quatre droites est égal
Fig. \i.
à celui des quatre points correspondants, c'est-à-dire que,
d'après les notations précédentes, on a :
{abc(l)=^{\BCD).
k. Si l'on joint un point m d'une conique à quatre points
fixes a,b,c,d pris sur la courbe {fig^ 4^), le faisceau
?7V
m{ahcd) a un rapport anharmonique constant quand la
position du point m varie sur la conique, ou, si l'on veut,
la conique des cinq points a^ b, c, d, e peut être considé-
rée comme le lieu géométrique d'un point m tel que
m {a b c d) =^ e {a b c d) == constante.
5. Si le point m se rapproche indéfiniment de l'un quel-
conque des quatre points a^ b, Cy dj du point a par exemple,
(fig. 43), la droite ma devient la tangente at h la conique au
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I9
point a et l'on a encore
a (tbcd) =ze{abcd)
dans ce cas limite.
Nous allons voir comment ces principes servent à résoudre
le problème proposé.
Considérons d'abord la photographie sur laquelle on a iden-
lifié les images des cinq points reconnus sur le plan.
Soient a^byC^d^e (As*- 44) J^s images des cinq points
A,B, C, D,E, du paysage (dont les distances réelles sont
Fi g. 44.
réduites à l'échelle du plan) projetés en A',B', C, D', E'
qui sont les points supposés connus sur le pfan.
Les points a', ^', c', J',<?', projections des images a, b^ c, d^e,
sont égaloment connus ei, par conséquent, les rapports anhar-
moniques que Tonnent quatre quelconques d'entre eux, par
exemple :
{a'b'c'd) et (fl'fr'cV).
Mais ces rapports sont aussi ceux des faisceaux
O'(a'b'c'd') et 0' (,a' b' & e' ) .
Or, d'après la propriété précédemment rappelée (n' 3), le
point & appartient (n" 4) à des coniques délinies, la première
par les quatre points A', W, C, D' (/l'g-. 4^). et le rapport
anharmonique (a' b' d d"), la seconde par les quatre poinis
A', B',C',E' et le rapport anharmonique {a' b' d e'). Ces
coniques sont d'ailleurs d'une détermination facile. En elTet,
d'après la propriété ci-dessus énoncée (n" 5), si l'on construit
en A' une droite K's telle que
A'(5B'C'J)') = (a'6'c'rf') = (a. 6, c, (/,)i",
(') Le procédé le plus simple pour obtenir la direction des droites A'«
el k't consiste encore dans l'emploi de la bande moliile de papier sur \e
liord do laquelle sont rapportés les points a. b. c, d, c relevés sur la plio-
lOLTraphie. comme l'indique in fleure.
LES INSTRUMENTS, LES UÉTIIODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 21
Celte droite sera la tangente en A' à la première conique,
qui se trouve ainsi déterminée par quatre points et sa tan-
gente en l'un de ses points.
I)e même, si l'on mène A' t tel que
A'(fB'C'E')= {a'b'c' e') = {a,b,c,e,),
la seconde conique sera tangente à A't et sera déterminée
comme ta première.
Le quatrième point d'intersection 0' de ces deux coniques
sera le point cherché, et le problème est résolu (').
Indépendamment de la figure 4^, qui a peut-être per-
{r -
1
,,w^ r-jm
^^W»ii--',
-«'■{•isSv
-, a '<?.
.-;
'^JH
ic
mis de mieux suivre la démonstration, nous reproduisons
{fig- 45 bis) l'ensemble de la photographie supposée et du
ï conslrucfioiis s
22
A. LAUSSEDAT.
plan sur lequel on distingue les cinq points A, B, C, D, £
signalés, d'après TOuvrage du D' Sleiner.
Orientation de la trace du plan du tableau. — Nous nous
trouvons ramené au cas précédent de l'opérateur parvenu à
déterminer sur place la projection de la station d'où avait été
prise la photographie.
Le relèvement sur cette photographie des pointsa' , b' , c'ydyC^
ou même de trois de ces points seulement, sur le bord
my
d'une bande de papier que Ton transporte sur le faisceau
O'A'B'C'l)', peut donc être employé. La méthode graphique
du Prof. Schiffner serait également applicable, et c'est l'un
ou l'autre de ces procédés que l'on adoptera généralement.
Voici enfin une construction géométrique également très
simple indiquée par M. Haag et qui procède des principes
exposés plus haut.
Il s'agit, en définitive, de mener une sécante mn {fig. 4^)
tellement placée que le faisceau intercepte sur elle des seg-
ments formant une figure égale à a'h' & d' e' .
Pour cela prolongeons A'B' en /tel que
I «'
B7 _b'c
A'B'""aT
et menons par/ une parallèle à O'B' jusqu'à sa rencontre eng^
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 23
avec O'C Joignons alors A' g-; celle droile rencontre O'B'
en z, el l'on a par les triangles semblables :
A'/^ A'B' ""a'6''
Si nous prenons maintenant sur k'g une longueur k' h
égale à a'b',ei si nous menons par h la parallèle à O'A'
jusqu'à sa rencontre en fe"avec O'B', la parallèle mn à A' g
menée par b" sera la droite cherchée.
Soient, en effet, a", b'\ c" , d" , e" les intersections de cette
droile avec les cinq droites du faisceau; on a, par les paral-
lèles /w /z et A' g*,
^' V gi _ h' c
a"b" — X'i" a'b''
et comme, par construction, a" b" =2 k' h =l a' b\ il en résulte
que b" c" est égal à h' c\
Mais les droites du faisceau O'(A'B'G'D') sont tellement
disposées que le rapport anharmonique de quatre d'entre
elles est égal à celui des points correspondants de la division
a' 6' c' d! el Ton aura, d'après le lemme 3,
{a"h"c"e") =.{a'b'c'e').
Or, les deux premiers segments de chacune de ces expres-
sions étant égaux, Tégalité des trois autres segments en
résulte, ce qui démontre que la droile mn répond bien à la
question.
Application du procédé à un exemple. — Il serait inutile,
après toutes les explications précédentes, d'insister sur ce
qu'il reste à faire lorsque, la position de la station et l'orien-
tation de la trace du tableau sur le plan étant déterminées, on
admet avec Fauteur que les cotes d'altitudes d'au moins deux
points, bien reconnaissables sur la photographie, se trouvent
indiquées sur le plan. On obtient, en effet, facilement avec
ces données le tracé définitif de la ligne d'horizon, l'altitude
24 A. LAUSSEDAT.
de la station et les cotes de tous les autres points remar-
quables vus de celte station et reconnus sur la photographie,
La planche IV, que nous empruntons à la brochure du
Prof. Steiner est un exemple tout à fait concluant de ce mer-
veilleux procédé de reconnaissance.
Le lecteur jugera bien que la réduction à laquelle Fauteur
a été obligé de soumettre son dessin original et la photogra-
phie surtout, pour les besoins de la publication, s'oppose à
ce que Ton puisse tenter de faire des vérifications, d'ailleurs
inutiles, la méthode générale à laquelle on a eu recours pour
calculer les cotes n'éiant plus en question.
II doit être bien entendu, d'ailleurs, que Ton ne se conten-
tera pas d'une seule vue de la localité dont on désire faire la
reconnaissance, toutes les fois que Ton pourra s'en procurer
d'autres au moyen desquelles on obtiendra des renseigne-
menls de plus en plus nombreux en même temps que des
vérifications.
Remarque, — Comme le problème de Polhenot, celui des
cinq points est indéterminé lorsque le point cherché est sur
la même section conique avec les points donnés A, B, C, D, E
ou trop près d'elle, les deux courbes que Ton construit pour
l'obtenir se coupant alors sous des angles très aigus.
Mais tandis que, dans le problème de Pothenot ou des trois
points, il n'y a que deux circonférences possibles à tracer, on
peut recourir, dans celui des cinq points, à différents systèmes
de sections coniques conjuguées deux à deux et passant par
quatre des points donnés et par le point cherché.
La figure 47» Q'Je nous empruntons encore au Prof. Steiner,
met le fait en évidence.
Sur cette figure, il a été convenu de désigner chacune des
sections coniques qui y est représentée par la petite lettre du
point par lequel elle ne passe pas. Ainsi o est la section
conique qui passe par les cinq points A, B, C, D, E et ne passe
pas par 0, et il en est de même pour les cinq autres
a, 6, c, rf, e. Les trois premières a, b, csont des hyperboles
et les autres rf, e et o sont des ellipses, a, b, c se coupent
en sous des angles trop aigus pour pouvoir servir à déier-
LKS INSTBIHENTS, LES UI^THODES KT LK HBSSIN TOPOGRAPIIIOUKS. l5
miner ce poinl, tandis que c et rf se coupeni presque à angle
droit.
Les deux ellipses d el e sont également convenables. En
résumé, il y a des cas où les différents systèmes de courbes
sont tous salisrulsants, mais il y en a d'autres où il Taut cher-
cber celui qui convient le mieux pour déterminer exacte-
ment le point 0.
XVI. — Problème des cinq points (suite).
Solution simpifjiée dans un cas particulier. — Si les
cinq points sont alignes sur deux droites qui se rencontrent,
l'un d'eux se trouvant à leur intersection, comme cela arrive
fréquemment lorsque la vue est prise sur un édifice d'archi-
tecture, la construction se simpliOe naturellement.
26
A. LAUSSEDAT.
Soient, en effet (fig, 48), les points A', B', C, D', E' situés
sur les deux droites M C et C F; joignons le point A', déjà
réuni à B' et à C, aux points D' et E' et le point E' au point B'.
Portons successivement, à Taide de la bande de papier pliée,
la série des points a' V d d é de la photographie sur le fais-
ceau A' (C'D'E') et sur le faisceau E'(A' B' G), de manière
à amener, dans le premier cas, le points c^^d^ye^ sur les
droites A'C, A'D', A'E' et, dans le second, les points a^, b^y c^
sur les droites E'A', E'B', E'C Dans le premier cas, le point ai
joi^it au point A' représentera la tangente à Tune des courbes
en ce point, et dans le second le point e^ joint au point E'
représentera également la tangente au point E' à l'autre
courbe. Les droites X'C et A'ûi remplaceront la première
courbe, et les droites CE' et e^E' la seconde. La rencontre
des deux nouvelles droites e^E' ei a^PJ déterminera donc la
position du point de vue 0' sur le plan et la perpendiculaire
abaissée de ce point sur la trace a'b' d d! e' du plan du tableau,
obtenue en appliquant la bande qui porte la série des points
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 27
relevés sur la photographie, déierminera le point principal P
et la distance O'P du point de vue au tableau, distance focale
de l'appareil .
Celte solution se rapportant au cas où le point de vue est
compris dans Tangle formé par les droites A'C et CE', on
pourrait se demander comment elle s'appliquerait à celui où
le point de vue est extérieur.
La construction suivante répond à ce cas, et elle est aussi
simple que la première.
On joint le point A' au point D', le point B' aux points D'
«
et E', on applique la bande qui porte la série des points
relevés sur le faisceau B' (CD'W) en ei dx c^ bx ai et alors les
deux droites B'bi et CE' remplacent Tune des sections
coniques, puis sur le faisceau D' (A'B'C) en a^b^c^d^e^, et les
deux droites D'd^ et A'C remplacent Tautre section conique^
de sorte que rinlersection des droites B'6i et W d^ prolon-
gées donne le point de vue 0' que l'on joint aux trois autres
points A', CE'.
Il ne reste plus, comme précédemment, qu'à porter la
bande a' b' c' d' é sur le faisceau 0' (A'B'CD'E') pour avoir
la trace du plan du tableau, et à abaisser la perpendiculaire
28 A. LAUSSEDAT.
O'P sur celle Irace pour avoir le poinl principal P ei la dis-
lance O'P du poinl de vue au lableau.
XVII. — Problème des cinq points. Note complémentaire.
Solution analytique du problème des cinq points et des
trois rayons ( ' ). — L'exposé précédenl du problème des
cinq poinls élaii imprimé quand nous avons reçu de M. Dole-
zal une nouvelle solution 1res élégante de la question et même
de celle d'un poinl par trois autres, c'est-à-dire du problème
beaucoup plus simple dit de Pothenot. Voici, en abrégé, l'eii-
irée en matières de l'auleur :
Le problème des cinq rayons peut s'énorïcer de la manière
suivante : cinq poinls Pq, Pi, P2, P3, P4 {fi^- 5o) sont con-
nus par leurs coordonnées rectangulaires horizontales (^o> Jo)>
(^1» Ji)> (^2, J2), (^'3,73), (.2îi, ji), et par leurs hauteurs ou
coordonnées verticales Hq, Hi, Ho, H3 et H4. D'un sixième
poinl ou station, on a pris une vue photographique sur lableau
vertical, enfin on prend sur cette dernière les différences
d'abscisses di, ^2, d^ el dik des poinls de l'image rapportés à la
ligne principale VV et à la ligne d'horizon HH. On se propose
de déterminer :
a. le lieu de la station;
b. les constantes perspectives de la chambre noire;
c. l'angle d'orienlalion du plan du tableau.
[Le lieu de la station P est déterminé par le rayon vecteur r
et l'angle Q de ce rayon avec l'ordonnée de Po pris pour pôle.
Les constantes de la chambre noire sont sa distance focale/
ei les positions de la ligne d'horizon et de la ligne principale;
l'angle d'orienlalion du plan du lableau y est celui de la trace
de ce plan avec le rayon vecteur PoP.J
( ') Das Problem der funf und drei S Irakien in der Photogramme-
trie von Eduard DoleXal, in Leoben. Sonder abdruck auf Zeitschrift
Mathematik u.Physiky 47 Band, 1902; I u. 2 Heft. Druck und Verlag von
B.-G. Teubner in Leipzig.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. ^9
Ce problème, continue M. Dolezal, a été traité pour la pre-
mière fois par M. Mtiller, de Freiburg, à l'occasion d'autres
recherches de Géométrie moderne. Mais cet auteur n'en a
fait aucune application pratique. De son côté, le Prof. Franz
Fis, 5o.
"q,i/c;-Oii/ ; i-^yi-^^s^
^èyè^sya
^
Stelner, de Prague, sans avoir eu connaissance des travaux
de Mûller, en donna une solution pratique, et c'est aussi lui
qui Ta désigné sous le nom de problème des cinq points sous
lequel il est connu en Phologrammétrie.
Le capitaine J. Mandl, de l'armée autrichienne, dans un
intéressant Mémoire (*), a montré qu'en s'appuyant sur les
(') JuLius Mandel, Ueber Ver wertung von photo grapliischen Au fneh'
3o A. LAUSSEDAT.
principes de l'Algèbre supérieure ce problème était suscep-
tible d'une solution analytique simple et d'une construction
directe, à Faide de la règle et du compas seulement, tandis
que le procédé indiqué par Steiner est pénible et exige le tracé
de sections coniques ou des constructions toujours longues.
Pour justifier le nouveau nom qu'il propose de donner au
problème, M. DolezaI fait remarquer qu'en général, en Géo-
désie, les points du terrain sont déterminés par des lignes de
visée ou rayons visuels qui vont de différentes stations aux
points considérés. Or le point dont on cherche la position
résulte de la connaissance de celles de cinq points d'où l'on
peut supposer que parlent des rayons qui s'y rencontre. Et il
en est de même pour le problème de Pothenot que l'auteur
propose, en conséquence, d'appeler le problème des trois
rayions,
La solution trigonométrique donnée par M. DolezaI est, nous
le répétons, très élégante et nous regrettons de ne pouvoir la
reproduire en entier, à cause du développement des calculs,
d'ailleurs très simples, qu'elle exige. Nous nous contenterons
d'en indiquer les résultats en rappelant que la signification des
quatre inconnues principales est mentionnée ci-dessus entre
crochets.
Ces quantités r, 0, y et /sont données par les formules :
r
\/m--^- n\
rnq -+- np
lai
m
ig b -,
ïgy
nq — mp
mq -h np '
/
mq -h np
p'^q' '
dans lesquelles m, n^ p eiq sont des inconnues auxiliaires
men ans dein Liifiballon in den Afitteilungen iiber Gegenstande des
Artillerie und Genie-ivesens. XXIX. Jahrgang. Wieii. 1898, S. i65.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 3l
que Ton déduil de quatre équations de la forme suivante :
— 2 ~~d: n-{-{ûr, — ,Xo)p + (r, — ro) g = I
Nous ne suivrons pas l'auteur dans la recherche qu'il fait
de la position de la ligne d'horizon et du point principal sur la
photographie d'après les hauteurs supposées connues des
points considérés au-dessus d'un plan de comparaison, et nous
renvoyons à son excellent Mémoire, dans lequel il traite éga-
lement le problème des trois rayons et pour le premier comme
pour le second la question du degré d'exactitude sur lequel
on peut compter avec des appareils ordinaires.
En ce qui concerne le problème des trois rayons, l'auteur
est naturellement obligé de recourir à d'autres données que les
positions des trois points, et il admet, comme à l'ordinaire,
que l'on ait pu mesurer les angles sous lesquels ces points
sont vus de la station. On s'éloigne donc des conditions que
nous avions supposées, mais on retrouve celles dans lesquelles
sont placés les ingénieurs hydrographes, qui peuvent aujour-
d'hui tirer un si grand parti de la Photographie.
Nous indiquerons, en terminant celte Note, les résultats
auxquels est parvenru M. DolezaI, en se servant, dans les deux
cas, d'une vue photographiée de la ville de Vienne prise de
r
la plate-forme de l'observatoire de l'Ecole technique supérieure
impériale royale. Dans le premier cas, les coordonnées de
cinq points très reconnaissables (les clochers de cinq églises)
ont été prises sur le plan officiel de la ville, et dans le second,
où l'on ne considérait que trois de ces points, on avait mesuré
de la station les deux angles nécessaires.
3'2
A. LAUSSEDAT.
COMPARAISON DES DEUX MÉTHODES.
DESIGNATION
des quantités.
Hayon vecteur r
Angle polaire 6
Coordonnées rectan- ( x.
gulaires \y.
Distance focale /
Angle d'orientation y...
CALCULKKS D APRES LB PROBLEME
des cinq rayons.
io5i",290
i70«» Sg'aS*
— loSg^jiSo
— 284", o83
2^2°"", 44
Vô" f\l' 'lo'
des trois rayons.
io4i"*,33o
170" 59' 12*
— 284™, o39
242""", 44
i5'»42'5ï''
DEGRE D EXACTITUDE.
en
H
H
3»
œ
y
f
V
I
GRBEOU ABSOLUE D APRES LE PROBLEME
des cinq rayons.
db3'»,2o3
d= i4'2f)"
dr 3",4'<^
rt i"',o82
±L o"'",8o
/
9
dlQ'6"
des trois rayons
±L 2",58o
=b i4'i8''
10
±2'
±:4«,58
f.f.
1OV4
±39' 2"
ERREUR RELATIVE D APRES LE PROBLEME
des cinq rayons.
_1 .
325
306
pour 100.
o,3i
0,33
des trois rayons.
404
5469
pour 100.
0,2.1
0,018
XVIII . — Reconnaissances photo graphiques faites de stations
plus ou moins éloignées, ( Téléphotographie,)
Invention du Téléobjectif, — - Nous avons expliqué, au
Chapitre III, § XVI, comment, en plaçant une chambre claire
en arrière de Toculaire d'une longue-vue, on pouvait dessiner
très exactement, sur une planchette convenablement disposée,
des objets plus ou moins éloignés, et parvenir à en déterminer
soit les dimensions d'après leur distance, soit la distance
d'après les dimensions supposées connues, d'où le nom de
Téiémétrographe donné à l'appareil ainsi constitué.
Nous avons même fait connaître l'usage de cet appareil
dans les reconnaissances ordinaires où la longue-vue n'avait
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAIMIIQUES. 33
qu'un faible grossissement, de 4 à 5, enfin dans la défense
des places, en recourant alors à de puissantes lunettes dont le
grossissement atteignait de 35 à 65 et qui nous ont permis, à
Toccasion du siège de Paris, de déterminer avec certitude la
position et Timporlance des travaux des assiégeants jusqu'à
lo^" et au delà, sur certains poinis.
L'idée d'employer la chambre obscure dans des conditions
analogues à celles du télémétrographe ou même de combiner
l'objectif de cet instrument de dessin avec un verre divergent
qui sert à dilater, amplifier Timage formée à l'intérieur de la
chambre était même antérieure, et il est assurément très inté-
ressant de constater ainsi que le téléobjectif a précédé de
beaucoup l'inveniion de la photographie.
C'est ce qui se trouve neitement établi dans un Mémoire
plein d'érudition du Prof. N. Jadanza, de Turin (*), auquel
nous empruntons les citations et la figure suivantes de l'Ou-
vrage de Christian Wolff, de Breslau, publié en 174^ C-^).
Le problème est posé en ces termes par l'auteur allemand :
« L — Telescopium astronomiciim. contrahere, hoc est
tubum astronomicum construerc, qui minoris sit longitudi-
nis communia visibilis tarnen diametrum œque atnpiificet. »
Nous ne reproduirons ni la solution ni la démonstration
qu'il propose et expose assez clairement, mais un peu longue-
ment, et nous nous contenterons de citer le corollaire suivant
qui montre bien le but qu'il voulait atteindre et qui est préci-
sément celui que les opérateurs modernes préoccupés de
léiéphotographie ont eu en vue :
« CoROLLARiuM. — Quitt Lens Concava Convexœ juncta
magnam Objecti Imaginent in exigua distanlia exprimit;
(') NicoDEMO Jadanza, // Teleobbiettivo e la sua storia. Torino, Carlo
Glausen^ 1899. Est, dalle memorie délia Academia délie Scienze di
Torino, série II, t. XLIX.
(^) Ghristiani Wolffi Elementa mathesos universœ, etc. Genevae
apud Henricum-Albertum Gosse et Socios, MDUGXLIl. Chi'istiaii Woîffétait
né en 1679 à Breslau et mourut en i-S'i à Halle.
3- Série, t IV. 3
3
4
A. LAUSSEDAT.
hoc A rtificium egregie conducit ad Caméras obscuras por-
tatiles, »
El il ajoute même la remarque suivante qui précise le bui
qu'il se proposait d'atteindre en obtenant la netteté des images
par la nature et la disposition des lentilles :
« ScHOLioN II. ~ Quoniam usus Camerœ obscurœ postu-
lat ut imagines delineentur ciarœ et distinctœ quantum
fieri potest; ideo et danda opéra ut fientes probe elabo-
rentur, et cavendum, ne Lens concava nimis acuta Radios
nimium dispergat, Quid fieri conducat, tentando rectius
definitur, qnemadmodum jam supra in casu simili anno-
tai i mus, »
On peut suivre la marche des rayons lumineux sur la figure
de l'Ouvrage de Chr. Wolff qui a servi à la démonstration et
que nous reproduisons {fig. 5i) d'après le Prof. Jadanzn.
Fig. 5i.
Q L
Le même auteur (M. Jadanza) rappelle encore que Kepler,
dans sa Dioptrique, publiée en 1611, avait déjà montré que Ton
pouvait obtenir une image réelle en combinant une lentille
concave avec une lentille convexe (*) et que Kircher, dans
un paragraphe intitulé : De lentium effectibus, de son
Ouvrage Ars magna iucis et umbrœ, Roma, 1646, avait
signalé le même fait de la manière la plus précise dans les
termes suivants :
(') Nous saisissons cette occasion de signaler au lecteur un remar-
quable article du giînéral J. Waterhouse, publié dans The Photographie
Journal, mai 1901, traduit de i'anî2:lais et reproduit dans La Photogra-
phie française, i4" année, nouvelle série, n»* 10 et 11, 1902, intitulé :
Les origines de la chambre noire, 1° jusqu'en 1578 et 2" de iS^S à 1802.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 3!»
a Ht. — ■ Lens concava post convexam non wullum ante
ordinatœ fmaginœ sedem collocata, enmdern imaginem in
char ta os tendit, majore m dis tant iorern et in dis tant ia
majore quam so/a iens conveœa fuisset. »
Toutefois et bien que Wolff ait négligé de s'attribuer formel-
lement Tinvenlion de ia chambre obscure portative à agran-
dissement, caméra ohscura portante, M. Jadanza conclui,
avec raison, croyons-nous, que c'est à lui qu'il convient d'en
reporter le mérite.
Plus lard, on trouve dans V Encyclopédie méthodique une
manière de raccourcir le télescope^ ])ar Leroy, qui n'est en
réalité que la traduction incomplète du lexte de Christian
Wolff accompagnée d'une figure tout à fait semblable à la
précédente [jlg* 5i).
Dans ces derniers temps, inspirés par les progrès incessants
de la photographie dont les applications se multiplient en même
temps que les manipulations se simplifient, un grand nombre
de savants et d'habiles constructeurs se sont ingéniés à créer,
ils le croyaient du moins, en tout cas, à perfectionner le télé-
objectif. M. le professeur Jadanza avait été précisémertt l'un
des premiers à aborder la question en construisant en 1884.
sous le nom de lunette réduite {Cannochiale ridutta), un
instrument qui fut remarqué par les constructeurs des autres
pays dont l'attention s'était portée sur ce sujet, mais aucun
d'eux, paraît-il, ni l'auteur lui-même ne connaissaient, à celte
époque, la solution de Christian Wolff. Le premier essai
publié de léléphotographie d'objets terrestres remonte à §886
et a éié fait en France par M. Lacombe (*), qui avait, pour
cela, disposé une longue-vue en avant de l'objectif de sa
chambre noire. Avec un grossissement de 10 à 12 diamètres,
il avait obtenu un cliché passable du Donjon de Vincennes vu
d'une distance de 4*""- Mais cet appareil était bien compliqué
et M. Lacombe reconnaissait lui-même qu'il eût élé préfé-
rable de supprimer l'objectif de la chambre noire et de se ser-
vir de l'oculaire de la longue-vue pour amplifier l'image réelle
(') Voir La Nature du 4 soptembre 188G.
jiroduiie au foyer, ainsi que l'avaienl déjà fuil les asiponomes,
comme nous l'expliquerons un peu plus loin.
C'esl à peu près ce que l'on (it, dans de meilleures condi-
tions (car la luneiie de M. Lacombe n'étail pas achromatisée
pour les rayons cliimiques), dès l'année suivanle, au Service
géographique de l'armée, en combinant deux objectiTs plioto-
Kif;. -ÎJ.
graphiques de foyer très dilTérentB, l'un de 0^^,61 et l'autre de
o'",076. Les résultais obtenus à celle époque et un peu plus
tard par M. le commandant, depuis lieulenant-colonel Fri-
bourg, auteur de la combinaison dont il s'agit, étaient déjà
très satisTaisanis. Nous donnons (Jîff- 5o.) une vue de l'église
de Saiiit-Cloud prise de Bellevue à 2O00" de distance environ
par le commandant Fribourg.
D'autres essais avec combinaisons d'objectifs faits de 1886
à 1892 par MM. Emile Mathieu, Guilleniinot, etc., condui-
saient plus ou moins péniblement à des résultats analogues.
Mais, dés it>9o, un habile opticien de Paris, M. Jarret, con-
struisait un véritubip téléobjeclîf en monlanl, aux deux extré-
LES INSTRUMENTS, LES AIÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGUAPHIQUES. 3j
mités d'un lube à crémaillère que Ton pouvait visser sur une
chambre noire, un objectif photographique de i3o'"™ de foyer
et une autre Jenlille convergente amplificatrice que l'on pou-
vait éloigner ou rapprocher de l'objectif pour faire varier le
grossissement. Ce système était entièrement analogue à celui
de la lunette astronomique dont s'était d'ailleurs inspiré
M. Jarret, tout en réduisant son appareil d'essai à de faibles
dimensions.
XIX. — Tëiéphotograpliie (suite).
Téléobjectifs à deux lentilles com^ergentes, — Nous don-
nerons immédiatement la théorie des effets de cette combi-
naison de deux lentilles convergentes en l'appliquant au cas
de la lunette astronomique ordinaire disposée pour recevoir
Fis;. 53.
les images de deux astres voisins, ou l'image d'un astre de
diamètre apparent très sensible comme celui du Soleil ou de
la Lune.
Soient {/ig, 53) Tobjeclif, F^ et F^ ses foyers antérieur et
postérieur, et /sa distance focale principale,
0' l'oculaire, F^ et F^ ses foyers antérieur et postérieur,
et/' sa distance focale principale,
S la distance entre F^ et F^ désigné sous le nom d'in^er-
valle opUquey
Fi le foyer du système des deux lentilles dans le plan
duquel se forment les images amplifiées,
Enfin à' la distance de ce foyer au foyer postérieur F^ de
l'oculaire.
La figure 5?. montre comment l'image réelle mn formée
dans le plan focal principal de l'objectif est transformée par
l'oculaire et transportée en MN dans le plan focal de Fi con-
jugué de ¥b par rapport à cet oculaire.
38 A. L\tSSEDAT.
Si l'on désigne aclueilemenl OT^ par p et OTj par p', f
élanl la distance focale principale de la lentille O', comme
7?=- d-f-/', ô élant supposé connue, on calculerait aisément
/?', c'est-à-dire la distance à laquelle se forme Timage par
rapport à l'oculaire, par la formule ordinaire des foyers
mais en y remplaçant/? par ô-4-/' et/?' par 3' + /', et en fai-
sant les réductions nécessaires, on la met sous la forme :
également bien connue sous le nom ^'équation de Newton
et qui peut se traduire en langage ordinaire : Le produit des
dislances de Timagc et de l'objet aux plans focaux d'une len-
tille est égal au carré de la dislance focale de celle lentille,
théorème général qui s'applique ici à la lentille que nous
continuons à qualifier d'ocuiaire, si bien qu'avec cette for-
mule (2), indépendante de/, on déterminerait à' et par consé-
quent /?', quand on connaît ou que l'on se donne d.
Mais la valeur de à' n'esl cependant pas arbitraire, car elle
entre et joue un rôle important dans une autre formule fon-
damentale qui donne la distance focale F de l'objectif fictif,
capable de produire immédiatement Tirnage amplifiée en Fi,
appelée distance foca/e équii^aiente, facile d'ailleurs à éta-
blir en se reportant à la figure précédente {Jtg, 52) et en se
servant de la formule (2).
On voit, en effet, sur cette figure, que le rapport des deux
images MN et rnn est celui de la distance focale équiva-
lente F à la distance focale/de l'objectif de la lunette, et l'on
a, par conséquent.
d'où
F
/
MN O'F, /'-t-a'
rnn O'F i /' -1- ô
LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGHAPHIQUES. Sq
el, en remplaçant ô' par*^? puis réduisant,
(3) Fnz-^'.
Les formules (2) et (3) contiennent toute la théorie des
téléobjectifs; elles sont générales et s'appliquent aussi bien
à ceux qui sont composés d'une lentille concave qu'à ceux
dont nous venons de nous occuper et pour lesquels elles
ont été établies.
Application déjà ancienne aux observations astrono-
miques. — Pour une lunette astronomique dont les dislances
focales /et/' de Tobjectif et de Toculaire sont déterminées,
on peut se donner Tamplificalion désirée, c'est-à-dire la
valeur de F, et calculer celle de Tiniervalle optique à par la
formule (3), d'où Ton déduit celle de ô' par la formule (2).
Prenons pour exemple celui d'une lunette de 3i'® (8i™'")
d'ouverture et d'une longueur de 1'" environ, dont l'oculaire
avait une distance focale de o'", 02 et que nous avons employée
à l'observation photographique de l'éclipsé totale de Soleil du
18 juillet 1860.
L'image directe du Soleil au foyer de l'objectif avait un
diamètre de o"*,oi seulement, et nous avions voulu sextupler
ce diamètre afin de pouvoir bien discerner sur l'image les
taches et les extrémités du croissant sur les différentes
phases de l'éclipsé (*). Il fallait donc obtenir pour l'objectif
fictif une distance focale équivalente F de 6™.
En faisant dansl'équation (3) F=: 6'",/r:= i"» et/'=o™,o2,
on trouve à = 3'"", 3, et cette valeur de à substituée dans l'équa-
(') La lunette astronomique était disposée horizonlaiemenl ; son orien-
tation était parfailentient déterminée et les rayons lumineux y étaient
projetés à l'aide d'un héliostal. Nous espérons pouvoir indiquer plus loin
la solution du problème do métropliotograptiie céleste qui s'est présenté
à ce sujet. Nous avons proposé l'emploi de cette disposition constituant
l'appareil désigné depuis sous les noms de photohéliographe horizontal
et de sidérostat pour l'observation des passages de Vénus, et il a été
adopte, en effet, par les astronomes français et américains en 187^ et
1882.
4o A. LAUSSEOAT.
lion (2) donne, pour celle de d\ o™, 121, d'où 3'+/' = o™, i4i
pour ia profondeur à donner à la chambre noire, à partir de
Toculaire. Nous pourrions multiplier les exemples de l'emploi
analogue fait de leurs lunettes par les astronomes, mais nous
avons plutôt à nous occuper ici de la question des reconnais-
sances lopographiques faites à distance, et nous y revenons.
Le téléobjectif à deux lentilles convergentes a été égale-
ment employé, comme nous l'avons vu (page 36), pour
obtenir des vues de paysages assez éloignés. A l'occasion de
reconnaissances faites en 1891 sur la frontière des Alpes,
M. le commandant, depuis colonel de la Fuye, en a fait très
habilement usage pour obtenir des renseignements exacts
à des distances de 7''" à S'^"* et plus. Ses nombreuses expé-
riences et les résultats qu'il a obtenus sont consignés dans
un Mémoire très étendu auquel nous engagerions le lecteur
à se reporter, s'il pouvait se le procurer ( * ).
Limitation de l'amplification pour les diverses combinai-
f
sons de lentilles. — En reprenant la formule (3) F=^/'-^y
on voit que l'amplification de l'image produite immédiate-
ment par l'objectif de la lunette dépend du rapport — delà
dislance focale de l'oculaire à l'intervalle optique. Comme il
ne saurait être question de réduction, d doit toujours être
plus petit que/', car pour à=f' la seconde lentille devien-
( ' ) Mémoire du chef de bataillon Alloite de la Fuye, commandant
l'École du génie de Grenoble, sur remploi des appareils photogra-
phiques pour les observations à grande et à petite distances. Autogra-
phié à l'Ecole du génie de Grenoble^ 1891.
Dans ce Mémoire, M. AlloLte de la Fuye a étudié, en effet, avec soin, la
question do la téléphotograpiiie et indiqué les solutions qu'il croit devoir
conseiller selon les circonstances, par exemple en campagne, dans l'attaque
et la défense des places, soit de stations fixes, soit d'un ballon captif ou
d'un ballon libre, pour reconnaître les positions de l'ennemi, observer
1(3S effets du tir, enregistrer les signaux de télégraphie optique, etc.
On consultera également avec intérêt le Mémoire sur la téléphoto*
graphie, publié par M. le capitaine du génie Bouttréaux, dans le numéro
de septembre 1897 de la Revue du Génie, qui contient des spécimens
très concluants de résultats obtenus par l'auteur.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 4l
drail inutile, puisqu'on aurait F=:/;mais à mesure que ô
décroît, F va en augmentant, même indéfiniment, et il sem-
blerait qu'avec un s^^stème quelconque de deux lentilles, on
pourrait obtenir telle amplification que Ton voudrait.
Il est aisé de concevoir cependant qu'il ne saurait en être
ainsi et que la question de l'intensité de la lumière transmise,
de la luminosité de l'image, selon l'expression admise, pour-
rait devenir insuffisante et qu'elle dépend à la fois des trois
variables/, /' et d.
L'expérience aussi bien que la théorie a permis de limiter
les amplifications convenables aux différentes combinaisons
des lentilles, amplifications qui, d'ailleurs, pour chacune de
celles-ci, ont encore une assez grande élasticité.
XX. — Téléphotographie (suite).
Téléobjectifs composés d'une lentille convergente et
d'une lentille divergente, — Vers 189^, en Allemagne et en
Angleterre, des savants et des opticiens imaginèrent, indé-
pendamment les uns des autres, des téléobjectifs composés,
comme la chambre obscure portative de Chr. Wolff, d'une
lentille convexe et d'une lentille concave (*).
La figure schématique suivante {fig. 54), que l'on retrouve
dans la plupart des Ouvrages ou des Mémoires cités dans la
(') Le distingué fils de l'un de ceux qui ont réalisé les premiers d'ex-
cellents téléobjectils, Th. R. Dallmeyer, dans la préface de l'Ouvrage
Telephotography, dont nous donnons le titre complet ci-après, récla-
ipait le principe de la lentille téléphotographique ( Telephotographic
Lens) pour son compatriote Peter Barlow, qui Tavait appliqué, dès i834,
au télescope astronomique et avait entretenu la Société royale «r des
avantages que l'on aurait à employer une lentille négative dans les
lunettes terrestres aussi bien que dans les lunettes astronomiques, car, en
ajustant la lentille divergente, le grossissement peut varier dans une
certaine proportion sans qu'il soit nécessaire de déplacer l'œil ou de
perdre Tobjectif de vue. Je ne doute pas, ajoutait Barlow, que cette appli-
cation et d'autres encore seront faites de l'oculaire divergent ». Evidem-
ment la conjecture de ce savant était extrêmement judicieuse et sugges-
tive à la fois, et l'on ne saurait douter qu'il ignorait la découverte faite
un siècle auparavant par Chr. Wolff.
/\'?. A. LAUSSEDAT.
noie ci-dessous (*), montre comment le système d'une lentille
convexe ou positive et d'une lentille concave ou négative peut
remplacer un objectif à long foyer, et sa comparaison avec la
figure 5 1 ne laisse aucun doute sur Tidentité des idées des
inventeurs modernes et de leurs devanciers des siècles pré-
cédents.
En conservant les notations de la figure 53 et en remar-
quant seulement que la distance â' du foyer Fi du syslènne
doit être, dans le cas actuel de la lentille amplificatrice diver-
gente, comptée à partir du foyer antérieur F], de celle lentille,
les deux formules fondamentales (2) et (3) s'appliquent sans
autre modification.
f
Coefficient d'amplification, — Le rapport- des distances
focales des deux lentilles a reçu le nom de coefficient d'am-
fr
plification; en le représentant par y, la formule F =1- peut
(•) Voir: Steinheil, Ueber Fer nphoto graphie {Photographie Corres-
pondenz, 1892).
Ad. Miethe, D' se, Optique photographique ^ traduit de l'allemand par
A. NouiLLON et V Hassreidter. Paris. Gauthier-Villars, 1896.
T.-R. Dallmeyer F. R. A. S., etc., The télégraphie Lens, published by
J.-H. Dallmeyer ; 1892.
Thomas T.-H. Dallmeyer, F. R. A. S., etc., Tetephotography, an elemen-
tary Ireatise on the construction and application of Ihe telephoto gra-
phie Lens, London, 1899.
D' P. Rudolph, Guide pour Vusage des objectifs téléphotogra-
phiques de la maison Garl Zeiss. léiia; 1896.
Catalogue spécial d'objectifs photographiques. léna, Cari Zeiss;
1896.
Max. Loehr, chef de la maison C.-A. Steinheil, à Paris, Du Télé-
objectif (Annexe du Bulletin de la Société française de Photographie).
Le même, Sur la détermination des mesures du téléobjectif [Bulle-
tin de la même Société; 1902).
L£S INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 43
êlre aussi mise sous la forme F = 7 >-? mais F, élantrimage
de F^ par rapport à la lenlille négative / et « le produit
des distances de Timage et de l'objet aux plans focaux
étant toujours égal au carré de la distance focale de la len-
tille », en un mol, la formule â(J' = f"^ s'appliquani encore
dans ce cas, comme nous Tavons dit, il en résulte que à' ou
(4) F.r„=-Ç' = iF.
Remarquons maintenantque Fi peut être considéré comme
l'image d'un point A de l'axe optique situé à gauche de la
lenlille positive par rapport à celle-ci et à la distance ô" de
son foyer antérieur telle que Ton a aussi àà" =/S d'où
(5) 8''=-Ç = 7F.
Les formules (4) et (5) peuvent servir à calculer : i° la dis-
lance FiO' de l'image amplifiée ou du foyer Fj du système
des deux lentilles à la lentille négative
FiF:,-0'F'« ou ô'-/,
c'est-à-dire que
(6) F.O'^-F-/
et 2<» celle de Tobjet A à la lenlille positive OA, qui est égale
à Fa A ou 8" 4- OFa, c'esl-à-dire que
(7) OA=:)/F + /.
Si Ton considère la formule (4) et que l'on imagine le foyer
antérieur F'^ de la lentille négative repéré sur la monture de
Tappareil, puisque â'mz-F, si un objectif ordinaire de dis-
tance focale à' occupait cette place, l'image qu'elle donnerait
en Fj serait y fois plus petite que celle que l'on obtient avec
le téléobjectif, d'où le nom de coefficient d amplification
44 A. LAUSSËDAT.
f
donné au rapport j, et le rôle important qui lui a été attribué
par les auteurs et les constructeurs allemands (*).
La distance ô' ou FiF,, est naturellement variable comme F
avec rinlervalle optique ô, et le calcul de ses différentes
valeurs pour â, égal à 1™% 2™", 3»"'"... 20"" et plus, selon les
circonstances, sert à régler le tirage delà chambre noire.
La formule (5) ou la formule (7) qui lient la distance de
Tobjet à la lentille positive, à rinlervalle optique et à la gran-
deur de Timage, est utile dans le cas où cette dislance doit
être prise en considération, par exemple dans un atelier pour
faire des portraits ou pour reproduire des objets d*art sous
d'assez grandes dimensions.
En photogrammétrie, on n'aura à y recourir que pour re-
lever des détails d'architecture et de construction, en ne
s'éloignant pas trop des monuments auxquels ils appar-
tiennent (et cela intéresse surtout les ingénieurs, les archi-
tectes et les archéologues). Toutes les fois, en effet, qu'il
s'agira de l'étude du terrain à de grandes distances , on n'aura
à considérer que la formule (4) ou la formule (6), l'objet
ou les objets qui composent le paysage ayant leurs images
dans le plan focal principal du système.
XXL — Tëléphoiographie (suite).
Exemples et résultats à V appui des théories précédentes.
— Nous jugeons inutile, dans un Travail nécessairement res-
treint aux notions les plus indispensables, d'entrer dans
d'autres détails sur la construction et les propriétés des objec-
tifs téléphotographiques, en particulier sur la construction
des éléments positifs et négatifs et sur leurs nombreuses
conrïbinaisons deux à deux, détails que l'on trouverait dans
les Traités spéciaux ( ^ ) et dans les Brochures auxquelles nous
( ) Voyez la Brochure déjà citée du D' P. Rudolph intitulée : Guide
pour Image des objectifs télé photo graphiques et le Catalogue spécial
<t objectifs photographiques de la maison Garl Zciss, d'iéna, 1896.
( ; larmi les nombreuses publications de la maison Gautiiier-Villars,
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 4^
avons déjà plusieurs fois renvoyé le lecteur (Noies des
pages 4o et 42). Nous nous bornerons à dire que ces combi-
naisons répondent à toutes les circonstances que Ton s'est
efforcé de prévoir et qui sont classées sous ces trois chefs :
Portraiis, détails d'architecture et paysages, en y joignant
Tune des deux conditions de l'instantanéité ou de la pose
prolongée.
Les distances focales des deux lentilles et la valeur du
coefficient d'amplification qui en résulte, le format de la
plaque, en relation avec la longueur du tirage de la chambre
noire, qui dépend elle-même de l'intervalle optique aussi bien
que la distance focale équivalente du système (de laquelle
on peut déduire l'angle optique ou le champ), sont indiqués
ou calculés dans des Tables où il ne reste qu'à choisir la com-
binaison dont on a besoin (* ).
qui ont déjà contribué au progrès de la construction des objectifs photo-
graphiques en France, nous signalerons en particulier les Ouvrages sui-
vants dans lesquels le lecteur trouverait les renseignements qu'il nous
était impossible de donner ici :
E. "Wallon, Traité élémentaire de robjectif photographique, 1891. —
E. Wallon, Choix et usage des objectifs photographiques. — Lieute-
nant-colonel MoESSARD, Étude sur les lentilles. — Capitaine Houdaille,
Sur une méthode d'essai scientifique et pratique des objectifs photo-
graphiques, 1894.
Ajoutons que M. le capitaine, aujourd'hui commandant Houdaille, a
entrepris depuis plusieurs années d'importantes études sur la construc-
tion des objectifs et des téléobjectifs. Deux habiles opticiens de Paris,
MM. Clément et Giimer, avaient même exécuté déjà, en 189a, plusieurs
téléobjectifs qui ont été mis à l'épreuve par le commandant lui-même,
par le commandant Fourtier, etc., et qui ont été trouvés irréprochables.
Nous donnons, planche V, un spécimen des résultats auxquels on parvient
avec ces instruments, qui méritent d'être signalés tout spécialement.
(*) La luminosité des images et le temps de pose résultant qui dépen-
dent du diamètre de Tiris et de la distance focale équivalente sont égale-
lement indiqués dans des Tables dites Tables des diaphragmes.
Au nombre des questions sur lesquelles il convient d'appeler la plus
sérieuse attention des opérateurs qui ont à employer le téléobjectif, celle
de l'état de l'atmosphère et de Téclairage des objets éloignés doit être
mise au premier plan. Nous ne saurions mieux faire, pour édifier le
lecteur^ à ce sujet, que de le renvoyer à l'article que le distingué Directeur
de la Photographie française, M. Louis Gastine, a publié dans cette
Revue et qu'il a illustré d'un grand nombre d'épreuves prises à des
distances très différentes, quelques-unes très grandes, à travers l'atmo-
sphère de Paris, obtenues avec d'excellents téléobjectifs de M. Jarret.
Les figures 55 et 5G, dont les clichés ont été mis gracieusement à
Le coerncieiiL d'-implificaiion y n'osl jnmais irès grand dans
ces combinaisons; ii varie, en général, de 2,3 à 3,5 el piieîni
exceplionnellemetit i,r>. Les intervalles optiques graves sur
! ICS I tJ
s Invalides (Montmartre i dro
la monture du tube à mouvement de lorgnette, qui porte à
ses deux exltémiiés la lentille positive el la lentille négative
noire disposriioti par M. Gasline, témoignent de cette influence de l'état
de l'almosphère. Sur la première, avec un grossissement modéré, c'est
à peine si Von soupçonne à droite l'existence du monument du Sacré-
Cceur de Montmartre, que par un temps plus favorable on a pu obtenir
(fis- 5") eu employant même un grossissement beaucoup plus considt-
LES IN'STBVMENTS, LES UÉTHODBS ET LE DESSIN TOI>OGBAPHIQtJES. 47
avec l'iris dont l'ouverlure esl réglable (_/(§-. 57 et 58), varient
de !""■ à 20""" et jusqu'à 60'"'",
Les dislances Tocaies de la lentille positive sont comprises
Églis
du Sacré-Coeur de Montmarlre
entre lao""" et 375""" et celles de la lentille négative entre
2;"'" et iiS""" (').
Nous n'avons pas à examiner toutes les combinaisons de
lentilles que l'on peut faire dans les limites ainsi adoptées
(') Excepllonnellementpour la lentille positive on est de^^cendu à 10""
et l'on est allé jusqu'à (la"-, comme nous le verrons; enfin, pour In loiitille
négative on est allé jusiiu'A auo"-.
48 A. LAL'SSEDAT.
el donl le choix dépend, nous le répélons, des circonstances
FiR. 57.
dans lesquelles on doil opérer. Nous nous en tiendrons
Fis. ■'i«-
donc a deux exemples correspondant à des cas extrêmes, en
LKS INSTRL'UKNTS. LKS MÈniODES ET LK HESSIN TOPOGHAPJIIQirES. jg
commençant par le plus modesle el le plus économique
déjà suscepEibie néanmoins de nombreuses el inléressanies
applications.
Téléobjectif utilisant une chambre obscure ordinaire. —
Plusieurs construcleurs en France el à l'étranger ont naUi-
rellemeul cherché à utiliser des objectifs et des appareils
courants. M.Beliieni,de Nancy, dont les excellentes jumelles
stéréoscopiques sonl bien connues, a donné l'une des solu-
tions les plus simples et les plus complètes que nous con-
naissions et que nous allons indiquer en y joignant des
spécimens des résultats obtenus qui répondent aux trois cas
principaux de la pratique.
Sur la chambre noire ordinaire ou sur l'une des moitiés
d'une jumelle sléréoscopique, on dévisse l'objectircorrespon-
dant que l'on place à l'une des extrémités B {fig. Sg) d'un
petit tube en aluminium, à l'autre extrémité C duquel se
trouve b lentille négative amplificatrice, et l'on visse le tube
ainsi préparé, qui constitue le téléobjeciif, à la place de
l'objectif simple.
La figure Sg représente l'ensemble de l'instrument dans le
cas d'une jumelle sléréoscopique.
i- Série, i. jy. 4
5o
A. LAUSSEDAT.
En partant des dimensions des plaques 8 X 9 et 9 x 12 et
des distances focales de//8 1 10'""" et de //S i36"™™ des objec-
tifs employés dans la construction de ses jumelles, M. Bel-
lieni a réalisé quatre types de téléobjectifs avec des lentilles
négatives de — 27^"* et — 45"»°* de distance focale dont le
grossissement varie de 4 à 6 diamètres.
Nous prendrons pour exemple la combinaison la plus
réduite, celle de l'objectif de no™'" et de la lentille négative
de ■— 27™™, le coefficient d'amplification y étant alors sensi-
blement 4- Quant à Tamplification de l'image, elle est de
5 diamètres environ, la distance équivalente ayant été faite
de 533""", qui correspond à un intervalle optique de 55'"'".
Pour rendre ce système propre à photographier les objets
rapprochés, sans qu'il soit nécessaire de toucher à la chambre
noire pour la mise au point directe, que Ton évite ordinaire-
ment avec les appareils à court foyer, on modifie cet inter-
valle optique en écartant très légèrement les deux lentilles
Tune de Tautre.
A cet effet, le tube {fig, 60) porte une graduation dont les
FiV
&•
60.
EjtM/LV. On.
chiffres indiquent les différentes distances des objets rappro-
chés : 5™, 10™, 9.0'", 3o"*, 5o"', que Ton veut pouvoir photo-
graphier en profitant du pouvoir amplifiant du téléobjectif.
Cette graduation a été faite avec le plus grand soin dans l'ate-
lier par le constructeur sur un collimateur à foyer variable
qu'il serait inutile de décrire ici.
La section faite dans le tube montre comment on peut
I.ES INSmiiMENTS, LKS MKTIiaDËâ ET I.K DESSIN TOL'OIIHAI'IIIQLES. 5l
écarter les deux lentilles en faisant tourner ce tube, dont,
l'extréniilé inTéiieure est Uletée, dans un écrou porté par lu
monture de la lentille négative et dont le pas de vis eal seule-.
ment de o""*,©;.
Pour les objets situés au delà de Su*", on ndmet que la dis-
lance des lentilles doit rester invariable et la division qui
porte le signe de l'œ correspond alors à l'encoche pratiquée
dans la monture de la leiilille négative.
Pour les objets moins éloignés, le déplacement se fait par
un tour ou même une fraction de tour, mais pour ceux qui
soni très rapprochés ii faut plus d'un tour. Nous devions
entrer dans ces détails pour expliquer la nettelé qu'une mise
au point rigoureuse fait obtenir pour les images dont nous,
donnons des spécimens {/ig. 6i et 6i).
La première {Jig. 6i) suppose l'instantanéité et montre
que l'on peut utiliser le pouvoir amplifiant de ce téléobjectif
pour le portrait, pour des groupes rapprochés et même pour
les objets en mouvemeiil. La seconde (/g". 63), qui repré-
sente un bas-relief du lympan du grand portail de l'église
d'Epvre, à Nancy, fait voir le parti que les arcbîtectes
peuvent tirer de ce dispositif et nous ajoutons, par anticipa-
lion (car nous allons y revenir dans le paragraphe suivant).
Kpre
z faible dislance.
que le cliché de la figure 62, amplifié de cinq à isix fois, donne
une magnifique représentation de ce bas-relief que nous
regrettons de ne pouvoir mettre sous les yeux du lecteur, à
cause de ses grandes dimensions.
Pour les vues de paysages ou d'objets assez éloignés,
rînde\ resie toujours en contact avec la division qui porte le
signe de l'so et Ion n'a pas à toucher au lube.
Nous donnons {Jig. .&i) une vue de Maizéville et de ses
environs, près de Nancy, prise de Chanipigneulles, de l'aulre
côlé de la Meurthe, avec l'objectif de uo™"" de distance
focale, seul, et l'on verra sur la Planche III la vue d'une partie
LE OliSSIN TOPOGRAPIIIQUES. 5J
de la ville avec le pont situé en avani, lequel est à 5'"" de la
slaiion, prise à l'aide du téléobjeclif.
Il y a lieu de faire observer loulefoîs que le champ de
Vue de Maliéville prise de Champignculks.
l'image de la figure 62, quî est de ^5" environ, se trouve
réduit à ^"So' pour l'image de la figure 63,
Remarque importante concernant les défauts d'achroma-
tisme. — Dans le bui de garantir les épreuves des effets
d'un défaut d'achromatisme des lentilles, on a soin de n'ad-
mettre que de la lumière jaune en interposant au-devant de
l'objectif une lame de verre de cette couleur.
Agrandissement éventuel des images. ~ Comme les verres
du petit appareil que nous venons de décrire, objectif et len-
tille négative, sont d'excellente qualité (et l'on ne doit pas en
employer d'autres dans la construction des téléobjectifs), la
netteté et la finesse des images sont telles qu'on peut encore
soumettre ci>IIes-ci à un agrandissement au moins du même
ordre que celui qu'a produit, immédiatement et sur place, le
téléobjectif.
54 . A. LAISSEDAT.
Celle seconde opération qui suit la révélation et la fixation
des premières épreuves, et que tout le monde sait faire, actuel-
lement, peut eire effectuée à loisir, à moins qu'on ne soit
pressé d'ohienir le résultat, comme cela aurait lieu, dans
Tattaque ou la défense d'une place ou dans d'autres circon-
stances urfçentes, à la guerre. Fort heureusement, toutes les
manipulations nécessaires, déjà bien simplifiées, deviennent
de plus en plus rapides, si bien qu'avec un matériel de cam-
pagne facile à organiser ou même à improviser, on en vien-
drait très vite à bout aujourd'hui. Sans donc nous en inquiéter
davantage ici, nous mettons sous les yeux du lecteur {PI, III)
un fragment de l'agrandissement représentant la partie qui
comprend le pont de Maizéville, la Meurthe et les maisons
voisines.
En comparant les dimensions d'un même édifice d'une assez
grande étendue, la longueur du pont, par exemple, sur la
figure et sur la planche, on trouve que le rapport de l'agran-
dissement est de 6,5; par conséquent, l'image définitive est
celle que l'on aurait obtenue avec un objectif dont la distance
focale eût été de o"',533x6,5 ou de 3™, 465, en nombres
ronds 3'",5o. Or, si nous nous reportons aux vues dessinées
pendant le siège de Paris, à l'aide d'une chambre claire
adaptée à des luneties dont le grossissement moyen était
de 5o (ce grossissement variait de 35 à 65), nous avons vu
{Annates, t. 111/3*' série, p. 524) qu'au lieu de 3™, 5 pour le
rayon du panorama auquel on pourrait rapporter l'image de
la Planche VI, le rayon des nôtres atteignait et dépas-
sait i5".
Bien qu'à la rigueur, on puisse augmenter le rapport de
l'amplification, on doit reconnaître que, pour de plus grandes
dislances comme celle de lo''"» à i5''"» et même davantage, que
l'on peut avoir à considérer à la guerre, il convient de re-
courir à des téléobjectifs plus puissants.
/;•:
LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LK DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. "O >
XXII. — Téléphotographie (suite).
Téléobjectif à long foyer exceptionnel. — Prenons donc
maintenant l'exemple du téléobjectif composé d'une lentille
positive de o™,6o de dislance focale et d'une lentille néga-
tive de o™,2o. Avec un intervalle optique de o'",oi, la dis-
lance focale équivalente de ce système est de 1-2"'. La dis-
lance de l'image à la lentille négative étant, comme on le
sait, - F — /' (y égal à 3 et Fà i^'"), la longueur delà chambre
noire à y adapter dans ce cas est de 3"*, 80; on devine d'ail-
leurs qu'une pareille chambre doit être construite économi-
quement et installée sur des tréteaux improvisés au besoin,
tout en présentant les garanties nécessaires de stabilité et
d'étanchéité à la lumière,
La Planche IV représente une partie seulement d'une vue
de Frascati prise du Monte Mario, près de Rome, avec le télé-
objectif dont il s'agit construit par Steinheil fils, de Munich (*).
L'épreuve entière était obtenue sur une plaque du format de
3ox4o.
La distance qui sépare Frascati de la station était de ii^"^.
Nous n'avons pas besoin de dire que le cliché aurait pu être
repris et amplifié de six à dix fois, car on avait eu le soin
d'interposer le verre jaune en avant de l'objectif pour obte-
nir des images d'une grande netteté; mais, à moins de cir-
constances tout à fait rares, cette amplification ne semble pas
nécessaire et l'examen attentif d'une telle image prise à une
grande distance, qui renferme tant de détails et de renseigne-
ments, convaincra sans doute tous les lecteurs intéressés
que l'art des reconnaissances ne saurait négliger une res-
source aussi précieuse.
Nous pouvons ajouter que cette ressource est, en effet,
(0 Le prix de cet objectif est assez élevé (lôoo^') pour que son emploi
soit nécessairement limité; mais les services qu'il peut rendre sont d'un
ordre tel que cette considération devient secondaire dans certains cas.
50 A. LAUSSEDAT.
mise 1res sérieusemenl à profil dans Tarmée, aussi bien en
France qu'à Tétranger, pour effectuer des reconnaissances
au delà ou, pour mieux dire, par-dessus la frontière.
C'est ainsi qu'avec le même objectif de Steinheil, en faisant
l'intervalle optique de o"',o2i, d'où F = 5^,70, ce qui réduit
la longueur totale de l'appareil à 2"™, 60, on obtient sur des
plaques de 21 X ^'j des images sur lesquelles on peut dis-
tinguer des créneaux jusqu'à i5^"* de distance, les pièces
d'une batterie jusqu'à 22''°', les portes et les fenêtres d'un
bâtiment jusqu'à Sa"^"*.
Les résultats récents si remarquables que nous venons de
résumer ne sauraient faire oublier ceux qui ont été obtenus,
dès 1892, à l'aide des premiers objectifs de Dallmeyer, et qui
n'ont pas encore été dépassés, à notre connaissance, en par-
ticulier par M. Frédéric Boissonnas, de Genève.
Nous donnons {PL V) une réduction, à moitié de sa
vraie grandeur, de 5ox6o, d'une vue du mont Klanc prise
par cet babile photographe, de Saint-Cergues, dans le Jura,
c'esl-à-dire d'une dislance de 90*"" du sommet.
D'après les renseignements que nous avons pu obtenir de
MM. Th. Dallmeyer et F. Boissonnas, renseignements demeu-
rés un peu vagues sur certains points, en nous conformant
aux notations précédentes on aurait eu/ = o"S222,/' = o"^,o6i
avec un grossissement de 36, d'où F^nS"", ce qui donnerait
2'" environ pour la longueur totale de la chambre noire, au
lieu de 1"™, 5o indiquée par M. Dallmeyer.
Il convient toutefois de reconnaître que ce merveilleux
résultat n'a pas été atieint sans peine. M. Boissonnas a com-
mencé ses essais en mai et n*a pleinement réussi qu'en août
et septembre. Il fallait attendre que le temps fût favorable, ce
qui n'arrive qu'assez rarement et vers la fin de la journée,
presque au coucher du soleil. L'interposition d'un écran jaune
foncé était indispensable et la durée de la pose de i5 minutes
qui résultait de toutes ces circonstances pouvait faire manquer
répreuve, les dimensions de l'appareil donnant prise au vent.
Ajoutons que M. F. Boissonnas disposait d'excellentes plaques
orlhochromaliques préparées par son frère.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET' LE* DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 67
XXIII. — Conditions diverses dans lesquelles sont obtenues
et utilisées les images dessinées ou photographiées.
