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Full text of "Histoire des berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique septentrionale"

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GIFT  OF 
HORACE  W.  CARPENTIER 


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HISTOIRE 


DES 


BERBÈRES 


ET  DES 


DYNASTIES   MUSULMANES 

DE    L'AFRIQUE    SEPTENTRIOITALB 


Par/  IBlV-KBIAIiBOVlV 


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THAADITE   DE   l'aAABB    PA& 


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LE   BABON   DE  SLANE 

fnt«i>rHe  principal  de  l'année  d'Afrique 


TOME  QUATRIÈME 


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IMPRimtRIE     DU     GOUVERNEMENT 

1856 


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rtCLIÉ  PAR   ORDRE   DU   MINISTRE    DE   LA  GUERRE. 


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HISTOIRE 


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BERBÈRES 

ET  DES 

DYNASTIES   MUSULMANES 

DB  L' AFRIQUE   SEPTERTEIONALE 

Par  ^EBli-KHAIiDOVnr 


TKAMITE  OB  l'aAABB   PAB 


H.  LE   BABON   DE  SLANE 

interprète  principal  de  Vvtttkbe  d'Afrique 


TOME    QUATRIÈME 


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IMPBIMBBIE  DU  GOUVERNEMENT 

1856 


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HISTOIRE 


DYNASTIES  MUSULMANES 

ET  DES  TRIBUS  ARABES  ET  BERBÈRES. 


TJUBUS   ET  DYNASTIES   HBRBÈRES   DE  L'AFRIQUE 

SEPTENTRIONALE. 


T^OTICB   ms  BBllI*IIA€B£D-IBIf«aOSAllVBD  ^ 

Nous  interrompons  ici  i^histoire  des  tribus  badtnides,  pour 
consacrer  ira  artide  aux  Beni-Rached,  vu  que  ce  peuple  a  lou-* 
jourd  partagé  le  sort  des  Beni-Abd-el-Ôuad  auxquels  il  a  cons* 
iammeni  montré  le  dévouement  d'un  allié  fidèle.  Nous  avons 
mentionné  ailleurs*  que  Rached,  Tancâtre  des  Beni-Rached,  était 
frère  de  Badin  et  que  ses  descendants  s'étaient  exclusivement 
attachés  aux  Abd-el-Ouadites* 

Les  Beni-Rached  habitaient  une  montagne  qui  s^élève  dans 
le  Désert  et  qui  porte  encore  le  nom  de  leur  aïeul  '.  Les  Me- 
dtouna,   tribu  de  race  berbère,  occupaient  le  territoire  situé 


1.1  I  i<    Il  t  0      *i. 


<  Dans  le  texte  arabe,  on  lit  de  plus  :  IbnBadin;  il  faut  remplacer 
ces  mots  par  Zc^hhik-Ibn-Ouaçîn, 

*  Tome  m,  pp.  302,  303. 

'  Yoy.  Raehed  dans  la  table  géographique  du  premier  volume. 

T.  IV.  I  i 


4^582S 


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•    ••«-••^•.♦••*      •     •     • 


Z  BISTOIRB     DKS    BKRBfiRES. 

au  Midi  de  Teçala,  et  les  Beni-Oarnid,  branche  de  la  tribu  des 
Demmer,  séjournaient  dans  la  région  qui  s'étend  au  Midi  de 
Tlemcen,  depuis  cette  ville  jusqu'à  Gasr-Saida  ^  La  montagne  de 
Hoouara  avait  pour  habitants  les  Beni-Iloumen  *,  peuple  qui 
fonda  un  royaume,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  raconté '. 

Quand  la  puissance  des  Iloumen  fut  anéantie,  les  Beni-Bached 
se  transportèrent  de  leur  montagne  vers  les  plaines  qu'occupaient 
les  Mediouna  et  les  Beni-Ournîd  ;  puis,  après  une  longue  guerre 
et  de  fréquentes  incursions,  ils  en  expulsèrent  ces  deux  tribus  et 
les  forcèrent  à  se  réfugier  dans  des  régions  moins  faciles  à  abor- 
der. Les  Mediouna  se  fixèrent  alors  sur  la  colline  de  Teçala  ; 
les  Beni-Ournid  prirent  pour  séjour  la  montagne  qui  domine 
Tlemcen,  et  les  Bached,  après  s'être  emparés  des  plaines  qui  sont 
au  Midi  de  ces  localités,  s'établirent  à  demeure  dans  la  monta- 
gne qui  porte  leur  nom. 

Vers  le  commencement  de  l'ère  musulmane,  ce  haut  plateau 
formait  le  territoire  des  Beni-ifren,  rois  de  Tlemcen.  Âbou-Gorra, 
chef  sofrite  dont  nous  avons  déjà  parlé  ^,  appartenait  à  la  fa- 
mille ifrenide,  ainsi  que  Yala-Ibn-Uohammed  qui,  à  une  époque 
plus  récente,  fut  assassiné  par  Djouher  le  sicilien^,  général  des 
troupes  fatemides.  Au  sujet  de  Tala,  on  peut  consulter  la  notice 
des  Beni-lfren  [ci-devant,  t.  m,  p.  244].  La  ville  d'Ifgan,  qu'il 
avait  fait  bfltir  dans  cette  montagne,  fut  détruite,  le  jour  même 
de  sa  mort,  par  le  général  Djouher. 

En  prenant  possession  de  la  montagne,  les  Bcni-Bached  s'y 
étaient  établis  comme  dans  une  forteresse,  et  ils  continuèrent  à 
parcourir  avec  leurs  troupeaux  la  région  qui  touche  au  cêté 
méridional   de  leur  demeure  jusqu'à  ce  que  les  Arabes  leur 


*  On  voit  par  les  manoscrits  qu'il  faut  lire  Saida  dans  le  texte  arabe 
imprimé. 

^  Jloumenoiï  Ihuman  est  le  pluriel  berbère  d7/oumt. 

3  Voy.  t.  lu,  p.  293. 

*  Tome  III,  p.  199. 

^  Variante  :  Vesclaron, 


LB9    BBNI-RACHBD. 


cnlevèreni  ces  pâturages  et  les  forcèrent  à  se  tenir  sur  les 
hauleurs  qu^ils  avaient  choisies  pour  asile.  Cet  événement  eut 
lieu  de  notre  temps.  Les  Beni-Rached  effectuèrent  la  conquête  de 
ces  contrées  peu  de  temps  avant  l'entrée  des  Beni-Âbd-el-Ouad 
dans  le  territoire  du  Maghreb  central,  et,  devenus  partisans  et 
alliés  de  ce  peuple,  ils  le  soutinrent  constamment  dans  ses  guerres 
avec  les  Toudjtn  et  les  Beni-Merîn. 

La  famille  qui  exerçait  chez  eux  le  commandement  s'appelait 
les  Beni-Amran.  Lors  de  leur  arrivée  en  Maghreb,  ils  eurent 
pour  chef  Ibrahtm-lbn-Amran.  Ouenzemmar,  frère  d'Ibrahtm, 
lui  enleva  toute  l'autorité  et  la  transmit,  en  mourant,  k  son  fils, 
Mocatel-Ibn-Ouenzemmar.  Celui-ci  tua  son  oncle  Ibrahtm  et 
amena,  par  ce  forfait,  une  scission  dans  la  tribu,  dont  une  frac-* 
iion  reconnut  pour  chefs  les  enfants  d'Ibrahim  et  l'autre  ceux  de 
Ouenzemmar.  L'influence  des  Beni-Ihrahtm  prédomina  toutefois 
sur  celle  de  leurs  rivaux.  Ibrahim  eut  pour  successeur  son  fils, 
qui  portait  aussi  le  nom  de  Ouenzemmar  H  qui  vivait  du  temps 
de  Yaghmoracen*lbn-Zian.  Ouenzemmar  mourut  k  un  Age  très- 
avancé,  dans  la  quatre-vingt-dixième  année  du  septième  siècle 
(I291J.  Le  commandement  passa  entre  les  mains  de  son  neveu, 
Ghanem-Ibn-Hohammed.  Mouça,  fils  de  Yahya  et  petit-fils  de 
Ouenzemmar,  devint  ensuite  chef  de  la  tribu,  mais  je  ne  sais  s'il 
succéda  immédiatement  à  Ghanem  ou  non.  Lors  de  l'expédition 
des  Mérinides  contre  Tlemcen  *  sous  la  conduite  de  leur  sultan 
Abou^-l-Hacen,  les  Beni-Rached  firent  leur  soumission  à  ce  mo- 
narque. Us  avaient  alors  pour  chef  Abou-Tahya,  fils  de  Mouça, 
fils  d'Abd-er-Rahman,  fils  de  Ouenzemmar*,  fils  d'Ibrahtm.  Les 
Benî-Kerdjoun-Ibn-Ouenzemmar,  cousins  d'Abou-Yahya,  s'en- 
fermèrent alors  dans  Tlemcen  avec  les  Beni-Abd-el-Ouad.  Après 
la  chute  de  ceux-ci  et  la  dispersion  de  leurs  partisans,  les  Méri- 


*  Le  texte  arabe  dit  :  Quand  les  Mérinides  firent  leur  dernière  expàdi" 
Uon  contre  Tlemcen*  L'auteur  a  eu  tort  d'y  insérer  les  mots  aJchira 
zahfihim, 

*  Dans  le  texte  arabe,  il  faut  lire  Ouenzemmar  à  la  place  de  Ouéii- 
%emmon. 


4  BISTCMEB    DIS    BBRBftVBS. 


nides  déporièrcnt  en  Maghreb  -  el  -  Âcsa  tous  les  ebefs  xeoa- 
•tims.  Les  Beni-Ouenzemmar,  qui  en  élaienida  nombre,  pes- 
tèrent  en   exil  jusqu'au    second  rélablissement   de   l'empire 
•alMl-^-ouadite,  révolution  qui  s'effectua  sous  les  auspices  do 
Mouçe-4bD*Yooçof,  surnommé  Abou-Hainniou  II.  Sons  le  règne 
de  ce  prince,  les  Beni-Rached  eurent  pour  cl>ef  Zîan,  Bis  du 
même  Abou-Yahya-Ibn-Mouça  dont  nous  venons  de  faire  men- 
ftion.  Ztan  sortit  alors  du  Magbreb  et  embrassa  le  parti  des  Âbd- 
^ei^Miadites  ;  puis,  ayant  donné  lieu  de  soupçonner  qu'il  entrete- 
f}a»t  des  intelligences  avec  les  Beni-Merin  qu^il  venait  d'aban- 
donner, il  fut  emprisonné  ci  Oran  par  l'ordre  d'Abou-Hammou. 
Parvenu  à  effectuer  son  évasion,  il  rentra  dans  le  pays  qu'il 
avait  quitté  et  passa  quelque  temps  au  milieu  des  nomades  mé- 
«rinides.  Plus  lard  ,  il  obtint  d'Abou -*  Hammou  des  lettres  de 
gr&ce  et  le  commandement  des  Beni-Rached.  En  l'an  768  (1366* 
^7),  il  fut  mis  à  mort  par  Abou*Hammou  qui  l'axait  fait  empri- 
soimer  de  nouveau.  Avec  lui,  finit  le  pouvoir  qu'exerçait  la  fa* 
nuBe^le  Ouenzenmar^lbn-lbrahîm. 

Paasoos  à  la  famille  de  Ouenzemmar-lbn-Amran.  Mocatel,  fils 
•de  Ouenzemmar,  eut  pour  successeur  sqn  frère  Tourzeguen,  le- 
quel transmit  le  commandement  à  son  fils  Youçof.  Après  celui- 
<i^  d.'aatreft<;hefs,  dont  les  noms  ne  me  reviennent  pas,  exercé- 
rtatle  commandement.  Ensuite,  les  descendants  de  Ouenzem- 
mar-Ibn-lbrabtm  leur  enlevèrent  l'autorité.  I>e  nos  jours ,  les 
•descendants  d'Amran  ne  conservent  plus  le  privilège  de  corn- 
roiander  aux  Be»i-Rached,  trib^i  qui  est  maintenant  rédfiite  à 
la  soumission  et  contrainte  à  payer  l'im(i6t  au  sultan. 


mSTOIBE  1XBS  VSni^TOUnjtN ,    TRIBU   BAOtNIDE  ,    ET   DE   LA    SOCVSKAI- 
WETÉ   qu'ils    exercèrent   DANS   LE   MAGBREB   CENTRAL. 

Las  Bcni-Toudjîn,  une  des  pins  grandes  ramifications  de  la 
tribu  des  Badtn,  habitaient  les  deux  bords  du  Clielif,  dans  la 
localité  où  cette  rivière  coule  au  Midi  d«  Onancbcrîeh,  en  traver- 
sant le  plateau  du  Seressou.  De  nos  jours,  cette  branche  du 


CheVil  est  nommée  le  Nehf-Ooacel  (rivière  de  Quacel).  Â  TOttestf 
delà  partie  du  Seressoa  qu*occupaténi  les  Toudjto  se  trouvaient 
plusieurs  fractions  de  la  tribu  des  Louata  ;  mais  elles-  se  làissà*»^ 
rent  enlever  leurs  territoires  par  les  Oudjedtdjen  etleslfatmâta. 
Mus  tard,  les  Toudjtn  s'emparèreni  des  mêmes  territoires^  toQt 
en  gardant  la  région  qu'ils  possédaient  |déjà  ;  de  sorte  que  b- 
partie  méridionale  de  leur  pays  s'étendail  depuis  le  territoire  dea 
Benî-Rached.  jusqu'au  Mont  Derrag. 

«  Lors  de  la  domination  des  Sanhadja  [ztr ides],  dit  Ibn-er* 
»  Rakik,  tes  Toudjin  eurent  pour  chefs  Aila-^t-Ibn^Dafliten  et 
»  son  cousin,  LocmHn-Ibn-eMfotezt.  Pendant  la  guerre  qwi  eut 
»  lieu  entre  Hammad  4bn*Bûloggutn  et  son  onole^  Badls,  celui- 
»  ci  sortît  de  Gairouan  pour  combattre  son  adversaire  ;  et,  er- 
»  rivé  au  bord  du  Chelif,  il  attira  sous  ses  drapeaux  les  Toudjtn- 
»  qui,  jusqu'alors,  s'étaient  distingués  par  leur  bravoure  en 
»  soutenant  la  cause  de  Hamoiad.  Le  pouvoir  de  Locmati  em- 
»  portait  alors  sur  celui  d'Atïa,  et  les  Toudjtn  avaient  mis  en 
3»  campagne  plus  de  trois  raille  hommes  de  guerre.  Avant  la 
»  bataille,  Locman  envoya  son  fils  Yeddep  à  Badîspour  hn  aiH 
»  noBcerqueles  Toudjtn  se  joindraient  à  lui  ;  aussi,  quand  léft 
1»  partisans  de  Hammad  furent  mis  en  déroute,  Badîs  témoigna 
»  sa  haute  satisfaction  ï  toute  la  tribu,  en  lui  permettant  de 
»'  s'approprier  le  butin  fait  dans  cette  journée.  Il  confirma  Loo-» 
»  man  da-ns  le  commandement  des  Toudjin  et  du  territoire  qu*ife- 
»  occupaient,  et  l'autorisa  à  garder  toutes  les  conquêtes  qu'il* 
»  pourrait  effectuer  en  combattant  pour  la  dynastie  ztride.  » 

A  une  époque  plus  récente,  le  ooounandement  des  Toudjtn^ 
passa,  sans  partage,  aux  descendants  de  Dafliten  lequel^  dit«on, 
était   fils  d'Abou^-Bekr-Ibn-Ghalb.  Sous  les  Almohades,  cette 
tribu  eut  pour  chef  Atïû<-t-lbn^Menad-Ibn-el-Abbas-Ibn**Dâflîten|- 
surnommé  Atïa-l-el-Hîou*.  De  son  temps,  les  Toudjin  eurent  à 


^  Lisez  :  son  neveu, 

*  L«  mot  lîiou  est  peut  «être  une  altéra  tien  berb&re  de  l'adjectif  «rabe 
S  modeste. 


6  HISTOIRK    DBS     BBRBÊRES. 

souteoir  uue  guerre  contre  les  Beni-Âbd-el-Ouad,  guerre  sus- 
citée par  Adouï-Ibn-Igotmen-lbn-el-Cacem,  chef  de  celte  der- 
nière tribu. 

On  verra  par  la  suite  que  ces  hostilités  se  prolongèrent  jus- 
qu'au triomphe  définitif  des  Beni-Abd-el-Ouad,  qui  firent  ta 
conquête  du  pays  des  Toudjtn.  Après  la  mort  d^4tïa-t-el-Htou, 
son  fils  et  successeur,  El-Abbas,  signala  son  administration  par 
des  incursions  dans  les  plaines  du  Maghreb  central  et  par  sa  ré- 
sistance h  la  domination  des  Almohades.  Il  ne  cessa  de  leur  faire 
la  guerre  jusqu'à  l'an  607  (1210-1),  quand  il  mourut  assassiné 
par  les  sicaires  d'Abou-Zeid-lbn-Youwoddjan  *,  gouverneur  de 
Tleracen.  Abd-el-Caouï,  fils  et  successeur  d'EI-Abbas,  devint 
alors  chef  unique  des  Beni*Tondjtn  et  transmit  le  pouvoir  à  ses 
enfants,  comme  on  le  verra  plus  loin. 

A  cette  époque,  les  tribus  toudjinides  les  plus  remarquables 
étaient  :  1*  les  Beni-Meden,  composés  des  Beni-Idlellen,  des 
Beni-Nemzi,  des  Beni-Madoun.  des  Beni-Zendak,  desBeni-Oucîl, 
des  Beni-Gadi  et  des  Beni-Mamet*;  2' les  Beni-Reçoughen  qui  se 
partageaient  en  Beni-«T}gherîn ,  en  Beni-lznaten  et  en  Beni- 
Mengoucfa.  Les Beni-Zendak  appartenait  en  réalité  à  la  tribu  des 
Maghraoua,  bien  qu'on  ait  rattaché  son  origine  h  la  souche  toud- 
jinide.  La  tribu  des  Mengouch  donna  le  jour  h  l'émir  Abd-el- 
Caouï-el-Mengouchi ,  fils  d'El-Abbas,  fils  d'Atïa-t-el-Hîou.  Je 
donne  cette  filiation  sur  l'autorité  d'un  historien  des  Zenata. 
Quand  l'empire  fondé  par  Abd-el-Moumen  commençait  à  tom- 
ber en  décadence,  toutes  les  tribus  toudjinides  obéissaient  à 
Abd-el-CaouY,  fils  d'El-Abbas,  et  elles  vivaient  ensemble  dans 
les  régions  méridionales  que  nous  avons  déjà  désignées. 

Les  Maghraoua  profitèrent  alors  de  l'affaiblissement  dont  la  dy- 
nastie almohade  venait  d'être  atteinte  et  s'emparèrent  de  la  Me- 


*  Dans  le  texte  arabe,  tant  de  l'édition  imprimée  que  des  manuscrils, 
ce  nom  est  mal  ponctué. 

^  Dans  le  texte  arabe,  lisez  iU^Jt  à  la  place  de  aâmJI.  L'auteur  au- 
rait dû  écrire  îUxmJ!. 


LES    BCNl-TOUDillf.  7 

Udja  et  ensuite  du  OuaDcherîch.  Abd-eUCaouï, .  soutenu  par  son 
peuple, .leur  disputa  la  possession  de  cette  montagne,  et,  quand 
ii  eut  remporté  la  \ictoire;  il  y  établit  les  Beni-Tlgherin  et  le» 
Beni-Mengouch.  Plus  tard,  les  Toudjin  conquirent  le  Mindas  et 
y  installèrent  les  diverses  tribus  qui  formaient  la  grande  famille 
des  Beni-Meden^  Parmi  celles-ci,  la  prééminence  appartenait  aux* 
Beni-Idielten,  lesquels  eurent  pour  chefs  les  Beni-Selama.  Quant 
aux  Beni-Irnaten,  ils  restèrent  dans  leur  ancien  territoire,  aw 
Sud  du  Ouancherich. 

La  famille  d'Atïa-t-el-Hîou  eut  pour  confédérés  les  Beni- 
Tigherin  dont  l'appui  lui  était  assuré  d^uoe  manière  spéciale,  e^ 
ensuite  les  Aulad-Aztz-Jbo-Yacoub.  On  désigne  ces  tribus  coa- 
lisées par  le  nom  d'El-Hachem. 

Les  Toudjin,  conduits  par  Abd-el-Gaouï-Ibn-el-Abbas,  sou^ 
mirent  une  grande  étendue  de  pays  et  chassèrent  les  Magbraoua-^ 
deMédéa,  du  Ouancherîch  et  de  Taferkntt.  Ayant  occ^apé  ce» 
localités,  ils  tournèrent  leurs  armes  vers  l'Occident  et  se  ren-^ 
dirent  maîtres  du  Mindas,  d'£l*Djâbat  et  de  Taoughzout.  Abd- 
el-Caouï  se  forma  ainsi  un  royaume  qu'on  pouvait  regarder, 
comme  nomade;  car  il  ne  voulut  jamais  renoncer  à  Tusaga  des. 
tentes  et  à  l'habitude  de  parcourir  le  pays  avec  ses  troupeaux, 
tout  en  passant  l'été  dans  le  Tell  et  l'hiver  dans  le  Désert.  PeD*i 
dant  cette  dernière  saison,  ses  tribus  restaient  dans  le  Zab  etr 
dans  le  pays  des  Mozab  ;  puis,  à  l'approche  des  chaleurs,  ils  re- 
visit^icnt  leurs  territoires  du  Tell.  Après  lui,  son  fils  Mohammed* 
mena  le  même  genre  de  vie. 

Quand  Mohammed  mourut  el  que  ses  descendants  entamèrenl^ 
une.lutte  pour  le  pouvoir,  lutte,  dans  laquelle  ils  employàreni^. 
l'assassinat  pour  se  débarrasser  les  uns  des  autres,  le  peuple 
abdrcl-ouadite  réussit  à  conquérir  tous  leurs  territoires  et  à 
soumettre  toutes  leurs  tribus.  Les  Beni-Irnaten  et  les  Beni-Id- 
lelten  ayant  ensuite  acquis  une  grande  supériorité  sur  les  autres 
Toudjinides,  embrassèrent  le  parti  des  Abd-el-Ouad,  et  leurs 
descendants,  continuèrent  à  habiter  le  Ouancherîch  jusqu'à  W 
ruine  de  leur  puissance.  Plus  loin,  nous  parlerons  en  détail  de 
tous  ces  événemeuls. 


8  HlSTOlftl    DES    BBRBtRBS. 

Après  avoir  enlevé  le  Ouaochertch  aax  liaghraoun,  Abd««t« 
Caeulf  bâtit  la  cîtaclelle  de  Merat,  ville  dont  Mendtl  le  magbra^ 
eoien  avait  posé  les  fomlements.  Mohammed,  fila  d'Abd-el- 
CaaaT,  acheva  la  eonstruetioD  de  cette  place  forte. 

A  la  smïe  de  l'oaurpatton  par  laquelle  les  Hafsidea  établirent 
leur  «itorilé  en  Ifrfkïa  an  détriment  des  khalifes  atmohades, 
Fémir  Abou^Zékéiïa  envahit  le  Ha£i;hreb  central  et  reçut  la  sou- 
mission de»  tribus  sanhadjiennes.  Pour  châtier  les  Zenata  qm 
s'étaient  enfuis  pour  éviter  sa  rencontre,  il  ravagea  leurs  terres 
et,  dans  une  de  ses  courses,  il  parvint  à  faire  prisonnier  Abd-el- 
CaQUJ(4bn-el-Abbas.  Après  avoir  détenu  cet  émir  à  Tunis  pen- 
dant cfuekjne  temps,  il  le  relâcha  afin  de  gagner,  par  son  entre- 
mise, Tamitié  des  Toudjin.  Ceux-ci  embrassèrent  la  cause  do 
sultan  hafside  et  restèrent  toujours  fidèles  à  lui  et  à  ses  succès- 
aeiirs;  ils  Taocooipagnèrent  mémo  dans  son  expédition  contre 
TLemeen  et  no  le  quittèrent  qu'après  la  chute  de  cette  ville.  En 
repartant  pour  sa  capitale,  il  investit  Abd-^UCaouï  du  comman- 
dement de  la  tribu  et  du  pays  des  Toudjîn  ;  il  l'autorisa  aussi  à 
prendre  les  insignes  de  la  ix>^yauté ,  bonnem*  dont  les  Tondjin 
n'avaient  pas  encore  joui. 

Cette  tribu  était  tantôt  en  guerre,  tantôt  en  paix  avec  le» 
Beni-iÂbd-^el-Otiad  ;  mais  après  la.  mort  du  suhan  mérinide,  Es- 
Satd,  qcû  fut  tué  par  les  gens  de  Yaghmoracen,  elle  répondit  h 
l'-appel  de  ce  chef  qui  inyita  tous  les  peuples  zenatiens  à  marcher 
avec  loi  contre  le  Maghrek.  Elle  partit,  Tan  &47  (1249-80),  ao- 
'compagne  de  son  chef  Abd-el-GaouY,  et  se  rangea  sou»  les  dra*- 
paaus  d»  Taghmoracen,  qui  voulut  entrer  dnns  le  territoire  des 
Mérinides  avant  de  leur  laisser  le  temps .  de  se  préparer  h  \è^ 
résislance^ 

L'armée  zenatienne  pénétra  jusqu'à  Tèza  d'où  elle  rebix^ussa 
chemin,  ayant  trouvé-  devant  elle  les  troupes  d'Abou^^Tahya- 
Ibn-Abé-^et-Hack,  émir  des  Beni-Merin.  Ce  chef  poursuivH 
les  envahisseucs  jusqu'au  pays  d'Angad  et  les  attaqua  si  vigoiK^ 
reusemeni.  qu'il  mit  toutes  les  tribus  badinides  en  pleine  dé- 
rouie. 

Nous  avons  parlé  do  cette  bataille  dans  rhistoire  des  Bent^ 


LKs  beni-toudjIn.  9 

Abd-el-Ouad^  Abd-el-Caouï  rentra  dans  le  territoire  de  sa  tribu 
et  mourut,  la  même  année,  à  Mahnoan  *,  localtlë  appartenant  aux 
Tondjtn. 

Alors,  son  fils  Youçof  s'empara  da  pouvoir;  mais,  une  se- 
maine plus  tard,  il  fut  assassiné  sur  le  tombeau  de  son  père*  Le 
meurtrier,  qui  se  nommait  Mohammed  et  qui  était  aussi  lib 
d'Abd  ^  el  -  Gaouï  et  son  successeur  désigné,  prit  le  oomman* 
dément.  Saleh,  fiU  de  Youçof,  s*enfttit  avec  ses  enfants  vers 
le  territoire  des  Sanhadja  et  trouva  un  asile  dans  les  montagnes 
deMédéa. 

Le  nouveau  che£,  Mohammed-lbn-Abd-el-CaouV,  se  Ht  redotir- 
ter  de  ses  voisins  par  la  ténacité  qu'il  montra  dans  l'exécutbo 
de  ses  projets.  En  l'an  649  (1251-2),  il  s'enferma  dans  Taterlc- 
ntt  et  soutint  un  siège  contre  Yaglimoracen»  Secondé  par  son 
petit-fils,  Ali  -  Ibn  -  Z)an,  et  par  une  bande  de  Toudjiaidet, 
il  y  fit  une  si  belle  défense  qu'au  bout  de  quelques  jours  il  Ibrfa 
son  adversaire  à  la  retraite.  Quand  la  paix  (ut  rétablie  entre 
les  Toudjtn  et  les  Abd-él-Ouad,  Mohammed  suivît  l'exemple  de 
son  père  qui  avait  soutenu  Yagbmoracen  dans^  une  expédition 
contre  les  Mérinides  et,  sur  l'iovitalioa  de  ce  chef,  il  se  «ôi  en 
campagne,  l'an  657  (1259).  S'étant  joint, avec  les  Toudjîn  etles 
Maghraoua,  aux  troupes  de  Yaghmoracen,  il  s'avança  jusq^u^à 
Keldaman,  endroit  situé  entre  Tèza  elle  Bif.  L'armée  des  coalir- 
sés  se  rencontra  dans  cette  localité  avec  les  Mérinides  comman- 
dés par  Yacoùb-Ibn*Âbd-el-Hack  et  essuya  une  défaite. 

La  guerre  ayant  éclaté  de  nouveau  entre  Mobammed-Ibn->Abd- 
el-^Caouï  et  Yaghmoracen,  celui-ci  alla  dans  le  OQancherfek,.à 
plusieurs  reprises,  pour  attaquer  son  ennemi  ;  et,  dans  ses  nom- 
breuses courses,  il  insulta  toutes  les  parties  du  territoire  Uxud- 
j,inide.  L'élévation  de  Yaghmoracen  au  trône  de  Tiemcen  et  son 
ambition  de  commandera  tous  les  peuples  d'origine  zenatienne 
empêchèrent  désormais  toute  espèce  de  coalition  entre  les  deux 


^  Tome  uf,  p.  352.  Voy.  aussi  dans  1  histoire  édS  Mérinides^  cl^rès. 
^  Variacie  :  Mahioun, 


40  HISTOIRE    DES     BERBÈRES. 

chefs,  bien  que  leurs  tribus,  les  Toudjia  et  les  Abd-el-Ouad, 
reconoaissaieul  également  la  suprématie  des  khalifes  hafsides. 

Mohammed-Ibn-Abd-el-Caouï  était  toujours  bien  disposé  pour 
le  sultan  El-Moetancer.  En  l'an  668  (1269-70),  quand  les  Fran- 
çais débarquèrent  auprès  de  Tunis  avec  l'intention  de  prendre 
cette  capitale  et  qu'EUMostancer  appela  tous  les  princes  zena- 
tiens  à  son  secours,  Mohammed  y  répondit  avec  un  grand  em- 
pressement :  il  rassembla  les  guerriers  de  sa  tribu,  leva  des 
troupes  chez  les  autres  peuplades  qui  habitaient  son  territoire 
et  accourut  auprès  du  souverain  hafside^.  Dans  ses  rencontres 
avec  les  ennemis  de  l'islamisme,  il  déploya  une  bravoure  qui 
lui  assura  une  haute  réputation  en  ce  monde  et  la  faveur  divine 
dans  l'autre.  Après  le  départ  des  chrétiens,  il  se  disposa  h  ren- 
trer dans  son  pays,  quand  il  reçut  du  sultan  eu  fief  les  villes  de 
Maggara  et  d'Aoumach,  avec  un  riche  cadeau  et  d'abondantes 
gratifications  pour  ses  troupes  et  pour  ses  ofliciers.  Depuis  lors, 
il  se  montra  parfaitement  dévoué  à  El-Mostancer  et  toujours 
prêt  à  le  soutenir. 