Images dessinées à Vœil nu y à la chambre claire ou au
Télémétrographe, — Généralement les paysages dessinés
par les artistes sont ou devraient être des perspectives sur un
tableau situé à la distance de la vue distincte de chacun d^eux,
mais il y a cependant de nombreuses exceptions. Quand on
emploie la chambre claire, cette distance est nécessairement
celle à laquelle est disposée la planchette et, lorsqu'on inter-
pose une lunette pour amplifier l'image d'une partie de la vue
qu'on. y projette, la planchette conserve la même place.
Dans ce dernier cas, l'opérateur réalise pour ainsi dire gra-
phiquement le grossissement de la lunette puisque, au lieu
de l'image qu'il voyait à l'œil nu, il dessine l'image virtuelle
partielle produite par l'interposition de la lunette à la distance
qui convient à sa vue.
Distance de la vue distincte prise pour unité. — Instincti-
vement la distance de la vue distincte se trouve ici prise pour
unité et il en doit être ainsi dans tous les cas; seulement,
comme elle n'est pas la même pour tous les observateurs, il
convenait d'adopter une valeur moyenne et les uns ont
pris G"*, 3o, les autres o"', 25. Il n'y a d'ailleurs rien d'absolu dans
le choix que l'on peut faire de l'une d'elles, et nous ferons
remarquer que déjà nous avions conseillé non seulement de
dessiner les vues à la chambre claire, à cette distance de
o*",25 à o'",3o (qui s'imposait), mais de la choisir pour dis-
lance focale des photothéodolites, à moins de la restituer en
agrandissant les épreuves. Il y avait deux raisons pour cela;
la première, c'est qu'il convient de donner aux rayons visuels
tracés en projection sur la feuille de dessin une longueur
analogue à celle de la règle de l'alidade qui convient à la con-
struction des plans, et la seconde de conserver aux images
l'aspect auquel l'œil est accoutumé.
Mais on se trouve souvent dans l'obligation d'enfreindre
58 A. LAUSSEDAT.
celle règle, principalemeni quand on emploie la phoiographie,
el il convîenl d'examiner les deux cas suivants très difFérenls
Tun de Taulre.
Images dans les appareils ordinaires. — Les appareils
que Ton emploie le plus habiluellemenl onl une dislance
focale inférieure à o"',25; par conséquenl, les images sont
réduites ; si, par exemple, celte dislance est comprise entre
o™,i2 el o™,i5, de o™,i35, qui est assez usuelle, en doublant
la grandeur des images, on aura les mêmes que celles d'un
appareil dont l'objectif aurait o™,^7 de distance focale.
Avec un objectif de 0^,07 comme celui que nous avons
proposé d'employer pour le pholoihéodolite à lunetie cen-
trale, à l'usage des explorateurs, pour réduire le volume el le
poids de l'instrument, tout en éianl grand angulaire, il fau-
drait quadrupler les images pour retrouver celles qui corres-
pondraient à la dislance de la vue distincte. £n conseillant de
les tripler seulemenl ou à peu près, c'est-à-dire de se con-
tenter de les ramener à la grandeur de celles que donnerait
un objectif de o'",2o environ pour conserver le formai cou-
ranl de i3x 18, nous avons fail un sacrifice, puisque ces
dernières doivent être considérées comme réduites.
Il y a donc de légères dérogations auxquelles on est bien
obligé de se résoudre dans la pratique. Il sera toujours pré-
férable néanmoins de se rapprocher aulanl que possible de la
grandeur normale des images correspondanl à la dislance de
la vue distincte.
Images dans les téléobjectifs. — Les images que l'on
demande aux téléobjectifs, même les moins puissants, sont
toujours plus grandes que celles que l'on obtiendrait avec un
objectif de o"^,25 à o"^,3o de distance focale. Ainsi, avec le
téléobjectif de Bellieni, donl la lentille positive a 110™°* el la
lentille négative 27™°* de dislance focale, on ne cherche pas à
obtenir d'images qui soient amplifiées moins de cinq fois, ce
qui correspond à une distance focale équivalente de plus de
o™,5o, c'esl-à-dire à une image environ deux fois plus grande
que celle donl nous avons jusqu'à présent conseillé l'emploi.
LES INSTRUMENTS, LES AlÉTIIOOES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. OQ
Dans des circanslances exceplionnelles, on pourrait à Ja
rigueur utiliser de telles images (obtenues sans cette préoc-
cupation) en les combinant deux à deux par la méthode des
intersections, mais il eût beaucoup mieux valu, dans ce but,
se contenter de la lentille positive, c'est-à-dire de Tobjeclif de
•iio^"%donl le champ est beaucoup plus considérable que
celui du téléobjectif ( * ), et agrandir par le procédé ordinaire
les images avant de s'en servir.
Cependant, comme on peut agrandir les images fournies
par le téléobjectif et que, pour des objets très éloignés, on a
besoin de le faire, les distances focales équwalentes aux-
quelles on arrive ne se prêtent plus que très difficilement à
la méthode des intersections.
En réalité, de même qu'avec les vues prises au lélémétro-
graphe, dès que la distance du point de vue au tableau
dépasse i™, on ne doit plus chercher à s'en servir que pour
y découvrir des renseignements qui peuvent d'ailleurs se tra-
duire en évaluations des distances, si l'on connaît la gran-
deur des objets, ou de celle grandeur elle-même, si l'on
connaît la dislance de l'objet considéré à la station.
Nous rappellerons, à ce propos, les chiflFres que nous
venons de donner un peu plus haut, à savoir que tandis
qu'avec les télémélrographes employés pendant le siège de
Paris, la distance équivalente du point de vue au tableau
atteignait et dépassait i5'" (jusqu'à 20") pour les images
obtenues couramment avec le téléobjectif de Bellieni et
agrandies de six à sept fois, cette distance équivalente n'est
que de ^^y^o environ et qu'il faut recourir à des chambres
noires de très grandes dimensions si l'on veut obtenir des
images sur un tableau dont la dislance équivalente soit com-
parable à celles de nos télémélrographes, comme la vue de
Frascati.
Nous n'en conclurons pas, on le sait bien, que le télé-
objectif n'est pas destiné à rendre les plus grands services,
(') On démontre facilement que dans les lunettes ou plus généralement
dans les systèmes optiques, le champ est en raison inverse du grossisse-
ment.
6o A. LAVSSEDAT. — LES INSTRUMENTS, LES HliTHonES, ETC.
mais il ne nous esl pas moins permis de recommander encore
une fois l'emploi du télémélrographe si facile à improviser
en loutes circonsiances, et dont un dessinateur lani soil peu
exercé peut toujours tirer parti, en l'absence d'appareils
téléphotographiques.
Personne ne nous soupçonnera d'ailleurs de vouloir substi-
tuer le télémélroeraphe à la téléphotographie... Nous savons
trop que partout on s'occupe de faire construire des instru-
ments du genre de ceux que nous venons d'étudier, destinés
aux reconnaissances en temps de paix et en temps de guerre,
et dont la puissance dépend des circonsiances dans lesquelles
ils doivent être employés, à terre, à bord des bâtiments ou en
ballon. Tantôt ce sont des objectifs à long foyer pour des
reconnaissances partielles bien définies; tantôt des systèmes
de téléobjectifs adaptés à des chambres noires de grandes
dimensions et montés sur de véritables affûts. En un mot, il y
a là comme un nouveau matériel de guerre en voie de forma-
tion, sur quelques-unes lies propriétés duquel nous nous pro-
posons même d'Insister.
(A suivre.)
ETUDE
SUR LÀ
SOLUBILITÉ DU SULFATE DE CHAUX,
Par H. BOTER-GUILLON,
Ingénieur civil des Mines,
Préparateur du Cours de Mécanique appliquée aux Arts,
au Conservatoire national des Arts et Métiers,
Eocposé. — Nous avons déjà publié, dans les Annales du
Conservatoire des Arts et Métiers et la Revue de Méca-
nique (*), Télude de la courbe de solubilité du sulfate de
chaux de 100° à 200". C'est pour compléter ces recherches que
nous comnnuniquons aujourd'hui le résultat de nos dernières
expériences concernant la solubilité de ce sel entre les tenn-
pératures de 0° et 100°.
Nous avons, coïnme dans les expériences précédentes, opéré
en présence de Teau distillée.
Recherches antérieures. — Les études antérieures sur la
solubilité du sulfate de chaux sont beaucoup plus nombreuses
aux températures inférieures à 100® qu'au-dessus; mais mal-
heureusementles chiffres donnés par la plupartdes expérimen-
tateurs qui se sont occupés de ces recherches sont loin de
concorder entre eux. Nous allons, en quelques mots, rappeler
les travaux les plus importants; on en trouvera du reste la
bibliographie à la fin de cette noie.
Dictionnaire de Chimie pure et appliquée (Ad. Wurtz,
1870): «Le sulfate hydraté CaOS03,2H'-0, cristallisé dans le
" ■■■■ -■ ■■■— .1.1 ■■■.^■■.-■■M ■■^■■-1 I I ^^m
(') Voir : Revue de Mécanique, numéro de janvier 1901, p. i. — An-
nales du Conservatoire des Arts et Métiers, 3" série, t. 11.
&'A BOYER-Gl'ILLON.
)> système du prisme rhombpïdal, a pour densilé 2,3i, il con-
» lient 29,9 pour 100 d'eau de cristallisalion, il perd cette
)) eau à 800 à l*air libre et à iiô"* en vase clos. Il reprend
)) cette eau de cristallisation très facilement en augmentant
» de volume.
» 1000 parties d'eau dissolvent un peu plus de 2 parties de
» ce sel à 100°.
M A 0° : 2,o5 parties, et à 35*> : 2,54 parties.
» 1000 parties d'une dissolution saturée de sel marin en
n dissolvent 8,2 parties.
n A 120» il se dépose dans les chaudières sous la forme
» de 2 (SO*Ca) H*0. »
Dans le deuxième Supplément de 1894 du même Diction-
naire on trouve encore les renseignements qui suivent
relatifs aux si intéressantes expériences de M. Le Chatelier :
« M. Le Chatelier a étudié les phénomènes de la cuisson du
» plâtre, en se bornant aux températures peu élevées. £n
)) chauffant progressivement du gypse dans un bain de paraf-
)) fine, M. Le Chatelier a confirmé d'anciennes expériences
n de (iraham qui avaitconstaté deux temps d'arrêt dans la loi
» d'échaufîement : d'après M. Le Chatelier, ces points seraient
)) fixés l'un à 128°, l'autre vers i63«. La déshydratation est
)) complète vers 194*' et la quantité d'eau abandonnée dans la
)) première phase correspond exactement à i,v5 U*0. Le produit
)) obtenu peut êire représenté par la formule S0*Ca,o,5H*0
» et renferme 6,2 pour 100 d'eau; c'est le terme ordinaire
)) de la cuisson du plâtre qui renferme généralement 6 à
)) 7 pour 100 d'eau. M. Le Chatelier a réussi à préparer à
)) l'état cristallisé le composé SO^Ca^OjSH^O en chauffant
» à i^o"" en tube scellé une solution saturée de sulfate de
)' calcium. C'est un corps qui constitue pour la plus grande
)) partie les incrustations des chaudières alimentées avec de
» l'eau de mer. »
WuRTz. Premier Supplément. — « Hoppe-Seyier a con-
» staté la production d'anhydriie lorsqu'on chauffe le sulfaie
» de calcium hydraté avec une solution de chlorure de
ÉTUDE SUR LA SOLUBILITÉ DU SULFATE DE CHAUX. 63
» sodium à i3o° sous pression. Avec Teau pure à i4o«-i6o^
» la déshydratation n'est que partielle », etc.
On trouve ensuite les chiffres suivants relatifs à la solubilité
de ce sel.
jooo parties d'eau :
à 12** dissolvent % parties de sel (Lecoq de Boisbaudran)
i6",5 » 2,19 » )
22" » 2,352 » \
20°, 5
2,247
2,38i
(Cessa)
(Church)
D'après Church, l'acide carbonique diminuerait cette solu-
bilité. Il en serait de même du chlorure de calcium.
L'examen de la solubilité du sulfate de calcium entre o**
et loo*» confirme l'existence d'un maximum de solubilité déjà
signalé par Poggiale. D'après M. Marignac, ce maximum est
situé entre 32" et 4i*'« Suivent les chiffres obtenus par cet
expérimentateur. Ils indiquent la quantité d'eau nécessaire
pour dissoudre une partie de sel :
à o° 525 parties
i8° 488 »
24° 479 »
32" 470 »
38** 466 »
à 4i" 468 parties
53" 474 »
72" 495 »
86'' 528 »
... 5? I
99''-
D
Dans cetie étude, M. Marignac met les expérimentateurs en
garde contre la sursaturation qui se produit avec une grande
facilité, si l'on n'a pas soin d'agiter et d'opérer très longue-
ment. Nous verrons plus loin par quel dispositif nous nous
sommes mis à l'abri de cet inconvénient.
Enfin nous citerons les très intéressantes études du profes-
seur Van't Iloff qui ont fait l'objet d'une Communicaiion à
l'Académie des Sciences de Berlin (1900, t. XXVIII, séance
du Si mai), dans laquelle il établit que le point de transfor-
mation du SO*Ca, 2H2O en SO^Ca, OjSH^O esl, en présence
de l'eau, 107^ avec une tension de vapeur de 970™'". En pré-
sence d'une solution saturée de chlorure de sodium le point
de transformation est 77", i.
64 BOYER-GUILLON.
Objet des expériences. — Nous avons entrepris celle
nouvelle série d'expériences dans le but de compléter nos
premières recherches et de mettre en évidence les points de
transformation du sulfate de chaux à 2*^^5 d'eau en sulfate
à 0^1,5 d'eau et finalement en sulfate anhydre.
Le premier de ces points de transformation qui a lieu à 107°,
comme Ta montré le professeur Van'l HoflF dans ses expé-
riences, se traduit très nettement par un point anguleux dans
la courbe de solubilité.
Quant au point de transformation en sulfate anhydre, aucun
point singulier de notre courbe générale n'en fait pressentir
la présence dans les limites de températures où nous avons
opéré.
Méthode d'expérience. Principe, — La méthode à laquelle
nous nous sommes arrêté est la suivante :
Du sulfate de chaux en excès est maintenu en suspension
dans une certaine quantité d'eau distillée ; c'est par insufflation
d'air comprimé à travers la masse liquide que nous sonnmes
parvenu à brasser convenablement et d'une façon coniinue
le sulfate soumis à l'expérience. En outre cette agitation avait
l'avantage de maintehir en tous les points de la solution expé-
rimentée la même température.
Un filtre spécial immergé dans la solution permeltail de
recueillir le liquide filtré à soumettre à l'analyse.
Le point délicat dans ces expériences a été de maintenir
une température constante et parfaitement stable pendant
plusieurs jours.
Choix d'un régulateur de température, — Nos premières
recherches ont donc porté sur l'étude d'un régulateur de
température. Nous avons soumis à l'expérience un grand
nombre de régulateurs, dans un appareil spécial.
Appareil d'essai des régulateurs, — Cet appareil se
compose en principe (/g*. 1 ) d'une éprouvetle A contenant une
faible quantité d'eau dans laquelle plonge le régulateur à expé-
rimenter. Un vase de Mariotle D vient alimenter l'éprouvetie
ETUOE SL'R LA SOLUBILITE DU SL'LFATE DE CHAli'X. 65
et y maintenir un niveau constant. Le gaz, après avoir traversé
le régulateur, vient chaulTer l'enceinte fi par la cheminée C et
les produits de la combusiion s'échappent par E. Nous avons
reconnu que, pour maintenir dans l'appareil des températures
très voisines de l'air ambiant, il était bon de placer dans la
égb^de; D.vasedaMa
riolta pour al
meoter l'éprouvelte A. —
chauffage. — C, chem
lée d'arrivée
lès gai chauds. — E, che
— F, bec régulateur d
u tirage .
i-appal.
cheminée E un bec de gaz F au moyen duquel on peut, dans
une certaine mesure, augmenter ou diminuer la circulation
d'air dans le circuit CBË. On peut, en effet, en activant le
courant d'air, utiliser dans le bec chauffeur une flamme plus
forte pour une température plus basse, et partant augmenter
la sensibilité du régulateur employé.
Après avoir expérimenté un certain nombre de régulateurs,
nous nous sommes arrêté au régulateur type Chancel repré-
senté figure 3 et dont les dimensions caraciérisliques sont les
suivantes :
66
BOYER-GUILLON.
Dimensions du réservoir de mercure :
Hauteur i4o
mm
Diamètre.
10
mm
Surface de la section au droit du biseau de l'arrivée du gaz 38"°»', 5.
Biseau très peu prononcé et pointe effilée.
Angle du biseau : io<> avec Thorizontale.
Diamètre intérieur de la pointe d'arrivée du gaz : 2'
,mm
Ce type de régulateur nous a donné de très bons résultais.
Pendant plusieurs jours, les écarts de température ne
Fig. 2.
jl Arrivée dugaix
j Départ du gaz
Régulateur de température, type Chancel.
dépassaient jamais 2 ou 3 dixièmes de degré. Pendant ces
essais, le liquide de Téprouvette était brassé par un échap-
pement continu de bulles d'air.
Description des appareils, — Nous avons utilisé deux
appareils différents, Tun pour les basses températures, l'autre
pour les températures élevées.
rVDE Sun LA SOLUBILITE DIT
Appareil à glace. — Notre appareil pour les basses tem-
pératures se compose d'un seau de zinc fort A {fig. 3) percé
de trous à sa partie inférieure; sur le fond repose un tré-
pied H qui supporte le vase en verre B dans lequel est
contenu le liquide à soumettre à l'expérience. Une lubu-
Appareil à gli
LÉOENDB : B, vase en verre conleaaol les liqueura à analyser. — D, Hltre. —
II, robioet servant de prise d'esaal. — 0, tube amenant l'air comprimé pour
brasser les liqueurs, — il, lliermom êtres, —H. trépied supportant le vase B.
— K, glace pilée.— A, vase en cuivre percé <lo trous à sa partie intérieure, —
C et I. vases pour recueillir l'eau provenant de la glace tondue. — ti. couver-
ture en feutre épais. — E, flacon de prise d'essai. — F, bouchon en liège.
lure («) est ménagée à la base du récipient en verre, elle est
fermée d'un bouchon à travers lequel passe la tige (d) du
filtre I>. Entre le vase B et le seau A on lasse convenable-
ment de la glace pilée pour obtenir le refroidissement de la
liqueur. L'eau provenant de la glace fondue s'écoule dans le
bac C, de là dans I. Tout l'appareil est enlouré d'un feutre
épais G ligaturé par le bas sur les parois du bac C et dont les
bords supérieurs sont rapprochés par des fils tendus diamé-
tralement de h en i et sur tout le pourtour.
Le vase B est fermé par un bouchon en liège F percé de
68 BOYER-GL'ILLON.
trous pour laisser passer les thermomètres / et t\ et le tube
en verre par lequel arrive Tair comprimé destiné à brasser
le liquide pour y maintenir coniinuellement du sulfate de
chaux en suspension. Une ouverture centrale (/i) permet
d'introduire la liqueur à soumettre à Texpérience.
Prise d'essai, — Pour faire une prise d'essai, on dispose
un flacon E comme le montre la Ogure 3 et Ton ouvre le robi-
net {d). Si le liquide ne s'écoule pas assez vite, on peut par
une simple aspiration produire le vide dans le flacon £; il
suffit alors de le munir d'un bouchon percé de deux trous,
l'un pour la lige du filtre, l'autre pour le tube d'aspiration.
Appareil à température réglable. — Cet appareil est
dérivé de l'appareil d'essai représenté figure i. Il se compose
d'un cylindre en tôle CjCi {fig. 4)> n^uni à sa|base des tubu-
lures A et E, partagé perpendiculairement à AE par une cloi-
son B sur laquelle repose le vase en cuivre CC, qui contient
le liquide à expérimenter. Il s'appuie sur le cylindre Cf Ci par
une couronne circulaire (a) destinée à faire couvercle. Ce
vase porte une tubulure (c) sur laquelle on fixe le filtre 0,
une ouverture (c?) supporte, par l'intermédiaire d'un bouchon,
le tube en verre (6) indiquant le niveau du liquide dans le
vase ce. Un couvercle en cuivre percé de trous vient fermer
le vase CC et porter les thermomètres, le régulateur F et le
tube par lequel l'air comprimé vient brasser la liqueur. Les
coupes, plan et élévation delà figure 4 indiquent suffisamment
la disposition de l'appareil. L'air, chaufTé par un bec de gaz
dont l'intensité est réglée par le régulateur F, arrive par A;
canalisé par la cloison B, il fait le tour du vase CC, pour
s'échapper par E qui est l'amorce d'une cheminée où le
lirage est réglé par une flamme comme dans l'appareil de la
figure I.
Filtre. — Le filtre d'amiante est le mêmeque celui dont nous
nous sommes servi dans nos expériences de ioo° à 200° (*)•
C) Voir lievue de Mécanique, iiumcro de ianvier 1901.
ÉTUDE SUR LA SOLUBILITÉ DU SULFATK DE CHAUX. 69
Fig. 4.
Plan du couvercle. Coupe ÇR.
Appareil à température réglable.
LËOEKDB : F, régulateur de (empëralure. — 0, flltre an tolla d'umiante. — P, ro-
binet des prises d'essai. — sa, couronne circulaire supportant le vase C et
(aisaat fermeture pouric vaie C,. — bd, tube du uiveau. — N. arrivée de l'air
comprimé pour braager les liqueurs eipérimsDléos. — CC, vase en cuivre
coolenant les liqueurs à analyser. — C, C„ vase eitârleur taisant cheminëe
pour la clrcuiation des gaz cliauds. — B, cloison canalisant les gai chauds. —
A, amorce de iacbemioée d'arrivée des gaï de chaufTage. — E, amorce de la
ctieminée d'appel.
70
BOTBR-GUILLON.
Nous nous contenterons ici d'en donner la fîgure avec sa
légende suffisamment explicite {fig- 5).
Méthode d expérimentation. Prise (fessai. — Les prises
d'essais sont faites au bout de deux ou trois jours pendant
lesquels on a maintenu une température absolument con-
stante, et fait un brassage continu du sulfate de chaux.
Il suffit d'ouvrir le robinet P de la tige du filtre {Jîg. 4) et
le liquide s'écoule dans des fioles numérotées. Les prises
B.
Filtre.
LÉGENDE : T, tige du filtre. — D, rainures par où passe la liqueur filtrée. —
C, toile métallique. — B, grosse toile d'amiante.
d'essai étaient faites sur looi^ de liqueur calcique diluée dans
ioo« d'eau distillée pour éviter la précipitation qui se serait
produite pour les liqueurs prises à une température supé-
rieure à la température qu'il faisait le jour de l'expérience.
Au-dessus de 6o°, pour éviter les erreurs qu'aurait intro-
duites l'évaporation du liquide pendant la prise d'essai, nous
avons prolongé la tige du filtre par une sorte de tube en U
plongeant dans un vase à circulation d'eau ayant pour but de
refroidir la liqueur, comme le montre la fîgure 6.
Appareils de mesure. — Les mesures de températures ont
été faites avec des thermomètres gradués en dixièmes de degré.
Ils ont été comparés à des thermomètres étalons gradués en
cinquantièmes de degré. Les prises d'essais et leur eau de
ETUDE SUR LA SOLUBILITE DU SULFATE DE CHAUX.
7Ï
mélange élaient pesées sur une balance sensible avec des
poids étalonnés et vérifiés.
r
Méthode d'analyse, — Nous ne reviendrons pas en détail
sur le procédé d'analyse, qui est le même que celui que
nous avons employé dans nos premiers essais.
Il consiste essentiellement à précipiter le sulfate de chaux
contenu dans un volume mesuré de liqueur à analyser à Tétat
Kig. 6.
du ^Itre
Disposition d'une prise d'essai avec tube refroidisseur.
d'oxalate au moyen d'une solution mesurée et titrée d'oxalate
d'ammoniaque. On filtre et Ton dose Toxalate d'ammoniaque
en excès, qui a traversé le flitre, au moyen d'une solution titrée
de permanganate de potasse. Nous avons introduit une légère
modiOcation à cette méthode, d'après les conseils de M. Carnoi,
l'éminent professeur de chimie, Directeur de l'École nationale
supérieure des Mines. Nous avons titré par le permanganate,
non seulement l'oxalate en excès, mais encore le précipité
d'oxalate de chaux. On procédait ainsi: après un lavage abon-
dant, on crevait le filtre et Ton faisait passer le précipité dans
un vase à analyser où il était redissous par Tacide sulfurique.
L'acide oxalique mis en liberté était dosé par le permanganate
de potasse. Ce dernier procédé avait l'avantage d'opérer sur
des quantités plus grandes d'oxalate et de donner au dosage
une précision plus grande à mesure que la teneur des solu-
72
BOYER-GUILLON.
lions en sulfate de chaux augmentait; au contraire, Tanalyse
par différence avait l'inconvénient de manquer de précision
pour les grandes teneurs en sulfate de chaux.
Les solutions de permanganate étaient titrées au fer. Pour
plus de détails sur ce sujet, nous renvoyons le lecteur à la
3.20
2,10
2.00
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Fig. 7.
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10 20 30 «rO 50 60 70 80 90 100 110 120 130 1M> 150 160 170 180 190 200
Températuras en degrés centigrades.
Courbe de la solubilité du sulfate de chaux.
Rei^ue de Mécanique de janvier 1901, où nous avons donné
un exemple détaillé de la méthode employée pour faire ces
dosages. — Voir également Annales du Conservatoire des
Arts et Métiers y 3° Série, t. IL
Résultats des expériences. — Nous donnons dans le
Tableau suivant les résultats obtenus. Les chiffres portés sur
ETUDE SUR LA SOLUBILITÉ DU SULFATE DE CHAUX. 78
ce Tableau sont la moyenne d'un grand nombre d'analyses
faites aux températures indiquées. Nous avons également
rappelé dans ce Tableau les chiffres obtenus dans nos pre-
mières expériences.
La courbe de la figure 7 est la traduction des chiffres du
Tableau suivant:
TABLEAU DE LA SOLUBILITÉ DU SULFATE DE CHAUX.
Températures Grammes
en degrés de sulfate de chaux
centigrades. par litre,
o g
o 1,84
2,6 1,87
10 1,97
20 2,o5
3o 2,11
34,4 2,116
40 2,10
4i,3 2,09
5o 2,06
56,7 2,025
60 2,01
64,5 1,98
70 iî94
80 1,85
87,3 1,77
90 1,73
9^5 1,72
100 1 , 62
107 1,53
ïi9,7 ^oo;
i34,o 0,698
i5i ,2 0,486
169,6 o,3io
200,4 o, i55
Nota. — Le maximum de solubilité paraît ôlre voisin de 34".
liésiimë. — Les résultats de ces recherches peuvent en
quelques mots se résumer ainsi.
La solubilité du sulfate de chaux dans i'eau augmente de
o^ à 34^, point où sa solubilité passe par un maximum ; puis
elle décroît lentement d'abord jusqu'à 107°, qui est un point
de transformation du sulfate à deux équivalents d'eau en sul-
74 BOTER-GUILLON.
faie en \ équivalent d'eau. À partir de ce point, la solubiliié
décroît très rapidement d^abord, puis moins vite, pour atteindre
200° où sa solubilité n'est plus que de o«,i5 par litre. A 80*»,
la teneur en sulfate de chaux est la même qu'à o<>.
Je veux, avant de terminer, remercier les personnes qui
ont eu l'amabilité de m'aider dans celte étude, soit de leurs
conseils éclairés soit par leurs recherches antérieures où j'ai
trouvé des renseignements qui m'ont été d'un grand secours.
M. le Professeur Van't HoiF, qui a bien voulu me communi-
quer ses savants travaux sur le sulfate de calcium ; M. Carnot,
Directeur de l'École des Mines; M. Le Chatelier, Professeur
au Collège de France; M. Fleurent, Professeur au Conserva-
toire national des Arts et Métiers, et M. Merelle, Préparateur
du cours de Chimie industrielle, et surtout M. Hirsch, Profes-
seur de Mécanique au Conservatoire des Arts et Métiers, dont
les conseils si éclairés m'ont élé d'un précieux secours et
qui a bien voulu faire précéder mes premiers essais d'une si
aimable préface (*).
BIBLIOGRAPHIE.
Le Chatelier. Thèse Faculté des Sciences, Paris, 1887.
Ad. Wurtz. Dictionnaire de Chimie pure et appliquée, Paris,
Hachelle et G'*, 1870; et encore i*"" et 2" supplément; 1894.
Van't Hoff. Académie des Sciences de Berlin; 1900^ t. XXVIII.
Séance du 3i mai.
Edward Frankland Armstrong. Sur l'hydrate de calcium, Berlin,
Gustave Schade (Otto Francke).
Marignac. Annales de Physique et de Chimie, 5* série, t. I, p. 274.
ËRLENMËYER. Bulletin de la Société de Chimie, t. XXI, p. 79.
Pelouse et Fremy. Traité de Chimie générale, analytique, industrielle.
Paris, Victor Masson et fils; 1861.
Fremy. Encyclopédie chimique (1 vol.). Paris, Dunod; i883.
Lecoq de Boisbaudran. Annales de Physique et de Chimie, 4* série,
t. IX, p. 173.
PoGGiALE. Annales de Physique et de Chimie, 3* série, t. VIII, p. 463.
^ » . — '
(*) Voir: Revue de Mécanique de janvier 1901, et Annales du Ganser^
vatoire des Arts et Métiers, 3« série, t. II.
L'ASSURANCE OUVRIÈRE
A L'ÉTRANGER.
CONFÉRENCE PUBLIQUE
FAITE LE 23 MARS 1902 AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS,
Par H. Maurice BELLOH.
Mesdames, Messieurs,
Lorsque le Conseil d'administration du Conservatoire natio-
nal des Arts et Métiers m'a proposé de traiter dans une
conférence publique la question de l'assurance ouvrière à
l'étranger, j'ai été à la fois séduit et effrayé par Toffre qui
m'était adressée : séduit par la perspective de traiter devant
un pareil auditoire un sujet d'une telle importance; effrayé par
l'étendue de cette matière qui touche à la fois aux sciences
mathématiques, aux sciences économiques et aux sciences
sociales, en raison des Irens qui la rattachent à la technique
actuarielle par l'application des règles des assurances, à l'éco-
nomie politique par les problèmes d'ordre financier qu'elle
soulève, à l'économie sociale par la répercussion que l'orga-
nisation de l'assurance ouvrière exerce sur l'individu, sur la
famille et sur la société.
J'ai pensé toutefois que ma mission ne consistait pas à
traiter dans ses détails une matière qui fait l'objet de cours
professés dans cet établissement, et qu'elle se réduisait à
exposer les grandes lignes du mouvement des idées et des
faits, la transformation des desiderata avec le temps, la com-
paraison des systèmes adoptés à l'heure actuelle et à préciser
les enseignements qui s'en dégagent pour l'avenir.
3- Série, t. IV, 6
76 MAURICE BELLOM.
I.
Les risques inhérents à l'absence de travail occasionnée
par rétat physique de Touvrier sont la maladie, Taccidenl,
Tinvalidité et la vieillesse.
La maladie conslsie dans toute altération de la santé, quelle
que soit la cause de cette altération.
L'acciV/^n/ consiste dans tout événement qui, survenu par
le fait du travail, entraîne une lésion de Torganisme.
U Ini^atidité consïsie dans une réduction durable et impor-
tante de la capacité de travail, en dehors des cas d'accidents;
la vieillesse^ dont une définition paraît superflue, résulte de
Taccomplissement d'un âge avancé à partir duquel les forces
du travailleur encore valide sont présumées affaiblies (*).
Tandis que rAssuRANCE contre la maladie n'alloue de
secours que pendant une période limitée, Tassurange contre
LES ACCIDENTS, d'une part, et T assurance contre l'invalidité
ET LA vieillesse, d*autre pari, doivent pourvoir à des allocations
de longue durée au profit du blessé, de l'invalide ou du vieil-
lard, el, si ce dernier succombe, à des allocations de durée
variable au profit de ses ayants droit. Ces deux dernières
formes d'assurance doivent donc réaliser Vassurance contre
l'invalidité prématurée y accidentelle ou naturelle , l'assu-
rance en cas de décès prématuré, accidentel ou naturel, du
chef de famille, l'assurance contre la vieillesse, l'assurance
des frais funéraires.
Il s'en faut de beaucoup que ce vasle programme ait été
rempli dès l'origine des temps et que même il le soit aujour-
d'hui.
Dans les sociétés primitives, le souci essentiel du chef de
famille consiste dans le développement des membres de sa
famille, qui sont les collaborateurs de son âge mûr et les sou-
(*) Voir pour plus de détails le Rapport de M. Maurice Bellom, au
Congrès international des accidents du travail et des assurances sociales
de 1900, sur les Relations mutuelles des diverses branches de Vassurance
ouvrière.
l'assuranxe ouvrière a l'étranger. 7^
tiens de sa vieillesse. Ceux-ci peuveht également attendre,
dans la vie pastorale, un concours de la part du vieillard encore
capable de travaux de surveillance agricole.
Le développement de la grande industrie, rafflux dans les
villes de populations denses^ le relâchement des liens de la
famille ont conduit le travailleur à prendre des mesures en
vue de son avenir, à faire acte de prévoyance : c'est ainsi
qu'il a été naturellement conduit à l'épargne. L'épargne
répond, en effet, à tous les besoins : elle peut être employée
soit à l'acquisition du foyer domestique, qui garantit au vieil-
lard le lieu de sa retraite, soit à l'achat d'un petit domaine
rural ou à la fondation d'un atelier qui réalisent l'élévation du
travailleur dans la hiérarchie sociale. £n d*autres termes,
l'épargne est une application de la prévoyance individuelle.
Pour la rendre plus efficace, l'ouvrier d'individuelle Ta
faite collective (*); en se réunissant à d'autres ouvriers, il a
cherché à affaiblir, par une répartition sur une vaste étendue,
le choc des coups qui le menaçaient.
Sous la forme collective, la prévoyance peut être associée
ou solidarisée : dans le premier cas, elte fonctionne selon les
règles du calcul des probabilités; dans le second, elle substiT
tue la notion de la fraternité à la recherche de la valeur exacte
du risque à couvrir, dans l'espoir de donner à ses moyens
d'action plus d'élasticité et de portée; les institutions d'assu-
rance relèvent de la première forme; un grand nombre de
sociétés de secours mutuels ne pratiquent que la seconde.
L'assurance apparaît ainsi comme le terme du perfectionr
(') 11 ne faut pas confondre la prévoyance collective avec l'assurance
collecLive : on désigne d'ordinaire sous le nom d'assurance collective Tas-
surance qui est contractée par un patron, soit en faveur de renjsemble de
ses ouvriers, soit en vue de couvrir sa propre responsabilité, et cela par
opposition avec l'assurance individuelle qui est contractée par ou pour
ciiaque ouvrier pris isolément : « L'assurance collective peut donner des
résultats supérieurs au point de vue de la quantité^ mais l'assurance indi-
viduelle en donne de supérieurs au point de vue de la qualité » (Ulysse
GoBBi, Rapport au Congrès des assurances sociales de Milan, 1894, t. J,
p. 894). En eflfet, suivant que l'assurance, collective est contractée dans
Tun ou l'autre des deux buts précités, l'ouvrier n'accomplit point d'acte
personnel de prévoyance ou l'assurance n'est qu'un acte de prévoyance du
patron.
73 MAURICE BELLOM.
nement technique de la prévoyance. Si toutefois on compare
l'assurance à Tépargne, on doit reconnaître que ce l'assurance
a plus d'efficacité technique que l'épargne» mais moins de
valeur morale (*) » : en effet, l'assurance diminue l'effort en
le rendant nécessaire, et elle prive le travailleur de la dispo-
nibilité des produits de l'épargne ; de plus, l'épargne permet de
faire face à toutes les éventualités, et elle revêt un réel carac-
tère de a fécondité sociale » (-) en permettant l'acquisition de
la propriété et la constitution du capital.
En même temps que cette évolution se produisait dans les
préoccupations de l'individu, les pouvoirs publics concevaient
leur mission sous une forme nouvelle. Tout d'abord ils entre-
tenaient ou subventionnaient des établissements d'assistance;
puis ils créaient des organes d'assurance; ils décrétaient
ensuite l'obligation de l'assurance, tantôt en laissant aux inté-
ressés le choix des moyens, tantôt en leur assignant Tinsiitu-
tion à laquelle ils devaient nécessairement recourir; enfin, ils
estimaient que l'aumône étant humiliante et le bénéfice de
l'assurance malaisé à conquérir, il y avait lieu d'instituer un
remède aussi efficace que l'assistance et aussi certain que
l'assurance; ils prenaient pour point de départ la notion de
relations mutuelles entre la société et ses membres et, par
suite, celle d'un échange continuel de services réciproques :
par exemple, le travailleur est utile au corps social, et,
lorsqu'il est usé par son labeur^ la société doit lui venir en
aide; de même, le travailleur réduit à la misère par le fait de
son imprévoyance devient, en raison des conséquences du
paupérisme, un danger pour les autres membres du corps
social; dès lors, la société doit créer au profit des travailleurs
une organisation qui supplée à leur défaut de prévoyance.
De là la conception d'une dette sociale acquittée par un
système d'assurance générale obligatoire (').
(*) Eugène Rostand, Rapport sur le concours pour le prix Félix de
Beaujour ( Comptes rendus de l'Académie des Sciences morales et
politiques f 1902, r» livraison, p. 95).
(') Ibid^ p. loi.
(') L'expression la plus récente en a été donnée au Congrès d'assistance
familiale (28 octobre 1901) ; « L'assistance aux faibles, moyen transitoire
LASSURANXE OUVRIERE A L ETRANGER, 79
Avant d^examiner la question deTobligation de l'assurance,
je tiens à exprimer des réserves formelles quant à l'existence
d'une detie sociale à l'égard de tous les travailleurs. Sans
méconnaître l'obligation, qui incombe à la société, de pro-
curer aux artisans de son bien-êlre les moyens de pourvoir
à leur avenir, j'estime qu'il s'agit pour elle de devoirs à
accomplir, non de dettes à acquitter. ^/^/2 n'autorise endroit
l'ouvrier à venir, sa lâche accomplie, réclamer une pension
de retraite indépendamment du salaire librement débaitu;
aucune oh\\^2i\\oï\ Juridique ne lie le patron à l'égard des tra-
vailleurs à qui il a payé la rémunération convenue. Mais tout
conseille à l'ouvrier, lors de la discussion des éléments du
contrat de travail, de songer à la prévoyance par la demande
d'un salaire qui comporte un prélèvement volontaire en vue
de l'assurance, et c'est une obligation morale pour le patron
de comprendre dans l'évaluation du coût de production les
charges qu'il s'imposera volontairement en vue d'assurer
l'avenir de son personnel ouvrier. D'auire part, s'il est juste
que la société ait pitié des infortunes dont les victimes n'ont
pu faire l'effort de prévoyance, si même elle peut étendre sa
commisération à celles qui n'ont pas su faire cet effort, ce
n'est pas d'une créance des intéressés, mais de la philan-
thropie du donateur que procèdent ces libéralités.
En d'autres termes, il y a une justice sociale qui consiste,
d'une pari, à garantir aux membres de la société la libre
disposition d'eux-mêmes ei, d'autre part, à les aider dans les
efforts qu'ils accomplissent eux-mêmes dans un but d'affran-
chissement et d'ascension intellectuelle et morale. Celte justice
n'exclut pas la charité, mais elle doit la dominer : la charité
n'iniervient que là où la justice ne trouve pas les éléments
d'application pour subvenir aux misères sociales. L'assistance
qui convient aux malheureux ne doit pas être confondue
avec l'assurance qui est réservée aux prévoyants.
et insuffisant, doit être progressivement remplacée par le syslcme de
Tassurance générale, basée sur le principe de la dette sociale, reconnue par
tous et payée par chacun selon ses facultés. »
9o . MAURICE BELLOn.
II.
De l'exposé qui précède se dégage à l'évidence lesenlimenl
universel de la nécessité de la prévoyance. L'action a pour
corrélatif le risque, et le risque appelle l'assurance. D'ailleurs,
le risque n'existe pas seulement pour l'ouvrier qui travaille
auprès d'une machine ou sur un échafaudage. Il menace
également le modeste artisan que le travail dans un atelier
privé d'air désigne comme une victime aux maladies profes-
sionnelles et au fléau malheureusement plus général de la
tuberculose.
Mais, si la nécessité de la prévoyance s'impose, doit-elle
être inscrite dans la loi et, au cas de Taffirmaiive, le législa-
teur doit-il la prescrire sous la forme de l'assurance?
C'est là, semble-t-il, la question dont la solution domine
l'ensemble du sujet.
La question de l'obligation ou de la liberté de l'assurance
se rattache à la question générale de l'intervention de l'Etal
dans l'ordre économique. Sans entrer dans l'examen de cette
dernière question, je me bornerai à énoncer les trois propo-
sitions suivantes :
i*> D'une manière générale, l'histoire montre qu'avec les
progrès de la civilisation la liberté de l'individu se développe
et les devoirs de l'État se multiplient (*);
2° La société doit d'abord réclamer que l'Étal assure la
liberté de l'individu et cesse d'intervenir lorsque cette liberté
suffit (*);
3^ Il n'y a point antinomie entre le respect de la liberté
individuelle et une intervention de l'État destinée soit à amé-
liorer l'état social, soit à combattre un mal que l'initiative
individuelle a été reconnue impuissante à écarter.
Sur le point spécial de l'obligation de l'assurance, il con-
(») Voir sur ce point le rapport de M. Levasseur relatif au concours
pour le prix Rossi, cité dans la préface de l'Ouvrage de M. Jourdan [Du
rôle de l'État dans l'ordre économique^ p. XII).
(2) Ibid., p. XV.
l'assurance ouvrière a l^etranger. 8i
vient de signaler d'abord que Tassurance obligatoire n'est pas
nécessairennenl l'assurance par l'Étal. Ainsi, en Allemagne et
en Autriche pour Tassurance-maladie, en Allemagne pour
rassurance-invalidilé, en Italie pour l'assurance-accidents,
Tobligation de l'assurance n'a pas entraîné la suppression de
la liberté dans le choix des moyens.
Les principaux arguments que Ton invoque en faveur de
l'obligation sont les suivants. Les trois premiers sont d'ordre
général et visent Finlervention de l'État; les autres sont spé-
ciaux à l'assurance :
1° Le besoin d'assurance est général : l'Etat doit donc y
pourvoir comme à un service public, tel que celui des voies
de communication ou des transmissions postales;
2<> L'État réaliserait l'assurance à moins de frais que les
particuliers : il n'aurait point de dépenses de publicité, et son
personnel actuel lui suffirait;
3° L'Étal offre seul les garanties de sécurité nécessaires à
la sauvegarde des réserves;
4® En l'absence d'obligation, Taâsurançe est irréalisable
pour l'ouvrier : tout d'abord, celui-ci, préoccupé des néces-
sités actuelles de l'existence, n'est guère porté à songer à
l'avenir; puis, lorsqu'il a le légitime souci du lendemain, il
est arrêté par la modicité et Tinstabilité du salaire qui le fait
vivre ;
5" L'obligation procure à la société des avantages incontes-
tables par l'amélioration de l'hygiène et par la diminution des
charges de l'assistance publique, ainsi que le démontre
l'exemple de l'Allemagne (*);
6° L'imprévoyance individuelle d'un grand nombre com-
promet le bien commun de la société : l'institution d'un
régime de contrainte se justifie dès lors comme en matière
d'hygiène publique, lorsque l'hygiène d'un seul individu met
en péril l'hygiène de tous;
(*) Voir sur cette question les lîésultats de l'assurance ouvrière à la
fin du xix" siècle. (Conférence faite à la Société de statistique de Paris,
le 20 mars 1901, par M. Maurice Bellom, p. 44 à 46).
8a MAURICE BELLOM.
7*^ L'institution de l'obligation fournit seule les grands
nombres nécessaires à toute organisation d'assurance qui
tient à comprendre la nuptialité et la natalité au nombre des
éléments assurables et à n'exiger que des primes faibles et
certaines, conditions à remplir^ d'une part, pour obtenir la
généralisation de l'assurance et, d'autre part, pour permettre
à l'industrie de lutter contre la concurrence étrangère : or la
liberté conduit à la dissémination des risques et ne donne
pas au petit industriel le moyen d'assurer économiquement
son personnel ouvrier;
8° Dans les branches d'assurance où la prime augmente
avec l'âge d'entrée, celle-ci devient décourageante ou même
prohibitive lorsque l'ouvrier s'assure à un âge relativement
élevé : il faut donc l'obliger à s'assurer jeune encore, à un
âge fixé par la loi;
9° La liberté de l'assurance expose à une mauvaise gestion
des produits de l'épargne;
10° L'obligation de l'assurance réalise entre les industriels
d'un même pays les conditions d'égalité dans la concur-
rence.
A chacun des arguments invoqués par les partisans de l'as-
surance obligatoire, les défenseurs de la liberté formulent
une réponse :
1° La nécessité de l'intervention de l'État ne résulte pas
forcément de la généralité d'un besoin : les motifs qui ont
conduit l'État à intervenir en matière de travaux publics ou
de communications postales — nécessité de l'expropriation,
dans le premier cas, et besoins propres de l'Etat, dans le
second — n'existent point en matière d'assurance;
2° L'Étal, par la nature même de son fonctionnement,
comporte certaines dépenses inhérentes aux formalités et
au contrôle; de plus, lors même qu'il pourrait utiliser une
partie de son personnel, il n'en devrait pas moins créer de
nouveaux emplois;
3° Si l'éventualité de voir un grand État faillir à ses enga-
gements n'est pas à redouter, on peut craindre que des tour-
mentes révolutionnaires ou des réactions violentes n'entra!-
L ASSURANCB OUVRIERE A L ÉTRANGER. 83
nent soii Tabsorption des réserves, soit la suppression du
service des pensions, d'où une calamité générale que la bien-
faisance publique ou privée ne pourrait, en raison de son
caractère d'universalité, réparer comme dans le cas de la
ruine d'un assureur isolé;
4° Sans doute, la prévoyance rencontre des difflcullés,
voire même des obstacles; mais ce ne sont pas surtout ceux
qui sont invoqués pour justifier Tinstiiution d'un régime de
contrainte : du côté de l'ouvrier, c'est la tendance à affronter
les risques de l'avenir, c'est le désir excessif des satisfactions
immédiates^ ce sont les préjugés qui ont cours en faveur de
la prodigalité; du côté des pouvoirs publics, c'est le régime
légal relatif à l'assistance, tel que l'institution de l'assistance
obligatoire; d'une manière générale, ce sont les théories
erronées, notamment celles qui concluent à l'impossibilité de
modifier la condition des travailleurs et celles qui attribuent
à l'État dans l'ordre économique un rôle qui ne saurait lui
convenir; enfin, au point de vue financier, les variations du
taux de l'intérêt constituent un élément dont l'influence est
essentielle en matière de prévoyance. D'ailleurs, ces difficul-
tés, quelles qu'elles soient, ne se présentent pas toujours :
ainsi la régularité du travail, l'excès de la production sur
la consommation faciliient la prévoyance; en outre, ces
obstacles, lors même qu'ils existent, ne sont pas insurmon-
tables : du côté de l'ouvrier, la prévision, le courage de s'im-
poser des privations; du côté des pouvoirs publics, l'institu-
tion d'un régime qui encourage l'énergie morale; d'une
manière générale, la diffusion de saines doctrines en matière
économique, peuvent aplanir les difficultés redoutées. Bien
plus, l'obligation, par les conséquences qu'elle entraîne, ne
fait que les aggraver;
5° Les avantages de l'obligation sont très réels dans l'ordre
matériel, mais disparaissent en regard de ses conséquences
morales;
6^ Pour que le danger de l'imprévoyance individuelle
appelle l'intervention d'une loi d'obligation, il faut que lu
preuve de l'existence de ce danger résulte de la constatation
du caractère incurable de cette imprévoyance; or l'initiative
"84 MAURICE BELLOM.
privée n'est pas nécessairement impuissante : l'exemple de
la Belgique et de Tltalie en matière de pensions de vieillesse
tend à le démontrer. De plus, l'institution immédiate d'un
régime de contrainte ne peut que revêtir un caractère absolu
de généralité : elle frappe donc les prévoyants comme les
imprévoyants, alors qu'elle devrait être limitée à ces der-
niers;
7' La possibilité de réunir, sous le régime de la liberté, un
nombre suffisant de risques est démontrée par l'existence
même des assureurs privés; quant au petit industriel, con-
sidéré comme consommateur d'assurance, il est garanti par
la concurrence entre les assureurs nationaux et les assureurs
étrangers, concurrence qui n'est entravée par aucun droit
protecteur;
8"^ L'argument basé sur le caractère excessif ou prohibitif
de la prime s'inspire de la conception erronée qui consiste à
faire du bien à l'individu en dehors de lui et malgré lui;
9° Pour garantir l'épargne contre les risques d'une mau-
vaise gestion, il n'est pas nécessaire de recourir à l'obliga-
tion; il suffit d'un contrôle et d'une publicité officielle;
10° L'exemple des industriels qui ont créé spontanément
des institutions en faveur de leurs ouvriers montre que les
dépenses de la prévoyance n'ont pas compromis l'avenir de
leurs entreprises.
III.
L'organisation allemande et les institutions plus récentes
de la Belgique et de l'Italie permettent, d'ailleurs^ de trans-
porter du domaine des idées dans celui des faits la compa-
raison du régime de l'obligation et du régime de la liberté.
Cette comparaison est d'autant plus instructive que, quelle
que soit la divergence des vues sur la matière, les partisans
de chacun des deux systèmes sont unanimes à reconnaître la
haute valeur des hommes qui ont créé et organisé les œuvres
basées sur le système adverse. Un hommage spécial est dû,
en Allemagne, à M; le docteur Bœdiker et à ses collabora-
teurs et continuateurs, MM. Gœbel et Zacher, en Belgique à
L ASSURANCE OUVRIERE A L ETRANGER. 85
M. Lépreux, en Italie à M. Magaldi. Ce sont, du reste, les
limites étroites de notre cadre qui nous empêchent de pro-
céder autrement que par voie d'exemple et, par suite, de citer
les hommes éminents qui, dans les autres pays, ont attaché
leurs noms à des œuvres similaires.
i"* Allemagne,
En Allemagne, Tassurance obligatoire existe contre la mala-
die, contre les accidents, contre l'invalidité.
A. L'assurance contré la maladie, régie par la loi du
10 avril 1892, alloue les soins médicaux et les médicaments
dès le début de la maladie et, en cas d'incapacité de travail,
à partir du troisième jour, un secours pécuniaire au moins
égal à 5o pour 100 du salaire; la caisse de maladie peut
toutefois allouer le seèours pécuniaire dès le premier jour et
le porter aux trois quarts du salaire. Le traitement à l'hôpital
peut remplacer ces allocations, sous réserve du maintien de
la moitié du secours pécuniaire au profit des ayants droit
soutenus par le malade.
La durée des soins est limitée en général à treize semaines
à dater du début de l'incapacité de travail : elle peut être
portée à un an par la caisse de maladie; celle-ci a également
le droit de faire suivre la cessation des secours de maladie
de l'allocation de soins de convalescence. L'attribution du
secours pécuniaire de maladie est prévue au profit des
femmes en couche pendant les quatre semaines qui suivent
la délivrance : la caisse de maladie peut porter à six semaines
la période légale minima de quatre semaines. Enfin, une
assurance de frais funéraires, comprise entre un minimum
légal égal à vingt fois le salaire quotidien et un maximum sta-
tutaire égal à quarante fois le salaire quotidien, est prévue par
la loi. Les assurés peuvent compléter l'assurance légale
auprès de caisses libres jusqu'à concurrence de leur salaire.
D'autre part, les organes d'assurance contre la maladie sont
admis à organiser l'assurance des soins médicaux et des frais
funéraire^ au profil des membres de la famille de l'assuré;
mais ils ne sont pas autorisés à pourvoir au service d'une
86 MAURICE BËLLOU.
autre forme d'assurance, telle que l'assurance des inva-
lides, des veuves ou des orphelins.
B, L'assurance contre les accidents, actuellement régie par
la législation du 3o juin 1900, a pour but de réparer le dom-
mage causé par un accident de travail non imputable à Tin-
tention de la victime. Elle alloue :
a. En cas de blessure, à dater du début de la quatorzième
semaine consécutive à l'accident, — l'assurance contre la
maladie faisant face aux treize premières semaines d'inca-
pacité de travail, — la gratuité du traitement et une pension
variable suivant le degré d'incapacité jusqu'à concurrence
des deux tiers du salaire;
fc. En cas de décès, une indemnité funéraire égale au quin-
zième du salaire annuel jusqu'à concurrence de 5o marcs
et des pensions d'une part au veuf sans ressources ou à la
veuve et aux enfants jusqu'à l'âge de quinze ans accomplis,
d'autre part aux ascendants sans ressource ou aux petits
enfants orphelins de père et de mère : l'ensemble de ces
pensions, fixées individuellement à 20 pour 100, ne peut excé-
der pour le premier groupe 60 pour 100 du salaire; le second
groupe n'a droit à pension que si ce maximum n'est pas
atteint.
Les secours thérapeutiques peuvent être donnés à rhôpital :
la pension de blessé est alors supprimée, et les ayants droit
reçoivent la même pension qu'en cas de décès du blessé. De
plus, les allocations minima doivent être portées à l'intégra-
lité du salaire en cas d'indigence absolue de la victime
frappée d'incapacité totale; l'organe d'assurance peut éga-
lement porter au taux de la pension d'incapacité totale la
pension d'incapacité partielle au profit du blessé que des
causes indépendantes de sa volonté réduisent au chômage.
C. L'assurance contre l'invalidité, sous le régime de la loi
du i3 juillet 1899, alloue des pensions d'invalidité et de
vieillesse, et certaines allocations accessoires aux assurés et
à leurs ayants droit.
La pension d'invalidité est accordée à tout assuré qui, par
suite d'infirmités naturelles, quel que soit son âge, ne peut
plus gagner le tiers de son salaire normal ou est frappé d'in-
l'assurance ouvrière a l* étranger. 87
y
capacité de travail depuis plus de vingt-six semaines : toute-
fois il doit, en général, être assuré depuis deux cents semaines.
La pension de vieillesse est allouée à tout assuré, même
valide, âgé de soixante-dix ans : toutefois Tintéressé doit être
assuré depuis douze cents semaines.
La pension de vieillesse et la pension d'invalidité compren-
nent l'une et l'autre une partie fixe et une partie variable : la
partie fixe est constituée par la subvention de l'Empire, égale
à 5o marcs; la partie variable dépend du salaire et, en outre,
pour la pension d'invalidité, de la durée de l'assurance : les
assurés sont répartis, suivant l'importance de leur salaire, en
cinq classes à chacune desquelles correspondent une part de
pension de vieillesse de 60, 90, 120, i5o et 180 marcs, une part
de pension d'invalidité de 60, 70, 80, 90 et 100 marcs et une
majoration, par semaine d'assurance, égale à 3^ 6, 8, lo et
12 pfennigs. En d'aulres termes, la pension de vieillesse varie
de:
5o -h 60 = no marcs par an
a
5o 4- 180 == 23o marcs par an,
et la pension d'invalidité varie, d'une part, entre la durée
minima d'assurance (200 semaines) et la durée assignée
comme caractéristique de la période d'équilibre (5o ans, soit
25oo semaines) et, d'autre part, entre les classes de salaire
extrêmes, de
5o H- 60 -H 200 X jjq = 1 16 marcs par an,
a
5o 4- 1 00 -4- 25oo X Y^ = 4^0 marcs par an .
Les allocations accessoires consistent dans la restitution
des cotisations payées après deux cents semaines d'assurance :
1" Aux assurés du sexe féminin qui se marient avant d'avoir
obtenu une pension ;
2*» Aux ayants droit d'assurés qui décèdent avant d'avoir
droit à pension ;
3° Aux assurés qui deviennent invalides par accident et qui
88 MAURICE BELLOU.
ne reçoivent pas la pension d'invalide, celle-ci étant inférieure
à la pension de blessé.
Enfin une assistance est prévue au profit des ayants droit
d'un assuré qui reçoit des soins destinés à prévenir la surve-
nance de l'invalidité.
Telle est l'économie générale de chacune des branches
d'assurance. Il convient d'indiquer leurs relations mutuelles.
1° Les relations entre Tassurance-maladie et l'assurance-
accidents résultent d'abord de l'assimilation des petits acci
dents aux maladies : la caisse de maladie accorde au blessé,
pendant les quatre premières semaines, les mêmes allocations
qu'au malade; toutefois, à partir du début de la cinquième
semaine, le secours pécuniaire doit atteindre une valeur au
moins égale aux deux tiers du salaire, et, si le secours pécuniaire
normalement exigible de la caisse de maladie est inférieur à
ce minimum, le patron doit fournir la différence : la loi aller
mande a réalisé de la sorte une amélioration de la situation
des blessés sans grever de nouvelles charges ni les organes
d'assurance contre la maladie, ni les organes d'assurance
conire les accidents : les premiers reçoivent des patrons le
remboursement du supplément d'allocations qu'ils doivent
servir; les seconds n'ont à subir aucune majoration de frais
d'administration qu'entraîneraient de nouveaux rapports avec
les caisses de maladie. D'autre part, le blessé dont le traite-
ment prend fin avant Texpiration de la treizièmie semaine con-
sécutive à l'accident, sans qu'il ail recouvré sa capacité de
travail, serait exposé à la privatioa du secours pécuniaire de
maladie à une époque où le bénéfice de l'assurance contre les
accidents ne lui serait pas encore garanti. La loi allemande
du 3o juin rgoo a, par son article i3, imposé à l'établissement
d'assurance contre les accidents l'obligation de servir à la
victime la pension de blessé à dater de la cessation du secours
pécuniaire de maladie; si, d'ailleurs, la caisse de maladie a
indûment suspendu le service des secours dont elle était
débitrice, l'établissement d'assurance contre les accidents est
investi, à l'égard de celle caisse, des droits qui appartenaient
au blessé.
L ASSURANCE OUVRIÈRE A L ÉTRANGER. 89
De plus, la législation allemande, combinée avec la jurispru-
dence de rOfOce impérial des assurances, prévoit, d'une part,
que les caisses de maladie peuvent continuer, si elles en sont
chargées par les établissements d'assurance-accidents, Tallo-
çation, contre remboursement, des indemnités — tant secours
que pensions — au blessé au delà du début de la quatorzième
semaine et jusqu'à l'expiration de la période de traitement;
elle autorise, d'autre part, l'établissement d'assurance-acci-
dents à intervenir dans le traitement du blessé dès le début de
l'incapacité de travail.
En résumé, le blessé reçoit sans interruption les secours
successifs de l'assurance-maladie et de l'assurance-accidents,
grâce à des mesures qui Fui garantissent l'unité d'un traitement
approprié;
2° Les relations enire l'assurance-maladie et l'assurance-
invalidité présentent, au contraire, une lacune entre la
cessation des secours de maladie et l'origine du service de la
pension d'invalidité ; car, tandis que les secours de l'assurance-
maladie ne peuvent jamais excéder une période d'une année,
la pension d'invalidité ne peut être obtenue qu'au bout de
deux cents semaines, soit près de cinq années d'assurance;
d'autre part, même pour un assuré qui aurait accompli ce stage
légal, si les secours de maladie ne lui sontservis par une caisse
de maladie que durant treize semaines, il subsistera une lacune
entre l'expiration de celte période et celle de la période légale
de vingt-six semaines d'incapacité de travail. Les rapports dans
le domaine thérapeutique entre les deux branches d'assurance
sont, au contraire, fort étroits : les établissements d'assu-
rance-invalidité sont, en effet, admis à appliquer soit direc-
tement, soit par l'intermédiaire de la caisse de maladie, le
traitement qu'ils jugent convenable aux assurés dont la
maladie peut faire redouter une invalidité ultérieure; à cette
initiative, qui tend à la prévention de l'invalidité, les mêmes
établissements sont autorisés par la loi à en joindre une autre
qui vise Tallénuation de l'invalidité en appliquant aux invalides
un traitement susceptible de leur faire recouvrer la capacité
de travail ;
3' Enfin les relations entre l'assurance-accidents et l'assu-
go MAURICE BELLOM.
rance-invalidité résultent des dispositions législatives qui
spécifient que la présomption du caractère accidentel de
l'incapacité de travail n'exclut pas le bénéfîce de la pension
d'invalidité, et qui confèrent à rétablissement d'assurance-
invalidité, vis-à-vis de l'établissement d'assurance-accidents,
un droit à remboursement pour les avantages que celui-ci a pu
retirer du traitement médical préventif organisé par les insti-
tutions d'assurance-invalidité.