La  conquête  des  villes  du  Haghreb  par  les  Beni-Merîn  et  là 
consolidation  de  leur  puissance  en  ce  pays  leur  assura  enfin  la 
supériorité  sur  les  Abd-eUOuadites  et  l'appui  de  Mohammed- 
Ibn-Abd-el-Caouï  dans  leurs  guerres  avec  Yaghmoracen.  En 
ces  occasions,  Ztan,  fils  de  Mohammed,  leur  amena  toujours  un 
corps  d'armée.  En  Pan  670  (1274-2),  quand  Yacoub-lbn-Abd- 
el-Hack  fit  la  rencontre  des  Abd-el-Ouad  à  Isly,  dans  l'Angad, 
et  livra  la  bataille  dans  laquelle  Pares,  fils  de  Yaghmoracen,  per- 
dit la  vie'  Mohammed -Ibn-Abd-el-Caouï  se  mit  en  marche  afin 
d'opérer  sa  jonction  avec  le  sultan  mérinide  ;  et,  en  passant  par 
£l-Bat'ha,  qui  était  alors  une  des  places  fortes  du  royaume  de 
Tlemcen,  il 'la  détruisit  de  fond  en  comble.  Yacoub,  qui  se  trou- 
vait alors  sous  les  murs  de  Tlemcen  et  qui  était  entouré  de  toute 
la  pompe  d'un  souverain,  lui  fit  l'accueil  le  plus  honorable.  Ils 


«  Voy.  t.  u,  p.  366,  note  2. 

*  Supprimez  le  mot  ila  daus  le  texte  arabe. 


LES    BENI-TOUDjtK.  4t 

assiégèrent  la  ville  pendant  quelques  jours  ;  et,  voyant  qu'elle 
continuait  à  résister,  ils  prirent  le  parti  de  s'éloigner.  Le  sultan 
mérinide  autorisa  son  allié  d'emmener  les  troupes  toudjinides  ; 
et,  pour  les  garantir  contre  Yaghmoracen,  il  promit  de  mainte- 
nir le  blocus  de  Tiemcen  jusqu'à  ce  qu'elles  fussent  rentrées 
dans  leur  pays.  Quand  elles  allaient  partir,  il  les  combla  de  dons 
et  leur  distribua  cent  chevaux  de  race  richement  caparaçonnés, 
un  millier  de  chamelles  laitières,  une  quantité  de  robes  magni- 
fiques, do  tapis,  de  pavillons,  do  tentes  et  de  bétesde  somme. 

Mohammed-Ibn-Abd-el-Caouï,  étant  de  retour  dans  son  pays, 
le  Ouancherich,  harassa  les  étals  de  Yaghmoracen  par  des  in- 
cursions souvent  renouvellées  ;  et,  tant  que  durèrent  ces  hosti- 
lités, il  envoyait  à  Yacoub-lbn-el-Hack  de  fréquents  témoi- 
gnages d'amitié  ,  de  beaux  chevaux  et  les  produits  les  plus 
recherchés  du  pays.  Le  sultan  mérinide  porta  si  haut  son 
estime  pour  le  chef  toudjinide,  qu'ayant  négocié  on  traité  de 
paix  avec  Yaghmoracen,  il  déclara  que  la  moindre  démonstra- 
tion hostile  faite  par  les  Beni-Abd-el-Ouad  contre  son  allié  se- 
rait regardée  comme  une  déclaration  de  guerre  contre  lui-même. 

Ce  fut  h  cause  des  Toudjinides  que  Yacoub  entreprit  son  ex- 
pédition de  Tan  680  (128^-2).  Gomme  Yaghmoracen  hésitait 
d'admettre  aucune  stipulation  Bn  leur  faveur,  il  marcha  contre 
lut,  le  battit  à  Rharzouza  et  le  contraignit  à  s'enfermer  dans 
Tiemcen.  Mohammed-ibn-Abd-eUCaouï  vint  le  joindre  à  El- 
Gaçabat  et  Taida  à  ravager  les  environs  de  la  capitale  dbd*el- 
ouadite  ;  puis,  ayant  obtenu  la  permission  de  s'en  retourner 
dans  le  Ouancherîch,  il  effectua  sa  retraite  sans  obstacle,  grâce 
au  soin  que  le  sultan  avait  mis  à  tenir  la  ville  étroitement  blo- 
quée. Ils  ne  cessèrent  de  se  conduire  de  la  même  manière  jusqu'à 
la  mort  de  Yaghmoracen,  lequel  finit  ses  jours  à  Chedtouïa,  dans 
le  pays  des  Maghraoua. 

La  supériorité  que  les  Beni-Mertn  s'étaient  acquise  dans  leurs 
conflits  avec  les  Beni-Abd-el-Ouad  permit  à  Mohammed-Ibn- 
Abd-el-Caouï  de  bien  asseoir  son  autorité  et  de  soumettre  les 
localités  occupées  par  les  Sanhadja  dans  les  montagnes  de  Mé- 
déa.  Il  chassa  les  Thèleba  do  la  montagne  do  Ttteri  après  avoir 


ti  BISTOItB    DES     BBRBÈRB8. 

fait  mourir  leurs  chefs  dans  un  guet-apens,  et  les  envoya  dâiW' 
les  plaines  de  Melfdja.  H  s^empara  aussi  de  Hédéa  (El-Mtd^a)^. 
forteresse  ainsi  nommée  parce  que  ses  habitants  s'appelaient  Un 
Lémédïa.  Ce  peuple  était  de  race  sanhadjienne;  leur  ville  eut 
pour  fondateur  Bologguin-Ibn-Ziri.  L'émir  toudjinide  en  ayant 
pris  possession,  ainsi  que  des  environs,  y  installa  les  Aulad-* 
Aztx-lbn-Yacoub,  tribu  qui  faisait  partie  des-  Hachem  sous  ses 
ordres,  et  leur  en  confia  le  commandement. 

Ses  neveux,  les  Beni-Safeh,  qui  s*é(aient  réfugiés  chez  les 
Sanhadja  après  l'assassinat  de  leur  grand^père  *  Youçof ,  pas- 
sèrent alors  en  Ifrîkïa  où  ils  furent  très-bien  accueillis  par  le 
gouvernement  hafside.  Le  khalife  leur  concéda  des  terres  aux 
environs  do  Gonstantine  et  s'en  fit  ainsi  des  partisans  très--dé- 
voués  en  cas  de  guerre.  Les  membres  de  cette  famille  qui  s'y 
distinguèrent  le  plus  étaient  Omar-Ibn-Saieh,  ses  fils  Saieh  et 
Yahya  et  son  pelii-fils  Yahya-lbn-Saleh.  Leurs  descendants 
habitent  encore  la  province  de  Gonstantine  et  sont  employés  au 
service  du  gouvernement  hafside,  soit  comme  militaires,  soit 
iH>mme  administrateurs. 

Le  chef  des  Aulad-Azîz  auquel  fut  confié  le  commandement  de 
Médéa,  se  nommait  Hacen-Ibn-Yacoub.  Il  eut  pour  successeurs 
ses  fils  Youçof  et  Ali*  Celle  tribu  s'établit  alors  dans  une  localité 
située  entre  la  ville  de  Médéa  et  leur  aocien  lieu  de  séjour, 
Uahnoun. 

Les  Beni-Idlelten  qui  s'emparèrent  des  châteaux  d*El-Djâbat 
et  de  Taoughzoul,  appartenaient  aussi  h  la  tribu  des  Toudjin. 
Leur  chef,  Selama-Ibn-Ali,  s'établit  dans  Taoughzout  et  reconnut 
l'autorité  de  Mohammed  -  Ibn  -  Abd  '  el  -Caouï,  dont  le  pouvoir 
s'élendait  ainsi  sur  les  plaines  du  Maghreb  central,  depuis  le 
territoire  des  Beni-Rached  jusqu'à  Médéa,  dans  le  pays  des 
Sanhadja;  et,  au  Midi,  depuis  les  montagnes  et  la  plaine  du 
Seressou  jusqu'au  Zab.  Tous  les  hivers,  Mohammed  allait  cam- 
per à  Ed-Doucen  ou  à  Maggara,  ou  bien  h  El-Hecila. 


*  Voy.  cinlevant,  p.  9.  A  la  place  de  m^ctel  abihi^  dans  le  texte 
arabe,  il  faut  lire  mactd  abihim^  ou  bieu  mactel  akhihi. 


Apràft  la  mort  de  Taghmaracen,  la  guerre  éclata  entre  son  fils 
Otbmaa  et  le  (hei  des  Toadjin.  En  l'an  6&2  (4283-i),  Othman 
bloqua  son  adversaire  dans  le  Ouancliericli  et  porta  le  ravage 
par  toute  cette  montagne  avant  de  rentrer  à  Tiemcen. 

En  l'an  684  (4285*6),  eat  lieu  la  mort  de  Mobammed-Ibn- 
Abd-el*Caouï  et  Tavànement  de  son  fils,  SéYd-en-Nas.  Environ 
"Use  année  plus  tard,  le  nouveau  chef  fut  assassiné  par  son  frère, 
Mouça.  Celui-ci  gouverna  les  Toudjin  pendant  deux  ans.  Ayant 
remarqué  que  les  habitants  de  Merat  étaient  les  plus  intraitables 
et  les  plus  perfides  de  tous  ses  sujets,  il  crut  pouvoir  se  déli- 
vrer d'un  grand  embarras  en  exterminant  leurs  chefs.  Cette  ré- 
solution prise,  il  se  rendit  au  milieu  d'eux,  mais  il  y  trouva 
une  réception  à  laquelle  il  ne  s'attendait  guères.  Les  habitants, 
•avertis  de  son  intention,  coururent  aux  armes  et  se  battirent 
avec  le  courage  du  désespoir  ;  puis,  l'ayant  criblé  de  blessures, 
ib  le  poursuivirent  jusqu'au  précipice  cpii  borde  leur  forteresse 
el  le  forcèrent  à  se  jeter  dans  l'abime.  Après  la  mort  de  Mouça* 
Ibn-Mohamraed,  son  neveu,  Omar-Ibn-lsmatl-lbn-Mohammed, 
gouverna  pendant  quatre  ans  et  fut  assassiné  par  ses  cousins, 
les  fils  de  Zfan-Ibn-Mobammed.  Ibrahim-Ibn^Ztan,  l'atné  de  ces 
frères,  régit  ensuite  la  tribu  aveo  une  telle  habileté  qu'on  l'a 
regardé  comme  le  plus  capable  de  tous  les  successeurs  de  Ho- 
bammed4bn-Abd-<el-CaouY. 

Pendant  ces  changements,  les  Beni-Abd-el-Ouad  avaient  ac- 
quis la  supériorité  sur  les  Toudjtn.  Aussitôt  après  la  mort  de 
Mohammed,  fils  d'Abd-el-Caouï ,  le  souverain  de  Tiemcen, 
Othman-lbn-Yaghmoracen,  fit  peser  sur  eux  le  poids  de  sa  puis- 
sance. En  l'an  686  (4287),  il  les  bloqua  dans  le  Ouanohertoh, 
dévasta  leur  pays  et  en  transporta  tous  les  grains  dans  ses  ma- 
gasins, à  Mazouna,  ville  qu'il  venait  d'enlever  aux  Maghraouâ. 
Ayant  ensuite  rois  le  siège  devant  Taferknit,  il  se  fit  remettre  ^ 
cette  place  par  le  commandant,  Ghaleb  l'eunuque,  afifranchi  de 
Séïd*en*Nas-lbn*Mohammed.  Rentré  alors  à  Tiemcen,  il  en 
sortît  de  nouveau  pour  assiéger  Taoughzout  ;   et,  après  s'être 

^  ■      I.  I  ■  Il  ■       ■       I       I  ■  ...  ■  ■  I    I    I   ■■!    ■        ■  I  » 

*  Li6€«  melekeka  dans  le  texte  arabe. 


44  HISTOmB    DBS     BBRBËRES. 

présenté  devait  cette  forteresse  h  plusieurs  reprises,  il  en  reçut 
la  soumission  des  chefs,  les  Aulad-Selama,  qui,  jusqu'alors, 
étaient  demeurés  fidèles  à  la  famille  de  Mohammed -Ibn-Abd-eU 
Caouï.  Pour  les  attacher  à  son  parti,  il  leur  concéda  les  impôts 
des  Beni-Idlelten  ;  et,  suivant  son  habitude,  il  travailla  à  semer 
la  discorde  parmi  les  tribus  toudjinides.  Leur  chef,  Ibrahtm-lbn* 
Ztan,  contre  lequel  il  était  parvenu  à  diriger  leur  mécontente- 
ment, avait  à  peine  achevé  le  septième  mois  de  son  commande- 
ment quand  il  fut  assassiné  à  El-Bat'ha  où  il  venait  de  faire  une 
expédition.  Il  mourut  de  la  main.de  Zeghdan-lbn-Aadjemi, 
cheikh  des  Bcni-Madoun. 

Les  Beni-Tigherîn  proclamèrent  alors  l'&utorilé  deMouça-Ibn- 
Zerara,  petit-fils  de  Mohammed-lbn-Abd-el^aouï  ;  mais  ils  no 
purent  faire  agréer  ce  choix  aux  autres  Toudjinides.  Le  nou- 
veau chef  ne  resta  pas  au  pouvoir  une  année  entière.  Othman- 
Ibn-Yaghmoracen  profita  de  ces  dissensions  pour  gagner  suc- 
cessivement un  grand  nombre  de  leurs  tribus  ;  puis,  il  alla 
s'emparer  du  Ouancherich.  Mouça-lbn-Zerara  voulut  se  réfugier 
aux  environs  de  Médéa,  mais  il  mourut  avant  d'y  arriver.  En 
Tan  688  (1289),  Othman  se  rendit  maître  de  cette  ville  avec  le 
concours  des  Lémédïa  sanhadjiens  qu'il  avait  amenés  à  trahir 
les  Aulad-Aztz.  Sept  mois  plus  tard,  ceux-ci  rentrèrent  en  pos- 
session de  Médéa  avec  Taide  des  Sanhadjiens  qui  les  avaient 
trompés  ;  et,  pour  détourner  la  colère  d'Othman,  ils  s'empres- 
sèrent de  lui  envoyer  l'assurance  de  leur  soumission  et  la  pro- 
messe de  lui  fournir  le  même  subside  qu'ils  avaient  eu  l'habitude 
de  payer  à  Mohammed-Ibn-Abd-eKCaouï  et  h  ses  successeurs.  Le 
prince  abd-el-ouadite  était  parvenu  à  réduire  sous  sa  domina- 
tion tout  le  pays  des  Toudjinides  quand  il  se  vit  lout-à-coup 
exposé  aux  attaques  des  Beni-Mertn  et  de  leur  sultan  Youçof- 
Ibn-Yacoub. 

Un  descendant  de  Mohammed  -  Ibn -Abd-el  -  Caouï,  nommé 
Abou-Bekr-lbn-Ibrahtm-lbn-Mohammed,  prit  alors  le  comman- 
dement des  Toudjîn  ;  et,  pendant  deux  ans,  il  gouverna  ce  peu- 
ple avec  une  tyrannie  qui  les  glaça  d'effroi.  Aussitôt  qu'il  fut 
mort,  les  Béni -Ttgherîn  proclamèrent  son  frère,  Atïa-t-el-Asamm, 


LES   BENI-TOCDJIN.  45 

mais  les  Aulad-Aztx  el  les  autres  tribus  toudjinides  repoussèrent 
celte  nomination,  prirent  pour  chef  YouçoMbn-Ztan-lbn-Mo- 
hammed  et  bloquèrent  Âtïa  et  les  Beni-Tighertn  dans  le  Ouan- 
cberîch  pendant  plus  d'un  an. 

Yahya-lbn-Alïa,  chef  des  Beni-Ttgherin  et  la  même  per- 
sonne qui  avait  porté  celte  tribu  à  proclamer  Atïa*-t-el-Asarom, 
se  fatigua  enfin  d'être  assiégé  de  cette  manière  ;  sachant  de 
quelle  puissance  les  Beni-Herin  pouvaient  maintenant  disposer, 
il  se  rendit  auprès  de  Youçof-lbn-Yacoub  qui  faisait  alors  le 
siège  de  Tlemcen,  et  le  pria  avec  instance  de  prendre  possession 
du  Ouancherich.  Le  sultan  mérinide  v  donna  son  consentement 
et  plaça  un  corps  de  troupes,  d'abord  sous  les  ordres  de  son 
frère  Abou-Serhan,  puis,  sous  les  ordres  d'Abou-Yahya ,  un 
autre  de  ses  frères,  et  autorisa  le  chef  tigherinide  d'emmener  ce 
secours.  En  Tan  701  (4031-2),  Abou-Yahya  se  mit  en  marche 
et,  après  avoir  envahi  les  provinces  orientales  [du  Maghreb 
central],  il  retourna  sur  ses  pas,  pénétra  dans  le  Ooancherfch 
et  en  détruisit  les  places  fortes  avant  de  ramener  son  armée. 
Dans  une  seconde  expédition,  il  chassa  les  Toudjîn  de  leur  pays, 
accepta  la  soumission  des  habitants  de  Taferknh;  el,  s'étant 
porté,  delà,  sur  Médéa,  ville  qu'il  reçut  à  composition  et  dans 
laquelle  il  construisit  la  citadelle  qu'on  y  voit  encore,  il  alla  re- 
joindre son  frère,  le  sultan.  Aussitôt  qu'il  fut  parti,  les  gens  de 
Taferknit  répudièrent  la  domination  mérinide. 

Les  descendants  d'Abd-el-Caouï  se  décidèrent  alors  à  se  ren- 
dre auprès  de  Youçof-Ibn-Yacoub  et  à  lui  offrir  l'hommage  de 
leur  obéissance.  En  les  congédiant,  ce  prince  leur  accorda  des 
fiefs  et  désigna  Ali-ibn-en-Nacer-Ibn-Abd-el-Caouï  comme 
gouverneur  des  Toudjin.  Celui-ci  se  laissa  enlever  l'autorité  par 
Yahya-Ibn-Atïa,  chef  que  Youçof  lui  avait  assigné  comme  vizir. 
Après  la  mort  de  l'usurpateur,  qui  était  parvenu  à  se  maintenir 
au  pouvoir,  le  sultan  Youçof  nomma  Mohammed,  fils  d'Atla-t- 
el-Âsamm  ,  au  commandement  de  la  tribu.  Pendant  quelque 
temps,  Mohammed  servit  lesMérinides  avec  dévouement;  mais, 
en  l'an  706  (4306-7),  peu  de  temps  avant  l'assassinat  de  leur 
souverain,  il  poussa  sa  tribu  dans  la  révolte. 


46  HISTOfU    DES    BIKBftKBS. 

Après  la  mort  de  Youçof-lbn-Yâçoub,  radministraiton  méri-' 
nide  abandonsa  aux  petits-fils  de  YaghmoraoeD  toutes  les  villes 
du  Maghreb  doDt  ^le  s'était  emparée.  Les  Âbd-el-Ouad  éloi-r 
gnèrent  alors  de  ce  pays  les  divers  chefs  qai  y  avaieni  exercé 
des  commandements  et  forcèrent  les  descendants  d'Abd*^eI- 
GaouY  h  passer  dans  le  royaume  des  Hafsides.  Les  réfugiés  fu^ 
rent  accueillis  avec  une  grande  considération  à  la  cour  de  Tunis  ; 
et  un  de  cette  bande,  le  nommé  El-Abbas*-ibn-Mohammed-Ibn  • 
Abd-el«CaouY,  jouit,  pendant  toute  sa  vie,  de  la  haute  faveur 
des  souverains  hafeides.  Ses  descendants  continuèrent  toujours 
à  servir  dass  l'armée  du  sultan  de  Tunis.  Après  Téloignement  de 
ces  notables, Yahya-lbn-Atïa,  petit-fils  de  Youçof-lbn-el-Mansour 
et  chef  des  Beni-Tîghertn,  se  rendit  mattre  du  Ouancherîch.  On 
prétend  que  la  famille  de  ce  chef  fut  simplement  agrégée  k  la 
tribu  de  Tfgherîn  et  qu'El-Hansour,  dont  le  vrai  nom  était 
Ahmed-Ibn-'Moharomed,  descendait  de  Yala-lbn-Mohammed,  le 
sultan  ifrenide.  Yahya  ne  gouverna  que  peu  de  temps.  Après 
sa  mort,  le  commandement  passa  à  son  frère  Othman-lbn-Atïa 
qui,  en  mourant,  transmit  le  pouvoir  k  son  fils,  Omar-tbn* 
Othman.  Pendant  que  ce  chef  et  son  peuple  dominaient  sur 
le  Ouânchertch,  les  Aulad-Azîz,  commandés  parYouçofet 
Ali,  tous  les  deux  fils  '  de  Hassan-Ibn-Yacoub,  se  tenaient  dans 
la  ville  et  dans  les  environs  de  Médéa.  Les  deux  tribus  re- 
connaissaient également  la  souveraineté  du  sultan  abd-el-oua- 
dite,  Abou-Hammou,  lequel  avait  dompté  par  les  armes  leur 
esprit  d'indépendance  et  enlevé  aux  descendants  d'Abd-el-Caouï 
le  droit  de  commander. 

Quand  Hohammed-lbn-Youçof,  petit-fils  de  Yaghmoracen,  se 
révolta  contre  son  cousin  Abou-Hammou  I  et  se  rendit  chez  les 
Aulad-Aztz,  il  reçut  des  chefs  de  cette  tribu  le  serment  de  fidé- 
lité et  obtint,  par  leur  entremise,  Tappui  d'Omar-Ibn-Othman, 
chef  des  Beni-*Tlghertn  et  seigneur  du  Ouânchertch.  Cet  exemple 
entraîna  ^adhésion  des  Achar,   des  Mengoucha  et  des  Beni- 


*  Dans  le  texte  arabe,  il  faut  remplacer  Ibn  par  i6fiat. 


tES  BfiM-TOUDjiK.  17 

ïrnaten.  Toutes  ces  tribus  marchèrent  av^  le  prétendant  eonUe 
AboQ-Hammou,  qui  était  alors  campé  sur  le  Nehel\  et  mireoi 
les  Abd-el-Oiiadiles  ea  pleine  déroute.  Pour  la  suile  de  ces  éri* 
Déments  et  de  la  guerre  que  ces  pcfuples  firent  au  aiiltan,  on  peut 
revoir  Vhistorre  des  Beni^Âbd*el^aad  *. 

Abou-Tachefto,  fils  et  successeur  d'Aboo^fiamnoo,  entreprH 
une  expéditioa  contre  les  insurgés,  et  Omar-^Ibn-Othman,  jatouX 
<k  la  faveur  que  Mohammed-Ibn-Youçof  témoignait  aux  Aulad^ 
Aztz,  fit  secrètement  avertir  ce  priace  qu'il  passerait  attx  Abd<^ 
etOuadites.  Ëiïectivement,  quand  ceux-ci  eurent  pris  positi<»li 
-au  pied  de  la  montagne  et  que  Mohammed-lbn-Youço[  se  fut 
enfermé  dans  Toukal»  le  chef  des  Tigherfn  alla  trouver  le  sultan 
et  le  conduisit,  par  une  voce  secrète,  dans  14atérie«ir  de  la  for- 
teresse. Mohammed,  abandonné  par  tous  ses  alliés,  fût  amené 
priaonnier  devant  Aboa<-Taohefto  et  tué  à  coups  de  taboe  sous 
les  yeux  de  ce  monarque.  Ceci  eut  lieu  l'an  749  (4340).  Là  tète 
du  perturbateur  fut  envoyée  à  Tlemcen  el  son  corps  fut  atta<^é 
&  un  poteau  que  l'on  planta  au  milieu  de  Toukal. 

Omar^lbn-Othman  devint  alors  seigneur  du  Onancharloh  et 
resta  toujours  fidèle  à  Abou^Tâchefln.  Il  mourut  h  f  lemcen  ea 
•repoussant  une  dés  atlaques  que  les  Mérinides,  sous  les  ordres 
<lu  sultan  Abou-'l-fiaeen,  dirigèrent  contre  cette  viHe* 

Lors  de  la  Conquête  du  Maghreb  central  par  les  B6nt^Merlb>  le 
sultan  Abou-'UHacen  donna  le  gouvernement  du  Ouanchertoh  k 
Kasr,  fils  d'Ibn-Omar.  Gelui-^î  ae  montra  bon  adminiatrateur 
et  sincèrement  dévoué  auxMérinides  ;  consacrant  tous  ses  soins 
à  développer  la  prospérité  de  sa  province  et  à  en  augmenter  leS 
revenus* 

Après  le  revers  qu'essuya  Abot»-'l^Hacen  auprès  dé  Gairouan^ 
les  princes  senatiens  conçurent  l'espoir  de  rétablir  les  royaumes 
fondés  par  leurs  ancêtres,  et  Adi-Ibo-^Youçof,  petit-fils  de  Ztan» 
ibn-Mohammed-lbn-Abd-el-Caout ,  s'empara  des  euyirons  de 


*  Variante  :  Tehel 

•  Voy.  t.  m,  p.  395, 

T.  IV.  t 


^8  niSTomE   des  berbères. 

Médëa.  Ses  prétentions  répondirent  si  bien  dux  désirs  d'un 
peuple  déjà  mûr  pour  la  révolte,  que  les  Âulad-Az}z  et  leurs 
voisins,  les  Beni-irnian,  se  réunirent  autour  de  son  drapeau  et 
marchèrent  vers  le  Ouancherîch.  Ils  voulurent  surtout  châtier 
les  Hachem  qui  les  avaient  remplacés  dans  le  commandement  de 
cette  montagne  et  qui  avaient  aidé  le  sultan  de  Tiemcen  à  ruiner 
leur  puissance.  Nasr-lbn-Omar-Ibn-Olhman,  chef  des  Hachem, 
j)roclama  aussilàt  l'autorité  de  Masoud-Ben-BonZeid,  pelit-tils 
de  Khaled-Ibn-Mohammed-lbn-Abd-el-Caouï,  qui  s'était  enfui 
du  camp  de  son  parent  Ali*Ibn-Youçof ,  dont  les  partisans 
avaient  voulu  le  tuer.  Les  Hachem  soutinrent  alors  une  ^^uerre 
contre  Adi-Ibn-Youçof  et  Unirent  par  le  repousser. 

Quand  Abou-4-Hacen  débarqua  à  Alger  après  avoir  quitté 
Tunis,  Adi  se  joignit  à  lui  ;  mais  son  rival,  Masoud,  garda  la 
neutralité  et,  lors  de  la  reprise  de  Tiemcen  par  les  Abd-eU 
Ouad,  sous  les  ordres  du  sultan  Abou-Satd-Olhman-lbn-Abd- 
er-Rahman,  il  reçut  de  celui-ci  le  commandement  du  Ouanche- 
rich  et  le  titre  de  roi.  Vaincu,  plus  tard,  par  Abou-£inan,  Ma* 
soud  chercha  un  asile  chez  les  Zouaoua  ;  mais  il  dut  enGn  faire 
sa  soumission  au  sultan  mérinide  et  prendre  avec  lui  la  route  de 
Fez.  Par  la  chute  de  la  famille  de  Mohammed-Ibn-Abd-el-Gaouï, 
fut  achevée  la  ruine  de  l'empire  que  ces  princes  avaient  fondé. 

Pendant  le  règne  d'Abou-Einan,  Nasr,  (ils  d*[Omar-Ibn-] 
Othman,  gouverna  le  Ouancherlch  au  nom  de  ce  sultan,  et  il 
resta  au  service  des  Mérinides  jusqu'à  ce  qu'Abou-Hammou  H 
Peut  obligé  à  reconnaître  l'autorité  de  l'empire  abd-el-ouadite. 
Entre  les  années  770  (4368)  et  780,  les  Beni-Abd-el-Ouad  re- 
commencèrent à  faire  la  guerre  aux  Arabes  qui  avaient  embrassé 
le  parti  d'Abou-Ztan,  (ils  du  sultan  Âbou-Satd  et  cousin  d'Abou- 
Hammou.  Nasr-Ibn-Omar  se  rangea  du  côté  du  prétendant,  et, 
quelque  temps  après,  il  perdit  la  vie  dans  un  combat.  Son  frèrect 
successeur,  Youçof-lbn-Omar,  a  suivi  la  même  ligne  de  con- 
duite ;  et,  aujourd'hui,  en  l'an  783  (1384-2),  il  gouverne  encore 
le  Ouancherîch,  se  montrant  tantôt  soumis,  tantôt  hostile,  au 
sultan  Abou-Hammou. 


LES   BBNI-SELAMA.  19 

BfSTOIRB    DES     BEl^I  -  8BLAM1  ,      SEIGNEURS     DE     LA     FORTERESSE     DE 
TAOU6HZO0T   ET   CHEFS   DES    BBNl-IDLELTEN. 

Les  Beni-ldlelten,  tribu  nombreuse  et  paissante,  tenaient  le 
premier  rang  parmi  les  familles  toudjinides.  Leur  droit  h  cet 
honneur  fut  si  bien  établi  que  les  Beni-Abd-el-Caotiï  ne  pensèrent 
jamais  à  le  méconnaître.  Quand  les  Toudjinides  envahirent  le  Tell 
après  la  ruine  des  Iloumi  et  des  Ouémannou,  deux  de  leurs 
grandes  fractions,  les  Cadi  et  les  Madoun,  s'établirent  dans  le 
territoire  de  Blindas.  Les  Idlelten  y  arrivèrent  sur  leurs  traces  ot 
occupèrent  El-Djâbat  et  Taoughzout.  A  cette  époque,  ils  eurent 
pour  chef  Nasr-Ibn-Sohan-lbn-Ëïça.  Après  la  mort  de  Nasr,  son 
fils  Menad  exerça  le  commandement  et  le  transmit  à  son  frère, 
Aiî-lbn-Nasr.  Ibrahîm,  fils  d'Ali,  succéda  au  pouvoir  et  eut 
pour  successeur,  en  mourant,  son  frère  5elama-Ibn-AH.  Celui- 
ci  revêtit  Vaulorilé  à  l'époque  où  la  famille  d'Abd-el-Gaooï  avait 
consolidé  la  sienne.  Il  établit,  en  même  temps,  la  puissance  de 
sa  tribu  par  la  construction  de  Taoughzout.  Cette  forteresse, 
appelée  aussi  le  château  des  fils  de  Selama,  n'était  d'abord 
qu'un  simple  hermitage  (rihat)  occupé  par  quelques  Arabes 
soueidiens  qui  avaient  renoncé  au  monde. 

Les  descendants  de  Selama  se  représentent  comme  membres 
adopttfs  de  la  tribu  des  Toudjtn  et  comme  appartenant  en  réalité 
à  la  tribu  arabe  des  Beni-Soleim-Ibn-Mansour  ^  Leur  ancêtre, 
disent-ils,  se  nommait  Eïça-Ibn-SoItan<  et  avait  quitté  son  peuple 
pour  éviter  les  conséquences  d'un  meurtre  qu'il  avait  commis. 
Le  cheikh  des  Beni-Idlelten  l'accueillit  comme  un  frère  ;  et  après 
la  mort  de  son  hôte,  il  en  éleva  les  enfants.  Ce  fut  là  une  des 
circonstances  qui  assurèrent  à  Selama  et  à  sa  postérité  le  com- 
mandement des  Idlelten. 

Après  la  mort  de  Selama-lbn-Ali,  l'autorité  passa  à  son  fils 


*  Voy.  1 1,  p.  28  et  soiv. 

^  Il  faut  remplacer  le  mot  mu  par  bin  dans  le  texte  arabe. 