Cette analyse sommaire des fonctions remplies par les or-
ganes de l'assurance allemande permet de constater que cette
assurance ne procure pas à l'ouvrier une protection complète.
D'une part, le malade qui devient invalide est exposé à
attendre l'achèvement du stage légal pour être admis au
bénéfice d'une pension. D'autre part, l'assurance contre
l'invalidité ne comprend l'assurance en cas de décès préma-
turé du chef de famille que sous la forme embryonnaire d'une
restitution de cotisations.
D'ailleurs, l'assurance contre les accidents en Allemagne
laisse encore à la responsabilité civile une place suffisante pour
que les industriels allemands aient dû, en vue d'y faire face,
prendre des mesures telles que la création du Syndicat des
industriels allemands {DeutscherHaftpfUcht-Schutzverband)
présidé récemment encore par M. Th. Môller, aujourd'hui
ministre du Commerce prussien.
D'autre part, si l'on recherche quelles seront, par tête
d'assuré, les charges de l'assurance allemande lorsque la
période d'équilibre sera atteinte, on trouve les chiffres sui-
vants (*) :
(M Les divergences qui peuvent exister entre ces ctiiffres et d'autres
cliiffres déjà publiés proviennent de la base sur laquelle les prévisions
ont été établies; un nouveau système financier ayant été mis récemment
en vigueur : les chiffres ci-contre sont calculés d'après le dernier système.
D'autre part, les explications suivantes relatives à Tassurance-accidents
semblent opportunes :
La loi allemande de 1884 avait adopté le système de la répartition : la
loi allemande de 1900 a décidé que le fonds de réserve devait devenir tel
qu'eu affectant ses intérêts à compléter les cotisations on pût main-
l'assurance ouvrière a l'étranger.
91
Assurance contre
le risque de
Maladie
Accident
Invalidité
Charges annuelles par tête d'assuré
supportées par
le patron, l'ouvrier. l'Empire.
marcs
5,i5
10 »
7,o5
22,20
marcs
10, 3o
/ î
03
17,35
marcs
3,55
3,55
Total.
marcs
i5,45
10 »
17,65
43,10
A l'heure actuelle, les chiffres correspondants sont les sui-
vants :
Assurance contre
le risque de
Maladie
Accident
Invalidité
Charges annuelles par tête d'assuré
supportées par
le patron, l'ouvrier. l'Empire.
marcs
5.i5
6,08
4,65
marcs
10, 3o
4,65
i5,88 14,95
marcs
2,88
2,88
Total.
marcs
13,43
6,08
12,18
33,71
Ces chiffres correspondent à un salaire annuel moyen de
600 marcs pour 3oo jours de travail par an.
On peut déduire de ces chiffres que, dans la période d'équi-
tenir celles-ci à un niveau constant, intermédiaire entre la prime mathé-
matiquement nécessaire et la contribution maxima résultant de Tapplica-
cation du système de la répartition. Cette valeur intermédiaire ressort à
16 marcs 5o
par assuré dans l'industrie.
La prime constante aurait été de 12 marcs 36; la contribution, dans le
système de la répartition» devait, lors de la période d'équilibre, atteindre
20 marcs.
Ces chiffres sont spéciaux à l'industrie.
Pour que le système fonctionne, il faut que le fonds de réserve atteigne
80 marcs 384 par assuré. Le régime que la loi de 1900 a prévu pour la
constitution du fonds de réserve assure à ce fonds, en 1922, une valeur
de 85 marcs 27 par assuré; il existe donc entre la valeur nécessaire et la
valeur prévue une différence de 4 marcs 886 qui a été jugée suffisante pour
faire face à l'éventualité d'un abaissement du taux de l'intérêt.
II convient d'ajouter que les ouvriers participent aux charges du traite-
ment du blessé pour la période initiale qui donne lieu à l'intervention des
caisses de maladie (voir Maurice Bellom, Conférence précitée à la Société
statistique de Paris, 1901, p. 36).
3* Série, t. IV.
9^ IIAIRICE BELLOM.
libre, Touvrier allemand sera obligé de consacrer, par se-
maine, à la prévoyance o marc 33 (soit o',4' )> dont o marc 19
(soit 0^24) pour la maladie et omarc i4 (soit o^l7) pour Tin-
validité.
L'influence de l'assurance allemande sur la paix sociale
peut s'apprécier d'après les deux critériums suivants : amé-
lioration des rapports entre patrons et ouvriers, et satisfac-
tion des légitimes aspirations des uns et des autres.
Sur le premier point, il paraît certain que, d'une manière
générale, la participation des ouvriers à la gestion de Tassu-
rance-maladie et de Tassurance-invalidité et le règlement des
litiges par voie arbitrale ont permis aux patrons et aux
ouvriers de se connaître et de s'apprécier mutuellement. On
a signalé, sans doute, l'augmentation du nombre des litiges (^)
depuis l'entrée en vigueur de l'assurance. Toutefois, cette
progression s'explique jusqu'à ce que l'institution ait atteint
son régime d'équilibre, par la survenance annuelle de nou-
velles victimes qui viennent se joindre aux victimes des
années antérieures et par l'augmentation corrélative du
nombre des personnes dont la pension doit être revisée et
réduite en raison du recouvrement progressif de la capacité de
travail. D'ailleurs, il semble impossible d'obtenir la suppres-
sion des litiges sous un régime, quel qu'il soit, si la garantie
des droits des patrons et des ouvriers est assurée par des
recours contre les décisions intervenues. On a ajouté qu'en
Allemagne les conflits qui s'élèvent au sujet des accidents
n'afl'eclent point le caractère d'aigreur que pourrait revêtir
une contestation individuelle entre l'ouvrier et son patron;
car le travailleur ne se trouve point en présence du chef
d'entreprise, mais en présence de l'établissement d'assurance,
c'est-à-dire d'une collectivité, et les deux parties rencontrent,
dans le tribunal, des juges désignés parmi leurs pairs.
Sur le second point, il semble que les diverses branches
de l'assurance ouvrière n'aient pas été, de la part des chefs
d'entreprise, l'objet d'un accueil également favorable. Tandis
( ' ) Voir les deux études de M. Maurice Bellom, publiées dans le Journal
de la Société de statistique de Paris, 1897, p. 289 et 240, et 1901, p. 273.
l'aSSURANCK OUVRIERE A L'ÉTRANGER. gS
que rassurance-maladie consacrait, d'une manière presque
exclusive, le régime existant et que Tassurance-accidenls,
basée sur le groupement professionnel, associait des indus-
triels que rapprochait sur le terrain économique la commu-
nauté d'intérêts, Tassurance-invalidité, fondée sur le système
territorial et appliquée à une population ouvrière plus éten-
due et moins homogène, a rencontré de nombreux adver-
saires. C'est qu'en effet Tobligaiion de prêter, à titre gracieux,
un concours personnel à Tadministration de l'assurance est
une de celles qui ont pesé le plus lourdement, du moins a
l'origine, sur le patron allemand. Il convient d'ajouter qu'une
modification législative, qui a chargé de l'exécution de cer-
taines formalités les caisses de maladie et les autorités com-
munales, a supprimé des causes de mécontentement et que
l'amélioration des rapports entre le capital et le travail a dis-
sipé certaines préventions des chefs d'entreprise.
Quant aux charges financières imposées à l'industrie
allemande par les lois d'assurance ouvrière, elles ont été
évaluées comme suit dans un document que le gouvernement
allemand a présenté à l'Exposition universelle de 1900 (*).
Pour un salaire quotidien moyen de 2 marcs, les charges
patronales seraient de :
proniilgg
/ maladie i ,3'3
Assurance l accidents 9.
( invalidité 2
5,33
soit 2,67 pour 100 du salaire.
La période de prospérité que l'industrie allemande a tra-
versée lors des premières années d'application des lois d'as-
surance ouvrière explique la facilité avec laquelle cette indus-
trie a supporté les charges nouvelles qui lui incombaient.
Le parti socialiste allemand avait fait, au début de l'institu-
tion des assurances ouvrières, une opposition marquée à
l'organisation nouvelle. La loi sur l'assurance-invalidilé de
(•) LuDWiQ Lass und Friedrich Zahn, Einrichtung und Wirkung
der deutschen Arbeiterversicherung, p. 220.
94 MAURICE BELLOM.
1889 n'avait élé volée qu'à une majorité de vingt voix, et les
socialistes avaient refusé leur approbation à la loi, en parti-
culier à cause de Tinsuffisance des avantages que, d'après
eux, elle procurait à la classe ouvrière ; ils imitaient, selon
l'expression du ministre d'Etat M. de Botiicher, l'exemple de
l'homme affamé qui demande un morceau de pain beurré et
le refuse sous prétexte qu'il est sec. La loi de 1899 fut, au
contraire, adoptée par plus de deux cents voix contre une
minorité infime (de cinq voix); la majorité comprenait les
socialistes : c'était la première loi sociale qui eût obtenu leurs
suffrages. Et cependant, si l'on compare les avantages garantis
par la législation allemande d'assurance-invalidité à ceux que
promet la législation similaire projetée en France, on est amené
à penser que les travailleurs allemands, s'ils avaient été con-
sultés dans un référendum analogue à l'enquête française de
1901 (^), auraient formulé des critiques semblables à celles
des ouvriers français. Si l'âge de 65 ans a paru trop élevé
pour l'admission à la retraiie de vieillesse, l'âge de 70 ans
aurait été qualifié de plus prohibiiif encore, et la crainte de
voir retomber sur l'ouvrier, par voie de réduction de salaire,
la charge de la contribution patronale, n'aurait pas été for-
mulée avec moins de vigueur.
Toutefois, ce qui aurait peut-être atténué les critiques de
la part des ouvriers allemands, c'est que l'ensemble de l'or-
ganisation d'assurance, en dépit des lacunes existant entre
les diverses branches, permet la réalisation d'avantages incon-
testables dans l'ordre matériel. D'après les chiffres donnés
plus haut, les ouvriers acquittent moins de la moitié des
charges de l'assurance ouvrière ( 14 marcs 9^ sur 33 marcs 71 ;
17 marcs 35 sur 43 marcs 10). Ils reçoivent, d'ailleurs, des
allocations dont la valeur est de beaucoup supérieure à celle
des cotisations qu'ils ont payées, comme l'indiquent les
chiffres suivants :
(M Voir l'analysa da ce referemlum dans l'article de M. Maurice
B::llo>i sur les Retraites ouvrières en France {Revue politique et parle-
mentaire, 1902, t. XXXI, p. 119 et suiv.).
L ASSURANCE OUVRIEHE A L ETRANGER. 95
Assurance Charge Dépense
contre supportée par assuré
le risque de par l'ouvrier. en 1899.
mnrcii marcs
Maladie io,3o i5,85
Accident — 4,4i
Invalidité 4 , 65 6/23
14,95 26,49
A la On de Tannée 1899, 4^ millions de personnes (malades,
victimes d'accidents, invalides et ayants droit de blessés ou
d'invalides) avaient reçu 2 milliards-} de marcs d'indemnités.
Les ouvriers avaient payé moins de la moitié de celte somme
à titre de cotisations. On a calculé que l'assurance ouvrière
entraîne en Allemagne une dépense de i million de marcs par
jour; la fortune des éiablissemenls d'assurance atteint près
de I milliard, dont 100 millions environ ont été employés à la
construction de maisons ouvrières, d'établissements thérapeu-
tiques et d'autres institutions en faveur des ouvriers.
De plus, les caisses de maladie ont développé les secours
thérapeutiques par Tallocaiion des soins immédiats et par la
création d'établissements de convalescence; elles ont, en
outre, cherché à améliorer l'hygiène du travail (^). Les éta-
blissemenls d'assurance-accidents se sont préoccupés à la
fois de l'allocation de soins immédiats aux blessés par l'orga-
nisation de postes de secours, et de la réalisation d'un traite-
ment efficace par la combinaison de la mécanothérapie et de
la chirurgie; ils ont également dirigé leurs elForts dans le
sens de la prévention des accidents. Si, d'autre part, l'aug-
mentation du nombre des accidents a été signalée comme
imputable à l'assurance obligatoire, il convient de rappeler (*)
que les accidenis graves diminuent et que la progression,
limitée aux accidents légers, s'explique par l'exercice d'un
contrôle plus rigoureux sur la déclaration des accidents, par
l'accroissement de l'activité industrielle, par le développe-
(*) Voir les éludes précitées de M. Maurice Bellom, dans le Journal
de la Société de statistique de Paris, 1901, p. 261.
(2) Ibidf ^897, p. 282, et 190 1, p. 265.
96 MAL'RICB BELLOU.
menl de remploi des machines, — ces deux dernières circon-
stances conduisant parfois à l'emploi d'ouvriers inexpérimen-
tés, — par la diffusion de la connaissance des dispositions
légales, enfin par le libéralisme de la jurisprudence. Les
établissements d'assurance-invalidité ont également cherché à
réaliser à la fois la prévention et la guérison de Tinvalidité :
ils ont consacré dans ce but des efforts particuliers à la lutte
contre la tuberculose et à l'amélioration de l'hygiène de la
famille ouvrière par la construction de maisons à bon marché.
Les avantages que les ouvriers retirent de ces allocations
de l'assurance doivent, d'ailleurs, profiter à l'ensemble de la
population, qui peut recourir aux postes de secours et trouve
dans les établissements d'assurance un précieux auxiliaire
pour l'amélioration de la sanlé publique (^).
2* Belgique et Italie,
Le régime institué en Belgique par la loi du 10 mai 1900,
en Italie par la loi du 17 juillet 1898-7 juillet 1901, est, à la
différence du système allemand, basé sur la liberté. Dans l'un
et Taulre pays existe une Caisse d'Etat, mais l'affiliation n*y est
nullement obligatoire.
De plus, l'une et l'autre législation ont cherché à utiliser le
concours des sociétés de secours mutuels pour le recrutement
des assurés : les moyens employés devaient, d'ailleurs, diflTérer
en raison du rôle que les lois en vigueur attribuaient, dans
chacun de ces pays, aux sociétés mutualistes. En effet, tandis
que les sociétés belges ne peuvent réaliser que l'assurance
contre la maladie, l'assurance de pensions de retraite est
accessible aux sociétés italiennes. S'il est impossible d'énu-
mérer ici le détail des procédés (*), il est du moins essentiel
de signaler que Toeuvredu législateur a trouvé dans toutes les
classes de la population les plus actifs auxiliaires, a L'enthou-
(M Voir Journal de la Société de statistique de Paris, loc. cit., 1901,
p. 273.
(») Voir pour ce détail, Maurice Bellom, Les retraites ouvrières en
France {Revue politique et parlementaire, 1902, t. XXXI, p. 3i4 à Sig).
»-l.
L ASSURANCE OUVRIERE A L ETRANGER.
97
siasme» quiaaccueillienBelgiqueynotammentdansleHainaut,
la propagande du clergé, des hommes politiques» des jeunes
gens, des femmes elles-mêmes n'a d'équivalent que dans
le zèle développé en Italie par les comités de patronage
et les comices agricoles.
Ces généreux efforts ne sont pas demeurés stériles. En Bel-
gique, le nombre des affiliations nouvelles à la Caisse de
retraite a plus que doublé en 1900 : de 66712 il a passé à
1 36384. En Italie^ la progression, si elle porte sur des chiffres
plus faibles, n'en est pas moins évidente :
îombre des ouvriers inscrits
Versements des ouvriers in-
scrits
lentes servies dans l'exercice
'ortune de la Caisse
3i décembre
3i décembre
3i décembre
1899.
1900.
1901.
10 000
42000
—
809060 lires
2 180000 lires
11498000 lires
14 340 175 lires
16339 117 lires
IV.
De ce qui précède ressort la constatation d'avantages maté-
riels dus au régime de Tobligation. Toutefois il est indéniable
que ces avantages sont acquis au prix de charges que la pro-
spérité de Tinduslrie permet seule d'accepter : l'institution
d'un pareil régime soulève donc une question d'opportunité,
et il serait impossible d'en faire supporter la création durant
une période de crise.
D'autre part, s'il était possible de créer pour l'ensemble
d'une nation une organisation d'assurance complète qui
pourvût à la fois aux secours de maladie et aux pensions de
veuves et d'orphelins, et en général aux allocations les plus
différentes au point de vue des conditions de leur régime, on
serait fondé à célébrer comme un bienfait l'intervention du
législateur. Mais il n'existe pas encore une organisation géné-
rale d'assurance créée par la loi : l'édifice allemand, qui a
réalisé la plus vaste application de l'assurance obligatoire.
S8 MAURICE BELLOH.
ofTre des lacunes, et Theure ne saurait être encore Gxée où
elles seront comblées.
Enfin, si le seul but à atteindre était la généralisation
immédiate des idées de prévoyance ( • ) et Texlension uniforme
d'un régime applicable à tous les cas, la déûnition, par ua
texle de loi, des éléments de ce régime s'imposerait au nom
de la logique. Mais c^est Ténergie morale qu'il importe avanl
tout de développer, ei c*est la variété, et non Funiformité,
qu'il convient de demander à un système d'assurance : l'assu-
rance ne doit-elle pas, en effet, revêtir les formes diverses
du risque à couvrir, et n'y a-t-il pas une connexité inéluctable
entre la nature du mal et le choix du remède?
L'examen des Inconvénients du régime de l'obligation pré-
cise et confirme ces observations.
Au début de cet examen, une distinction préjudicielle
s'impose entre l'assurance contre les accidents et les autres
branches d'assurance. La première a pour base la responsa-
bilité patronale; le risque à couvrir est, sous un régime de
responsabiliié légale, un risque patronal et non un risque
ouvrier. L'adoption d'un système de responsabilité forfaitaire
a ainsi entraîné par voie de conséquence nécessaire l'institu-
tion de l'assurance obligatoire contre les accidents, dans des
pays où l'obligation de l'assurance n'a pas été édictée contre
les autres risques : l'exemple de l'Italie, qui, par la loi du
17 mars 1898, a imposé l'obligation de l'assurance contre les
accidents sous réserve du libre choix des moyens et qui, en
matière d'invalidité, est restée fidèle au système de l'assurance
facultative, le prouve nettement. C'est qu'en effet la combi-
naison de l'assurance facultative contre les accidents sous le
régime de la responsabilité légale entraîne, au début tout au
moins, des difficultés d'application (-) et aboutit, pour la con-
stitution de la garantie des indemnités, à des conséquences
(•) Voir le développement de cet argument dans le rapport de M. ie
D' Zacher au Congrès des accidents du travail et des assurances sociales
de 1900 {Compte rendu des travaux du Congrès, t. I, p. 12).
(') Voir sur ce point Maurice Bellom, La loi sur les accidents du
travail et les difficultés présentes {Revue politique et parlementaire,
1899, t. XXI, p. 90 et 91).
l'assurance ouvrière a l étranger. 99
illogiques (*) qui ne se juslifienl que par la. modicité des
intérêts en cause.
C'est donc abstraction faite de l'assurance contre les acci-
dents que les inconvénients de la contrainte vont être exa-
minés.
Ces inconvénients sont les uns moraux, les autres maté-
riels : les premiers, comme les seconds, atteignent à la fois
l'individu et la société.
I. — Inconvénients moraux. Pour rindwidu :
1° La contrainte s'oppose à la tendance instinctive de
l'homme à l'activité;
2® Elle supprime chez l'individu la noiion de la responsa-
bilité et le sentiment de la nécessité de l'effort; l'apologue
antique est toujours vrai : un Athénien, pour éviter à ses
abeilles le trajet de son jardin au mont Hymette, plante dans
son jardin les fleurs de la montagne et coupe les ailes des
abeilles; celles-ci ne produisent plus de miel et ne lardent
pas à mourir. Le sort de ces abeilles n'est-il pas celui qui
attend l'individu privé de la liberté de l'effort?
3*» La contrainte retarde l'ascension sociale du travailleur
par la privation, qu'elle lui impose, de la disposition du fruit
de son labeur.
Pour la société :
1° L'obligation arrête le progrès social qui dépend des
progrès de l'individu;
2° Elle tend à constituer arbitrairement dans la société des
classes distinctes : en effet, l'obligation ne s'applique pas à
l'ensemble de la population qui doit recourir à la prévoyance;
les citoyens non admis au bénéfice du régime légal ne sont
pas tous dans l'aisance; parmi eux figurent soit des travail-
leurs agricoles, soit de petits artisans qui différent à peine des
simples ouvriers avec lesquels ils travaillent.
IL — Inconvénients matériels. Pour rindwidu :
(M Voir Maurice Bellom, De la responsabilité en matière d^accidents
du travail, 2* édition, p. 5o3 à 5o5.
• - • ; :■ • v>
lOO UAURICB BELLOM.
Le régime d'obligation prive le travailleur de la libre dispo-
sition du produit de son travail. £n effet :
i"" L'obligation empêche le travailleur de consommer la
totalité de son salaire^ contrairement au respect du droit de
propriété;
2<' Elle détermine, par une violation du même droit, la pari
du salaire à affecter à l'épargne, et elle enlève au travailleur
le libre emploi de cette épargne. Or :
D'une part, sous le régime de la liberté, le travailleur con-
sacre son épargne à Tobjet le mieux approprié à ses besoins
ou à ses goûts : l'un cherche à s'élever au-dessus de son
niveau social primitif en achetant l'outil, le champ ou l'atelier
par lequel ou dans lequel il travaille, afin de pouvoir, aujour-
d'hui manœuvre industriel ou agricole, devenir demain artisan
ou cultivateur; l'autre acquiert par des sacrifices successifs et
persévérants la maison qu'il habite; un autre consacre ses
ressources à l'éducation d'une nombreuse famille. L'obligation
d'affecter à l'assurance une portion du produit du travail réduit,
si elle ne la supprime, la portion qui peut être réservée à des
objets différents.
D'autre part, la variété des situations du travailleur appelle
la diversité correspondante des formes de prévoyance : l'assu-
rance en cas de vie, par exemple, qui suffit au célibataire, ne
saurait répondre aux préoccupations du mari ou du père, qui
doit recourir aux diverses combinaisons de l'assurance en cas
de décès (*).
Pour la société :
1° L'institution d'un régime obligatoire entraîne, pour la
production, des charges qui atteignent, par répercussion,
soit le salaire, soit le profit industriel, soit le prix de vente,
c'est-à-dire l'ouvrier, l'entrepreneur ou le consommateur, et
souvent tous trois ensemble.
2° L'organisation de l'assurance obligatoire crée pour l'État
une fonction nouvelle et fort complexe. D'une part, l'applica-
(') Voir pour plus de détails Des relations mutuelles des diverses
branches de l'assurance ouvrière (Rapport présenté par M. Maurice
Bellom au Congrès international des assurances sociales de 1900).
l'assurance ouvrière a L*ËTRANG£R. ioi
1
tion de la contrainte constitue, tout au moins à l'origine, une
expérience tentée en l'absence de bases techniques suffi-
santes : elle ne se prête que difficilement aux essais limités
que comporte le régime des entreprises de Tinduslrie privée;
elle expose donc à des mécomptes dont les conséquences
financières sont supportées par l'État, s'il est lui-même
assureur, et lui sont, en tout cas, reprochées parce qu'il n'a
pu édicter l'obligation sans veiller par un contrôle efficace à
la solvabilité des assureurs. D'autre part, l'assurance obliga-
toire ne comporte point de retouches susceptibles d'atteindre
les assurés dans leurs droiis acquis ou en cours d'acquisi-
tion : elle revêt un caractère définitif; elle n'offre donc point
l'élasticité de réforme nécessaire à l'application de combinai-
sons aussi vastes. Enfin, outre l'absence de données tech-
niques au début de l'organisation, l'éventualité de modifica-
tions du taux de l'intérêt crée un danger d'autant plus grave
que les capitaux immobilisés sont plus considérables et que
la variété des placements est moindre (*).
3° Les ressources de l'assurance sont obligatoirement
recouvrées comme l'impôt, avec cette différence qu'elles
pèsent sur des contribuables qui ne seront jamais appelés au
bénéfice des avantages correspondants ; en effet, lorsque
l'assurance est décrétée obligatoire, il est nécessaire que la
société intervienne par ses ressources à la place de ceux qui
sont incapables de tout efîort de prévoyance. La société est
ainsi conduite à effectuer sur chacun de ses membres un
prélèvement qui pourra être qualifié, au début, de prime
d'assurance, mais qui ne tardera pas à être assimilé à l'impôt.
Le contribuable aisé aura peine à distinguer la somme qu'il
acquitte pour le service de l'assurance de celle qu'il paie
(*) C'est à dessein que je ne signale pas l'argument opposé fréquem-
ment au principe de l'obligation de Tasçurance et tiré des dangers de
l'accumulation de capitaux qu'elle entraîne (Voir mon ouvrage précité:
De la responsabilité en matière d^ accidents du travail, a* édition, p. 493,
I" alinéa); il convient, en effet, de signaler que la disponibilité intégrale
de ces capitaux n'est pas exigible comme celle des capitaux de caisses
d'épargne et que Tinstitution d'un régime d'obligation n'exclut point la
possibilité d'accorder aux assureurs une liberté suffisante dans les place-
ments qui ne sont nullement limités aux emplois d'État.
102 mai:rice bellom.
ff
pour le service de l'assistance publique : c'est donc à la con-
fusion de l'assurance et de l'assistance qu'aboutit un régime
de contrainte.
4"* Le régime de l'obligation conduit, pour un autre motif, à
la même confusion. Les considérations qui déterminent
l'institution de ce régime doivent, logiquement, aux yeux de
ses partisans, en hâter l'application. Elles ne permettent donc
pas de l'ajourner à l'époque où les intéressés, aujourd'hui
jeunes et valides, auront atteint l'âge légal de la vieillesse ou
auront été frappés d'invalidité; elles exigent l'octroi immédiat
du bénéfice de l'assurance aux vieillards et aux invalides
actuels, bien qu'ils n'aient effectué aucun sacrifice per-
sonnel.
Est-ce à dire qu'il n'y a rien à faire? Loin de là, il y a beau-
coup à faire, de nombreux progrès à réaliser, de vastes
réformes à accomplir. Mais qui dit réforme ne dit pas révolu-
tion ; qui dit progrès ne dit pas bouleversement.
Il est, du resle, peu de matières où l'on puisse affirmer,
avec plus de confiance qu'en la maiière de la prévoyance,
que le progrès doit être cherché dans le concours de notions
morales et de données scientifiques. Je n'hésite pas à ajouter
qu'une réforme ne saurait être durable que si elle est entrée
dans les mœurs avant d'être inscrite dans la loi. C'est donc
par la notion d'un devoir à accomplir que la question me
paraît se poser, et c'est dans l'accomplissement de ce devoir
qu'elle trouvera sa solution :
Devoir, pour l'ouvrier, de songer non seulement au pré-
sent, mais encore à l'avenir, tant pour lui-même que pour sa
famille;
Devoir, pour le patron, de ne ménager à l'ouvrier ni les
encouragements matériels ni les exhortations morales aux
œuvres de prévoyance;
Devoir, pour les associations de secours mutuels et pour
les sociétés d'assurance, de mettre à la disposition des inté-
ressés, patrons et ouvriers, des institutions capables de pour-
voir aux diverses formes de la prévoyance;
L ASSURANCE OUVRIERE A L ETRANGER. I03
ff
Devoir, pour lElal, d'encourager la prévoyance et de
s'abstenir de toute mesure susceptible de détourner l'individu
de l'efifort personnel ;
Devoir, pour tous les citoyens, de concourir à l'enseigne-
ment de la prévoyance.
Comment chacun de ces devoirs peut-il et doit-il être
accompli ? C'est ce qu'il me reste à examiner.
1** Devoir de r ouvrier. — «Obtenez du travailleur, s'écriait
Mirabeau devant l'Assemblée Constituante, non par des lois,
mais par la toute-puissance de l'exemple, qu'il dérobe une
très petite portion de son travail pour le confier à la repro-
duction du temps, et par cela seul vous doublerez les res-
sources de l'espèce humaine. » Et il ajoutait : « Qui doute
que le travail de l'homme dans sa vigueur ne pût le nourrir
dans sa vieillesse? » Sans doute, il existe des obstacles à la
prévoyance; mais, comme je l'ai dit, ils ne sont pas insur-
montables, et l'effort que la prévoyance exige de l'ouvrier, si
malaisé qu'il soit, n'est nullement impossible. Pour ne citer
que des exemples de l'étranger, les ouvriers belges et, à leur
suite, les ouvriers italiens donnent chaque jour une preuve
éclatante des sacrifices dont le travailleur est capable. J)e
même, en Angleterre et en Amérique, ce ne sont pas seule-
ment les caisses d'épargne, ce sont aussi les sociétés d'assu-
rance populaire ou « industrielle » (*) qui drainent une
grande partie de l'épargne du travailleur.
^^ Devoir du patron. — C'est un vériiable lieu commun
que d'insister sur l'obligation morale, qui s'impose au patron,
de donner à l'ouvrier autre chose que le salaire. Celte noble
pensée, naguère formulée par Dollfusde Mulhouse, au eu son
écho jusque dans les sociétés plus jeunes, comme aux Etats-
Unis, soit dans l'industrie des chemins de fer (^), soit da:is des
industries diverses (^).
(') Voir sur ce point, Bulletin de l'Institut des Actuaires^ 1902, n* 1,
Chronique, par M. Maurice Bellom.
(^) Bulletin of the Department of Lahor^ novembre 190 1, p. 1076
et suiv.
(•■') Réforme sociale, t. I, 1901, p. 279, 1" alinéa.
J04 MAURICE BELLOIf.
On a, sans doute, signalé les difficultés que rencontre Texer-
cice du patrondge : on a dit (*) que « Thisloire économique
du xii"" siècle a été à certains égards l'histoire de la grandeur
et de la décadence des institutions patronales », et, après
avoir reconnu aux patrons le mérite d'avoir pris Tinitiative de
presque toutes les œuvres d'économie sociale, on a ajouté
que « Tiniiialive patronale a été resserrée et comme étouffée
entre deux autres facteurs : d'une part, Tassociation ouvrière;
d'autre part, l'État », celui-ci se chargeant de pourvoir aux
institutions d'épargne et de prévo^'ance, celle-là substituant
l'effort coopératif aux libéralités du patron. On a également
signalé le développement de l'esprit d'indépendance qui
pousse l'ouvrier à échapper à ce qu'il appelle la tutelle patro-
nale. On en a conclu que l'action patronale devait se réduire
à rendre le travail plus facile et plus agréable, et l'on a cité
les aménagements réalisés aux États-Unis pour améliorer le
bien-être matériel et moral des travailleurs ,(*). H a semblé
toutefois (') que l'intervention patronale ne comportait plus
la création de caisses de prévoyance.
J'avoue ne point partager cette dernière opinion. Sans
doute, comme l'a fait remarquer dès 1867 M. Levasseur (*),
(( le patronage direct est difficile à pratiquer, il doit s'armer
d'une volonté persévérante, déployer un zèle ingénieux sans
jamais s'imposer, s'attendre à de nombreux obstacles opposés
par la déOunce, sans faire fond de la reconnaissance des
obligés ». Toutefois, en rappelant cette formule il y a quelques
mois à peine (^), M. Levasseur constatait la tendance des
patrons à prendre à leur charge l'ensemble des dépenses de
prévoyance afin de supprimer des résistances et de simplifier
la gestion, et il exprimait la crainte de voir l'ouvrier confondre
(') Gide, Les nouvelles formes des institutions patronales {^L'Éman-
cipation, numéro du i5 février 1902, p. 19 et suiv).
(') Voir des exemples de ces institutions dans une étude de M. Louis
lliviÈRE {Réforme sociaUf t. II, 1900, p. 604 ).
(') Gide, loc. cit., p. 21, !*'• col.
(*) Histoire des classes ouvrières en Europe, édition de 1867.
(^) Rapport à l'Académie des Sciences morales et politiques sur le con-
cours pour le prix Jules Audéoud, 1901, p. 33 et 3/|.
L ASSURANCE OUVRIÈRE A L'ÉTRANGER. Io5
avec une clause du contrat de travail les avantages qu'il doit
à la libéralité patronale. Il ajoutait : «Il est excellent que le
patron prévoyant veille aux besoins matériels de ses employés;
mais il est moral d'inculquer aux ouvriers le sentiment de la
prévoyance, qui est une des conditions de leur dignité per-
sonnelle ».
N*est-il pas possible de concilier les vues qui viennent
d'être rappelées, le respect de la complète indépendance de
l'ouvrier et le souci de la prévoyance, sans limiter les institu-
tions patronales au domaine de l'amélioration matérielle et
morale du sort des travailleurs? Il me semble que le patron,
qui crée dans son usine une société de secours mutuels pour
le personnel qu'il emploie, et qui ajoute sa cotisation à celle
de l'ouvrier, ne compromet point la liberté de celui-ci et
laisse à l'acte de prévoyance de l'ouvrier la part de sacrifice
personnel qui relève le travailleur à ses propres yeux. Il en
sera de même du patron qui, soit isolé, soit associé à
d'autres, contribue de ses deniers à Talimentation d'une
caisse à laquelle versent ses ouvriers.
L'encouragement à la prévoyance peut d'ailleurs résulter,
soit de l'addition de la contribution patronale à la contribu-
tion ouvrière librement consentie, soit de l'insertion dans le
contrat de travail d'une clause qui oblige l'ouvrier à verser à
la caisse subventionnée par le patron. Cette dernière combi-
naison est, au point de vue moral, inférieure à la première;
mais elle peut être réclamée par l'insouciance du travailleur
ou par son ignorance des bienfaits de la prévoyance ; en tout
cas, elle doit être limitée aux ouvriers proprement dits et
ne jamais être étendue aux employés, que la supériorité des
ressources et l'élévation du niveau intellectuel ne permettent
pas de supposer ignorants à ce point des conditions de leur
avenir.
Quant à la gestion, s'il est désirable en principe que le
patron y participe pour écIaiKcr et aider les administrateurs
ouvriers, il est essentiel qu'il y renonce dès que cette colla-
boration éveille la susceptibilité de ceux qu'elle tend à
seconder : sa retraite ne saurait être qualifiée de désertion,
mais de discrétion.
Io6 MAURICE BBLLON.
Enfin, aux encouragenients niatériels doivent s'ajouter les
encouragements moraux, tels que conférences et distribu-
tions de brochures ou d'images pour la diffusion des idées
de prévoyance, fêtes et distributions de récompenses desti-
nées à célébrer les institutions de prévoyance et à honorer
les efforts soutenus de l'ouvrier prévoyant : la vertu de
l'exemple est, à l'égard de l'ouvrier, d'une admirable puis-
sance.
Cet ensemble de mesures exige, dans l'application, un tact
dont l'exercice est souvent plus difficile que ne sont lourds
les sacrifices pécuniaires exigés du patron. Mais celui-ci ne
doit pas oublier qu'il a charge d'âmes et que, s'il doit donner
à ses ouvriers, il doit aussi se faire accepter par eux. Une
libéralité qui aigrit par la forme qu'elle revêt est plus nuisible
qu'utile : elle éloigne l'ouvrier non seulement du patron,
mais aussi de l'œuvre qui a motivé la libéralité patronale. On
a dit qu'il y avait une « morale des milliardaires » ; il y a
aussi une morale des chefs d'entreprise, grands ou petits, et
l'éducation de leur personnel en matière de prévoyance est
une des règles de celle morale.
3"" Devoir* des associations de secours mutuels et des
sociétés d assurance, — L'un des avantages essenuels des
associations nées de l'initiative privée est la variété de leurs
formes, Télasiicité de leur cadre. A chacune des crises de la
famille ouvrière elles doivent offrir un remède; à chacune des
préoccupations de l'ouvrier soucieux de son avenir elles
doivent donner satisfaction. Elles ne doivent donc point,
comme dans cerlains pays, limiter leur action à l'assurance
contre la maladie ou a l'assurance de capitaux au décès.
Elles doivent, dans la mesure et selon les règles que le
législateur leur a tracées, pratiquer elles-mêmes ou faciliier
par leur entremise les diverses formes de l'assurance, à
l'exemple des caisses autrichiennes enregistrées, qui pour-
voient même à l'assurance des veuves et des orphelins et à
l'assurance dotale. Mais, pour remplir celte mission, il est
essentiel qu'elles renoncent aux habitudes anciennes qui
consistaient à allouer des secours selon les ressources exis-
L ASSURANCE OUVRIERE A L ETRANGER. I07
lanles, à la manière d*insUtulions d'assistance qui ne s'en-
gagent que dans les limites de leur fortune éventuelle. Pour
être appréciées des travailleurs et mériter de Têtre, elles
doivent leur fournir des garanties qui répondent au besoin
de la certitude exigée d'une institution d'assurance. Elles
doivent pour cela se conformer aux règles de la technique
des assurances. Les actuaires belges et italiens, les uns dans
le Bulletin de la Préi^oyance, les autres dans le Bulletin du
Crédit et de la Prévoyance, prodiguent, les premiers à titre
de travaux d'initiative privée, les seconds sous forme de
rapports officiels, les conseils éclairés de leur expérience et
de leur savoir (* ).
Les sociétés d'assurance ont également une mission à rem-
plir. Elles peuvent contribuer à la diffusion de la prévoyance
en mettant à la disposition des classes laborieuses des com-
binaisons appropriées à leurs besoins, accessibles aux plus
modestes budgets et entourées du minimum de formalités.
L'exemple du développement qu'ont pris en Angleterre, aux
États-Unis, et même en Allemagne, les sociétés d'assurance
populaire, montre ce dont l'industrie de l'assurance est ca-
pable sous un régime légal qui ne l'entrave point par un con-
trôle excessif ni ne l'écrase par une fiscalité oppressive.
4° Devoir de l'État, — Il semble superflu de préciser le
devoir de l'État en matière d'encouragement de la prévoyance.
Et cependant les enseignements de Thisloire démontrent que
l'État peut non seulement oublier ce devoir, mais encore
nuire au développement spontané de la prévoyance. Sans,
revenir sur les obstacles qu'un régime légal d'obligation
oppose au développement de l'épargne ou de certaines formes
de l'assurance, il est intéressant de signaler que l'État doit
faire preuve d'une sagacité particulière dans le choix des
moyens d'encouragement à employer.
Tout d'abord, lorsqu'il crée des caisses officielles pour per-
(') Eli France, la Bévue de la Prévoyance et de la Mutualité rôpond
au même besoin par les travaux du Comité teclinique de la Ligue dont
cette Revue est l'organe.
3- Série, t. IV. 8
lo8 UAURICE BELLOM.
meure aux intéressés de conlracter les assurances qu'ils
désirent, il doit songer que les institutions d'État seront
prises pour modèles par les particuliers ; il doit donc les
organiser sur des bases rationnelles, comme s*il s'agissait
d'institutions autonomes, sans se confier aux garanties que le
public trouve dans le crédit de TÉtat : la tenue d'une gestion
spéciale et rétablissement de bilans techniques s'imposent à
rÉtat comme aux particuliers. L'État y gagne la connaissance
exacte du fonctionnement de chacune de ses caisses d'assu-
rance^ la notion de l'étendue des sacrifices qu'il fait pour
les alimenter et, par suite, de ceux qu'il peut consentir
encore. De plus, il faut que les pouvoirs publics fassent con-
naître aux intéressés Texislence et le fonctionnement des
institutions officielles et qu'ils leur facilitent le recours à ces
institutions; en d'autres termes, l'État doit prendre, d'une
part, des mesures de publicité et de propagande; d'autre
part, des mesures de simplification quant aux formalités à
remplir : les premières peuvent consister notamment dans
des avantages matériels ou dans des distinctions accordées
aux fonctionnaires qui répandent la connaissance des insti-
tutions de prévoyance; les secondes, dans la suppression des
règles que la pratique administrative n'exige pas comme la
■
condition indispensable d'une bonne gestion. £n outre, FËlat
doit constamment veiller à ce que ses caisses d'assurance
soient toujours en mesure de satisfaire aux desiderata des
intéressés : il convient, à cet effet, que le cadre primitif de
l'institution ait été tracé sur un plan assez large pour com-
porter une extension ultérieure; il faut, de plus, que les
agents chargés du service de l'institution se tiennent en con-
tact assez intime avec les intéressés pour connaître et signa-
ler aux autorités compétentes les réformes à accomplir.
Ce programme, qui semble revêtir un caractère exclusi-
vement théorique, a été réalisé. La Caisse générale d'épargne
et de retraites de Belgique, la Caisse italienne de prévoyance
pour Tinvalidiié et la vieillesse des travailleurs ont été éta-
blies et fonctionnent d'après les règles qui viennent d'être
formulées. La loi belge du i6 mars i865-i*^ juillet 1869,
par son article i4, prescrit la tenue d'une gestion distincte de
L ASSL'RANCK OUVUIKRK A L ETHAXGKR. rO()
la Caisse d'épargne et de la Caisse de relraiies, et la production
d'un connpte rendu annuel. La loi ilalieniie du "28 juillet 1901
exige, par son article 3o, la préseniaiion de bilans techniques
au minisire de TAgriculiure, de l'Industrie et du Commerce,
et leur communication au minisire du Trésor. La plus
large publicité et la plus active propagande (^) sont réalisées
par voie d'écrits et de conférences avec le concours des auto-
rités locales. L'affiliation est facilitée dans la mesure la plus
étendue. Enfin, d'une part, en Belgique, la loi du 9 août 1889
relative aux habitations ouvrières a, par son article 8, auto-
risé la Caisse générale d'épargne et de retraites à faire des
opérations d'assurances mixtes, et la loi du 21 juin 1894 a
annexé à la Caisse de retraites une Caisse d'assurance sur la
vie (-); d'autre part, en Italie, un décret du 21 décembre 1901
a autorisé la Caisse de prévoyance à exploiter l'assurance
populaire de rentes viagères (').
Indépendamment de la création d'Institutions officielles,
l'État peut et doit faciliter la prévoyance par des encoura-
gements aux œuvres d'initiative privée. Ces encouragemenis
sont moraux ou matériels. Les uns consistent dans l'attribu-
tion de distinctions aux administrateurs désintéressés d'insti-
tutions de prévoyance, ainsi qu'aux travailleurs qui ont fait
acte persévérant et méritoire de prévoyance; les autres résul-
tent de l'organisation de concours ou de l'attribution de prix
en argent (*) aux caisses dont le fonctionnement est le plus
(') Voir, sur rintervention des gouverneurs provinciaux en Helgique
et sur celle des comités locaux en Italie, Les Retraites ouvrières en
France, par M. Maurice Bellom {Revue politique et parlementaire,
1902, t. XXXI, p. 817 et 3i8).
(^) Le Rapport de M. Lépreux relatif à l'exercice 1900 renferme des
détails très intéressants sur les diverses combinaisons de la Caisse l»clge ;
assurances vie entière et assurances mixtes; la Caisse admet l'assurance
sans examen médical; dans ce cas, l'assurance ne débute que 2 ans après
le premier versement de prime et, en cas de décès survenu avant cette
échéance, les primes sont remboursées sous déduction de 3 pour 100.
(^) Un article de M. V. Magaldf, dans l'Économiste d'Italie du i" fé-
vrier 1902, contient des détails fort instructifs sur le régime de cette
assurance.
(*) Vou\ sur les mesures prises à cet égard en Italie, Maurice Bellom,
loc. cit. {Revue politique et parlementaire, 1902, t. XXXI, p. 319).
IIO MAURICE BELLON.
salisfaisant, de Toclroi d'un taux d'intérêt de faveur aux
placements effectués par les institutions de prévoyance dans
les caisses de l'État (M, enfin de l'octroi de subventions
directes soit au profit des assurés, soit au profit des institu-
tions, qui peuvent à leur tour en gratifier leurs membres (*).
Pour ne citer qu'une preuve de la nécessité d'un choix judi-
cieux du système d'encouragement à adopter, il suffira de
comparer le système de l'octroi d'un taux d'intérêt de faveur
à celui des subventions directes : le premier système a le
triple inconvénient de ne procurer aux prévoyants que des
avantages indirects qu'il leur est difficile, sinon impossible,
d'apprécier eux-mêmes; d'imposer aux caisses officielles
dépositaires des placements la charge d'un service d'intérêts
dont l'exagération fait de leurs administrateurs des adver-
saires de la diffusion de la prévoyance; d'inciter les œuvres
de prévoyance à affecter exclusivement à des dépôts dans les
caisses de l'Éiat les fonds qui proviennent des versements de
leurs assurés, au lieu de les consacrer à des placements d'un
revenu moindre, mais d'une plus haute portée sociale, telle
que les habitations ouvrières. Le système des subventions
directes offre, au contraire, l'avantage de permettre au béné-
ficiaire la constatation, à chaque instant, de Timportance des
faveurs que l'Étal lui concède; il laisse à l'œuvre delà pré-
voyance son élasticité propre, au sacrifice de l'Étal le carac-
tère de récompense directe de l'effort accompli.
En échange de ses subsides, l'Etat a le droit d'exiger que
les institutions dont les caisses ou les membres sont bénéfi-
ciaires de subventions offrent, dans leur organisation et dans
leur gestion,les garanties désirables au point de vue financier :
l'exercice d'un contrôle technique apparaît, d'ailleurs, non
seulement comme un droite mais aussi comme un devoir de
l'État, devoir qui se rattache à la mission, qui lui incombe, de
garantir la sécurité de l'épargne populaire.
(') Ce système est celui de la loi française du i" avril 1898 sur les
sociétés de secours mutuels.
(2) Ce système est celui de la loi belge du 10 mai 1900. Voir Maurice
Bellom, loc. cit. {Revue politique et parlementaire, 1902, t. XXXI,
p. 3i'f et 3i5).
.^
LASSUnANCE OUVRIERE A L ETRANGER. II I
5° Devoir de tous les citoyens. — Il ne suffit pas que les
intéressés et TÉlal lui-même recommandent et encouragent
la prévoyance. Celle œuvre de conseils et de propagande est
un devoir pour tous. Mais, pour l'accomplir, il faut être
instruit : la connaissance de la prévoyance ne sMnvente pas;
les moyens de propagande ne s'improvisent pas. Pour faire
œuvre utile à cet égard, il faut donc que les citoyens s'in-
struisent, puis qu'ils combinent leurs efforts en vue de
répandre des idées justes et pratiques dans les milieux inté-
ressés. Ils auront à convaincre les ouvriers de la nécessité
d'un sacrifice en vue de l'avenir, les patrons de la nécessité
d'une parlicipalion aux charges de la prévoyance ouvrière.
Il y a là un apostolat social à remplir. Ce n'est pas, du reste,
seulement en Belgique et en Iialie qu'on s'en acquitte. La
League for social service y d'après les déclarations formelles
de son directeur M. ïolman (*), doit prochainement l'entre-
prendre aux États-Unis.
Le sentiment du devoir n'est pas le seul qui doive inspirer
aux divers facteurs que je viens de passer en revue l'accom-
plissement de leur mission en matière de prévoyance. Le
sentiment de l'intérêt les y engage.
1° L'ouvrier a un intérêt évident à se garantir des risques
qui le menacent ainsi que sa famil-le.
Qt° Le patron trouve dans l'amélioration de ses rapports
avec ses ouvriers et dans la stabilité de son personnel une
large rémunération de ses sacrifices : lors même, en effet,
que la contribution patronale est versée sur un livret que l'ou-
vrier emporte en quittant l'usine, celui-ci n'est pas certain de
pouvoir suppléer par ses propres ressources à la contribution
patronale qui fait défaut après l'abandon du travail et qui, en
l'absence d'obligation légale, ne se retrouve pas dans toutes
les entreprises. Le patron contribue de la sorte à la perma-
nence des engagements et à la paix sociale.
3° Les associations de secours mutuels, en développant
l'effectif de leurs membres par l'amélioration de leur fonction-
(*) Réforme sociale^ '901, t.I, p. 279, 1" alinéa.
112 MAURICE BELLOU.
nemenl, diminuent leurs frais généraux et étendent leur
iiinuence. Les sociétés d'assurance, comme toute entreprise
industrielle^ ne peuvent que gagner à l'augmentation de Jeur
clientèle et de leur sphère d'action.
4" L'Etat, par les ressources qu'il affecle à la prévoyance,
fait entrer dans les rangs des prévoyants de futurs invalides
ou de futurs vieillards qui viendraient grossir le nombre des
indigents; de plus, par son contrôle sur les institutions de
prévoyance, il exerce une action tulélaire sur le produit de
l'épargne. Il décharge ainsi, d'une part, le budget de Tassis-
tance publique, grâce à une meilleure utilisation de ses sub-
sides, et il élend, d'autre part, les bienfaits de la colleciiviié
à une catégorie d'infortunes que l'assistance, en dehors du
concours des intéressés, est impuissante à soulager. En un
mol, il réduit la misère et contribue de la sorte à la paix
publique dont il a la charge.
5" Les citoyens, enfin, grâce à leur participation à l'ensei-
gnement de la prévoyance, coopèrent à la réalisation de l'ordre
dans l'atelier et dans la société; ils contribuent ainsi à la paix
sociale et à la paix publique.
Il serait invraisemblable que, dans les pays — et ils sont
nombreux — où la question de l'assurance ouvrière n'est pas
encore complètement résolue, cette double voix, celle du
devoir et celle de l'intérêt, ne provoque pas un généreux élan
en vue du développement de la prévoyance.
Si, toutefois, les intéressés demeuraient sourds à l'une et à
l'autre, à ce que M. Luzzalti a appelé V impulsion de la
raison et du cœur, l'intervention de la loi serait inévitable :
l'imprévoyance serait alors regardée comme un fléau dont
il serait nécessaire d'enrayer les progrès.
\\ importe du moins que l'établissement, direct ou indirect,
d'un régime de contrainte soit précédé d'une période d'encou-
ragement par les pouvoirs publics et de propagande générale
sous le régime de la liberté. L'intervention du législateur à
l'expiration de cette période revêtirait alors le caractère d'une
action de haute police en vue soit de remédier à l'inetlie géné-
rale, soit de faire exécuter par un petit nombre de récalcitrants
l'assurance ouvrière a l'étranger. Il3
ou de retardataires Teffort qu'une immense majorité aurait
spontanément accompli.
£n tout cas, et même réduite à ces limites, l'action du
législateur devrait respecter la démarcation nécessaire entre
l'assistance et l'assurance (*) et réserver une place à part •—
une place d'honneur — au sacrifice librement consenti, à
reifort spontané de la prévoyance, qui est le propre d'une
vertu.
(») Voir Maurice Bellqm, Des relations mutuelles de l'assistance et
de V assurance ouvrière {Revue politique et parlementaire y mars tgoi).
LES,
SIGNAUX OPTIQUES.
(ÉTUDE DES COULEURS FAIBLES ET DES LUMIÈRES BRÈVES.)
CONFÉRENCE
FAITE AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS
LE DIMANCHE 26 JANVIER 1902,
Par H. le docteur André BROCA,
Professeur agrégé de Physique à la Faculté de Médecine de Paris.
Messieurs,
A mesure que la civilisation se perfectionne, les hommes
ont de plus en plus besoin de communications sûres et
rapides entre les points les plus éloignés du globe. Nous
avons besoin de nos navires à grande vitesse, de nos chemins
de fer, peut-être demain de nos ballons dirigeables; nous
avons besoin aussi de savoir le plus rapidement possible ce
qui se passe à Saint-Pétersbourg, à Rome ou à New-York,
les affaires ayant de plus en plus une répercussion considé-
rable les unes sur les autres. Un premier mode de com-
munication immédiate doit donc correspondre à la réunion
de deux points fixes, entre lesquels des appareils posés sur
le terrain ne sont exposés à aucune dégradation. C'est le cas
des communications entre villes en temps de paix. Aucune
solution actuellement ne vaut celle que nous donne la Télé-
graphie électrique, avec ses appareils qui permettent les
transmissions de plusieurs dépêches par le même fil, qui
LES SIGNAUX OPTIQUES. Il5
permettent aussi l'enregistrement des signaux avec une très
grande rapidité, ou le fonctionnement plus rapide encore
au moyen du parleur, les employés reconnaissant au son seul
les traits et les points dont les alternances constituent le lan-
gage conventionnel inventé par Morse.
Je ne m'occuperai pas aujourd'hui de ces procédés ni de
ceux de la Télégraphie sans fil, qui rend des services émi-
nents quand le terrain entre deux points n'est pas accessible
pour une raison ou pour une autre, mais qui nécessite des
appareils assez compliqués et une installation^ sinon absolu-
ment fixe, au moins peu mobile quand on veut communi-
quer à distance notable. Je m'occuperai des procédés qui
permettent de communiquer entre deux mobiles, comme des
vaisseaux ou des trains en marche, où entre une installa-
lion fixe et un mobile de cette espèce, ou entre deux posi-
tions fixes, quand on ne peut installer la télégraphie avec ou
sans fil.
Pour la résolution de problèmes de cette nature, nous ne
pouvons nous adresser qu'aux moyens les plus simples qui
nous avertissent de la présence des énergies extérieures, c'est-
à-dire aux organes de nos sens. Ceux-ci ont des propriétés
qu'il nous faut connaître pour savoir quels services nous
pouvons leur demander; c'est l'exposé des propriétés les
plus essentielles du plus important d'entre eux au point
de vue qui nous occupe, l'œil, que je vais faire aujour-
d'hui.
Voyons d'abord quelle sensibilité aux actions infiniment
petites nos organes présentent. Il est de mode aujourd'hui
d'admirer de confiance tous les résultats de la Science
moderne, et beaucoup de personnes croient que nos
appareils de Physique ont une sensibilité illimitée. C'est
là un sentiment bien compréhensible, étant donné le per-
fectionnement admirable que la Science présente chaque
jour, mais c'est un point de vue auquel se refuse absolument
le physiologiste, surtout quand il considère ce qui se passe
pour l'œil.
Nous connaissons l'existence des radiations de l'élher au
moyen de l'œil, des procédés thermo-électriques ou des
Il6 A. DHOCA.
actions photographiques. Chacun de ces procédés ne fonc-
tionne que dans une étendue limitée du spectre solaire;
Toeil, par exemple, ne nous indique Texislence que des
oscillations comprises entre 1,5 quadrillionièmes de seconde
et 1^3 quadrillionième de seconde. La plaque photographique
ne nous permet de percevoir que les oscillations à périodes
1res courtes; les procédés Ihermo-éleclriques ne s'étendent
aisément que sur la région des périodes très longues. Quand
on prend une radiation qui a une action à la fois sur les
appareils thermo-électriques et sur la rétine, on voit que
celle-ci est infiniment plus sensible. Ainsi les appareils
thermo-électriques les plus délicats permettent de déceler un
flux d'énergie de un cent-millionième de petite calorie par
seconde et par centimètre carré. Cela correspond à rémis-
sion d'une petite calorie en 3 ans environ. Si l'on admet
maintenant^ avec Tumiirz, qu'une bougie décimale rayonne
en énergie visible sur une pupille de 7"" d'ouverture une
petite calorie en 45o jours, et qu'elle est encore visible à 12*'"
(ce qui me semble exagéré d'ailleurs), on trouve que notre
œil est encore sensible à une énergie assez faible pour dissi-
per une calorie en 5o millions d'années à travers notre
pupille.
Si nous prenons maintenant une plaque photographique et
que nous la placions dans la région du spectre qui correspond
à sa sensibilité maxima, nous voyons que, longtemps avant
que la plaque puisse être impressionnée, même par une
pose très longue, l'œil est impressionné immédiatement par
la lumière.
Si nous nous adressons à nos autres organes, nous voyons
des faits du même ordre. Dans les limites où ils sont sen-
sibles, ils le sont infiniment plus que les appareils les plus
perfectionnés de nos laboratoires. C'est là une conséquence
de la grande loi de Darwin, celle de l'évolution et de l'adap-
tation au milieu. Nous avons besoin, dans la lutte pour la
vie, de voir le mieux possible, même à la lumière faible de la
Lune par exemple, et nos cellules rétiniennes et cérébrales
se sont spécialisées et adaptées par des modifications qui ont
duré un temps extrêmement long : il doit se compter par
LES SIGNAUX OPTIQUES. II7
millions d'années. Quand nous créons, dans nos laboratoires,
des appareils qui nous permettent de mesurer la grandeur
des agents physiques, ou de garder une trace durable de leur
action, nous sommes bien loin de pouvoir réaliser ce que la
nature a mis un temps si long à réaliser dans nos organes.
Puisque je parle de l'adaptation au milieu, je veux vous en
montrer un exemple dans l'œil même. Langley a mesuré la
quantité minima d'énergie lumineuse nécessaire pour impres-
sionner la rétine dans les diverses régions' du spectre, et il
a trouvé que la sensibilité maxima était dans le jaune vert. En
même temps, il a mesuré l'énergie totale rayonnée par les
diverses radiations du spectre solaire. Il a trouvé que la radia-
lion qui donne dans ce spectre le maximum d'énergie est
précisément celle pour laquelle l'œil présente la sensibilité
la plus grande. Nous utilisons donc le mieux possible cette
radiation-là. Pourquoi maintenant n'utilisons-nous pas les
autres aussi bien ? C'est q^e les cellules ne peuvent être sen-
sibles également à toutes les énergies, c'est que la spécia-
lisation des appareils dans l'organisme est sournise aux mêmes
lois que celle des appareils de nos laboratoires. Quand nous
construisons un galvanomètre extrasensible pour les courants
électriques, il ne nous sera pas plus utile pour déceler l'exis-
tence de la lumière qui l'écIaire que si son organe électrique
n'existait pas. Il en est de même pour nos cellules. Toutes
sont sensibles à toutes les énergies ; elles répondent, par leur
fonctionnement propre, à toutes les excitations, mécaniques,
électriques, chimiques, calorifiques, nerveuses, mais chacune
d'elles a son énergie adéquate, à laquelle elle est infiniment
plus sensible qu'aux autres. C'est l'énergie mécanique pour
le sens musculaire, le tact, l'audition et peut-être l'odorat,
l'action chimique pour le goùl, la lumière pour l'œil. Mais
nous voyons que, quand l'énergie change de qualité en ne
changeant pas de nature profonde, tous nos sens varient de
sensibilité. Toutes les actions chimiques ne provoquent pas
également la gustation ; de même toutes les actions méca-
niques ne produisent pas également la sensation du contact
et celle de bruit. Notre peau est insensible ou à peu près aux
mouvements périodiques rapides de l'air, au lieu que notre
Il8 A. BUOCA.
oreille a pour ces mouvemenis une sensibilité exquise. Elle
ne perçoit pas, au contraire, les mouvennents à période très
lente ou ceux à période très courte. Nous voyons donc que
la spécialisation des organes à une forme très peu variable
de l'énergie est une des lois restrictives de révolution des
êtres : chacune de nos cellules ne peut arriver à la perfection
que pour une forme de Ténergie; la division du travail est la
loi fondamentale de l'organisme comme celle de la société.
Nous comprenons donc immédiatement que, quand nous
allons demander à notre œil, pour nos communications à dis-
tance, des renseignements d'une autre nature que ceux qui
sont indispensables chez l'animal à l'état sauvage, nous
allons nous heurter à des difficultés. Nous allons trouver un
organe admirablement adapté à ses fonctions naturelles, etqui,
par cela même, ne sera pas adapté directement à la fonction
que nous lui demandons. Ce que nous devrons faire intelli-
gemment, ce sera de plier nos exigences aux propriétés phy-
siologiques de notre organe; nous devrons nous pénétrer de
son mode de fonctionnement normal, afin de lui imposer seu-
lement un travail qui lui convienne.
Nos organes des sens sont des transformateurs d'énergie;
fait curieux, pour pouvoir difféi^encier par nos perceptions les
diverses énergies extérieures, il faut qu'elles viennent, sur
nos terminaisons nerveuses périphériques, se transformer, et
il est probable que la transformation produit une énergie tou-
jours de même forme, celle qui se propage le long du nerf,
l'influx nerveux. Si nous distinguons ces énergies, c'est que
les aboutissants des fibres nerveuses dans le cerveau ne sont
pas les mêmes, c'est à cause des localisations cérébrales.
Helmhollz disait : « Si nous pouvions couper le nerf optique
et le nerf acoustique et si nous pouvions souder le bout péri-
phérique de chacun d'eux au bout central de l'autre, de
manière que l'intégrité de la fonction se rétablît, nous enten-
drions réclair et nous verrions le tonnerre. »
Maintenant que nous avons compris comment nous pou-
vons distinguer les énergies, étudions la façon dont peut se
faire la transformation dans la rétine. Ce que je vais lâcher
de faire ressortir, ce sont les analogies frappantes des phéno-
LES SIGNAUX OPTIQUES. II9
mènes physiologiques avec ceux de la matière inerte. L'année
dernière, je vous ai déjà montré, en vous parlant de la Télé-
graphie sans fii, que les lois des perturbations électriques
étaient les mêmes que celles des perturbations élastiques de
la matière. Aujourd'hui, je vais tâcher de vous montrer que
cette identité de forme de lois s'étend encore à ceux des
phénomènes que nous connaissons dans l'œil. Est-ce à dire
que nous sommes prêts à en émettre une théorie qui nous
guiderait pour la coordination des faits connus et la recherche
des faits nouveaux? Bien loin de là; même dans le domaine
de la Physique inorganique, dans la théorie des phénomènes
lumineux et électriques, nous sommes obligés de recon-
naître notre impuissance en disant : tout se passe comme
s'il y avait un éiher doué d'élasticité et de masse; mais
nous n'avons aucune certitude à ce sujet. Cette hypothèse
nous rappelle seulement que les phénomènes visés par
cette théorie sont tels que, quand une perturbation se pro-
duit, ils reviennent à l'équilibre par une série d'oscillations
amorties et qu'ils se propagent avec une vitesse finie, con-
stante dans un même milieu.
Voilà des phénomènes dont nous connaissons les équations
à n'en pas douter, et dont la théorie est bien loin de nous;
nousi leur attribuons bien des raisons suffisantes, nous en
ignorons la raison qui, à la condition d'être suffisante, joint
celle d'être nécessaire. A plus forte raison en est-il de même
pour les phénomènes physiologiques. L'évolution de la
Science est bien loin dans ce cas de ce qu'elle est dans la
Physique pure; nous sommes bien loin de pouvoir même
définir des paramètres à faire entrer dans des équations qui
représenteraient des phénomènes; nous en sommes réduits à
l'expérience pure, mais ce que je vais vous montrer, c'est la
conformité des lois expérimentales connues avec celles de la
matière inerte.
En étudiant la lumière et l'électricité, nous avons vu les
équations des phénomènes du régime variable prendre la
même forme que celle des phénomènes matériels, en y intro-
duisant les constantes que nous avons pu définir. Je vais
m'efforcer de vous démontrer maintenant que si, dans
l'iO A. UROCA.
quelques dizaines ou quelques centaines d'années, les hommes
arrivent à définir pour les énergies organiques des paramètres
nnesurabies, ils trouveront toujours les mêmes formes de lois
pour ces phénon)ènes que pour les phénomènes lumineux,
électriques ou matériels. Certes, nous trouverons, chemin
faisant, des complications très grandes, mais il est philoso-
phique de penser qu'on en trouvera l'explication dans des
phénomènes élémentaires encore inconnus.
Quand nous voulons ébranler un système matériel pour lui
faire subir une transformation dans un certain sens, nous
avons toujours affaire avec des phénomènes analogues à
ceux de l'adhérence. Voici un poids sur un plan incliné: il
faudra donner à ce plan une certaine inclinaison pour que le
poids glisse. Si nous prenons maintenant une auge électroly-
lique, nous voyons que si notre force électromolrice ne
dépasse pas une certaine limite, l'éleclrolyse ne se produira
pas. Une plaque photographique, quand elle est placée dans
une lumière suffisamment faible, restera indéfiniment sans
subir aucune impression. Les phénomènes soht identiques
pour l'œil. Quand la lumière est assez faible, elle ne produit
aucune sensation, notre œil présente une certaine inertie;
pour déclencher le sens lumineux, il faut une énergie par
seconde minima. Cette énergie est extrêmement faible. Je ne
puis vous montrer expérimentalement son existence, car il
faut pour cette expérience une obscurité complète en dehors
de la plage contemplée, mais je [)eux vous donner les résul-
tats de cette expérience.
Le minimum lumineux perceptible est exirêmenient va-
riable suivant l'état de la rétine. Quand celle-ci est placée à
l'obscurité, elle s'adapte, comme on dit, et son minimum per-
ceptible peut devenir aSoo fois plus faible que quand elle
vient de regarder une lumière moyenne (Charpentier). Avec
une adaptation moyenrie comme celle qu'on a la nuit dehors,
ce qui n'est jamais l'obscurité absolue, le résultat de Tumiirz
indiqué tout à l'heure vous indique la sensibilité absolue de
noire œil. Mais un fait fort suggesiif établi par Charpentier
nous montre que, quand une lumière est vue, on peut In
diminuer beaucoup sans cesser de la voir; le minimum de
LES SIGNAUX OPTIQUES. 121
disparilion est inférieur à cehii d'appariiion, fait remarquable
lout à fait compréhensible avec l'assimilation déjà faite aux
phénomènes de frottement. Le minimum de disparition est
en moyenne trois fois plus faible que celui d'apparition; nous
voyons donc que, une fois noire réiine excitée, on peut, en
diminuant la lumière, voir encore une surface lumineuse
qui rayonnerait sur elle une petite calorie en i5o millions
d'années.
Nous avons là des phénomènes d'inertie considérables; ils
sont conformes à nos idées mécaniques. Notre œil, par adap-
tation darwinienne, est amené à une sensibilité énorme; les
procédés de la nature sont ceux que nous cherchons à imiter
dans nos instruments mécaniques, auxquels nous n'arrivons
à donner une grande sensibilité qu'en leur donnant une
grande inertie.
Voilà pour la sensibilité brute; mais ce phénomène de
seuil d'excitation se reproduit pour tous les états de la rétine.
Quand elle est soumise à une excitation lumineuse, il lui
faut une surexcitation notable pour que nous percevions une
différence, et le seuil de diiïérenciation est d'autant plus
élevé que l'excitation primitive est plus grande. Voici une
plage éclairée vivement, et une seconde source plus faible.
Faisons porter ombre sur la première plage par une tige
opaque éclairée au moyen de la seconde source; nous
voyons qu'il y a une limite au-dessous de laquelle l'œil ne
voit aucune différence sur la plage entre l'ombre et les parties
voisines. Le rapport de ce seuil différenciable à Téclairement
du fond est à peu près constant pour les éclairages moyens;
c'est la loi de Bouguer. Celle-ci d'ailleurs est absolument
fausse à basse lumière. On déduit de là, au moyen d'une
liypothèse plausible, que la sensation croît bien moins vite que
l'excitation. Nous pouvons dire, en considérant l'œil comme
une machine, que son rendement diminue très vite quand son
régime augmente. Il y a à cela une raison profonde. Nos
machines s^usent en fonctionnant, mais leur usure est lente;
il est vrai que la reconstitution est lenie aussi : il faut rem-
placer les pièces usées. Ce que nous réalisons d'une manière
discontinue dans nos appareils, notre organisme le réalise
122 A. BROCA.
d'une manière continue. Nos organes s'usent en fonctionnant,
mais le sang leur apporte constamment des éléments de recon-
stitution et un régime permanent s'établit, équilibre entre la
destruction par l'agent extérieur et le phénomène de restitu-
tion. Ces phénomènes sont limités par l'afflux sanguin; aussi
voit-on notre œil, par exemple, présenter des phénomènes de
défense contre la lumière quand celle-ci augmente: la pupille
se contracte, et divers phénomènes se passent sur la rétine,
trop longs à décrire pour trouver place ici.
L'expérience de Bouguer a, au point de vue des signaux
optiques, une grande application. Il faut avoir soin de placer
toujours les projecteurs sur un fond sombre. Le jour, il faut
se placer, autant que possible, au-devant d'un bois et, même
la nuit, il faut éviter que les projecteurs ne se détachent sur
le ciel. Dans ce cas, en effet, on a à distinguer la différence
entre la lumière et le fond.
La fatigue de la rétine par les fortes lumières est aisée à
constater. Voici un arc électrique que je vais faire jaillir un
instant. Si vous portez ensuite votre regard sur une surface
uniformément éclairée, vous verrez l'image de l'arc se déta-
cher en noir, votre rétine est devenue moins sensible. Mais
si, au lieu de regarder un fond éclairé, vous regardez un fond
noir, vous voyez, au contraire, l'image se détacher en clair.
Ce n'est pas là un phénomène pur de persistance des impres-
sions; je vous parlerai tout à l'heure de ce dernier ordre de
phénomènes. L'étude approfondie de ces images subjectives
nous montre qu'elles doivent probablement être dues à la
reconstitution de la rétine usée par une lumière vive; au
point de vue pratique, notez soigneusement leur existence:
elles nous expliqueront pourquoi les signaux optiques se
distinguent mal quand la lumière est trop vive.
Étudions maintenant d'un peu plus près notre rétine. Sa
surface est divisée en petites régions qui correspondent
chacune à un élément sensible. Les éléments sensibles
portent en anatomie le nom de cônes et de bâtonnets; ils
sont fonctionnellemenl indépendants les uns des autres, et
c'est cette indépendance qui nous permet de disiinguer des
formes. Supposons, en effet, que deux cônes excités par la
LES SIGNAUX OPTIQUES. 123
lumière soient séparés par un fcône non excité : nous aurons
la notion de deux points distincts. Chacun des éléments ainsi
constitués aura donc son individualité propre, il sommera les
impressions de lumière qui lui arriveront. Une expérience
simple permet de le voir. Voici une fente dont je puis faire
varier l'ouverture et Téclairage indépendamment. Si je la rends
très fine, et si je l'ouvre un peu, ceux qui sont assez loin
n'auront pas la notion qu'elle augmente de largeur, mais
seulement qu'elle augmente d'éclat. Maintenant, je la rends de
nouveau fixe et j'augmente son éclairage : la sensation est
exactement la même.
Nous avons, par ce qui précède, les éléments nécessaires
pour aborder la vision des couleurs et celle des feux colorés.
Un premier fait est que la notion de couleur est éminem-
ment variable avec l'intensité lumineuse. Ainsi, quand on
regarde un arc électrique à travers un verre coloré, l'arc lui-
même paraît presque absolument blanc, les parties latérales
seules du verre donnent la notion de couleur: l'arc paraît
blanc, sauf avec le verre rouge. Dans ce cas, la notion de
couleur est très diminuée, mais elle existe cependant. Notons
ce fait : le rouge est la couleur qui résiste le mieux à l'aug-
mentation d'intensité.
A faible lumière, il en est de même. Voici une expérience
concluante. Une fente peut se déplacer dans un spectre, dont
je puis faire varier l'éclat en diaphragmant plus ou moins
l'objectif qui le produit. Je produis une image agrandie de
cette fente sur l'écran, et l'on voit facilement que, dans le
bleu, à lumière faible, la notion de couleur n'existe pas, et
qu'il faut augmenter notablement l'intensité pour arriver à
avoir la notion de couleur bien définie. Dans le vert, le même
phénomène a lieu, mais il est beaucoup moins prononcé;
avec le rouge, dans les conditions où l'on peut se placer
devant un auditoire nombreux, on a immédiatement la notion
de couleur. La notion de la saturation augmente toutefois
certainement avec l'intensité.
Voyons maintenant ce qui se passe quand, l'éclat restant le
même, la surface de l'image diminue nous verrons que c'est
le cas des projecteurs). L'expérience va encore nous rensei-
3* Série, t. IV. 9
1^4 A. BHOCA.
gner. Produisons une petite image d'une fente vivement
éclairée par une couleur spectrale. Quand elle est fine, el
dans le bleu, elle paraît incolore; la couleur apparaît quand
elle devient plus large. Dans le vert^ le même phénomène se
produit, mais moins marqué; dans le rouge, nous ne pouvons
le discerner dans les conditions où Ton peut se placer devant
un amphithéâtre.
En somme, nous pouvons dire que la notion de couleur ap-
paraît après celle de lumière. Le rapport des quantités d'éner-
gie nécessaires pour produire ces deux notions est ce qu'on
nomme Vinten^a/Ie photochromatique. Il est d'autant plus
grand que la couleur est plus réfrangible; pour le rouge, il
existe, mais il est difficile à saisir; pour le bleu exiréme, il peut
atteindre la valeur énorme de 625.
Etudions maintenant la façon dont on aperçoit une lanterne
colorée destinée à un signal. Le verre coloré est placé devant
un miroir ou une lentille qui concentre la lumière. Cela con-
stitue un projecteur. Que la concentration soit effectuée par
le moyen d'un miroir ou par celui d'une lentille, les résultats
sont identiquement les mêmes; on voit aisément que, quand
la surface éclairante a des dimensions suffisantes (et cela est
toujours réalisé dans la pratique), la surface utile du projec-
teur agit comme une source de lumière ayant précisément
l'éclat de la source qui sert à l'éclairage. Supposons maintenant
que la lumière s'éloigne de l'observateur: son image rétinienne
diminuera de grandeur en suivant la loi de l'inverse du carré
des distances, et, si la pupille garde le même diamètre, la
quantité de lumière reçue par l'œil variera suivant la même
loi. Par conséquent, l'éclat intrinsèque de l'image sera con-
stant. 11 semble donc que nous serions dans le cas de la
seconde expérience de tout à l'heure où nous faisions varier
l'étendue de la plage illuminée en laissant son éclat constant.
Nous savons que, pour toutes les couleurs, sauf le rouge,
l'intervalle pholochromatique dans ces conditions est consi-
dérable; il y a donc une distance où le feu coloré sera vu
comme lumière sans être vu comme couleur. Mais si nous
calculons la distance à laquelle un feu de 3o*^"* de diamètre
donne une image rétinienne égale au plus à la section droite
LES SIGNAUX OPTIQUES. 1*5
(l'un cône (le la rétine, nous trouvons celle dislance égale à i''™.
A partir de celte dislance, nous aurons la notion que l'éclat
varie, sans avoir celle que retendue de la surface varie; nous
serons dans le cas de l'expérience faite tout à l'heure avec une
fente dont on pouvait faire varier à volonté soit l'éclat, soit la
largeur. Dans ces conditions, la notion de couleur varie extrê-
mement vite. On peut aisément réaliser l'expérience dans la
chambre noire avec un petit trou coloré deo»""*,i de diamètre
fait avec une pointe d'aiguille. On voit dans ces conditions
que, à partir de 3™ environ, on ne perçoit plus la couleur,
même rouge, et qu'on a encore une notion de lumière jusqu'à
4" ou 4'">^o- Gela concorde avec la pratique des marins qui
reconnaissent leurs feux de position jusqu'à 7''™ ou S''"*, la
nuit. Dans ces conditions d'ailleurs, comme dans celles de la
chambre noire, le rouge présente un intervalle photochroma-
lique notable : c'est que la rétine a été mise à l'obscurité ; elle
a pris l'étal que l'on nomme adaptation à l'obscurité. L'expé-
rience montre que, dans ce cas comme dans celui de la rétine
non adaptée à l'obscurité, le rouge est cependant celle des
couleurs qui apparaît le plus facilement. Ces expériences nous
expliquent pourquoi les marins reconnaissent toujours les feux
rouges longtemps avant les feux veris qui, cependant, sont
plus éclatants et sont vus de plus loin comme lumière.
L'étude précédente nous montre que, même en s'en tenant
aux simples conditions physiologiques, le rouge doit absolu-
ment être adopté pour les signaux, et qu'il faut prendre comme
seconde couleur celle qui se distingue le mieux à la fols du
rouge et du jaune des flammes que nous nommons blanches,
tout en étant le moins possible réfrangible, puisque l'inter-
valle photochromatique nuisible croit avec la réfrangibilité.
C'est pour cela qu'on a pris le vert; le bleu serait absolument
impossible à reconnaître, au moins pour la majorité des yeux.
il y a cependant un inconvénient grave à l'adoption du
rouge: c'est la fréquence du daltonisme. Dans cette viciaiion,
quand elle est complète, on ne peut voir la lumière rouge, et,
dans bien des degrés faibles, on voit mal le rouge; l'intervalle
phoiochromalique pour le rouge est très étendu. Aussi des
épreuves sont-elles prescrites pour l'examen de la vision de
1^6 A. BROC A.
ceux qui veulent entrer dans la nnarine. Bien des accidents
graves sont dus cependant à Texistence de celte viciation du
sens chromatique. C'est que Talcoolisme, ce fléau qui ravage
noire pays, a pour conséquence fréquente une maladie qu'on
nomme le scotome central, dans laquelle la vision des cou-
leurs est abolie très rapidement au centre de la rétine. Le
scotome se déclare à tout âge, et ceux qui en sont atteints
peuvent causer les accidents les plus graves, car c'est préci-
sément avec le centre de la rétine qu'on regarde les signaux
qui se présentent sous forme de petits points.
Pour examiner les yeux viciés, on leur donne à classer un
grand nombre d'écheveaux de soie de toutes couleurs, où la
saturation de la teinte varie. On reconnaît les yeux légèrement
viciés à ce que, dans les teintes peu saturées, très lavées de
blanc, ils ne distinguent plus le rose du vert très clair. Il est
mieux encore de faire une épreuve de nuit avec des sources
de lumière de petites dimensions.
Enfin, je veux vous indiquer un procédé pour reconnaître
les feux, même dans le cas de doute; il consiste à les regarder
successivement avec des verres colorés identiques à ceux qui
servent pour les produire. Un verre rouge n'affaiblit pas sen-
siblement le rouge et affaiblit au contraire beaucoup le vert,
et inversement un verre vert affaiblit beaucoup le rouge, sans
affaiblir notablement le vert. Il serait donc très simple de munir
les vigies ou les mécaniciens de deux verres de cette sorte;
peut-être pourrait-on ainsi éviter bien des accidents.
Laissons de côté maintenant la question des couleurs et
occupons-nous de la vision des signaux télégraphiques pro-
prement dits.
La télégraphie optique emploie des signaux analogues à
ceux du télégraphe Morse. Son organe essentiel est encore
un projecteur et la source lumineuse est disposée de manière
qu'on puisse l'intercepter au moyen d'une palette qui passe
devant un diaphragme. On donne alors successivement des
éclats longs et des éclats courts, l'observateur les note, et il
peut ainsi lire par un procédé analogue à celui qu'on emploie
fréquemment en télégraphie électrique, et qui consiste à
comprendre une dépêche par le son seul des appareils. Les
LES SIGNAUX OPTIQUES. I27
V.
noms qui viennent de renregislremenl graphique des signaux
ont été conservés : on nomme traits les éclats longs ei points
les éclats courts. On a pour habitude de donner à un point
la même durée qu'à un temps d'obscurité; on donne au trait,
pour qu'il soit perçu nettement, la longueur de quatre points;
l'intervalle de deux signaux est d'un point, l'intervalle de
deux lettres est d'un trait, l'intervalle de deux mots est de
deux traits. Mais nous sommes, dans les deux cas de l'ouïe
et de l'œil, en présence de deux appareils différents : l'œil et
l'oreille ont des organisations tout à fait distinctes. Quand on
prend, d'après Lord Rayleigh, la quantité d'énergie minima
nécessaire pour impressionner l'oreille, on voit que celle-ci
est de cinq fois environ moins sensible que l'œil : il lui faut une
énergie qui dépenserait à travers le conduit auditif externe une
petite calorie en lo millions d'années. Si nous appliquons
maintenant aux organes de nos sens les mêmes considérations
(|u'à nos appareils de physique, nous voyons qu'à une sensi-
bilité plus grande doit correspondre une inertie plus grande et
un retour à l'équilibre plus lent. On comprend donc que l'œil
doit percevoir des signaux distincts moins aisément que
l'oreille. Nous trouvons par la pratique que la télégraphie
optique donne une vitesse limite de transmission deux fois
plus faible que le télégraphe électrique au parleur. Si les
rapports ne sont pas mieux conservés, c'est qu'il y a, à côté
des phénomènes particuliers aux organes des sens, des phé-
nomènes généraux qui tiennent aux centres nerveux mêmes.
Examinons ces phénomènes avant d'étudier les phénomènes
rétiniens purs pour les lumières variables.
Marey a vu, il y a quelques années, que, quand deux exci-
tations électriques agissaient successivement sur le cœur de
la grenouille, elles avaient des effets variables suivant leur
rythme. Quand elles sont trop rapprochées, la seconde peut
être nulle et non avenue, le cœur présente une phase réfrac-
laire. J'ai vu, avec Gh. Richet, que des phénomènes analogues
S2 passent dans le cerveau et que deux excitations devaient
avoir plus de yV ^® seconde d'intervalle pour donner des
excitations régulières. Si donc une seconde excitation suit
la première à moins de -~ de seconde, elle ne produit aucur
128 A. BROC.\.
effet, si elle n'est pas trop considérable. Ces phénomènes
sont tout à fait analogues à ceux que nous réalisons pour
ramener au zéro un appareil sensible présentant des oscilla-
tions lentes. Voici un galvanomètre balistique à 8 secondes
de période. Son retour au zéro est très lent et nous ne
pourrons arriver à faire deux observations successives
que si elles sont fort espacées. Mais j'arriverai à observer
bien plus facilement si, au lieu de l'abandonner à son retour
normal à l'équilibre, je lui donne une impulsion brusque
qui le ramènera rapidement au zéro, et si en ce point je
l'arrête par une impulsion bien graduée de sens inverse.
C'est un procédé analogue qui a été employé par Lord
Kelvin pour transmettre rapidement des dépêches par câble
sous-marin, et éviter la gêne due aux périodes électriques
très lentes de ces organes. On comprend qu'avec un sys-
tème analogue à celui-là, une impulsion arrivant pendant
le retour rapide n'ait pas d'autre effet que de retarder le
retour à l'équilibre, si elle n'est pas assez grande. C'est en
effet ainsi que les phénomènes se passent. Nous voyons
donc que nous ne pourrons jamais distinguer complètement
deux impressions successives, si elles n'ont pas entre elles
au moins -^ de seconde.
Je vais vous montrer qu'il en est bien ainsi pour les signaux
optiques. Voici un disque rotatif portant deux fentes situées
à -iV de circonférence l'une de l'autre. Nous allons faire
tourner le disque à un tour par seconde dans le plan d'une
première image réelle d'une fente de lanterne dont je vous
projette sur le tableau une seconde image; vous commen-
cerez par voir deux éclats distincts; si j'augmente un peu
la vitesse, les éclats se confondent, en donnant lieu à la sen-
sation du papillotemeni, que je ne puis mieux vous définir
qu'en vous le faisant éprouver. 11 faut donc au moins
Tô de seconde pour commencer à avoir la sensation de noir
entre deux signaux. Il faut même, pour que le noir soit tout
a fait indubitable, un temps un peu plus long. L'étude de
la courbe de la sensation va nous montrer d'autres temps
limites qui viennent empêcher la plus grande rapidité des
signaux optiques. Mais pour l'oreille il semble que cet appa-
LES SIGNAUX OPTIQUES. I29
reil à faible inertie ne soit limité dans son fonctionnement
que par ia période cérébrale, un lélégrapliisie exercé arrivant
à percevoir au moins six intervalles à la seconde. La limite
est la même que pour la vitesse possible de manipulation, et
sa cause est la même, la période réfractaire du cerveau.
L'œil est un appareil à grande inertie; il lui faut donc
longtemps pour arriver à son régime permanent, longtemps
pour revenir à son équilibre. Le temps nécessaire pour arriver
au régime permanent est aisé à voir. Il suffit de produire une
lumière très brève; on voit que, même si l'éclat de la source
est considérable, elle peut disparaîire. Ce phénomène a fait
l'objet d'études de Richet et Breguei, de Bloch et de Char-
pentier. Voici Texpérience. Un disque qui développe environ
i" de circonférence tourne à dix tours à la seconde envi-
ron. Il porte une fente de a™*" qui laisse passer un éclat
de -gôVô" ^® seconde environ. Dans ce cas, on peut régler la
lunnière pour que ce qui passe soit au-dessous du seuil de
l'excitation. Quand on arrête le disque, on voit un éclat très
considérable.
Ce phénomène a été étudié quantitativement par Charpen-
tier. Il a vu que les courbes de la sensation en fonction du
temps se confondaient presque avec des droites à l'origine,
et arrivaient à leur régime permanent en un temps d'autant
plus court que la lumière était plus forte. Donc, une durée
d'éclair enlève, dans le cas d'une lumière faible, la moitié de
l'éclat par exemple, alors qu'une lumière forte atteindra dans
le même temps son éclat entier. C'est là la raison péremptoire
pour laquelle la cadence de la télégraphie optique doit être
beaucoup moins rapide quand les feux sont juste visibles que
quand ils sont intenses. L'expérience va nous montrer le fait:
en ouvrant l'œil-de-chat de ma lentille de projection, je puis
augmenter l'éclat de l'image et vous voj'ez que le phénomène
est infiniment moins accentué, quoique la diminution reste
parfaitement sensible, qu'avec des feux près de la limite de
visibilité; vous comprenez immédiatement qu'une manipula-
lion rapide puisse faire disparaître ceux-ci alors qu'ils sont
parfaitement visibles en régime permanent. C'est ainsi que
le télégraphe optique fonctionne à 2i'2*'"' entre Nice et la
l3o A. BROCA.
Corse, quand Talmosphère est assez pure, ce qui arrive une
nuit sur trois. On peut arriver à lire des signaux dans ces
conditions quand on a pour le point une durée de ^^ de
seconde ou yô ^® seconde environ, alors qu'avec les inten-
sités convenables on arrive à ^ de seconde ou même en
extrême limite à-y^ de seconde.
Nous voyons ainsi la nécessité qu'il y a à avoir, pour la
télégraphie optique, des éclats suffisamment puissants. Mais il
ne faut pas aller trop loin dans cette voie, car bientôt les
images. accidentelles, dont nous avons déjà parlé, prennent
naissance et empêchent Tœil de bien percevoir. La fatigue
intervient puissamment avec les lumières vives, surtout
quand on emploie des éclairages intermittents. Vous avez
vu tout à rheure papilloter une fente lumineuse et vous
avez senti Teffei désagréable ainsi produit. Il est assez dif-
ficile d'en donner la raison véritable. Je crois, pour ma
part, que cela est dû à des phénomènes rétiniens, à ces
réflexes de défense dont je vous ai parlé tout à Theure. On
s'aperçoit aisément, quand on étudie les images accidentelles,
comme Exner Ta fait, que ces images ont un maximum d'éclat
aux environs de ^ de seconde. Cela tient à ce que, à ce
moment, pour les fortes lumières, la sensation a déjà acquis
depuis longtemps son maximum et que les réflexes rétiniens
de défense n'ont pas encore eu le temps de se produire.
Si Ton sollicite fréquemment la rétine par des excitations
de cette nature, on comprend aisément la fatigue qui peut
en résulter. 11 résulte en effet d'expériences que je viens
de faire avec D. Suizer, que la sensation produite par une
lumière brève peut être la même que celle produite par une
lumière continue cinq fois plus forte, et la fatigue intensive
du papillotement nous montre que son abaissement est dû
bien certainement à des réflexes de défense.
Les mêmes expériences dont je viens de vous parler mon-
trent que pour les autres lumières le maximum est atteint à
environ ^ à -^^ de seconde, mais que le régime permanent
n'est atteint qu'au bout de i seconde; cependant, au bout de
-ï^ à ^ de seconde, la sensation est très voisine du régime
permanent. On comprend qu'il faille toujours attendre celle
LES SIGNAUX OPTIQUES. l3l
période pour que les signaux ne produisent pas sur la réline
ces images accidentelles qui, pour des signaux de ^ de se-
conde de durée, seraient deux fois plus intenses que pour
ceux de y- de seconde. Nous trouvons ainsi pour la durée
minima du signal le plus court en bonne lumière la durée
de Yô ^^ seconde environ, qui est bien conforme avec les
données de la pratique de la télégraphie opiique.
Étudions maintenant ce qui se passe quand la lumière cesse.
Nous allons retrouver là encore des phénomènes très voisins
de ceux de la Mécanique. Et d'abord, nous allons retrouver
un phénomène de retour rapide à l'équilibre identique à
celui que je vous ai décrit pour le cerveau. Charpentier a
montré que, quand une excitation brusque se produisait en
un point de la rétine, il y avait une ondulation transversale
des éléments rétiniens, se manifestant par des phénomènes
visuels qui ont une période complète de 3 V à ^ de seconde
et qui se propagent sur la réline autour du point excité avec
une vitesse de 72™™ par seconde. Ces oscillations sont dues,
au point de vue physiologique, à des périodes d'inexcitabilité
comme dans le cas du cerveau. Je vais vous en rendre
témoins. Voici un disque rotatif de 60*^'" de diamètre porteur
d'un secteur blanc de 10° environ, que j'éclaire vivement. Je
le fais tourner à peu près à un tour par seconde, et, si vous
fixez l'œil, si vous ne suivez pas le secteur dans son mouve-
ment, vous verrez bien nettement une bande noire sur la
plage blanche, à une petite distance angulaire du bord qui
sert de proue au mouvement. Peut-être même les yeu^c exer-
cés distingueront-ils deux bandes équidistantes et très légè-
rement grises venant après la première.
Ces phénomènes ne sont visibles qu'à haute lumière.
A basse lumière, on ne peut les saisir. C'est peut-être l'ex-
plication de ce fait que, à lumière basse, la sensation se
prolonge pendant un temps plus long qu'à haute lumière.
Ces phénomènes de prolongation, de résonance, donnent lieu
à un ordre de phénomènes que je veux étudier à part main-
tenant, celui de la persistance des impressions lumineuses.
Nous savons que, quand des excitations lumineuses se
succèdent assez vile, nous avons la sensation d'une lumière
l32 A. BnocA.
continue. Cela lient à ce que la sensation baisse assez lente-
ment après une excitation, et la durée de la piersisiance
nous indique la limite du temps au bout duquel la sensation
n'a pas baissé suffisamment pour nous donner une différence
perceptible. Ce temps varie énormément avec Téclairageià
très haute lumière, il peut atteindre à peine le j^ de
seconde; à très basse lumière, il est de Tordre de ^
ou Yô ^^ seconde. Cela tient, je crois, à ce que, à basse
lumière, les processus de retour rapide ne se déclenchent
pas comme ils font à haute lumière. Mais pour sortir de la
théorie et pour entrer dans la pratique, nous en tirerons
cette conclusion, déjà obtenue pour une autre raison, que
les signaux optiques à basse lumière ne peuvent se faire que
très lentement.
Nous voyons donc que, pour toutes ces raisons, il y a une
intensité. lumineuse, la meilleure pour la transmission des
signaux optiques, et qu'il faut avoir des appareils dilïérenls
suivant les conditions à remplir.
Je vous ai déjà dit que les projecteurs avaient pour pro-
priété de |)résenter sur toute leur surface un éclat égal à
celui de l'objet lumineux, et je vous ai expliqué que, à partir
d'une faible distance, tout se passe comme si la source, vue
comme un simple poini, changeait seulement d'intensité.
C'est à ce moment seul que la question devient intéressante,
et que nous la prendrons.
Les appareils en usage sont 1res divers: il y a le petit appa-
reil à pétrole de io*=™ de diamètre, ceux de i4'"^, de 24'"'°,
de So*"»», de 40**'", de 5o^™, de 60^"; dans les grands appareils,
on emploie aussi l'acétylène ou la lumière électrique. Je vous
présente ici trois projecteurs : le petit est à pétrole, le grand
réfracteur est à acétylène et le grand projecteur à miroir
est à arc électrique. Celui-ci n'est pas disposé pour faire
des signaux; les autres le sont. Je ne vous décrirai pas en
détail les dispositifs; il suffit d'avoir un appareil en main pour
les comprendre immédiatement. J'insisterai sur ce point que
les signaux, pour chaque appareil, peuvent s'observer soit
à l'œil nu, soit à la lunette. Le rôle de celle-ci est extrê-
mement simple à comprendre. En somme, nous recevons
LES SIGNAUX OPTIQUES. |33
dans rœii loule la lumière qui a traversé l'objectif, si l'anneau
oculaire est convenable, et l'usage de la lunette revient exac-
tement à remplacer notre pupille par Touverlure de l'objectif.
1! y a donc une énorme différence entre les deux modes
d'emploi, et il y aurait lieu, pour avoir tous les intermé-
diaires, de munir les objectifs d'un diaphragme à œil-de-
chat, permettant de ramener toujours la lumière à sa valeur
la plus propice.
Les praticiens savent bien que, quand ils ont un appareil
d'émission puissant placé trop près, il faut diaphragmer
l'objectif. Un procédé analogue à celui de l'œil-de-chat
objectif dont je vous parlais tout à l'heure consisterait à
avoir une série de pupilles ariificielles formées de petits trous
dans une lame opaque qui permettrait alors aux télégra-
phistes de recevoir parfaitement bien les signaux d'un pro-
jecteur sur toute la zone où sa lumière est sensible. Les deux
appareils pourraient peut-être se remplacer avantageusement
par un bon diaphragme iris dans Tanneau oculaire de la
lunette, mais la construction de ces organes est assez déli-
cate, et l'autre solution serait peut-être plus simple.
Voilà ce que nous pouvons dire sur la perception des
lumières brèves des signaux. Mais il nous reste à indi-
quer encore ce qui a rapport à la distinction des deux
espèces de signaux, les brefs et les longs, ou, pour parler
le langage de Morse, les traits et les points. L'intensité de
la lumière joue encore ici un grand rôle, et cela se com-
prend d'après ce que nous avons dit. A basse lumière, la
sensation met un temps très long à s'établir, puisque, aux
limites de visibilité, il peut atteindre o\3, et de même elle
met fort longtemps à s'éteindre quand l'excitation a cessé.
On distingue donc fort mal dans ces conditions les brèves des
longues. A haute lumière, de bons télégraphistes lisent avec
des longues égales à trois brèves; aussitôt que la lecture
devient difficile par abaissement de l'intensité, il faut allonger
les longues et les porter parfois à la durée de cinq brèves. Ce
sont là des données de la théorie que la pratique vérifie
chaque jour. L'expérience nous montre, avec les projecteurs
l34 A. BROCA. — LES SIGNAUX OPTIQUES.
que vous avez sous les yeux, combien il est délicat de discer-
ner les longues des brèves.
El maintenant, je ne veux pas terminer cette conférence
sans en tirer une conclusion générale. Nous avons été guidés
dans cette élude des signaux optiques par les propriétés
théoriquement connues de la rétine ; les résultats pénible-
ment acquis dans le laboratoire et scientifiquement coor-
donnés nous montrent ce que la pratique a de bon, et dans
quel sens ses perfectionnements pourruienl encore se faire.
Mais je veux remonter plus haut encore. Nous avons compris
tous ces faits, si complexes au premier abord, en prenant
pour guide les résultats obtenus par la Mécanique, résultats
que les phénomènes électriques et lumineux nous ont appris
à généraliser. Nous avons suivi dans ses moindres détails
Tassimilation des phénomènes nerveux et rétiniens avec ceux
des corps inertes. N'est-ce pas là une preuve bien mani-
feste de Texcellence des tendances physiologiques actuelles
qui cherchent à expliquer le plus possible de la vie par des
phénomènes physico-chimiques? Mais ne nous leurrons
pas d'un trop grand espoir et ne croyons pas avoir ainsi
trouvé la panacée universelle. Ici, comme dans le cas des
phénomènes électriques, nous avons pu atteindre par Texpé-
rience les phénomènes de perturbation, les régimes variables,
et nous avons trouvé que ces régimes variables biologiques
étaient soumis aux mêmes lois que tous les régimes variables.
Mais cela ne nous éclaire en rien sur la nature intime des
phénomènes, et il ne faut pas croire que nous soyons bien
avancés dans cette connaissance. Certes, il est philosophique
de montrer que les lois biologiques rentrent dans nos cadres
connus; mais cela même nous prouve que ces phénomènes
variables, si intéressants qu'ils soient, ne nous renseignent
en rien sur la nature intime des choses. C'est à d'autres
expérimentations que nous devons demander une réponse à
cetie question dont nous n'entrevoyons même pas la solu-
tion : Comment se produisent la notion de lumière et celle de
couleur?
TELEGRAPHIE SANS FIL
LA
(•)
CONFÉRENCE
FAITE AU CONSEHVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS
LE DIMANCHE 10 MARS 1901,
Par M. le docteur André BROCA^
Professeur agrégé de Physique à la Faculté de Médecine de Paris,
Mesdames^ Messieurs,
Cesl un sujet assez ardu que celui de la télégraphie sans
fil. Pour comprendre ce qui se passe dans cet admirable
procédé de communication, il faut faire appel à ce qu'il y a
de plus élevé dans les sciences physiques, à cette théorie
générale de Téiher créée par notre compatriote Fresnel pour
expliquer les phénomènes lumineux, et dont Maxwell a tiré
l'explication de la propagation des perturbations électroma-
gnétiques. Je pourrais bien, certes, vous décrire les appareils
et vous dire : « Voilà ce que Ton fait, et voilà comment cela
marche «.Je pourrais vous décrire en détail les petits perfec-
tionnements des appareils. Mais ce serait là quelque chose
de bien fastidieux et vous ne me suivriez pas longtemps.
llfaut donc que je prenne le taureau par les cornes, et que
je lâche de vous expliquer de mon mieux ce que c'est que
(•) Les expériences de télégraphie sans fil ont été faites avec le concours
de M. Dobkéwiteh, préparateur de M. Blondel. Nous les remercions du
concours qu'ils ont bien voulu nous prêter. — A. B.
l36 A. BROCA.
celle forme de Ténergie qui va iransmeilre nos signaux à
loule dislance, sans avoir besoin d'êlre conduite par un de
ces fils mélalliques qui iransporlenl habiluellement Ténergie
éleclrique.
Mon but es! que vous sorliez d'ici avec celle conviction que
l'énergie qui traverse I^espace pour aller écrire noire pensée
là où il y a un récepleur convenable, c'est de la lumière.
Je viens d'employer un bien mauvais mol, car il n'y a pas de
lumière là où il n'y a pas d'œil pour transformer l'énergie
objective en un phénomène de conscience que nous appelons
lumière. Il faut une rétine continuée par un nerf optique
aboutissant à une circonvolution cérébrale occipitale, ei bien
d'autres choses encore certainement; mais je m'arrêie là où la
Science s'arrête et où commence l'hypothèse. Cependant, c'est
à dessein que j'ai employé ce mauvais mot de lumièrey car il
me semble qu'avec les réserves faites les choses vous paraî-
tront ainiïi plus frappantes.
Fresnel nous a appris quelle est la forme de l'énergie qui
produit la sensation de lumière. C'est un mouvement vibra-
toire situé dans le plan de l'onde, transversal comme on dit,
qui se propage dans un milieu appelé éther. Ce milieu subsiste
même là où nous avons fait le vide le plus parfait. La lumière
nous parvient du soleil et des étoiles, à travers le vide inter-
planétaire. Mais, à côté de ces ondulations qui impressionnent
notre œil, il y en a d'autres, qui impressionnent, les unes seu-
lement la plaque photographique et les autres seulement le
thermomètre. Ce qui les distingue l'une et l'autre, c'est ce
que les physiciens appellent leur période. Dans les phéno-
mènes lumineux, nous avons à considérer pour les molécules
d'éther des orbites qui sont parcourues en un temps qui se
chiffre par quelques quadrillionièmes de seconde. C'est cette
durée qui caractérise la lumière employée. Nous appelons
lumière rouge celle qui vibre en un peu moins de 3 quadrillio-
nièmes de seconde, lumière jaune celle qui vibre en 2 qua-
drillionièmes de seconde environ, et lumière violette celle
qui vibre en un peu plus de i quadrillionième de seconde.
Les vibrations plus lentes ou plus rapides que celles-là n'ont
plus d'action sur noire rétine, ne sont plus déjà de la lumière
LA TÉLÉGRAPHIA âANS FIL. l37
vériiable, mais nous les connaissons par leurs aciions diverses.
Établissons donc bien les propriétés caractéristiques com-
munes à toutes ces radiations lumineuses, et cherchons à les
retrouver pour l'énergie utilisée en télégraphie sans fil.
Quand, dans un milieu élastique, il y a un centre d'ébranle-
ment, rébranlement se transmet de proche en proche; ceci
se voit très aisément au mo^en d'un tube de caoutchouc :
j'en prends une des extrémités, un aide prend l'autre; je frappe
vivement sur le caoutchouc; vous voyez une onde se trans-
mettre d'un bout à l'auire. Quand elle atteint l'autre extré-
mité fixe, elle se réfléchit et revient sur ses pas. Celte expé-
rience nous montre immédiatement la propagation d'un
ébranlement et sa réflexion.
Nous voyons aussi que cet ébranlement se transmet avec
une certaine vitesse, nous le suivons dans tout son chemin,
très facilement si le tube est lâche, très difficilement si le
tube est tendu; dans ce dernier cas, l'ébranlement va plus
vite, la vitesse de propagation dépend du milieu où l'ondulation
se transmet.
Au lieu de donner un seul coup au caoutchouc, donnons-
en deux ou trois., et l'on peut les donner plus ou moins rappro-
chés, produisant ainsi des mouvements de périodes difl^érentes ;
nous verrons une onde à deux ou trois inflexions se propager
le long du tube, et, si le tube est toujours dans le même état,
la vitesse de propagation est identique, quelle que soit la
période. Celle constante caractéristique, la vitesse, a été mesu-
rée pour la lumière d'abord par Rœmer, par des considérations
astronomiques, puis par Foucault, Fizeau et M. Cornu, qui a
trouvé 300 300*^™ par seconde.
En même temps que l'existence d'une vitesse de propa-
gation fixe, le tube de caoutchouc nous montre que les
inflexions du tube se suivent avec une régularité parfaite,
que les points identiques, ceux qui vibrent toujours identi-
quement, synchroniquement comme on dit, sont toujours
à la même distance l'un de l'autre. Or l'un d'eux a commencé
à vibrer au moment où l'autre a commencé sa deuxième
oscillation; leur distance est donc celle que parcourt l'ondu-
lation pendant une période du mouvement. Elle s'appelle la
|38 A. BROCA.
longueur d'onde du mouvement. Appelons-la À; soil V la
vitesse de propagation, T la période, on a X = VT. Retenons
de là que, quand on connaît la vitesse de propagation carac-
téristique d*un milieu et la longueur d'onde d'un mouvement^
on connatt sa période.
Éludions maintenant ce qui se passe quand un mouvement
périodiquement entretenu se réfléchit. II y a des points où les
impulsions diverses et réfléchies sont en sens contraire. Ces
points sont fixes; on les nomme des nœuds de vibrations; on
démontre que leur distance est égale à la demi-longueur
d'onde du mouvjement. Entre ces points, il y en a où les mou-
vements s'ajoutent; on les nomme des ventres. Le milieu se
sépare en ondes stalionnaires. Le tube de caoutchouc permet
de montrer le fait. Avec une période convenable, on obtient un
ventre au milieu et un nœud à chaque bout; en doublant la
fréquence, on a la division en deux segments avec un nœud
au milieu, puis en trois en triplant, etc. Cette expérience est
particulièrement brillante avec le dispositif de M. Argyropou-
los. Un fil métallique est parcouru par un courant interrompu;
il est soumis à des dilatations rythmées, et il rougit, on le voit
donc aisément vibrer. On peut, en variant la fréquence, obtenir
la vibration de totalité, ou des nœuds en nombre quelconque.
Si donc on montre qu'une forme de l'énergie présente des
nœuds et des ventres, des interférences comme on dit, on
aura montré qu'elle est vibratoire. C'est ce qu'a fait Fresnel
pour la lumière. Il a même pu montrer que la vibration se
faisait dans le plan de l'onde, qu'elle éidXi transversale et non
longitudinale, comme dans le son. Les expériences de Fresnel
ont été théoriquement moins simples à comprendre que ce que
je viens de décrire. Pour la lumière, les nœuds ou ventres des
ondes stationnaires devant les miroirs sont à des fractions de
millièmes de millimètre. Il a fallu les progrès de la photo-
graphie pour les mettre en évidence. Cela fut fait d'abord par
M. Otto Wiener ; puis M. Lippmann, par un procédé plus simple
et meilleur, obtint une série de couches d'argent réduit dans
une couche de gélatinobromure bien transparente placée
devant un miroir de mercure, et il démontra que si la lumière
blanche venait frnpper une plaque ainsi impressionnée, les
LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. iSq
interférences des lumières réfléchies sur les couches d'argent
successives devaient éteindre tous les rayons, sauf ceux qui
ont produit la couche ; on obtient ainsi la photographie des cou-
leurs. Je vous montre ici en projection un spectre dû à
réclairement d'une des photographies ainsi obtenues par
M. Lippmann et qui fait partie des belles collections du
Conservatoire des Arts et Métiers. C'est cette expérience que
Hertz a réalisée avec les ondes électriques ; c'est pour cela que
je vous l'ai montrée.
Tel était l'état de la philosophie scientifique^ quand Maxwell
pensa que les phénomènes électriques, qui certainement sont
modifiés par la nature de la matière située entre les corps
électrisés,et qui cependant sont réalisables dans le vide absolu,
devaient être dus, non à des fluides quelconques, mais à l'élher
lumineux lui-même. Laissons-le parler et citons textuellement
ce qu'il dit dans son Traité d' Électricité et de Magnétisme:
« En plusieurs passages de ce Traité, on a tenté d'expliquer
les phénomènes électromagnétiques par une action méca-
nique transmise d'un corps à un autre par Tintermédiaire
d'une matière qui remplirait l'espace compris entre ces corps.
La théorie ondulatoire de la lumière suppose aussi l'existence
d'un milieu. Nous avons maintenant à montrer que le milieu
électromagnétique a des propriétés identiques à celles du
milieu où se propage la lumière.
» Remplir l'espace d'un nouveau milieu toutes les fois que
l'on doit expliquer un phénomène nouveau ne serait point un
procédé philosophique; au contraire, si, étant arrivé indépen-
damment par l'étude de deux branches différentes à l'hypo-
thèse d'un milieu, les propriétés qu'il faut attribuer à ce
milieu pour expliquer les phénomènes électromagnétiques
se trouvent être de la même nature que celles que nous
devons attribuer à l'éther lumineux pour expliquer les phéno-
mènes de la lumière, la probabilité de l'existence d'un pareil
milieu se trouvera sérieusement confirmée. »
D'après ce qui précède, nous voyons que la première chose
à faire était de mesurer la vitesse de propagation des perlur-
bations électriques, ou au moins de la calculer, et de montrer
que c'est celle de la lumière.
3« Série f t. IV, lo
i4o
A. BROC A.
Les phénomènes d'induction sont bien connus. Quand un
channp magnétique varie dans le temps en un point déterminé,
il y a production en ce point d'une variation de la force élec-
tromotrice. Les courants induits ainsi produits donnent des
eiîets à distance qui ont pu être utilisés pour la télégraphie
sans fil par M. Preece, pour des communications à 2"^'" envi-
ron; je vais vous le montrer par deux séries d'expériences
frappantes. D'abord celles de M. Elihu Thomson. Un électro-
aimant est parcouru par du courant alternatif; si Ton place au-
dessus un anneau de cuivre ou d'aluminium, il est violemment
projeté en l'air. Dans une auire expérience, un circuit conve-
nable porte une lampe électrique, et le tout est plongé dans
un vase plein d'eau au-dessus de l'éleclro-aimant. Quand le
courant passe, la lampe s'allume, le circuit est repoussé; le
système s'élève dans l'eau, et en même temps la lampe
s'éteint. Ces effets sont d'autant plus puissants pour une
même intensité efficace que la fréquence du courant alternatif
est plus grande.
Prenons maintenant un appareil de Tesia où un circuit, com-
prenant les armatures intérieures a, h de deux bouteilles de
ig. 1.
Leyde dont les armatures extérieures c, a sont réunies mélalli-
quement, est chargé par le secondaire d'une bobine d'induc-
tion et se décharge toutes les fois que le potentiel électrique est
suffisant pour faire jaillir une étincelle entre deux boules e,/.
LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. l4l
Toutes les fois que l'étincelle jaillira, les bouteilles subiront
une perturbation brusque et reviendront à Téquilibre suivant
les lois énoncées par Sir William Thomson, aujourd'hui Lord
Kelvin, le courant électrique subissant des oscillations de
période calculable. Dans les appareils de ce genre, on a envi-
ron 5ooooo périodes par seconde; aussi les effets d'induction
sont énormes. Une lampe de no volts s'allume quand elle est
munie d'un seul fil qui embrasse le solénoïde S. Ces courants
traversent le corps humain sans y produire aucun désordre.
Voici un chapelet de 4 lampes de i lo volts muni de deux poi-
gnées; j'en prends une à la main et mon aide prend l'autre.
Nous louchons chacun un point de S, et les lampes s'allu-
ment. Elles demandent environ ^ ampère, et ce courant tra-
verse deux corps humains sans aucun inconvénient. Bien plus,
mon aide ne touche aucun point du circuit^ sa capacité électro-
statique suffit pour que ces courants illuminent les lampeà.
Mettons, à l'exemple de Tesla, autour du solénoïde S une
bobine d'une couche de fil fin; nous formerons un transfor-
mateur et nous aurons à ses extrémités une différence de
potentiel considérable^ et cette énergie électrique jouit en-
core, vis-à-vis du corps humain, des mêmes propriétés. Cette
énergie se propage à grande distance, illuminant brillamment
des lubes à vide qui ne touchent aucun appareil métallique,
ou couvrant d'aigrettes puissantes des fils métalliques. De véri-
tables nappes lumineuses de lo*'"' à 12*^™ de large et de
plusieurs mètres de longueur peuvent rejoindre deux fils en
communication avec les deux pôles du transformateur de
Tesla. Celui-ci doit être plongé dans l'huile pour éviter les
étincelles.
En appliquant le calcul à ces phénomènes, Maxwell a
montré que la force électrique et la force magnétique sont
liées par des équations de même forme que les équations
de propagation d'un ébranlement dans un milieu élastique;
les équations relatives aux perturbations transversales du
champ électromagnétique ont donc un coefficient qui est le
carré de la vitesse de propagation de ces perturbations. Ce
coefficient est exprimé au moyen de quantités mesurables
directement par desimpies expériences d'attraction électrique
l42 A. BROCA.
ei magnélique; c'est le rapport des unités de quantité d'élec-
tricité définies d'une part dans le système électrostatique et
d'autre part dans le système électromagnétique. On a trouvé
pour le rapport de ces nombres Sogodo^" par seconde, vitesse
de la lumière.
Mais cette conception de Maxwell était de pure théorie et
beaucoup de bons esprits ne s'y ralliaient pas, quand Hertz
eut la gloire de démontrer expérimentalement cette théorie,
en prouvant que les ondes électriques se propagent avec la
vitesse de la lumière, se réfléchissent et se réfractent.
Thomson, il y a longtemps, nous l'avons déjà vu, avait
montré que, quand un condensateur se décharge dans un
circuit convenable, le courant produit était oscillatoire, et la
connaissance des constantes du circuit permettait de calculer
cette période. Hertz a alors pensé que, si l'on prenait un pareil
système constamment excité par une bobine de Ruhmkorff,
on pouvait obtenir dans le diélectrique des perturbations ayant
la même période. H pensa qu'avec un circuit accordé sur
l'excitateur et terminé par deux pointes formant un micro-
mètre on aurait possibilité d'observer des étincelles entre les
pointes et de les mesurer.
Un ingénieux appareil de M. Guillaume va me permettre de
vous montrer comment, quand un système oscillant doué
Il g. a.
d'une période bien nette est excité par une cause ayant la
même période, il prend une oscillation extrêmement grande.
Soit un morceau de bois A percé d'un trou où passe sans
frotljement un axe horizontal projeté en 0. l\ est réuni à cet
LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. l^^
axe par Hnlermédiaire d\in ressort R. Si Ton écarte A de sa
position d'équilibre, il est ramené par le ressort après une
série d'oscillations. Le syslèntie de manivelle et bielle OBC,
mû par la roue de centre D, permet d'imprimer au mobile A
des mouvements de période donnée. On voit alors que, pour
les mouvements lents, le mobile A suit exactement le mou-
vement excitateur; que, pour les mouvemenis de période voi-
sine de la sienne, l'amplitude augmente énormément jusqu'à
atteindre iSo** pour l'accord exact, et que, pour les mouve-
ments rapides^ le mobile A ne fait plus autour de sa position
d'équilibre que de très petites oscillations.
Ayant alors constitué un excitateur au moyen de deux
capacités réunies par une tige métallique interrompue par un
éclateur d'étincelle. Hertz vit qu'il y avait un circuit qui don-
nait l'étincelle maxima par induction, qui entrait en réso-
nance, qui avait par conséquent la même période que l'exci-
tateur. Les autres circuits donnaient des étincelles moindres.
Il prit alors le résonateur accordé avec l'excitateur, et par son
moyen il reconnut devant les miroirs métalliques les nœuds
et les ventres que nous avons indiqués ci-dessus; il introduisit
dans la formule le x calculé et le X mesuré. Le nombre trouvé
pour V fut, aux erreurs d'expériences près, la vitesse de la
lumière (*).
Celte expérience de Hertz démontre donc du même coup
que les ondes électromagnétiques se réfléchissent et qu'elles
se propagent avec la vitesse de la lumière.
Mais elle ne comportait pas une grande précision. Par d'in-
génieuses expériences susceptibles, elles, de précision, mais
que je ne puis décrire ici, MM. Sara&in et de la Rive mon-
trèrent que les ondulations se propagent avec la même vitesse
dans l'airet le long des fils conducieurs. M. Bloridiot fit alors
ses belles expériences, indépendantes de touie hypothèse,
sur la vitesse de propagation le long des fils.
(') C'est à dessein que nous ne parlons pas ici de ramorlissemenl des
oscillaUons et de la résonance multiple; cela nous entraînerait trop loin.
Nous renvoyons les lecteurs que cela intéresse au bel Ouvrage de
M. Poincaré, dans la collection Scientia; ils y trouveront les phéno-
mènes exposés sans calcul.
i44 A- BnocA.
Des expériences anciennes de Fizeau et Gounelle avaient
montré que la fermeture d'un courant sur une ligne télégra-
phique donne une perturbation qui se propage avec une
vitesse qui semble être de 177000^" par seconde. Siemens
trouva des nombres du même ordre de grandeur, mais
variables. La théorie démontra que cela était dû à la diffu-
sion du courante à la formation d'une onde peu nette. Pour
éviter cet inconvénient, M. Blondiot employa des oscilla-
tions de décharge de condensateurs, et il trouva comme
vitesse 298000''"* par seconde.
On peut donc dire que les idées de Maxwell ont été véri-
fiées de la manière la plus rigoureuse par Texpérience.
Une coïncidence entre deux phénomènes d'origine solaire
vint prouver le même fait. Il y a quelques années, Trouvelol,
à rObservatoire de Meudon, observa une tache brillante qui
apparut subitement à une heure qu'il put noter. A la même
heure exactement, une perturbation considérable de l'aiguille
aimantée fut notée. La perturbation solaire produisant simul-
tanément des ondes de toute espèce dans l'éther, les ondes
lumineuses et électriques arrivèrent exactement au même
instant à la terre : c'est M. Guillaume qui appela Tattention
sur cette belle vérification des idées de Maxwell.
Ces oscillations ne donnent pas d'effets sensibles à plus de
quelques mètres, et nous allons voir qu'on ne peut espérer
les concentrer notablement par la réflexion ou la réfraction.
L'élude de la lumière nous a montré que, lorsque les
miroirs devenaient petits par rapport à la longueur d'ondula-
tion, des phénomènes nouveaux se produisaient qui troublent
la réflexion régulière; ce sont les phénomènes de diffraction.
Il faut donc arriver aux petites longueurs d'ondulation, c'est-
à-dire aux périodes courtes, pour espérer avoir des résultats
bien nets. Le calcul montre qu'il faut avoir de très petites
capacités. Hertz opérait avec deux lames métalliques séparées
par une coupure à étincelle, donnant des oscillations au
nombre de 5o millions par seconde, c'est-à-dire une longueur
d'onde de 6'" environ. On pouvait se demander si, dans
ce cas, le phénomène de l'étincelle serait assez subit pour
donner lieu aux oscillations du système. En effet, soit un
LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. l45
pendule écarlé de sa position. Si je le lâche brusquement il
oscillera; si je le ramène doucement au zéro, il n'oscillera
pas. L'expérience montre qu'en chargeant le système de
Hertz avec une bobine d'induction, il donne des oscillations
conformes au calcul. L'étincelle est donc assez subite pour
produire ces oscillations.
D'autres formes d'excitateurs ont été employées. Lodge
place une simple sphère entre les deux boules qui servent de
pôles à la bobine; Righi a préconisé l'emploi de deux sphères
égales, placées de la même manière. Il a pu ainsi répéter
toutes les expériences de l'Optique : réflexion, réfraction,
double réfraction. Actuellement, on emploie simplement un
éclateur dont une boule est à la terre et l'autre est réunie à
l'antenne, long fil qui s'élève dans l'air. Sans antennes, les
signaux ne peuvent se faire qu'à quelques dizaines de mètres;
avec l'antenne, on peut en faire parvenir à des dizaines de
kilomètres. Nous allons voir comment Tanlennepeut concen-
trer les signaux.
Aussitôt que Hertz eut découvert ses phénomènes, il essaya
de concentrer ses ondes électriques au moyen de miroirs
paraboliques. Il était en effet très intéressant d'augmenter
l'intensité des effets. Il y réussit dans une certaine mesure,
mais il fut bien vile arrêté dans cette voie par la diffraction
dont je vous ai déjà parlé, et qui est si difficile à éviter quand
il s'agit de pareilles longueurs d'onde. Il faudrait des appareils
d'une taille inadmissible pour l'éviter. On pourrait bien, il est
vrai, diminuer la longueur d'onde en employant de plus petits
appareils, mais on est vite arrêté dans cette voie. L'oscillateur
de M. Righi permet bien, en effet, de réaliser des oscillations
de quelques centimètres de longueur d'onde, mais quand on
veut descendre aux environs du centimètre, comme l'a fait
M. Lebedew, on est aussitôt arrêté par le manque d'énergie
de la radiation.
Il faudrait une véritable révolution dans les méthodes
actuelles de production de l'énergie électrique pour pouvoir
espérer obtenir avec une intensité suffisante des oscillations
de période beaucoup plus courte capables d'être concentrées
par des miroirs. Aussi les chercheurs qui ont voulu rendre
l46 A. BROCA.
pratique la communicalion à grande dislance au moyen de
ces ondes hertziennes onl-ils eu recours à un aulre procédé
pour obtenir des ondes énergiques. Ils ont pour cela, comme
je le disais tout à Theure, adapté un long il! vertical à Tune
des boules de Toscillateur, el mis Tautre boule à la terre.
L*appareil récepteur comprend aussi un long fîl vertical,
parallèle au premier. Le rôle de ce dernier fil n'est autre que
celui d'un paratonnerre, aussi nous n*y insisterons pas; il se
conçoit facilement, si l'explication rigoureuse en est délicate.
Occupons-nous au contraire de l'antenne d'émission.
11 faut avant tout comprendre la façon dont les ondulations
de haute fréquence se propagent le long des fils conducteurs.
Un des résultats immédiats de la théorie de Maxwell, dont
j'essaie aujourd'hui de vous exposer les principes et l'impor-
tance, est que les ondulations électriques doivent se propager
avec la même vitesse le long des fils et dans l'air. Je vais vous
expliquer comment l'expérience a vérifié le fait, et quelle dif-
ficulté les expérimentateurs ont rencontrée.
Fizeau, comme je le disais tout à l'heure, essayant de mesu-
rer le temps mis par la perturbation due à une fermeture de
courant à parcourir un fil, trouva seulement 177000*''"
à la seconde et expliqua ce fait par ce qu'il a appelé
la diffusion du courant, phénomène qu'on peut déduire des
équations. Il semble que la tête de l'onde va plus vite que le
corps même de celle-ci. Une assimilation va nous rendre le
phénomène parfaitement net. La théorie de Thomson nous
montre qu'un corps conducteur soumis à une perturbation
brusque prend une oscillation propre. Mais nous supposons
essentiellement, pour établir cette formule, que la perturbation
a lieu exactement en même temps en tous les points du circuit.
C'est ce qui se produit pour le circuit secondaire de la bobine
d'induction. Nous avons une image de ce qui se passe dans
ce cas au moyen du pendule. Écartons de sa position la boule
d'un pendule en maintenant son fil tendu, et lâchons le tout:
le système prendra son oscillation propre. Si le pendule est
très long, son oscillation pourra être très lente; il en sera de
•même du circuit secondaire de la bobine.