20  BISTOIBI     DES     URBÈRES. 

YaghmoraceD.  Ceci  eut  lieu  vers  l'époque  où  les  Toudjîn,  ayant 
perdu  leur  grand  sultan,  Mobâmmed-Ibn-Abd-el-Caouï,  Gom- 
mencèreot  à  fléchir  devant  la  puissance  des  Âbd-el-Ouad. 
Othman-lbn-Yaghmoracen[,  le  sultan  abd-el-ouaditc,]  fil  alors 
plusieurs  expéditions  contre  les  Toudjtn  ;  et,  dans  une  de  ses 
courses  dévastatrices,  il  se  présenta  devant  le  ch&teau  des  Se* 
lama.  Taghmoracen-Ibn-Selama  y  fit  une  vigoureuse  résistance  ; 
•t  le  souverain  oiériuidey  Youçof-Ibn-Yacoub,  profita  de  l'éloi- 
gnement  du  prince  abd-el<ouadite  pour  mener  une  armée  coaire 
Tlemcen.  Othmau  leva  aussitôt  le  siège  de  la  forteresse  et  se 
hâta  de  rentrer  dans  sa  capitale  avant  l'arrivée  de  TeiHiemi. 
Yaghmoracen  sortit  à  la  poursuite  des  Abd-el-Ouadites  deat  il 
voulait  harceler  larrière-garde ,  mais,  arrivé  à  Teltouan,  il  fut 
attaqué  à  son  tour  et  perdit  la  vie. 

Mohammed-Ibn-Selama,  frère  et  successeur  do  Yaghmoraoen, 
abandonna  le  parti  des  Beni-Mohani^ed*lbQ«Âbd--el-CaouY  pour 
eelui  d'Othnno-Ibn-Yaghmoracen,  auquel  il  promît  de  remettro 
l'impdi  que  les  Beni-Idlelteu  avaient  payé  jusqu'alors  à  leurs 
anciens  alliés.  Sâd-Ibn-Selama  passa  en  Maghreb  ;  et»  plus  tard, 
il  servit  dans  Tarmée  qui,  sous  les  ordres  de  Youçof-lbu-Ya- 
coub,  assiégea  si  longtemps  la  ville  de  Tlemcen.  Ce  monarque 
témoigna  au  transfuge  sa  haute  satisfaction  en  le  nommant  chef 
des  Beni-Idlelten  et  commandant  du  Casr-Ibn-Selama«  Moham- 
med-lbn-Selama,  frère  de  Sâd,  se  jeta  dans  le  Hont-Bached  et 
y  resta  jusqu'à  la  mort  du  sultan  Youçof. 

Les  Beni*Abd-el-Ouad  rétablirent  alors  leur  autorité  dans  le 
Maghreb  central  et  soumirent  à  l'impôt  les  Beni-Toud)îo,  qu'ils 
réduisirent  ainsi  au  rang  des  peuples  tributaires.  Abou-  Tache- 
fin,  successeur  d'Abou-Bammou,  voulant  se  venger  de  Sàd»  le 
remplaça  par  Mohammed .-Ibn-Selama  qu'il  fit  venir  du  Moni- 
Rached.  Sftd,  qui  passa  encore  dans  le  Maghreb,  rentra  plus  tard 
dans  le  paya  d«s  Abd-el-Ouad,  aveo  l'armée  du  sultan  Abou-'l- 
Hacen,  et  obtint  le  commandement  des  Beni-Idlelten  pendant  que 
son  frère,  Mohammed,  se  tenait  enfermé  dans  Tlemcen  avec 
Abou-Tachefin.  Mohammed  mourut  daqs  un  des  combats  qui  se 
livrèrent  pour  la  défense  de  cette  place  forte.  Après  la  chute  de 


UE9   BEia-SKLAVA.  21 

l'empire  abd-el-ouadite,  Sâd  fit  le  pèlerinage  de  la  Mecque  avec 
TaulorisatioD  do  saltan  mérinide ,  et,  an  moment  où  il  rentrait 
dafts  son  pays,  il  rendii  le  dernier  soupir.  En  roonrant,  il  re« 
commanda  ses  enfants  aux  bontés  d'Abou-'l-Haeen  et  pria  Artf«- 
Iba-Yahya,  émir  des  Soucid  et  ami  du  sultan,  de  se  charger  du 
message  et  de  parler  en  leur  faveur.  Il  en  résulta  la  nomination 
de  son  fils,  Soleiman,  au  commandement  des  Bcni-Idielten  et 
du  château  des  Beni-Selama. 

Après  le  revers  qui  brisa  la  puissance  d'Abou-'UHacen,  les 
émirs  Abou^Saîd  et  Abou-Thabet,  fils  d'Abd-er-Babman,  relevè- 
rent l'empire  de  leur  aïeul  Yaghmoracen[Ibn-ZtaD]  ;  et,  dès  lors^ 
Soleiman  se  montra  tantôt  leur  ami,  tantôt  leur  adversaire.  Les 
Arabes  Soueid  étaient  voisins  et  alliés  des  [Idlellen]  dont  le 
territoire  s'étendait  immédiatement  au  Nord  de  celui  qu*ila 
occupaient  eux-mêmes  ;  mais,  à  cette  occasion,  leur  cheikh, 
Ouenzemmar-lbn-Artf,  conçut  l'espoir  de  conquérii^  le  territoire 
des  Beni-Idlelten.  Soleiman  lui  opposa  une  vive  résistance  et 
finit  par  le  repousser.  Aboa-Einan  soumit  alors  le  Maghreb 
centrai  ;  et,  pour  récompenser  Ouenzcmmar  de  s'être  attaché  àii 
parti  des  Mérinides,  à  l'exemple  de  son  père<  Artf,  il  loi  concéda 
le  ciiâteau  des  Beni-Selama,  le  territoire  qui  en  dépend  et  les 
impôts  que  les  Beni-Idielten  devaient  fournir  è  l'empire*  Solei'- 
man-Ibn-Sâd  obtint,  vers  la  même  époque«  un  haut  commande- 
ment dans  l'armée  du  sultan. 

Après  la  mort  d'Abou-Einan,  Abou-Hammon  II  releva  l'em- 
pire abd-el-ouadite  et  rétablit  Soleiman  dans  le  commandement 
des  Beni-Idlelten  et  de  leur  château.  Se  voyant  ensuite  déborder 
par  les  Arabes,  il  soupçonna  paturellement  la  fidélité  de  Sotei- 
man.  Celui*ei  en  fut  averti  et  se  réfugia  chea  les  fils  d'Artf  ; 
puis,  étant  rentré  dans  le  devoir,  il  fut  arrêté  et  mis  à  mort  par 
l'ordre  du  môme  sultan. 

Me  pouvant  plus  résister  aux  Arabes,  qui  lui  avaient  enlevé 
presque  tout  le  Maghreb  central,  Abou-Hammou  tàcba  de  se 


Dans  le  texte  arabe,  lisez  ahihi  à  la  place  à'ibnihi^ 


22  HISTOtlE     DSS     BERBÈRES. 

concilier  les  61s  d'Arif ,  et,  dans  ce  bat^  il  leur  céda  le  château 
des  Selama  et  le  commandemeDt  des  Beni-IdleltCD.  Ensaite,  il 
leur  donna  comme  sujets  les  Beni-Madoun  ;  pais,  il  leur  remit  le 
territoire  de  Mindas.  De  cette  manière,  les  Toudjinides  deyinrenl 
serfs  des  Soueid  et  durent  se  soumettre  aux  corvées  et  impôts. 
Les  Beni-Tigherin,  habitants  du  Ouancherich,  furent  les  seuls 
<}ut  évitèrent  cette  dégradation.  Ils  ont  maintenant  pour  chef 
Youçof-lbn-Omar,  le  même  dont  nous  avons  déjà  fait  mention. 
Abou-Hammou  enrôla  dans  son  armée  les  membres  de  la  famille 
Selama  ;  et,  au  lieu  de  solde,  il  leur  concéda  El-Caçabat,  localité 
voisine  de  TIemcen.  Telle  est  aujourd'hui  la  position  de  cette 
tribu. 


HISTOIRE    DES    BENMRIflTER,    IVTRE    BRANCHE    DE    LA    TRIBU    DES^ 

TOL'DjtN, 


Parmi  les  tribus  toudjinides,  les  Beni-Irnaten  se  distinguèrent 
par  leur  nombre,  leur  bravoure  et  leur  grande  renommée.  Quand 
les  autres  branches  de  la  grande  famille  toudjinide  vinrent  s'é- 
tablir dans  le  Tell  du  Maghreb  central,  les  Irnaten  restèrent 
dans  leur  ancien  territoire,  au  Midi  [du  Tell],  entre  Mahnoun, 
Ouzina  et  Ydoud  *;  et,  ils  parcoururent  les  deux  bords  du  Ouacel, 
branche  supérieure  du  Chelif.  Ils  prenaient  leur  chef  dans  la  fa- 
mille de  Youçof-Ben-Bou-Noual ,  et,  à  cette  époque,  ils  obéis^ 
saient  à  Mohtb,  fils  de  Nasr,  fils  d'Ali,  Gis  de  Temtm,  fils  de 
Youçof. 

Les  deux  grands  émirs  toudjinides,  Abd-el-Caonï  et  son  fils 
Mohammed,  montraient  toujours  une  grande  prédilection  pour 
cette  tribu,  à  cause  delà  haute  considération  dont  elle  jouissait  et 
delà  valeur  dont  elle  avait  fourni  bien  des  preuves.  Mohammed 
la  plaça  sous  les  ordres  des  Hachem,  Aulad-Aziz,  de  sorte  que 


*  Uq  des  manuscrits  du  (exle  arabe,  aiosi  que  le  texle  imprimer 
portent  ici  Yaotul^un, 


LES   BBNl-lRKATBN.  29 

pendant  son  règne  et  celui  de  ses  iîls,  elle  eut  pour  chef  Obbou* 
Ibn-Hacon-lbn-Aztz.  Hohtb,  fils  de  Nasr,  épousa  une  fille  d'Àbd* 
el-Caouï  et  eut  d^elIe  un  fils  qu'il  nomma  Nasr.  L'avantage 
d'avoir  Mohammed- Ibn-Abd-el-Caouï  pour  oncle  maternel  se 
manifesta  par  l'élévation  de  Nasr  au  commandement  des  Irnaten. 
Ali,  fils  et  successeur  de  celui-ci,  eut  un  fils  nommé  Nasr,  un 
second  nommé  Anler  et  plusieurs  autres  que  Ton  désigna  par 
l'appellation  des  Enfants  de  Tacerghint,  car  tel  était  le  nom  de 
leur  mère-  Nasr,  fils  d'Ali,  succéda  à  son  père  et  gouverna  très- 
longtemps.  Pendant  son  administration,  les  Abd-el-Ouad  profi- 
tèrent de  la  mésintelligence  qui  régnait  entre  les  descendants 
d*Abd-el-Caou'î  pour  leur  enlever  toute  espèce  d'autorité.  Les 
princes  des  peuples  zenatiens  [tels que  les  Beni-Merin  et  les  Béni* 
Abd-el-Ouad]  montrèrent  à  Nasr  de  grands  égards  et  contri- 
buèrent ainsi  è  TinQuence  qu'il  s'était  déjà  acquise  et  qu'il 
transmit  à  ses  descendants.  Il  laisse  treize  fils,  dit-on,  les  uns 
vaillants  guerriers,  les  autres,  jeunes  gens  de  grande  espé- 
rance ^  Omar,  le  plus  distingué  de  ces  frères,  fut  mis  à  mort 
dans  la  ville  de  Merat  par  le  suUan  Abou-*l-Hacen,  auquel  on 
l'avait  dépeint  comme  un  traître  qui  voulait  l'assassiner.  Ce  fut 
en  vain  qu'il  avait  cherché  son  salut  dans  la  fuite  ;  il  ne  put 
échapper  aux  gens  qui  s'étaient  mis  à  sa  poursuite.  Mondîl,  nO' 
autre  de  ces  frères,  fut  tué  par  les  Beni-Tigherin  h  l'époque  où 
ils  prirent  pour  chef  Ali-Ibn-en-Nacer.  Obbou,  fils  de  Hacen-lbn- 
Aziz,  mourut  avec  lui.  Einan,  le  troisième  frère,  perdit  la  vie 
au  siège  de  TiCmcen,  sous  le  règne  d'Abou-Tachefin.  On  re- 
marqua encore  parmi  ces  frères,  Masoud,  Mohib,  Sàd,  Dawoud,. 
Mouça,  Yacoub,  El-Abbas  et  Youçof. 

Anler,  frère  de  Nasr-Ibn-Ali,  eut  plusieurs  fils,  dont  l'un, 
nommé  Abou-'l-Fotouh,  fut  père  d'Eïça-lbn-Abi-Fotouh,  lequel 
devint,  plus  tard,  chef  de  la  famille.  Une  belle  esclave  apparte- 
nant à  cette  maison,  tomba  au  pouvoir  d'Othman-lbn*Yaghmo- 


*  Cest  par  conjecture  seulement  que  nous  rendoDS  ici  le  sens  d'u» 
moi  arabe  dont  la  vérilable  orthographe  est  incertaine* 


mSTOttE     DB9     BBSBfiSBS. 

racen  et  donna  le  jour  à  oo  enfant  dont  le  père,  dtsatt-el)»,  étBÎt 
flon  ancien  maître,  Abou-'l-Fotouh.  Cet  enfant  reçut  le  nom  de 
Moarref  et  fat  élevé  dons  le  palais  du  souverain  abd«el-otta- 
dite. 

Devenu  grand,  il  servit  Abon^BanuBoo  en  qualité  de  vinr  et 
remplit  les  mêmes  fonctions  auprès  du  fils  et  suocesseur  do  eo 
sultan.  Parvenu  i  exçrcer  une  înAuenee  extraordinaire  dans  l'ad- 
ministration de  l'empire,  il  reçut  du  peuple  le  surnom  d'El^ 
Kebtr  (le  grmid}.  Lors  de  son  visirat,  sous  le  règne  d'Abou- 
Haraajou  1,  il  aecoeiliit  chez  lui  son  frère  Eïça  qui  avait  quitté 
lia  tribu  dans  on  moment  de  colère  ;  et,  par  ses  démarches,  il  lui 
procura  le  commandemenl  des  Beni-Raebed,  la  jouissance  do 
l^impAt  four»  par  le  territoire  de  ce  peuple  et  l'autorisation 
d^lablir  sa  résidenee  dans  la  viHe  de  Satda.  Eïça  laissa  quatre 
filS|  Abou«Bebr,  Obbou,  Taker  et  Quenzemmar.  Le  sultan  méri- 
nidcy  Àbou-4-Hacen,  ayant  subjugué  les  Beni-Abd-eUOuad, 
confia  à  ces  frères  successivement  le  commandement  des  Beni- 
Irnaten. 

On  qe  dit  pas  que  les  enfants  de  Tacergutni  aient  exercé 
quelque  autorité  dans  leur  tribu  ;  l'on  rapporte  seulement  qu'une 
de  leurs  esclaves  tomba  au  pouvoir  de  la  famille  d'Aboa*Tache* 
fl^  et  y  donna  le  jour  k  un  fils.  Cet  enfant  reçut  le  nom  d'Atîa, 
fils  de  Monça  ;  et,  dans  le  palais  où  il  fut  élevé,  il  porta  le  sur- 
nom dnpeHt-^h  de  TaeergkM*  H  déploya  les  plus  belles  qua- 
Klés  dans  le  service  des  Abd-eNOuadites  ;  et  parvenu,  sous 
leur  patronage,  aux  plus  bauts  emplois,  il  gouverne  maintenant 
la  région  du  Gkeltf  au  nom  d'Abou-Hammou  IL 

Les  Arabes  dominent  actuellement  sur  tout  le  territoire  des 
Imalen,  auxquels  ils  ont  enlevé  Tao«Kl  et  Mahnoun.  On  trouve 
eep^ant  toujours  quelques  restes  de  cette  tribu  dans  la 
montagne  près  d'Oucîna  *.  Gouvernés  par  un  descendant  de 
Nasr-'Ibn-Ali,  ils  paient  l'impôt  au  sultan  et  un  tribut  aux 
Arabes. 


*  Cest  à  tort  que,  dans  le  texte  arabe,  on  a  imprimé  Ourina. 


LIS   BKNI-VBRilf.  S5 

etN^ALOG»    DES  BBIf I  *  WEtilf  |    PEUPLE    QUI  GOUTERRA   tE    HAGffUB 

ET   l'bSPA€NB. 

Nous  avons  mentionné  qoe  les  Beni-Merin  forment  une  des 
branches  de  la  grande  tribu  de  Ouac}n,  peuple  dont  noua  avons 
rattaché  la  généalogie  a  celle  des  Zenata  [de  la  seconde  raee]^. 
Merîn,  avons^nousdit',  était  filsd'Ourtadjen,  6b  de  Makhoukh, 
fils  d'Oudjedtdj  >,  fils  de  Faten,  fils  de  Yedder,  fils  de  Yakhfot, 
filsd'Abd*Allah,  fils  d'Ourtntd,  fils d^EUMagguer^  fils  d'Ibrabtm, 
fils  de  Sahhik  ^  fils  d'Ouacin.  Nous  avons  dit  aussi  *  qoe  les 
Beoi-Mertn  étaient  frères  des  Iloumi  et  des  Medîouna,  fait  qui, 
do  reste,  se  laisse  deviner  quand  on  sait  que  ces  tribus,  avant 
d'avoir  fondé  des  royaumes,  étaient  voisines  les  unes  des  autres 
et  habitaient  le  territoire  qui  est  situé  entre  te  Za  et  le  MolouYa. 
Nous  avons  mentionné  aussi  que  les  Beni-Merîn  se  partagèrent 
les  plaines  et  les  déserts  [du  Maghreb]  avec  leurs  frères,  les  Beni- 
Badtn-Ibn* Mohammed,  et  que  ces  deux  peuples  se  firent  la 
guerre  pendant  de  longues  années.  La  victoire  se  déclara  d'a- 
bord pour  les  Beni-Badîn  parce  qu'ils  avaient  l'avantage  du 
nombre.  En  effet,  ils  formaient  cinq  familles  :  les  Beni-Abd-eU 
Ooad,  les  Toudjto,  les  Mozab  et  les  Beni-Zerdal,  auxquelles  on 
peut  mâme  ajouter  leurs  cousins,  les  Beni-Rached-lbn-Moham*- 
med.  Ces  derniers  occupaient  alors  le  Tell  du  Maghreb  central, 
pendant  que  les  autres  se  tenaient  dans  le  Désert  et  que  les 
Beni*Merîn  avaient  leurs  lieux  de  parcours  dans  la  région  qui 


*  Voy.  t.  III,  p.  304 . 

*  Tome  III,  p.  302. 

3  Dans  le  texte  arabe,  la  première  lettre  de  ce  nom  a  été  ooifsc  par 
mégarde. 

*  Dans  les  manuscrits  et  le  texte  imprimé,  on  lit  El^Moëzz;  cet  le 
mauvaise  leçon  proYtent  du  déplacement  d'un  point. 

"  Variantes  :  Zahhikj  Zcddjik. 
^  Tome  m,  p.  293. 


26  HISTOIRE     DES    BERBÈRES. 

s'étend  depuis  Ftgufg  à  Sidjilmessa  et,  de  là,  au  Molouïa.  Quel- 
quefois aussi,  les  Beni-Merin  se  dirigeaient,  dans  leurs  course? 
nomades,  jusqu'au  Zab. 

Les  généalogistes  de  cette  tribu  rapportent  qu'à  une  époque 
très-reculée,  elle  eut  pour  chef  Mohammed-lbn-Ourzîz  *-lbn- 
Fekous-Ibn-Koumat-Ibn-Merîn.  Ce  Mohammed,  disent-ils,  avait 
plusieurs  frères,  appelés  les  fils  de  Tenaleft  du  nom  de  leur 
mère.  Les  Beni-Oungacen-lbn-Fekous  étaient  ses  cousins.  Il  eut 
sept  fils,  dont  deux,  Hammama  et  Asker,  naquirent  de  la  même 
mère;  les  autres,  nés  de  concubines,  se  nommaient  Sengman, 
Segmtan,  Soggom,Ouragh  etCazount^.  On  désignait  ceux-ci  par 
l'appellation  de  Tirîghin^,  mot  qui,  dans  leur  langue,  signifie 
bande.  Les  mêmes  généalogistes  racontent  qu'après  la  mort  do 
Mohammed,  Hammama,  son  fils  aîné,  prit  le  commandement  de 
la  tribu.  Asker  lui  succéda  et  eut  trois  fils  .  Noggoura*,  Bou- 
Igni,  surnommé  Ël-Mokhaddeb  (qui  se  teint  les  cheveux),  et 
Ali,  surnommé  Laàder  s.  El-Mokhaddeb  devint  chef  de  la  tribu 
après  la  mort  de  son  père,  et  il  l'était  encore  quand  les  Almo- 
hades  travaillaient  à  fonder  leur  empire.  Abd-el-Moumen,  qui 
assiégeait  alors  Tacheffn-lbn-Ali  dans  Tiemcen,  ordonna  au 
cheikh  Abou-Hafs  de  marcher  contre  les  Zonata  du  Maghreb 
central.  Les  Beni-Badin,  les  Iloumi,  les  Beni-Merîn  et  les  Ma- 
ghraoua  rassemblèrent  leurs  forces  pour  repousser  cette  inva- 
sion, mais  ils  essuyèrent  une  défaite  qui  leur  coûta  la  plupart  de 
leurs  guerriers.  Les  Iloumi  et  les  Badin  firent  alors  leur  sou- 


»  VarîaDte  :  Ourzin.  Ailleurs,  ce  nom  est  écrit  OursiSj  ce  qai  prouve 
que  notre  auteur  a  dû  écrire  ici  Ourziz. 

*  L'orthographe  de  ces  Doms  est  incertaine. 

3  Ce  mot  est  écrit  d'une  manière  diflfèrente  dans  chacun  de  nos  ma- 
nuscrits ;  et,  malgré  nos  recherches,  nous  n'avons  pas  pu  en  recon- 
naître la  véritable  orthographe, 

*  Variante  :  Togaum, 

^  Ce  surnom  n'a  aucun  sens  ni  en  arabe  ni  en  berbère^  il  faut  sup-^ 
poser  qu'il  a  été  mal  écrit  par  l'auteur  ou  par  ses  copistes. 


iES   BEni^MBftÎR.  27 

mission,  mais  les  Beni-Merin  se  jettèrent  dans  le  Désert.  Quant 
aux  Beni--Âbd-el-Ouad,  ils  «^étaient  déjà  attachés  aux  Àlmo- 
hades  et  les  servaient  avec  zèle  et  dévouement. 

Abd-el-Moumen,  ayant  ensuite  fait  la  conquête  d'Oran,  s'em- 
para des  trésors  que  les  souverains  alrooravides  y  avaient  dé- 
posés et  les  expédia,  avec  le  reste  du  butin,  à  Tinmeleh,  mon* 
tagne  qui  avait  été  sa  résidence  et  le  berceau  de  sa  puissance. 
Les  Beni-Merîn  apprirent  cette  nouvelle  dans  le  coin  du  Zab  où 
ils  s'étaient  réfugiés,  et  leur  chef,  £UMokhaddeb-lbn-Asker, 
prit  la  résolution  de  s'approprier  toutes  ces  richesses.  S'étant 
mis  en  route  avec  ses  troupes,  il  poussa  jusqu'au  Telagh  et 
enleva  le  convoi.  Abd-el-Moumen  réunit  aussitôt  ses  alliés  ze- 
natiens  à  un  corps  d'Almohades  et  les  expédia  tous  vers  cette 
rivière  afin  de  reprendre  ses  trésors.  Les  Beni-Abd-el-Ouad 
firent  partie  de  la  colonne  et  se  distinguèrent  par  leur  bravoure. 
On  atteignit  les  Beni-Merîn  dans  la  plaine  de  Messoun  et  on  les 
obligea  à  prendre  la  fuite*.  Ël-Mokhaddeb  fut  tué^  et  les  tentes 
de  sa  tribu  devinrent  la  proie  des  Abd-eUOuad.  Celte  rencontre 
eut  lieu  en  l'an  540  {\  \  45-6). 

Les  vaincus  s'enfuirent  vers  le  Désert;  et,  arrivés  dans  leurs 
terres  de  parcours,  ils  prirent  pour  chef  Abou-Bekr,  fils  do 
Hammama-Ibn-Mohammed  et  cousin  d'El-Mokhaddeb.  Après  la 
mort  d'Abou-Bekr,  son  fils  Mahiou  obtint  le  commandement.  Il 
gouvernait  encore  les  Beni-Merin,  qui  lui  obéissaient  avec  dé- 
vouement, quand  El<Mansour[,  le  khalife  almohade]  appela  cette 
tribu  à  la  guerre  sainte.  Dans  la  journée  d'El-Arka^,  ils  mon- 
trèrent la  plus  grande  bravoure,  et  leur  chef,  Mahtou,  y  reçut 
une  blessure  dont  il  mourut  après  son  retour  au  désert  du  Zab, 
Tan  594  (1195).  L'autorité  passa  à  son  fils,  Abd-el-Hack,  qui  la 
transmit  à  ses  descendants. 


*  Tin  mellél  signifie  puits  bîanc^  en  langue  berbère.  La  position  de 
cette  localité  est  indiquée  dans  la  table  géographique  du  tome  i. 

*  Voy.  t.  II,  p.  180  et  t.  m,  p.  328. 
«  Voy.  t.  II,  p.  243. 


28  BISTOIIK     DES     BERBÈRES. 


ABD-EL-HACK   PBEIVD    LE    COMSANDEHENT    DES    BBNI-HERiN.    SON 

FILS   ET   SUCCESSEUR    OTHMAN   TRANSMET  LE   POUVOIR   À   SON    FRÈRB 
«OHASIirED. 


Mahtou,  fils  d'Abou-Bokr,  laissa  trois  fils  :  Abd^i-Hack[-Aix»u- 
Melak],  Oucenaf  et  Tahyatoa.  Le  premier,  qui  en  était  Tainé, 
prit  le  comm^indetnent  des  Beni-Merio  et  travailla  sans  cesse  à 
les  rendre  heureux.  Il  respecta  leurs  biens^  corrigea  leurs  mœurs 
et,  par  une  sage  prévoyance,  il  parvint  h  leur  assurer  une  pros- 
périté durable. 

En  Tan  6f0  (12t3-4),  quand  En-Nacer,  le  quatrième  kha- 
life des  Aimohades,  mourut  en  Maghreb,  après  son  expédition  h 
£l-Ooab,  OQ  proclama  la  souveraineté  de  son  fils,  Youçof-el- 
Moslancer.  Ce  jeune  homme,  h  peine  sorti  de  Tenfance.  négligea 
le  gouvernement  de  l'état  pour  s^abandonoer  aux  folies  de  la 
jeunesse,  oubliant  tout-à-fait  les  règles  de  la  prudence  et  le  soin 
des  aiïaires  publiques.  Les  Aimohades  profitèrent  de  son  carac- 
tère débonnaire  et  indulgent  pour  le  traiter  avec  une  familiarité 
qui  touchait  à  l'insolence;  ils  usurpèrent  toute  Vautorilé,  laissé^ 
rent,  en  même  temps,  dégarnir  leurs  frontières,  dépérir  leur 
armée  ;  et,  par  cette  insouciance  coupable,  ils  amenèrent  la  chut» 
de  l'empire. 

A  cette  époque,  les  Beni-*Vertn  parcouraient  eu  nomades  le 
désert  qui  sépare  Figuîg  du  Molouïa  et  du  Za.  Lors  de  l'établis- 
sement de  l'empire  almohade,  et  même  auparavant,  ils  avaient 
rbâbitude  de  monter  dans  le  Tell  afin  de  visiter  les  localités  qui 
s'étendent  depuis  Guercîf  jusqu'à  Outat.  Ces  voyages  leur  per- 
mirent de  faire  connaissance  avec  les  débris  do  l'ancienne  raco 
zenaticnne  qui  habitaient  la  région  du  Molouïa  et  de  se  lier  d'a- 
mitié avec  les  Miknaça  des  montagnes  de  Tèza  et  les  Beni-Irnîan, 
tribu  maghraouienne  qui  occupait  les  bourgades  d'Outat,  dans  le 
haut  Molouïa.  Tous  les  ans,  pendant  le  printemps  et  Tété,  ils 
parcouraient  ces  contrées  ;  ensuite,  ils  descendaient  dans  leurs 
quartiers  dliivcr,  emportant  avec  eux  une  provision  de  grains 


LES  beni-mehIn.  21) 

pour  la  subsistance  de  leurs  familles.  Dans  ces  courses,  ils  eurent 
Toccasion  de  reoonnaîlre  la  faiblesse  de  l'empire  almohade  ;  et, 
profitant  d'un  moment  favorable ,  ils  quiuèrent  leur  désert, 
traversèrent  tes  dëGIés  de  la  frontière  et  se  répandirent  dans  lo 
Tell.  Cavaliers  et  fantassins^  tous  se  précipitèrent  s«r  le  pays 
cultivé^  saccageant  les  campagnes  et  couvrant  les  plaines  de 
ruines.  Les  habitants,  refoulés  dans  leurs  montagnes  et  autres 
lieux  de  refuge,  s'épuisaient  en  plaintes  et  en  lamentations. 

Le  gouvernement  d'El*Hostancer,  poussé  enfin  à  bout,  résolut 
d'agir  contre  les  envahisseurs  et  d'intercepter  leur  retraite. 
Abou-Ali-lbn-Ouanoudin  reçut  le  commandement  de  l'armée  aU 
mobade,  rassembla  les  troupes  qu'on  avait  levées  dans  la  pro>- 
viflce  de  Maroc  et  marcha  contre  l'ennemi.  Il  prit  la  route  de  Fez 
afin  d'obtenir  la  coopération  du  cld  Abou-Ibrafatm,  fils  de  Yoo* 
çof-Ibn-Abd-el-Moumen  et  gouverneur  de  cette  ville.  D'après  les 
instructions  du  sultan,  ils  devaient  marcher  ensemble  contre  les 
Mérinides  et  les  exterminer  jusqu'au  dernier.  Ces  nomades  se 
trouvaient  dans  le  Rlf  el  le  pays  de  BotouYa  quand  ils  apprirent 
cette  nouvelle  ;  sur-<le-champ,  ils  déposèrent  leurs  bagages  dans 
le  château  de  Tazouta  el  allèrent  au-devant  des  Almobades.  Les 
deux  armées  en  vinrent  aux  mains  près  de  la  rivière  Nokour, 
et  la  victoire  demeura  aux  Mérinides.  Les  prisonniers  almobades 
furent  entièrement  dépouillés  par  les  vainqueurs,  et  ils  rentré* 
rent  à  Tèxa  ei  à  Fez,  sans  autre  chose  pour  couvrir  leur  nudité 
que  de  feuilles  d'une  plante  que  l'on  nomme  mecherla^  dans  le 
Maghreb  et  qui  avait  poussé  en  grande  abondance  cette  année-là. 
C'était  dans  la  saison  où  les  champs  étaient  couverts  de  céréales 
et  d'herbes  de  toute  espèce  ;  aussi  l'année  de  cette  bataille  fui 
nommée  V Année  du  Mecherla. 


*  Variante  :  Mechàlû,  Les  natifs  du  Rtf  marocain  que  nous  avons  con- 
sultés au  sujet  de  celte  plante,  ne  la  connaissent  pas.  On  ne  la  trouve 
pas  indiquée  ni  dans  Touvrage  d'ibù-Beitar,  ni  dans  celui  d'ibn-el- 
Aouwam.  Peut-être  est-ce  une  espèce  d'acaatbe  ou  bien  le  seneeis 
gic^(m^tu8  de  Desfonlaines  ;  Flora  atlanticaj  t.  ii,  p.  373.  — ^  Le  combat 
dont  il  est  question  ici  eut  lieu  Tan  613  (1216*7). 