Mais nous pouvons ébranler ce pendule d'une autre façon.
j^
LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. l47
Déplaçons son point d'attache. Si le déplacement est unique
et très lent, le pendule va se mettre à osciller autour de ce
point nouveau. Si le déplacement est plus brusque, l'ébranle-
ment se propagera le long du fil, avec la vitesse correspondant
aux propriétés physiques de celui-ci, et le mouvement du
pendule commencera au bout d'un temps égal au produit de
la vitesse de propagation par la longueur du pendule. Puis le
pendule prendra un mouvement troublé, composé d'oscilla-
tions rapides correspondant à la vilesse de déplacement du
point de suspension, se produisant autour des positions occu-
pées par le mobile dans le mouvement pendulaire qu'il prend
autour de son nouveau point de suspension. Si le pendule
est très long, ce nouveau mouvement sera très lent, et le temps
mis par le pendule à arriver à une distance déterminée de sa
première position d'équilibre pourra être très long, même si
le temps qui s'écoule entre l'ébranlement et le commence-
ment du mouvement est très court.
Au contraire, si le point de suspension de ce pendule est
attaché à un diapason vibrant, l'ébranlement devient considé-
rable; des nœuds et des ventres se forment le long du fil de
suspension; c'est là un double phénomène qui nous intéresse
sous ses deux faces. Nous voyons, en effet, que le mouvement
de l'extrémité du pendule prend la période du diapason; il y
a synchronisation, suivant l'expression des physiciens, et le
temps mis par la boule à acquérir son élongalion maxima est
donc indépendant de la période propre du pendule total. De
plus, les nœuds et les ventres indiquent, comme je vous le
disais tout à l'heure, une réflexion de l'onde au bout du fil.
Dans le premier cas, nous avons eu un phénomène analogue
à l'ébranlement propre et simultané d'un circuit; dans le
deuxième cas, la propagation avec diffusion ; dans le troisième,
la propagation nette d'un ébranlement ryihmé. Le dernier
cas est celui de l'oscillateur de Hertz. Les deux autres cas
ont été étudiés dans la Télégraphie par fils (signaux ordinaires
et signaux bridés).
Quand nous plaçons un tuyau sonore dans une salle fermée.
Il donne un son propre, indépendamment du son propre de
la salle elle-même, et les ondes qui s'en échappent vont pro-
l4S A. BROCA.
duire dans celle-ci les phénomènes divers que comporle sa
forme. Quand nous allons exciter un système électrique muni
de Tantenne de Marconi, des phénomènes analogues vont se
passer. Certes, il se produira une ondulation du système total,
comme dans le pendule de tout à l'heure, mais elle sera faible;
presque toute l'énergie sera employée à ébranler la sphère
ou les parties très voisines, et Tondulaiion propre de celle-ci
se propagera le long du fil, suivant les lois de cette propa-
gation. Cela est rendu bien probable par les expériences de
MM. Abraham et Lemoine, qui ont montré qu'une étincelle
électrique durait moins de .^^^, ooimuô ^® seconde. La pertur-
bation qu'elle produit ne peut donc aller tout au plus qu'à i"
pendant sa durée, c'est-à-dire pendant qu'un régime oscilla-
toire peut s'établir; l'antenne ne peut donc vibrer en totalité.
Nous avons par conséquent une onde électrique qui va avoir
une symétrie indiquée par la direction de l'antenne. Nous
savons, d'un autre côté, par la formule de Thomson, que les
oscillations électriques sont assimilables à de la lumière pola-
risée, c'est-à-dire vibrant suivant une direction déterminée.
L'antenne va donner à l'onde la symétrie correspondant à la
lumière polarisée quand elle se propage par ondes sphériques.
La théorie de l'élasticité nous apprend que la répartition de
l'énergie sur une onde sphérique n'est pas uniforme, qu'elle
est proportionnelle au carré du cosinus de Tangle fait par la
direction considérée avec un certain plan équatorial. La pro-
pagation est nulle sur la normale à ce plan. Mais ce sont là de
simples vues de l'esprit, des résultats de calcul au sujet des-
quels je vous vois en défiance. Le calcul est du bon sens
condensé, suivant l'idée de Lord Kelvin ; aussi ne devons-nous
pas nous étonner si cette prévision a été vérifiée de point en
point. Vous avez certainement entendu parler xles expériences
de M. Zeeman relatives à l'action d'un champ magnétique
sur une flamme. Sous cette action, chaque radiation est
décomposée en plusieurs autres, dont l'une au moins est
polarisée parallèlement aux lignes de force du champ. Elle est
maxima dans le plan normal au champ et ne se propage pas
suivant le sens du champ. L'optique a donc réalisé des ondes
ideniiques à celles de la télégraphie sans fil. Le calcul pur,
L\ TÉLÉGRAPIIIK SANS FIL. l49
indépendanl de loule expérience, avait montré qu'on devait
trouver des ondes remarquables de cette nature par l'hypo-
thèse d'un milieu élastique soumis à une perturbation trans-
versale. J'étais donc fondé à vous dire, il me semble, que
nous avions là une nouvelle et puissante raison de croire aux
idées de Maxwell, c'est-à-dire à la théorie électromagnétique
de la lumière. Au point de vue pratique, nous dirons que
l'antenne est un moyen de concentrer les ondes normalement
à sa direction, ce que l'expérience vérifie. Le lieutenant de
vaisseau Tissot a en effet montré qu'on avait de bons résul-
tats avec des antennes horizontales normales à la direction
de propagation.
Voilà ce que je voulais vous dire de théorique sur ces
ondes de la télégraphie sans fil. Étudions maintenant les
propriétés au moyen desquelles on a pu créer des récepteurs.
Beaucoup de procédés ont été mis en œuvre pour les études
théoriques dont je vous ai entretenus jusqu'ici. Quelques-uns
ont le mérite de permettre des mesures plus ou moins pré-
cises. Mais un seul est assez sensible pour permettre de révé-
ler des ondes extrêmementfaibles : c'est celui du changement
de conductibilité des tubes à limailles.
Il y a quelques années déjà, en 1890, M. Branly étudia une
curieuse propriété des limailles métalliques pressées dans des
tubes isolants. Ces corps ont une résistance électrique très
considérable en général, mais cette résistance est éminem-
ment variable. Elle peut passer subitement de plusieurs
mégohms à quelques ohms, et la cause la plus efficace pour
produire ce changement est la production dans le voisinage
d'une étincelle électrique. M. Branly étudia soigneusement ce
changement de résistance ; il vit toute l'importance qu'avaient
pour la production des phénomènes le tassement et l'état de
la surface de la limaille; il reconnut qu'un tube à limaille,
rendu conducteur par une étincelle produite dans le voisi-
nage, restait conducteur et qu'un choc suffisait à lui rendre
sa résistance initiale, mais il n'eut pas l'idée d'appliquer cet
appareil à l'élude des ondulations hertziennes.
Cinq ans auparavant, M. Onesti, en Italie, avait vu des phé-
nomènes analogues produits par le passage d'un extracou-
l50 A. BROCA.
rani, mais ce travail n'enlève rien au mérite de M. Branlv,
qui a vu Taction sur les lubes des ébranlements électriques
rapides transmis par le diélectrique.
Ces travaux ont été appliqués à Fétude des ondulations
électriques par M. Lodge. Cest lui qui a montré tout le parti
qu'on peut en tirer pour transformer ce phénomène si délicat
de l'ondulation électrique en un phénomène énergique, le
passage d'un courant. Pour M. Lodge, les ondulations élec-
triques produisent les contacts de la limaille, de là le nom de
cohéreur qu'il a donné à l'appareil. M. Branly n'admet pas
cette interprétation : il a montré que les poudres noyées dans
des diélectriques solides avaient les mêmes propriétés. Il con-
çoit cette action comme une modification des diélectriques.
Des expériences faites par M. Arons, il y a quelque temps,
semblent prouver la manière de voir de M. Lodge. Il étudia
sous le microscope quelques grains de limaille placés entre
deux pointes très voisines de papier d'étain collées sur verre.
11 vit alors, sous l'action des ondes électromagnétiques, des
étincelles jaillir et des ponts de limaille se former, ponts que
des chocs détruisaient. Quelquefois il se forme des ponts
solides qui sont soudés aux pointes en papier d'élain. Dans
des préparations faites de la même manière, mais vernies au
copal, nous avons des phénomènes du même genre, et de
plus formation de bulles gazeuses qui empêchent l'appareil de
fonctionner au bout d'un certain temps. Mais, fait curieux,
ces bulles gazeuses se résorbent ensuite et l'appareil redevient
utilisable. Elles sont fort intéressantes, car elles prouvent que
ces étincelles si petites sont capables cependant de fondre les
diélectriques qui contiennent la limaille, pourvu que ceux-ci
soient sous couche infiniment mince. L'énergie totale est
faible, l'énergie spécifique devient considérable aux pointes.
Comment la conductibilité s'établit-elle alors dans les per-
tuis ainsi formés dans le diélectrique? Une nouvelle expérience
de M. Arons nous le montre. Quand il expose son oscillateur
en papier d'étain sans limaille aux oscillations électriques, il
en jaillit des étincelles, et l'appareil prend une certaine con-
ductibilité due à la formation, sur la lame de verre, d'un dépôt
brun qui est de l'étain volatilisé, puis condensé.
LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL. l5l
Vous voyez que nous commençons à connaître certains
faits relatifs au fonctionnement de ces cohéreurs. Ces appa-
reils sont formés d'un tube de verre de 2"»", 5 de diamètre, où
glissent deux cylindres d'argent bien ajustés, entre lesquels
on laisse un jeu de i™*". C'est cet espace qui est rempli de
limaille.
Ces appareils doivent être vides d'air, pour que l'oxydation
des limailles reste toujours constante. La limaille, d'ailleurs,
devient moins bonne par l'usage, probablement à cause de
l'usure des pointes des grains. Aussi M. Blondel soude-l-il
au-dessus de C un tube de verre deux fois courbé à angle
droit, et contenant une provision de limaille; on peut, en
renversant l'appareil, changer la limaille active. La meilleure
limaille est celle des alliages monétaires.
La force électromotrice fermée sur le cohéreur n'est pas
indifférente. Il faut employer pour le courant primaire de
celui-ci une force électromotrice de 0,26 volt seulement.
Fig. 3.
A
sssassssffî
z:^
Cohéreur.
A, Tube de verre. — B. B, Électrodes métalliques reliant le 111 et comprenant
entre elles le petit espace C partiellement rempli de limaille. (C a 1""»
d'épaisseur sur 'i"" ou 3"»™ de diamètre.)— D, D', Fils métalliques établissant
les connexions électriques.
L'appareil ainsi construit est fermé sur un élément de pile,
et n'est traversé par aucun courant sensible quand tout est
au repos. Si des ondes électriques rendent le tube conducteur,
le courant passe, déclenche un relais qui ferme le circuit
d'une pile puissante au moyen de laquelle on peut faire fonc-
tionner un récepteur de Morse, et aussi un marteau de son-
nerie qui vient frapper sur le tube à limaille. Celui-ci devient
alors résistant et le reste tant qu'un nouvel ébranlement ne
vient pas le rendre conducteur.
Voilà les appareils utilisés. Quels sont les inconvénients,
quels sont les avantages du procédé qu'ils permettent de
mettre en œuvre?
l52 A. BROC A.
Ils sont beaucoup plus simples et beaucoup moins coûteux
que ceux de la télégraphie ordinaire; ils sont transportables
et permettent une installation, même mobile. Ils permettent
de communiquer même à travers des murailles, quoique dans
ce cas il y ait un affaiblissement considérable de Ténergie.
Mais la portée est encore actuellement limitée et variable
suivant les circonstances. C'est à la surface de la mer qu'on
peut aller le plus loin, et en opérant ainsi, grâce à l'étude
approfondie qu'il a faite des conditions de sensibilité de la
méthode, M. Marconi a pu aller, en service courant, jusqu'à
57*"" (*), et une fois il a atteint ioo^"\ C'est déjà une portée
avec laquelle on peut espérer des résultats du plus haut inté-
rêt au point de vue de la marine. Les phares ne peuvent, en
effet, rendre de services en cas de brouillard, la lumière
visible par notre œil étant très vite absorbée par la vapeur
d'eau. Cette nouvelle lumière de Hertz, dont je viens de
vous entretenir, traverse au contraire le brouillard presque
aussi facilement que l'air pur. La portée est seulement un peu
diminuée. Si donc les navires portent des antennes réceptrices
le long de leurs mâts, une communication s'établira entre le
phare et eux, aussitôt qu'ils seront à 5o^". Comme je vous
le disais tout à l'heure, l'onde électrique impressionnera
toute antenne située à la surface de la mer, donc les navires
seront avertis dans toutes les directions. Joignons à cela un
excitateur sur chaque navire, et nous arrivons à éviter la
plupart des collisions en mer.
Cette diffusion de signaux, qui serait, dans les applications
à la télégraphie ordinaire, un grave inconvénient, puisqu'elle
empêcherait complètement le secret des dépêches, est donc
un avantage considérable dans le cas qui nous occupe. Peut-
être pourrait-elle aussi avoir un intérêt majeur dans les opé-
rations militaires, à condition qu'on assure le secret des
ordres par un langage conventionnel.
Enfin, ces appareils permettent la communication avec les
trains en marche.
(») Le 3o mars 1899, ou a communiqué, par-dessUs la Manche, de France
en Angleterre, entre Boulogne (Wimereux) et Douvres, et les communi-
cations entre ces deux points sont régulières.
LA TKLÉGRAPIIIE SANS FIL. ]53
Mais, à côté de ces avantages, Tanlenne présente un incon-
vénient. C'est un véritable paratonnerre dont le voisinage peut
être dangereux en temps d'orage. Dans ce cas^ la transmission
des signaux est troublée longtemps avant tout danger, les
perturbations électriques de l'atmosphère impressionnant le
récepteur au même titre que celles émanées de Texcitaleur.
C'est là d'ailleurs un défaut aussi des lignes électriques ordi-
naires^ que les orages paralysent parfois.
Je crois vous en avoir assez dit sur cet intéressant sujet
pour vous montrer la double voie dans laquelle il nous
engage. D'un côté, pour comprendre les phénomènes mis
en œuvre, nous sommes obligés d'avoir recours aux plus
hautes conceptions de la Physique moderne, aux idées les
plus délicates de l'EIectro-oplique; de l'autre, nous voyons
Juire l'espoir d'arracher quelques vies humaines aux dangers
de la mer, et c'est là, certes, la plus belle récompense que les
chercheurs peuvent espérer de leurs travaux.
RECHERCHES
SUR LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES
ET LE DESSIN TOPO&RAPHIQUES,
Par le Colouel A. LAUSSEDAT.
CHAPITRE IV {Suite).
MÉTHODES ET INSTRUMENTS DE DESSIN.
INNOVATIONS PRINCIPALES PROPOSÉES.
ADDITION
AUX PARAGRAPHES RELATIFS A LA TËLËPHOTOGRAPHIE.
La nécessité de réduire au strict nécessaire l'exposé des
nombreux sujets qui se rattachent à la Métrophotographie
nous oblige souvent de supprimer des détails qui pourraient
servir à guider les opérateurs et à leur éviter des mécomptes.
L'utilisation de la téléphotographie est dans ce cas, et nous
regrettons de n'avoir pu insister davantage sur la théorie et
les propriétés d'instruments appelés à faciliter singulièrement
les reconnaissances à grandes distances.
La question des agrandissements des épreuves obtenues,
soit avec les objectifs ordinaires, soit avec les téléobjectifs,
par exemple, mériterait d'être étudiée avec soin.
N'ayant ni le temps ni la place nécessaires pour entreprendre
celte étude et la publier, nous nous sommes adressé à M. le
Commandant Houdaille, dont la compétence en ces matières
3* Série, t. IV. ii
I'jG a. laisse DAT.
est notoire. Cet officier a bien voulu nous donner un Résumé
de ses propres recherches, dont nous nous faisons un agréable
devoir de le remercier, dans lequel le lecteur trouvera de
précieuses indications sur quelques-unes des questions con-
cernant Tagrandissement des épreuves ou le grossissement
que peuvent donner les objectifs du commerce.
NOTE
SUR LÀ PUISSANCE DE DÉFINITION ET LE GROSSISSEMENT DES OBJECTIFS.
La puissance de définition d'un objectif photographique
se mesure par la dislance à laquelle cet instrument permet de
séparer Tunité de longueur.
Ainsi un objectif capable de distinguer à 3oooo™ deux
sphères de i" de diamètre séparées par i"" d'intervalle aura
une puissance de définition mesurée par le chiffre 3oooo.
Comme terme de comparaison emprunté à la Métrophoto-
graphie, nous rappellerons que le centième de grade corres-
pond à la puissance de définition 6366 et le millième de grade
à6366o(*).
Les objectifs photographiques de construction courante
permettent presque toujours de séparer le centième de grade,
tandis qu'il est très rare de trouver un instrument qui enre-
gistre le millième de grade ou 3" sexagésimales.
Du reste, la puissance de définition d'un objectif photogra-
phique existe en quelque sorte à Vëlat iatent, et de nombreuses
causes viennent limiter cette puissance ou la rendre inutili-
sable.
Nous examinerons sommairement les principales.
lo Grosseur du grain de la gélatine.
On sait qu'une émuision est d'autant plus sensible que le
grain du gélatinobromure est plus gros. Pour les plaques
1
(') Ripport (lu ravon à la longueur du centième de ?rade r _■
ioooo
LKS INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. iSj
extra-rapides, ce grain peut atteindre 4*0 à g^ de millimètre de
diamètre» et il empêche pratiquement d'enregistrer sur la
plaque les détails dont le diamètre est inférieur à ëV de milli-
mètre.
De ce fait, la puissance pratique de l'objectif est sensible-
ment proportionnelle à sa distance focale et Ton peut en dé-
duire que, pour déOnir le centième de grade, il faut employer
un objectif de ©""jio, ou, si Ton veut séparer le millième de
grade, un objectif de i™ de distance focale.
20 Défaut de mise au point.
La tolérance de mise au point pour la netteté du ^^ de milli-
mètre est extrêmement réduite.
Avec l'ouverture - elle ne dépasse pas ^^ de millimètre; on
se rend compte que la moindre erreur a pour effet de réduire
très notablement la puissance de définition.
3® Report sur papier de V épreuve positive.
Sauf certains cas spéciaux, on n'utilise pas directement le
cliché négatif et l'on passe par l'intermédiaire d'une épreuve
positive tirée sur un papier albuminé, papier au citrate ou
papier au gélatinobromure.
Le transfert sur papier réduit au moins de moitié la netteté
(lu g\) de millimètre, de sorte que, pour obtenir la même puis-
sance de définition du centième ou du millième de grade, il
faudrait employer des objectifs de o™,2o ou de 2™ de distance
focale.
Ces derniers instruments sont d'un poids considérable et
d'un prix exorbitant.
4" Agrandissements.
f
Au lieu d'utiliser le cliché direct ou une épreuve tirée par
contact, on peut se servir d'un agrandissement.
Dans ce cas, non seulement la finesse est altérée du fait de
l58 A. LAUSSEDAT.
Tobjectif agrandisseur, mais encore l'image est déformée par
suite du défaut presque inévilable de parallélisme du cliché el
de récran. On peut affirmer que les mesures directes prises
sur le cliché sçnl toujours plus précises que les mesures prises
sur un agrandissement.
5<* Limite de la vision distincte.
Tous les résultats que nous venons d'énumérer supposent
Texamen du cliché ou de Tépreuve au moyen d'une loupe ou
d'un microscope. Si Timage doit être regardée à l'œil nu, les
détails d'un diamètre inférieur à ^^^ de millimètre cessent d'être
perceptibles. On peut en déduire qu'une épreuve permet-
tant de distinguer le centième de grade doit être obtenue avec
un objectif de o™,6o de distance focale au minimum.
I. — Emploi du téléobjectif.
En plaçant à l'arrière de l'objectif un système grossissant
convergent ou divergent, il devient possible d'utiliser la totalité
de la puissance de définition latente de l'objectif.
Le grossissement maximum à adopter sera celui qui permet
d'obtenir sur une épreuve la netteté de -^ ^^ millimètre, et il
est inutile d'aller au delà, car on augmenterait le poids et les
dimensions du matériel photographique, sans changer d'une
façon appréciable le résultat au point de vue documentaire.
II. — Grossissement du téléobjectif.
En divisant la puissance de définition par dix fois la distance
focale exprimée en millimètres, on obtiendra le grossissement
maximum à employer.
De nombreux essais, effectués tant dans notre laboratoire
personnel que dans celui de la Société française de photogra-
phie, nous ont permis de dresser un Tableau de la puissance
de définition moyenne des objectifs de bonne qualité.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. iSq
TABLEAU
DONNANT LA PUISSANCE DE DÉFINITION, LA NETTETÉ ET LE GROSSISSEMENT
MAXIMUM DES BONS OBJECTIFS DU COMMERCE.
DISTANCE FOCALB
(le robjectif.
i5
100
200
3oo
4oo
5oo
600 ;
700
800
900
I 000
PUIS SAXO B
DB DÉFINITION
moyenne.
NETTETE MAXIMA
théoïique.
GROSSISSBMCNT
maximum.
2 300
10 000
28000
39000
48000
54000
60000
66000
72000
76000
80000
\ 166 )
_1_
150
__1_
140
1
130
_1_
120
_1_
1 10
__1_
100
1
9 5
l_
9
1_
'8 5
_L
80
OBSBBVATIONS.
17 fois
i5
i4
i3
12
1 1
10
9,5 »
9,0 »
8,5 »
• 8 »
œil humain
Nota. — Les chiffres ci-dessus se rapportent à des objectifs
remarquablement corrigés au point de vue de l'aberration
sphérique. Dans la plupart des cas il est inutile d'atteindre des
grossissements aussi considérables.
III. — Diamètre des systèmes divergents.
Si l'on emploie pour amplifier l'image un système diver-
gent, le tirage à donner à la chambre noire est égal à la dis-
lance focale du système divergent multipliée par le grossisse-
ment moins un.
D'autre part, le diamètre du cercle éclairé est sensiblement
égal au diamètre de la lentille multiplié par le grossissement
plus un.
Enfin, il est possible de réaliser pratiquement des lentilles
divergentes dont le diamètre est égal au tiers du foyer.
l6o A. LAUSSEDAT.
Ces trois remarques suffisent à résoudre la plupart des pro-
blèmes relatifs à la construction des téléobjectifs.
Exemple. — On possède une chambre i8 X 24 (diagonale
3oo»^'™) ayant o",6o de tirage. Quel est le grossissement mini-
mum à employer pour couvrir la plaque 18 x 24 sans décen-
iremeni?
On a les deux équations
600 =/(G — 1 ), 3oo = ^ (G -M ) ;
d'où 0=5 et/=i5o
mm
CONCLUSIONS.
L'emploi du téléobjectif permet d'utiliser touie la puissance
des excellents objectifs mis actuellement dans le commerce
et de les transformer en instruments de haute précision, toul
en se servant d'un matériel photographique de dimensions
restreintes. Ainsi, en accouplant un objectif de 600™°" avec
une lentille divergente de 80™™ on pourra obtenir, au moyen
d'une simple chambre noire 18 x 24, une image permettant de
mesurer le millième de grade, résultat qui aurait exigé l'emploi
d'un objectif de 6"* de foyer. Ce simple exemple montre
tout l'intérêt que présentent les téléobjectifs pour la Métro-
photographie et la Photographie documentaire.
RELATIONS ENTRE LES DIVERSES DIMENSIONS D*UN OBJECTIF.
Cette Note a été suivie d'une autre dans laquelle M. le
Commandant Houdaille, s'appuyant sur les relations qui
existent entre les diverses dimensions d'un téléobjectif, a
montré que l'on peut aisément calculer le diamètre de la len-
tille divergente permettant d'utiliser une chambre noire dont
les dimensions sont déterminées et obtenir un grossissement
convenable fixé lui-même à l'avance.
Nous allons d'abord rappeler les relations dont il s'agit.
£n reprenant les notations de la figure 54 et en supposant
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAl'UIQUËS. l6l
seulement que mn {fig. 64) est l'image de MN dont la dislance
au foyer antérieur de l'objectif convergent est représentée
Fig. 64-
par un multiple nf de la distance focale/, on a, pour déter-
miner le foyer conjugué P' du point P de l'objet considéré.
d'où
(O
/(«-H1)"^0P'-/
0P'=/(.-h1);
pour le tirage T = 0' F,, si G désigne le grossissement, on a
d'où T = G(/-8);
P _ 0' F. _ T
O'P
/-«'
F ff
d'ailleurs on a aussi: G= -^mais F = '^) donc /' =:Go et
De
(3)
on tire
T=/(G-i).
0'F,_ T
O' 1" "~ O' P'
0'P'=ï=/(.-i
Enfin, la dislance des centres optiques (ou des points
nodaux) des deux systèmes convergent et divergent est
(4)
00' = OP'-0'P'=/(^H-^^ -/ (i — ^
l6a A. LAL'SSEDAT.
pour que Fimage couvre la plaque {mn étant la diagonale de
cette plaque) il faut que le diamètre d ou // de la lentille
négative soit au moins
00' /-/ + {+ïï(4>
(5) d= mn^x jr-zrp^mnx ^ .
et, en réduisant,
(I)
(5) dzrzmn \ i —
Exemple numérique. -— On veut couvrir le formai i3x '8
avec un tirage de o'",32 et le grossissement 5. Calculer le foyer
et le diamètre de la lentille divergente.
Foyer de la lentille divergente = -p = 8o°*™, d'après la
relation (a).
Dimension de Fimage primaire I = /w/i, la diagonale M' N'
du rectangle i3xi8 étant de 222"™;
mn = -^ =: 44""** 4-
Diamètre de la lentille //pourG=5, /w = iooel/ = 24o'°'°:
// ou d= 44 M 7^) — ^2"""» ^» d'après la relation (5).
La lentille divergente doit donc avoir au minimum 32™™,5 de
diamètre.
Calcul du lube de jonction de Tobjectif convergent et de
l'objectif divergent :
00' = 240 — 8o-f- 2,4 4- i6r= 178™", 4
dont il faut déduire le demi-écart des lentilles du système
convergent si ce dernier est symétrique.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l63
XXIV. — La Photographia en balion.
Reconnaissances et restitutions planimétriques.
Premiers essais déjà signalés, — Nous avons rappelé dans
plusieurs paragraphes du Chapitre III et au commencement
de ce Qhapitre IV les premiers essais de photographie faits avec
succès en i858 en ballon captif par Nadar (*), puis l'emploi
de vues également prises en ballon captif et utilisées aux
Etals-Unis pendant la guerre de la sécession. Nous avons aussi
indiqué sommairement les propriétés et les conditions d'em-
ploi des vues prises de stations aériennes plus ou moins éle-
vées sur des tableaux verticaux, horizontaux ou inclinés à
Thorizon, non seulement dans les reconnaissances rapides, où
Ton se contente des vues elles-mêmes ou de quelques éva-
luations approximatives de distances, mais pour une restitu-
tion plus ou moins complète du plan de la région explorée.
On pouvait prévoir, et Ton a vériflé par un exemple que les
photographies obtenues sur un tableau horizontal avec de
bons objectifs donnaient immédiatement le plan exact du ter-
rain embrassé par le champ de ces objectifs, à la seule condi-
tion que le point de vue soit relativement assez élevé. Mais
nous avons, d'un autre côté, pris la précaution de mettre en
garde, d'une manière générale, contre les illusions que Ton
pourrait se faire, sinon sur la portée des appareils, qui peut
être considérable, au moins sur l'étendue vraiment utilisable
des vues pour les restitutions planimétriques, et nous aurions
pu comprendre afortiori, dans cette restriction, les restitu-
tions altimétriques.
Les ressources de la téléphotographie augmentent sans doute
beaucoup la portée à laquelle nous venons de faire allusion,
et à mesure que l'aérostat, c'est-à-dire le point de vue, s'élève,
l'étendue utilisable des vues s'accroît aussi naturellement. Il
{*) Nous aurions pu citer un autre Français, Andraud, bien connu comme
l'un des inventeurs les plus féconds de son temps, qui, dès i855, avait mis
en avant Tidée d'employer les ballons pour prendre des vues photogra-
phiques de stations élevées, aériennes, mais sans en tenter l'application.
l64 A. LAUSSKDAT.
serait cependant peu prudent de trop y compter, l'amplifica-
tion que l'on peut donner aux images prises d'un point de vue
mobile étant nécessairement subordonnée à la condition de
Tinstantanéilé (*).
Toutes les questions soulevées à propos de la télégraphie
en ballon sont étudiées aujourd'hui dans les différents pays
où il existe des parcs aéroslatiques militaires, et nous ne sau-
rions les traiter ici avec les détails minutieux qu'elles compor-
tent; nous nous en tiendrons donc à un exposé, un peu plus
développé que celui auquel nous nous sommes déjà livré, des
principes fondamentaux susceptibles de trouver des applica-
tions entre les mains des aéronautes, de jour en jour plus
nombreux dans notre pays et dans les pays voisins, qui se
dévouent aux recherches scientifiques.
Photographies sur tableaux horizontaux. — L'exemple
donné au Chapitre III, que nous venons de rappeler et dans
lequel on a rapproché d'un fragment du plan parcellaire offi-
ciel de Paris une photographie de la même région obtenue
le 19 juin i885 par MM. G. ïissandier et Ducom, de la nacelle
d'un ballon, à 6oo°> de hauteur, avec un objectif de Français,
de o™,36 de distance focale, pourrait nous dispenser de répé-
ter une démonstration par le fait qui ne saurait d'ailleurs faire
l'ombre d'un doute toutes les fois que l'on opérera d'un
point de vue convenablement élevé au-dessus d'un sol peu
mouvementé.
Or, c'est en pareil cas, nous voulons dire dans les pays de
plaines, que l'on pourrait songer, en temps de paix, à recourir
aux aérostats pour compléter des études de terrain ayant réussi
tant que les accidents topographiques, montagnes, collines ou
simples ondulations avaient pu fournir des stations se prêtant
à la méthode photographique ordinaire (^).
V) Il va sans dire que l'agrandissement ultérieur des iHiages obtenues
directement pourra encore être mis à contribution pour augmenter la
portée en question, souvent même sans que l'on ait recours aux téléob-
jectifs.
(») Nous aurons peut-être, avant d'avoir terminé cet ouvrage, à signaler
des essais de ce genre entrepris en Perse par l'ingénieur topographe russe
LES INSTRU&IËNTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l65
Il doit être bien entendu que les précautions nécessaires
devraient être prises pour assurer la continuité entre les
épreuves successives qui, d'ailleurs, seront obtenues d'alti-
tudes inévitablement variables dans une certaine mesure. On
aurait donc à la fois à ramener les plans à la même échelle et
à les rattacher les uns aux autres, sans être toujours bien sûr
de ne pas laisser subsister quelques lacunes. Mais, comme
nous admettons que Ton opère à loisir et en temps de paix,
ces lacunes pourraient toujours être comblées, et les éléments
de vérification ne feraient pas défaut.
Nous ne nous occuperons pas du choix de Taérostat (*),qui
serait nécessairement captif, monté ou non monté d'ailleurs,
le déclenchement de Tobturateur, dans ce dernier cas, pou-
vant être fait électriquement d*en bas, et le déplacement de la
pellicule sensible (^) effectué automatiquement du même
coup.
Chambre noire des ballons-sondes de il/. Cailletet, -—
Sans vouloir fixer les détails de la construction de la chambre
noire qu'il conviendrait d'employer dans les diverses cir-
constances de la pratique, nous prendrons pour point de
départ l'ingénieux appareil construit par M. L. Gaumont,
d'après un programme de M. Cailletet. Le savant physicien
avaiteu l'idée bien naturelle de recourir à la photographie pour
contrôler les indications du baromètre anéroïde dont on se
sert généralement aujourd'hui pour évaluer les hauteurs
M. Thilé, qui, après avoir construit par la méthode photographique ordi-
naire et avec une grande habileté la Carte de la région montagneuse de
Kars à Téhéran, pour l'étude du chemin de fer transcaucasien, devait
continuer ses opérations de Téhéran à Ispahan et jusqu'au golfe Per-
sique, en traversant des plaines souvent étendues.
(*) Ce choix dépend évidemment des conditions dans lesquelles se
trouve l'opérateur. Nous indiquerons un peu plus loin le modèle très
réduit proposé en Allemagne sous le nom de ballon-cerf-volant et dont
M. Thilé comptait pouvoir se servir en Perse et aussi en Russie, dans les
contrées où les matières premières nécessaires à la production du gaz
sont difficiles à se procurer.
(2) L'emploi de la pellicule s'impose en pareil cas, et il en résulte une
grande simplification dans la construction et la manœuvre ou plutôt le
fonctionnement de l'appareil.
160 A. LAUSSEDAT.
successives de l'aérostat. Ces indications sont, en effet, comme
nous le savons, presque toujours entachées d'une erreur due
à l'inerlie du mécanisme de l'instrument, et l'on n'est pas
encore bien fixé non plus sur la loi du décroissement de la
pression dans tes régions élevées de l'atmosphère. En obtenant
simultanément, et à des intervalles de temps égaux, sur une
Fig. 65.
pellicule sensible, la photographie du terrain au-dessus
duquel se trouve le ballon-sonde et celle du cadran et de
l'aiguille du baromètre anéroïde, la hauteur du ballon pou-
vait être déduite avec une grande exactitude de mesures
prises, d'une part, directement sur le terrain ou sur la feuille
correspondante du cadastre et, de l'autre, sur la photo-
graphie, et la comparaison de cette hauteur avec celle que
donne le baromètre anéroïde permettait de se rendre compte
du degré d'approximation sur lequel on pourrait tabler avec
cet instrument employé isolément.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 167
La figure 65 représente l'ensemble de l'appareil avec son
mode de suspension.
La figure 66 est une coupe verticale passant par Taxe de
Fig. 66.
l'objectif et par le milieu des faces latérales de la chambre
noire.
On y voit en F la pellicule sensible enroulée sur les deux
bobines T et U dont la seconde est commandée par le barillet^,
actionné lui-même par un mouvement d'horlogerie MH.
Cette pellicule est maintenue rigide et horizontale par une
glace G; 6 et c sont deux autres barillets qui commandent les
obturateurs D et K des objectifs et Z, dont le premier est
tourné vers le sol et le second, protégé contre les rayons du
soleil par le tube P, est tourné vers le baromètre anéroïde
placé en B.
Au moment où les oblurateurs D et K sont déclenchés
simultanément, l'image du terrain etcelledu baromètre irnpres-
sionneni, l'une la face inférieure et l'autre la face supérieure
de la pellicule. L'objectif anastigmatique est diaphragmé
I.KS INSTRCMKNTS, LRS UliTIlOOES F.T Li: DESSIN TOPOCH VPiriQUKS. I(i9
à //20 et sa dislance focale est de aii'""". L'obturateur I)
donne le ceiflième de seconde environ.
L'objectif Z est un reclilinéaîre grand angulaire de 95'""de
distance Tocale, eljson oblirraieur K permet une exposition
IJO A. LAUSSEDAT.
double de celle de D nécessitée par la position du cadran du
baromètre.
La pellicule a i8«™ de largeur et les bobines-magasins T et U
peuvent en recevoir lo™. La surface exposée vers l'objectif
correspond sensiblement au format i3xi8.
Pour déterminer sur chaque épreuve le retrait ou rallonge-
ment qui peuvent se produire à la suite des diverses manipu-
lations photographiques, la glace GG porte, gravés au diamant
sur la surface en contact avec la pellicule, des traits qui sont
reproduits sur un phototype.
Cette description, empruntée presque textuellement à un
article de M. L. Gaumont dans la Reçue des Sciences pures
et appliquées {*), se rapporte à la chambre noire mise en
expérience par MM. Hermilte et Besançon, pendant une
ascension effectuée le 21 octobre 1897.
La flgureSy a été calquée aussi complètement que possible
sur une épreuve obtenuequand le ballon passait sensiblement
au-dessus du fort de Saint-Cyr, dont le périmètre se voit sur
le bord inférieur.
Elle a été réduite de { dans les deux sens pour pouvoir tenir
dans le texte.
Une rapide comparaison de Tépreuve originale {^g. 68) (dont
le format exact était dans ce cas 12X16, mais qui a été réduit,
toujours pour pouvoir tenir dans le texte) avec une bonne
Carte des environs de Paris à Téchelle de jôjjô ^ montré que
le plan qui s'y trouve représenté était lui-même à une échelle
très voisine de ^^^^j^ ; d'où l'on peut conclure que le bal-
lon-sonde était alors à 2000"* environ au-dessus du sol.
Nous n'avons pas pris la peine de comparer ce plan avec
celui de la Carte d'assemblage du cadastre à cette même
échelle de fôVôT, mais nous ne craignons pas d'affirmer que
si, en le faisant, on constatait des différences, cela proviendrait
simplement des changements survenus dans le groupement
des parcelles, le tracé de routes ou de chemins nouveaux, de
rédification ou de la disparition de constructions, etc. £n un
( ' ) Reproduit dans le n" 2, février 1 898, de La mise au point {Revue pho-
tographique trimestrielle), publiée par M. L. Gaumont.
LES INSTRUMIÎNtS, LES MÊTIlOOKS Et LE DESSIN TOPOGBAPHIQUKS. I71
mot, c'est la photographie qui donnerait Vétatde lieux exact
à la date où elle a été prise (').
Enfin, nous ferons remarquer qu'en admettant J'échelle
de ioo'oo ^ '^ formai annoncé de i3Xi8 et, par conséquent,
pour le plan i 3oo™ et i8oo«» de côtés^ la superficie du terrain
ainsi relevé serait de 234'".
XXV. — La photographie en ballon en pays de plaines
(suite).
Modifications proposées à la construction de l'appareil
précédent, -^ Pour compléter les renseignements donnés sur
le fonctionnement automatique de la chambre noire de
MM. Cailletet et Gaumont, nous aurions du ajouter que c'est
toutes les deux minutes que la pellicule, ayant été impres-
sionnée à la suite du déclenchement des obturateurs, est
entraînée et remplacée par une surface d'égale éiendue prête
à poser à son tour.
Pour Tusage auquel nous pensons qu'il serait avantageux de
destiner cet appareil, il y aurait lieu d'introduire dans sa con-
struciion les niodifîcations suivantes:
Tout d'abord, le baromètre anéroïde pourrait être supprimé
tout à fait, ou bien remplacé par une boussole dont le limbe
serait tracé sur une glace au centre de la surface supérieure
duquel un pivot vertical supporterait l'aiguille aimantée. On
prendraitnaturellementalorstoutesles précautions nécessaires
pour éviter que l'aiguille soit influencée par le voisinage des
autres parties du mécanisme dont le fer et l'acier seraient
exclus autant que possible (2).
En second lieu, le déclenchement des obturateurs et le
déplacement de la pellicule seraient déterminés, à la volonté
de l'opérateur, et non plus à des intervalles de temps réguliers.
(') A la condition que Tépreuve soit bien nette dans toute son étendue,
€t que le terrain ne soit pas trop accidenté.
(') L'appareil simplifié par la suppression du baromètre anéroïde pour-
rait très bien se passer de l'introduction d'une boussole. Les épreuves que
l'on obtiendrait dans ces conditions seraient sans doute plus nettes.
3" Série y t. IV. 12
172 A. LAUSSEDAT.
En ballon monté, on opérerait à peu près comme à terre et
Tappareil pourrait êlre encore simplifié; en employant un
ballon captif nt)n monté, il faudrait recourir, comme nous
Tavons dit plus haut, à l'électricité; dans ce cas, le seul à
considérer si l'on voulait procéder méthodiquement au lever
complet d'une localité plus ou moins étendue, la hauteur ne
devrait guère dépasser Sco"* et la surface embrassée par le
même champ se trouverait considérablement réduite. Tandis,
en effet, que l'échelle serait quadruplée, c'est-à-dire de ytjô
environ; l'étendue superficielle ne serait plus que de ^^ ou
de i4 à i5*»".
L'accroissement de l'échelle pourrait sans doute éventuel-
lement offrir de l'intérêt, mais il conviendrait le plus souvent
de ne pas lui sacrifier l'avantage d'obtenir d'un seul coup le
plan d'un terrain suffisamment étendu. On devrait donc,
croyons-nous, employer de préférence une autre chambre
obscure élargie^ mais dont le volume total ne se trouverait
pas moins réduit, parce que sa hauteur serait suffisamment
diminuée.
Ainsi, avec un objectif de o"^, 10 de distance focale seule-
ment, d'un champ angulaire de go^' utilisé dans les deux sens,
la largeur de la pellicule étant portée à 0^,20 et la longueur
exposée à o™, 20 également, on aurait des épreuves 2ox^o(*)
qui, prises d'une hauteur de 5oo°» avec l'objectif supposé de
G™, 10, comprendraient un plan d'une étendue de'ioo*»*, à
l'échelle de yy^ô-
Si Ton disposait d'un câble suffisant et que l'on se contentât
de Féchelle de ^ô^, en élevant l'aérostat à 1000°», la surface
du terrain levée atteindrait 4oo^".
Nous ne faisons qu'indiquer ces solutions que les aéronautes
photographes et topographes sauront appliquer ou modifier
selon les circonstances dans lesquelles ils devront opérer, et
il en sera de même de celles que nous allons aborder.
(•) 11 n'y a plus lieu, en pareil cas, de chercher à se rattacher aux
formats adoptés pour les appareils employés à terre.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 178
XXVI. — Photographie en ballon en pays de plaines
(suite). '
Épreuves sur tableaux verticaux. — Théoriquement, et
en partant de Tappareil dont nous venons de parier, on pour-
rait concevoir un système de quatre autres chambres noires
ayant les axes de leurs objectifs horizontaux, orientés sur les
côtés de la première. On aurait ainsi le moyen de relever le
plan de la partie du terrain vu par la chambre verticale et
d'obtenir en même temps le panorama quadrangulaire sur
les tableaux verticaux des chambres horizontales, tableaux qui
se raccorderaient chacun avec le côté correspondant du
plan.
Si nous supposons toujours que Ton ait à opérer dans un
pays de pFaines où les différences de niveau soient négligea-
bles, il serait évidemment facile d'effectuer la transformation
des vues en plans,à Faide de l'un desperspectographes connus,
et d'étendre, par conséquent, le plan dans tous les sens, aussi
loin que le permettrait la netteté des images et que les détails
en pourraient être distingués.
Épreuves sur tableaux légèrement inclinés, — En général,
cependant, il convient d'incliner l'axe des chambres noires
autres que celles dont le tableau est horizontal. La difficulté
d'employer des objectifs grands angulaires de 90° de champ
dans toutes les circonstances a déterminé, par exemple, l'ha-
bile opérateur russe M. ïhilé (*), qui avait à faire des études
dans de vastes plaines, en Russie et en Perse, à adopter un
système de sept chambres noires disposées comme on le voit
sur la figure {fig- 69) qui m'a été communiquée par l'auteur.
(') M. Tfiilé avait d'abord pensé à la solution précédente en recourant
aux paiitoscopes de Busch d'un champ de 96% mais il avait craint que leur
trop foi te connexité les exposât à ne pas être garantis des rayons solaires,
et il s'est arrêté aux anastigmats de Zeiss, série V, n" 3, de 141""" de foyer
avec un champ de 82° pour plaques i8xi4- L'appareil décrit a été, croyons-
nous, exécuté dans les ateliors du parc aérostatique de Saint-Pétorshourg.
174 A. LAUSSEDAT.
Les six chambres à axes inclinés sont assujeities contre une
Fig. 69.
•charpente légère composée de deux troncs de pyramides trian-
gulaires entretoisés, emboîtant la chambre noire à axe vertical
LES INSTBUMENTS, LES UÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. tj5
qui leur est reliée par une solîde armature en laiton i| 62 (s b^
rattachée elle-ménte à une suspension à la Cardan d.
Tout cet ensemble peut être manoeuvré à l'aide de poulies
et porté sous la nacelle, où il d&it être accroché^ ou ramené
à terre, sans que le ballon soit obligé de descendre tout à fait.
Les axes des six chambres du pourtour sont inclinés seule-
ment de lo"" au-dessous de Thorizon, mais, comme le montre
la figure, le point principal de chacune des perspectives ne
passe pas par le centre de la plaque et se trouve seul*çment
au tiers delà hauteur, ce qui augmente le champ dans le sens
convenable et permet un raccordement plus facile des images
ainsi obtenues avec celle de la chambre à axe vertical, dont la
plaque a la même dimension dans les deux sens (^4 x M»
celles des chambres noires inclinées étant de 18x24. Voir
la Note précédente).
Les sept obturateurs ai; as, as, ... sont déclenchés simulta-
nément quand on presse la poire métallique e avec ventila-
teur de sûreté à laquelle aboutissent des tuyaux conducteurs
d'air également métalliques e^, c,, C3,... M. Thilé se proposait
de faire fonctionner la poire par une mèche à temps assez
lente pour permettre de donner au ballon la hauteur jugée
nécessaire.
Nous avons donné la description de l'appareil de M. Thilé
à peu près telle qu'il nous l'a communiquée, et nous désire-
rions bien pouvoir faire connaître quelques-uns des résultats
auxquels il est parvenu en utilisant les images des chambres
inclinées.
Restitution du plan, —• Nous ne ferons pas moins remarquer^
en attendant, qu'en pareil cas, c'est-à-dire avec une faible
inclinaison du tableau, on pourra encore recourir facilement
aux perspectographes, notamment au perspectographe opti-
que, c'est-à-dire au prisme de la chambre claire;
11 suffira, en effet, de placer la photographie sur une table
inférieure inclinée (de io<>) sur l'horizon {Jig, 70), car on voit
immédiatement, en se reportant au besoin au § X et à la
figure 3o, comment les figures tracées sur la table horizontale
AO', dont la position est déterminée par la hauteur 00' du
176 A. LAUSSEDAT.
point de vue au-dessus du plan de projection, ne sont autre
Fig. 70.
chose que le plan restitué des figures correspondantes sur la
photographie.
XXVII. — Photographie en ballon en pays
de plaines (suite).
Épreuves sur tableaux assez fortement inclinés. — Il
arrive le plus souvent que les aéronautes n*ont à leur dispo-
sition qu'une chambre noire et que, devant la diriger sur une
région du panorama plus intéressante que les autres, ils sont
obligés de lui donner une assez grande inclinaison. C'est aussi
généralement le cas des opérateurs qui ont recours au cerf-
volant, et dont les épreuves ne sont nullement à dédaigner,
nous le verrons bientôt. Il est seulement à désirer que les uns
et les autres s'attachent à déterminer avec autant de précision
que possible la hauteur du ballon ou du cerf-volant, et Tangle
que Taxe optique de leur appareil fait avec l'horizon au
moment du déclenchement de l'obturateur.
Ces données, sans oublier la distance focale de robjecUf,
permettront d'entreprendre avec beaucoup de chances de
succès la restitution du pian de la région représentée sur la
photographie, si l'on suppose toujours que le terrain soit sen-
siblement horizontal.
Toutefois, l'emploi d'un perspectographe devenant alors
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I77
incommode ou même impraticable, on doit recourir à la
construction géométrique suivante :
Soit O {Jig. 71) la station ou, pour mieux dire, le point de vue,
XYWZ le tableau, OP la direction de Taxe optique donlTincli-
naisonMOP = a au-dessous del'horizon est supposée connue.
La verticale du point de vue rencontram en 0' le plan du
tableau prolongé au besoin, si Ton fait passer par ce point un
plan horizontal, la pyramide quadrangulaire oblique dont le
sommet est en O et q.ui a pour base le tableau sera coupée
Fi g. 71.
par le plan horizontal suivant un quadrifôtère^ sur ^equd les
rayons visuels prolongés transporteraient et transformeraient
Tirnage du tableau en un plan horizontal du terrain embrassé
par cette image* '
L'échelle de ce plan sera d'ailleurs facile à déterminer, soit
que Ton connaisse la distance exacte de deux points suffi-
samment espacés de ce terrain, soit qu'on la déduise de
la grandeur de la distance focale de la chambre noire et de la
hauteur supposée connue du ballon.
Admettons, par exemple, que OP=:o"*,ao avec a = 3o° et
que la hauteur du ballon soit de 4oo™ = H.
On a
00'= -. — =z — z? — =o™^,4o
sma 0,0000
1^8 A. LAUSSEDAT.
qui, comparé à la hauteur H de 400", donnerait j^Vô P^"**
réchelle du plan.
Mais le plus ordinairement on évitera d'exécuter des épures
de trop grandes dimensions et, dans le cas supposé, on pour-
rait tout réduire dans la proportion de 5 à i, ce qui donne-
rait O0' = o"*,o8, et le plan cherché serait encore à Féchelle
de '
^^ 5000 •
Remarquons, toutefois, qu*au lieu du résultat numérique
simple que nous venons de trouver en partant d'éléments
choisis intentionnellement pour faciliter Texpiication, il arri-
vera le plus souvent que le rapport de 00' S la hauteur du
ballon ne sera pas une fraction décimale correspondant à
Tune des échelles en usage. Alors, au lieu de faire passer le
plan horizontal de projection par le point de rencontre de la
verticale avec le plan du tableau, il suffira de relever ou de
rabaisser d'u4ie quantité convenable. C'est ce que nous avons
fait, comme on le verra bientôt, dans le cas que nous avons
pris pour exemple.
Ënfin^ même alors que Fhorizon de la station passe au-dessus
du tableau, une partie plus ou moins étendue de l'image
pouvant devenir inutilisable, à cause du trop grand éloigne-
ment des objets représentés, pour éviter d'exécuter des figures
trop étendues (le quadrilatère s'élargissant précisément de ce
côté), on peut, comme on Ta indiqué sur la figure 71, tracer
une limite supérieure du champ UV. C'est alors le rectangle
UVXY qui est la base de la pyramide dont le prolongement,
jusqu'à la rencontre du plan horizontal, donne le trapèze sur
lequel il s'agit d'effectuer la transformation de l'image du
tableau.
Celle opération peut être faite par un procédé entièrement
analogue à celui de la craticulation.
XXVIIL— Photographie en ballon en pays de plaines (suite).
Exemple de construction graphique, — Dans une série
de photographies faites en ballon pour expérimenter d'excel-
lenls objectifs de M. Suier, constructeur d'instruments d'as-
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I79
tronomie et d'optique à Bàle, nous avons choisi une épreuve
obtenue à 400°* au-dessus du Rhin {PI. Vf).
Notre intention ne saurait être de restituer entièrement le
plan de la partie de la ville dont la photographie donne une
vue très nette; nous voulons seulement indiquer la marche à
suivre et qui s'appliquerait aisément au cas d'un terrain de
même étendue (*) sur lequel, au lieu d'édifices qui se pro-
jettent sur les voies publiques, sur les cours ou les uns sur
les autres, il n'existerait que des routes, des chemins, des
divisions de culture et quelques bâtiments isolés ou à peine
groupés, comme ceux d'une ferme ou d'un hameau.
On se rendra compte, toutefois, qu'à la rigueur on relève-
rait sur celte vue de Bâle le tracé très approximatif des prin-
cipales artères, des places, des grandes cours intérieures, etc.
Nous avons même choisi pour notre exemple la vue d'une ville
de préférence à celle d'une plaine cultivée, pour faire pres-
sentir que, dans le cas où l'on aurait la photographie d'un
port militaire ou d'une forteresse, on en restituerait sanspeine
les principaux détails.
Eléments connus ou tirés de Vépreuve, — La distance
focale de l'objectif était exactement de ©""jiBo (renseigne-
ment fourni par M. Suter); le format utile de l'épreuve est
de 12 X 16 (au lieu de 1 3 x 18); la hauteur du ballon au-dessus
du Rhin était de 4oo">; mais Tinclinaison de la plaque n'a pas
été mesurée, et il a fallu se servir de la convergence des per-
spectives des arêtes verticales des édifices pour obtenir le
point I {PL VI eijlg, 78), où la verticale du point de vue ren-
contre le plan de la plaque prolongée. En procédant un peu par
tâtonnement, — car les arêtes dont il fallait se servir étaient
trop courtes pour que leurs directions fussent bien détermi-
nées, — on a trouvé Pl=: (o™,235) et comme la distance focale
0P = (o'",i8o), on en conclut que 01 — (o™, 296) et que l'in-
clinaison de l'axe optique a=r 37<>3o'.
(*) On reconnaîtra sur l'épure {/ig. 72 et 73) que celte étendue est de
84''* à 85''*, en y comprenant la place prise par le fleuve et en supposant
que rinclinaison de Taxe optique soit exactement déterminée.
•» * • - !•
* • * • "
i8o
A. LÀUSSEDAT.
Pour exécuter la construction graphique, nous avons réduit
toutes les données linéaires au quart et nous avons ainsi
CAê*. 72 et 73): 0P = 0^045, PI = o",o585, 01 = 0^,740.
Si nous adoptons TécheUe de j^ pour le plan, comme la
hauteur H du ballon est de 4oo°*, on aura 00' = o",o8o; le
plan horizontal de projection se trouvera donc passer un peu
au-dessous du point I.
L'inclinaison de Taxe optique étant assez grande dans ce
cas et la hauteur de Tépreuve assez restreinte elle-même,
cette épreuve est entièrement utilisable. On voit alors immé-
diatement sur la figure comment on a obtenu dans le plan
LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGHIPHIQUES. iSl
principal la hauteur N'Q' du trapèze qui est la perspective
du contour de l'épreuve, c'est-à-dire le cadre du plan. 11
Fig. 73.
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1
est aisé de voir également comment ont été déterminées
les deux bases X'V, U'V de ce trapèze, la première étant
égale à lalargeurde l'épreuve ^(o^.iâ) ampliliée dans le rap-
port de OQ' à OQ et la seconde à celle même largeur
amplifiée dans le rapport de ON' à ON.
l82 A. LAtJSSEDAT.
Pour préparer la craticulation, il suffît, après avoir quadrillé
répreuve {PL VI) en partant de la ligne principale et de sa
perpendiculaire menée par le point principal, de projeter les
points de division de la ligne principale {fig. 78) sur sa
perspective N'Q' et d'élever des perpendiculaires par les
points ainsi déterminés, puis de diviser les deux bases X'Y'
et U'V en autant de parties égales que les longs côtés de
répreuve et de joindre les points correspondants.
Détails d exécution. — Nous nous sommes contenté, pour
la démonstration, de diviser les axes de l'épreuve de centi-
mètre en centimètre, et il en résulte que les mailles du plan
X'Y'U'V de la fig, 73 sont trop larges, surtout dans la
partie voisine de U' V, pour que la craliculation puisse s'effec-
tuer facilement et avec précision ; mais on conçoit bien qu'il
suffit de serrer ces mailles partout où l'on en éprouve le
besoin, en augmentant le nombre des divisions sur l'épreuve
et sur sa perspective.
Comme il serait généralement incommode de quadriller
l'épreuve elle-même, il vaut beaucoup mieux construire un
réseau sur papier transparent que l'on applique sur l'épreuve^
où elle est rigoureusement repérée (*).
C'est ce que nous avons fait pour effectuer simplement
quelques mesures sur l'épreuve photographique de la
planche VI, et quoique les données dont nous nous sommes
servi, autres que la distance focale de l'objectif, ne fussentpas
rigoureusement exactes, nous avons pu déterminer la lon-
gueur du pont deWetlstein, qui figure à droite de l'épreuve,
sa largeur, la portée de ses arches, la dislance de sa sortie au
rond-point de Wellstein, etc., et, en les contrôlant sur un plan
de Baie à l'échelle de xA^ ^" guide Baedeker, nous avons pu
constater que les différences, généralement peu importantes,
(') Nous conseillerions même de faire tracer très exactement sur cellu-
loïd des réseaux, de millimètre eu millimètre, analogues à ceux qui sont
assez communément répandus (mais tracés de centimètre en centimèlre
seulement) et destinés à la lecture des Caries topograpliiques aux échelles
décimales.
r ^ " * , »
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l83
croissaient légèrement à mesure que l'on s'éloigne de la
projection de la station (^).
Nous avons effectué deux autres mesures assez délicates,
puisqu'il s'agissait de déduire les hauteurs réelles des tours
delà cathédrale de leurs hauteurs apparentes sur la photo-
graphie, qui sont Tune de 18"»" et l'autre de 16°»°*. Or, nous
avons trouvé 82"» pour la plus haute et 72"* pour l'autre, et le
gMide donne pour la première 25o pieds, ce qui fait 8i"»,25.
Nous ne faisons d'ailleurs que citer ces derniers résultats,
dont la grande précision est sans doute fortuite; mais il y a
bien d'autres problèmes à la solution desquels se prêtent les
photographies d'une ville prises dans des conditions favorables
el notamment par un ciel découvert, les ombres portées d'édi-
fices assez élevés permettant, par exemple, avec la date de
l'observation seulement (la latitude étant connue), de déter-
miner, au besoin, assez approximativement l'orientation du
plan.
XXIX. — Photographie en ballon^ en pays accidenté.
Circonstances exceptionnelles qui justifient cette utili"
sationde la photographie, — Nous avons exprimé, dans les
paragraphes précédents, l'opinion qu'il ne fallait tenter les
restitutions de plans, d'après les photographies prises en
ballon, que dans les pays de plaines, et nous ferions remar-
quer, au besoin, que, dans les pays accidentés, la méthode
photographique ordinaire s'applique bien plus facilement et
conduit à des résultats d'une exactitude comparable à celle
des méthodes dites régulières. Nous continuons aussi à penser,
comme nous le disions au § VI du Chapitre III, qu'il sera tou-
jours assez difficile de déterminer les différences de niveau et
(*) Si Tune des données demeurées incertaines, la hauteur du ballon
(estimée dans ce cas en nombres ronds et l'inclinaison de l'axe optique
obtenue par tâtonnement), éid^ii&éiQvmméQ avec précision, il serait facile
de corriger l'autre en se servant d'une distance mesurée sur le plan (ou
sur le terrain), dans une direction voisine de celle du plan principal delà
perspective, et la restitution deviendrait alors tout à fait satisfaisante.
l84 A. LAUSSEDÀT.
les formes du terrain sur des épreuves prises de stations
aériennes, c'est-à-dire très élevées au-dessus du sol.
Il peut cependant se présenter des circonstances, no-
tamment à la guerre, où Ton aurait des occasions de prendre
des vues en ballon monté, en pays plus ou moins accidenté,
occupé par Tennemi, et il ne faudrait pas négliger d'en tirer le
meilleur parti possible. Dans ce cas, à la vérité, on aurait
généralement à opérer sur une épreuve unique, et la diffi-
culté d'en déduire le relief serait beaucoup plus grande que si
Ton en avait plusieurs représentant le même terrain, prises
de stations différentes.
Celte dernière expérience, relativement facile à faire en
temps de paix, a été assez récemment tentée en Allemagne, et
nous devons essayer de donner une idée plus complète que
celle que l'on trouverait (Ghap. III, § VI) de la marche à suivre
en pareil cas, en faisant connaître les résultats ainsi obtenus
en Bavière en 1899 (*).
Supposons qu'au moyen d'un seul ballon on ait pris suc-
cessivement au moins deux vues du même terrain, de stations
aériennes différentes.
Nous avons déjà indiqué, dans le paragraphe cité, comment
on pouvait déterminer sur chacune d'elles un certain nombre
de repères pris sur des lignes considérées comme sensiblement
horizontales, tels que les bords d'un lac, d'un cours d'eau ou
d'une route en plaine. Nous avons admis également que l'on
avait pris les précautions nécessaires pour évaluer l'inclinaison
de l'axe optique de l'appareil.
.En principe, le problème serait alors facile à résoudre, à la
condition, toutefois, que les hauteurs du ballon à chaque
station fussent aussi exactement connues.
Considérons, en effet, un plan horizontal de projection sur
lequel nous avons au moins trois repères du terrain a, ft, c
(/§*• 74)- Si les opérations préparatoires décrites au paragraphe
( ) Uebev die Konstruktion von Hohenkarten aus Ballonaufnahmm
von S. Finsterwaldcr ( Separat-Abdruck aus den SUzungsberichten der
^, Y vT^tt^^- ^^""^'^ '^^'' ^^^- ^^«^em/e der Wissensclia/ten, rgoo,
m. ÂAA, Heft II. Miinchen, Verlag der k. Akademie).