30  niSTOIBE     DBS     BERBÈRES. 

A  la  suite  de  celle  affaire,  les  Benî-Merfa  marchèrent  sur  Tèza 
et  remportèrent  une  nouvelle  victoire  sur  les  troupes  qui  en 
formaient  la  garnison.  La  mésintelligence  se  mit  alors  entre  leurs 
chefs  :  la  famille  d^Âsker-Ibn-Mohammed,  indignée  de  voir  ses 
cousins  ,  les  Béni  -  Hammama  ,  exercer  le  commandement  qui 
avait  appartenu  à  Àsker  et  à  son  fils ,  El  -  Mokhaddeb  ,  com- 
mandement qu'elle  avait  eu  le  vain  espoir  de  conserver,  aban- 
donnèrent leur  émir  Abd-el-Hack  et  passèrent  aux  Almohades. 

Parmi  les  tribus  auxquelles  le  gouvernement  du  Maghreb 
avait  confié  la  garde  du  pays,  on  comptait  les  Rlah,  peuple  qui 
conservait  encore  la  rudesse  et  la  fier  lé  de  la  vie  nomade  et 
qu'Ël-Mansour  avait  tiré  de  Tlfrikia  pour  l'établir  dans  les  pro- 
vihces  d'El-flebet  et  d'Azghar.  Les  Beni-Asker  se  joignirent  à 
eux  et  marchèrent,  Pan  644  (1217-8),  contre  leurs  frères,  les 
Mérinides.  Dans  le  combat  acharné  qui  s'ensuivit,  Témir  Abd- 
el-Hack  et  son  fils  aîné,  Idrîs,  perdirent  la  vie  ;  Hammama-Ibn- 
IsUten  des  Beni-Asker  et  Témir  Ibn-Mahtou-es-Soggomi  déployé* 
rentune  valeur  héroïque  jusqu'à  ce  que  les  Mérinides,  brûlant 
de  venger  la  mort  de  leur  chef,  chargèrent  avec  tant  d'impé- 
tuosité qu^ils  mirent  les  Rîah  en  déroute  après  avoir  tué  les 
plus  braves  de  leurs  guerriers. 

ils  choisirent  alors  pour  chef  Othman-Aderghal ,  second  fils 
d'Abd-el-Hack.  Aderghal  est  un  sobriquet  et  signifie  borgne 
dans  leur  jargon  barbare'.  Abd-el-Hack  eut  neuf  fils  et  une 
fille  nommée  Ourtadltm.  Idrîs,  Abd-Allah  et  Bahhou  lui  na- 
quirent de  Sot-en-Niça,  femme  de  la  tribu  des  Beni-Ali  ;  Oth- 
man  et  Mohammed  avaient  pour  mère  une  femme  des  Beni- 
Oungacen  nommée  En-Nouar,  fille  de  Tesalit;  la  mère  d'Abou- 
Bekr  s'appelait  Taghzount ,  fille  d'Abou-Bekr-lbn-Hafs  de  la 
famille  deTenaleft;  Zîan  eut  pour  mère  une  femme  des  Beni- 
Ourtadjen;  Abou-Aïad  était  Gis  d'Omm-Feredj,  des  Béni- 
Ouellou,  branche  des  Beni*Abd-el-Ouad,  et  Yacoub  reçut  le 


Aderghal  signifie  aveugle  en  berbère,  langue  qo'Ibn-Rhaldoun  dé-, 
signe  ici  par  le  nom  de  Retana  (jargon) .  De  nos  jours,  le  mot  retana  est 
employé  par  les  Arabes  pour  débigoer  toute  espèce  de  dialecte  berbère. 


LES    BESI-HERÎN.  31 

jour  d'Omm>el-Yomn,  Glle  de  Moballi  le  botouïen.  Idrîs,  l'aloé 
de  tous,  perdit  la  vie  en  même  temps  que  son  pore. 

Aussitôt  après  la  mort  d'Abd-el-Hack,  Hammama-Ibn-Islttea 
etLemir^-Ibn-Mahiou  réunirent  les  cheikhs  de  leurs  familles  res- 
pectives et  proclamèrent  son  Gis  Olhman  chef  des  Beni-Merla. 
Celle  nomination  faite,  ils  se  mirent  à  la  poursuite  des  Rtahet 
en  tuèrent  un  grand  nombre.  Olhman  en  frappa  plusieurs  de  sa 
propre  main  et  assouvit  ainsi  la  soif  de  vengeance  dont  il  brû- 
lait depuis  la  mort  de  son  père  et  dé  son  frère.  Les  Btah  s'em- 
pressèrent d'implorer  la  paix  et  ils  obtinrent  celle  grâce  moyen- 
nant un  tribul  annuel.  Dès  ce  moment,  la  puissance  des  Béni- 
Merîn  devint  formidable  à  l'empire  almohade. 

Dans  toutes  les  parties  du  Maghreb,  on  vit  alors  éclater  Tes- 
prit  de  la  révolte  ;  les  peuples  refusèrent  d'acquitter  les  impôts; 
des  troupes  de  brigands  infestèrent  les  grands  chemins  ;  les 
émirs  et  les  agents  du  gouvernement,  depuis  le  sultan  jusqu'aux 
moindres  fonctionnaires,  s'enfermèrent  dans  les  villes  ;  tout  le 
pays  ouvert  tgmba  au  pouvoir  des  Mérinides,  et  les  gens  de  la 
campagne  restèrent  sans  protection.  Les  envahisseurs,  trouvant 
le  pays  »ans  défenseurs,  s'empressèrent  d'en  prendre  posses-- 
sion  ;  et,  sous  la  direction  de  leur  émir  Abou-Saîd-Othman,  ils 
parcoururent  les  grandes  routes  et  les  sentiers  du  Maghreb  en 
prélevant  des  contributions  chez    les  habitants.    Bientôt,   la 
majorité  de  la  population  fit  sa  soumission  ;  les  ChaouYa  (pas^ 
leurs)  nomades  et  les  grandes  tribus  de  Hoouara  et  de  Zegaoua 
prêtèrent  au  chef  mérinide  le  serment  de  fidélité.  Leur  exemple 
fut  suivi  par  les  Teçoul  et  les  Miknaça  ;  les  Botouïa  et  les  Fich- 
tala  présentèrent  ensuite  leurs  hommages  au  vainqueur  ;  puis, 
les  Sedrala,  les  Behioula  et  les  Medîouna  le  reconnurent  pour 
maître.  Olhman  leur  imposa  le  khoradj  en  sus  de  l'impôt  ordi- 
naire et  installa  chez  eux  des  percepteurs.  Fez,  Tèza,  Miknaça 
(Mequinez)^  Gasr-Kelama  et  plusieurs  autres  villes  consentirent 
h  lui  payer  tribut  annuel  afin  de  se  garantir  contre  des  hosti- 
lités et  d'avoir  leurs  communications  libres. 
■  II. .   I    . ■  I  II        I  — 

'  Lemir  est  la  formo  berbère  du  mol  arabe  eUAmir. 


33  HISTOIBB    DES     BERBÈftES. 

En  l'an  6â0  (t22â) ,  OihnxBn  toarna  ses  armes  contre  les 
Zenala  nomadeS;  et  les  mena  si  rudement  qu'ils  renoncèrent  à 
leurs  brigaiHidges  et  firent  leur  soumission.  Croyant  ensuite  que 
la  mort  de  son  père  n'était  pas  suffisamment  vengée,  il  attaqua 
lesBtah  d'Âzghar  et  d'EUHebet  avec  un  tel  acharnement  qu'il 
faillit  les  exterminer.  En  l'an  637  (1239-40),  il  poursuivait  en- 
oore  sa  carrière  victorieuse  quand  il  fut  assassiné  par  un  esclave 
d'origine  chrétienne. 

Moharamed-lbn-Abd-el-Hack  suivit  le  système  de  son  frère 
et  prédécesseur,  Othman  ;  travaillant  à  soumettre  toutes  les  par-» 
ties  du  Maghreb,  il  obligea  les  habitants  des  villes  à  lui  payer 
tribut  et  forçâtes  nomades,  les  campagnards  et  les  autres  classes 
de  la  population  à  supporter  le  poids  des  impôts  et  des  contri- 
buttons* 

L'émir  Abou-Mohammed-Ibn-Ooanoudtn  nommé  par  le  kha- 
life £r-Rechîd  gouverneur  de  Miknaça  ^  et  chargé  de  faire  la 
guerre  aux  Hérinides,  se  rendit  à  sa  destination  et  accabla  la 
peuple  d'impôts.  Les  Hérinides  se  présentèrent»  alors  devant 
Tidjedoughîn,  place  forte  située  dans  la  plaine  de  Miknaça, 
et  invitèrent  la  garnison  à  sortir  pour  les  combattre.  Leur 
défi  fut  accepté  et  eut  pour  résultat  un  combat  dans  lequel  les 
deux  partis  firent  de  grandes  pertes.  Mohammed  -  Ibn  *  Idrts, 
petit-fils  d^Abd-el-Hack,  se  mesura  avec  un  officier  de  la  mi* 
lice  chrétienne  et  le  tua  du  premier  coup.  Lui-même  reçut  de 
5on  adversaire  un  coup  de  sabre  sur  la  figure  ;  et,  comme  il  en 
garda  toujours  la  marque,  on  lui  donna  le  sobriquet  de  Bou- 
Darbfi  (le  batafré).  Les  Mérinides  chargèrent  ensuite  sur  les 
Almohades,  les  mirent  en  fuite  et  forcèrent  Ibn-Ouanoudîn  à 
rentrer  dans  Miknaça. 

Pendant  ces  événements,  Tempire  fondé  par  Abd-el-Moumen 
tombait  en  décrépitude  et  pouvait  h  peine  se  défendre.  Il  laissa 
cependant  paraître  une  lueur  de  son  ancienne  pnissance,  ainsi 
qu'une  bougie  jette  un  dernier  éclat  avant  de  s'éteindre.  Voici  ce 


Probablement  Mequinez.  L'aulre  Miknaça  était  près  de  Tèza. 


DT)fA8TlB   HÉBimDB.  —   ABOC-trÀVTA-nH*ÀBD-BL*JllACK.         33 

qui  se  passa  :  Er-Rechfd  mourut  en  6i0  (1242),  et  son  frère, 
Ali-^es-Sttd,  ayant  été  prodamé  sullan,  prit  la  résoiution  d*at- 
laquer  les  Beoi-Merîn  et  de  leur  Mer  Tenvie  de  s'établir  en  Ma- 
ghreb. Bn  l'an  64S,  it  se  mit  en  marche,  h  la  lé(e  d'une  armée 
de  vingt  mille  hommes,  dit'-on,  dans  laquelle  il  avait  fait  entrer 
les  troupes  almohades^  les  contingents  des  tribus  erabes,  les 
ixmtingents  des  Masroouda  el  la  milice  chrétrentie.  Les  Beni- 
kferib  allèrent  au-devant  de  lui  et  l'eCtaqnèrent  auprès  de  la 
rivière  Taback.  Des  deux  cAtés,  l'on  se  battit  avec  un  égal  achar- 
nement ;  l'émir  Mohammetf-Ibn-Abd-el-Haick  fut  tué  dans  la 
mêlée  par  un  officier  de  la  milice  chrétienne,  et  ses  troupes, 
forcées  de  prendre  la  fuite,  n'échappèrent  aux  coups  des  rain* 
queurs  qu^à  la  faveur  de  la  mrit.  EHes  se  réfugièrent  dans  les 
oMmtagnes  de  Ghialha,  «ux  environs  de  Tèca,  et  y  restèrent 
plusieurs  jours  ;  ensuite,  elles  se  dirigèrent  vers  les  régions  du 
Désert,  après  avoir  pris  pour  chef  Abou-Vahya,  fi)s  d'Abd-el^ 
Back. 


AVfiNBMBlfT  DB   L'Énit   ABOU-TAÉTA-IBN-ABD-BL^-UACK,    yOBDATEUB   M 

L'nflAB  mBrikiob. 


Abou-Tahya,  fils  d'Abd-el-Back,  fut  nommé  émir  des  Béni* 
Mcrtn  l'an  642  (4844*5).  Vivement  préoccupé  des  intérêts  de 
son  peuple,  il  commença  son  règne  par  concéder  i  chaque 
grande  famiKe  mérinide  une  portion  du  territoire  maglirebin, 
^vee  le  droit  d'en  jouir  h  perpétuité  et  de  s'approprier  (es  itfr- 
pois  que  payaient  les  tribus  de  cette  tooalité;.  Ainsi  iavorisées, 
<des  familles  curent  de^  moyens  sufisants  poifr  équiper  et  nioriter 
tous  leurs  hommes  de  guerre  et!  pour  organiser  leurs  dépendants 
<»n  corps  de  fantassins.  De^eette  manière,  le  nombre  des  trtiupes 
«lérvnîdes  fut  considéraUemeut  augnenfé. 

La  jaloosto  se  miialors  parmi  les  tribus  mérinides,  et  les  Bom- 
Asker,  ^i  étaient  passé  du  cêèé  des  Almohades,  entratnèreni 
ceux-ci  dans  une  guerre  contre  Abou-Tahya  et  les  Beni-Ham- 
cnama.  Sur  l^invitation  du  gouK^rnement  almohede,  Taghim>ra- 

T.IV.  2 


34  HISTOIRE     DSi    BERBllRBS. 

cen-lbn-Zlaa  amena  tontes  ses  forces  èi  Fez  et  se  plaça  sous  les 
ordres  du  général  qui  y  commandait.  De  même  que  les  Béni- 
Asker,  il  consentit  h  fournir  des  otages  comme  garants  de  sa 
fidélité  et  du  zèle  qu'il  mettrait  à  combattre  les  partisans  de  Te- 
rnir Abou-Yahya.  Le  chef  almohade  se  mit  à  la  tête  de  Tarmée 
combinée  et  passa  dans  la  province  de  Garet,  après  avoir  tra- 
versé le  Ouergha  ;  mais,  ayant  vu  que  Tennemi  évitait  sa  ren- 
contre, il  reprit  la  route  de  Fez.  Yaghmoracen,  qui  venait  d^étre 
averti  que  les  Almohades  tramaient  sa  perte,  profila  de  cette  oc- 
casion pour  décamper  avec  ses  troupes  et  celles  des  Beni-Asker. 
L'émir  Abou-Yahya  marcha  au-devant  d'eux  jusqu'à  la  rivière 
Sebou,  mais  il  n'osa  pas  engager  le  combat.  Les  Almohades,  de 
leur  côté,  se  mirent  à  la  poursuite  des  transfuges  ;  puis,  ils  re- 
broussèrent chemin,  parce  que  le  bruit  s'était  répandu  dans  leurs 
rangs  que  le  sultan  Es-Saîd  venait  de  mourir.  Anter  l'eunuque, 
client  du  khalife  et  général  de  ses  armées,  reçut  alors  l'ordre  de 
partir  avec  une  bande  d^archers  et  un  peleton  de  la  milice  chré- 
tienne, afin  de  ramener  les  Abd-e!-Ouad  et  les  Beni-Asker  par 
la  voie  de  la  persuasion  ;  mais  ceux-ci  s'emparèrent  de  lai  et  de 
son  escorte,  tuèrent  les  chrétiens  et  retinrent  prisonniers  les 
autres  soldats,  avec  l'intention  de  les  échanger  contre  les  otages 
qu'ils  avaient  livrés  aux  Almohades.  S'étant  ainsi  fait  rendre 
leurs  enfants,  les  Beni-Asker  rentrèrent  sous  l'autorité  de  l'émir 
Abou-Yahya,  pendant  que  Yaghmoracen  continuait  sa  marche 
vers  Tlemcen. 

Les  Beni-Merfn  cherchèrent  alors  à  consolider  leur  puissance 
et  visèrent  à  la  possession  des  grandes  villes  du  Maghreb,  après 
en  avoir  occupé  les. provinces.  Conduits  par  Abou-Yahya,  ils 
pénétrèrent  dans  la  montagne  de  Zerhoun  et  sommèrent  les  ha- 
bitants de  Mequinez  è  reconnaître  la  souveraineté  de  l'émir 
Aboo-Zékérïa,  seigneur  de  l'Ifrlkïa.  Il  faut  savoir  qu^à  cette 
époque,  Abou- Yahya  admettait  la  suprématie  du  khalife  hafside. 
Ayant  investi  la  ville  de  manière  h  lui  couper  les  vivres,  œt 
émir  harassa  les  habitants  par  de  fréquentes  attaques  et  les  con- 
traignit ainsi  à  capituler.  Ce  fut  par  l'entremise  de  Yacoub-Ibn- 
Abd-el-Hack,  frère  d'Abou-Yahya,  qu'Abou-'l-Hacen-lbn-Abi- 


1>1rifA6TIB   HËniNlDB.    —   ABOV-TAHYA-fDK-lBD-EL-HlCK.         B& 

M-A(Ta,  gouverocur  de  la  place,  fut  amené  h  se  rendre.  Le  cadi 
Abou-'l-MotarreMbn-Omefra  dressa,  au  nom  des  habitants, 
4'acCe  par  lequel  ils  ofFraicnt  à  l'émir  AboQ-ZékérIa  rassurar.cô 
de  leur  dévouement.  Pour  récompenser  les  bons  services  de 
Yacoub,  le  sultan[f  son  frère,]  hii  concéda  un  tiers  de  TimpAl 
fourni  par  la  ville  conquise.  Dès  lors,  Abou-Yahya  ressctitit  le^ 
mouvements  de  Pambîtion  ;  et,  voyant  sa  tribu  animée  par  l'es- 
prit de  la  domination,  il  s'entoura  des  insignes  de  la  royauté. 

Consterné  de  la  perte  de  Mequinez,  le  khalife  Es-Satd  cônvo* 
qna  ses  grands  officiers  et  leur  fit  un  discours  dans  lequel  il  cx« 
posa  comment  l'empire  s'étaft  avancé  pas  à  pas  vers  sa  ruine  ': 
tt  Le  fils  d*Abou-Hafs,  leur  dit-il,  nous  enleva  Pifrîkïa  ;  Tagh- 
»  moracen-lbn-Ztan  et  ses  Beni-Abd-el-Ouad  détachèrent  en- 
»  suite  de  notre  royaame.fa  province  du  Maghreb  central  et  la 
«  ville  de  Tlemcen  ;  ils  y  proclamèrent  même  ia  sotiveraineté 
»  du  chef  hafside  et  lui  firent  espérer  qu'avec  leur  appui,  fi 
1»  pourrait  effectuer  la  conquête  du  Maroc.  Ibn-Houd  nous  ar- 
1»  racha  [une  parti  de]  l'Espagne  pour  y  faire  reconnaître  la 
1»  suprématie  des  Abbacides  ;  et,  dans  une  autre  partie  du  même 
»  pays,  Ibn-el-Ahmier  s'est  posé  comme  partisan  des  Hafsides. 
9  Toici  maintenant  les  Beni-Merîn  qui  ont  soumis  les  campagnes 
9  du  Maghreb  et  qui  aspirent  à  posséder  nos  villes.  Leur  émir, 
D  Abou-Yahya,  vient  de  prendre  Mequinez,  d'y  établir  l'auto- 
»  rite  des  Hafsides  et  de  s'arroger  les  insignes  de  la  royauté. 
1»  Si  nous  souffrons  davantage  ces  hximiliations,  si  nous  fermons 
D  les  yeux  sur  des  événements  aussi  graves,  c'en  est  fait  de 
ji  notre  empire  et  peut-être  même  de  notre  religion.  »  A  ces 
paroles,  les  assistants  poussèrent  un  cri  de  douleur  ,  et,  brûlant 
d'indignation,  ils  demandèrent  à  marcher  contre  l'ennemi. 

Es-Saîd  se  hâta  de  rassembler  les  contingents  arabes^  les 
troupes  almohades  et  les  tribus  masmoudicnnes  ;  puis,  en  l'an 
645  (1247-8),  il  se  mit  à  leur  tête  et  quitta  Maroc.  Son  but  était 
tle  reprendre  Mequinez  aux  Beni-Merîn,  d'enlever  ensuite  la  ville 
de  Tlemcen  à  Yahmoracen  et  de  terminer  sa  campagne  par  la 
<;onquéte  de  l'ifrtkïa.  Il  était  déjà  parvenu  h  la  rivière  Beht,  et  il 
passait  ses  troupes  en  revue,  quand  Abou-Yahya  pénétra  dans 


36  HISTOIRE    DBS    BERBÈRES. 

lo  camp  sous  un  déguisement.  A  l'aspect  d'une  force  aussi  impo- 
sante, Témir  mérinidc  reconnut  l'impossibilité  d'y  résister  ;  et, 
^'étant  rendu  à  Tazouta,  dans  le  Rtf,  il  envoya  aux  diverses 
fractions  des  Beni-Merin  Tordre  de  venir  le  rejoindre. 

Quand  Es-Saîd  parut  sous  les  mors  de  Mequinez,  les  habitants 
se  hâtèrent  de  lui  offrir  leur  soumission  et  d'implorer  une  am- 
nistie. Pour  exciter  sa  commisération,  ils  envoyèrent  au-devant 
de  lui  leurs  enfants,  portant  chacun  un  Coran  sur  la  tête  ;  à  côté 
d'eux,  marchèrent  les  femmes  souillées  de  poussière,  la  figure 
découverte,  les  yeux  baissés,  et  témoignant  par  leur  air  humble 
et  soumis,  de  toute  la  profondeur  de  leur  affliction.  Le  sultan  ac- 
cueillit cette  députation  avec  bonté  et  fit  grâce  à  tous  les  habir 
tants.  Il  se  dirigea  ensuite  vers  Tèza,  où  il  espérait  atteindre  les 
Mérinides;  mais  Âbou**Yahya  s'était  empressé  de  les  emmener 
vers  le  pays  des  Beni-lznacen .  Ce  prompt  mouvement  du  chef 
mérinide  eut  lieu  à  la  suite  d'une  communication  secrète  par 
laquelle  Mohtb,  chef  des  Beni-Autas,  l'avai^.  averti  que  cette  tribu 
complolait  sa  perte  par  haine  et  par  jalousie.  Ai^rivé  à  Aïn-^es*- 
Sefa,  Abou-Yahya  réfléchit  sur  sa  position  et  vit  la  nécessité  de 
faire  la  paix  avec  les  Almohades*  D'après  ses  ordres,  les  cheikhs 
mérioides  partirent  pour  Tèza,  afin  de  présenter  à  Es-^Satd  la 
soumission  de  leur  peuple  et  de  s'engager  à  marcher  contre  Yagh- 
moracen.  Le  sultan  almohade  agréa  cet  oil're  et  consentit  à  oublier 
les  méfaits  ^  dont  ils  s'étaient  rendus  coupables  ;  mais  comme 
ils  lui  proposèrent  ensuite  de  se  charger  oQx-mdmes  du  soin  de 
mettre  les  Beni-Abd-el -Ouad  à  la  raison,  pourvu  qu'il  leur  four- 
nît un  corps  de  lanciers  et  d'archers,  il  y  soupçonna  un  piège 
enfanté  par  cet  esprit  de  corps  qui  porte  les  tribus  de  la  màme 
race  h  se  soutenir  entr'elles  ;  aussi,  leur  ordonna-t-il  de  venir 
et  de  marcher  sous  ses  ordres.  Abou-Yahya  choisit  alors  dans 
les  tribus  mérinides  cinq  cents  guerriers  cl  chargea  son  cousin, 
Ahou-Aïad^lbn-Yahya,  petil-fils  d'Abou-Bekr-lbn-Haminaraa, 
de  les  conduire  au  camp  ahnohude.  Es-Satd  les  rangea  sous  ses 


1.    I 


En  arabe,  el-àjéra'ir.  Le  texte  imprimé  porte  el  djAzmr. 


DYNASTIE   UÈRINIBB.    AB0U-YÀHYA*1BN-ABD-BL-HACK.  37 

drapeaux  et  partit  de  Tèza  avec  Tintention  de  passer  jusqu'à 
Tlemcen  et  môme  plus  loin  ;  mais  il  fut  tué  dans  la  montagne  de 
Temtezdekt  par  les  Beni-Abd-eUOuad,  ainsi  que  nous  Tavons 
raconté  dans  Thistoire  de  ce  peuple*.  L'armée  almobade  dé- 
campa alors  précipitamment  et  prit  la  route  de  Maroc  après  avoir 
reconnu  pour  chef  Pémir  Abd-»Allah,  fils  d'Es-^Satd,  qui  avait 
pris  part  à  celte  expédition  en  qualité  d^héritier  du  tr6ne. 

Abou-Tahya  apprit  cette  nouvelle  chez  les  Beni-Iznacen  où 
son  cousin,  Abou-Alad,  était  venu  le  rejoindre  avec  la  troupe 
mérinide  qu'il  avait  emmenée  pendant  la  confusion  causée  par  la 
catastrophe  de  Temzezdekt.  Bans  perdre  un  instant,  il  alla  $e 
poster  à  Guercif  pour  y  attendre  l'armée  almohade  ',  et,  au  mo- 
ment où  elle  passait,  il  l'attaqua  vigoureusement  et  la  mit  en^ 
pleine  déroute.  L'équipage  du  sultan,  les  bagoges  et  les  armes 
des  troupes  tombèrent  au  pouvoir  du  vainqueur  ;  la  milice 
chrétienne,  ainsi  que  le  corps  d'archers  ghozzes,  entrèrent  au 
service  des  Mérinides.  L'émir  Abd-Allah  perdit  la  vie  dans  Cette 
mêlée  sanglante.  Dès  lors,  il  ne  resta  plus  aux  Almohades  le 
moindre  espoir  de  rétablir  leur  domination. 

Abou'Yabya  envahit  aussitôt  le  tfaghreb  pour  ne  pas  donner 
k  Yaghmoracen  le  temps  d'y  pénétrer^  car  il  savait  cominMt  les 
Almohades  avaient  enseigné  aux  Abd^-el-OuaditeS  le  chemm  du 
pays.  En  effet,  cette  dynastie  les  avait  employés  à  combattre  les 
Beni-Merin,  et  elle  avait  permis  que  toute  la  région  située  entre 
Tèza,  Fez  et  El-Gasr,  fût  violée  et  foulée  aux  pieds  par  les 
troupes  de>Yaghmoraoen.  Ce  chef  et  sa  tribu  espéraient  bien 
s'emparer  du  Maghreb  entier,  mais  leurs  tentatives  échouèrent 
toujours  contre  la  valeur*  des  Beni-Mertn. 

Abou«Yahya  commença  alors  ses  opérations  par  la  conquête 
du  territoire  des  Outat  et  par  la  prise  des  bourgades  que  cette 
tribu  possédait  sur  le  Molouïa.  Après  avoir  soumis  la  montagne 
occupée  par  le  même  peuple,  il  marcha  sur  Fez  afin  de  Tenlever 


«  Tome  m,  p.  348. 

^  Lisez  bas  au  lion  de  fas  dans  le  texte  arabe. 


3&  HISTOIHC    DBS    BKRBÈRBS. 

aux  descendaats  d'Abd-el-Moumen  et  d'y  faire  proclamer  la^sa- 
prématie  du  khalife  bafside,  ainsi  que  dans  tous  les  pays  voisins^ 
Etant  arrivé  avec  sa  cavalerie  devant  la  ville,  qui  avait  alors 
pour  gouverneur  Le  ctd  Abou  •«  '1  -  Abbas ,.  il  y  pratiqua  des  in- 
telligences et  fit  promettre  aux  habitants  une  administration, 
paternelle  dont  ils  n'auraient  qu'à  se  louer  et  une  protection^ 
efficace  contre  toute  espèce  de  violence.  N'ayant  plus  aucun  es<- 
poir  d'être  secourus  par  les  Almohades,  ils  acceptèrent  avec 
empressement  les  offres  de  l'émir  et  renoncèrent  à  la  dynastio 
d'Abd-el-Moumen  pour  celle  des  Hafsides.  Abou-Mohammed  el- 
Fichiali  [personnage  vénérable  par  la  sainteté  de  sa  vie]  se 
rendit  auprès  d'Abou-Yahya  et  lui  fit  prendre  Dieu  à  témoia 
qu'il  remplirait  ses  engagements  par  le  soin  qu'il  aurait  des  ha^ 
bitants  de  Fez,,  par  la  protection  qu'il  leur  accorderait  et  par  sa. 
conduite  juste ,  paternelle  et  généreuse  à  leur  égard.  La  dé- 
marehe  de  ce  saint  homme  amena  la  solution  de  cette  affaire 
difficile  ;  elle  attira  même  sur  les  parties  contractantes  une  bé- 
nédiction dont  les  bons  effets  s'étendirent  à  leur  postérité.  Ce  fui 
h  Er-Rabeta,  en  dehors  de  la  porte  de  Folouh  que  Ton  prêta  le 
serment  de  fidélité  à  L'émir  Abou-Yahva.  Au  commencement  de 
l'an  646,  deux  mois  seulement  après  la  mort  d'Es-Said  (août- 
sept.  1248),  on  installa  dans  la  citadelle  de  Fea  le  premier  sou^ 
verain  mérinide.  Le  ctd  Abou^^l-Abbas  eui  l'autorisation  de  se 
retirer,  et  il  se  fit  prêter  une  troupe  de  cinquante  cavaliers  pour 
l'escorter  jusqu'à  L'autre  côté  de  l'Omm-Bebià. 

Après  avoir  effectué  cette  conquête,  l'émir  Abou-Yahya  mar- 
cha sur  Tèza,  ville  où  le  cld  Abou-Ali  exerçait  le  commandement. 
Quatre  mois  de  siège  suffirent  pour  la  réduction  de  ce  ribat;  et;., 
comme  la  garnison  s'était  rendue  h  discrétion,  on  en  passa  une 
partie  au  fil  de  l'épée.  Abou-Yahya  répara  les  fortifications  de 
Tèza  ;  et  quand  il  eut  rétabli  l'ordre  dans  les  environs,  il  le 
concéda,  avec  les  bourgades  du  Molouïa,  à  son  frère  Yacoub-lbn- 
Abd*el-Hack.  Rentré  à  Fez,  il  reçut  une  députalion  de  cheikhs 
appartenant  à  la  ville  de  Mequinez,  qui  vinrent  lui  offrir  leurs 
hommages  et  renouveller  leur  serment  de  fidélité.  Peu  de  temps, 
a^pcès,  Salé  et  Ribat-clrFcth  lui  envoyèrenl  leur  soumission. 


DYNASTIE   XÊRIMDE.   AB00-Y1BYA-I81f-ABD-EL*HACK.    ^     39 

Devenu  mattre  des  quatre  principales  villes  du  Maghreb  et  de 
toutes  les  campagnes  de  ce  pays  jusqu'à  rOmm-Rebià,  l'émir 
Abou-Yahya  y  fit  proclamer  la  suprématie  du  khalife  hafside, 
et  il  en  instruisit  ce  prince  par  l'envoi  d'une  ambassade. 

Les  Beni-Mertn  prirent  ainsi  possession  du  Maghreb-el-Acsa, 
pondant  que  les  Beni-Âbd-el-Ouad  occupaient  le  Maghreb  cen- 
tral, que  les  Hafsides  tenaient  Vlfrtkïa  et  que  Tempire  fondé  par 
Abd-el-Moumen  penchait  vers  sa  ruine. 


DÉFAITE   DB  TA6BH0BACEN   A   ISLT.    —   BJSYOLTE   ET  SODHISSIOU 

DB   FBZ. 

En  l'an  616  «  (1248-9),  après  la  mort  d'Es-Satd,  l'émir  Abou- 
Yahya,  fils  d'Abd-el-Hack,  se  trouva  mattre  des  provinces  ma- 
ghrébines et  de  la  ville  de  Fez.  Dans  la  même  année,  le  ctd 
Abou-Hafs-Omar-el-Morteda,  fils  du  ctd  Abou-lbrahtm-lsliac, 
fils  d'Abou-Yacoub-Youçof ,  fils  d'Abd-el>Moumen ,  quitta  la 
citadelle  de  Bibat-el-Feth.  près  de  Salé,  où  il  avait  été  placé  eiï 
qualité  de  gouverneur  par  Es-Satd  ;  et,  s'étant  rendu  à  Maroc  sur 
l'invitation  Ides  Almohades,  il  y  fut  inauguré  comme  sultan, 
avec  le  titre  d'El-Morteda.  Son  père,  Abou-lbrahtm,  fut  celui 
qui  commanda  l'armée  almohade  dans  l'année  du  Mecherla. 

Abou-Yahya  se  mit  alors  en  campagne  afin  de  réduire  Fazaz- 
el-Mâden*  et  de  soumettre  le  pays  des  Zanaga'.  Avant  de 
partir,  il  confia  le  commandement  de  Fez  à  son  client,  Es-Saoud- 
Ibn-Khirbach,  membre  de  la  communauté  des  Hachem  qui  vi- 
vait sous  la  protection  des  Beni-Mertn  et  qui  lui  était  tout-à- 
fait  dévouée.  Il  y  laissa  aussi  les  troupes  almohades  pour  faire 
le  service  comme  auparavant  ;  mais  il  éloigna  le  prince  qui  les 


*  Dans  le  texte  arabe,  insérez  un  a/i/ avant  le  ra  d'ourbaïn, 

^  A  la  place  de  Fazaz  oua^'l-màdctif  il  faut  ^ire  Fazaz-eî-mâden. 

'  Dans  le  mot  zenata  du  telle  arabe,  il  Taul  remplacer  let'S  par  un 
ârdur  3. 


40     *  USTOIRS    DIS    BBBBftUS. 

aTail  coes  sous  ses  ordres.  Ud  déiacbeaiieot  de  la  milice  chté- 
tienne,  commandé  par  le  nommé  Ghana,  faisait  partie  de  eette 
garnison  et,  de  mdme  qœ  les  antres  eorpa,  il  sa  mit  à  la  disposî** 
tion  d'Es-Saottd.  Quelqaes  habitants  de  la  ville,  gens  dévoués 
aux  Almohades,  formèrent  alors  on  complot  aveo  ces  mécréants 
à  reffet  d'assassiner  Es-Saond  et  de  proclamer  l'autorité  d'El- 
Horteda,  prince  qui  devait  bientôt  céder  devant  ses  rivaux  et 
succomber  dans  la  carrière.  Les  chefs  de  cette  conspiration  étaient 
quatre  :  Ibn-Haschar-el-Mocherref  et  son  frère,  Ibn^Abi-Tatou, 
et  son  fils.  A  la  suite  d'un  conseil  tenu  cbei  le  cadi,  Abou«Abd- 
er-Bahman«el-Maghtli,  ces  individus  allèrent  trouver  le  com- 
mandant des  chrétiens  et  l'engagèrent  èi  tuer  le  gouverneur.  Afin 
d'accomplir  ce  forfait,  ils  entrèrent  dans  la  salle  de  la  citadelle 
où  Es  -  Saoud  donnait  audience  et  loi  adressèrent  quelques 
paroles  afin  de  le  mettre  en  colère  ;  alors  le  chrétien  se  jeta  sur 
lui  et  le  tua.  La  tôte  de  leur  victime  fut  portée  par  toutes  les  rues 
de  la  ville,  sa  maison  fut  pillée  et  son  hmr€fn  violé.  Ceci  se  pas$^ 
dans  le  mois  de  Gboual  647  (janv.-fév.  4250).  On  chargea  le 
chef  chrétien  du  commandement  de  la  viUe  et  on  envoya  an  kbft* 
life  El-Morteda  une  adresse  de  fidélité  et  de  dévouement. 

A  la  nouvelle  de  cet  événement,  l'émir  Abou-Yahya  leva  le 
f  iégo  de  Fazaz  et  accourut  avec  son  armée  sous  les  murs  de  Fei. 
Les  habitants,  se  voyant  cernés  de  toutes  parts,  demandèrent 
des  secours  à  EUMorteda  ;  mais  ce  prince,  ne  pouvant  leur  être 
utile,  garda  le  silence.  Il  se  borna  à  prier  Yaghmoracen-lbn- 
Ztan  de  marcher  contre  Abou-Yahya,  espérant  délivrer  ses  su-* 
jets  fidèles  du  danger  qui  les  menaçait,  en  employant  les  armes 
d'un  chef  qui  s'était  toujours  montré  l'ennemi  des  Mérinides* 
Yaghmoracen,  enchanté  d'avoir  l'occasion  d'envahir  le  Maghreb, 
rassembla  ses  troupes  et  partit  de  Tlemcen  avec  l'intention  de 
faire  lever  le  siège  de  Fez.  Abou-'Yahya,  averti  de  son  approche^ 
laissa  quelques  escadrons  dans  les  alentours  de  cette  ville  dont 
le  blocus  durait  déjà  depuis  neuf  mois,  et  se  porta  rapidement 
vers  la  frontière  du  Maghreb  afin  d'empêcher  les  Abd-el-Ouad 
oe  la  franchir.  Les  deux  armées  se  rencontrèrent  à  Isly,  dans  la 
plaine  d'Oudjda  et  s'attaquèrent  avec  une  ardeur  peu  commune. 


DTNASTIB   Irtlllin»!.  *—  ▲BOU-TARTA-'lBll-ABD-IL-RACK.^       44 

Abd-*el-flack,  fils  de  Mohammed-lbn-^Abd«-el-Hack,  fnt  tué  par 
Ibrahtm^bn-Hicbam  l'abd^el-oaadite,  mais  les  troupes  de  Yagh- 
iBoracen  perdirent  nn  de  leurs  priaoipaux  cheikhs,  Yaghmora* 
cdD-^Ibn-Tachefio,  et  abandeanàrent  ie  champ  de  bataille.  Leur 
chef  ooumt  se  réfugier  dans  Tlemcen»  et  l'émir  Aboa-Tahya  re- 
vint à  Fez  pour  en  continuer  le  siège. 

Les  habitantSi  ayant  alors  perdu  tout  espoir  d'être  secourus, 
ne  virent  plus  d'autre  moyen  de  salut  qu'une  prompte  soumis- 
sion. Une  amnistie  générale  leur  fut  accordée  à  la  condition  de 
rembourser  cent  mille  pièces  d'or  qu'on  avait  pris  dans  la  mai- 
son d'Abou-Yahya  le  jour  où  la  révolte  éclata.  L'émir  mérinide 
Gt  son  entrée  dans  Fec  au  mois  du  [second]  Djomada  648  (sep- 
tembre 1 260)  ;  el|  trouvant  que  les  habitants  tardaient  de  réunir 
la  somme  dont  il  exigeait  le  paiement,  il  déclara  l'amnistie  de 
nul  effet  et  usa  de  son  droit.  Le  cadi  Abou-Âbd<^r-Bahman  sobit 
la  peine  de  mort,  ainsi  que  ses  complices  les  Ibn-Abi-Tatoa 
père  et  fils,  et  les  deux  Ibn-Haschar.  Leurs  têtes  furent  plantées 
sur  les  remparts  de  la  ville,  et  les  habitants  durent  payer»  bon 
gré  malgré,  l'argent  qu'ils  avaient  enlevé.  Ce  châtiment  fut  une 
des  causes  qui  amenèrent  l'asservissement  dn  peuple  de  Fer  et 
assurèrent  leur  soumission  à  la  dynastie  des  Beni-Merln  ;  encore 
aojourd'hni,  ils  se  le  rappellent  avec  effroi  et  jamais  ils  n'ont 
osé  ni  élever  la  voix,  ni  résister  aux  ordres  do  gouvernement 
ni  tremper  dans  des  conspirations. 

abou-tahta  prbkd  et  pbrd  la  tillb  db  sllt.  d6faitb 

d'bl-hortbda. 

Après  avoir  achevé  le  siège  de  Fei,  l'émir  Abou-Yahya  alla 
reprendre  celui  de  Fazaz  et  fiùit  par  s'emparer  de  cette  villoé  II 
soumit  aussi  le  territoire  des  Zanaga  ^  et  y  préleva  l'impAt  après 


*  Le  texte  arabe  de  rédilion  imprimée  et  des  manuscrits  reproduit  ici 
.  la  même  faute  qui  vient  d'être  releyée  daos  la  note  3,  page  39.  Sous 
le  mot  Sanhwija  de  la  table  géographique,  nous  avons  fiit  mention 
des  Zanaga» 


42  HISTOIRE     DES    BBRBfiRBS. 

en  avoir  fait  disparaître  le  mal  cause  par  les  fauteurs  du  dé« 
sordre.  En  Tan  649  (42S1-2),  i)  marcha  contre  Salé  et  s'en  ren- 
dit maître,  ainsi  que  de  Ribat-el-Feth,  forteresse  qui  couvrait 
la  frontière  almohade.  Alors  il  donna  à  son  neveu,  Yacoub-Ibn- 
Abd-Allah-lbn-Abd-el-Hack,  le  gouvernement  de  Rihat  et  des 
contrées  voisines. 

E)-Morteda  ressentit  une  vive  inquiétude  h  \a  réception  de 
cette  nouvelle  ;  et,  après  avoir  consulté  les  chefs  de  la  nation 
almohade,  il  prit  le  parti  de  la  guerre.  En  l'an  650  (4S5SI-3), 
les  troupes  qu'il  fit  marcher  contre  les  Mérinides  leur  enlevèrent' 
la  ville  de  Salé,  et  un  des  grands  cheikhs  almohades^  Abou-Abd* 
AUah-Ibn-Abi-Yalou,  en  reçut  le  commandement. 

Déjà,  Vannée  précédente,  El«Morteda  lui-même  s'était  mis  a 
la  tète  des  Almohades  et  des  autres  troupes  de  l'empire,  aGir 
d'aller  combattre  les  Beni-Mertn  ,  et,  arrivé  à  Imelloultn,  il  avait 
vu  son  armée  mise  en  déroule  par  ce  peuple  qui  était  venu  à  sa 
rencontre.  Ce  fut  h  la  suite  de  cette  campagne  que  Salé  fut  pris 
[par  Abou^Yahya,  frère  d'Abou-Youçof-Yacoub,]  et  repris  par 
les  Almohades. 

Voyant  que  les  Beni-Merfn  agrandissaient  tous  les  jours  leurs 
possessions  par  l'envahissement  du  territoire  de  l'empire,  El- 
Morteda  fil  dresser  ses  tentes  en  dehors  de  Maroc  et  envoya  des 
agents  dans  toutes  les  provinces  pour  y  lever  des  troupes.  Ayant 
enfin  rassemblé  une  multitude  innombrable  d'Almohades,  d'A- 
rabes et  de  Masmoudiens,  il  quitta  sa  capitale,  l'an  653  (1S55), 
et  se  porta  en  avant  jusqu'aux  montagnes  de  Behloula,  près  de 
Pez.  L'émir  Abou-Yahya  partit  avec  les  Béni*  Merin  et  les  troupes 
de  ses  alliés  pour  repousser  cette  armée,  et  il  l'attaqua,  dans 
cette  localité,  avec  tant  do  vigueur  qu'il  ta  mit  en  pleine  dé- 
route. Les  Almohades  prirent  la  fuite,  sans  penser  h  couvrir  la 
retraite  de  leur  souverain  ;  de  sorte  que  ce  princo  rentra  h  Ma- 
roà  après  avoir  perdu  ses  tentes,  son  trésor  et  ses  bâtes  de 
somme.  Enrichis  des  dépouilles  du  camp  almohade,  les  Mérinides 
devinrent  plus  puissants  que  jamais. 

A  la  suite  de  celte  journée,  dont  les  conséquences  furent  im- 
menses; une  colonne  mérinidc  envahil  Tcdla  et  dévasta  Abou- 


DTMA6T1B  HfitlNIBB.  —  AB0U-TÀBYA-1BM-ABD*EL*HACK.  43 

Nefts,  YÎlle  appartenant  aux  Beni-Djaber.  Comme  cette  tribu 
djocbemide  avait  été  chaînée  de  garder  ia  province  de  TedU, 
elle  sacrifia  les  plus  braves  de  aes  guerriers  en  essayant  de  re- 
pousser TeDDemi  ;  et,  depuis  Iors>  eile  n'a  jamais  pu  se  relever. 
Ce  fut  pendant  cette  guerre  qu'Ali,  fils  d'Otbfi&an  et  petit-fils 
d'Abd-el-Hack,  fut  mis  à  mort.  Il  avait  tramé  un  complot  con- 
tre son  oncle,  Aboo-Yahya,  el  celui-ci,  en  ayai>t  eu  connais* 
sance,  recommanda  secrètement  à  sou  fils,  Aboo*Hadid-Miftah, 
de  le  débarrasser  d'un  parent  aussi  dangereux.  Ali  fui  assassiné 
aux  environs  de  Miknaça  (Mequinez),  l'an  654  (4953). 


PftISB   M  SlDilLHBSSA  BT  COKQDÉTB  DBS   BtGlOAS 

»U   SDIK 

Les  descendants  d'Abd-el-Moumen  ayant  enfin  perd»  l'espoir 
de  reprendre  les  provinces  du  Maghreb  que  les  Mérinides 
avaient  enlevées,  consacrèrent  alors  leurs  efforts  b  la  conserva* 
lion  du  territoire  qui  leur  restait  encore  et  qui  ne  manquait  pa» 
d'exciter  la  convoitise  de  l'ennemi. 

Tout  le  Tell  maghrébin  avait  subi  le  joug  des  Mérinides 
quand  l'émir  Abou-Yahya  entreprit  une  expédition  dans  les 
pays  du  Midi.  En  l'an  653  (1255),  il  se  dirigea  de  ce  côté  avec 
l'intention  de  conquérir  Sldjilmessa,  le  Der  el  les  contrées  voi- 
sines. Etant  alors  parvenu  h  corrompre  Ibn-el-Kitrani  *,  il  se  fit 
livrer  l'olScier  almobade  qui  commandait  dans  Sidjilmessa  et 
obtini  ainsi  possession  de  la  ville.  U  soumit  aussi  le  Der&  avec  le 
reste  de  cette  région  méridionale  et  en  confia  le  gouvernement  à 
son  fils  Aboo-Hadtd. 

L'année  suivante,  El-Morteda  plaça  le  cheikh  almohade,  Ibn- 
Attoucb,  à  la  tôle  de  l'armée  et  lui  ordonna  de  partir  pour  Sid- 
jilmessa et  d'enlever  aux  Mérinides  les  contrées  dont  ils  venaient 
de  s'emparer.  Cet  ofiBcier  se  mit  en  marche,  mais,  ayant  appris 


»•  Voy.  l.  u,  i>.  2iîK 


44  nSTOI»    BB8    BBKBfeEKS. 

qu'Ab<m*Yahya  et  son  fils  Aboa->Hadtd«*liîftah  venaient  à  sa 
rencontre»  il  s'empressa  de  rentrer  à  Maroc. 

En  655  (4  857),  Abou-Yahya  se  dirigea  contre  Yahmoracen  et 
Ini  infligea  nn  séyère  châtiment  à  Aboo-^Seltt.  Il  eut  même  la 
pensée  de  le  poursuivrOi  mais  il  en  fut  détoarné  par  son  fràre 
Yaconb-lbn-Abd-el-Hack,  qui  s'était  lié  d'amitié  avec  le  chef 
abd-el-ouadite.  Ayant  donc  rebroussé  chemin  «  U  arriva  au  vil- 
lage de  Macarmeda,  localité  oh  je  me  trouve  maintenant;  et  M, 
il  apprit  que  Yaghmoracen  avait  écouté  les  sollicitations  de 
quelques  habitants  de  Sidjilmessa  et  marchait  sur  cette  ville 
avec  l'espoir  de  s'en  emparer.  U  partit  aussitôt  à  la  tète  de  ses 
troupes  et  entra  dans  Sidjilmessa  la  matinée  du  même  jour  oii 
Yaghmoracen  s'y  présenta.  Ce  fut  avec  un  extrême  chagrin  que 
l'émir  de  Tlemcen  renonça  à  l'espoir  d'enlever  cette  place,  où  il 
trouva  son  adversaire  déjà  installé.  Il  livra  toutefois  aux  Méri- 
nides  plusieurs  combats  dans  lesquels  les  succès  furent  balancés 
par  les  revers.  Soleiman-Ibn*-Othman-Ibn«Abd-el-'Hack,  neveu 
de  l'émir  Abou*Yahya,  mourut  dans  cette  campagne.  Yaghmo- 
racen reprit  alors  la  route  de  sa  capitale  et  Abou-Yahya  se  mit 
en  marche  pour  Fez,  après  avoir  placé  Sidjilmessa,  le  Derft  et  le 
reste  de  ce  pays  méridional  sous  le  commandement  de  Youçof- 
Ibn-Irgacen^.  Pour  la  perception  de  l'impôt  dans  les  mêmes  lo- 
calités, il  fit  choix  d' Abd-es-Selam-Ibn-Auraï  *  et  de  Dawoud- 
Ibn-Yooçof. 


HOBT  DE   l'ÉSÎR   AVOU-TIHTA   BT   ATÈNBnHt  DB   SON   9UÈKB, 

TACOUB-IBH-ABD-BL-HACK. 

Après  avoir  combattu  Yaghmoracen  à  Sidjilmessa,  l'émir 
Abou^Yahya  revint  à  Fez  où  il  passa  quelques  jours.  Ensuite,  il 
se  rendit  de  nouveau  à  Sidjilmessa  aGn  d'inspecter  les  loca- 


^  Yariaole  :  Izgacm. 

'  Ce  mot  est  probablement  alicré. 


DYKASTIB  MfiRINIDB  .«-^  àBOU*T00ÇOf-YACODB-IBN-AllD-BL-HACK .    46 

hié9  qui  ooUTraient  cette  frontière  et  il  s'en  reloorna  très- 
malade.  Il  mourut  à  Fez,  dans  le  mois  «de  ftedjeb  656  (juillet 
A  258),  au  moment  où  il  allait  aooomplir  de  vastes  projets  et  s'é- 
lever au  pouvoir  suprâme.  Conformément  à  ses  dernières  to* 
lontés,  on  Tenterra  dans  le  cimetière  de  la  Porte  de  Fotouh,  à 
côté  du  tombeau  d'Abou'Hohammed-el-Ficbtali  *• 

Son  fils  Omar,  se  voyant  soutenu  par  tous  les  Mérinides  de  la 
classe  inférieure,  voulut  s'emparer  du  commandement,  mats  il 
ne  put  obtenir  l'appui  ni  des  cheikhs,  ni  des  hauts  fonctionnaires 
dont  les  vœux  favorisaient  son  oncle,  Yaooub«lbn-Abd-el«Hack. 
Quand  celui-'ci  apprit  la  mort  de  son  frère,  il  quitta  Tèia  en  toute 
bAte  et  se  rendit  à  Pec,  où  tous  les  grands  de  la  tribu  le  reçurent 
avec  les  plus  hauts  égards.  Cet  accueil  excita  la  jalousie  de  son 
neveu  Omar  qui,  ayant  prêté  Poreille  aux  conseils  de  ses  parti- 
sans, résolut  de  l^sassiner.  Yacoub  se  vil  donc  obligé  de  se  ré* 
fugier  dans  la  citadelle  ;  et,  ii  la  suite  d'un  arrangement  auquel 
«es  amis  et  ceux  d'Omar  travaillèrent  également,  il  renonça  à  hi 
prétention  de  commander  en  chef  et  accepta  le  gouvernement  de 
Tèza,  du  territoire  des  Botoula  et  de  celui  du  Molouïa.  Quand  il 
fui  arrivé  à  Tèza,  il  se  vit  entouré  de  tous  les  chefs  mérinides 
et,  vaincu  parleurs  r^roches,  il  prit  la  résolution  demdttreà 
l'épreuve  leurs  promesses  d'appui  et  leurs  assurances  de  dé* 
vooemenl.  Ayant  annoncé  sa  résv>lution  de  saisir  le  pouvoir,  il 
reçut  leur  serment  de  fidélité  et  se  mit  en  marche  pour  Fei. 
Omar,  à  la  tête  de  ses  partisans,  alla  au-devant  de  lui  jusqu'à 
Mesdjidein  ;  mais,  quand  les  deux  armées  se  trouvèrent  en  pré- 
sence, il  vit  la  sienne  prendre  la  fuite.  Alors  il  se  hala  de  rentrer 
h  Fez  et  fit  avertir  son  onele  qu'il  était  prêt  à  abdiquer,  pourvu 
qu'on  lui  accordât  le  gouvernement  de  Miknaça  [Mequinez?]. 
Cette  proposition  fut  agréé  et  Abou-Youçof^Yacoub,  fib  d'Abd-el- 
Hack,  entra  dans  Pez  avec  les  honneurs  de  la  souveraineté.  Ceci 
se  passa  en  Tan  657  (4259).  Tout  le  Maghreb,  depuis  le  Mdotiïa 
jusqu'à  rOmm*Rebïa,  et  depuis  Sidjilmessa  jusqu'au  Casr- 
Kclama,  reconout  rauiorilé  du  nouveau  sultan. 


•»- 


*  Voy.  ci-  devaul,  p.  3S. 


/ 


/ 


16  BiSTOItB    ftfiS    BBRBfitn: 

Omar  ne  reista  pas  longtemps  en  possession  de  Miknaça,  ayant 
été  assassiné,  Tannée  suivante,  par  trois  de  ses  cousins  parce 
qu'il  avait  versé  le  sang  d'un  de  leurs  parents.  Les  auteurs  de 
cette  vengeance  étaient  Omar-Ibn-Othman-lbn-Abd-el-Hack , 
son  frère  1brahtmetEl-Âbbas-Ibn*Mohammed-Ibn'-Abd-el-Hack. 
Débarrassé  alors  d'un  rival  redoutable,  l'émir  Yacoub  consolida 
promptement  son  autorité  et  n*eut  plus  à  craindre  aucun  compé- 
titeur. 

Aussitôt  que  Yaghmoracen  eut  appris  la  mort  de  son  adver- 
saire, Abou-Yahya,  il  rassembla  les  Beni-Abd-el-Ouad  et  fit 
lever  des  troupes  chez  les  Toudjtn  et  les  Maghraoua.  Son  inten* 
tion  était'  d'envahir  le  Maghreb  ;  mais,  pendant  qn^il  encoura^ 
geait  ses  soldats  par  la  perspective  d'un  riche  butin,  il  ne  se 
doutait  pas  qu'il  allait  les  entraîner  dans  une  tanière  de  lion. 
S'étant  avancé  jusqu'à  Keldaman,  il  eut  une  rencontre  avec  l'ar- 
mée du  sultan  Abou-Youçof- Yacoub  et,  ne  pouvant  lui  résister, 
il  abandonna  le  champ  de  bataille  et  opéra  sa  retraite  en  bon 
ordre.  Traversant  le  pays  des  Botouïa,  il  brûla  et  dévasta  tout 
ce  qui  se  trouvait  sur  son  passage. 

Le  sultan  Yacoub  rentra  à  Fec ,  et,  pour  se  conformer  aux 
desseins  de  son  frère,  il  se  mil  à  conquérir  les  villes  et  les  cam- 
pagnes du  Maghreb.  Dans  le  commencement  de  cette  entreprise, 
il  obtint  du  ciel  la  faveur  d'expulser  les  chrétiens  de  Salé  et  de 
s'acquérir  ainsi  une  gloire  immortelle. 


LA  VILLE   DE  SàLÉ,  SUKPRrSE   PAft  LES   CHBfiTIBllS,  EST  BtLrfRfiB   PAR 

LE    SULTAN   ABOU-TOUÇOP. 

Quand  l'émir  Abou-Yahya  s'empara  de  Salé,  il  en  donna  le 
commandement  à  son  neveu,  Yacoub-Ibn-Abd-Allah.  Les  AJ- 
mohades  reprirent  la  ville  peu  de  temps  après,  et  Yacoub  se  mit 
&  en  parcourir  les  environs,  dans  l'espoir  de  pouvoir  surprendre 
la  garnison  et  les  habitants  de  la  place.  Après  l'inauguration  do 
son  onde,  Abou-Youçof ,  il  s'offensa  de  quelque  injustice  que  ce 
prince  lui  avait  faite  et  alla  se  fixer  à  Gheboula.  Pour  accomplir 


DTNASTIR  UfiRINIDB. ABOU-TOUÇOF-YACOUB-IBN-ABD-EL-HACK.    47 

,  ses  projets  de  yengeance,  il  employa  d'abord  toute  son  adresse 
afin  de  rentrer  en  possession  de  Salé  el  de  Ribat-el-Fetb»  Ses 
stratagèmes  lui  réussirent,  et  le  gouverneur,  Ibn-Yâkra,  s'em- 
barqua pour  Âzemmor  avec  tant  de  précipitation  cp'il  abandonna 
ses  trésors  et  son  harem. 

Devenu  encore  maître  de  Salé,  Yacoub»Ibn-Âbd-AiIah  voulut 
se  mettre  en  mesure  de  soutenir  un#  lotte  contre  le  sultan  et  fit 
un  contrat  avec  des  négociants  Mropéeus  pour  la  fourniture 
d'une  quantité  d'armes.  En  l'an  658  (4260),  le  port  se  remplit 
tellement  de  leurs  navire»  que  le  nombre  des  matelots  dépassa 
celui  des  habitants  de  la  ville.  L'occasion  fut  trop  favorable  aux 
infidèles  pour  être  négligée  ;  et,  h  la  fin  de  Ramadan  (commen- 
cement de  septenbre),  pendant  que  tout  le  monde  était  à  célé- 
brer la  fête  de  la  rupture  du  jeûne,  ils  s'emparèrent  de  la  ville, 
enlevèrent  les  femmes  et  mirent  tout  au  pillage.  Yacoub-Ibn- 
Abd-Âllah  s'enferma  dans  Ribat  et  expédia  un  courrier  au  sultan 
Abou-'Youçof  pour  l'informer  de  ce  malheureux  événement  et 
pour  lui  demander  secours. 

Abou-Youçof  était  à  Tèza,  d'où  il  surveillait  les  démarches 
de  Yaghrooracen,  quand  cette  nouvelle  lui  fut  apportée.  Il  ras- 
sembla aussitôt  ses  hommes  de  guerre  et  partit  au  grand  galop  ; 
de  sorte  qu'au  bout  do  vingt-quatre  heures,  il  arriva  sous  les 
murs  de  Salé*. De  nombreux  renforts,  tant  de  troupes  soldées  que 
de  volontaires,  accoururent  auprès  de  lui  ;  et,  après  avoir  as- 
siégé la  ville  pendant  quatorze  jours,  ils  l'emportèrent  d'assaut 
et  massacrèrent  tous  les  infidèles  qu'ils  purent  atteindre.  Le  sul- 
tan donna  ensuite  l'ordre  de  fermer  par  un  ouvrage  en  maçon- 
nerie la  brèche  de  la  muraille  occidentale  qui  avait  permis  à 
l'ennemi  de  pénétrer  dans  la  place  ;  et,  pour  mériter  encore  plus 
la  faveur  divine,  il  y  travailla  de  ses  propres  mains.  Ayant  alors 
placé  une  garnison  dans  Ribat-^l-Feth,  forteresse  que  Yacoub- 
Ibn-Abd-Allah  avait  abandonnée  par  crainte  de  sa  colère,  il  se 


*  Entre  ces  detix  villes,  il  y  a  cinquante-cinq  lieues  de  distance  en 
ligue  directe. 


48  BiSTOIRB'DEfl    BBlVtlKS. 

remit  en  campagne  pour  soumettre  la  province  de  Temstia  et  la. 
ville  d'Anfa. 

Taooub  se  réfugia  dans  Aloudan,  ch&teau  situé  sur  une  des 
montagnes  des  Ghomara,  et  y  fit  les  préparatifs  d'une  vigou* 
reuse  résistance.  Le  sultan  ordonna  à  son  fils,  Abou-Malek-Abd- 
el-Ouahed,  de  partir  avec  Ali-Ibn-Ztan  et  de  mettre  le  siège 
devant  cette  forteresse,  pendant  qu'il  se  rendrait  lui-même  au- 
devant  de  Yaghmoraeen  afin  de  négocier  une  suspension  d'ar- 
mes avec  les  Abd-el-Ouad.  Il  rencontra  ce  chef  à  Ouamharman 
et  conclut  avec  lui  un  traité  de  paix  avant  de  rentrer  en  Ma* 
ghreb. 

Ensuite  eut  lieu  la  révolte  des  Aulad-Idris,  neveux  du  sultan, 
lesquels,  s'étant  retirés  dans  le  Casr-Ketama  avec  leurs  gens  et 
partisans  afin  de  soutenir  la  cause  de  leur  cousin,  Yacoub-Ibn- 
Abd-Alfah,  avaient  pris  pour  chef  leur  frère  atné,  Mobammed- 
Ibn-Idrts.  Le  sultan  AboU'-Youçof  marcha  contre  eux  et  les  con- 
traignit à  se  jeter  dans  les  montagnes  des  Ghoroara.  Etant  en- 
suite parvenu  ii  dissiper  leurs  appréhensions,  il  les  attira  auprès 
de  lui;  et,  en  Tan  660  (4264-2),  il  plaça  Amer^Ibn-Idrts,  Tun 
de  ces  frères,  à  la  tête  de  plus  de  trots  mille  volontaires  mé- 
rinides  auxquels  il  avait  fourni  des  chevaux  et  des  fonds  pour 
les  mettre  en  état  de  faire  la  guerre  sainte.  Ce  fut  \h  une  bonne 
œuvre,  digne  d'aller  de  pair  avec  celle  de  la  reprise  de  Salé. 
Cette  troupe  fut  le  premier  détachement  des  Beni^Mertn  qui 
passa  en  Espagne  ;  elle  s'y  distingua  par  son  zèle  et  ses  bons 
services,  donnant  ainsi  un  exemple  que  leurs  successeurs  dans 
la  même  voie  s'empressèrent  d'imiter. 

Yacoub-Ibn-Abd- Allah  refusa  de  faire  sa  soumission  et  il  ne 
cessa  de  courir  le  pays  jusqu'à  l'an  668  (4269-70),  quand  il  fut 
tué  à  Saguïa-Ghaboula,  près  de  Salé.  Il  mourut  de  la  main  de 
Talha-lbn-Hohalli,  qui  délivra  ainsi  le  sultan  d^n  grand  em- 
barras. 