LES INSTRUMENTS, LES lUËTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l85
précédent ont été effectuées sur les photographies prises des
stations 0< et O2 {fig- 76) et sur lesquelles les trois repères
sont bien reconnaissables, en présentant les calques des deux
faisceaux O'^aéc, 0\abc (relevés sur les réseaux analogues
Fig. 74.
M
S
^H_
•.
\^?
oX.,.'-^^^^ \
:::v>...
^
Oi
N
à celui de la planche VII) sur ce plan, nous y déterminerons,
comme il est aisé de le voir {fig, 74), les projections 0', et 0',
des stations O4 et O2.
Sur le plan MN de la figure 75 élevons maintenant les per-
Fig. 75.
pendiculaîres 0\0< et 0',02 respectivement égales aux hau-
teurs des stations successives du ballon. Un point quelconque
Pdu terrain serait projeté obliquement en/7i sur le plan (à Taide
du réseau de craticulation) d'après son image sur la photo-
graphie prise de la station Oi , que nous désignerons par $< , et
en /72 d'après la photographie $2. En tirant 0\pi et Oj/?2, le
point d*intersection p de ces deux lignes serait évidemment
l86 A. LAUSSEDAT.
la projection cherchée du point P, qui se trouverait lui-même
à rinterseciion théorique des deux rayons visuels 0</?i et
O2P2'
La hauteur P/7 de ce point au-dessus du plan de projection
se calculerait facilement par les triangles semblables OiO\pi
et ^pp\ ou OîO',/?2 et P/?/?2. On. aurait, en effet, immédiate*
ment Pz? ou h = 11\ {-J-^ ou h = IJ2 ^f-^ > ce qui donnerait
O,/? 0.^p
une vérification.
D'un autre côté, la droite qui joint les deux points /7| et/?2
prolongée devrait passer par le point K, où la ligne Oj O2 éga-
lement prolongée irait rencontrer le plan horizontal sur la
droite qui passe par les projections Oi et 0', des deux staiions,
aune distance que Ton calculerait aussi facilement dans le
cas où Ton tiendrait à faire cette vérification qui, d'ailleurs, ne
devrait être tentée que si les deux hauteurs Hf et H2 étaient
très différentes.
Enfin, il y aurait une autre source de vérification, dont on
dispose rarement, à la vérité, celle qui résulterait de l'emploi
d'une troisième station O3 d'où Ton aurait pris une photogra^
phie du même terrain.
Les données que nous avons admises ne sont pas toujours
à la disposition de l'opérateur, mais elles ne sont pas les seules
qui puissent servir à résoudre le problème. Dans le cas, par
exemple, où Ton emploierait un ballon captif non monté où
Tinclinaison de Taxe optique de l'appareil disposé un peu
arbitrairement sur le bord de la nacelle ne pourrait pas être
observée (*), M. Finslerwalder indique un moyen d'obtenir
directement sur le tableau le point de fuite des verticales en
laissant tomber de l'équateur du ballon ou des lignes du filet
d'autres cordes libres qui prennent spontanément la direction
verticale et dont quelques-unes donnent sur la plaque sensible
leurs images dirigées, par conséquent, vers ce point de fuite.
Nous ne suivrons pas, d'ailleurs, M. Finsterwalder dans les
(*) C'est aussi le cas d'une chambre noire enlevée par un cerf-volant, et
alors on ne peut pas recourir à l'expédient indiqué par M. Finsterwalder.
Voyez plus loin ce que nous disons des vues prises à l'aide d'un cerf-
volant.
LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUKS. 187
différentes hypothèses qu'il a faites, et nous renverrons le lec-
teur que ses solutions intéresseraient à la brochure citée
plus haut (renvoi de la page i84). Nous nous bornerons à
rendre compte sommairement d'une expérience entreprise
par la Société de navigation aérienne de Munich, le 18 no-
;e 1899, à Taide de deux images prises d'une hauteur
itive de9oo'°au-dessusdeWaal,prèsdeKaufbeuern,
m Sou^^^Une des épreuves a été prise par M. le baron
Bassil^^Lr une plaque 12x16 avec un objectif ortho-
itigmat d^^Wnheil de iSs™"" de distance focale, et l'autre
>ar M. le D^^ynke, sur une plaque 9X 12 avec un double
'anastigmat d^^wrz de 149'°^"' de distance focale.
Les positio^^Ki ballon en projection horizontale et en
hauteur ont ét^^^rminées d'après trois points connus et
cotés du plan ; o^^^rouvé pour la première 945°"» pour la
seconde SgS"", et
lions 1676™.
La première imag
deux fois.
£n partant de q
feuille du cadastre
on a calculé, par^
positions de 12
de 3o de ces p
à Taltitude
Les posi
la distance horizontale des projec-
été agrandie trois fois et la seconde
points A, B, C, D, relevés sur une
chelle de 5^, on a construit, ou plutôt
méthode donnée dans le Mémoire, les
ts et les hauteurs positives ou négatives
par rapport à un plan de projection choisi
ne 637" du terrain représenté.
des points sur le plan ont été comparées avec
celles des
iication.
les points (autant que le permettait leur identi-
la feuille du cadastre de i8ii, revisée en 1841,
fefauts de concordance doivent être attribués, dans
certains cas, aux incertitudes de l'identification, mais le plus
souvent aux changements survenus dans l'état des lieux. Quant
aux hauteurs, elles ont été calculées deux fois, c'est-à-dire
d'après les photographies prises de chacune des stations et,
l'ensemble des différences relativement assez grandes si on
les compare aux hauteurs absolues généralement petites, —
car l'expérience a été faite sur un terrain à peine ondulé, —
a permis de déterminer l'erreur moyenne à craindre dans les
3- Série, t. IV. i3
j88 a. laussedat.
coiidilions où l'on a opéré. Celle erreur moyenne esldeo'^jôS,
TABLEAU DES HAUTEURS DE POINTS DU TERRAIN DOUBLEMENT MESUREES.
N".
2
5
6
7
li
12
31
32
6i
64
62
65
66
70
71
71 a
71 b
l'I
73 a
83
106
108
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113
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107
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283
280
222
226
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14.6
= EA
0,16
0,04
3,24
0,64
0,0^
0,16
0,49
1,00
0,16
0,00
0,49
3,24
0,25
3,61
0,01
0,81
3,61
2,56
0,64
1,00
0,36
2,25
1,^59
4,8'*
0,25
4,00
G, 20
0,01
5o,:î6
— VA»
(M I-e point 114 n'est pas situé sur le terrain
clocher de l'église de Waal.
même : c'est le sommet du
maisily a des erreurs individuelles qui se sont élevées à 2", 5
ei jusqu'à 2"^, 8 {voir le Tableau ci-dessus), alors que, à une
LES INSTRUMENTS) LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 189
exception près, celle de la hauteur d'un clocher, les points
considérés n'étaient au-dessus ou au-dessous du plan de pro-
jection que de quelques mètres (8™ au plus).
Pour que Ton puisse bien juger de l'intérêt de cette expé-
rience, nous donnons le Tableau des résultats du nivellennent
et, sur la planche VII, la restitution d'un fragment du plan levé
et nivelé à l'échelle de ï^toTô» extraits de la brochure de M. Fin-
sterwalder, où Ton trouve aussi mentionnées les durées des
diverses opérations graphiques et de calcul qui, tout compris,
n'ont été que de quelques heures, sans que l'on ait tenu
compte, toutefois, de celles qui concernaient les ascensions.
Peut-être des expériences analogues non parvenues à notre
connaissance ont-elles été faites ailleurs? Il est bien probable^
dans tous les cas, que, dans les parcs aérostatiques où l'on
dispose d'un matériel qui doit être fréquemment manœuvré
pour l'instruction du personnel, on aura des occasions d'en
faire de plus complèles encore.
Nous devions, ne fût-ce que pour faciliter ces recherches,
consacrer quelques pages à une variante de la méthode phoio-
topographique qui, sans pouvoir être conseillée générale-
ment, ne paraît pas devoir être négligée par les aéronautes, de
plus en plus disposés à prendre des vues photographiques au
cours de leurs ascensions (* ).
XXX. — Photographie en ballon (suite).
Hauteur du ballon et inclinaison de l'axe optique de
l'objectif, — La hauteur du ballon ne semble pouvoir être
déterminée exactement qu'en employant accessoirement une
chambre noire à axe vertical, comme celle de Cailletet, que
(*) On se souvient des émouvantes expériences de M. Santos-Duroont et
qu'à cette occasion on s'est donné beaucoup de peine pour déterminer la
trajectoire de son ballon dirigeable à l'aller et au retour, en recourant à
des photographies prises de stations fixes et à des instants qui n'étaient
pas toujours rigoureusement déterminés. On peut se demander pourquoi
cet aéronautc, généralement bien renseigné, ne s'était pas muni d'une
chambre noire de M. Cailletet qui, en enregistrant tout, lui eût fourni le
moyen d'établir sûrement cette trajectoire en plan et en hauteur.
igO A. L4USSBDAT.
nous avons retrouvée dans l'appareil panoramique de Tin-
génieur russe Thilé et dont beaucoup d'autres aéronautes pho-
tographes avaient déjà fait usage. On sait, en effet, que ni le
baromètre anéroïde ni le baromètre à mercure ne sont capables
de donner une mesure suffisamment exacte de la hauteur du
ballon au-dessus du sol, et Finsterwalder estime à 3o°* au
moins Terreur à craindre dans les meilleures conditions
d'observation de ces instruments.
A la vérité, l'incertitude sur cette hauteur n'empêche pas
de restituer un plan exact, c'est-à-dire de construire une figure
géométrique semblable à la projection du terrain, sauf à
déterminer, après coup, l'échelle de cette figure par la mesure
d'une base de longueur convenable et dont les extrémités
sont bien reconnaissables sur l'image photographique.
Mais si l'inclinaison de l'axe optique pour les vues latérales
qui embrassent de grandes étendues n'est pas exactement
connue, la restitution du plan est fatalement incorrecte, et
si, en même temps, la hauteur du ballon n'est connue qu'ap-
proximalivement, on n'a plus le moyen de corriger l'évalua-
tion de rinclinaison.
Appareil destiné à mesurer l'inclinaison de Vaxe optique.
— On a cherché à mesurer cette inclinaison de plusieurs
manières, mais nous allons décrire immédiatement l'appareil
vraisemblablement le plus précis, sinon le plus simple, qui ail
été proposé jusqu'à présent, et dont l'idée appartient au baron
Conrad von Bassus, de Munich.
A l'extrémité d'une sorte de fusil, dont la monture a (Ji^. 76)
peut s'appuyer sur le bord de la nacelle, est accrochée la
chambre noire b mobile autour d'un axe de rotation c.
La face inférieure de la chambre noire porte un arc gradué d
dont les divisions passent devant un vernier e fixé à la mon-
ture a et dont le centre est sur l'axe de rotation c.
L'objectif est en/ et la plaque ou la pellicule sensible en g.
Le système de déclenchement de l'obturateur est placé en h
et est aciionné jwir une détente de chien de fusil / et une
tringle de transmission k.
Un niveau à bulle d'air /, placé à la parlie supérieure de la
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I9I
monlure a, permet d'assurer rhorizontalité des arêtes de la
face supérieure dont le plan passe par Taxe de rotation c. On
observe le niveau par la réflexion de Timage de la bulle d'air
dans le miroir m, qui est reclifiable comme le niveau lui-même.
Sur la face supérieure de la chambre noire se trouve un
dioplre np qui, à l'aide d'un miroir q légèrement convexe,
Fig. 76.
permet de viser l'objet dont on veut amener l'image au point
principal de la perspective.
L'observateur, dont l'œil, après l'épaulement du fusil, se
trouve en A, peut voir à la fois l'image réfléchie de la bulle du
niveau dans le miroir /w et, dans le miroir q, l'image de l'objet
sur lequel il veut orienter l'appareil, en donnant à la chambre
noire la position convenable. La lecture faite sur l'arc gradué
donne l'inclinaison de l'axe optique de l'objectif, la bulle du
niveau maintenue entre ses repères assurant l'horizontalité de
la face supérieure de la monture, dont le plan passe par le
zéro de la graduation quand l'axe optique cle l'objectif est
lui-même horizontal.
Selon la remarque de M. DoiezaI ('), à qui nous avons
emprunté sa description, cet intéressant appareil jouit des
avantages suivants :
i. Les erreurs d'appréciation provenant habituellement de
la détermination indirecte de l'inclinaison de l'axe optique se
( * ) Arbeiten und Fortschritte auf dem Gebiete der Photogrammetrie
im Jahre iSyg (Separat-abdruck aus Jahrbuch fur photographie und
Beproductionstechnik fiir das Jahr 1900 von Hofrath D' Josef xVlaria Eder ).
19^ A. LAUSSEDAT.
irouvenl évitées avec cei appareil, la lecture de Tangle s'y
faisant directement avec une grande précision.
â. Si l'on prend plusieurs épreuves de la même station avec
la nrième inclinaison de Taxe optique, il en résulte une grande
simplification dans les opérations graphiques de la resti-
tution.
Appareil simplifié. — Peut-être le dispositif beaucoup plus
simple dont s'étaient déjà servis G. Tissandier et Ducom, per-
fectionné un peu plus tard par un habile observateur allennand,
Hagen, serait-il préférable, à la condition qu'il soit accompa-
gné d'un niveau à bulle d*air et d'un viseur ou même d'une
lunette, faciles à y introduire s'ils ne s'y trouvaient déjà, ce
dont on ne peut juger d'après le schéma suivant {fg. 77)
Fig. 77.
e n---
I
que nous empruntons à l'Ouvrage, très documenté cependant,
du major Pizzighelli (*).
a est une armature métallique accrochée au bord supé-
rieur de la nacelle; d est la chambre noire qui peut pivoter
autour d'un axe horizontal cet dont la planchette inférieure, 6,
reste e^n contact avec un quart de cercle divisé e e qui fait
partie de Tarmature et sur lequel on peut lire l'inclinaison
de l'axe optique de la chambre noire.
(*) Die Anwendung der Photographie dargestellt fur Amateure und
Touristen von G. Pizzighelli, k. und k. major in Genie-Slab. Halle a. S.,
Wilhelm Knapp, 1892.
LES INSTRUMENTS» LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPlilQUKS. 198
XXXI. — Photographie en ballon (suiie).
Épreuves obtenues à différentes hauteurs, — Des expé-
riences, dont nous regrettons de ne pouvoir reproduire tous
les résultats, parce qu'ils sont très frappants, ont été faites avec
un même objectif de M. Suter de o", i8o de distance focale,
depuis 4oo*" de hauteur (vuedeBâIe de la planche VI) jusqu'à
i5oo" (450*", 500", i25o"*, i4oo'" et i5oo"»). Les épreuves
ainsi obtenues successivement permettent en effet d'appré-
cier immédiatement les avantages et les inconvénients des
changements de hauteur qui décident aussi souvent l'obser-
vateur à faire varier l'inclinaison de l'axe optique de la
chambre noire. On reconnaît sur-le-champ, comme on
pouvait d'ailleurs s'y attendre, que s'il s'agit de con-
struire des plans détaillés avec des vues prises sur tableaux
inclinés, en tenant compte de la grandeur de la distance focale
en question, les hauteurs de 4oo"* à 5oo™ sont les plus conve-
nables (*) et qu'il ne faudrait guère dépasser looo"*, à moins
de recourir à des objectifs à plus longs foyers. S'il convient,
au contraire, d'embrasser de grandes étendues pour obtenir
seulement des renseignements généraux sur le pays ou sur
des objets assez éloignés, encore suffisamment recon-
naissables malgré leur petitesse, il devient indispensable de
s'élever à d'assez grandes hauteurs. On est conduit d'ailleurs
à conclure, de l'examen des épreuves dont il s'agit, que, pour
des objets éloignés que l'on aurait intérêt à reconnaître très
nettement, comme des troupes ennemies, des ouvrages de for-
tification, des travaux de siège ou de campagne, il faut de
(') Nous avons vu cepcmlaiit qu'avec un objectif de o'", 211 de foyer,
c'est-à-dire à peine plus puissant que celui de M. Suler, on avait obtenu
directement un plan du terrain à l'échelle de tfoôô^ environ, d'une hau-
teur de aoco"». Mais on comprendra facilement (|ue, dans ce cas, on était
dispensé d'effectuer des constructions graphiques pénibles et souvent
même in>praticables sur des vues obliques dont les détails éloi^'nés
deviennent microscopi«|ues et généralement obtenues dan& des conditions
telles qu'ils ne seraient guère susceptibles d'être ampliliés.
- - »
194 A. LAUSSEOAT.
toute nécessité recourir, sinon à la téléphotographie propre-
ment dite, au moins à des objectifs à long foyer.
Des objectifs à long foyer employés en ballon, — A la
suite d'essais faits avec un téléobjectif, d'ailleurs très bien
étudié et qui avait même donné des résultats assez satisfai-
sants (*), on a été obligé de reconnaître que les conditions
dans lesquelles sont placés les aéronautes étaient peu favo-
rables à remploi de ces appareils.
Une Commission spéciale, composée d'officiers du génie
très expérimentés, chargée d'élucider la question, avait, dès
le début de ses travaux, décidé qu'il fallait se contenter de
demander aux opticiens de bons objectifs à long foyer, el un
concours avait été ouvert à cet effet. Les principes qui
devaient servir de guides, l'organisation du concours, les
méthodes d'appréciation basées sur des mesures de haute
précision, enfin les résultats on ne peut plus concluants de
cette épreuve sont exposés dans une Notice récemment publiée
par le commandant Houdaille, rapporteur de la Comnnis-
sion (2).
Dans l'exposé des principes, on rappelle qu'un ballon captif
peut être soumis à trois mouvements : mouvement pendu-
laire de la nacelle, mouvement de rotation du ballon et mou-
vement de l'ensemble du système à l'extrémité du câble.
Le mouvement pendulaire du ballon libre est beaucoup
moins sensible, mais les mouvements de giration peuvent
devenir considérables et la vitesse propre de translation atteint
jusqu'à 20" à la seconde et au delà.
Il en résulte que, dans tous les cas, on doit pouvoir opérer
dans un temps très court.
En supposant que le déplacement angulaire possible soit
de 6 degrés, et en admettant qu'un déplacement de 70 de mil-
(*) Ces essais ont été faits en 1895 par le capitaine du génie Bouttieaux
avec un téléobjectif construit d'après les calculs du capitaine Houdaille,
aujourd'hui commandant.
(^) Notice sur les résultats du concours d'objectifs à long foyer des-
tinés au Service de l' Aérostation militaire (Extrait de la Bévue du Génie,
mai 1902. Paris-Nancy, Berger-Levrault et C").
LES INSTRUUBNTS, LES MÉTHODES ET LE DESSLN TOPOGRAPHIQUES. 1 qS
limèlre sur l'image soil lolérable, F élanl la dislance focale
de Tobjeciif en millimètres et / le temps de pose en secondes,
comme lang 6« = o, i , on aurait :
o«»°*, i = /x lang6«x F = /xo,i x F, d'où i = w,
r
c'est-à-dire que le temps de pose doit être en raison inverse
de la distance focale : avec un objectif de Goo""™, ^; avec un
objectif de i"", •
lOOO
La vitesse des obturateurs doit donc croître proportion-
nellement au foyer de l'objectif et les obturateurs de plaque
qui consistent en un rideau à fente très étroite se déplaçant
devant la plaque peuvent seuls être employés. Avec une fente
de I"™ de largeur, il suffit, en effet, que le rideau ait une
vitesse de i™ à la seconde pour obtenir l'obturation en j^ de
seconde. Mais on conçoit déjà que la distance focale de i"
est une limite qu'il ne faudrait pas dépasser, et il est aisé de
voir que cette distance focale doit être celle d'un objectif
direct et non celle d'un téléobjectif; l'intensité de Timage sur
la plaque sensible, dans ce cas, étant inversement proportion-
nelle, comme on sait, au carré du grossissement, ce qui la
rendrait absolument insuffisante pour que les détails fussent
perceptibles par l'œil de l'observateur.
Tels sont les motifs qui ont déterminé la Commission à
demander des objectifs à long foyer, ne dépassant cependant
pas 1™, à large ouverture et donnant des images d'une grande
finesse.
Elle reconnaissait d'ailleurs hautement que, pour les vues
d'ensemble, il fallait conserver les chambres du format i3 x i8
F
ou 18x24, de 180'"™ à 220"»'" de foyer, d'ouverture—»
enfm d'un obturateur pouvant donner -^ de seconde, et nous
avons montré plus haut tout le parti que Ton pouvait tirer de
ces vues, à la seule condition de munir les chambres d'or-
ganes de précision permettant de déterminer au moins l'in-
clinaison de l'axe optique.
19^ A. LAUSSEDAT.
Mais pour les délails d'objeis éloignés dpnl les images irop
peiiies deviennent imperceptibles, la léléphoiographie étant
difQcilement praticable, on avait dû essayer d'augmenter
la distance focale de Tobjectif et sa puissance de définiiion,
en limitant d'ailleurs nécessairement le champ.
Le but à atteindre a donc éié formulé dans les termes sui-
vants :
« Enregistrer en toute saison^ sauf par temps de brume,
à la distance de 8*^™, tous les éléments constitutifs d'une
batterie : sentants, c/ieçaux, canons, caissons, retranche-
ments.
» Le cliché obtenu doit être lisible à Vœil nu, sans être
obligé de recourir à un agrandissement. »
Nous n'avons pas à rendre compte defs opérations de la
Commission, dont le lecteur pourrait prendre connaissance
dans la brochure du commandant Houdaille; mais nous signa-
lerons les conditions très nettes du concours éliminatoire qui
avaient été communiquées aux opticiens intéressés, relatives
à la distance focale, à la puissance dedéfinition, d'impression
et de vision (*).
1** Distance focale principale. — Les objectifs devaient
avoir une distance focale comprise entre o™,6o et i™;au delà
de I™, l'objectif devient trop lourd (on n'avait pas limité le
poids et l'un des objectifs soumis atteignait 7*'s,5; le rappor-
teur suggère comme limite à imposer ultérieurement le poids
de S'^s) et le matériel trop encombrant pour être installé dans
la nacelle d'un ballon captif.
Au-dessous de o"^,6o, les détails sont trop fins pour être
perçus directement sur le cliché sans grossissement préalable.
L'image d'un homme situé à 8"™ est représentée par un rec-
tangle ayant pour côtés ^i de millimètre et | de millimètre, si
l'on emploie un objectif de o'",6o de foyer.
(*) Les délails suivants, aussi bien que la plus grande partie de ceux
qui précèdent, sont empruntés presque texLuellcuieuL à la ^oticc du cuui-
mandant Houdaille.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I97
a*» Puissance de définition, — Pour que Ton puisse compter
sur le cliché les servants d'une batterie, il faut que l'objectif
soit capable de séparer des détails dont la dimension est infé-
rieure à xû^ ^6 ^^ distance focale principale.
A la distance de 8^™, cette condition correspond à la percep-
tion de deux servants séparés par i" d'intervalle.
3° />Mmanc^c?7/7?/?r^.w/o/i. — L'image obtenue sur le cliché,
même par la lumière diffuse, en hiver, doit être assez vigou-
reuse pour que les détails, dont la dimension atteint ^^^„^ de
la distance focale, soient encore visibles à l'œil nu. Cette
condition imposait en fait aux objectifs d'avoir une ouverture
F
supérieure à — et d'être bien corrigés au point de vue de
l'aplanétisme.
4** Puissance de vision. — L'objectif doit embrasser et
enregistrer nettement à des distances variant entre i^^ et 8"^'"
l'étendue du fronl d'une batterie évaluée au maximum à 3oo".
Des expériences antérieures ayant démontré que Terreur de
pointé en ballon était inférieure à 5*5 de la distance, il a
suffi d'imposer aux objectifs de couvrir nettement le for-
mal i3 X 18.
XXXll. — Photographie en ballon. Objectifs
à long foyer (suite).
Degré de précision. — Encore une fois nous renverrions
au besoin le lecteur au Rapport de la Commission pour qu'il
se rendît compte de la délicatesse des épreuves auxquelles
ont été soumis les objectifs présentés au concours.
Nous indiquerons seulement le procédé démesure employé
à la détermination delà distance focale pour donner une idée
du degré de précision qu'elle cherchait à obtenir.
Tout d'abord il convenait, dans ce cas, de ne plus se con-
tenter de la théorie du centre optique de l'objectif et de rap-
peler que la dislance focale principale est celle qui sépare le
igS A. LAl'SSEDAT.
point nodal d'émergence du point de concours des rayons
lumineux parallèles à Taxe, tandis que la distance de Tobjet
doit être comptée à partir du point nodal d'incidence. Or,
Tintervalle de ces deux points n'est pas toujours négligeable,
car, pour les objectifs simples, elle varie du tiers à la moitié
de répaisseur de la lentille.
Toutefois, avec les objectifs symétriques, elle est beaucoup
moindre en général, et Ton peut même arriver à la rendre
nulle.
Pratiquement, dit le Rapport, on peut admettre que la dis-
tance des points nodaux est inférieure à j^ ^c la distance
focale principale.
a Pour des objectifs destinés à des reconnaissances mili-
taires, ajoute-t-il, il est indispensable de mesurer le foyer avec
une certaine précision. Dans ces conditions, le cliché obtenu
n'est plus une simple image, mais bien un véritable dessin
géométrique sur lequel on peut relever des dimensions au
compas et au double décimètre (*). »
Pour déterminer la dislance focale principale d'un objectif/,
on suppose connu le rapport n de la grandeur de Timage mn
à la grandeur de l'objet MN (Jig, 78).
I et E étant les points nodaux d'incidence et d'émergence
TIL'i
avec l'intervalle e, P et /? les foyers conjugués, on sait que
IP =/(i -{-n) et lp=z/l 1 -t-- j; la distance L de l'image à
( ') Il est évident que la même précision s'impose toutes les fois qu'on
se préoccupe de mesures géométriques à effectuer sur les épreuves, mesures
linéaires ou mesures angulaires^ à tous les instruments destinés à la
métrophotographie.
LES INSTRUUENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. I99
Tobjet esi donc
L=/(a + «+^)
£>
d'où
L— 6
/=
I
n
La précision de la mesure de F dépend donc de celle de la
mesure de L, de n el de la valeur de e.
La Commission disposait de rinsialiation du Service géogra-
phique de Tarmée, où la chambre noire, mobile sur rails, peut
être amenée à la distance de io°* avec une erreur inférieure
à S"""*.
La valeur de L pouvait donc être obtenue à tôÏôq près. Celle
de n avait le même degré de précision, grâce à des mesures
microméiriques faciles à exécuter et en négligeant la distance
des points nodaux ; il est aisé de voir également, puisqu'on
suppose e inférieur à j|^ dans les objectifs symétriques, que
Tincerlitude résultante est elle-même inférieure à-j-ylôô» parce
que,aveclesdispositionsprises,2-f-AH — était supérieur à lo.
En résumé, Terreur à craindre sur la mesure de la distance
focale principale, effectuée dans ces conditions, est inférieure
à Yh^ cl devient insignifiante dans la pratique, c'est-à-dire,
pour Tusage que Ton a à faire d'un objectif à long foyer, à la
distance de 8^".
La conclusion de la Commission a été, en premier lieu,
qu'il avait suffi de proposer aux opticiens un programme pré-
cis pour le voir résolu d'une façon satisfaisante et, en second
lieu, que le concours ainsi ouvert avait permis d'établir sur
des bases scientifiques et indiscutables les éléments d'appré-
ciation de la valeur comparée d'objectifs de constructions
différentes.
Les deux objectifs classés les premiers avaient été construits,
l'un par M. Fleury-Hermagis et l'autre par M. Voigtlânder
(M. Gaumont, dépositaire). Le premier était un objectif de i™
F
de foyer, ouvert à — ; le second un objectif de o"»,6o de foyer.
'2O0 A. LAUSSEDAT.
F
ouvert à -• Ils ont été achetés tous les deux par Tétablisse-
9
ment de Ghalais el mis en service pendant les manœuvres
d'aéroslalion du camp de Ghâlons en octobre 1901.
Malgré le mauvais temps, ils ont fourni des résultats abso-
lument remarquables et ont démontré que le problème posé
de relever les détails d'une batterie située à 8"'"' était pratique-
ment résolu (*).
XXXIII. — Photographie par cerf-volant.
Premiers essais. Avantages que présente le cerf-volant,
— - Deux habiles expérimentateurs français, MM. Arthur Batut,
d'Enlaure, près Labruguière ( Tarn ), et Emile Wenz, de Reims,
ont utilisé successivement le cerf-volant pour oblenirdes vues
photographiques du terrain, de points déjà assez élevés au-
dessus du soi pour constituer des reconnaissances relative-
ment étendues, le plus souvent très intéressantes et dont ils
espéraient que les topographes pourraient tirer parti, comme
nous en sommes convaincu nous-même.
Les motifs qui ont guidé les deux inventeurs dans leurs
recherches sont dignes de la plus sérieuse attention. Alors,
en effet, que l'emploi des ballons exige habituellement un
personnel nombreux, ainsi qu'un matériel encombrant et dis-
pendieux ('), rien n'est plus facile que d'improviser partout,
à peu de frais, l'ingénieux appareil connu depuis si long-
( ' ) Notice sur les résultats du concours d'objectifs à long foyer
destinés au Service de l* Aérostation militaire^ page 333.
(^) On a bien pensé à réduire le plus possible le volume de ballons cap-
tifs destinés uniquement à enlever des appareils photographiques; mais
la construction de ces engins reste encore assez onéreuse et, dans tous
les cas, il faut avoir le gaz à sa disposition. Ëntin, selon la remarque de
M. Wenz, le ballon captif ne peut pas s'élever par un grand vent, qui est,
au contraire,, favorable au lancement du cerf-volant, et l'on en doit con-
clure avec lui que le mieux serait, si on le pouvait, d'avoir recours aux
ballons captifs pendant les temps calmes et au cerf-volant dès que la vitesse
du vent atteint S"* à la seconde, et, à plus forte raison, au delà, ce qui arrive
sept fois sur dix, selon les statisliquos établies à TÉcole aérostatique de
Meudon.
LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. '20I
temps et en usage dans tous les pays pour la dislraclion de la
jeunesse, dont elle exerce à la fois l'adresse et l'agilité. Ce
genre de sport très attachant n'est d'ailleurs pas le seul titre
du cerf-volant à l'attention générale. On sait que, depuis plus
d'un siècle, il a servi à l'élude de l'éleclricilé aimosphérique
à d'assez grandes hauteurs et, dans ces derniers temps, il est
même devenu l'un des auxiliaires les plus précieux des météo-
rologistes (• ).
Les premiers essais de photographie à l'aide d'un cerf-
volant, faits par M. A. Batut, remontent à 1888 (*). Frappé de
la netteté et de l'intérêt des résultats obtenus par d'habiles
aéronautes, mais en même temps de la dépense et des autres
difficultés inhérentes à l'emploi des ballons ('), M. Batut
s'était demandé pourquoi l'on ne tenterait pas de recourir au
cerf-volant et, en très peu de temps, grâce à son ingéniosité,
il parvenait à réaliser un projet qui, au premier abord, aurait
pu paraître bien hasardeux.
La publication dans la Nature des premières épreuves
obtenues par un procédé aussi original fut à la fois une sorte
d'événement dans le monde photogra|)hique et un véritable
triomiphe pour l'inventeur. Mais, quoique ces épreuves fussent
déjà remarquablement nettes (et l'on en pourra juger par la
vue de Labruguière, photographiée le 29 mars 1889, le cerf-
volant étantà 90" de hauteur, reproduite/*/. F///), l'inventeur
ne se tint pas pour satisfait et, avec la plus louable persévé-
rance, il a continué et continue encore à perfectionner la con-
struction du cerf-volant et de sa chambre noire, le mode de
suspension de cette dernière, le mécanisme de l'obturateur,
( ï ) Dans plusieurs grands pays de l'Europe et aux États-Unis. En France,
il convient de mentionner tout particulièrement V Observatoire de Trappes,
si habilement dirigé par M. Léon Teisserenc de Bort.
(") A la même époque, un Anglais, M. E. Douglas-Archibald, avait
employé le cerf-volant pour obtenir des vues photographiques. Le fait est
consigné dans une brochure ayant pour titre : Les cerf s-votants militaires,
par E. Douglas-Archibald, Librairie Universelle, Paris, 1888; mais on ne
connaît aucune reproduction des épreuves de cet auteur.
(3j Voir Gaston Tissandier, La Photographie en ballon. Paris, Gau-
thier-Villars et fils, 1886; La Nature^ années 1888, 1889, 1890 et 1897, et
La Photographie aérienne par cerf-volant, par Arthur Batut. Paris,
Gauthier-Villars et fils, 1890.
9.02 A. LAUSSEDAT.
en un moi tous les détails d'un engin qui, pour simple qu'il
soit en principe, n'en est pas moins très délicat. Il s'est beau-
coup occupé aussi du choix de l'objectif et du procédé pho-
tographique, employant tour à tour comme supports de l'image
des glaces et des pellicules; enfin il a expérimenté tous les
moyens d'enlever le cerf-volant même dans les temps calmes,
c'est-à-dire quand la vitesse du vent était inférieure à 5° à la
seconde.
Dès l'année suivante (1890), M. Arthur Batut. avait un dis-
ciple et un émule qui, aussitôt engagé dans la même entre-
prise, lui prêtait un précieux concours en résolvant, de son
côté, plusieurs des difficultés du problème.
A moins d'entrer dans des détails trop minutieux, nous ne
saurions exposer ici tous les travaux de ces deux infatigables
chercheurs; mais nous engageons le lecteur à consulter leurs
publications (*) et celle d'un ingénieur distingué qui, dans un
livre attachant, après avoir donné une théorie élémentaire de
l'appareil, a résumé l'histoire anecdotique, scientifique, mili-
taire, utilitaire en général, du cerf-volant en Europe, en Asie
(en Chine, au Japon, en Corée) et en Amérique (*).
Nous nous contenterons donc d'indiquer succinctement les
caractères essentiels des cerfs-volants utilisés pour la photo-
graphie par MM. Batut et Wenz ( ' ), nous réservant de signaler
ensuite les difficultés que présente encore le procédé dont il
s'agit, au point de vue d'une restitution possible du plan, et, par
suite, les desiderata auxquels il faudra s'efforcer de satisfaire
[') Arthur Batut, Notes dans la Nature, années 1888, 1889, 1890
et 1897, et La Photographie aérienne par cerf -volant, déjà cités.
Emile Wenz, dans V Aéronaute : Note sur la photographie aérienne
par cerf-volant, octobre 1897, ^^ Note sur Venlèvement d'un cerf-volant
par temps calme au moyen d'une voiture automobile^ avril 1899.
Dans le Bulletin de la Société française de Photographie : Obser-
vatoire-sonde avec enregistreur photographique, mars 1900; Résumé
historique de l'invention de la photographie aérienne par cerf-volant,
avril 1902.
(^) Les cerfs-volants^ par J. Legornu, Ingénieur des Arts et Manu-
factures. Paris, Nony et C*% 1902.
(^) On ne peut que mentionner, d'après le Résumé historique de M, E.
Wenz, les résultats analogues à ceux de nos compatriotes obtenus pos-
térieurement (en 1895) par MM. William -A. Eddy et Gilbert Totten-
Woglom, à New-York.
LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 2o3
pour que la photographie par cerf-volant parvienne à rendre
les mêmes services que la photographie en ballon.
Forme et dispositions principales des cerfs-volants por-
tant une chambre noire. — La forme la plus répandue en
France est celle d'un quadrilatère symétrique par rapport à sa
plus grande diagonale dite épine dorsale, la petite, qui lui est
par conséquent perpendiculaire, la coupant en deux parties
généralement assez inégales. C'est aussi celle qui paraît con-
venir au cerf-volant photographique, la petite diagonale pou-
vant d'ailleurs rester rectiligne ou être arquée comme dans la
plupart des cerfs-volants que Ton construit journellement
pour le seul plaisir de les lancer dans Tair.
Une particularité importante de la construction, introduite
d'abord par M. Wenz et adoptée par M. Batut, a été de rendre
la carcasse du cerf- volant démontable et, par conséquent, faci-
lement transportable. Quant à la voilure (que l'on peut faire
en papier dans les circonstances ordinaires), lorsqu'il s'agit
d'un appareil destiné à durer et à fonctionner par tous les
vents, elle doit être en étoffe solide, andrinople ou ponghée
(soie de Chine), la première recommandable par son bon
marché, la seconde plus chère, mais beaucoup plus légère et
plus résistante.
On sait que, pour donner plus de stabilité au cerf-volant en
l'air, on attache à l'extrémité inférieure de la grande diago-
nale ou de l'épine une queue dont la longueur est environ
quadruple de celle de l'épine elle-même. Cette queue est
formée d'une ficelle double garnie, à des intervalles réguliers
de o™,io à o™,2o, de petits morceaux de papier ou d'étoffe de
0™, 3o de longueur sur o™, i5 de largeur, repliés sur eux-mêmes
et fortement noués à la ficelle (*), terminée elle-même par
une sorte de panache de même nature ou par un petit sac de
toile convenablement lesté de sable fin ou de terre.
Enfin, on sait également que, pour enlever le cerf-volant,
une bride à laquelle est attachée la corde de manœuvre se
(*) On remplace avantageusement cette queue à nœuds par une bande
d'étoffe de même longueur posée à cheval sur la ficelle.
. 3« Série, t. IV. i\
ao4
A. LAUSSEDAT.
trouve ordinairement fixée par ses deux extrémités en deux
points convenablement déterminés de Taxe, c'est-à-dire de
répine recliligne.
Ce dernier dispositif a dû nécessairement être modifié pour
dégager le champ de l'objectif de la chambre noire.
La figure 79 montre la solution adoptée dès le début par
M. Batut et qui consiste à substituer à Tépine rectiligne un
Fig. 79-
Cerf-volant photographique de M. Arthur Balut.
bàli (ponctué sur la figure) sur lequel est fixée la chambre
noire et à la bride un système de quatre cordes partant deux
à deux des points d'attache ordinaires de la bride O et X et
aboutissant aux extrémités d'un palonnier en roseau MN,
lesquelles servent également de points d'attache à une corde
lâche dont le milieu Z est noué à l'extrémité supérieure de la
corde de manœuvre Y.
La figure 80 représente le cerf-volant de M. Wenz avec un
mode de suspension de la chambre noire d'une extrême sim-
plicité.
M. Wenz a voulu, en effet, conserver facilement démontable
LKS INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 2o5
la carcasse du cerf-volant et, pour cela, il a supprimé le bâli.
Fig. 80.
Cerf-volant photographique de M. Emile Wenz.
D'un autre côlé, sa chambre noire remplace pour ainsi dire le
palonnîer de M. Batut, puisque c'est à ses deux flancs que s'ac-
Fig. 81.
croche le système de cordes qui remplace la bride; il en résulte
que le champ de Tobjeclif est entièrement libre, que la surface
2o6 A. LAUSSEDAT.
soumise à raclion du vent est sensiblement augmentée, enfin
que Tinclinaison voujue de Taxe optique de la chambre peut
être réglée depuis une perspective en avant jusqu'à une per-
spective en arrière du cerf-volant, en passant, bien entendu,
par la verticale, si Ton veut exécuter directement une vue
qui donne le plan du terrain. La chambre noire est d'ailleurs
beaucoup moins influencée par les mouvements du cerf-
volant.
Pour faciliter le changement de direction de l'axe optique
et pour régler son inclinaison, M. Wenz a eu recours à un
Fig. 82.
cadre en bois aux quatre angles duquel sont attachés les
brins de la bride, comme cela est représenté sur les deux
figures 81 et 82.
Sur la première, la chambre noire est disposée de manière
à plonger en avant du cerf-volant, et sur la seconde elle plonge
en arrière. On voit sur les deux figures Tune des encoches du
cadre dans lesquelles on engage Taxe horizontal de rotation
perpendiculaire à Taxe optique et Técrou correspondant qui
sert à régler Tinclinaison de cet axe par rapport au cadre dont
le plan est sensiblement parallèle à celui du cerf-volant.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 207
XXXIV. — Photographie par cerf -volant {siiiie).
Difficultés d'exécution. Desiderata déjà atteints en partie,
— Nous avons laissé de côté la question des dimensions eldu
poids de Tensemble de Tappareil, celle des nioyens d'assurer
Tenlèvennenl du cerf-volant et quelques autres difficultés
d'exécution d'ordre purement matériel. Nous en dirons seule-
ment quelques mots à la fin ou dans le courant de ce para-
graphe; mais il y a trois points essentiels qu'il nous importe
surtout d'élucider, savoir : la détermination de la hauteur du
cerf-volant, celle de l'inclinaison de l'axe optique de l'objectif,
enfin le moyen d'obtenir sûrement la vue du terrain que l'on
désire reconnaître.
Hauteur du cerf-volant au-dessus du sol. — On sait que
celte hauteur sert à déterminer l'échelle des restitutions. Son
évaluation à l'aide de la longueur déployée de la corde de
manœuvre et de l'inclinaison estimée ( * ) de la droite qui passe
par les deux extrémités de la chaînette formée par cette corde
ne peut être qu'approximative. 11 en est de même, d'ailleurs,
de celle que l'on obtient par l'observation d'un baromètre
anéroïde avant le départ et au retour du cerf-volant, celui-ci
ayant emporté le baromètre et la hauteur atteinte pouvant
s'être enregistrée au moment du déclenchement de l'obtura-
teur de l'objectif.
Le procédé le plus précis sera toujours de se procurer,
quand on le pourra, les positions en plan de trois ou quatre
points du terrain bien reconnaissables sur la photographie;
mais, à défaut de ce renseignement, c'est au baromètre ané-
roïde que l'on est disposé à recourir.
MM. Batul et Wenz ont cherché tous les deux à enregistrer
la position de l'aiguille du baromètre, et nous allons indiquer
le moyen le plus récemment employé par M. Wenz avec une
(*) Mesurée à pou près au moyen d'un petit quart de cercle. Voir
Les cerfs-volants, par M. J. Legornu, p. i58.
208 A. LAUSSEDAT.
chambre noire en Torme de pyramide ironquée, ce qui a per-
mis d'en diminuer le poids. Nous profilerons de celle occasion
pour indiquer le procédé de déclencliemenl de l'obturaieur
adoplé de préférence par les deux expérimeniaieurs-
La figure 83 représente la chambre noire en forme de pjra-
Fig. 83,
mide tronquée dont les arêtes sont en bois et les faces en
carton fort.
Le renflement que l'on voit a droite sur la figure est une
petite chambre auxiliaire qui contient le baromètre ab dont
l'aiguille retournée en crochet cd est disposée de manière
que son extrémité d, éclairée par les ouvertures 0', afQeure
la surface de la plaque sensible quand le cerf-volant aiteint la
hauteur que l'on a cherché à lui donner. L'image de cette
extrémité se fait au voisinage d'un repère triangulaire r, ei la
position de l'aiguille sur le cadran du baromètre s'en déduit
facilement.
Le déclenchement de l'obturateur est produit par une
mèche à temps mm' repliée plusieurs fois le long de l'unedes
faces de la chambre (' ) et dont la longueur est calculée pour
que le feu vienne atteindre le fil /qui retient l'obluraleur
armé, quand le cerf-volant est à la hauteur voulue, et, du
(') M. Wenz s'est aussi servi de l'électricité pour obtenir le déclencbe-
ment, mais la mèctie t temps, dont l'emploi est plus simple, semble iiiKi
sûre et a sutli daas la plupart des expérlCDces taites Jusqu'à prcsenl. -
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 209
même coup, le Vi\f qui est tendu sur rexirémité d'une ban-
derole de papier pp', laquelle, en se développant, informe
l'opérateur que la plaque est impressionnée.
Indépendance relaWe désirable de la chambre noire et
du cerf-volant; inclinaison de l'axe optique, — On a déjà
vu que le contact immédiat de la chambre noire et du cert-
volant avait été supprimé et que cela avait eu les plus heureux
effets. Cette disposition, proposée par M. Wenz, avait été aus-
Fig. 84.
sitôt approuvée par M. Batut, qui, de son côté, a réalisé d'im-
portants perfectionnements dans le même ordre d'idées.
Ainsi, pour obtenir une vue qui soit un plan du terrain,
c'esl-à-dire pour diriger verticalement l'axe optique de la
chambre noire, celle-ci est munie de deux tiges déterminant
un axe horizontal perpendiculaire à l'axe optique; à ces tiges,
dont l'une est en R {Jig, 84), on attache des brides liées deux
à deux à des palonniers AB, CD, EF, et prolongées en se
réunissant, les premières jusqu'aux points d'attache S, T sur
répine et les dernières au point V, extrémité de la corde de
manœuvre.
Pour incliner commodément l'axe optique, M. Batut a
210
A. LAUSSEDAT.
adopté un autre syslème de suspension, représenté sur la
figure 85.
Deux cadres en bois ABCD, GHIJ s'entre-croisent en E et F
et sur Tun deux, ABCD, la chambre noire est suspendue par
Fig. 85.
deux tiges formant axe horizontal de rotation. L'autre, GHU,
est relié au cerf-volant en S et à la corde de manœuvre en U.
Un écrou R, placé sur Tune des tiges qui est filetée, sert à
arrêter la chambre noire en donnant à Taxe optique Tinclinai-
son convenable.
M. J. Lecornu ayant suggéré Tidée que l'on pourrait éloi-
gner bien davantage le système de suspension du cerf-
volant ( 0> M. Wenz s'en est emparé et, en s'aidant de tous les
perfectionnements antérieurs, il est parvenu à accrocher sur
(1) Les cerfs-volants^ p. i5a. M. Lecornu indique encore un peu plus
loin l'emploi d'un gouvernail triangulaire en toile pour maintenir l'appa-
reH de suspension dans le lit du vent. Toutes ces idées contribueront,
sans doute, au perfectionnement ultérieur de la photographie par cerf-
volant.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 211
la corde de relenue (*) un système de suspension à la Cardan
analogue à celui de la figure 85, à une cinquantaine de mètres
du cerf-volant, ce qui donne la plus grande indépendance
possible à la chambre noire.
La question de la mesure de l'inclinaison de Taxe optique
de l'objectif est donc bien près d'être résolue.
Si l'on était sûr, en effet, à l'aide d'un poids placé au-dessous
des deux cadres de la suspension à la Cardan et à leur inter-
section, de maintenir exactement la verticalité des montants,
ce qui ne semble pas impossible, il suffirait de disposer un
cercle divisé sur la paroi de la chambre en contact avec l'un
des montants AD, BC {fig> 85) et un index sur le montant
pour régler Tinclinaison de l'axe optique, qui serait ainsi
connue.
M.Wenz pense que l'on pourrait, à la rigueur, se contenter,
indépendamn^ent de la direction verticale qui donnerait le
plan du terrain sur la photographie, des deux inclinaisons
à 45° en avant et en arrière du cerf-volant, ce qui conserverait
une plus grande simplicité à la construction des appareils.
Sur quelques-uns des résultats déjà obtenus. — Si nous
n'étions pas obligé de limiter le nombre de nos planches, nous
reproduirions volontiers plusieurs des nombreuses épreuves
que les deux ingénieux inventeurs ont bien voulu nous faire
parvenir. Après celle de Labruguière de M. Baïut {PL VIII),
nous donnerons seulement les deux suivantes :
i«Une vue de l'hôpital de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais)
{PL IX) j prise à 350°^ de hauteur avec un objectif dont la
distance focale était de o™,2o6. Le point où la verticale du
(') Cette manœuvre, dont une solution a été également indiquée par
M. Lecornu, suppose que le lancement du cerf-volant se fait avec beau-
coup de méthode et que l'opérateur est maître de toutes les parties de son
appareil. Nous n'avons pas à nous arrêter ici sur des détails techniques
que l'on trouverait dans l'Ouvrage déjà si souvent cité. Quant aux moyens
de lancer les cerfs-volants : coureurs à pied, cavaliers, automobiles, etc.,
nous n'avons pas non plus à nous en occuper et nous supposons même
tout de suite que l'on a recours au treuil qui est employé généralement
pour les travaux scientifiques, dans les observatoires météorologiques
notamment, et dont se sont servis MM. Batut et Wenz.
14.
2(2 A. LÀUSSEDAT.
centre optique de cet objectif rencontre le plan de la photo-
graphie, c'est-à-dire, dans ce cas, le point de concours des
perspectives de nombreuses verticales (arêtes des édifices),
s'obtient imnnédiatement avec beaucoup de précision; il serait
aisé, dès lors, connaissant, par exemple, la longueur du grand
bâtiment qui est de 121™, 80, de vérifier la hauteur indiquée
par M. Wenz, de déterminer Tinclinaison de Taxe optique,
puis de construire, à une échelle choisie, le plan de tous les
bâtiments représentés, le bord mouillé du rivage au momenl
de l'opération, enfin de trouver la hauteur des principaux
édifices.
On remarquera toutefois que, d'après la position de la trace
de la verticale du point de vue sur la photographie, le plan
principal de la perspective est dirigé presque suivant la diago-
nale de l'épreuve, au lieu d'être parallèle aux petils côtés,
comme sur les épreuves ordinaires. Cela n'altérerait évidem-
ment en rien Texaclitude des résultats, mais il serait préférable
de conserver l'orientation que l'on a choisie, et il est probable
que, avec la disposition de la chambre noire suspendue à une
certaine dislance du cerf-volant, il en sera ainsi.
1° Deux vues stéréoscopiques d'une partie du village de
Jonchéry-sur-VesIe (Marne) {PI, X), Nous ne présenterons
aucune observation au sujet de cet essai, qui sera continué
par M. Wenz. Nous voulions seulement montrer, dès à pré-
sent, que l'on est arrivé, dans cet ordre d'idées, à des résultais
acceptables et qui en font espérer d'autres dont on pourra
songer à tirer parti, comme des vues stéréoscopiques prises
de stations terrestres dont nous nous occuperons bientôt.
Nous compléterons cet historique de la photographie par
cerf-volant par l'indication de quelques chiffres qui répondront
à plusieurs questions que pourrait se faire le lecteur. Nous
les empruntons à l'excellent Ouvrage de M. J. Lecornu, que
nous ne saurions trop lui recommander, et à la Communication
faite en avril dernier (190-2), à la Société française de Photo-
graphie, par M. Wenz.
Le format des épreuves en centimètres a été, au début,
de 8 X 10, et il s'est élevé jusqu'à 18 x 24;
Les foyers des objectifs ont varié de o™, 166 à o"»,2io;
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 21 3
Enfîn, le. poids minimum de Tappareil a été de o"^», 600 et n'a
pas dépassé, jusqu'à présent, au maximum i^^.
Dans les expériences de nos deux compatriotes, la hauteur
des cerfs-volanis est restée comprise entre 5o™ et 35o™.
Nous ne saurions terminer ce qui se rapporte à la photo-
graphie par cerf-volant ssins mentionner la tentative qui a
été faite en Allemagne d'employer de petits ballons pour
accroître la force ascensionnelle du cerf-volant, en un mot
des engins nouveaux désignés sous le nom de ballons cerfs-
volants. Nous donnons un croquis d'un de ces engins (fig> ^6)
Fig. 86.
construits à Augsbourg, chez Augustus Riedenger ; nous y
joignons les renseignements suivants pris dans le catalogue
de celte maison et qui se rapportent à quatre modèles de
capacités dilTérenles :
1
Capacité,
in'
10,4
Hauteur
à atteindre.
m
200
Prix.
36o'
2
37
340
820
3
64
55o
ï6oo
4
100
780
2200
mks
2l4 A. LAUSSEDAT. — LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES, ETC.
On remarquera sans doute qu'avec les n°^ 3 et 4 on pour-
rail atteindre des hauteurs assez considérables^ ce qui est
un avantage; mais il faut ajouter aux prix déjà élevés de ces
appareils celui d'accessoires assez nombreux et fort encom-
brants, en particulier de ceux qui sont nécessaires pour fabri-
quer Fhydrogène.
Nous sommes loin d'ailleurs de vouloir critiquer une tenta-
tive, dont il faut, au contraire, souhaiter le succès.
Dans tous les cas, il est sûrement permis d'espérer, d'après
tout ce qui précède, que la branche si intéressante de la pho-
tographie aérienne^ créée en France, continuera à y faire
des progrès entre les mains de ses deux jeunes initiateurs
et de leurs émules. Il y a lieu d'espérer aussi qu'elle sera
mise à profit par les topographes, dans des circonstances où
les autres procédés deviendraient difficiles ou même impos-
sibles à employer. Elle peut être recommandée, en particu-
lier, aux explorateurs qui, pour la plupart, accoutumés à
s'ingénier, ne seraient pas embarrassés de construire un cerf-
volant de fortune et sauraient s'en servir utilement pour se
renseigner sur des parties plus ou moins inaccessibles des
contrées qu'ils parcourent.
La figure ci-dessous est destinée à remplacer la figure Î3 (3* Série,
Tome III, page i63) dont le tracé est erroné.
Fig. 33.
D H
P^^
4■v^^vs^
L'
-\ \ \ \ \\\"
X
///Il /■■-,
A\ \\ \\
COURS PUBLICS k QRÀTUITS DE HAUT ENSEMEHENT
ou CONSERVATOIRE NATIONAL OES ARTS ET MÉTIERS,
PENDANT l'année 1902-1903.
Géométrie appliquée aux Arts (les lundis et jeudis, à neuf
heures un quart du soir). — M. A. Laussedat, professeur;
M. P. Haag, remplaçant. — Le cours ouvrira le lundi 3 no-
vembre.
•
Cinématique. — Classification des mécanismes. — Étude géométrique
des organes qui servent à la transformation des mouvements : Engrenages,
cames, excentriques, articulations, échappements, encliquetages. — Comp-
teurs. — Instruments enregistreurs. — Notions sur l'étude du mouve-
ment à Taide de la Photographie (Chronophotographie).
Géométrie descriptive (les lundis et jeudis, à huit heures
du soir). — M. E. Rouché, professeur. — Le cours ouvrira
le lundi 3 novembre.
Principes fondamentaux de l'art du trait : Application à la charpente
et à la coupe des pierres.
Mécanique appliquée aux Arts (les lundis et jeudis^ à neuf
heures un quart du soir). — M. E. Sauvage, professeur. —
Le cours ouvrira le lundi 3 novembre.
Chaudières à vapeur : Combustibles, combustion, foyers, tirage natu-
rel et forcé, surfaces de chauffe. — Types divers de chaudières, réchauf-
feurs, surchauffeurs. — Alimentation, appareils de sûreté. — Accidents.
Locomotives : Chaudière, mécanisme, châssis et roues, types divers,
moyens d'arrêt.
Machines marines : Anciens types, machines-pilon pour hélice, emploi
de la triple expansion, chaudières, poids et encombrement.
Moteurs à gaz et à pétrole : Étude théorique, descriptions, allumage,
gaz de ville, de gazogène, do haut fourneau; essences, alcool, pétroles
lourds.
2l8 PROGRAMME DES COURS POUR l'ANNÉE igO'l-igoS.
Constructions civiles (les lundis et jeudis^ à neuf heures
un quart du soir). — M. J. Pillet, professeur. — Le cours
ouvrira le lundi 3 novembre.
Travaux hydrauliques. — I. Torrents: Ravages, correction, extinction.
II. Rivières : Régimes^ inondations, défense de rives, quais. — Navigation
en rivière, barrages et écluses, utilisation des ciiutes. — Touage.
m. Canaux : Tracé, construction, alimentation, exploitation, élévateurs
pour bateaux.
IV. Travaux maritimes : Mer et marées. — Digues au large : jetées et
brise-lames. — Ports et avant-ports, bassins, réparation des navires, ou-
tillage et exploitation des ports, phares et balises.
V. Percement d'isthmes : Suez, Panama, canal des Deux-Mers.
VI. Franchissement de détroit : Pas de Calais.
Physique appliquée aux Arts (les lundis et jeudis, à huit
heures du soir). — M. J. Violle, professeur. — Le cours
ouvrira le lundi 3 novembre.
Physique moléculaire, — Propriétés fondamentales et utilisation des
gaz, des liquides et des solides.
Chaleur^ — Sources de chaleur et de froid. — Mesure des températures.
— Chauffage et ventilation.
Électricité industrielle (les mercredis et samedis, à huit
heures du soir). — M. Marcel Deprez, professeur. — Le
cours ouvrira le mercredi 5 novembre.
Étude des lois de l'électricité au point de vue spécial de leur application
à Tindustrie. — Magnétisme. — Électricité statique. — Électro-cinétique.
— Électro-magnétisme. — Induction électro-magnétique.
Chimie générale dans ses rapports avec Tlndustrie (les
mercredis et samedis, à neuf heures un quart du soir). —
M. É. JuNGFLEisGH, professeur. — Le cours ouvrira le mer-
credi 5 novembre.
Généralités. — Notions préliminaires, corps simples et corps composés,
classification des corps simples, métalloïdes et métaux, lois des actions
chimiques, nomenclature.
Métalloïdes, — Histoire particulière des principaux métalloïdes et de
leurs combinaisons non métalliques les plus utilisées : production, pro-
priétés, réactions, notions analytiques, applications à l'industrie.
Chimie industrielle (les mardis et vendredis, à neuf heures
un quart du soir). — M. É. Fleurent, professeur. •— Le cours
ouvrira le mardi 4 novembre.
PROGRAMME DES COURS POUR L 'ANNÉE igOÎ-igoS. 219
I. Matières végétales : Notions générales sur leur structure et leur com-
position chimique. — Valeur alimentaire des légumes et des fruits, pro-
cédés de conservation.
If. Bois : Emplois divers, altérations, procédés de conservation.
Ifl. Mouture des céréales: Farines diverses. — Boulangerie et biscui-
terie.
IV. Féculerie et amidonnerie,
V. Huiles végétales.
VI. Essences odorantes. — Térébenthine, résines et vernis.
VII. Combustibles fossiles : Tourbes, lignites et houilles. — Agglomérés.
— Gaz d'éclairage et de chauffage. — Acétylène. — Distillation des bois. —
Huiles minérales, pétroles, etc.
Métallurgie et Travail des métaux (les mardis et vendre-
dis, à huit heures du soir), — M. U. Lb Verrier, professeur.
— Le cours ouvrira le mardi 4 novembre.
Propriétés mécaniques, physiques et chimiques des métaux. — Alliages.
— Procédés de travail et emplois des métaux usuels. — Décoration des
métaux.
Chimie appliquée aux industries de la Teinture, de la Céra-
mique et de la Verrerie (les lundis et jeudis, à huit heures
du soir). — M. V. DE Luynes, professeur. — Le cours
ouvrira le lundi 3 novembre.
Matières colorantes naturelles et artificielles : Indigo, alizarine, méthodes
de synthèse. — Étude chimique des fibres. — Teinture, impression. —
Mordants, réserves, rongeants. — Différents genres d'impression. —
Papiers peints.
Chimie agricole et Analyse chimique (les mercredis et sa-
medis, à huit heures du soir). — M. Th. Sghlgesing, profes-
seur; M. Th. ScHLGEsiNG fils, remplaçant. — Le cours ouvrira
le mercredi 5 novembre.
I. Chimie agricole. — L'atmosphère; éléments de l'atmosphère qui con-
courent à la nutrition des plantes. — Généralités sur les microbes et
quelques fermentations. — Le sol; constitution des sols agricoles; leurs
propriétés physiques; pliénomènes chimiques et microbiens dont ils sont
le siège.
II. Analyse chimique. — Analyse des sols et des matières agricoles. -^
Méthodes gazométriques.
Agriculture (les mardis et vendredis, à neuf heures un quart
du soir). — M. L. Grandeau, professeur. — Le cours ouvrira
le mardi 4 novembre.
29.0 PUOGRAMMK DES COLRS POUR L ANNÉE 1902-1903.
Les végétaux de la grande culture. — Céréales. — Blé. — Seigle. —
Avoine. — Orge. — Sarrasin. — Mais.
Production des céréales dans le monde. — Production de la France.
Sols et climat. — Préparation du sol. — Choix des semences. — Fumures.
— Procédés de culture et de récolte. — Conservation. — Commerce.
Résultats généraux et discussions des dix années de cultures expérimen-
tales du Parc des Princes.
Filature et Tissage (les mardis et vendredis, à huit heures
du soir). — M. J. Imbs, professeur. — Le cours ouvrira le
mardi 4 novembre.
Métiers à filer, continus à ailettes, continus à anneaux, mull-Jenny et
self-acting. — Retordage et apprêts des fils en droite fibre. —Préparation
et filage pour fils en fibre libre.