Quant  au  khalife  El-Morleda,  il  avait  essuyé  tant  de  revers 
dans  ses  rencontres  avec  les  Morinides  qu'il  s'était  résigné  à 
rester  derrière  les  murailles  de  Maroc,  sans  chercher  à  com- 
battre et  sans  désirer  l'honneur  d'assister  à  une  bataille.  Il  per- 


^TNASTiB  ■fiRlHIDB.-'— ABOU-TOCÇOF-TiCOUB-lBN-ABD-IL-HACK.    Id 

mit  amsî  aux  BeAÎ-Merin  de  s'acharner  sur  les  débris  de  soti 
empire  ei  de  venir  Tattaquer  dans  sa  capitale. 


sitQB  DB  KABOC   PAB   LB   SULTAN   iBOU-'TOUÇOlP-TACOUB-IBN'ABD-^BL- 
HACK.  —  RtTOLfB   D*ABOU*DBVBOUS    BT   MORT   D'BL-VOBTBDA. 

Le  sultan,  ayanl  étouffé  les  révoltes  suscitées  par  quelques 
Biembres  de  sa  propre  famille,  convoqua  toutes  les  forces  de  sa 
nation,  afin  d'assiéger  E4-Morteda  et  les  Almohades  dans  ki 
capitale  de  leur  empire.  Il  sentait  bien  que  c'était  là  le  merlleui* 
moyen  de  r^iverser  leur  pouvoir  et  de  fortifier  le  sîen.  Aussi, 
en  l'an  660  (1261-2),  il  rassembla  les  Mérinides,  réunit  les  con- 
tingents fournis  par  les  autres  peuplades  de  ses  états  ,  et,  s*étant 
mis  en  marche  dans  le  meilleur  ordre  possible,  ii  s'avança  jusqu'à 
Iglfz,  endroit  d'où  l'on  pouvait  voir  la  résidence  des  khalifes 
almohades.  Etant  ensuite  descendu  dans  la  plaine,  il  forma  ie 
blocus  de  la  ville. 

Pour  repousser  cette  attaque,  £l-Morteda  fit  choix  de  son 
cousin,  le  ctd  Abou-4-Ola-Idi4s,  surnommé  Abou-Debbous,  fils 
du  ctd  Abou-Abd-Aliah,  fils  d'Abou-Hafs,  fils  d'Abd^l-Moumen. 
Ge  prince  disposa  sa  cavalerie  en  bon  ordre,  fonna  ses  troupes 
en  colonne  et  sortit  de  la  viHe  pour  livrer  bataille  aux  Mérinides. 
Des  deux  cAtés,  l'on  so  battit  avec  un  acharnement  extrême , 
mais  les  Mérinides,  ayant  enfin  perdu  l'émir  Abd-Allah,  fils  de 
leur  souverain  et  surnommé  Àttuijoub  *  dans  leur  idiome  bar- 
bare, en  furent  tellement  consternés  qu'ils  abandonnèrent  leurs 
positions  et  prirent  la  route  de  leur  payn.  Arrivés  à  l'Omm- 
Bebiè,  ils  trouvèrent  une  armée  almobade,  sous  les  ordres  de 
Yahya*lbn-Abd-Allab-Ibn-Ouano«dtB,  qui  se  tenait  prête  à  leur 
en  disputer  le  passage.  Le  conflit  s'engagea  dans  le  lit  même  de 
la  rivière  el  finit  par  la  déroute  des  Almohades.  Comme  les  sol- 


*  Atâd^oub,  Tadjoub  et  Dadjoub  sont  aiitabt  de  formes  berbérisées  de 
l'adjectif  arabe  aàfib  (merveilhux), 

T.  IV.  4 


n 


50  HISTOIRE    DES    BBRBltRES. 

dats  y  avaient  remarqué  des  petits  îlots  que  Teau  avait  laissés 
à  découvert  et  qui  avaient  tous  la  forme  d*un  pied  [ridjel)  sor- 
tant de  Veau,  ils  donnèrent  à  ce  combat  le  nom  de  la  bataille  de 
la  mère  aux  deux  pieds  [Omm-er-Ridjelein)  [au  lieu  de  rap- 
peler la  bataille  de  VOmm'-Rebiû]. 

Quelques  intrigants  essayèrent  alors  d^indtsposer  El-Morteda 
contre  son  cousin  et  général,  Âbou-Debbous,  qu'ils  dépeignirent 
comme  un  ambitieux^  prêta  s'emparer  du  trône.  Instruit  de  ces 
menées  et  craignant  la  colère  irréfléchie  du  khalife,  le  caïd 
Abou-Debbous  se  retira,  Van  661  (1262-3),  auprès  du  sultan 
Abou-Youçof-Yacoub,  qui  venait  de  rentrer  à  Vet  après  sa  ten- 
tative contre  Maroc.  Quand  il  eut  passé  quelque  temps  chez  son 
protecteur,  il  lui  demanda  de  Targent,  un  équipage  royal  et  un 
corps  de  troupes  ;  lui  promettant,  en  retour  de  cette  faveur,  la 
moitié  du  butin  et  du  territoire  dont  il  pourrait  effectuer  la  con- 
quête. Abou-Youçof  mit  à  sa  disposition  cinq  mille  guerriers 
Mérinidos,  une  grosse  somme  d'argent  et  un  équipage  magni- 
fique ;  il  invita  même  les  Arabes  et  les  autres  tribus  de  son  em- 
pire à  prêter  leur  concours  au  prince  almohade.  Ce  fut  à  la  tête 
de  cette  armée  qu'Abou-Debbous  se  présenta  devant  la  capitale. 
Les  partisans  qu'il  y  avait  conservés  et  une  faction  almohade 
dont  il  avait  gagné  l'appui,  prirent  les  armes  sur  une  invitation 
secrète  qu'il  leur  adressa  et  chassèrent  El-Morteda  hors  de  la 
ville.  , 

Le  khalife  déchu  courut  à  Azemmor  dans  l'espoir  de  se  faire 
soutenir  par  son  gendre,  Ibn-Attouch,  qui  gouvernait  cette  place; 
mais  ce  traître  le  fit  aussitôt  arrêter  afin  de  l'envoyer  auprès 
d'Abou-Debbous,  qui  venait  de  s'installer  dans  la  capitale.  Ceci 
se  passa  dans  le  commencement  de  l'an  665  (oct.  4266).  Moza- 
hem,  affranchi  de  l'usurpateur,  alla  à  la  rencontre  d'Ël-ltforteda  ; 
et,  l'ayant  trouvé  en  chemin,  il  lui  coupa  la  tête. 

Voilà  comment  Abou-Debbous  arriva  au  khalifat  et  s'empara 
des  débris  de  l'empire  qu'Abd-el-Moumen  avait  fondé.  Ayant 
reçu  du  sultan  mérinide  l'invitation  de  remplir  ses  engagements, 
il  s'y  refusa  avec  beaucoup  de  hauteur  et  de  la  manière  la  plus 
offensante.  Abou-Youçof  partit  avec  ses  troupes  mérinides  et 


k 


DYNASTIE  HfiBITflDB. ABO0--YOUÇ0T-YACOnB-^IBK-ABD*fiL-nAGK.    51 

Tnaghrebines  afin  de  se  venger  ;  el,  pendant  plusieurs  jours,  il 
tint  son  adversaire  assiégé  dans  Maroc.  Ensuite,  il  se  mit  à  par- 
courir les  contrées  voisines  pour  en  détruire  les  moissons  et 
enlever  les  vivres.  Abou-Debbous,  ne  pouvant  plus  se  mesurer 
avec  lui ,  invita  Yjghmoracen-Ibn-Zîan  à  dégager  la  ville  en 
dirigeant  une  attaque  contre  le  territoire  mérinide.  Il  espérait 
qu'une  démonstration  de  cette  nature  paralyserait  les  efforts  du 
sultan  et  Tobligerait  à  lever  le  siège  afin  de  courir  à  la  défense 
de  ses  frontières. 


LE    SVLTAir  ABOU-TODÇOV    RENCONTBB    TAGHHOBACBlf    A    TELAGB   BT 

LUI   LIVBS   BATAILLE. 

Pendant  que  le  sultan  Abou-Touçof-Tacoub-Ibn-Abd-el-Hack 
tenait  Maroc  assiégé  et  se  disposait  à  saisir  celte  riche  proie, 
Abou-Debbous  ne  vit  d'autre  moyen  de  salut  que  d'inviter 
Yaghmoracen  et  les  Beni-^Abd-el-Ouad  à  opérer  une  diversion 
en  sa  faveur,  par  une  démonstration  hostile  conlre  le  territoire 
mérinide.  Cette  prière  fut  accompagnée  d'un  cadeau.  Le  seigneur 
de  Tlemcen  y  répondit  avec  empressement  •  et,  pour  dégager  le 
souverain  almohade,  il  fit  plusieurs  courses  dans  les  provinces 
maghrébines  où  il  mit  tont  h  feu  et  à  sang.  En  attaquant  ainsi  le 
sultan  mérinide,  il  irrita  un  lion  terrible  et  éveilla  un  esprit  dont 
les  résolutions  étaient  inébranlables.  Abou-Touçof  leva  anssitAt 
le  siège  de  Maroc,  revint  k  Fez  et,  après  y  avoir  passé  quelques 
jours  à  faire  les  préparatifs  d'une  expédition  et  k  réorganiser 
son  armée,  il  partit  au  commencement  de  l'an  666  (sept. -octo- 
bre 4267)  et  marcha  sur  Tlemcen.  Après  avoir  traversé  succes*- 
sivement  la  ville  de  Guercff  et  la  plaine  de  Tafrata,  il  rencontra 
les  troupes  de  son  adversaire  auprès  de  la  rivière  Telagh.  Pen- 
dant que  les  guerriers  des  deux  armées  se  mettaient  en  ordre 
de  bataille,  leurs  femmes  couraient  de  rang  en  rang,  la  figure 
découverte  et,  par  leurs  cris,  leurs  gestes  et  leur  aspect,  elles  les 
animaient  au  coftibat.  Vers  le  soir,  les  Abd-el-Ouadites,  accablés 


1 


52  HISTOIRE    DES     BBRBÈMBS. 

par  la  multitude  des  troupes  maghrébines,  cédèrent  le  terrain  et 
finirent  par  tourner  le  dos.  Abou-Haf8*Omar,  fils  atnë  de  Yagb- 
moracen  et  son  successeur  désigné ,  perdit  la  vie  dans  cette 
journée,  ainsi  que  plusieurs  autres  membres  de  la  même  famille. 
Yaghmoracen  couvrit  lui-même  la  retraite  de  son  armée  et  la 
ramena  à  Tlemcen  sans  l'avoir  laissé  entamer.  Les  Abd-el-Ouad 
rentrèrent  dans  leur  capitale  au  mois  de  Djomada  [second]  de 
cette  année  (mars  1268),  et  le  sultan  Abou-Youçof-Yacoub  alla 
reprendre  le  siège  de  Maroc. 


LR  SULTAN  TACOUB  ST  EL  -  HOSTANCER  ,  RRALIFE  DE  TUIflS  ,  S  Rlf- 
TOIBNT  DES  AMBASSADES  ET  CONTRACTBIfT  ENSEMBLE  LN  TRAITÉ 
DR   PAIX. 

L'émir  Abou-Zékérïa-Yahya,  fils  d'Abd-el-Ouahed,  fils  d'A- 
bon-Hafs,  s'était  déclaré  .indépendant ,  è  Tunis ,  en  Van  625 
(1228);  et,  depuis  cette  époque,  il  ambitionnait  la  possession 
de  Maroc,  capitale  du  royaume  des  Almohades,  siège  de  leur 
kbalifat  et  berceau  de  leur  puissance.  Avec  Tassistance  des  Ze- 
nata,  il  espérait  effectuer  cette  conquête  ou,  tout  au  moins, 
affaiblir  la  puissance  de  la  dynastie  d'Abd-el-Moumen  et  re- 
pousser les  attaques  que  les  souverains  de  celte  famille  pour- 
raient diriger  contre  lui.  En  Tan  640  (1242-3),  il  s'empara  de 
Tlemcen,  admit  Yaghmoracen-lbn-Ztan  au  nombre  de  ses  parti- 
sans et  forma  avec  lui  une  alliance  défensive. 

A  Tezemple  de  Yaghmoracen,  les  chefs  des  Beni-Merîn  se 
mirent  en  relation  avec  le  souverain  de  Tunis  pour  traiter  la 
question  qui  l'intéressait  le  plus,  et  ils  lui  promirent,  comme 
une  chose  très-facile,  de  le  garantir  contre  les  efforts  du  gou- 
vernement almohade  et  de  faire  reconnaitre  son  autorité  dans 
Fez,  Mequinez,  EUCasr  et  les  autres  villes  du  Maghreb  qui 
pourraient  tomber  en  leur  pouvoir.  Le  monaïque  hafside,  de 
son  celé,  leur  fit  parvenir  de  riches  présents  avec  des  lettres 
très-flatteuses  et  accueillit  leurs  envoyés  de  la  manière  la  plus 


DTNASTIB  MÉRIIflDB. — ABOU-TOUÇOP-TAGOUB-IBN-ABD-BL-BICK.    53 

honorable.  Tenant  ainsi  h  leur  égard  une  conduite  entièrement 
opposée  à  celle  que  suivaient  les  descendants  d'Âbd-el-Moumen, 
il  les  encouragea  à  lui  écrire  souvent  et  à  lui  envoyer  leurs  pro« 
elles  parents  comme  ambassadeurs.  Son  fils,  El  -  Hosiancer, 
adopta  le  même  système  ;  bien  plus,  il  poussa  les  Mérinides  k 
entreprendre  le  siège  de  Maroc  et  promit  de  faire  les  frais  de 
l'expédition.  Effectivement,  il  leur  expédia,  selon  son  habitude 
invariable,  plusieurs  charges  d'argent  et  d'armes,  ain»!  qu'un 
grand  nombre  de  chevaux  de  somme  parfaitement  équipés. 

Quand  Abou-Debbous  rompit  ses  engagements  avec  les  Hé<* 
rinides,  le  sultan  Abou-Youçof-Yacoub  résolut  d'aller  l'assiéger 
dans  Maroc  ;  mais,  avant  de  se  mettre  en  campagne,  il  envoya 
une  ambassade  au  khalife  El-Mostancer  pour  l'instruire  de  ce 
qui  venait  de  se  passer  et  pour  obtenir  adroitement  un  envoi  de 
fonds.  Amer-Ibn-Idrts-lbn-Abd-el-Hack,  neveu  du  sultan,  &i 
partie  de  cette  députation ,  ainsi  qu'Abd-Allah-Ibn-Kendouz 
]'abd-el*ouadite,  chef  des  Beni-Gommi  et  ennemi  juré  de  la  fa- 
mille de  Yaghmoracen.  Nous  avons  déjk  mentionné  que  Yagh- 
moracen  avait  fait  tuer  Kendouz,  père  d'Abd-Allah,  pour  venger 
la  mort  du  sien  *.  Nous  devons  ajouter  qu'Abd*AUah  arrivait 
justement  de  la  cour  d'El-Moslancer  ei  avait  trouvé  une  hono- 
rable réception  chez  le  sultan  mériniJe.  Le  troisième  membre 
de  la  députation  fut  le  secrétaire  Abou-Abd-Allah-Mohammed- 
Ibn-Mohammed-el-Kinani,  ancien  protégé  et  serviteur  de  la  fa- 
mille royale  des  Almohades,  lequel,  ayant  vu  la  puissance  de  ses 
maîtres  prête  à  s'écrouler,  avait  passé  du  côté  de  l'émir  Abou«- 
Yahya,  frère  et  prédécesseur  du  sultan  Abou-Youçof.  Son  nou- 
veau patron  l'installa  dans  la  ville  de  Mequinez  et  s'en  fit  un 
compagnon  et  un  ami.  En  un  mot,  le  sultan  Âbou-Youçof  composa 
cette  ambassade  de  diplomates  habiles  et  d'orateurs  distingués 
afin  de  la  rendre  digne  de  lui.  En  l'an  665  (1 266-7),  les  envoyés 
arrivèrent  à  la  cour  d'El-Mostancer  et  communiquèrent  à  oà 
prince  Tobjet  do  leur  mission  ;  ils  lui  annoncèrent,  en  mémo 


»  Voy.  t.  m,  pp,  3i9,  «92. 


5i  HISTOIRE     DES     BERBÈEES. 

temps,  le  prochain  triomphe  des  Hérinides  et  i'échec  que  le  soi* 
tao  de  Maroc  allait  éprouver  d&zîs  sa  carrière. 

EUMostaucer  fut  teilement  ému  de  cette  nouvelle  qu'il  tres- 
saillit sur  son  troue  et,  dans  l'excès  de  sa  joie,  il  accabla  les  en- 
voyés de  prévenances  et  de  marques  d'honneur.  Aussitôt  après 
l'audience,  il  donna  h  l'émir  Amer-ibn-Idrts  et  au  cheikh  Abd- 
AIlah-Ibn-Eendouz  leur  congé  de  départ;  mais  il  garda  EU 
Kinani  auprès  de  lui,  afin  de  le  renvoyer  plus  tard  en  Maghreb 
avee  une  ambassade  hafside. 

El-Kinani  resta  assez  longtemps  avec  le  sultan,  et  ce  ne  fut 
que  vers  la  fin  de  l'an  669  (juillet- août  4271)  et  après  la  prise 
de  Maroc,  qu'il  partit  pour  le  Maghreb  avec  les  envoyés  du  gou* 
vernement  hafside  chargés  de  se  rendre  à  la  cour  du  sultan 
Abou-Youçof-^Yacoub.  Cette  ambassade  se  composa  d'Abou- 
Zékérïa-Yahya-lbn-Saleh  le  hintatien,  grand  cheikh  des  Almo- 
hades  [hafsides]  et  de  plusieurs  autres  personnages  appartenant 
au  même  corps.  Elle  devait  présenter  au  sultan  plusieurs  che- 
vaux de  race  et  une  quantité  d'armes  et  d'étoffes  d'un  travail 
admirable  ;  tous  les  objets  enfin  pour  lesquels  on  connaissait  sa 
prédilection  ei  dont  on  savait  que  la  possession  lui  ferait  plaisir. 
Ce  cadeau  fut  très*bien  reçu  et  fit  l'admiration  du  public.  El- 
Rinani  entama  alors  un  sujet  très-délicat  :  l'insertion  du  nom 
du  khalife  El-Moslancer  dans  le  prône  solennel  qui  se  faisait 
chaque  vendredi  dans  la  grande  mosquée  de  Maroc.  Il  amena 
cette  négociation  à  bonne  fin  et  ce  fut  avec  le  plus  vif  plaisir 
que  les  envoyés  de  la  cour  de  Tunis  entendirent  célébrer  la 
prière  publique  dans  cette  capitale  au  nom  de  leur  souverain.  Ils 
reçurent  alors  leur  congé  et  s'en  retournèrent  enchantés  de  l'ac- 
cueil honorable  et  bienveillant  que  le  sultan  leur  avait  fait. 

Pendant  le  reste  de  son  règne,  El-Mostancer  envoya  réguliè- 
rement des  cadeaux  au  sultan  Abou-Youçof-Yacoub.  Son  exem- 
ple fut  imité  par  £l-Ouathec,  son  fils  et  successeur  qui,  en  l'an 
677  (1278-9),  chargea  le  cadi  de  Bougie,  Abou-'l-Abbas-el- 
Ghomari,  d'aller  présenter  au  sultan  mérinide  une  collection 
d'objets  extrêmement  précieux.  Cette  offrande  fut  très*  ad  mirée 
et  rendit  le  nom  du  cadi  célèbre  dans  le  Maghreb. 


DYNASTIE  MfiRlNlDB. ABOU-YODÇOF*TACOUB-IBN-ABD-EL*nACK.    56 

PUSS  DB  MAROC*    —   MORT  D'aBOU^DBBROGS   BT  CIUTB  DB   l'BIIPIEE 

ALliOBADB   DU   MAGHREB. 

Le  sultan  Abou-Youçof,  élêDi  rentré  de  sa  dernière  expé* 
ditiod,  crut  avoir  amorti  l'ardeur  belliqueuse  de  Yaghoioracen 
et'mid  un  terme  aux  manèges  dont  ce  chef  s'était  servis  pour 
soutenir  son  allié  Abou-Debboos,  prince  aussi  rusé  que  lui  ;  et, 
ne  s'occupant  plus  que  d'un  seul  projet,  la  reprise  du  siège  de 
Maroc,  il  quitta  Fez  à  la  tète  de  son  armée,  dans  le  mois  de 
Cbâban  666  (avril-mai  4268).  Après  avoir  traversé  l'Omm- 
Rebift,  il  lança  ses  escadrons  [dans  les  provinces  marocaines] 
et  autorisa  ses  cavaliers  et  ses  fantassins  à  ravager  le  pays. 
Pendant  le  reste  de  Tannée ,  il  parcourut  ces  contrées  aCn 
d'y  détruire  les  moissons  et  de  tout  ruiner.  Ayant  ensuite  atta- 
qué et  dépouillé  les  Kbolt,  fraction  des  Arabea^Djochem  qui  ha*- 
bftait  Tedb,  il  s'avança  jusqu'au  Ouadi-'l^AMd  et,  de  U,  il  alla 
dévaster  le  pays  des  Sanhadja* 

Sa  cavalerie  ne  cessa  d'insulter  et  de  saccager  les  provinces 
marocaines  jusqu'à  ce  que  les  descendants  d'Abd«^UMoumen  et 
les  Alûîobades  en  furent  consternés.  Sur  la  prière  de  leurs 
alliés,  les  Djochem,  ils  se  décidèrent  enGn  à  faire  marcher  le 
khalife  en  personne  contre  les  envahisseurs.  Ce  prince  quitta 
Maroc  ii  la  tôte  d'une  nombreuse  armée  et  tAcha  d'atteindre 
Abou*Touçof  qui,  voulant  éloigner  son  adversaire  des  localités 
où  il  pourrait  trouver  des  ressources,  l'attira  par  une  fuite  si- 
mulée jusqu'au  bord  de  l'Aghfou.  Alors  lesMérinides  firent  volte- 
face  et  mirent  en  déroute  les  troupes  marocaines.  Abou-Dobboos 
s'enfuit  du  champ  de  bataille  et  prit  la  route  de  sa  capitale  ;  mais 
il  fut  jeté  à  terre  par  un  coup  de  lance,  et  il  y  resta  étendu,  la 
figure  dans  la  poussière.  Le  soldat  qui  le  frappa  lui  coupa  la 
tête.  Amran,  vizir  du  khalife,  et  Ali-Ibn-Abd-Allah-el-Maghtli, 
son  secrétaire,  se  firent  tuer  sur  le  corps  de  leur  maître. 

Les  Almohades,  informés  que  le  sultan  Abou-Youçof- Yacoub 
marchait  sur  Maroc,  se  réfugièrent  sur  la  montagne  de  Tinmelel 
et  proclamèrent  khalife  un  frère  d'El-Morteda,  nouimé  ishac. 


5&  HtSTOIBE    08S    BBRBtKBS. 

Ce  fantdme  de  souverain  y  resta  quelques  aooées  ;  maisi  en  67#^ 
(.4.275-6),  il  tomba  entre  les  mains  des  Mérinides  etrfirt  eonduif, 
avec  son  cousin^  AbourSaid-Ibn^Âbi-'r-Rebià-el-Cabaïli^  et  ses. 
enfants,  devant  le  snltanqui  les  fit  tous  mettre  amorti  Ainsi 
finît  la  dynastie  fondée  par  Abd-el-Moumen. 

Après  la  défaite  de  l'armée  commandée  par  Abou-Debbous-, 
les  grands  officiers  de  Tempire  et  les  membres  du  conseil  gou- 
vernemental allèrent  ai^- devant  du  sultan  et  implorèrent  s» 
miséricorde.  Touché  de  leurs  supplications,  Abou-Yooçof  leur 
accorda  une  amnistie  générale ,  et,  les  ayant  fait  marcher  k  s» 
suite,  il  entra  dans  Maroc  au  milieu  d^une  foule  immense  qui 
était  sortie  pour  le  recevoir.  Ceci  eut  lieu^  au  commencement  de 
l'an  M8  (septembre  1269). 

Devenu  matlre  di>  royaume  qui  avait  appartenu  aux  enfanta- 
d'Abd-el-Moumen,  le  sultan  Abotb-Touçof-Yacoub,  fils  d'Abd- 
el-Hack,  étendit  son  autorité  et  sa  protection  sur  tous  les  peuples 
du  Maghreb^  et  il  resta  dans  la  ville  conquise  jusqu'au  mois  de 
Ramadan  (avril-mai  4270).  Diaprés  ses  instructions,  son  fils, 
Abou-Malek,  envahit  la  province  de  Sous  et  la  parcourut  dans 
tous  les  sens  afin  d'en  achever  la  soumission.  Bn  quittant  Maroc, 
le  suUan  prit  la  route  du  Derâ  et,  dans  une  bataille  qu'il  livra^ 
aux  Arabes  de  cette  province*  et  dont  on  garde  encore  le  souve- 
nir, il  leur  fit  éprouver  des  pertes  qu^ils  ne  purent  jamais  ré-^ 
parer.  Après  une  absence  de  deux  mois,  il  revint  à  Maroc  et, 
comme  il  avait  l'intention  de  se  rendre  à  Fez,  si^e  de  son  em- 
pire, il  confia  le  gouvernement  de  l'ancienne  capitale  almohade 
ei  des  provinces  environnantes  à  Mohammed-Ibn-Ali,  chef  tout 
dévoué  aux  Mérinides  et  allié,  par  mariage,  à  la  famille  de  leur 
souverain.  On  verra,  dans  le  chapitre  que  nous  consacrerons  à 
cet  officier,  qu^il  était  membre  du  corps  des  vizirs.  Le  sultan 


«  Dans  le  texte  arabe,  lisez  I^Axi». 

*  loi,  le  texte  est  altéré  :  il  fdut  lire,  avec  le  Cartas,  tjy — nJt  Jt 
tj^  ^'^^.  Ces  nomades  avaient  commencé  à  dévaster  la  province  e| 
à  slempaccr  des  bourgs  et  des  cosour. 


BT1TA8TIB  MtUlIlDBv — ABOU-YOUÇOF^TACOU»-IBN-ABIHBL*HACK.    57 

l'ÎDStaUa  dans  la  citadelle,  plaça  sous  ses  ordres  les  iroapes  qui 
occupaient  les  pays  voisius  et  \e  chargea  de  réduire  les  localités 
qui  n'avaient  pas  encore  fait  leur  soumission  et  d'exterminer  ce 
qui  restait  de  la  famille  d'Abd-el-Moumen.  Il  prit  alors  la  route 
de  Fez  ;  et,  arrivée  Salé,  il  s'y  reposa  cpelque  temps. 


U  SULTAir  DÉSIQ1VB  80H  FILS,  IBOU  -  MALBK  ,  GOVIIB  BtBITIBR  DO 
TB^«  —  LBS  AULAD-IDftts,  MBSBRBS  DB  LA  FAXILLB  BOTALB , 
SB  mftVOLTBlIT  BT  PASSBIfT .  BR   B8PA6KB. 

Revenu  de  son  expédition  victorieuses  le  sultan  Abon-Touçof- 
Yacoub  s'arrêta  à  Salé  pour  donner  du  repos  à  son  escorte.  Il  y 
était  encore,  quand  il  ressentit  un  accès  de  fièvre  ;  et,  lors  de  sa 
convalescence,  il  convoqua  les  principaux  membres  de  sa  tribu 
et  leur  déclara  qu'ayant  reconnu  dans  son  fils  aine,  Abou-Malek- 
Abd-el-Ouahed,  toutes  les  qualités  requises  pour  commander  à 
une  nation,  il  le  nommait  son  successeur.  Alors,  sur  sa  demande, 
les  assistants  offrirent  leurs  hommages  au  jeune  prince  et  ce  fut 
de  très-bonne  volonté  qu'ils  lui  prêtèrent  le  serment  de  fidélité* 

Les  Aulad-Abd-Allah  et  les  Aulad-Idrts,  neveux  du  sultan  et 
petit-fils  de  Sot-en-Niça,  furent  les  seuls  de  la  famille  royale 
auxquels  cette  nomination  ne  plut  pas.  ils  virent  avec  peine  le 
commandement  se  perpétuer  dans  la  branche  cadette  et  échapper 
à  eux-mêmes  qui  formaient  les  deux  branches  aînées.  S'imagi- 
nant  que  la  priorité  de  naissance  devait  donner  la  priorité  de 
rang  et  qu'ils  avaient  ainsi  plus  de  droits  au  pouvoir  que  les 
autres  membres  de  la  famille,  ils  cédèrent  à  la  jalousie,  se  reje- 
tèrent dans  leurs  anciens  égarements  et  refusèrent  leur  adhésion 
au  choix  du  sultan.  Etant  allés  se  retrancher  dans  l'Aloudan, 
une  des  montagnes  du  pays  des  Ghomara,  ils  s'établirent  dans 
le  même  nid  [de  sédilion]  où  ils  avaient  déjà  couvé  la  révolte  et 


*  L'auteur^  ou  son  copiste,  a  fort  maladroiiement  employé  ici  les 
mots  ribat-el  ^feth.  Celte  eipression,  outre  la  significatioD  que  nous 
venons  de  lui  dooaer,  sert  de  nom  à  la  citadelle  yis-à-vis  de  Salé, 


58  mtrof»  dm  ntmktkus. 

fait  oaltro  b  rébellion.  A  eelie  époque,  e'est-à-dire  en  669 
(1270-4),  les  chefs  do  ces  doux  fsmill^i  élaieot  Mohammed-lbo- 
îdrls  et  Mouç«*lbQ-R9hbou-Iba--Abd'AUah.  En  partant  pour 
Aloudati,  iU  eûtratoéreot  arec  eux  do  de  leara  parents,  liU 
d'Ahou-Eïad  et  petit-fils  d'Abd-el-Hack. 

Aboo-Yacoub-Yoaçof,  fils  da  sultan,  reçut  alors  de  son  père 
le  commandement  d'un  corps  de  cinq  mille  hommes  et  alla  blo- 
quer les  insurgés  dans  leur  forteresse.  Bientôt  après,  il  fat  rejoint 
par  un  corps  d'armée  sous  les  ordres  de  son  frère,  Abou-Malek. 
Masoud-lbn-Kanoun,  chef  des  Sofyan,  vint  aussi  lui  donner 
son  appui.  Le  sultan  Abou-Youçof  arriva  ensuite  et  opéra  sa 
jonction  avec  eux  à  Taferga.  Le  siège  d*Aloudan  dura  trois  jours 
et  ooûla  la  vie  h  Heodll,  fils  d'Onrtadllm  • .  Les  révoltés,  se  voyant 
cernés  de  toutes  paris,  demandèrent  grâce,  et  le  sulian  s'em- 
pressa do  leur  pardonner.  Il  les  traita  ensuite  avec  tant  d'égards 
qu'il  réussit  h  éteindre  jusqu^aux  dernières  étincelles  de  mé- 
contentement qui  étaient  restées  dans  leurs  cœurs  ;  et,  les  ayant 
ramonés  à  la  capitale,  il  leur  accorda  rnutorisalion  d'aller  à 
Tlorocon  pour  y  cacher  la  honte  qu'ils  éprouvaient  au  souvenir 
de  leur  conduite  extravagante.  Bientèt  après,  ils  reçurent  la  per- 
mission de  passer  en  Espagne,  mais  Amer-lbn-Idris,  sachant 
que  le  sultan  avait  de  l'amitié  pour  lui,  resta  dans  cette  ville 
jusqu'à  ce  qu'il  obtint  ses  lettres  de  grâce.  Après  le  siège  de 
Tiemcon,  [en  l'an  670  (4S72),]  il  lui  fut  permis  de  rentrer  dans 
le  soin  de  la  famille  mérintde. 

Les  Beni-ldrts,  les  Beni-Amer  et  leur  cousin,  Ibn-Eïad,  arri- 
vèrent en  Espagne  dans  un  moment  où  les  provinces  de  ce  pays 
avaient  besoin  de  défenseurs,  vu  que  l'ennemi  [chrétien]  s'a- 
charnait sur  elles  et  se  croyait  sur  le  point  de  s'en  emparer.  La 
présence  de  ces  guerriers  changea  l'aspect  des  affaires  :  braves 
comme  dos  lions,  ils  avaient  appris  dans  la  rude  école  de  la  vie 
nomade  â  se  mesurer  en  combat  singulier  avec  les  adversaires 
les  plus  redoutables  et  à  manier  dos  épées  dont  chaque  coup 


*  Voy,  ci-devaot,  p.  30. 


DYNASTIE  «fiRlNIDE. ABOU-YOI3ÇÛF-¥A€OlB-inN-AiSD-£L-UACK.    59 

donnait  la  mort,  lis  allèrent  preadre  poeition  eu  avani  des  ré- 
gions les  pins  exposées  et  ils  en  repoossèrcni  les  infidèles  aux* 
quels  ils  laisaieni  un  mal  énorme  ,  aussi  les  musulmans  de  ce 
])ays  d'oulre-mer,  affaiblis  et  opprimés,  conçurent  encore  Tes- 
poir  de  résister  au  roi  chrétien. 

Voisins  assez  incommodes  du  souverain  de  l'Andalousie,  ces 
Mérinides  le  forcèrent  à  leur  laisser  la  possession  de  tout  ce 
qu'ils  pourraient  conquérir  en  pays  ennemi,  et  à  leur  céder  le 
commandement  de  toutes  les  fractions  des  tribus  berbères  qui 
étaient  passées  en  Espagne.  Us  se  firent  marne  accorder  une 
portion  de  l'impôt  pour  leur  tenir  lien  de  solde,  et,  jusqu'à  ce 
jour,  iU  ont  continué  h  se  distinguer  par  leur  ambition  autant 
que  par  leur  bravoure.  Le  lecteur  en  apprendra  davantage  s'il 
veut  parcourir  nos  chapitres  sur  les  collatéraux  de  la  famille 
royale*. 

La  révolte  de  ces  princes  étouISéa,  le  sultan  médita- une  expé-> 
dition  contre  Tiemcen. 


U    SOLTAff    ABOC-^TOUÇOF    HAACBS    SUR    TLEKGBTV.    —    DtFAJTB    Dl 

TAGaaiORACBir  a  islt. 

Le  sultan  Abou*Youçof,  étant  rentré  h  Fez  après  avoir  pris 
Haroc  et  renversé  la  dynastie  d'Abd*el-Houmenf  se  rappela 
avec  indignation  le  trait  perfide  de  Yaghmoracen  et  des  Abd-el« 
Ouad  par  lequel  ils  étaient  parvenus  k  déranger  tous  ses  plans 
et  k  l'arrêter  dans  l'exécution  de  ses  projets.  Ne  se  trouvant  pas 
assez  vengé  par  la  victoire  qu'il  avait  remporté  sur  eux  à  Te* 
lagh,  il  résolut  d'employer  la  puissance  qu'il  venait  d'acquérir 
et  de  les  écraser,  en  réunissant  contre  eux  toutes  les  forces  du 
Haghreb.  Ayant  fait  dresser  ses  tentes  en  dehors  de  Fez,  il  en* 
voya  ses  vizirs  et  ses  grands  officiers  à  Maroc,  avec  son  fils 
Abou-Halek,  afin  de  lever  des  troupes  dans  les  villes  et  les  cam- 


'  Voy.  les  derniers  chapitres  de  ce  volnme. 


60  HISTOIRE     DBS     BBEBÈRES. 

pagnes  des  provinces  marocaines  et  de  rassembler  les  contins 
genls  des  peuplades  qai  habitaient  ces  centrées.  De  cette  ma- 
nière, il  se  procura  une  armée  composée  d'Arabes,  de  Uasmouda, 
de  Beni-Oura,  de  Ghomert,  deSanhadja,  des  débris  de  l'armée 
almobade  qui  se  trouvaient  dans  Maroc,  de  la  milice  chrétienne 
et  des  archers  ghozzes,  deux  corps  qui  formaient  les  garnisons 
des  villes  de  ces  pays. 

En  l'an  670  (4274-2),  il  quitta  Fez  à  la  tête  de  ce  vaste  ras- 
semblement de  troupes  et  se  porta  sur  le  Molouïa  où  il  fit  halte 
pour  laisser  arriver  les  autres  contingents,  tels  que  les  Djochera, 
peuple  arabe  établi  dans  le  Temsna  et  composé  de  Beni-Sofyan, 
de  Rholt,  de  Beni-Âcem  et  de  Beni-Djaber,  les  Athbedj,  les 
Doui-Hassan  et  les  Chebanat,  tribus  makiliennes  du  Sous-el- 
Acsa  et  les  tribus  rtahides  installées  dans  les  provinces  d'Azghar 
et  d'El-Hebet.  Après  avoir  organisé  et  passé  en  revue  toutes 
ces  troupes  qui  formèrent,  dit-on,  une  armée  de  trente  mille 
hommes,  il  les  mit  en  marche  et  se  dirigea  vers  Tlemcen.  Par- 
venu dans  l'Angad,  il  reçut  une  ambassade  envoyée  par  Ibn-el- 
Ahmer  et  une  députation  des  musulmans  d'Espagne,  qui  vin- 
rent implorer  son  appui  et  le  secours  des  musulmans  du  Maghreb 
contre  les  ennemis  de  l'islamisme.  Il  fut  tellement  ému  de  leurs 
plaintes  qu'il  aurait  voulu  renoncer  à  toute  autre  affaire  pour 
entreprendre  une  guerre  aussi  sainte  ;  il  désira  même  faire  la 
paix  avec  Yaghmoracen  et,  quand  il  consulta  ses  officiers  lè- 
dessus,  il  les  trouva  tous  plus  disposés  h  combattre  les  chrétiens 
qu'à  faire  le  siège  de  TIemcen.  Une  députation,  composée  de 
plusieurs  cheikhs,  se  rendit,  en  conséquence,  auprès  de  Yagh- 
moracen afin  d'effectuer  un  arrangement  entre  les  deux  souve- 
rains, en  calmant  leur  animosité  mutuelle.  Les  envoyés  trouvè- 
rent le  prince  abd-el-ouadite  campé  en  dehors  de  TIemcen  et 
entouré  de  tout  l'appareil  de  la  guerre.  Il  avait  déjà  fait  ses 
préparatifs  de  marche  et  tenait  réunis  sous  ses  drapeaux  les 
Beni-Abd-el-Ouad,  ses  confédérés,  les  Arabes  zoghbiens  et  les 
Zenata  de  ses  provinces  orientales,  tels  que  les  Beni-Rached  et 
les  Maghraoua.  Fier  du  nombre  de  ses  troupes,  il  repoussa  toute 
espèce  d'accomodemcnt  et  se  porta  au-devant  des  Mérioides. 


DTRAST»  HfiElNlDB.-^ABOU-^TOUÇOF-TAGOUB-IBll-ABD-BL-HACK.    64 

Ce  fut  dans  la  plaine  d'Oudjda,  auprès  de  la  rivière  Isly,  que 
les  deux  armées  se  troavèreni  en  présence.  Le  sultan  Abou- 
Youçof  avait  déjà  rangé  la  sienne  en  ordre  de  bataille  et,  s'étant 
réservé  le  commandement  du  centre,  il  avait  placé  les  ailes  sous 
les  ordres  de  ses  (lis,  les  émirs  Abou-Malek  et  Abou-Yacoub. 
Dans  la  bataille  sanglante  qui  s'ensuivit,  Fares,  fils  de  Yaghmo- 
racen  et  une  foule  d'Abd-el-Ouadites  perdirent  la  vie.  L'armée 
de  Tlemcen,  accablée  par  les  troupes  almohades  et  par  les  nom- 
breuses bandes  que  les  Mérinides  avaient  levées  dans  les  tribus 
du  Maghreb-el-Acsa  et  des  provinces  marocaines,  finit  par  lâcher 
pied  et  tourner  le  dos  ;  mais  la  milice  chrétienne,  encouragée 
par  la  présence  du  sultan  Yaghmoracen,  tint  ferme  et  se  laissa 
broyer  sous  la  menle  de  la  guerre.  Bîrnebes  *,  le  commandant  de 
ce  corps,  fut  fait  prisonnier.  Yaghmoracen,  soutenu  par  une 
petite  troupe  de  guerriers,  couvrit  la  retraite  de  son  armée  jus- 
qu'à Tlemcen ,  et,  en  passant  auprès  de  son  camp,  il  y  mit  le 
feu  et  abandonna  à  l'ennemi  ses  tentes  et  son  harem. 

Le  sultan  Abou-Youçof  ne  partit  d'Oudjda  qu'après  l'avoir 
ruiné  de  fond  en  comble.  Reprenant  ensuite  sa  marche,  il  ra- 
vagea toutes  les  contrées  par  où  il  passa  et  fit  beaucoup  de  butin 
et  de  prisonniers.  Pendant  qu'il  s'avançait  ainsi  sur  Tlemcen,  il 
perdit  son  principal  vizir,  Eïça-Ibn-Maçaï.  Ce  hardi  cavalier, 
dont  on  rapportait  avec  admiration  les  nombreux  traits  de  bra- 
voure, mourut  dans  le  mois  de  Choual  de  l'an  670  (mai  1272). 

Le  siège  de  Tlemcen  était  déjà  commencé  quand  Mohammed- 
Ibn-Âbd-el-Caouï  le  toudjinide  arriva  au  camp  à  la  tête  de  tous 
les  guerriers  de  sa  tribu  et  d'un  cortège  militaire  dont  il  se  mon- 
trait justement  fier.  Depuis  quelque  temps,  ce  chef  avait  imploré 
le  secours  des  Mérinides  contre  Yaghmoracen  qui,  par  un  abus 
de  puissance,  Tavait  vaincu,  humilié  et  dépouillé  d'une  partie 
de  ses  états.  Lors  de  son  approche,  les  troupes  du  sultan  mon- 
tèrent à  cheval,  en  grande  tenue,  et  allèrent  au-devant  de  lui  pour 
ajouter  à  l'honneur  de  la  réception  que  leur  maître  lui  réservait. 


*  Ce  nom  est,  sans  doute,  altéré. 


62  mSTOIRE     DES     BBftBtoBS. 

Mobaiximcd  assista  au  siège  pendant  plusieurs  jours,  jusqu'à  ce 
qu*Abou-Youço{  fut  déconcerté  par  la  vive  résislanoede  la  garni- 
son et  ren9noa  à  son  entreprise.  D'après  les  oonseib  de  oe  prince, 
il  s'empressa  d'emmener  les  Toudj inides  et  de  rentrer  dans  son 
pays  avant  que  l'armée  mérinide  eut  quitté  ses  positions.  Au 
moment  de  partir,  il  reçut  da  sultan,  pour  lui->méme  et  ses  gens, 
une  quantité  de  riches  cadeaux,  une  centaine  do  chevaux  splen- 
didement harnachés,  un  millier  de  chamelles  laitières,  un  grand 
nombre  de  robes  d'honneur,  d'habits  magniGques,  de  belles 
armes,  de  pavillons,  de  tentes  et  de  montures.  Abou-Youçof  * 
resta  encore  quelques  jours  sous  les  murs  de  Tlemcen,  a6n  de 
protéger  les  Toodjinides  contre  Yaghmoracen,  qui  aurait  pu  se 
mettre  h  leur  poursuite  et  les  atteindre  avant  qu'ils  fussent  ren« 
très  dans  le  Ouanchcrfch. 

Vers  le  commencement  de  l'an  671  (août  1272),  Abou-Youçof 
revint  h.  Fez  ;  et,  peu  de  temps  après  son  arrivée,  il  eutia  dou- 
leur de  perdre  son  fils  et  successeur  désigné,  l'émir  Abou-Maiek. 
Bio*n  que  cette  épreuve  loi  fût  très-sensible,  il  la  supporta  avec 
une  patience  exemplaire,  et,  reprenant  bientôt  son  ancien  train 
de  vie,  il  se  remit  è  compléter  la  conquête  du  Maghreb.  Dans 
cette  derniëro  expédition ,  il  s'était  rendu  mattre  de  Taount, 
forteresse  appartenant  aux  Matghara,  et,  comme  cette  place 
touchait  à  la  frontière  du  pays  qui  formait  le  royaume  de  son 
ennemi  Yaghmoracen,  il  l'avait  rempli  d'approvisionnements  et 
en  avait  confié  le  commandement  à  Baroun,  fils  de  [Mouça]  et 
cheikh  des  Matghara.  Ce  fut  alors  qu'il  reprit  la  route  de  Fez 
et  qu'il  s'empara  de  Meltla,  forteresse  située  sur  le  littoral  du  Rtf. 

Haroun  s'installa  dans  Taount  et,  bientôt  après,  il  y  proclama 
son  indépendance  ;  mais  il  y  fut  si  souvent  attaqué  par  les 
troupes  de  Yaghmoracen  qu'en  l'an  675  (1276-7),  il  livra  la 
place  et  se  rendit  auprès  du  sultan  Abou-Youçof.  Dans  notre 
chapitre  sur  les  Matghara,  nous  avons  raconté  l'histoire  de  ce 
chef*. 


*  Voy.  t.  I,  pp.  230,  240,  où  noire  auteur  place  la  reddition  de 
TaouDt  en  Tan  67'2. 


DYT^ASTIB  HÊRINIDB. ABOU-YOUÇOF-VACOUB-IBN-ABD-EL-HACK.    63 

« 

FBISE   S>Z    TAK6EB.    -—    CEUTA    EST    SOUMIS   AU 

TBKBUT. 

Dôpuis  ravènemoDt  d'Abd*«l-MoumeD,Geuta  et  Tanger  avaient 
toujours  été  regardés  comme  les  gouvernemeats  les  plus  im- 
portants de  l'empire  almohade,  puisqu'ils  étaient,  à  la  fois,  for- 
teresses maritimes,  ports  de  mer,  arseoaux  de  oonstroction  et 
lieux  d'embarquement  pour  ceux  qui  voulaient  prendre  part  à 
la  guerre  sainte.  Aussi,  le  commandement  de  ces  places  fat-i) 
toujours  donni  à  des  princes  de  la  famille  royale.  [Par  une  ex- 
ception h  cette  règle,]  Abou-Ati*Ibn->Khalas,  natif  de  Vatence, 
fut  chargé  par  Er*Bechtd  d'administrer  b  ville  et  la  province  de 
Ceuta,  ainsi  que  nous  Tavons  dit  ailleurs  *  ,  et,  en  Tan  640 
(1243}^  après  la  mort  de  ce  khalife,  il  reconnut  pour  souverain 
Vémip  Abou-'ZékérYa,  qui  venait  d^ëriger  t'ifrtkïa  en  royaume 
indépendant.  Il  fit  partir  son  fils  Abou-'l-Cacem  avec  un  acte 
d'hommage  et  une  somme  d'argent  destinés  au  monarque  haf- 
side,  et  il  confia  le  gouvernement  de  Tanger  à  Youçof -el  -  Hem- 
dani,  fils  do  Mohammed  ^lbn-Abd*Aliafa-Ibn*- Ahmed,  et  sur- 
nommé  Ibn-el-Amtn*.  Cet  officier  prit  le  commandement  de 
la  troupe  andalousienne  qui  y  tenait  garnison  et  sinstaila  dans 
la  citadelle. 

Plus  tard,  Abou-Zékérïa  donna  le  gouvernement  de  Ceuta  h 
son  parent  Abou-Yahya,  fils  d'Abou-Zékérïa,  petit^fils  de  Yahya- 
es-Chehid  et  arrière  petit-fils  d'Abou-^Hafs.  A  celte  époque , 
l'ancieo"  gouverneur,  Ibn-Rhalas,  ne  vivait  plus:  craignant  pour 
TavofTir  et  profondément  affligé  de  la  mort  de  ^on  fils,  qui  avait 
pérj/dans  un  naufrage  en  se  rendant  auprès  du  sultan  hafside,  il 
s'hait  embarqué  pour  Tunis  et,  ayant  descendu  à  Bougie  >,  il  y 
a^ait  rendu  le  dernier  soupir.  Ceci  eut  lieu  en  646  (1248-9}. 


«  Voy.  t.  Il,,  p.  24Î. 
«  Voy.  t.  Il,  p.  323. 
3  Ou  bien  à  Oran.  —  Voy,  t.  n,  p.  323. 


84  nsTOifte   dbs  bbkbArbs. 

Selon  un  autre  récit,  il  mourut  h  bord  et  fat  enterré  à  Bougiôv 

L'année  suivante ,  quand  El-Môntecer  monta  sur  le  trône, 
après  la  mort  de  son  père,  Abou-Zékérïa,  les  habitants  de 
Geuta  lai  refusèrent  obéissance,  chassèrent  leur  gouverneur, 
Abou-Tahya-Ibn-es-Ghehtd,  massacrèrent  les  fonctionnaires  que 
ce  prince  avait  à  son  service  et  proclamèrent  la  souveraineté 
d'El-Morteda. 

Celte  révolution  eut  pour  auteur  Hadjboun«er-Bendahi,  qui 
Pavait  entreprise  à  l'instigation  d'un  homme  très-considéré  dans 
Geuta  et  président  du  conseil  dos  cheikhs.  Abou-M-Gacem-^l- 
Axéfi,  c'est  ainsi  qu'on  le  nommait,  avait  été  élevé  sous  les  yeux 
de  son  père,  le  vertueux  et  savant  jurisconsulte,  Abou-'l-Abbas- 
Ahmed,  et,  tant  que  vécut  cet  excellent  précepteur,  dont  le  sa- 
voir égalait  la  piété,  il  s^était  nourri  l'esprit  de  bonnes  études.  La 
mémoire  d'Abou-'l-Abbas  fut  tellement  vénérée  et  le  mérite  de  son 
fils  était  tellement  évident  que  les  habitants  de  Geuta  se  lais- 
sèrent guider  par  les  conseils  de  celui-ci  dans  toutes  les  affaires 
difficiles. 

Heureux  d'apprendre  l'établissement  de  l'autorité  almohade 
dans  Geuta,  El-Morteda  accorda  le  gouvernement  de  cette  ville  à 
Abou*'l-Gacem-el-Azé&  ;  et  comme  il  avait  une  entière  confiance 
dans  le  dévouement  de  ce  personnage  distingué,  il  jugea  inutile 
de  le  placer  sous  le  contrôle  d'un  prince  de  la  famille  royale  ou 
sous  la  surveillance  d'un  officier  almohade.  Hadjboun-er-Bendahi 
obtint  du  même  souverain  le  commandement  de  la  Ootte  ma^ 
ghrebine,  charge  qu'il  transmit  à  ses  fils.  v 

El-Azéfi  profita  de  sa  haute  position  pour  susciter  ^s  em- 
barraaaux  fils  d'Er-Bendahi  et  il  les  contraignit  enfin  à  q)|iitter 
Geuta.  Les  uns  se  rendirent  à  Halaga  auprès  d'Ibn-el-Ahni^r  ; 
les  autres  allèrent  se  fixer  à  Bougie  sous  le  patronage  des  Hàf* 
sides  ;  et,  par  les  services  qu'ils  rendirent  à  leurs  nouveaux  soii'* 
verains,  ils  se  montrèrent  dignes  de  la  réputation  dont  ils  jouis 
saient  comme  administrateurs  habiles. 

Devenu  seul  dépositaire  de  l'autorité  à  Geuta,  le  jurisconsulte 
Abou-'I-Gacem*el-Azéfi  la  laissa  en  héritage  à  ses  enfants,  ainsi 
que  nous  le  raconterons  plus  loin. 


OTNASTlt  MiftimOE. — ABOU^T0DÇ0F-tAC0VB-lB!f-ABD-BL*HACK.    65 

DttDs  tottte»  les  cirooDStances,  Tanger  agissaîl  comme  mie  dé* 
pendtaoce  de  Geuta  ;  aussi,  le  gouveraenr  de  cette  ^iHe,  Ibn-el- 
Amb,  reeoMtti  tout  d^ab^rd  l'autorité  d'Abou-*l»Gacem.  H 
chADgea  cependant  d'avis  avant  Texpiration  de  l'année  et  fit 
célébrer  b  prière  poUiqne  au  nom  du  khalife  hafside  ;  ensuite, 
il  y  proclama  la  souveraineté  des  Âbbasides  et  il  finit  par  se 
déclarer  souverain  indépendant.  Pour  le  reste,  il  se  conduisit 
dans  Tanger  de  la  même  manière  cpi'Ibn-el-Azéfi  dans  Ceuta. 

Les  choses  continuèrent  en  cet  état  jusqu'à  l'arrivée  des  Béni* 
Iferin  qui,  s'étant  répandus  dans  le  Maghreb,  en  soumirent  tout 
le  pays  ouvert  et  commencèrent  à  réduire  les  châteaux  et  les 
places  fortes.  Après  la  mort  d'Abou-Tahya-Ibn-Abd^l-Hack, 
événement  cpii  fut  suivi  p^r  ceHe  de  son  fils  Omar,  les  enfants 
de  cebi«<i  allèrent  s'établir  entre  Tanger  et  Azlla.  S'étant  cam- 
pés dans  la  plaine  avec  leurs  familles,  leurs  partisans  et  leurs 
servitenrs,  ils  commencèrent  à^iller  les  voyageurs,  è  rançon- 
ner les  habitants  et  h  saccager  le  pays.  Pour  mettre  un  terme  à 
cea  brigandages,  lbn*el-Amtn  consentit  à  leur  payer  un  tribut 
annuel  tant  qu'ils  respecteraient  son  territoire  et  protégeraient 
les  voyageurs.   Alors,  ces  Mérinides  prirent  l'habitude  de  so 
rendre  à  Tanger  pour  acheter  les  objets  dont  ils  avaient  besoin, 
et  ils  finirent  par  organiser  un  complot  afin  de  s'emparer  de  la 
ville.  Un  certain  jour,  ils  y  entrèrent  avec  des  armes  cachées 
sons  leurs  manteaux  et  assassinèrent  Ibn-el-Amîn  ;   mais,  au 
même  instant,  ils  furent  assaillis  à  leur  tour  et  massacrés  par  la 
populace  indignée.  Ceci  se  passa  en  l'an  665  (1266-7}.  Les  ha- 
bitants se  rallièrent  autour  du  fils  d'Ibn-el-Amtn  ;  mais,  cinq 
mois  plus  tard,  ils  laissèrent  tomber  leur  ville  au  pouvoir  d'El- 
Azéfi  dont  la  flotte  et  l'armée  de  terre  étaient  venues  en  même 
temps  pour  les  attaquer.  Le  fils  d'Ibn-el>Amtn  s'enfuit  à  Tunis 
et  chercha  un  asile  auprès  d'El-Mostancer.  El-Azéfi  établit  alors 
h  Tanger  un  do  ses  oiBciers  pour  y  remplir  les  fonctions  de  gou- 
verneur, et  lui  adjoignit  comme  conseillers  les  notables  de^a  ville' . 


Les  manuscrits  portent  Ail^t;  le  tradactear  lit  \^[^\. 

T.  IV.  5 


66  BlfiTOIKB    DBS     BBKBÈKBS. 

En  TaD  666  (4267-8],  rémir  Âbou-Malek  assiégea  Tanger 
pendant  six  jours  sans  pouvoir  s'en  emparer  ;  mais,  [quelques 
années  plus  tard,]  le  sultan  Abou-Youçof,  ayant  soumis  toutes  les 
provinces  du  Maghreb,  pris  la  ville  de  Maroc,  renversé  la  dy- 
nastie d'Abd-el-Moumenet  réprimé  Taudace  de  son  ennemi, 
Yaghmoracen,  tourna  ses  regards  vers  cette  forteresse  et  résolut 
de  rincorporer  dans  son  empire.  Au  commencement  de  Pan  672 
(juillet-août  4273),  il  mit  le  siège  devant  Tanger,  qu'il  regardait 
comme  la  clef  de  la  plaine  par  laquelle  il  fallait  passer  pour  at- 
teindre Geuta.  Quelques  jours  après,  il  pensa  être  obligé  à  dé- 
camper ;  mais  au  moment  où  il  allait  pliec,  ses  tentes,  la  popu- 
lation de  la  ville  fut  saisie  d'une  terreur  panique  et,  pendant  le 
désordre,  une  pariie  des  archers  qui  garnissaient  les  remparts 
se  mit  à  pousser  le  cri  de  guerre  employé  par  les  Mérinides.  En* 
courages  par  cette  démonstration,  les  plus  actifs  parmi  les  as- 
siégeants s'élancèrent  en  avant  et  parvinrent  à  escalader  les 
murailles  ;  pendant  toute  la  nuit,  ces  braves  eurent  à  soutenir 
les  attaques  de  la  garnison,  mais,  au  point  du  jour,  ils  furent 
dégagés  par  leurs  camarades  qui  avaient  livré  un  assaut  et  en- 
levé la  ville.  Le  sultan  se  hâta  d'y  rétablir  l'ordre  et  de  faire 
proclamer  une  amnistie  générale. 

Ayant  effectué  de  cette  manière  la  réduction  de  Tanger,  Abou- 
Youçof  plaça  son  fils,  l'émir  Abou-Yacoub,  h  la  tête  d'une  ar- 
mée nombreuse  et  l'envoya  contre  Geuta.  El-Azéfi  s'y  défendit 
vigoureusement  pendant  plusieurs  jours  et  déclara  enfin  qu'il 
était  disposé  h  payer  un  tribut  annuel,  mais  qu'il  ne  consentirait 
jamais  à  se  rendre.  Le  sultan  accepta  cet  offre  ;  et,  quand  il  eut 
ramené  ses  troupes  à  la  capitale ,  il  tourna  ses  regards  vers 
Sldjilmessa,  ville  qu'il  désirait  enlever  h  la  domination  des  Abd- 
el-Ouad. 

81DJILVBS8A    BST    PRISB     POUR    LA    SECONDS    FOIS,    MALGRE    LA    RÉSIS* 
TANCB    DBS   ABD-BL-OUADITBS    ET   DES    ARABES   HONBBBAT. 

Nous  commencerons  ce  chapitre  par  un  résumé  des  faits  que 
nous  avons  déjà  rapportés  au  sujet  de  Sidjilmessa.  L'émir  Abou- 


P  DTNASTR-  MftRIR IDl . —  ABOO-TOOÇOF^YACOUB-IBII-ABB-BL-  HACK .    67 

Yahya,  fils  d'Abd-el-Hack,  ayant  soumis  celte  ville  ella  province 
da  Derfly  en  confia  le  commandement  ainsi  que  Vadminislration 
de  toute  la  région  du  Sud  k  Youçof-Ibn-lzgacen.  Il  laissa  son  fils, 
Abou-Hadtd-Mif  tah,  avec  cet  oflBcier  et  mit  sous  leurs  ordres 
plusieurs  cheikhs  qu*il  avait  chargés  de  la  défense  du  pays.  En 
l'an  65i  (4266)|  El-Morteda  plaça  son  vizir,  Ibn-Attouch,  à  la 
tAte  d'une  armée  et  l'envoya  reprendre  Sidjilmessa  ;  mais  cet 
officier,  ayant  su  que  l'émir  Abou-Yahya  venait  à  sa  rencon* 
tr»,  rebroussa  chemin.  En  655,  après  la  bataille  d'Abou*SeItt, 
Yaghmoraoen  marchait  sur  Sidjilmessa  avec  Tintention  d'y  pé- 
nétrer à  l'improviste  par  un  endroit  qu'on  lui  avait  représenté 
comme  mal  gardé;  mais  Abou- Yahya  s'empressa  d'y  arriver 
avant  lai  et  déjoua  ce  projet.  Le  chef  abd*el*ouadite  dut  effec- 
tuer sa  retraite,  après  avoir  vu  ses  espérances  frustrées  et  ses 
troupes  mises  en  dérouie. 

Iburlzgacen  avait  gouverné  Sidjilmessa  pendant  un  an  et  demi, 
quand  l'émir  Abou- Yahya  le  remplaça  par  Yahya-Ibn-Abi-Hen- 
dtl,  chef  des  Beni-Asker.  Cette  famille  mérinide  était  une  branche 
collatérale  de  celle  dont  l'émir  Abou  -  Yahya  faisait  partie , 
Mohammed*lbn-Oorziz  étant  leur  aïeul  commun.  Deux  mois  plus 
tard,  Abou-Yah>a  Ata  le  commandement  h  Ibn-Abi-Mendil  et  le 
confia  à  Mohammed-lbn-Amran-lbn-Abla,  membre  d'une  tribu 
protégée  et  favorisée  par  les  Mérinides,  celle  des  Irnîan.  Il 
nomma,  en  même  temps,  Abou-Taleb*  Ibn-el-Habci  receveur- 
général  des  impôts  fournis  par  ces  provinces  et  il  chargea  Abou- 
Yahya-el-Ritrani  de  l'administration  militaire  et  du  commande- 
ment  des  troupes. 

Pendant  deux  années,  rien  ne  se  changea  dans  la  position  de 
ces  fonctionnaires  ;  mais,  après  la  mort  d'Abou-Yahya ,  El- 
Kitrani  conçut  la  pensée  de  se  rendre  indépendant  et,  voyant  le 
sultan  Abou-Youçof  doublement  occupé  par  le  siège  de  Maroc  et 
par  la  guerre  contre  Yaghmoracen,  il  forma  un  complot  avec 
quelques  brigands  et,  s'étant  assuré  le  concours  de  Youçof-Ibn- 
Feredj-el-Azéfi,  il  fit  assassiner  Ammar-el-Ourtedghrabi  ',  pré- 


*  L'orthographe  de  ce  nom  est  incertaine. 


68  HISTOIRE    DBS    BBRBÈRU. 

sideal  du  conseil  de  la  ville.  MohaBuned-lbn*AmraD  s*enfttii  de 
Sîdjilmessa  en  apprenant  que  les  conspirateurs  délibér^iient  à 
son  sujet  et  il  alla  rejoindre  son  maitre,  le  sultan.  El-Kitrani 
s'empara  alors  ie  l'autorité  suprême  ;  mais,  en  l^an  658  (4  260)^ 
environ  dix-huit  mois  après  son  usurpatiao,  il  fut  tué  pir  le 
peuple  qui  s'était  soulevé  au  nom  du  khalife  El-Mortada.  Ce 
mouvement  avait  été  préparé  par  le  oadi  Ibn-Haddjadj  et  par 
Ali-Ibn-Omar  auquel  Ël-Morteda  donna  ensuite  le  gouverneinent 
de  la  ville. 

En  l'an  660  [h  261-2),  les  Hérinides,  commandés  par  le  sultan 
Abou-Youçof,  parurent  devant  Sidjîlmessa  et  dressèrent  leurs 
machines  de  siège  ;  mais  la  garnison  mit  le  feu  à  ces  engins  re- 
doutables et  se  défendit  avec  tant  de  résolution  qu'elle  força  les 
assaillants  à  décamper. 