Tissus en général et entrelacements types. — Tissus proprement dits
en armures-grain et en armures composées.
Économie politique et Législation industrielle (les mardis
et vendredis, à huit heures du soir). — M. É. Levasseur,
professeur. — Le cours ouvrira le mardi 4 novembre.
Circulation des richesses. — La valeur. — La monnaie. — L'histoire
des prix. — La cherté et le bon marché. — Le crédit, les banques et la
circulation fiduciaire. — L'influence des moyens de communication. — Le
commerce et les tarifs de douane.
Économie industrielle et Statistique (les mardis et vendredis,
à neuf heures un quart du soir). — M. André Liesse, pro-
fesseur. — Le cours ouvrira le mardi 4 novembre.
Consommation des richesses. — Consommations privées. — La popu-
lation. — Nature des consommations. — Le luxe. — Influence de certains
impôts sur les consommations.
Consommations publiques, — Les finances publiques. — Ressources:
impôts, emprunts. — Dépenses qui s'appliquent plus directement au com-
merce et à l'industrie; les travaux publics, l'enseignement technique et
professionnel, etc.
Statistique. -- Utilité de la statistique. —Définitions. — Historique.—
Méthodes. — Sources et moyens d'information et d'observations : Mercu-
riales, cotes, bilans de banques et de sociétés industrielles, documents
administratifs, enquêtes. Groupement des faits. — Moyennes. — Grands
nombres. — Critique des résultats. — Représentations graphiques. — Théo-
ries qu'on a tirées de la Statistique : périodicité de certains phénomènes
économiques, probabilités, etc.
Art appliqué aux métiers (les mercredis et samedis, à neuf
heures un quart du soir). — M. L. Magne, professeur. —
Le cours ouvrira le mercredi '5 novembre.
PROGRAMME DES COURS POUR l'ANNÉE igoa-igoS. 221
L'art appliqué au travail du bois. — Charpente : Combinaisons d'as-
semblage et décor. — Combles et pans de bois apparents. — Flèches et
dômes. — Escaliers. — Planchers et plafonds. — Tribunes.
Menuiserie: Construction et décoration. — Lambris. — Portes et croisées.
— Stalles. — Plafonds lambrissés. — Cheminées. — Buffets d'orgues.
Mobilier : Meubles en bois d'assemblage ou plaqué. — Combinaisons
décoratives du bois avec d'autres matériaux. — Carrosserie.
L'art appliqué au travail des tissus. —Étoffes tissées pour le vête-
ment et l'ameublement : Décor par chaînes et par trames, — Damas. —
Velours. — Décor par impression. — Broderie. — Dentelles. — Tapisserie
de haute et basse lisse. — Tapis.
L'art appliqué au décor du papier. — Papiers peints : Décoration du
livre. — Caractères. — Gravures sur bois et sur cuivre. — Enluminure. —
Applications de la Photographie. — Reliure. — Décor du cuir.
Histoire du Travail {Cours fondé par la ville de Paris) (les
lundis et jeudis, à huit heures du soir). — M. G. Renard,
professeur. — Le cours ouvrira le lundi 3 novembre.
Sociétés primitives et antiquité. — L'économie domestique. — Orga-
nisation du travail fondée sur la famille et l'esclavage. — Production des-
tinée aux gens de la maison.
Assurance et prévoyance sociales {Cours subventionné par
la Chambre de Commerce de Paris) (les mercredis et
samedis, à huit heures du soir). — M. L. Mabilleau, profes-
seur. — Le cours ouvrira le mercredi 5 novembre.
L^ÉPARGNE : SES EMPLOIS ET SON RÔLE SOCIAL. — I. L'épargne simple. —
Les caisses d'épargne. — Leur régime dans les différents pays d'Europe et
d'Amérique. L'emploi des fonds.
II. L'épargne et le crédit. — Le crédit populaire et mutuel. — Rôle des
institutions d'épargne dans le crédit urbain et le crédit agricole.
III. Utilisation de l'épargne par les formes supérieures de la prévoyance.
Évolution de ces formes.
Droit commercial (les mercredis, à neuf heures un quart du
soir). — M. £. Alglavb, charge de cours. — Le cours ouvrira
le mercredi 5 novembre.
Les payements commerciaux. — Monnaies diverses. — Lettre de change.
— Billet à ordre. — Chèque. — Titres au porteur. — Historique et législa-
tion de la lettre de change. — Moyens de payement et moyens de crédit. —
Clearing-house. — Comparaison avec le droit civil.
Économie sociale (les samedis, à neuf heures un quart du
soir). -— M. P. Bëauregard, chargé de cours. — Le cours
ouvrira le samedi 8 novembre.
219. PROGRAMME DES COURS POUR L*ANNÉE J902-jgo3.
L'Assistance publique. — Son organisation el son fonctionnement en
France. — Assistance communale. — Assistance départementale. — Assis-
tance par l'État.
Le salaire et le contrat de travail. — Conditions essentielles du contrat.
— Clauses ordinaires. — L'apprentissage. ~~ Les syndicats professionnels.
— Les grèves.
RECHERCHES
SUR LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES
ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES,
Par le Colouel A. LÂUSSEDAT.
CHAPITRE IV {Suite).
MÉTHODES £T INSTRUMENTS
INNOVATIONS PRINCIPALES PROPOSÉES
LA SÏÉRÉOSCOPIE APPLIQUÉE A LA CONSTRUCTION
DES PLANS.
Considérations préliminaires, — Nous avons fait pressentir^
dès le début de ce Chapitre, au paragraphe XV, que les
vues siéréoseopiques pourraient faciliter souvent le travail du
phototopographe, en lui permellant de se mieux rendre compte
des formes du terrain, quelquefois difficiles à bien saisir sur
une vue isolée ou sur deux vues prises de stations trop éloi-
gnées Tune de l'autre. Nous n'avions pas été seul à nous en
aviser et nous n'avons même pas tardé, depuis lors, à
apprendre que, de divers côtés, le problème de la construction
immédiale des plans nivelés par la sléréoscopie avait été
abordé et résolu, au moins théoriquement, d'une manière, on
pourrait dire de plusieurs manières satisfaisantes (^).
(») Au premier abord, en se référant aux principes très justifiés de la
méthode des intersections, on serait, peu disposé à admettre que Ton
puisse parvenir, avec de petites bases, à déterminer exactement des
3« Série, t. IV. i5
a^l
A. LAUSSEDAT.
Il y aurait même dès à présent tout un livre à faire sur ce
sujet, que nous (levons traiter avec quelque détail, mais pas
aussi complètement que nous l'eussions souhaité, faute de
temps et de place. D'ailleurs la question est encore à Télude
et nous chercherons surtout à donner une idée aussi nette
que possible de Tétat dans lequel elle se trouve, avec Tespoir
que les renseignements contenus dans les pa<^es suivantes
engageront le lecteur à remonter aux sources qui y sont indi-
quées et peut-être à contribuer lui-même au succès d'une
méthode plus délicate que celle à laquelle nous avions du
nous arrêter, mais dont^ après tout, si elle réussit, elle aura
tiré son origine.
XXXV. — Principe du stéréoscope.
Stéréoscope à miroirs, — Le stéréoscope a été imaginé
par le célèbre physicien anglais Wheatstone en i832, c'esl-
Fig. 87.
/V
/^' \
Stéréoscope de Wheatstone.
à-dire plusieurs années avant la publication de la découverte
de Niepce et de Daguerre. Il était surtout destiné à mettre en
points relativement éloignés. Mais rextréme délicatesse des images photo-
graphiques d'une part, et leur précision géométrique de plus en plus
grande, d'autre part, ont cependant permis de modifier cette méthode en
la rapprochant de celle des parallaxes dont les astronomes sont bien obli-
gés de se contenter depuis longtemps.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRÂPIIfQUES. 225
évidence les propriétés de la vision binoculaire et les deux
images planes conjuguées qui servaient aux expériences
n'étaient d'abord que des figures géométriques composées de
lignes droites dont la séparation et l'orientation dans l'espace
produisaient déjà des effets de relief saisissants. Le premier
modèle de stéréoscope de Wheatstone est représenté par la
figure 87.
il se compose de deux miroirs (*) ab^ a' b' formant un angle
dièdre de 90*^ et de deux planchettes cd, c cl' disposées latéra-
lement à la même distance du plan bissecteur (distance
correspondant à celle de la vue distincte), contre lesquelles
on applique les dessins. En plaçant les yeux en o et en o' chacun
d'eux voit le dessin correspondant 1 ou F en 1" où les deux
images se superposent; mais comme elles sont symétriques
des originaux, pour obtenir l'effet de la vision directe, il faut
que ceux-ci aient été exécutés en sens inverse.
Stéréoscope à réfraction, — Brewster ne larda pas à
améliorer l'instrument de Wheatstone en indiquant la con-
struction suivante généralement adoptée, à quelques modifi-
cations près introduites successivement par l'artiste français
Duboscq, puis par d'autres savants ou artistes de divers
pays (*).
Le stéréoscope de Brewster {fig. 88) est une boîte en bois
de forme évasée comparable à un tronc de pyramide quadran-
gulaire. Au fond de cette boîte sont placés les deux dessins
disposés à côté l'un de l'aulre et éclairés par l'ouverture d'un
volet V. Deux demi-lentilles égales p et/?' convenablement
équarries ("*), placées symétriquement à la partie supérieure
de la boîte {fig. 88 et 89), servent à regarder les deux images
(*) Métalliques ou argentés en dessus pour éviter les doubles images.
(2) Foi/' pour ces ni odi fi cation s et la description de divers modèles de
stéréoscope IMnlcressante brochure de M. F. Diouin intitulée : Le stéréo-
scope et la photographie stéréoscopigue. Paris, Charles Mendel, édi-
teur, 1894.
(^) Remplacées depuis par des lentilles entières dont les axes optiques
n'ont pas besoin de converger, surtout quand l'inslrument est destiné à
examiner des photographies de paysages qui donnent ainsi des edels plus
naturels.
:)26
A. LAUSSEDAT.
à la fois, et, pour éviler la confusion, une cloison mnïsole les
images donl chacune ne peut être vue que par Tun des deux
yeux.
. La hauteur de la boîte ou plutôt la distance des centres
optiques des objectifs aux dessins est ordinairement de o", i5-,
mais les images sont transportées virtuellement à la distance
de la vue distincte en même temps qu'elles sont projetées
Tune sur Tauire par TefTel de la réfraciion sur les bords
88.
Fi g. 89.
Stéréoscope Brewsler.
inclinés des demi-lentilles qui agissent comme deux prismes
accolés par leurs arêtes.
On introduit les deux dessins convenablement juxtaposés
par une fente / pratiquée au bas du stéréoscope et on les
éclaire en ouvrant le volet V dont la surface intérieure est
recouverte d*une feuille d'étain pour servir de réflecteur.
Enfin, dans le cas où lés dessins sont tracés sur une sub-
stance transparente (papier huilé, celluloïd, pellicule, verre),
on a remplacé le fond de la boîte par une glace dépolie qui
permet de diriger Tappareil vers le jour ou vers une lumière
artificielle et d'éclairer les images aussi vivement qu'on le
désire.
XXX V^l. — Propriétés de la projection stéréoscopique»
Images dessinées et images photographiées. — Puisque
la Sléréoscopie a précédé la Photographie, les premières
LES INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIllQUKS. 27.7
expériences ont naturellement été faites, comme nous Tavons
supposé jusqu'à présent, à l'aide de dessins géométriques ou
obtenus par d'ingénieux procédés mécaniques (*). On a
encore récemment fait usage de figures dessinées expressé-
ment pour éprouver l'aptitude à la vision binoculaire des
personnes appelées à Tuiillser.
Nous tâcherons de profiter nous-mêmes du moyen indiqué
à cet effet par M. le D' Pulfrich d'iéna, à propos de Tapplica-
tion du téléstéréoscope de Helmhollz à la léléméirie, mais
nous devons auparavant indiquer quelques-unes des pro-
priétés fondamenlales de la projeciion siéréoscopique.
Soient o eto' {Jig. 90) les yeux de l'observateur, Tel T' deux
tableaux situés dans un même plan vertical parallèle à la ligne
des yeux supposée horizontale, H H' la ligne d'horizon, la
Fig. 90.
même sur les deux tableaux, et A un point d'un objet rappro-
ché situé dans le plan de l'horizon; enfin a et a' les images
de ce point sur chacun des deux tableaux qui correspondent
aux points de vue o et o'.
L'écart a a' de ces images sera facile h calculer si l'on
connaît l'intervalle 00' des yeux, la distance des points de
vue aux tableaux et la distance du point A au plan de ces
tableaux ou de ce point à la ligne des yeux.
Si l'on considère un autre point B situé au-dessus ou au-
dessous du plan de l'horizon, il est évident que ses deux
(*) Oïl peut citer entre autres les images stérc^oscopiques tracées par
l'appareil de Tisley, dit harmonographe (Tisley et G'* de Londres), dont
un modèle existe au Conservatoire des Arts et Métiers, depuis TExposition
Universelle de 1878.
228
A. LAUSSEDAT.
images b el b* sont siluées sur une parallèle à oo' ei par
conséquent à la ligne d*horizon.
On démontre encore aisément que si le point A se déplace
en restant dans un plan parallèle à celui des tableaux, Técart
des deux images est toujours égal h^aa' (*).
Cela étant, considérons {fig- 91) un point A situé à une
certaine dislance en avant de la ligne des yeux oo\ Soient
Fig. 91.
T et T' les traces des deux tableaux interposés sur le plan
d'horizon pris pour plan de projection. Joignons le point
considéré ou, s'il n'est pas dans le plan d'horizon, sa projec-
(*) La démonstration analytique de ces propriétés et d'autres encore
de la projection stéréographique se trouvent dans V Optique physiolo-
gique de Helmholtz, traduite par Émilo Javalet M. Tli^. Klein. Paris, Victor
Masson et fils, 1867, p. 842 et suivantes.
LES INSTRUMENTS, LIilS MKTIIODKS ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 1ig
lion (A) aux points o et o', les intersections a et a' des droites
oA et o'A avec les deux tableaux déierminenl l'écart des
images du point A.
Soient I) la distance du point A ou de sa projection à la ligne
des yeux, d la distance des yeux aux tableaux (la hauteur du
stéréoscope ordinaire), e Tintervalle o o' égal à la dislance des
axes parallèles des yeux, de o™,o6 à o^^o;, enfin e l'écart aa'
des deux images; on aura :
D \) — d ^, , \)-d
y d OU t = e
e t J)
En tenant connpte du grossissement des lentilles du stéréo-
scope, rf devient égale à la distance de la vue distincte, de
o»",25 à o™,3o, c'est-à-dire que, dans tous les cas, c'est une
très petite quantité par rapport aux dislances (D) des objets
extérieurs que Ton a à considérer. — - — diffère donc très peu
de Tunité, et la parallaxe linéaire e — e est elle-même toujours
très petite et devient insensible pour les objets très éloignés.
La distance à laquelle la sensation du relief ou de la pro-
fondeur relative des différents objets cesse d'être perceptible
avec la vision binoculaire correspond, d'après de nombreuses
expériences, à une parallaxe angulaire oX' o' de 3o secondes
sexagésimales, pour une vue normale. En supposante égale
à o"*, o65, il en résulte que. les objets situés au delà de 4^0™
se confondent avec le fond du tableau (*).
Pour des yeux dont l'intervalle optique n'est que de o'",o6
et si l'acuité de la perception correspond seulement à une
parallaxe de i' comme plusieurs anciens expérimentateurs,
Helmholtz en tête, l'admettaient en général, cette distance
au delà de laquelle la sensation du relief s'évanouit, dépas-
serait à peine 200™.
Les personnes jeunes, douées d'une excellente vue, et, en
(*) Gomme il s'agit de 1res petits angles qui peuvent être pris
pour leurs tangentes, on peut écrire (Voir /ig. 91) e = /• x 3o" et
comme i" = ,. ^r et e = o^.oôo, /• = — 5 x 206266 = 44^", 90, soit
en nombre rond 45o"».
23o A. LAUSSEDÀT. \
particulier, celles dont les deux yeux ont le même degré de
sensibilité, arrivent toutefois à accroître, de beaucoup celte
portée çt, pour quelques-unes, des parallaxes de lo" et même
moindres permelient encore d'apprécier des différences de
profondeur jusqu'à 1200™ à 1500*" de distance et plus.
Ces personnes sont les mieux qualifiées, non senlemeni
pour emplo)^er le télémètre stéréoscopique dont nous
parlons un peu plus loin, mais pour tracer les courbes de
niveau par la méthode métropholographique ordinaire en
s^aidant de vues stéréoscopiques qui leur font sentir les
formes du terrain.
Dès qu'à la suite des perfectionnements de l'objectif pholo-
graphique» on put compter sur des images correctes de
paysages, on songea à accoupler deux chambres noires pour
prendre des vues simultanées du même sUe qui, placées dans
le stéréoscope, y produisirent aussitôt des effeis de relief
encore bien plus expressifs que ceux que Ton avait obtenus
avec les figures géométriques les mieux dessinées (^).
Les modèles nombreux de jumelles photographiques si
répandues aujourd'hui peuvent tous être utilisés pour aider
(*) C'est le cas de rappeler que les images obtenues à l'aide d'une
jumelle photographique ont besoin d'être inversées, c'est-à-dire que celle
de droite dans la jumelle doit être placée à gauche dans le stéréoscope et
celle de gauche placée à droite.
Nous profiterons de l'occasion pour rappeler aussi qu'en laissant à ces
images leurs positions sur les clichés sortant dC la jumelle et en les
regardant sans instrument, mais en usant du strabisme artificiel, pouf
les dédoubler et superposer les deux images médianes, on produit l'effet
stéréoscopique exact.
Enfin en prenant, au contraire, les épreuves préparées pour être vues
dans le stéréoscope, c'est-à-dire après leur inversion, mais en les regar-
dant sans l'instrument et en usant encore du strabisme artificiel, on
amène en avant les objets situés en arrière, c'est-à-dire que l'on renverse
l'effet du relief comme Whealstone le faisait au moyen de Tappareil elle
plus loin dans le texte sous le nom de pseudoscope.
Cette faculté de faire converger à volonté les axes optiques de nos deux
yeux peut être utilisée, quand on Ta suffisamment exercée, pour provo-
quer d'intéressants phénomènes de vision binoculaire et pour mieux se
rendre compte, en particulier, des effets stéréoscopiques.
On peut ainsi, par exemple, arriver à toucher du doigt les points
amenés en coïncidence dans l'espace et effectuer de véritables mesures
sur les reliefs virtuels d'objets dont on a combiné optiquement les deux
imui^res.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTUODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 7.3l
les opérateurs dans les travaux de métrophotographie, et,
parmi eux, il en est un, le vérascope de M. Jules Richard,
qui doit être signalé tout particulièrement parce qu'il réalise
rigoureusement l'idée de Brewster qui conseillait de regarder
les images avec des lentilles de même puissance optique que
les objectifs des jumelles.
XXXVJI. — - Effets stéréoscopiqiies intentionnellement
exagérés.
Insuffisance de la distante des yeuùc comme hase géomé-
trique. -— Mais on a voulu aller plus loin, et, en se préoc-
cupant moins de la vérité de l'impression physiologique, on a
cherché à accroître Teffet du relief, d'abord pour reculer la
limite de la perception de la profondeur et suriout afin
de pouvoir effectuer sur les nouvelles images stéréosco-
piques des mesures que les très faibles parallaxes corres-
pondant à la distance des yeux prise pour base interdisaient
autrement.
Nous ne saurions mieux faire, pour préciser l'origine d'une
innovation qui a déjà eu et qui promet d'avoir des consé-
quences considérables, que de citer le passage suivant du
grand Ouvrage de Helmhoitz (*).
<( Aussi, d'après la proposition de Brewster, se sert-on
généralement aujourd'hui de chambres noires jumelles qui
fonctionnent simultanément sur deux parties difïérenles de la
même plaque. Les centres des deux objectifs ont la même
distance que les yeux de l'homme ou une dislance un peu
plus grande, de o'",o7 à 0^,075; la chambre noire elle-même
présente donc l'aspect d'un stéréoscope renversé. Ces instru-
ments sont très convenables pour photographier les objets
voisins et reproduisent ce que verrait un observateur immo-
bile en se mettant à la place de l'appareil. Ils présentent sur-
tout cet avantage que, par un beau soleil, l'exposition inslan-
(') Optique physiologique, traduction française de Javal et Klein,
p. 869 et suivantes.
23? A. LÂUSSEDAT.
tanée de la plaque peut donner de bonnes images d*objels
mobiles, d*hommes, d^animaux, de vaisseaux et même les
images magnifiques d*une mer agilée.
» Mais ils ne suffisent pas pour des paysages qui présentent
des lointains, parce que la distance des points de vue est trop
petite pour donner des diiïérences sufOsantes; aussi les parties
éloignées d'un paysage demeurent-elles ordinairement tout à
fait planes.
» Pour des cas de ce genre, il vaut mieux obtenir une sorte
d'effet téléstéréoscopique, en prenant deux épreuves à partir
de points éloignés. »
« C'est ainsi, ajoute-t-il, que parmi les excellentes épreuves
de paysages de Braun (de Dornach), j'ai trouvé des vues du
Wetterhorn prises de deux points différents de Grindeiwald,
deux autres vues de la même montagne prises de deux points
différents de Bachalp, de même deux vues de la Jungfrau
prises de Murren; on obtient un modèle excellent de la forme
montagneuse^ si l'on sépare les images de chaque paire et
qu'on les associe deux à deux, de manière à obtenir la com-
binaison d'épreuves prises de points assez éloignés. Au lieu
de reconnaître la forme des montagnes aussi mal qu'un obser-
vateur immobile, on la distingue alors bien mieux, comme un
observateur qui se déplacerait et comparerait les aspects
successifs que la montagne lui aurait présentés. »
Dans un autre endroit, Helmhoitz avait insisté sur ce fait
qu'une telle comparaison est bien plus incertaine lorsqu'elle
se fait de mémoire que quand elle a pour objet deux sensa-
tions instantanées. Il en concluait naturellement que des
photographies d'une montagne prises de deux points de vue
convenablement espacés et mises en présence l'une de l'autre
donneraient une idée bien plus précise de la forme de cette
montagne que le souvenir des aspects perçus successivemenl
et faisait en quelque sorte pressentir ce qu'il appelle Xeffet
téléstéréoscopique. Jl a d'ailleurs réalisé lui-même cet effet,
en élargissant, modérément toutefois, la distance des deux
points de vue à l'aide de l'instrument qu'il a désigné pré-
cisément sous le nom de télés ter éoscope.
LES INSTRUMENTS, LES IIETHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 233
XXXVIII. — Tëlésteréoscope, ses analogues et ses dérivés.
Téléstéréoscope de Helmholtz. — Les condilions de la
vision binoculaire peuvent êlre facilement altérées par l'inter-
position, entre les )^eux et les objets, de miroirs plans qui modi-
fient les trajets des rayons lumineux et par suite les directions
des rayons visuels. C'est ainsi que Whealslone renversait tota-
lement le relief stéréoscopique en plaçant devant chaque œil
un prisme rectangulaire avec ses arêtes perpendiculaires au
plan de visée et dont les hypoténuses de o",oi5 de côté
environ disposées sensiblement en face Tune de l'autre for-
maient miroirs et produisaient la superposition des images
entrecroisées, ce qui donnait un effet inverse du relief naturel.
Cet appareil est connu sous le nom de pseudoscope^ et un
autre expérimentateur, le J)' Javal, a montré que l'on pouvait
même, toujours à l'aide de miroirs convenablement placés
sur le trajet des rayons lumineux, faire disparaître le relief des
objets les plus espacés en profondeur et ramener toutes les
images de ces objets à prendre l'aspect d'une peinture plane.
Ce dernier appareil, désigné sous le nom diconoscope, est
composé de quatre miroirs plans disposés à l'inverse de ceux
du téléstéréoscope de Helmhoitz représenté {/ig- 9^) et
qui est, en effet, destiné, au contraire, à exagérer le relief, en
écartant pour ainsi dire l'un de l'autre les yeux de l'obser-
vateur :
Les deux grands miroirs MM, MM' sont disposés à angle
droii, l'un par rapport à l'autre, dans une boîte ouverte par
devant, qui renferme en outre les deux petits miroirs m et/w',
respectivement parallèles aux premiers et leur faisant face.
La cloison de la boîte a deux ouvertures par où les yeux
o et o' peuvent regarder les images des objets éloignés vers
lesquels l'instrument est dirigé. Les rayons lumineux partant,
par exemple, d'un point a très éloigné, se réfléchissent d'abord
en b et en 6' sur les deux grands miroirs, puis en c et en c'
sur les deux petits et sont reçus par les yeux o et o'.
La parallaxe produite par cette modification du trajet des
234
A. LAUSSEDAT.
rayons lumineux est celle qui existerait pour deux yeux placés
en Oi et en O'j, et, si Ton examine un paysage dans cet instru-
ment, l'œil le voit comme s'il était en Oi, et l'œil 0' comme
Fig. 92.
Télcsléréoscope de Helmlioltz.
s'il était en 0',. En un mot, la base d'observations est ampli-
fiée dans le rapport de Oi O'i à 00' ( ' ).
(( Il se produit, dit Helmholiz, quelque chose d'analogue au
téléstéréoscope lors de Vexamen de la plupart des photogra-
phies stéréoscopiques de paysages, parce qu'en général, en
prenant la photographie, on a donné aux deux points de vue
une distance bien plus grande que celle des deux yeux (-). »
Stéréoscope de Cazes, — L'illustre physicien ne paraît
pas toutefois avoir songé à se servir de son ingénieux instru-
ment pour regarder, comme dans un stéréoscope, les images
prises de points de vue assez distants l'un de l'autre.
Un sagace expérimentateur, M. L. Cazes, s'en est avisé et
a réalisé un appareil dont la disposition générale est la même
r* * ■ ■ .^ — — i-.i I ■■ !■ I II ■■ Il ■ ■ ■ Il ^
(^) Si l'on imagine un appareil entièrement analogue, mais réduit à des
proportions telles qu'en le retournant les yeux puissent se placer en a et
en a', les rayons lumineux venus des objets éloignés qui tomberaient
d'abord sur les deux petits miroirs, se rapprocheraient en continuant leur
route, au point de presque se confondre. On aurait V iconoscope de Javal.
(^) Optique physiologique, p. 822.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTifODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. l35
que celle du léléstéréoscope avec celte unique particularité
que les positions relatives des miroirs et celles des photogra-
phies sont réglables (*).
A cet effet, les deux petits miroirs mm' {fig, 98) étant
fixés sur les branches d'une sorte d'équerre ACB, les grands
miroirs MM, M'M' peuvent glisser sur ces branches et y être
arrêtés à une distance convenable, la même des deux côtés,
Fig. 93.
en se guidant sur les graduations qui y sont tracées et dont
les zéros correspondent aux petits miroirs.
Les épreuves XY, X' Y', prises aux deux stations, sont dis-
posées dans un même plan perpendiculaire au plan bissec-
teur de Tangle droit de Téquerre, à un intervalle qui dépend
surtout du format de ces épreuves.
Le déplacement des grands miroirs entraîne, comme il est
aisé de le voir, un déplacement latéral des images virtuelles,
par rapport aiix épreuves elles-mêmes, qui, pour chacune,
est égal à l'intervalle des miroirs parallèles multiplié par \fiy
ce dont il est tenu compte sur la graduation en parties égales
dont chaque division vaut i*''",4i.
(•) Voyez à ce sujet: L. Gazes, Stéréosc^pie de précision. Théorie et
pratique. Paris, Librairie Michelet, Ph. Pellin, éditeur, 21, rue de l'Odéon,
1895.
236 A. LAUSSEDAT.
Le rapprochement des images peut être réglé de façon
que chacun des yeux de Tobservateurqui les voit séparémeni
se trouve dans les mêmes conditions qu'avec le stéréoscope
de Wheatstone, en y joignant celle circonstance favorable
que les deux réflexions successives redressent ces images.
Si les épreuves supposées du format i3 x i8 ont éié obte-
nues en dirigeant le plus grand côté horizontalement (on peut
aussi les obtenir avec ce côté vertical), en les juxtaposant,
la distance de leurs points principaux sera au moins de csiS;
admettons que celle distance soit de o»",i9. Pour que les
points principaux soient ramenés à Técarlemeni des yeux,
de o°',o65 en moyenne, il faudra les rapprocher de
o'"^ 1 9 — o™, o65 = o™, o 1 25,
ce qui se fera par moilié, au moyen des deux couples de mi-
rolrs, les grands étant placés sur la division — '■^— z=z 6,25.
2
Les épreuves sont elles-mêmes portées par un support
mobile {Jî^- 94) le long d'une lige reliée à Téquerre qui per-
met de les éloigner ou de les rapprocher des yeux; il convient
d'en régler la position de façon que les images virtuelles
soient reportées à une dislance égale à la distance focale de
l'objectif (si Ton emploie deux chambres noires, leurs objec-
tifs doivent avoir la même distance focale). Supposons
que cette distance soit de o™,2o, on placera les épreuves
à o'",2o — o™,o625 ou o"*, 1875 des yeux, car le stéréoscope
dont il s'agit ne fait pas que déplacer latéralement les images,
il les éloigne de la même quantité, c'est-à-dire deo",o625
dans le cas actuel.
Il reste enfin à examiner ces images avec des verres
(besicles) appropriés d'une part à la vue de l'observateur, et
de l'autre à la condition de produire le relief le plus exact, le
plus parfait possible.
Nous ne pourrions pas entrer ici dans toutes les explica-
tions que donne M. Gazes pour préciser les conditions dans
lesquelles doivent être prises les épreuves et celles que doit
s'imposer l'observateur . pour produire le relief exacL
Nous renvoyons le lecteur à l'excellent Mémoire de cet
I,K8 INSTRUMENTS, LRS MÉTHODE!) ET LK DESSIN TOPOGItAPIIIQUES. a37
auieur(')et nous nous bornerons à dire que tes épreuves
prises successivemetil aux deux stations, plus ou moins éloi-
tfnées l'une de l'autre, doivent être situées dans des plans
verticaux parallèles entre eux et à la direction de la base et,
autant que possible, au même niveau (').
Nous donnons (fig. i)'}) une vue du stéréoscope à miroirs
Stéréoscope de Cuzcs.
de M. Cazes, construit par l'hnbile opticien M. Ph. Pellin, et
nous reproduisons {PL Mfl) deux vues photographiques prises
('} Le Cliapllre essentiel iIq ce Mùiiioiro coiitietil mie olintu Jii pliéiin-
mciie lie l'accommoda lion ilc la vision combina avec celui de la convergence
lies axes optiques des veux do l'observateur qui sort à déterminer /?
premier plan de front du aujet dont la distance est liée à celte qui
sépare les deux stations. Il cite, comme exemples, des bases de iio" sur
lesi|uelles il a opéré, le premier plan étant à &', et il ajoute : « La recon-
stitution ne laisse rien à désirer au douhie point de vue de l'exactitude
géométrique et de l'Illusion ; le relief ^'impose infiniment plus qu'en pré-
sence de la nature. »
(') M. Cazes parait même disposé à exiger que cette dernière condition
soit remplie, ce qui, dans certains cas, pourrait rendre la métliode plus
difllcllemenl praticable.
'238 A. LAVSSEDAT.
aux extrémllés d'une base de 20"*, 62 avec un objeelif
de o°\ 1962 de dislance focale, qui, disposées sur le plateau-
support T du stéréoscope, à la distance indiquée ci-dessus,
les miroirs étant eux-mêmes réglés d'après l'intervalle néces-
saire entre les deux épreuves, produisent un effet de relief
vraiment surprenanl.
L'impression qui en résulte permettrait déjà à un opérateur
exercé de s'en inspirer très utilement pour interpréter graphi-
quement les formes du terrain, mais M. Gazes a voulu faire
davantage, parvenir à exécuter le plan de tous les accidents
lopographiques visibles à la fois sur les deux photographies
et y tracer les courbes de niveau par un procédé optique et
mécanique sur lequel nous reviendrons par la suite en indi-
quant les méthodes analogues imaginées par d'autres savants.
XXXIX. — Téléstéréoscope et ses dérivés (suite).
Télémètre stéréoscopique. — L'appareil désigné sous ce
nom, conçu, comme nous l'avons dit au Paragraphe XV, en
1893, par feu l'ingénieur Hector de Grousilliers, deCharlotlen-
burg, ei réalisé dans ces dernières années par la maison Zeiss,
d'iéna, présente une disposition tout à fait analogue à celle
du lélésléréoscope. Il agrandit comme lui la base de la vision
binoculaire, mais l'effet stéréoscopique y est encore rendu
beaucoup plus sensible par le grossissement des images. Sur
le trajet des rayons lumineux se trouvent installées, eii
effet, deux lunettes deux fois coudées {fig- 95) dans les-
quelles les miroirs plans du téléstéréoscope sont remplacés
par des prismes à réflexion totale (comme dans la longue-vue
de Porro).
D'un autre côté, au foyer de chacune de ces lunettes sont
placées, au lieu de réticules, des plaques de verre sur les-
quelles sont gravées des séries de repères chiffrés disposés en
ligne droite ou sur des lignes brisées dont l'ensemble est des-
tiné à former des échelles de distances aériennes en prof on-
deur. C'est pour faire comprendre le rôle de ces échelles
qu'ont été publiées les deux vues stéréoscopiques dont il est
MENTS, LES lIliTHODIiS Kt I.E IIKSSIX TOPOGHAPHIQUKS. aSg
question au paragraphe XV de ce Chapitre IV el qui sont
reproduises sur la planche I.
En même temps que les perspectives du pajsafie formées
aux Toyers des deux lunettes sont vues sléréoscopiquement
par l'observateur, les repères se présentent eux-mêmes
comme des objets aériens dislribués sysiémaliquemenl en
3- Séiie. I. /!'. i(i
lîles i|ui s'éloignent et planeni au-dessus du sol. En inclinant
légèrement l'appareil dans un sens ou dans l'autre, on amène
celte sorie d'échelle sur le point dont on veut connaître la
distance, laquelle se trouve précisément exprimée par le
chiffre de la division qui l'alteini, ou bien estimée avec une
approximation sufflsoiite quand le point considéré tombe entre
deux divisions.
Les objectiTs du télémètre sont fixés invariablement à la
monture. Les oculaires, au contraire, peuvent être déplacés
pour se prêter à l'écartement des yeux, entre les limiles de
58""" à 72"°'. Ils sont d'ailleurs, comme dans toutes les
lunettes, susceptibles d'être mis au point, séparément même,
pour les observateurs dont les yeux ne sonl pas égaux.
Nous avons déjà dit que le I)' Pulfrich, qui a dirigé la con-
struction de ce télémètre ('), appelait effet du relief total \v:
E
produit G X - du grossissement des luneites par le rapport
de l'écartement des objeciifs à l'écarlement des oculaires ou
des yeux de l'observateur.
Il existe trois modèles du lélémètre siéréoscopique dans
lesquels l'écartement des objectifs est de 5i'" pour le pre-
mier, 87'"' pour le second et t4j™ pour le plus grand, avec
des grossissements correspotidants de 8, i4 et 33 Tois, ce qui
donne pour lesefTets du relier total 63, 188 et 5 10. Cela signifie
que, tandis qu'à la vue simple les elTets du relief ne se font
plus sentir, eu général, au delà de 4^0'°, avec le premier
modèle le cliamp de la vision stéréosco pique pourraits'éiendre
à 63 X 450" ou à ?8*", avec le second modèle à 84'"°, enfin
avec le troisième à 218'™; ce qui ne veut pas dire d'ailleurs
que l'on puisse avoir la prétention de Caire des évaluations à
de pareilles dislances, même si l'on y découvrait le terrain.
Echelle des largeurs et des hauteurs ou de front. — Les
[ ') Voir la Notice sur le télémètre sléréoicopique. Cominuiiicalion pré-
pentée i la .Xaïai/orKheraammliing à Muiili'li, t« lo sK|jteiiil>re iB8i|,
par le D' PuKricli Jléria. 8. Hirzel, éditeur, Leipzig: eL le pro*ptctua de
.\otrt lèléniéire tléréiaropigiie, lie Cari Zeias. opiisclie Werkslntle,
LES INSTHUMKNTS, LES BIÉTIIODKS KT LE DESSIN TOPOGRAPHIQUKS. '24 1
champs angulaires des luneties de ces trois modèles sont
respectivement de a** 54' (a'», 9'), 2* et i"; nous n'examine-
rons que le premier modèle^ le plus portatif et le plus
employé (*).
Chacune des pInqOes focales sur lesquelles sont tracés
les repères (yîg*. 96), porte en outre une échelle divisée en
vingt parties égales, destinée à évaluer les largeurs et les hau-
rig. 96.
G • 10 • 20
I j 1 1 1 1 1— I 1— H 1 [• — I 1 1 1 1 1 1 1 1 1 »
&0 (Kil) (Kil.)
(hect) ^^ 6^8
^ 3 SSoT ^ f f
^ ^ ^ 1 «
leurs des édifices ou des objets (lignes de tenies, lignes de
troupes, etc.) qui se présenteraient de front. L'étendue embras-
sée par le diamètre du champ de 2°, 9' (soit ^V» ^^^ substituant la
tangente à Tare) sur un plan de front qui serait silué à looc""
serait de ^o" et, en général, de — pour une distance quel-
conque D. L'échelle des parties égales est tracée de façon que
Tune de ses divisions corresponde à — r afin que l'inier-
valle intercepté de front à 1000'" soit de i" et par conséquent
de à la distance D. Celle échelle el celle des profondeurs
1000
dont il nous resie à expliquer la conslruclion sont exéculées
en grand et réduites par la photographie sur les plaques focales
où elles sont gravées chimiquement.
(*) Le poids de ce modèle est de 3''s environ; il peut à la rigueur être
manœuvré à la main. Le poids du second est de 8''« et celui du troisième
lie i3»'«,5; oes «ieriiiers entraînent inévitablement l'emploi d'un trépied.
21'/
A. LAISSEDAT.
Échelle des profondeurs. Calcul des parallaxes. — Sup-
posons le télémèlre dirigé vers un poinl A indéfiniment
éloigné (y/g*. 97), les images de ce point se faisant aux foyers
des deux lunettes en a et en a' ; si Ton considère un autre poinl
A' suffisamment rapproché et que son image dans la lunette
de gauche se fasse encore en â, celle qui se fait dans la lunette
*^'»g- 97-
(A A')
0;
--e-
A'I
IVI'
Schéma de la marche de$$ rayons lumineux
dans le télémètre stéréoscopique.
de droite se trouvera déplacée en a'\ et c'est cette parallaxe
a'a" qu'il s'agit de calculer. Or, si Ton imagine Taxe du
faisceau des rayons lumineux redressé en ligne droite^ depuis
le centre optique 0' jusqu'en a", et ramené de a" en OJ, à la
rencontre de o'à prolongé, on formera un triangle û*' a' 0{
semblable à OO'A'; en désignant donc par E Técartement
des objectifs, par 1) la distance du point A' à l'instrument et
par /la distance focale reconstituée de Tobjectif a"Oi, on a:
(I)
a' a"
f
E
1)
d'où
a' a" =
■■ «
i)
Les positions des repères sur les lignes légèremeiu inclinées
Ï.ES INSTIlUMIîNTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGIIAPHIQUES. 243
que Ton voit sur la figure {fig* 96) peuvent être déierminées
graphiquement, et alors il suffit de marquer avec soin les
extrémités de chacune de ces lignes, c'est-à-dire les deux
repères limites, les intermédiaires s'y insérant ensuite facile-
ment (*).
(*) Nous supposons que les repères de la figure 96 ont été ainsi tracés
et cela nous donne l'occasion de rappeler le procède graphique très simple
que Ton emploie généralement pour diviser en parties égales une ligne
droite donnée en perspective, ce problème pouvant avoir d'assez fréquentes
applications en Métrophotographie.
Soient MN le plan du tableau (fig. 98), le point de vue et AG une
droite qui rencontre le tableau en E; par le point de vue menons la
Fig. 98.
parallèle OF à AG, le point F sera le point de fuite de la perspective do la
droite AG et EF sera cette perspective; par le point F, menons une
droite FD dans une direction qui peut être quelconque, mais que nous
choisirons parallèle à la ligne d'horizon et portons de F en D une longueur
égale à OF; sur la droite AG prenons un point B et joignons-le au point
de vue, OB rencontrera le Tableau en b sur EF; enfin menons par le point
E une parallèle Kl à FD et joignons D6 qui, prolongée, rencontrera El en b\
Les triangles semblaldes FOf), ^BE donnent la proportion
OF _ F^
BE "" 6K'
et les triangles FD6 et 66'E également semblables donnent
F6 _ FD
b^ " ô'E'
xl'où Ton conclut, par comparaison avec la proportion précéJcnte,
OF _ FD
bu: "^ 6'E'
Mais FD = OF par construction ; donc BE = 6'E.
Les lonj^Mieurs Ec', E6', etc. portées sur la droite El, à partir du, point B,
Mi A. LAISSEDAT.
XL. — Tétéstéréoscope et les dérivés (suite).
Degré de précision des mesures de distances stëréosco-
piques. — Si Ton désigne par a Li parallaxe linéaire a' a"^ en
dilTéreniianl Texpression (i) de la page 242
E/*
(i) aV ou ^ = "ïf
dans laquelle £ et /sont conslanls, on trouve
rfl) = </a = — zr-j. da ;
a hf
da, c'est-à-dire Tincertitude sur la valeur de la parallaxe
sont donc égales à celles que Ton mesurerait sur la droite AG, à partir
de ce même point et en s'éloignant du plan du tableau. 11 est aisé de
conclure de là que si l'on divise en parties égales un intervalle quelconque
pris sur £1, en joignant les points de division au point D, on aura surEP
une division correspondante qui sera la perspective de celle que Tun
aurait eiïectuée sur la droite AÔ elle-même.
La petite épure {fig. 9g) exécutée sur des tableaux d'un format réduit
avec l'écarteraent des yeux de o"»,o65 et la distance focale de go"" est
simplement destinée à donner une idée de la manière dont peuvent élrc
tracées les échelles aériennes.
Sur le tableau de gauche MN, les points E et F de rencontre et de fuite
de la droite sur laquelle doivent s'aligner les repères ont été pris un peu
arbitrairement mais de façon toutefois à placer convenablement Téchelle,
et la construction de cette échelle résulte immédiatement de l'explication
précédente.
Quant à l'échelle du tableau de droite M'N', elle a été déduite delà
première, en menant des parallèles à la ligne d'horizon par tous les points
de division et en prenant sur les deux extrêmes des longueurs calculée:»
d'après ia formule de la page 229
b — d
dans laquelle e= o"',o05 ei d = o^^oog (dislance focale des olijeclifs) et
en admettant que le point lo plus rapproche soit à 20"" et le plus éloigné
à 100"*. Les autres divisions 3,4»^ ^t 7 de celte échelle sont les inter-
sections de la droite 2 — 10 avec les parallèles venant des divisions cor-
respondantes de l'échelle du tableau MiN.
On conçoit d'ailleurs que, pour obtenir des échelles suffisamment précises,,
les épures doivent être exécutées en grand et les résultats réduits par 1j
Photographie.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES KT LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 1^5
linéaire, esl proporiionnelle à la parallaxe angulaire que nous
,1/1 /,
I
\ j M / I /
\ !/ /
1/
I
^7
'• /i
/•/
i-*
/ W I / /
Ml/'l
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Il II/
Uillf
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m//
\ I
\ I
\ i
-Y
-^==^.
-^^
•^.
f
désignerons par $, à la disiance focale / des lunettes et en
246 A. LAUSSEDAT.
raison inverse du grossissemenl G, (da = -^3 j, par consé-
quent^ on peut écrire:
iiiij
mais si r désigne le rayon du chanop de vision stéréoscopique
à l*œii nu, c'esl-à-dire la dislance à laquelle un objet doil se
trouver pour être vu sous l'angle parallaclique j» on a :
{i) = ri ou r = 3
et en désignant par R le rayon du champ dû à l'effet du relief
tolaif
(3) \{ = rx-~ xG = —=r'
e
D'où, en subsliluant dans l'expression (a),
D*
((3) ^'^ = ¥'
En admettant 30" pour la valeur de la parallaxe angulaire
nous avons vu (note de la page 229) que r = 447™ et
E
que, grâce au relief total — G, les télémètres de 5i''"', 87'" et
e
144'"™ ^^ ^2ise avec les grossissemenis correspondants de 8,
de i4 61 de 23 fois atteignent, cela a été également indiqué,
des champs de vision stéréoscopique dont le rayon R est res-
pectivement égal à 28'''^, 84''"™ et 228"^™; d*où, en appliquant la
formule ((3), les erreurs suivantes que Ton peut avoir à
craindre selon l'instrument que Ton emploie ;
LES INSTRUMENTS, LKS MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGHAI'IIIQI'ES. 2/17
l*' MODÈLE.
II* MODÈLE.
III* MODÈLE.
DISTANCE.
base ôl*""'
basrt 87«''"
hase Ui*-"
irroBsissemeiit 8.
grossissement 14.
grossissement 23.
Ul
m
m
01
5 00
9 i,8pourioo
3 0,6 pour 100
//
1000
35 3,5 »
1 "i 1 , A J)
5 o,5poiirioo
2000
1 4 1 7,0 j)
5o 2,5 »
18 0,9 »
4000
564 ï4î» »
200 5,0 »
70 I , 8 »
8000
//
800 10,0 »
280 5,5 »
De nombreuses expériences entreprises en Allemagne, en
Angleterre, en Autriche, en Italie, en Suisse, par des obser^
vateurs indépendants (*) ont confirmé pour la plupart ces
indications théoriques. Nous nous conienlerons de signaler
particulièrement au lecteur l'une des brochures y relatives
que In Maison Zeiss met à la disposition de ceux qui lui en
font la demande, celle du J)' 0. Hecker, dePoisdam (-).
Mesure des distances pendant la nuit. — On peut aussi
mesurer les dislances des points lumineux plus ou moins
éloignés pendant la nuit. A cet etfet, au-devant des objectifs
sont disposés des réflecteurs plans inclinés à 45° sur la ligne
de visée et percés d'ouvertures qui laissent passer les rayons
(') Nou.<î avons fait nous-même récemment d*assez nombreuses expé-
riences avec un télémètre stéréoscopique du i" modèle et nous avons
acquis la conviction que cet instrument donnait, en eiïet, des résultats
d'une précision remarquable, pour peu que l'on ait pris la peine de s'as-
surer si l'on était suffisamment doué.
(^) Ueber die Beurtheilung der Raumtiefe und den stereoskopischen
Entfernungmesser von Zeiss-Jena von D' 0. Hecker, Polsdam. Sonderab-
druclt aus der Zeitschrift fUr Vermessungswesen, 1901» Heft. 3. Stuttgart,
Verlag von Konrad Wltvver, 1901.
On trouve, à la date de février 190 1, une bibliographie complète des
comptes rendus détaillés sur remploi du télémètre dans l'armée,
dans le Prospectus de Notre télémètre stéréoscopique de Cari Zeiss.
Zeiss a également construit un autre type de télémètre stéréoscopique.
Dans ce type à compensateur, il n'y a qu'un seul index dans le champ de
chaque oculaire. Cet index se déplace par mouvement micrométrique.
Grâce à ce système, on peut procéder successivement à des mesures indé-
pendantes les unes des autres qui donnent, par comparaison, une idée de
la précision que l'on peut ojjtenir.
24^ A. LAtSSEDAT.
venanl des points lumineux. Pour éclairer le champ, on place
une lanterne en avant et au milieu de Tappareil. Le point
lumineux considéré se détache alors sur les divisions de
réchelle aérienne et sa distance s'évalue comme à Tordinaire,
en présence de ces divisions convenablement éclairées.
Aptitude ou inaptitude à la vision stérëoscopique.
Tableaux d'épreuve, — Les observations de jour aussi bien
que celles de nuit ne réussissent qu'avec un instrument par-
faitement réglé; celui dont nous nous occupons est naUirel-
lement construit de manière à se prêter aux vérifications et
aux rectiflcations nécessaires (*). Mais même alors que les
rectifications seraient supposées effectuées avec le plus grand
soin, nous avons déjà prévenu (p. 229) qu'il y avait des per-
sonnes pour lesquelles la vision stéréoscopique élail très
limitée, on peut ajouter 1res imparfaite.
De même que pour celles qui sont affectées du daltonisme,
c'est-à-dire qui ne distinguent pas bien les couleurs et qui,
après des épreuves convenables, sont déclarées incapables de
se guider avec les signaux d'avertissement sur les chemins
de fer, il fallait chercher un moyen de reconnaître l'aptitude
plus ou moins grande ou même de constater l'inaptitude
absolue de celles qui pourraient être appelées à se servir des
instruments stéréoscopiques, en particulier lorsqu'ils sont
destinés à évaluer les distances.
C'est dans ce but que le D"" Pulfrich a imaginé et construit
un Tableau d'épreuves [PrUfungstafel) dont nous indique-
rons succinctement la disposition (*)•
Ce Tableau reproduit Planche XI ne comprend que des
figures très simples, dessinées au trait, ne présentant aucun
relief apparent, aucune ombre portée, rien qui puisse faire
( * ) Voyez La Notice sur le télémètre stéréoscopique^ par le D' Pulfrich,
V Instruction pour l* emploi du télémètre stéréoscopique grossissant
S /ois, et le Prospectus de Notre télémètre stéréoscopique de Cari Zeiss.
( ' ) Voyez Ueber eine PrUfungstafel filr Stereoskopisches sehen voii
D' C. Pulfrich in lena in Zeitschrift fUr Jnstrumentenkunde, 1901, Ueft. 9.
M. Max Lœhr, représentant, à Paris, de la Maison Steinlieil, nous a prèle
gracieusement son concours pour la lecture de ce Mémoire. Nous lui
adressons ici nos rcmercîmenls.
Les iNSTlltJUKNTS, LKS AIKTIIODIJS KT Lit: DESSIN TOI>OGH.II'lllQ(Ji:». ^49
presseniir, à la simple vue, la posiiion relative dans Tespace
de leurs différenls élémenls.
Mais, sous un sléréoscope ou, même sans instrument, pour
un observateur exercé au strabisme artifleiel, toutes ces
figures semblent s'animer, s'éloigner plus ou moins du plan
du Tableau et se décomposer chacune en parties détachées
les unes des autres, en un mol produire des eiïeis de relief
des plus variés, poussés jusqu'aux extrêmes limites de la
distinction en profondeur.
Tracé des figures. — • Toutes les figures ont été dessinées à
la main, à une grande échelle (treize fois environ celle du
Tableau) et réduites par la Photographie. Pour la perfection
de Teffel sléréoscopique, les figures choisies ou composées
avec soin étant tracées dans le grand cercle de gauche, on
les a transportées une à une parallèlement à elles-mêmes
dans le grand cercle de droite, les éloignements relatifs étant
déterminés par l'écartement entre les deux composantes cal-
culé d'après la formule connue
e = ^ — rr — X le coefficient d'amplification,
dans laquelle e est l'écarlement des yeux, d la hauteur du
stéréoscope et J) l'éloignement voulu.
La construction dont il s'agit a été opérée sur le dessin
original au moyen d'une longue règle de verre divisée en
millimètres, sur laquelle on estime aisément o"*™, 2 (*).
Nous citerons comme exemple le tracé de la figure 1 de la
Planche XI, composé d'un point, d'un triangle, d'un carré et
d'un cercle qui, sous le stéréoscope, sont vus à des profon-
deurs allant en décroissant du premier au dernier.
Il est bien entendu que les chiffres suivants conviennent au
(0 «Sur les figures réduites, rincertitude résultante devient
0™". 2
'- =3=0°"". 010,
ce qui correspond à une parallaxe de =t: 20", limite de la perception du
relief en profondeur atteinte parles ol>scrvaleurs assez bien doués.
2J0
A. LAL'SSEDAT.
Tableau de la Planche, c'est-à-dire à la réduction du dessin
original exécuté à grande échelle.
L'écartemenl des yeux e étant supposé de <>'",o6 et la Iiau-
leur rf du stéréoscope de o*",i5, pour les distances voulues
du point, du triangle, du carré et du cercle, on trouve les
intervalles correspondants et les parallaxes linéaires et angu-
laire résultantes.
u.
OBJBTS.
e.
I>IFF£KEKCKS
011 parallaxes.
III
5,52
point.
III m
58,37
mm
o,4o = g'io".
4,43
triangle.
^7^97
o,',3 = 9'5i\
3,60
carré.
57,5'f
0,38 =- 8'42'.
3,17
cercle.
57,16
//
Nous ne pourrions pas reproduire dans tous ses détails
l'instruction du D»* Pulfrich qu'il faut suivre en entier pour
faire servir le Tableau d'épreuve à la sélection des personnes
convenablement douées de la vision stéréoscopique; mais
nous signalerons quelques-uns des effeis les plus remar-
quables et qui permettent déjà de se rendre compte de leur
utilité pratique.
Ainsi la figure 2 est la reproduction de deux photographies
de Saturne, obtenues le 9 et le 10 juin 1899, par le prolesseur
Wolf, à l'Observatoire de Heidelberg. La base qui en résulte
pour les deux yeux est donc la partie de l'orbite terresire par-
courue pendant un jour. Celte base qui, d'ailleurs, n'est
pas de moins de 25ooqoo kilomètres, (réduits à la vérité à
I 780000 par le déplacement de la planète) suffit pour faire
voir Saturne avecsessalellitessuspendu dans l'espace en avant
des étoiles fixes qui forment un fond plan.
Sur la figure 4 se trouvent deux échelles dont l'une, celle
de gauche, avec des traits rigoureusement équidistants,
tandis que sur celle de droite il existe de légères irrégularités
de tracé. Sous le stéréoscope ces irrégularités sont révélées
par des différences de profondeur des traits, La première
LKS INSTRL'MKNTS, LKS MÉTHODES KT LIi OKSSIN TOPOGRAPIUQI'ES. 'l5l
échelle peul servir de règle normale à laquelle on compare la
seconde. Le sléréocomparaieur du 1)' Pulfrich esi destiné à
faciliter de telles comparaisons et à beaucoup d'autres
recherches intéressantes, en particulier aux applications mé-
trophoiographiques.
A propos de l'inscription en caractères d'impression placée
au centre des ligures, l'auteur rappelle que la comparaison
stéréoscopique d'un vrai billet de banque et d'un faux ou
même d'une bonne pièce de monnaie et d'une fausse dévoile
la fraude. On voit très bien, par exemple, sur le Tableau, que le
mot Prufungstafel est irrégulier, avec des différences de pro-
fondeur des lettres qui montrent que la composition n'est pas
rigoureusement la même sur les deux Tableaux de droite et de
gauche. La figure 7 représente quelque chose d'analogue à ce
que l'on voit dans un télémètre stéréoscopique; d'abord des
objets appartenant à un paysage: une tour surmontée d'une
croix, une croix de Lorraine, une girouette ou un drapeau et
en outre différents repères de l'échelle aérienne amenés dans
Fes positions propres à l'évaluation des distances de ces objets.
Encore une fois, il convient de recourir au Mémoire du
])' Pulfrich et de mettre à profit les indications plus complètes
qu'il renferme pour pouvoir se prononcer sûrement surl'apli-
litude de tel ou tel observateur à la perception du relief eit
profondeur et par suite à l'emploi des instruments sléréosco-
piques.
XLl. — Le stét ëocomparateur (*).
Objet et par ticularilés de cet tnslniment. — Le stéréocom-
parateur de Pulfrich est en quelque sorte le complément du
télémètre stéréoscopique. Ce qui le caractérise essentielle-
(*)Tout ce qui se rapporte au stéréocomparateur est extrait du Mé-
moire intitulé : Ueber neueren Anwendungen der Stereoskopie und iïber
eineii hierfur bestimmten Slereo-comparator von D' C Pulfrich, in lena,
Sonderabdrucl; aus der Zeitschnft fur Instrumentenkunde, 1901, H. 3,
5, 6, Julius Springer, Berlin N. Nous avons eu recours, pour nous aider ^
traduire cet important travail, à roi)ligeance de M. le D' Arthur Viana de
Lima, à qui nous exprimons ici notre reconnaissance.
7.^\ A. LAVSSfiDAT.
nient, c*esl qu'avec lui, ce n'est plus le paysage que Ton exa-
mine, mais des images photographiques. Aussi, au lieu d'une
double longue-vue à prismes, est-ce un microscope binocu-
laire (avec un stéréoscope à miroirs pour Texamen d'en-
semble) qui constitue ici l'appareil optique.
Il convient d'ailleurs d'ajouter que ces photographies ne
sont plus nécessairement prises «aux extrémités d'une petite
base (celle du télémètre sléréoscopique du plus grand modèle
est de i",5o). Nous verrons même que la grandeur de celte
base peut devenir considérable, quand on ne se contente plus
de photographier des paysages pour effectuer des mesures
topographiques. On peut en effet étudier avec le sléréocom-
parateur des phénomènes éloignés comme les météores ou
même ceux qui intéressent les corps célestes, en les photo-
graphiant de deux points distants de plusieurs kilomètres au
besoin ou même de deux points successifs de Torbite ter-
restre, comme dans le cas déjà cité de Saturne.
Propriétés du stéréocomparateur, — Les ressources du
stéréocomparateur sont pour ainsi dire inépuisables. Indé-
pendamment des mesures phologrammétriques ordinaires, du
contrôle des billeisde banque et des monnaies, de Tévaluatioii
des erreurs de division sur les échelles, etc., rinstrument
peut servir à la comparaison des clichés de paysages ou d'ob-
jets célestes pour y découvrir les défauts de plaques ou les
changements survenus dans les objets eux-mêmes ou dans
leurs positions. Entre autres avantages que présente rins-
trument et qui le distinguent esseniiellement du télémètre
stéréoscopique, l'auteur cite les effets merveilleux (que nous
connaissons déjà d'ailleurs) (*) produits parla vue stéréos-
copique d'un paysage alpestre dont les éléments ont été
obtenus aux extrémités d'une base de 45°" par le colonel
Baron von Hûbl, de l'Institut géographique militaire de
Vienne. L'examen de ces clichés avec le microscope stéréo-
( *) Voyez Paragraphe XXXVIl les effets de relief exact obtenus avec des
épreuves prises aux extrémités d'une base pouvant aller jusqu'à 120- de
longueur, dans le stéréoscope de Gazes.
LKS INSTRUMENTA, LICS MÉTIIODKS KT LE DESSIN TOPOGRAPlllQUES. 253
scopique permelirait de construire le modèle en relief de
cette contrée (Steinen-Alpen mit der Ojstrien-Spiize) avec la
plus grande exactitude, à ce point que jusqu'à i^'* de dis-
lance on peut distinguer sur les plaques des différences de
profondeur de i™,5o.
Une seconde supériorité du procédé stéréoscopique con-
siste en ce que les mesures et les comparaisons s'effectuent
ainsi beaucoup plus faciiemenl^ plus rapidementet plus sûre-
ment que par tout autre moyen, et Tauteur cite comme
exemples : la constatation des mouvements des glaciers, des
affaissements du sol, des mouvements propres des étoiles, la
recherche des petites planètes, etc. Quant aux irrégularités,
aux différences d'un cliché à l'autre, elles se trahissent immé-
diatement, soit par un effet particulier du relief, soit par une
vision stéréoscopique troublée, vague (*).
(*) Ces affirmations ne sont pas le moins du monde hasardées et nous
pensons que le lecteur nous saura gré de donner ici la traduction d'une
Noie tout à fait précise du D' Pulfricii, publiée dans les Astronomiscfie
Nachrichteriy Bd GLIX, Juli 190Q, intitulée: Auffindung eines neuen
Plcuieten, 1899, I. F. mit HiXlfe des Stereo-Komparators .
« J'ai pu démontrer, à Taide des plaques photographiques d'étoiles que
M. le professeur Wolf a mises à ma disposition pour les premiers essais
du stéréo-comparateur, que des objets tels que des orbites de planètes,
des étoiles variables et des défauts de plaques qui ne se trouvent que sur
Tune des deux que Ton compare entre elles ou qui occupent sur les deux
plaques des plans différents se font remarquer de suite sans qu'on ait
besoin de les rechercher spécialement. Le trouble que les différences
existant entre les deux plaques apportent dans la représentation de l'es-
pace produit en effet, devant les yeux de Tobservateur, une espèce de
lueur vacillante qui dirige immédiatement son attention sur Tendroit inté-
ressant de la plaque. Kffectivement je réussis, dès mes premiers essais dans
celte voie, en juin de l'année dernière (1901), non seulement à retrouver
plusieurs peliles planètes déjà découvertes par M. le professeur Wolf,
mais en outre à décider avec la plus grande facilité si le trait signalé est
l'oriûle d'une planète, une série d'étoiles fixes très faibles ou un défaut de
la plaque.
» Récemment j'ai encore consacré un cerlain temps à la recherche de
petites planètes sur les deux plaques de Wolf, \ d'Ophiuchus, des 9 et
10 juin i9oi,qui ont servi de fond â l'image stéréoscopique si connue de
Saturne (•) et je suis parvenu à découvrir encore une planète sur ces
plaques, planète qui avait passé inaperçue auparavant, ainsi que me l'a
écrit M. le professeur Wolf; et cet oubli est bien facile à comprendre,
(•) Celte image est celle qui est reproduite sur le Tableau d'épreuve {PI. A7,
/••ff. 1).
'2'>4 A. LALSSEDAT.
La précision avec laquelle on évalue les différences sur les
images comparées est un troisième avantage de la méthode
stéréoscopique qui permet de déterminer le lieu précis d'ob-
jets à contours vagues comme la hauteur des nuages ou
d'objets mobiles tels que des oiseaux en plein vol, des gerbes
d'eau ou de terre sous rinfluence d'explosifs. Très probable-
ment la même méthode sera d une application féconde dans
rétude des étoiles filantes, des aurores boréales, des taches
solaires, de la lumière zodiacale et des comètes (^). Enfin
il est aisé de se rendre compte que le sléréocomparateur peut
être aussi employé pour la mesure des longueurs par obser-
vation monoculaire.
Suggestions et tentatives antérieures, — Avant de décrire
son instrument et d indiquer la manière de Tutiliser en pho-
togrammélrie('), le l)"" PullVich rappelle que lecolonel Baron
von HubI et nous-même avions signalé l'intérêt que présen-
tait l'examen stéréoscopique du paysage dans cet ordre d'idées.
A léna, ajoute-l-il, on a fail, depuis 1895, des recherches
dans ce but. Dès 1893, Siolze avait insisté sur la valeur des
vues léléstéréoscopiques pour l'étude des terrains, de chaque
tant à raison du faible éclat de celle planèle que de rexlréme difficullé
que présente la découverte dWbites planétaires de cette sorte par la vision
monoculaire.
» A l'aide des organes de mesures que comporte le sléréocomparateur
et en prenant comme base les cartes célestes de Bonn, j'ai déterminé la
position de celte planète le 9 juin 1899: heure moyenne de roblenlion du
cliché: ii'»49"'6*; durée de l'exposition: io»*59™6» à 12»» 39" 5*; leraps
moyen de Heidelberg; mouvement en r\: — o'",8, et en cD : — o',4 jusqu'à
\i^ t^Z"":^* du 10 juin. Éclat entre la 12* et la i3« d'après M. le D' Villiger,
de Munich. »
(*) Nous semblons depuis quelque temps nous éloigner beaucoup des
questions de Phototopographie, mais nous avons cru devoir suivre l'ordre
adopté par Tautenr et, si nous trouvions plus tard l'occasion de traiter les
applications de la Métrophotographie à la Météorologie et à rAstronomie,
nous n'aurions qu'à rappeler les suggestions et les faits exposés dans ce
Paragraphe et dans un autre endroit du Mémoire du D' Pulfrich visé
plus loin.
(-) Pour abréger, nous négligeons les applications de la stéréoscopie à
l'Astronomie citées par l'auteur et faites la première fois depuis plus de
quarante ans par Warren do la Rue et plus récemment par divers astro-
nomes français, allemands et américains.
LES INSTRIIMKXTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGHAPIIIOI'ES. '^55
côlé d'une roule parcourue. Il s'était déjà servi alors pour la
mesure sur les plaques d'un procédé semblable à celui employé
à celle époque chez Zeiss pour le télémèire sléréoscopique
imaginé par Grousilliers. Siolze avait en effet recours à deux
réseaux gravés sur verres, identiques, dont un mobile, ce qui
est analogue à Tindicateur qui, dans le lélémèlre ou le siéréo-
comparaleur, parcourt le champ de vision.
Enfin, bien antérieurement, en 1866, le professeur £. Mach
signalait déjà la portée scientifique des applications de la
Photographie et de la Siéréoscopie à la Stéréométrie, à la
géométrie descriptive, à la représentation complète des
organes de machines, des préparations analomiques, etc. (*).
Mais les dispositifs examinés par Mach et par Siolze ne
paraissent pas avoir fourni de procédé de mensuration prati-
quement utilisable.
XLIf. — Descriptions du téréacomparateiir.
*
m
1" Le stéréocomparaleur {/ig. 100) secompose d'un micro-
scope redresseur binoculaire, d'un champ de quelques milli-
mètres seulement, grossissant de 4 à 8 fois, à prismes de Porro,
servant à Télude des détails et à la mesure des trois coor-
données : dislance, hauteur et largeur, direction des objets;
2* D'un stéréoscope à miroirs, dans le gein*e du téléstéréo-
scope de Helmhollz, permettant d'examiner les vues dans
leur ensemble. La figure 100 représente le premier modèle
du stéréocomparaleur. Ce modèle est disposé pour recevoir
des plaques i3xi8; les nouveaux stéréocomparaleurs
actuellement en conslruciion établis pour plaques 16 x 16
et 24 X 3o avec quelques perfeclionnemenls de détail, n'en
différent que par les dimensions ei par la faculté d'autres
déplacements que ceux indiqués ci après {-).
(') Cet auteur serait même allé jusqu'à parler d apparitions d'esprits, à
l'exemple d'ailleurs de Brewster dans the Stéréoscope, p. 173-205, ce qui,
on nous permettra de le dire, est au moins jusqu'à présent extra-scientifique.
(^) Nous abrégerons la description de l'instrument donnée dans le
Mémoire de l'auteur, la figure permettant de se rendre compte des précau-
tions prises, par exemple, pour équilijjror le poids du cadre mobile k
3* Série, t. II'. 17
t56 A. LAUSIîeDAT.
P[ el 1*1, qui soiil les plaques à comparer, peuvent ùlre
déplacées en lous sens, isulémenl ou à la fois, para lié iemeni
I aide du conlrepoids G et pour faciliter les déplacements au moven des
mumveiles H, R, V et do vis et écrous oa môme d-enj-ren.-iges "d'an (rie
auiit les fonctions se comprenneni ù première vue.
LKS INSTRUilENTS, LKS SIÉTIIODES KT LE DESSIN TOI*OGRAlMllQlES. 9.'i7
au plan de leur supporl (cadre). Le bras T peut porter à
volonté soit : le microscope binoculaire à travers les oculaires
duquel on examinera successivement toutes les régions de la
plaque à étudier, soit : le stéréoscope à miroirs. Les
miroirs S éclairent les plaques à examiner, et, pour éviter le
miroitement, des verres dépolis sont interposés à i*™,5 des
plaques. Les objets non transparents sont éclairés par en
liaul(»).
a, b. A, B sont des règles divisées avec leurs verniers qui
servent à effectuer la mesure des déplacements; J est l'index
Kij;. loi.
Gauche G
Bas^'
Droite D
Pi P^
delà division du cercle pour Torientalion des plaques; tous
les verniers donnent jusqu'à ^ ou ~ de millimètre.
L'ensemble de ce dispositif permet de mesurer les dépla-
cements des cadres effectués : i'' parallèlement à la ligne
des oculaires, à l'aide de la vis micrométrique M; ?/» per-
pendiculairement à cette direction à l'aide de la vis micro-
métrique N; le nouveau modèle de comparateur permet
de tenir compte de la différence d'épaisseur des deux
plaques P|, P2. Le cadre E peut enfin aussi se déplacer le
(') Dans les nouveaux modèles les plaques transparentes sont éclairées
à l'aide de petites lannpcs électriques.
7,58
A. LAt'SSKDAT.
long de son support en pupitre, et ses déplacements sont
mesurés sur les échelles A et B.
La marche des rayons dans le sléréocomparateur et aupa-
ravant pour Tobleniion des plaques est représentée sur les
figures loi, 102 et io3.
La figure ici indique celle marche pour les vues prises
avec un appareil phoiographique; Pi et Po sont les plaques el
£ la parallaxe résultant de la grandeur I-II de la base.
Fig. 102.
-Sl
P,
D
G />3
Oiaciine
des pliHiucs csL reiournée de 180".
GFf;D GFU^H,/;
Yeux de l'observateur.
La figure lo^ représente la marche des rayons dans le
microscope stéréoscopique.
Les deux objectifs Qi, Q2 sont mobiles suivant Taxe du
microscope stéréoscopique. Le grossissement des oculaires
est d'environ 6 fois (/= 3o'"'"), et de cette façon le grossisse
ment des microscopes peut varier à volonté de 4 à 8 dia-
mètres.
La marche des rayons dans le stéréoscope à miroirs esl
indiquée sur la figure io3.
M|, Mo sont les centres des diaphragmes B, Bi, B2 B2 placés
devant chaque image; ceux-ci combinés dans la vision stéréo-
scopique formeront un cadre BB à la vue du paysage, ^i, Sp
^2, S2 sont les quatre faces réfléchissantes; Ji, ^2 étant des
faces argentées de prismes, tandis que S|, S2 sont des glaces
planes argentées. On règle la position des surfaces réflé-
chissantes de façon que Timage stéréoscopique des dia-
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPllIQUES. l5g
piiragmes^ B B, soll approximativement à la même dislance
de rœil que les plaques elles-mêmes (en tenant compte des
rayons brisés). Si Tobjectif qui a servi à prendre les vues
Fi g. io3.
P(oo)
Yeux de l'observa leur.
Pi, p2 a un foyer égal à la distance des plaques à l'œil, la
perspective ne sera pas altérée.
XLIII. — Emploi du microscope-stéréoscope .
Ordre des opérations. — On met d'abord au point les
oculaires 0|, O2 (fig* 100) pour chaque œil séparémeni, en
se servant du mouvement hélicoïdal et des indications en
dioptries dont ils sont munis; dans le champ de chacun des
oculaires on doit voir nettement un index. Puis, à l'aide
2Go A. LAU«^ËDAT.
(le la vis mlcrométrique iv on règle récarlement des oculaires
(le façon à pouvoir bien superposer les images. Si Tonconnaii
la dislance pupillaire, récariemeni pourra êlre établi d'emblée
en amenant le trait ^en face de la division convenable.
£n mettant alors simultanément au point les deux plaques,
la parallaxe entre Tindex et Timage doit disparaître.
Les mesures avec le microscope-stéréoscope se font au
moyen de Tindex mobile qui avance ou recule dans le sens
de la profondeur quand on agit sur la vis micrométrique m
que Ton voit sur les figures loo et io^ï. L'index est un petit
irait vertical qui se trouve dans le champ de l'oculaire droit
et peut se mouvoir latéralement dans le sens de la ligne OiO,
des deux oculaires. On peut lire directement sur l'échelle le
millième de millimètre.
Cette vis micrométrique m ne doit d'ailleurs être employée
que pour les petites différences de profondeur. Habituellement
et, en-particulier, dans les applications photogrammétriques,
on la laissera au zéro et l'on aura recours à la vis M (/g*. loo)
de l'échelle a.
On effectue les mesures comme avec le télémètre sléréo-
scopique, en faisant arriver l'index au-dessus ou à côté de
l'objet à mesurer et en réglant la position de M (ou de m) de
manière que l'index soit vu à la même distance apparente
que l'objet.
Orientation des plaques. — Pour se retrouver dans les
conditions mêmes de l'observation, on a soin de disposer les
plaques Pi, P, sur le siéréocomparaleur de la manière
suivante : les négatives la couche en bas, les diapositives^
laites par simple contact, la couche en haul. On inet les
plaques P, et {\ sur le siéréocomparaleur, à gauche et à
droite, de façon à reproduire rorientalion naturelle. Cela n'est
nécessaire toutefois, on le comprend, que pour les paysages
et non pour les clichés siellaires.
Dans tous les cas, on doit toujours procéder de façon
que l'observateur, en se servant du siéréocomparaleur, voie
les choses comme si ses yeux se trouvaient aux deux extré-
mités de la base qui peut êlre d'ailleurs inclinée ou non par
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LÉ DESSLN TOPOGRAPIUQUES. 261
rapport à l'horizon des plaques, c'est-à-dire aux deux stations
d'où les vues ont été prises.
Le meilleur procédé pour l'examen du détail et pour les
mesures avec le stéréoscope-microscope est d'orienter la
plaque (quelle que soit l'inclinaison de la base) de manière
que son horizon soit parallèle à la ligne des deux oculaires
(/îg*. io4). Alors les divisions A et B {Jig\ loo) donnent
Fi g. 10 ;.
V
II
— ---i
^
X /
/
K
K
1 X
--^^^^- H'
immédiatement les .deux coordonnées d'un point de l'image,
et, de la projection B' de la base sur l'horizon de la plaque
ainsi que des projections (e') directement mesurées des
différences parallactiques sur le même horizon découle la
distance cherchée.
Dans cette orientation des plaques, le résultat de la mensu-
ration est en tout le même que si les objets du paysage et les
deux stations d'observation se trouvaient sur un même plan
(le plan de projection passant par l'axe optique et l'horizon
de la plaque), l'observateur les voyant des deux extrémités
de la projection de la base.
Une autre orientation peut être utile pour la mensuration (*).
(*) L'auteur avait indiqué tout d'abord une orientation s'appliquant au
cas très fréquent où la base est inclinée sur l'horizon, elle consiste à faire
tourner les deux plaques placées d'abord sur le sléréocomparateur avec
leurs lignes d'horizon parallèles à la ligne des yeux, d'un angle égal à
rinclinaison de la base, mesuré à l'aide de l'index J {fig> loo). Avec cette
disposition on évite certaines chances d'erreurs en examinant les plaques
dans toute leur étendue, au moyen du stéréoscope à miroirs qui facilite
une exploration rapide du paysage.
Toutefois elle ne saurait être employée que subsidiairement dans la
262 A. LAISSKDAT.
Dans le cas où la différence de hauleur des deux stations esl
plus grande que la dislance horizontale, il est avantageux de
faire tourner chacune des deux plaques I et U (fig, io4)
d'un angle de 90'' vers la gauche ou vers la droite, suivant
que la slation 1 esl plus haute ou plus basse que la staiion II.
La ligne des oculaires est alors parallèle à la verticale de la
plaque.
Examen des plaques sous dâ'ers angles de position. —
Les considérations précédentes s'appliquent à rinterprétaiion
exacte de Teffet stéréoscopique, quand il existe une base.
S'il n'y a pas de base et que l'on se propose seulennenl de
découvrir et de mesurer les différences d'iniages, alors l'exa-
men peut se faire sous n'importe quel angle de position, mais
toujours le même sur les deux plaques.
Dans tous les cas où ne prédomine pas une direction déter-
minée pour le déplacement des poinis de l'image, l'observation
stéréoscopique des plaques dans deux angles de position
différant entre eux de 90° sera nécessaire et suffisante pour
reconnaître et mesurer les déplacemenis de points enregistrés
sur les plaques.
Il y a naturellement beaucoup de précautions à prendre
pour assurer l'exactitude des mesures, et la position des
plaques sur le stéréocomparateur a notamment besoin d'être
bien réglée; mais nous ne saurions entrer ici, à ce sujet, dans
tous les détails nécessaires et nous devons encore renvoyer
le lecteur au Mémoire de l'auteur (*). Nous signalerons
cependant l'emploi de deux prismes à réi^ersion fixés sur
une monture qui peuvent être introduits près des oculaires
du microscope-stéréoscope, ce qui permet de tourner et d'in-
praLique courante, car si elle permet de clélerraiiier immédiatement les
différences parallacliques ainsi que les distances chercliées des objets,
elle ne se prête pas à la détermination des éléments nécessaires au calcul
des autres coordonnées (largeur et hauteur) des points des images par
rapport à la croisée des lignes tracée sur les plaques; d'où la direction.
(•) Ueber rieuere Anwendimgen der Stereoskopie, elc.f Sanderabdruck
ans der Zeitschrift fur Instriimentenkunde, 1902, Heft 5. S. i38, 139
und i^o.
LES INSTRLMENÏS, LES MÉTHODES ET LE UESSLN TOPOGRAPIIIQUES. î63
lerchanger les plaques sans avoir à procéder à un nouveau
réglage.
Degré d'exactitude de la détermination des parallaxes
stéréoscopiques. — La condition d'aplilude pour la vision
stéréoscopique est avant tout indispensable et Ton sait
que la limiie de la sensation du relief correspond à une
parallaxe angulaire de 3o'' pour un observateur ayant une
vue normale et qu'elle atteint lo" pour un observateur excep-
tionnellement doué.
Mais une différence de Tangle de convergence des axes des
deux yeux de i' correspond dans le stéréoscope, avec un ocu-
laire de foyer /' = 3o"^'", à une différence parallaclique du
point de l'image de o^^^joog, soit o"^'",oi (*).
Avec celte valeur linéaire limite de la différence parallac-
lique (<i^a=: =b o™"Soi) et la distance focale / de Tobjectif
photographique, la parallaxe angulaire du point de respace,
à la limite de la perception du relief, peut être obtenue immé-
diatement, car elle est égale à -779 ou, ce qui revient au même,
a-T,délanl l'angle parallaclique à l'œil nu (supposons 1')
et G le grossissement de l'ensemble optique, c'est-à-dire le
f
rapport*^ de la distarice focale de l'objeciif photographique
qui a donné les images à celle de l'oculaire du stéréocompa-
rateur avec lequel on les a examinées.
Par exemple, avec une distance focale de 170™'", supposée
la plus petite que l'on doive employer dans les levers photo-
(') L'auteur avait déjà présenté la remarque suivante, à un aulre endroit.
« Avec le stéréocomparateur, par suite du grain des plaques (des émul-
«ions), la distinction des difTérences de profondeur est nécessairement un
peu réduite. Néanmoins, de bons observateurs arrivent encore à distinguer
10" comme différence de profondeur sur d'excellentes plaques. Avec le gros-
sissement moyen (6 diamètres) du microscope stéréoscope, on aurait donc
comme dernière limite linéaire de la distinction de profondeur pour les
plaques, dans les meilleures observations, zto^^jOoiS et dto^^jOi pour
une moyenne ordinaire en chiffres ronds. Avec les grossissements de 4
ou de 8, celte limite serait naturellement plus petite ou plus grande, a
2G4 A. LAl'SSEDAT.
grammétriques, la différence de direcUon du point de Tes-
pace esl de lo" à 12"; avec une distaoce focale de 3'°,4o,
comme celle des objectifs employés au lever de la Carie du
ciel, celle différence n'est plus que 6*, el, dans les meilleures
circonstances^ elle se réduit même à 7!^ et jusqu'à 1".
XLIV. — Principes de la Stéréopkotogrammétrie (•)
ou Me trostéréo graphie.
Avantages de la Stéréophotographie, — Le procédé de
mensuration siéréoscopique, tout en permettant une plus
grande précision, n'exige que des bases dix ou vingt fois plus
peliles que celles dont on fait habituellement usage en Photo-
grammétrie et qui sont de 5oo™ à 1000'" et plus.
Dans les levers siéréophologrammétriques, on doit diriger
constammeni les axes optiques parallèlement entre eux et
perpendiculairement à la direction de la base, les deux stations
éiani, d'ailleurs, à la même altitude ou à des altitudes diffé-
rentes ('^).
A bord d'un bâtiment il seraii facile d'installer, à poste ^\\&y
deux appareils identiques, en ayant ainsi pour base une parlie
bien déterminée de la longueur de ce bâtiment et en prenant les
dispositions nécessaires pour que les obturateurs soient dé-
clenchés simultanément par l'électricilé ; on ferait ainsi
d'excellenies éludes de topographie des côtes dans des con-
ditions qui ne sauraient être trop appréciées. Il serait même
à souhaiter que des expéditions nautiques fussent organisées
dans un avenir prochain pour entreprendre des explorations
téléstéréoscopiques .
(*) C'est le nom adopté par le D' Pulfrich auquel nous subslitueroiis
souvent celui de métrostéréo graphie employé par M. Gazes. Nous.iratla-
chons d'ailleurs pas plus d'importance à l'une de ces désignalions qu'à
l'autre, et ce qui nous intéresse avant tout, c'est de rencontrer la meil-
leure solution de la question. Kn faisant une analyse aussi complète que
possible du Mémoire de M. le D' Pulfrich, nous continuerons donc à nous
servir de l'expression qu'il a choisie.
(0 On se souvient qu'au contraire, avec le stéréoscope do M. Gazes, les
deux stations doivent être sensiblement à la même allilude.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN T0P*0GRAPI1IQUES. 265
Conditions que doivent rempiir les appareils photogra^
phfques.— La plaque doit être perpendiculaire à Taxe optique
et bien centrée, c'est-à-dire que le point d'intersection des deux
traits, horizontal et vertical, qui figurent sur l'épreuve, doit
correspondre à la rencontre de Taxe optique (point principal
de la perspective). La distance de la plaque au point nodal
d'émergence de l'objectif doit être constante et, quand on
emploie deux appareils, ces distances doivent être identiques.
On conçoit, notamment, que cetie condition est absolument
indispensable dans l'observation de phénomènes instantanés,
comme les mouvements des vagues ou des nuages, les étoiles
niantes, les aurores boréales, etc.
Lorsqu'on ne dispose que d'un appareil qui doit être placé
successivement aux extrémités de la base, dans les levers
topographiques, la condition d'égalité se trouve spontanément
remplie, mais il pourrait arriver qu'entre les deux opérations
il se produisît un changement d'éclairage appréciable dans la
vision stéréoscopique. Heureusement cela n'exerce aucune
influence sensible sur l'exactitude des mesures.
La rigidité de l'appareil est tout à fait nécessaire. On
emploiera donc une chambre noire métallique. Les plaques
devront être bien planes^ et c'est un motif de préférence pour
les glaces. Les déformations de l'image par l'objectif pouvant
avoir une influence sensible sont celles qui portent sur les
coordonnées en hauteur et en largeur.
Disposition et mise en station de VappareiL — La
figure io5 est un croquis schématique de l'appareil pholo-
grammétrique.
Cet instrument est naturellement du type du théodolite.
A| est son axe vertical, A2 son uxe horizontal, H le cercle
aziniulal et V le cercle vertical, L la lunette, l'objectif,
P la plaque.
La croisée -h qui doit être reproduite sur l'épreuve est tracée
sur la face extérieure d'une glace parallèle que l'on dispose à
très petite dislance en avant de la couche sensible de la
plaque. Un prisme à réflexion totale 11 dit rfé? Pranrf//, dont
l'angle de déflexion est constant cl de 90", est phcé devant
l'objeclirde la iuiielle et peutlourner aulourde l'axe optique.
Grâce à ce dispositiT, la condition formulée plus haut est faci-
lement remplie, à savoir que les axes optiques des appareils
-^
placés aux extrémités de la base seront diriges perpendicii-
lairemenE a celle-ci et seront parallcle>< entre eux.
XLV. — Stéréopholograinmëlrie. Détails
Détermination de la position d'un point dans l'espace à
l'aide des mesures stéréophotogrammélriques. — Soient
M,, Mî (Jig- 106) les centres des objecliTs photographiques;
OtMi etOiMi les axes optiques, parallèles entre eux et per-
pendiculaires à la base B; P,elP, les plaques photographiques,
parallèles à la base et perpendiculaires à OM, sur lesquelles
les lignes horizontales Oi X ei Oi X ont été obtenues indépen-
damment, à chacune des stations, quelle que soit la difTérence
de niveau de celles-ci.
Soient enfin i l'inclinaison de l'axe optique sur l'horizon
LES INSTRUMKNTS, LES MKTHODKS ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 267
dans les deux stations, S le point à déiernfiiner {fig. io6 bis),
par ses dislances d^ et d^ à Mi et Mj.
Les images de S sur les plaques Pj et Pj étant /7i et/?,,
pour déterminer immédiatement la différence parallactique
Fig. loG.
Fi g. loi) bis.
a=^ p^Pi, le premier moyen qui se présente est d'orienter les
deux plaques, comme cela a été indiqué dans la note de la
page 261, et l'on trouve en même temps les coordonnées des
points d'image py et p^, par rapport à la croisée des lignes
verticales et horizontales des deux plaques.
Avec ces données et la longueur de la base B, en recourant
à la similitude des triangles />, p^ Mo et Mj Mj S, on calculerait
assez facilement r/j et d^.
Mais on peut supposer les points M,^ M2 el S projetés sur un
•Jif»8
A. LIUSSEOAT.
plan passant par Taxe optique et par la ligne horizontale Oj X
de la plaque et ensuite sur un plan passant par le mênne axe
optique et la ligne verticale G, Y de la plaque.
En orientant alors convenablement les deux plaques, selon
le cas, d'après les indications données page 261 {fig. lo^),
on détermine successivement les différences parallacliques
a' = p'ip'i =: Xî — Xi (Jig, 106 et 107)
et
a
Pi-Pi^Ti-r^
(et Ton en déduirait au besoin a, puisque a' = a cosjx ou
a":=asin/uL et que Ton peut déterminer l'inclinaison de la
base fz comme nous le montrerons).
En menant par le point S^ dans le premier cas^ un plan
parallèle à ceux des plaques, la trace de ce plan sur le plan
Fig. J07.
de projection sera S' Q {fig. 107), S' étant la projection de S, et,
selon la remarque de M. le professeur C. Koppe, la distance
Z = MiQ de ce plan à la station Mj, qui est la projection
sur l'axe optique des dislances rfj, «?2, d\ , d^, peut être avanlî^
geusement employée dans les calculs.
Après avoir obtenu, en effet, sous le sléréocomparateur, le:
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 2G9
projections a' et a" de la différence parallaciique a pour tous
les points considérés des épreuves Pj et Pj, d'après la simili-
liide des triangles PiP^^lt et Mi M2 S {Jlg- loG et 107) et
celle des triangles /?| Oi Mi et Mi SQ, on a :
et, d'après la similitude des triangles y^;/^; M.^ et Mi Mj S'
et celle des triangles p\ 0\ M| et M, S' 0?
a' : B' : : p\M^ : d[ =/: z
et Ton trouverait de même a" : B" =f : z.
Ainsi l'on a la relation générale
(l) ^=:*^B = 4b' = 4b"(').
^ ^ a a a ^
En prenant Mi pour origine d'un système de coordonnées
rectangulaires ayant la parallèle à 0|X pour axe des X, la
parallèle à OiYpour axedes Yet l'axe optique pour axe des Z;
sur les trois coordonnées, Z est donnée immédiatement par
l'une des équations (I), et, pour déterminer les deux autres,
nous aurons, par les coordonnées Xi et j, du point de l'image
sur l'épreuve Pi, les valeurs :
(II) ^ = J^ ^^ {lU)Y^^z;
ces trois expressions peuvent d'ailleurs être réunies sous la
forme suivante :
J = ^i I B' B'
\ z=ri } X -7 ou X --
A — / ]
et le problème est ainsi complètement résolu.
La distance du point S ou de sa projection S' à Mi et à M2
se calcule en effet immédiatement au moyen de X, Y et Z.
(*) Il résulte de cette relation que la différence parallactique et ses
projections sont les mêmes pour tous les points situés dans un même plan
perpendiculaire à l'axe optique ou parallèle aux plans des plaques.
270 A. LAL'SSEDAT.
Il y a lieu toutefois de bien se rendre compte des précau-
tions à prendre dans l'emploi du stéréocomparateur, en par-
lant des zéros des deux échelles A et B(y?g*. 100) pour évaluer
les coordonnées Xi et jTi de chacun des points de l'épreuve Pi
et celles a?, ely^ de l'épreuve P,.
Il reste enfin à savoir conunent on obtient les valeurs de B' et
de B". On a bien B'= Bcos/jt elB"=:sin /x, mais Tangle/x que
la base fait avec la ii^çne horizontale OX delà placjue ne peut
pasêlre mesuré directement; ilfautdoncmesurerrinclinaisoiu'
de Taxe optique et celle X de la direction de la base avec l'hori-
zon, et Ton voit alors facilement que B' = :v/cos^z — slii*>.
^ cos i ^
etB" = .sinX; d'où l'on pourrait aussi déduire la valeur
cos i
de /x.
Quant à la longueur de la base elle même, on la mesure
avec un décamètre ou bien elle est déduile d'une triangulation
ordinaire.
XLVI. — Stéréopliotogrammétrie. Suggestions pratiques.
Construction des plans et des modèles. — Il ya deux cas
particulièrement intéressants à considérer dans la pratique :
celui où l'axe optique est horizontal ^ := o et celui où il est
vertical i=^ 90*^.
Dans le premier, qui est de beaucoup le plus fréquent, en
considérant d'abord l'épreuve Pi, tous les points dont les
images sont sur OiX, qui est alors la ligne d horizon et que
nous prendrons pour axe des Y, sont évidemment à la même
hauteur que Mi. En calculant X et Z, on a donc les éléments
du tracé de la courbe de niveau correspondante.
On peut opérer de même sur l'épreuve Pg et obtenir ainsi,
en général, deux courbes de niveau distinctes dont la diffé-
rence de hauteur est égale à B sin [x, ^ étant alors égal à X.
L'auteur ajoute qu'en prenant des épreuves à plusieurs
hauteurs différentes, on construirait autant de courbes de
niveau par ce procédé.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGUAPIIIQtES. 27 1
IVuii auire côié, d'nprès la propriété indiquée dans la
note (*) de la page 9.6c) qui résulte de l'expression (]), on
conçoit la possibilité de déterminer lous les profils verticaux
que Ton voudrait, à des distances déterminées de Tune ou
de Taulredes deux siations M^ ou M.,.
Le second cas, où / = 90°, correspond à celui de vues prises
en ballon avec une chambre noire dont l'axe optique est
vertical et où ces vues, prises de hauteurs suffisantes, consii-
tuenl de véritables plans; on conçoit alors également que
l'on puisse déterminer autant de courbes de niveau que Ton
voudra, en se fondant sur la remarque précédente relative
aux profils verticaux que l'on obtient dans le cas où l'axe
optique est horizontal.
L'auteur espère, à l'aide du stéréocomparateur associé à un
mécanisme approprié comprenant un pantographe, parvenir à
tracer directement, soit les courbes de niveau, soit les profils
verticaux à l'échelle convenable et, par conséquent, à
réunir les élémenls nécessaires pour construire, au besoin,
des modèles en relief du terrain; mais il n'est pas encore
entièrement fixé à ce sujet.
Ei'aluallon des erreurs et mesure des dimensions d'objets
éloignés. — Pour évaluer les erreurs, il faut tenir compte
de l'exactitude avec laquelle les trois quantités a, œ^ et y\
peuvent être mesurées.
En ce (pli concerne a, nous avons admis qu'à la limite
^/a =1^ it= o'""',oi (p. 2.63); pour Xi et j,, cela résulte de la
lecture des deux verniers A et B (//^. 100) qui donnent
dx^ — dy\ — ±. G""", I .
En dilîérentlant les expressions (l), (ll).et (lll), il vient
dT^--^~da^^'i.da, d^^'fy , ^V^^Z.
L'exactitude des dimensions des objeis éloignés dépend
également de celle des lectures faites sur le siéréocompa-
raieur, c'est-à-dire de da, dx^ et r/j,.
3" Série, t. IV. i«
l'I A. LAUSSËDAT.
Dans la formule de ^/Z, qui esl la plus importanie, on peut
introduire avantageusement le rayon R du champ siéréosco-
pique du à TelTel du relief totaiy en remplaçant récartemeniE
des objectifs du télémètre par la buse B dans la formule (3)
de la page 7.46 qui devient alors :
C â /*
R=-:^B et comme e/a=~(p. 246)
Jà vi
^ ' da
pour une distance Z, Terreur sera donc :
Z* 7- Z*
(2) rfz=^-jg</fl=j- d'où ^^^
OU encore la proportion rfZ : Z :: Z : R.
Cette formule peut servira calculer rapidement la longueur
de la base qu'il faut employer pour mesurer, avec une
approximation donnée rfZ, la distance Z d'un objet indiqué,
quand on se sert d'un objectif dont la dislance focale est
connue.
Supposons, par exemple, qu'il s'agisse, avec un objeclif
de 18""" de foyer, de mesurer la distance d'un point situé
à 10'"" environ, à loo'" près, on aura pour R [formule (2)]
Z- loo"^"' .^
dZ 1^
10
et pour B [formule ( i )]
_ H ,., I oooooo'" 1000"^ .^
B = ( ' ^ — ^ = — TT- = 55'", 6.
I joooo 10
~da^
La Table suivante donne quelques valeurs numériques
relatives au foyer /= 180""" et aux éléments considérés
B, 1), a, c'est-à-dire la base, la dislance du point ei la diffé-
rence parallactique, enfin le relief total qui, comme nous le
xitim
C) -j- = = 18000.
LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN T0P0GRA1>HIQUES. 273
savons, est le coefficient d'amplificalion du champ de vision
à l'œil nu : G X -> G étant le grossissement et e l'écartemeni
Distance D = Z
en
Ditrércnce
s parai lactique
a = - f en mir.imètres
kilomètres.
pour f ^ 180
"■• et 5 = 1'.
-
•
< 0,01
1
< 0,01
2000
1000
0,02
o,o4
0,01
5oo
o,o3
0,07
200
100
< 0,01
0,06
o,i3
0,18
0,36
0,02
80
0,02
0.16
0,45
60
< o,or
o,o3
0,21
0,60
40
0,01
o,o5
o,3i
0,90
20
o,o3
0,09
0,63
1,80
10
o,o5
0,18
1,26
3,60
8
0,07
0,22
1,58
4,5o
6
0,09
o,3o
2, 10
6,00
4
0. i3
0,45
3,i5
9.00
2
0,27
0,90
6,3o
18,00
I
0,8
0,54
0,66
1.80
2,20
12,60
1 5 , 75
36,00
45,00
0,6
0,90
3,00
21 ,00
60,00
0/»
0,2
1,35
2,70
4,5o
9,00
3i ,5o
63 , 00
0,1
5,^0
18,00
Base B en mètres.
3
10
7'»
200
Rayon R du champ
sléréoscopique
3'i
180
12 60
36oo
en kilomètres.
Relief total.
280
925
65 00
1 8 5oo
des axes des yeux (65""" en moyenne). Cette Table est aussi
également intéressante pour les relevés téléstéréoscopiques.
a "4 A. LAISSKDAT.
XLVII. — Stéréophoiogrammétr.ie ou métrosléréoscopie.
Élat de la question ^
Solutions diverses proposées ou à l'étude . — La meil-
leure preuve que la méirosiéréoscopie lend à s'iiilroduire
dans la pratique, sinon à se subsliiuer enlîèremeni à la mé-
thode phoiograplilque ordinaire (ce qui ne serait pas toujours
possible, il faut bien en convenir) c'est que plusieurs per-
sonnes s'en occupent, igdépendammenl les unes des autres
el dans différents pays, en France, en Allemagne, en Au-
triche, et dans deux des plus importantes colonies anglaises,
au Cap et au Canada.
En France, sans rappeler nos propres prévisions, riiabile
opérateur et observateur, M. Cazes, a déjà réuni les élémeius
d'une solution dont il poursuit activement la réalisation. A
la prière que nous lui avions faite de nous mettre au courant
de ses recherches, il nous a l'ait la réponse suivante (^) :
« En ce qui concerne mon procédé de mélrostéréoscopie
(dont l'étude complète ne pourra se faire qu'après mon
retour à Paris), je ne voudrais pas trop m'avancer dans les
explications y relatives, de crainte de laisser échapper quel-
ques inexactitudes.
)) Tout ce que je puis dire pour Tinstanl, c'est qu'il con-
siste essentiellement en un appareil permettant d'uliliser
immédiatement la vision stéréoscopique pour tracer un plan
coté méthodique de la région photographiée dans des condi-
tions déterminées, de deux points de vue différents.
» Les conditions principales à réaliser sont les suivantes:
» i*" Les deux points de vue seront à la même altitude;
» ?,'* Les distances focales des deux objectifs seront égales;
)) y Les plaques sensibles seront dans un même plan;
» 4^ Les deux points de vue seront distants l'un de l'autre
— — — ^ " ■ — F — - — "*
(•) Lettre datée du 3o août iv^^yî, de Fos (Haute-Garonne).
LES INSTULMKNTS, LKS MKTHODKS ET LK DKSSLN TOPOGR APIIIQUKS. 275
(l'une longueur qui ne dépassera pas le { de la distance du
point de vue au premier plan de front utilisé ( ' ).
» Je comple obtenir une précision variable avec la dis-
lance, mais de même ordre que celle qu'on obiiendrait par la
méthode habituelle des intersections, si Ton reportait tous les
points au ~ de millimèlre près.
» La rapidité des mesures est vraiment étonnante, grâce à
Tordre systématique adopté. »
£^n Allemagne. — M. lel)'' Pulfrich, de son côié, dans les
conclusions de son Chapitre sur les principes de la stéréo-
photo gramme trie dont nous avons mis les parties essen-
tielles sous les yeux du lecteur, dit qu'il a fait des essais, dans
les ateliers de Zeiss, sur de nombreuses épreuves photogra-
phiques et comparé quelques-uns des résultats qu'il obtenait
avec ceux du colonel autrichien baron von Hûbl. Il dit aussi
qu'un autre promoteur de la phologrammélrie, le professeur
C. Koppe, s'est rendu comple personnellement, à léna, des
propriétés de son appareil et de son emploi, en rappliquant à
l'examen de vues de la Jungfrau qui, par leur combinaison
stéréoscopique, avec une base de plus de looo"', donnaient
des elfeis de relief un peu exagérés pour des objets situés
jusqu'à S"""* ou 4*""» niais tout à fait surprenants en ce qu'ils
faisaient saisir d'un coup d'œil les vraies formes de la mon-
tagne (-).
Les deux planches XI et XII déjà citées représenieni, l'une
les vues siéréoscopiques de la Vallée de Fos prises par
M. Gazes el la moitié inférieure de l'autre une réduction de
deux vues prises dans les Alpes dolomitiques par M. le Colo-
nel baron von Hùbl.
Ces groupes examinés, le premier avec le stéréoscope à
deux miroirs pour chaque vue de M. Gazes, et le second dans
un stéréoscope ordinaire de Brewster, produisent des elfeis
(•) Pour la détermination de cette distance du premier plan de front
ulilisal)le, voir la Stéréoscopie de précision, de M. L. Gazes.
(-) A rapprocher de ce que disait déjà iielmlioltz, à propos des vues de
la .lungfrau prises de Mûrren par liraun père (p 232).
276 A. LALSSEDAT.
de relief déjà très accusés et qui peuvent donner une idée de
ceux qui viennenl d'être signalés.
Au Cap de Bonne-Espérance, — M. H. -G. Fourcade, du
Service forestier, a proposé aussi une méthode stéréoscopiqiie
pour le lever des plans (^), qui présente la plus grande ana-
logie avec celle du D' Pulfrich. Voici comnnent Tauteur en
expose lui-même l'idée fondamentale.
« Dans la méihode proposée, des photographies sont prises
avec la chambre noire, de- deux stations, les plaques étant
exposées dans le plan vertical qui passe par ces deux siaiions.
Un réseau ou un cadre gradué donne le moyen de mesurer
les coordonnées de chaque point sur la plaque par rapporta
Taxe optique de la chambre. Après le développement et le
fixage, les négatives ou les positives sont examinées dans un
appareil stéréoscopiqne mesureur, en les combina nt de façon
à rendre possible l'exacte ideniificaiion des poinis communs
aux deux images. Des fils micromélriques traversent le chanip
de chacune des images et on les amène à être vues simulta-
nément avec les deux yeux. La leciure des micromètres
rapportée au réseau donne les trois coordonnées du point
correspondant, par multiplication ou par division, les constantes
pour les plaques étant la distance focale de Tobjectif et la
longueur de la base.
» Quand les poinis ont été rapportés en assez grand nombre,
on peut tracer les courbes de niveau. »
Suivent, après la théorie de la méthode, la description de
la chambre noire montée toujours comme un théodolite avec
une lunette dont la direction est perpendiculaire à Taxe optique
de l'objeciif, la détermination des constantes instrumentales,
la description de l'appareil pour effectuer les mesures sur
les plaques qui, sous tous les rapports, rappelle le stéréo-
comparateur (-). enfin une discussion relative à la précision
{') A stereoscopic method of photographie surveying. A paper read
on oclober 2, 1901, before llie South Alrica IMiilosoptiical Societv, by
M. H.-G. FouHCADE, Forest Deparlmenl, Capetown. Absiract from Naturt
June j, 1902. Lonilon.
( = ) Cela est si vrai que, M. Fourcade s'otan l'adressé à la maison Zeisspour
LKS INSTRUMENTS, LES METHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQIJES. 277
des mesures, en faisant varier la grandeur de la base qui doit
être réduite, notamment quand on opère dans des vallées
élroîles.
La méthode, dit en terminant Tauleur, peut être d'ailleurs,
combinée avec celle des levers photographiques ordinaires.
Elle est plus particulièrement recommandable quand on a à
lever de grandes éiendues en po^s de montagnes.
Au Canada. — Nous terminerons cette revue par la des-
cription d'un appareil stéréoscopique pour la construction
des plans topographiques présenté récemment par M. E. De-
ville à lu Société royale du Canada (*).
M. E. Deville a bien voulu nous communiquer un extrait de
son Mémoire accompagné d'un dessin très expressif qui n'ont
pas encore été publiés par lui et dont il nous a autorisé à
nous servir.
*
Appareil stéréoscopique de M. E. Deville, — Cet appareil
représenté planche XIU n'est, comme on le voit, autre chose
qu'un stéréoscope de Wheatstone posé sur une planchette
à dessiner et accompagné d'un écran vertical mobile dont le
rôle sera expliqué ci-après.
Les deux photographies destinées à être conjuguées doivent
toujours avoir été prises dans un même plan vertical, mais il
n'est pas nécessaire que les deux stations soient au même
niveau (*).
Les œilletons I), D du viseur A sont percés dans une plaque
de métal mobile autour d'un axe horizontal et dont l'inclinaison
faire construire un appareil qui réalisorait sa conception, il lui a été
répondu que cet appareil existait et qu'il pouvait lui être envoyé en com-
munication (renseignement donné par M. le D' Pulfrich, qui ne doute pas
d'ailleurs qu'il s'agisse siniplement d'une coïncidence, singulière, à coup
sûr, mais comme il s'en produit cependant assez souvent quand une ques-
tion nouvelle s'impose a l'attention générale).
(') Société royale du Canada. Session de mai 1902 h Toronto. Section 111.
Sciences mathémati([ues, physi(iues et cliimiques. 5m/- l'emploi du sté-
réoscope de Wlieatstone dans les levers topo graphiques, par E. Devillk,
arpenteur général du Canada.
(^) M. Deville espère même pouvoir s'a iïranchir de la première condition
à laquelle les autres auteurs sont absolument obligés de se conformer.
27^ A. LAUSSEDAT.
est évaluée sur un arc gradué fixe E devant lequel passe un
vernier appartenant à la plaque.
Les deux petites glaces verticales F, F à faces parallèles
portées parle même bâti que le viseur sont inclinées à 45** sur
Taxe de rotation de celui-ci. Leur face antérieure est légère-
ment argentée pour former miroir, mais pas assez pour empê-
cher de voir, à travers, le point brillant d'un trou pratiqué au
centre de l'écran mobile LL.
Les châssis ou cadres B, B qui portent les diapositives des
vues convenablement présentées ( c'est-à-dire retournées pour
compenser l'effet de symétrie produit par la réflexion sur le
petit miroir) sont verticaux et parallèles entre eux et à Taxe
de l'appareil. La dislance de chaque diapositive à l'image, de
l'œilleton correspondant, dans son petit miroir, doit être égale
à la distance focale de Tobjectif qui a servi à prendre les
vues.
Le bâti C qui porte l'écran L L se compose de deux montants
«
verticaux soutenus par un trépied reposant lui-même sur trois
vis calantes renversées dont les têtes en forme de calottes
sphériques peuvent glisser facilement sur le papier posé sur
la planchette. Dans la partie médiane de ce trépied se trouve
engagée la lige d'un crayon N dont la pointe doit être la pro-
jection horizontale du trou pratiqué dans Técran. La hauteur
de l'écran (eidu trou) est indiquée par une échelle tracée sur
l'un des montants MM du bâii. L'ensemble de ce système est
désigné sous le nom de traceur.
Si l'on place les œilletons sur une même horizontale, en fai-
sant coïncider les zéros du vernier et de l'arc gradué, lorsque
le trou de l'écran est à la hauteur de l'axe de rotation, le bas
de cet écran doit être au zéro de l'échelle dont la graduation
s'élend dans les deux sens au-dessus et au-dessous.
Chacun des organes que nous venons d'énumérer porte des
vis de rectification qui permettent de régler complètement
l'appareil.
Nous supposerons, pour abréger, que ces rectifications, très
simples d'ailleurs, soient effectuées, et nous allons expliquer
comment on peut exécuter le plan nh'eié du terrain repré-
senté sur les deux vues sléréoscopiques.
LK8 INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPIIIQUES. 279
Mode d'opérer, — La distance des deux stations ou la base
et rinclinaison de celte base étant mesurées, d'où l'on peut
conclure la différence de niveau des deux siaiions, admettons
que la station de gauche soit la plus élevée.
On commencera par donner à la plaque du viseur rincli-
naison observée (voir PL XUl) et l'on déterminera Téchelle
de réduction du relief sléréoscopique du terrain représenté
par les deux vues (relief que l'on doit concevoir comme exis-
tant dans l'espace, bien qu'il soit virtuel), en comparant la
distance des œilletons (réglée sur celle des yeux de l'obser-
vateur) à la distance effective des deux station^.
Pour fixer les idées, supposons que cette dernière, c'est-
à-dire la longueur de la base, soit de 6v^'" et la première
de o'",o6f), l'échelle de réduction sera de-n;Vôî supposons aussi
que l'inclinaison de In base soit de lo^'^io', cela donnera
12.™ pour la différence de niveau.
Les lignes d'horizon et les lignes principales étant tracées
sur chacune des photographies, il reste à placer celles-ci dans
leurs châssis respectifs, en se préoccupant des conditions
dans lesquelles elles ont été prises. Considérons d'abord la
diapositive de la station de gauche introduite dans son châssis.
On commence par mettre l'écran à la hauteur convenable pour
l'œilleton correspondant, en le relevaru au-dessus du zéro de
l'échelle de la moitié de la différence de niveau des deux sta-
tions réduite, dans le cas actuel, à l'échelle de -nnnr» soit
de 6"""; puis on manœuvre le traceur dont on a soulevé le
crayon, en suivant le point brillant du trou de l'écran a travers
l'œilleton de gauche pour l'amener près de l'image du bord
du châssis que l'on déplace en hauteur à l'aide des vis H, H, H
jusqu'à ce que l'image de l'extrémité de la ligne d'horizon
bissecte ce point brillant. On répète la même opération pour le
bord opposé du châssis et on la recommence, au besoin,
alternativement pour les deux bords jusqu'à ce qu'on ait
obtenu que les deux extrémités de la ligne d'horizon soient
exactement à la même hauteur que le point brillant.
On s'occupe ensuite de régler la posiiion de la ligne prin-
cipale. Pour cela, on mène sur le papier par la projection
horizontale de l'œilleton, que Ton obtient facilement à l'aide
28o A. LAUSSBDAT.
d'un fil à plomb, une parallèle à Taxe du viseur ou au plan du
châssis. On amène sur celle parallèle la poinledu crayon tra-
ceur, puis on abaisse l'écran jusqu'à ce que le point brillant
paraisse sur le bord inférieur du châssis ou pluiôt de Fa diapo^
silive,el, en agissant sur les vis JJ, on amène l'image de l'ex-
irémilé de la ligne principale sur le point brillant.
On fait les mêmes séries d'opérations pour la diapositive de
droite et, quand elles sont terminées, si elles ont été faites
avec soin, en regardant à la fois par les œilletons avec les deux
yeux, on doit apercevoir le trou de l'écran se projetant comme
un point lumineux sur le relief du terrain.
Tracé du plan et des courbes de niveau^ — Ce point lumi-
neux peut être, dès lors, considéré comme un repère mobile
lié à la pointe du crayon traceur qui en est la projection hori-
zontale sur le papier. En le promenant systématiquement sur
tout le relief stéréoscopique, il est dans le cas de servir à en
explorer complètement la surface ei, par conséqueni, à en
projeter lous les détails, c'est-à-dire, à en tracer le plan, le
crayon abaissé et appuyé sur le papier suivant exactement les
mouvements du point brillant.
Il convient seulement de rappeler une. fois de plus que,
pour exécuter les opérations dont il s'agit, il est indispensable
d'être doué de l'apiiiude stéréoscopique, car il faut, évidem-
ment, une grande netteté de perception en même lemps que
beaucoup d'alleniion et d'adresse de main pour maintenir le
point lumineux à la surface d'un relief virtuel, sans rester en
deçà et sans le faire pénétrer plus avant.
L'honorable auleur^ dans une leitre qui accompagnait la
description de son intéressant appareil, convenail que celui-ci
ne saurait prétendre à une aussi grande précision que le slé-
réocomparateur du I)''Pulfrich et que l'opérateur se trouverait
plus limité dans le choix de ses stations. Il estimait, toutefois,
que ce stéréoscope graphique devait être plus expédiiif et
pourrait rendre des services dans les reconnaissances dé-
taillées.
Il ajoutait, d'ailleurs, avec autant de modestie que de
prudence, qu'on ne pouvait dire ce que vaut une idée lant
LES INSTRUJUENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES. 28 1
qu'elle n'a pas été mise en pratique. Or, jusqu'à présent, il n'a
pas eu le loisir de faire construire son instrument.
Nous ne devons ni ne pouvons être plus affirmaiif que lui,
et, cependant, nous no craignons pas de dire qu'il y a de
grandes chances pour que Ton obtienne de très bons résultats
avec un appareil aussi simple qu'ingénieux, de nombreuses
expériences faites sur des reliefs virtuels produits spontané-
nient à Taide du strabisme artificiel, à l'aide de vues sléréosco-
piques analogues à celles dont il s'agit, nous ayant permis de
nous rendre compte de la facilité avec laquelle on peut fixer
la position dans l'espace d'autant de points que Ton veut de
ces reliefs, en en approchant, par exemple, une tête d'épingle
qui revient toujours à la même place chaque fois que l'on
recommence l'expérience.
Application à V exemple donné sur la planche XI IL — En
nous reportant à la |)ianche XIll et en y considérant, sur les
deux vues, la ligne qui dessine le bord d'un golfe ou d'un lac
et qui est, par conséquent, une courbe de niveau^ il est aisé
de concevoir qu'en amenant le point brillant sur l'un des caps
que l'on y remarque, et en faisant suivre ce bord ou cette côte
par le point lumineux, le crayon tracera le plan de cette courbe
de niveau sur le papier. Si, maintenant, on remonte l'écran
d'un millimètre, que l'on mette le point brillant en contact
avec un point de la surface du relief stéréoscopique et qu'on
fasse marcher le traceur en maintenant ce contact du point
brillant et de la surface du relief, la courbe de niveau de j™
au-dessus du golfe ou du lac sera tracée dans le voisi-
nage de la première. On voit immédiatement comment on
parviendrait à obtenir de même toutes les courbes équidis-
tantes de i'" ou de tout autre intervalle.
On conçoit aussi que, chemin faisant, partout où l'on ren-
contre des détails topographiques : arbres, rochers, ruisseaux,
roules, maisons, etc., on peut les dessiner sur le plan ou au
moins les repérer (pour ne pas interrompre le tracé de la
courbe de niveau, en changeant la hauteur de l'écran), sauf
28-2 A. LAL'SSEDAT.
à y revenir après coup ei à raccorder à la maîn les fragmenis
des détails (*).
Nous avons profilé de Texempie que nous avions sous les
yeux, parce qu'il nous fournissait l'occasion de faire pressentir
qu'en pareil cas on pouvait vérifier facilement le réglage de
l'instrument et de la mise en place des diapositives, le point
brillant devant suivre la côte, l'écran conservant la même
hauteur.
Nota. — Ce paragraphe était écrit et imprimé quand M. le
D' Pulfrich, après avoir pris connaissance du projet d'appareil
de M. E. Deville, s'est occupé des modifications qui pourraient
y être introduites pour le rendre sûrement utilisable. Indé-
pendamment de plusieurs améliorations apportées aux diffé-
renls organes, ce savant a reconnu la nécessité de recourir
au pantographe. Avec un appareil provisoire qui n'était pas
muni de cet intermédiaire, il s'était, en effet, vu obligé d'em-
ployer un aide pour manœuvrer le traceur.
M. le D"* Pulfrich n'est pas moins parvenu, en opérant sur
le plancher d'une chambre bien éclairée, à traqer, d'après
deux des vuesstéréoscopiques prises dans les Alpes dolomi-
tiques par le colonel baron von Hiibl, un certain nombre de
courbes dont les extrêmes s'éloignaient jusqu'à 4'""- Or la
base étant de 44*"»3^*^P3'' conséquent l'échelle de g-sô^ (pour un
écartement des yeux de o™, 068) il avait fallu couvrir un espace
de 6'" de longueur, après quoi l'opérateur avait jugé bon de
réduire son tracé à l'échelle de -ôjôô^ ^^ Q" '* eût réalisé immé-
diatement avec le secours du pantographe. M. le I)'' Pulfrich
faitexécuter, à la daieoù nous publions celle note (janvier 1903)
sous le nom de stéréo-planigrap/ie, l'appareil dont il s'agit.
Télëstéréoscopie, — Nous avons déjà employé celle
expression en suggérant l'idée qu'en mer, pour effectuer
(') M. Deville conseille, pour le dessin des détails, de suhsliluer à l'écran
percé cfun trou un autre écran portant une fente verticale le lonj? de laquelle
on peut suivre les accidents du sol, chemins, cours d'eau, limites de
cultures, elc. Il serait même d'avis de substituer au simple trou de récran
celte fente verticale recroisée à la place du trou par une amorce de fenle
horizontale.
LI<:S INSTIIL'MKNTS, LES MKTIIODKS KT LE DKSSIN TOPOGRAPHIQIIES. 'À^'i
des reconnaissances rapides de côies, d'îles, d^archipeis,
on recourrait avantageusement à la léléphoiographie pour
prendre des vues simultanées de deux points suffisamment
espacés à bord d'un même navire, d;ms des circonstances où
les appareils ordinaires et des vues isolées ne fourniraienl le
plus souvent que des indications insuffisantes.
Il est bien évident que des circonstances analogues se pré-
senteront anssi à terre et tout ce que nous savons des pro-
priétés de la Téléphoiographie et de la Stéréoscopîe nous
permet de prévoir, dans ce cas comme dans l'autre, ce que
Ton peut attendre de remploi combiné de ces deux puissants
auxiliaires du procédé habituel.
Nous jugeons donc inutile d'entrer à ce sujet dans d'autres
détails et nous nous contenterons de mettre sous les yeux du
lecteur (Pi, XlVetXV) deux spécimens de vues téléstéréosco-
piques prises avec le téléobjectif de M. Bellieni, et nous l'en-
gageons à les placer, l'un après l'autre, sous un stéréoscope.
Il y constatera aussitôt les merveilleux effets de relief évi-
demment utilisables que produit déjà un appareil très portatif
placé successivement à deux stations espacées de lo'" seu-
lement pour les premières et de 55»^ pour les secondes.
CONCLUSION DE CE QUATRIÈME CHAPITRE.
L'auteur aurait bien désiré pouvoir remplir intégralement
le programme es(juissé dans V Avertissement i\Q ce Chapitre,
c'est-à-dire indiquer ici, au moins sommairement, les appli-
cations de la Métrophotographie à la Météorologie, à l'Astro-
nomie et en général aux sciences d'observation. 11 aurait
voulu aussi pouvoir tenir l'engagement qu'il avait pris avec le
lecteur en annonçant, en plusieurs endroits, la publication de
documents concernant notamment le dessin topographique
dans l'antiquité, qui eussent complété ceux qu'il a déjà men-
tionnés. Mais il lui eut fallu, pour cela, beaucoup abréger les
explications dans lesquelles il a cru devoir entrer pour mettre
le lecteur à même de se rendre compte des progrès de la
méthode pholotopographique proprement dite etden profiter.
28 î A. LAUSSEDAT. — LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES, ETC.
Quand il a commencé à écrire ce Chapitre, il soupçonnait
à peine, en effet, ceux qu'allaient faire la Téléphotograpiiie,ia
Photographie en ballon et par cerf-volant et surtout la Siéréo-
scopie.
Il avait espéré, d'un autre côté, pouvoir faire l'historique
des travaux lopographiques déjà si considérables exécutés à
l'aide de la Photographie dans les différentes contrées de
l'Europe el des autres parties du monde et donner des spéci-
mens de quelques-uns des résultais les plus remarquables
ainsi que des instruments qui ont servi à les obtenir. Ne pou-
vant pas y songer faute de place, il doit se borner à renvoyer
les lecteurs à Tune des Bibliographies les plus complètes
qu'il connaisse (*) pour permettre à ceux qui consulteraient
lesOuvragesindiqués de contrôler l'exactitude des nombreuses
citations qu'il en a faites.
(') Celte BibliograpUie se trouve dans un remarquable petit Traité inti-
tulé : Die Anwcndung der Photographie in der praktischen Aîesskunsi,
von Eduard Dolezal Halle a. S. Druck und Veriag von Wilhelm Knapp. 1896.
Depuis celte époque, M. Dolezal a donné, chaque année, dans ieJahrbuch
fUr Photographie du D' Edcr de Vienne, des analyses très complètes des
publications sur la Métrophotographie faites dans lous les pays.
TABLE DES MATIERES
CONTKNUKS DANS
LE TOME QUATRIÈME DE LA TROISIÈME SÉRIE.
Pages.
Liste générale des Conférences publiques et gratuites faites en 1902
au Conservatoire national des Arts et Métiers 5
Recherches sur les instruments, les nriéttiodes et le dessin topogra-
phiques, Chap. IV {suite), par M. le Colonel A. Laussedat 7
Etude sur la solubilité du sulfate de chaux, par M Boyer Guillon. 61
Conférence sur l'assurance ouvrière à l'Etranger, par M. Maurice
Bellom 75
Conférence sur les signaux optiques, par M. le D'André Broca 114
Conférence sur la télégraphie sans fil, par M. le D' André Broca.. 135
Recherches sur les instruments, les méthodes et le dessin topogra-
phiques, Chap. IV [suite), par M. le Colonel A. Laussedat 155
Cours publics et gratuits de haut enseignement du Conservatoire
des Arts et Métiers pendant l'année 1902-1903 217
Recherches sur les instruments, les méthodes et le dessin topogra-
phiques, Chap. IV {suite et fin), par M. le Colonel A. Laussedat. 223
PLANCHES.
PI, I à XV. — Recherches sur les instruments, les méthodes et le dessin
topographiques.
3i'/42. - PAIUS, IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLAHS,
5ô, quai dc5 Grancls-Auguslins.
Anna
3« Série, T. JV, PI. I.
pris dans le commerce
■—Q[)
'cwc i\> ch lU 1 1 1 .H* c .'> i^-» i t' i] c
hk).
cil Stf.iner. Wien, R. Lechner, 1893.
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Il COHSraïATOlRE DES ARTS R MÉTIEBS -
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Vue de Haue«J
I-RISE DE ChaMPIGNEULLES, L'uNE AVEC LE TÊI^OBJECnF
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Vue de Frascati, prise du Mont
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lU DESSUS DU Rhin, par M. Suter
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PL VII.
lOGRAMMÉTRIQUE
rises en ballon.
LùniiB d» la^Jetalle^ cUiy cadastre^ S. W. Vil. 26 .
.— . — . — EtendxjA' thu terrazny reoanmo d^jUt'JtcUiaTV O» .
m^m^^ Cours cL'eau, dL'c^jrèy la, restUMitùxv photoanzmjniétrùfue'.
— ■ — — a — * //■ — d'après Is oadeurtrer.
Zé rêseaiL ponctué' corrmporul OM, terraùv naçon/UL de^ lœJïatùmyO^
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le l 'Académie des Sciences de Munich, année 1900.
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