Ali-lbn-Omar  mourut  après  avoir  exercé  les  fonctions  de  gou- 
verneur pendant  trois  ans  [et,  à  la  suite  de  cet  événement,  les 
Arabes  Monebbat  décidèrent  les  habitants  k  reconnaître  l'autorité 
de  Yaghmoracen-lbn-Zian]. Après  avoir  enlevé  Tlemcen  et  le  Ma^ 
ghreb  central  à  la  domination  des  Almobades, Yaghmoracen  avait 
rallié  à  sa  cause  les  Monebbat,  peuplade  appartenait  à  la  tribu 
des  Douï-Hansour,  branche  de  la  grande  tribu  des  MaLil.  Tous 
ces  nomades  avaient  pour  lieu  de  parcours  dans  le  Désert  le  ter* 
ritoire  qui  touchait  aux  pâturages  des  Beni-Badtn  ;  mais  ils  se 
virent  forcés  d'abandonner  cette  région  quand  Yaghmoraœn  eut 
décidé  les  Beni^Amer  à  quitter  la  partie  du  Mozab  appelée  Belad- 
Beni-Yeztd  pour  se  rapprocher  de  lui.  Ceux-ci  forcèrent  la  tribu 
des  Makil  à  sortir  des  pays  aux  environs  de  Fîgufg  et  du  Za,  où 
elle  s'adonnait  à  la  vie  nomade,  et  la  contraignit  à  se  trans- 
porter dans  la  contrée  qui  est  située  entre  Sidjilmessa  et  le 
Molouïa. 

Après  l'établissement  des  Makil  dans  leurs  nouveaux  terri- 
toires, Yaghmoraœn  rompit  avec  les  Doui-Obeid-Allab,  une  de 
leurs  principales  tribus,  et  s'attacha  les  Monebbat  qui,  depuis 
lors,  se  montrèrent  alliés  fidèles  et  partisans  dévoués  de  1-em- 
pire  abd-eUouadite. 

La  ville  de  Sidjilmessa  se  trouvant  dans  la  région  occupée  par 


DTNÀSTIB  MÉBINIDB. ÂBOC-TOUÇOF-TACOOB-IBN-ÀBD-BL-HACK.    69 

fe»  Monebbat,  servait  et  lieu  4e  patHemeat  à  leors  familles  et  h 
leurs  troupeaux  ;  eUe  obéissaii  même,  jusqu'à  on  certain  point, 
aoccordres  de^  cette  tribv,  ce  ^ui  eut  lie«  après  k  mort  d'Ali- 
Ibft-Qmir,  qnmd  led  Mcuebbst  firent  reeotiDaUre  aux  habitants 
l'autorité  deT  Yagkmoraoeft.  Sur  leur  invitation,  ce  chef  partit 
a'^v^eo  son  armée  et  il  arriva  chez  eux  presqu'à  l'improviste. 
Ayant  pris^ possession  data  ville,  il  y  établit  deux  gouverneurs, 
Yaghmeracen-Ibn'-Hammama*  et  Abd-el-Helek.  Celui-ci  étaiifils 
de  M obafiMued  ->  ïbn  -  Ali  -  Ibn  -CaoeDd-  Ibn-Derâ,  l'un  des  Beni- 
Vobammed-Ibn-Zegdan-lbn-ttdoukcen,  et  il  portait  le  surnom 
de  Fils  de  HanUia»  Sa  mère,  Hanîna,  était  soaur  de  Yaghmora- 
een. 

.  Avec  ees  deux  officiers,  le  chef  abd-el-onadiie  y  laissa  son 
jEts,  Pëmir  Yakya,  comme  représentant  de  t'avtorité  royale. 
/Douze  meiis  plus  lard,  Yahya  fut  remplacé  par  son  iîrèi^, 
parce  que  Yaghmoracen  avftit  pour  habitude  de  faire  alterner 
ses  enfants  dans  le  commandement  à  l'expiration  de  chaque 
année. 

Le  sultan  Abon-Youçof  étant  enfi»  parvenu  h  efiactuer  la  con« 
quéie  Al  Maghreb,  en  réduisant  les  villes  de  ce  pays,  en  renver- 
sant la  djnestie  d'Abd-el-Moumen,  en*  s'emparant  du  siège  du 
klalifat  almohade,  eo  prenant  Tanger  d'assaut  et  en  faisant  ca*- 
pituiler  Geuta,  port  d»  passage  et  boulevard  de  la  frontière,  con- 
çut alors  l'espoir  de  soumettre  les  pays  du  Sud  et  d'enlever  Sid- 
jiimessaarux  Beni-Abd-el-Ouad.  Aussi,  dans  le  mois  deBedjeb 
672  (janv.-fév.  i'274),  il  se  dirigea  contre  cette  ville,  k  la  télé  de 
tous  les  contingents  du  Maghreb  :  ks  Zenata,  les  Arabes  et  les 
Berbère»  marchèrent  sous  ses  ordres,  ainsi  que  les  troupes  Mé- 
rînides  et  les  divers  corps  de  milice.  Arrivé  dans  le  voisinage  de 
la  ville,  il  dressa  contre  elle  ses  machines  de  siège,  telles  que 
catapultes,  balistes  et  l'engin  à  feu  qui  lance  du  gravier  de  fer. 
Cette  mitraille  est  chassée  hors  de  Tàme  de  la  pièce  par  le  moyen 


'  Dans  le  texte  arabe ,  il  faut  lire»  avec  les  œaouscrils, 


70  HISTOIBB    DIS     BBKBÈMS. 

de  là  poadre  enflammée  dont  la  propriété  singulière  opère  des 
effets  qui  rivalisent  avec  la  puissance  du  Créateur  ^ 

Tous  les  jours,  pendant  une  année  entière,  le  sultan  continua 
ses  aUa<}ues  ;  et  un  pan  de  mur  de  Tenceinte  ayant  été  abattu  à 
coups  de  pierres  lancées  par  ses  catapultes,  il  fit  doûner  l'assaut 
et  emporta  la  place.  Cet  événement  eut  lieu  dans  le  mois  de  Safer 
673  (août-sept.  4274).  La  garnison  fut  passée  au  fil  de  Pépéeet 
les  habitants  furent  réduits  en  esclavage.  Les  deux  gouverneurs, 
Abd-el-Melek-lbn-Hantna  et  Ydghmoraoen-Ibn-Hammama,  per-. 
dirent  la  vie  ainsi  que  tous  les  Abd-el-Ouadites  et  tous  les  émirs 
des  Monebbat. 

De  cette  manière,  le  sultan  Abou-Youçof  acheva  la  conquête, 
du  Maghreb.  Dans  tout  ce  pays,  il  ne  resta  plus  une  seule  place 
qui  reconnût  une  autre  dynastie  que  la  sienne,  plus  un,  seu^ 
homme  qui  osftt  fixer  ses  espérances  sur  un  autre  prince  que 
le  sultan  mérinide.  Ce  fut  ainsi  que  Dieu  mit  le  comble  à  ses 
grâces  en  accordant  à  Abou-Youçof  la  totalité  du  royaume  da 
Maghreb. 

Pour  témoigner  sa  reconnaissance  de  tant  de  faveurs,  ce  mo- 
narque résolut  d'aller  combattre  les  ennemis  de  Dieu  et  d'aider 
les  musulmans  d'outre«mer  à  secouer  le  joug  qui  les  accablait. 
En  conséquence  de  cette  détermination,  il  s'en  retourna  de  Sid-. 
jilmessa  à  Maroc  et,  de  là,  il  se  rendit  à* Salé.  Peudant  le  peu  de 
jours  qu'il  passa  dans  cette  dernière  ville  afin  de  se  reposer  et. 
d'en  examiner  les  ressources  tout  en  faisant  restaurer  les  forti- 
fications, on  vint  lui  annoncer  qu'Abou-Taleb-el-Azéfi  était  ar- 
rivé i  Pez  chargé  d'une  mission  de  la  part  de  son  père,  Abou-'l- 
Cacem-ei-Azéfi,  seigneur  de  Geuta.  Il  se  hâta  aussitôt  vers  cette 
capitale,  afin  de  recevoir  l'envoyé  ;  et,  l^ayant  accueilli  avec  de 
grands  égards,  il  le  congédia  chargé  de  dons  et  pénétré  de  re- 
connaissance. 

Alors  il  se  disposa  à  faire  passer  son  fils  en  Espagne  pour  y 


*  Ce  passage  a  élé  cité  par  MM.  Reinaud  et  Favé  dans  leur  ouvrage 
sur  le  feu  grégeois,  p.  73  et  suiv. 


DTNASTIB  HftftlNlDB, — ABOU-YOCÇOF*TACOUB>-1BN-ABO-BL-HACK.    71 

combattre  les  chrétiens.  Cette  expëdilioa  formera  le  sujet  dû 
ohapitre  suivsBt. 

LE  SULTAN  ABOU  -  TOCJÇOF  BlfTBBPRBND  LA  QDEBftB  SAllfTS  ET  RBM- 
POBTB  mE  GtANDB  TICTOIRB  SUE  LB8  CBEÉTIENS.  —  MORT  DB 
LEUR   CHEF   DO!f   NUKO. 

Depuis  l'époque  où  TEspagoe  fut  couquise  par  les  musulmans, 
eette  r^ioa  d'oulre-mer  a  toujours  été  une  frontière*  de  leur  em* 
pire,  le  théâtre  de  leurs  guerres  saintes,  un  champ  de  martyr  et 
une  porte  dn  bonheur  éternel  pour  leurs  soldats.  Les  établisse- 
ments musulmans  dans  ce  pays  étaient  constamment  sur  un  bra« 
sîer  ardent*,  pour  ainsi  dire,  placés  comme  ils  étaient  entre  les 
griffes  et  les  dents  des  lions  de  l'infidélité.  Entourés  d'une  foule 
de  peuples  hostiles,  les  vrais  croyants  de  l'Espagne  se  trouvé^ 
rent  encore  séparés  de  leurs  corréligionnaires  par  la  mer.  [Peu 
d'années  après  la  conquête  de  cette  péninsule,  le  khalife]  Omar- 
Ibn-Âbd-el-Aztz  songea  à  en  retirer  les  musulmans,  vu  leur 
posi'jon  isolée  et  la  difficulté  de  faire  parvenir  des  secours  dans 
une  contrée  aussi  éloignée.  Ayant  consulté  à  ce  sujet  les  princi-- 
paux  Tabès  '  et  les  chefs  des  Arabes,  il  les  trouva  tous  de  son 
avis;  et,  sans  sa  mort  prématurée,  il  aurait  exécuté  son  projet. 

Malgré  les  dangers  qui  menaçaient  l'islamisme  en  Espagne,  ei 
malgré  l'hostilité  des  mécréants,  ses  voisins,  cette  religion  s'y 
maintint  en  vainqueur  tant  que  dura  la  domination  des  Arabes 
appartenant,  les  uns  à  la  famille  de  Koreich  et  à  la  raco  de  Moder, 
les  autres  aux  tribus  du  Yémen.  La  puissance  et  la  gloire  des 
musulmans  espagnols  furent  portées  au  plus  haut  degré  sous  les 


*  Lisez  1;^  àans  le  texte  arabe. 

*  Quand  les  aocîens  Arabes  voulaient  faire  bouillir  dn  lait,  ils  y  jetaient 
des  pierres  fortement  chauffées  par  l'action  du  feu.  Quelquefois,  ils  po- 
saieol  des  tranches  de  viande  sur  une  pierre  semblable  afin  de  les  faire 
cuire.  Les  pierres  employées  à  cet  u^age  se  nommaient  roéf^  mot  que 
noir  eauieur  emploie  ici. 

»  Voy.  t.i,  p,  ÎW. 


li  Kwroiu   ABs  nattus. 

Oméïades ,  dynastie  célèbre  qoi,  pendant  a^riron  trois  aaot» 
ans,  éteodit  ses  ailes  protectrices  sur  les  rivages  des  deux  ooo^ 
tinents  et  qui  succomba  dans  le  cinquième  siècle  de  Phégire. 
Alors  se  brisa  Punité  de  Tempire  espagnol  ;  la  puissance  musul- 
mane d'outre-mer  s'étant  affaiblie  à  mesure  que  la  domination 
arabe  tombait  en  décadence  et  que  ^autorité  des  Berbères  s'é- 
tendait sur  le  Maghreb. 

Les  Almoravides,  observateurs  zélés  des  pféœptes  de  Hofaam- 
flMd,  ayaal  rétabli  en  Hagbreb  l'unité  de  la  naiion  musufanane, 
é|>ièrent  atteiUivemeal  l'ooeaston  de  prendre  part  &  la  guerre 
sainte  et  <le  seconrir  leurs  frères,  les  musolmanB  espagnols. 
Trav-ersaol  anfin  le  Détroit,  ils  combattirent  l'ennemi  avec  une 
bravoure  admirable,  déârent  k  Zellaca  et  aîlleiirs  le  roi  Al- 
phonse, réduîsireni  plusieurs  lorteresses,  en  reprirent  d'autres, 
détrônèrent  les  roitelets  muMilmans  et  réunirent  en  an  aenl  cm- 
jpire  les  états  de  l'ACrique  et  de  l'Espagne. 

Leurs  soceesseurs»  les  Almohades,  suivirent  les  mêmes  bons 
.fMribeipes  -ei  se  eouvrirent  de  gloire  dans  leurs  guerres  avee  le 
roî  chrétien.  YiScoub-el-Mansour  le  vainquit  dans  b  journée 
d'EUArk/il'/arcoi^  *  etdans  pluaîeurs autres  reneontres  ;  ouiîs  la 
vigueur  de  la  nation  ailmohade  finit  par  s'épuiser»  leur  royaume 
fut  déchiré  par  des  divisions  iiklestinea,  et  les  princes  de  la  £i- 
ttiUe  d'Abd-el*Moumen  qui  ooaHBaadaient  en  Espagne  se  dis- 
putèrent mutuellement  le  trâne  du  khalifat.  Pour  obtenir  l'appui 
d«  roi  chrétien,  ils  lui  cédèrent  un  si  grand  nombre  de  ibrle- 
ressas  que  les  musuloians  espagnols,  se  voyant  exposé  à  périr, 
al^uèrent  les  Almohades  et  les  expnlsàrent  do  pays. 

L'auteur  de  cette  révolution  fnt  lbn-&oud«  seigneur  de  Murcie* 
et  de  l'Andalousie  orientale,  le  même  qui  fit  proclamer  dans  tous 
ses  états  la  souveraineté  des  Abbacides  de  Baghdad.  La  partie 
de  cette  Histoire  universelle  qui  traite  de  l'Espagne,  renferme 
une  notice  de  ce  chef. 

Quant  à  l'Andalousie  occidentale  {El-Gharbia)^  elle  était  trop 

■  ■  ■       ■    '    I  I  ■  lin  ■  I  II  — ^»i^—r ^Ml—  I    I   I      — ip— ii^-^——  I 

«  Voy.  t,  n,  p.  213. 

'  Pour  iu^l/^.  f  lisez  iu.%^,  dans  le  texte  arabcv 


DTNASTll  ]IÉRlNlDB.-*-ABOU-YOUÇOF«TACOIIB*lBlC-ABD-EL-QACK.    73 

éloignée  du  royauiue  <l'ibB«Hoiid  pour  éUre  gecoume  par  ce 
princQ  qvi,  du  resie,  n'y  avait  pas  de  parlisan  pour  le  aec6nder, 
ai  aasex  d'ezpérieaoa  palitique  poar  bien  se  oondttire  daaa  qb6 
eairepnse  aussi  difficile.  La  discorde  régnait  parmi  les  roosul^ 
maoB,  le  roi  chrëtiea  s'achanaaii  à  îasoUer  leurs  territoires  et  les 
deeoeodante  d'Abd-el-MMoieuélaient  trop  préoccupés  du  pro* 
grès  de  la  triba  de  Merfo  pour  penser  è  eux,  quand  Mohammed- 
lba-Yoa9of*Ibn-*eUAbmer  releva  l'Andalousie  occidenlale  et 
s'empara  d'Arjona,  sa  ville  natale.  Brave,  ferme  ei  entreprenant, 
il  prit  au  bond  la  balle  que  lui  lança  ibn-Houd  :  en  l'an  629 
(423t-e3),  il  rejeta*  la  suprématie  des  Abbacides  et  reconnut 
pour  khalife  Témir  bafside,  Abou-Zékérïa.  Jusqu'à  la  mort  de 
son  adversaire,  événement  qui  arriva  en  635  (1237-4)^  ilaou- 
tifti  contre  lui  une  lutte  iocessanle  et  lui  disputa  la  possession 
ile  l'Andalousie,  province  par  province.  Pendant  oe  temps,  l'en- 
nemi commun  insultait  toutes  les  parties  de  la  péninscde  et  avait 
imposé  un  tribut  annuel  de  quatre  cent  mille  pièces  d'or  à  Ibn- 
Houd,  tout  eo  se  faisant  céder  par  ce  cbef  trente  forteresses 
appartenant  aux  musulmans. 

Crsignaat  de  succomber,  si  Ibn-Houd  obtenait  l'appui  des 
chrétiens,  l'émir  Ibn^l*Abroer  se  mit  sous  la  protection  *  de  leur 
roi  et,  pour  chAlier  le  peuple  de  Séville,  il  marcha  avec  son 
nouvel  allié  contre  cette  ville.  Après  la  mort  d^Abou-Zékérïa, 
il  répudia  la  souveraineté  des  Hafsides,  se  déclara  indépen- 
dant ei  prit  le  titre  d'J?inir-e/-Jtfo«tor»iii  (commandant  des 
musulmans).  I>ans  l'Est,  il  eut  à  combattre  les  fils  d'ibn- 
Houd  et  d'Ibn-Merdeotch  ;  et,  par  une  dure  nécessité,  il  livra  au 
roi  chrétien  tonte  ia  région  d'Bl-Fron tiers  >. 

*  Lisez  ^^^  dans  le  texte  arabe. 

*  Daos  le  texte  arabe,  remplacez  »il.»^J^  par  slLmJiy 

^  A  cette  époque^  tout  le  basaio  du  Guadalqaivir,  depuis  Jaën  jus- 
qu'à la  mer,  formait  une  des  frontières  qui  séparaieoi  le  terriloire 
chrétien  de  celui  des  musulmans.  Le  souvenir  de  cet  état  de  choses  se 
conserve  encore  daos  les  noms  de  deux  villes  très-conoues,  Arecs  de 
la  Frootèra  et  Xérès  de  la  Frontèra. 


74  HISTOIKB    DBS    Bt&tftRBS. 

Dans  la  période  qaî  s'écoula  entre  les  années  622  (1 225)  et 
670  (4274*2),  les  masalmans  espagnols  eurent  à  subir  la  prise 
de  leurs  forteresses,  la  violation  de  leur  territoire,  la  perte  de 
leurs  provinces,  Toceupation  de  leurs^  villes  et  la  ruine  de  leurs 
propriétés.  Leurs  richesses  devinrent  la  proie  de  l'ennemi,  ou 
bien  elles  servirent  à  payer  des  contributions  forcées  et  à  acheter 
des  trêves.  En  l'an  633  (4  236)  S  le  fils  d'Alphonse  [St-Ferdinand] 
s'empara  de  Cordoue  ;  en  644  (4246-7)*,  il  prit  Jaenet,  deux 
années  plus  tard,  il  occupa  Séville.  En  637  (4238),  le  comte  de 
Barcelone  [Don  Jaymel,  roi  d'Aragon,]  soumit  la  ville  de  Va- 
lence. Tout  ce  qui  était  situé  entre  ces  métropoles,  tels  que  chà^ 
teaux,  centres  de  population  et  forteresses  sans  nombre,  passa 
entre  les  mains  des  chrétiens. 

Dans  l'Andalousie  orientale,  la  puissance  des  chefs  indépen- 
dants fut  détruite,  et,  dans  l'Andalousie  occidentale,  les  forces 
d'ibn-el-Ahmer  ne  suffirent  pas  à  couvrir  les  contrées  en  deçà 
des  vastes  plaines  de  la  Frontèra.  Reconnaissant  que  la  défense 
de  ce  pays  exigerait  plus  de  troupes  qu'il  n'en  avait  à  sa  dispo- 
sition et  qu'elle  briserait  ses  moyens  de  résistance  au  point  d'en- 
courager encore  davantage  les  tentatives  de  l'ennemi,  il  la  livra 
au  roi  chrétien  pour  obtenir  la  paix.  Toulant  alors  se  mettre  à 
l'abri  des  attaques,  il  emmena  les  musulmans  dans  la  région  ac- 
cidentée et  difficile  qui  avoisine  la  mer  et,  s'étant  choisi  pour 
résidence  la  ville  de  Grenade,  il  y  bâtit  le  ch&teau  de  l'Alhamra 
pour  lui  servir  de  lieu  de  séjour.  Mats  de  tout  ceci,  nous  avons 
parlé  ailleurs  <• 

Pendant  cette  époque  de  malheurs,  Ibn-el-Ahmer  ne  cessa 
d'invoquer  l'appui  de  ses  coreligionnaires  de  l'Afrique  ;  et,  à 
plusieurs  reprises,  les  notables  de  l'Espagne  se  rendirent  en  dé- 
putation  à  la  cour  de  TEmir  des  musulmans,  Abou^Youçof,  pour 


*  Notre  auteur  a  écrit,  par  erreur,  en  l'an  636. 

*  Les  historiens  ne  sont  part  d'accord  sur  Tannée  de  ia  prise  de  laën« 

'Dans  la  partie  inédite  de  celle  histoire  universelle  se  trouve  une  no- 
tice des  dynasties  chrétiennes  et  musulmane?  qui  régoérenten  Espagne. 


DTRAST»  MfiRUIlDB .  —  ABOU^TOUÇOF-TACOUB-lBN-AilD-BL-HACK.    75 

le  prier  de  secourir  l'islamisme  et  de  sauver  leurs  femmes  et 
leurs  enfaote.  Le  prince  mériaide  se  vit  d'abord  dans  Vimpossi- 
bilité  de  répondre  è  leur  appel  :  après  avoir  lutté  contre  les  Al- 
mohades,  il  lui  fallut  combattre  Yaghmoracen  et  achever  la  con- 
quête du  Maghreb  ;  mais,  en  Tan  674  (4272-3),  quand  la  mort 
enleva  Ibn-eUÂhmer  (Abou-Abd-ÂlIah-Mohaouned-lbn-Youçof- 
Ibn-el-Ahmer,  surnommé  le  cheikh  et  Abou-Debbous,)  il  avaît 
effectué  la  soumission  du  Maghreb  et,  n'ayant  plus  à  craindre 
son  ancien  adversaire  [le  chef  des  Abd-el-Ouadites],  il  se  trou- 
vait en  mesure  de  prendre  la  défense  des  musulmans  espagnols. 

D'ailleurs,  la  guerre  sainte  avait  de  grands  attraits  pour  les 
Mérinides  :  déjà,  en  Tan  664  (4262-3),  les  Beni-Idrts,  qui 
avaient  répudié  Tautorité  de  leur  parent,  Yacoub-lbn-Abd-el- 
Hack,  et  qui  avaient  ensuite  fait  leur  soumission* ,  s'étaient  pres- 
que tous  empressés  de  suivre  le  conseil  du  sultan  qui  leur  re- 
commandait d'aller  au  secours  des  vrais  croyants  qui  habitaient 
la  péninsule  espagnole.  Pins  de  trois  mille  volontaires  mérinides 
partirent  avec  eux  et  formèrent  un  corps  redoutable  dont  le  sul- 
tan [Yacoub]  donna  le  commandement  à  Amer-Ibn-Idrts.  Ar- 
rivés en  Espagne,  ces  guerriers  se  distinguèrent  par  leur  bra- 
voure et  par  le  mal  qu'ib  firent  h  l'ennemi. 

Avant  de  mourir,  Ibn-el-Ahmer  le  Cheikh  adressa  des  con- 
seils à  son  fils  et  successeur  désigné,  Mohammed-el*-Fakth  [le 
juriseoneulte^  ainsi  nommé  parce  qu'il  avait  étudié  le  droit 
étant  prince  royal,)  et  lui  recommanda  de  se  mettre  sous  la  pro- 
tection de  l'Emir  des  musulmans,  Ahou-Youçof,  dont  l'appui  et 
celui  des  Mérinides  pouvaient  seuls  délivrer  les  vrais  croyants 
espagnols  des  attaques  continuelles  du  roi  chrétien.  Aussi,  quand 
El-Fakîh  eut  rendu  à  son  père  les  derniers  devoirs,  il  réunit  les 
principaux  cheikhs  de  l'Andalousie  et  les  envoya  auprès  d'Abou- 
Youçof.  Ces  hommes  respectables  parurent  devant  le  sultan  mé- 
rinide  au  moment  où  il  venait  de  mettre  le  sceau  à  la  conquête 
du  Maghreb  par  la  prise  de  Sidjilmessa.  Pendant  qu'ils  le  sup- 


<  Voy.  ci-devant,  p.  48. 


76  ttlSTOlKB    DBS    BUBÈE£S. 

pliaient  de  venger  l'islamisme  et  qu*iU  lui  fftÎBaient  on  lablow 
affligeant  des  maux  dont  les  chrétiens  av»îeAk  accablé  les  ni»*' 
sulmanSy  il  ressentit  vivement  le  plaîsîr  que  Uur  arrivée  tvi 
avait  causé  ;  pais,  emporté  par  le  désir  d'acoonplir  la  volonté 
divine  et  de  gagner  le  paradis,  il  répondit  à  lear  prière  avec  le 
plus  grand  empressement. 

Le  fait  est  que,  depuis  le  commencement  de  sa  carrière,  Aboo* 
Youçof  n'avait  jamais  en  qu'un  seul  éésir,  celui  de  faire  la 
guerre  aux  infidèles  ;  et>  pour  obtenir  ce  bonheur,  il  autait  8»^ 
crifié  toutes  ses  espérances  mondaines.  En  Tan  643  (4245'*6), 
après  la  prise  de  Mequines,  il  avait  demandé  à  son  fiire,  Abeu- 
Yahya^  Tautorisation  de  passer  en  Bspagne  pour  eombadtrc  les 
chrétiens  et;,  ne  l'ayant  pas  obtenue,  il  s'était  mis  à  fe  léte  de 
ses  domestiques,  de  ses  dieots  et  de  ceux  de  ses  parents  qui  lui 
étaient  dévoués,  afin  de  se  rendre  dans  ce  pays.  L'émir  Abou- 
Yahya  transmit  alors  à  Abeu-Ali-lbn-'Khalas ,  gouverneur  de 
Ceuta»  l'ordre  de  refuser  à  cette  troupe  les  moyens  de  passer  te 
Détroit,  et  un  saint  persoena^,  Yaooob-Ibn-Haroon-el-*Kheîrt, 
étant  allé  trouver  Abou- Youçof,  qui  venait  d'arriver  à  Casr-^ 
Djonas,  le  décida  à  revenir  en  lui  prédisant  qu'il  ferait  la  guerre 
sainte  plus  tard  en  qualité  de  conquérant  et  d'Emir  des  mu- 
sulmans. Dès  lors,  Ahou« Youçof  eut  l'esprit  toujours  préoc- 
cupé d'une  expédition  en  Bspagne  ;  aussi,  quand  il  vit  arriver 
cette  députaiion,  il  se  décida  sur-le-champ  à  prendre  les  armes. 

Pendant  que  ses  agents  parcouraient  les  provinces  pour  y 
lever  des  troupes,  il  quitta  Fec  dans  le  mois  de  Choual  673 
(avril  4275)  et  se  rendit  k  Tanger.  Ayant  alors  équipé  et  soldé 
cinq  mille  Mérinides,  il  les  plaça  sous  les  M'dres  de  soa  fils,  Men- 
dil,  et  les  fit  transporter  à  Tarifa  dans  une  vingtaine  de  navires 
qu'Ibn«el-Axéfi,  seigoeor  de  Ceuta,  lui  avait  envoyés  h  la  pre- 
mière réquisition.  Ces  troupes  passèrent  trois  jours  à  Tartfa 
pour  se  reposer  et  partirent  ensuite  pour  le  territoire  de  l'en- 
nemi oii  elles  mirent  tout  à  feu  et  à  sang.  Arrivées  dans  la  plaine 
de  Xérès,  elles  forcèrent  la  garnison  à  s'enfermer  dans  la  ville, 
puis  elles  s'en  retournèrent  au  camp  d'AIgésiras,  chargées  de 
butin  et  ramenant  une  foule  do  captifs  et  de  bétes  de  somme, 


DYNASTIE  MÊHimDt. — AMU-TOU^F-yACOUBMBK-ABD-BL-QiCK.    77 

ainsi  qu'une  grande  quanlité  d^armes.  Les  musulmans  de  l'Es- 
pagne regardèrent  ce  sucois  comme  un  suffisant  dédommage- 
raeotde  leur  défaite  h  El«Ocdb<;  mais  ils  ressentirent,  peu  de 
temps  après,  une  joie  bîfen  autrement  vive  quand  un  châtiment 
des  plus  terrilllea  tomba  suY  les  infidèles. 

A  la  nouvelie  de  ootle  inoursion  si  heureusement  accomplie, 
lémir  Aboo^Vouçof  réaolut  d'assister  en  personne  \  la  guerre 
sainte  et,  pofur  garantir  ses  frontières  contre  les  tentatives  do 
Yaghcaoraoen,  il  chargea  son  petit-fils,  Tachefîo-Ibn-Abd-el- 
Ouahed,  de  se  rendre  auprès  de  ce  chef  à  la  tète  d'une  dépu- 
tation  mérmkle  et  de  oégocier  aveo  hti  un  traité  de  paix.  Yagh- 
moracen  accueillit  Tolontiers  les  ouvertures  d'une  suspension 
d'armes  et  envoya  plusieurs  chefs  abd-el-ouadites  auprès  du 
sultan  pour  kii  offrir  un  cadeau  magnifique  et  pour  assister  à  la 
ratification  du  traité. 

Abou-Yoooof  reœentil  un  plaisir  extrême  d'avoir  ainsi  ré- 
tabli le  bon  accord  entre  les  musulmans  et  obtenu  pour  lui- 
même  le  loisir  de  gratifier  sa  passion  pour  la  guerre  sainte  et 
de  s'occuper  d'œuvres  méritoires.  Après  en  avoir  rendu  à  Dieu 
des  actions  de  grâoe  et  répandu  de  nombreuses  aumônes,  il 
aanma  les  peuples  du  Magreb,  Zenatiens,  Arabes,  Almohades, 
Masmoudiens,  Sanhadjiens,Ghomariens,  Aurébiens,  Miknaciens, 
tribus  berbères,  troupes  soldées  et  volontaires  h  venir  tous  afin 
de  participer  aux  mérites  de  la  guerre  sainte. 

Ayant  réuni  toutes  les  forces  de  son  empire^  il  s'embarqua 
avec  elles  h  Tanger,  dans  le  mois  de  Safer  674  (juillet-août 
4275),  ei  aborda  au  rivage  de  Tarifa.  Cette  ville,  ainsi  que  la 
forteresse  de  Honda,  venaient  de  lui  être  cédées  par  le  sultan 
Ibn-el-Àhmer  pour  lui  servir  de  centres  d'opération  ;  une  con- 
vention à  cet  effet  ayant  déjà  eu  lieu  h  l'époque  oii  le  monarque 
andalousien  avait  envoyé  la  grande  députation  de  cheikhs  au- 
près de  l'émir  mérinide  pour  solliciter  son  appui.  A  cette  occa- 
sion, Abou^Youçof  avait  posé  comme  condition  essentielle  de  son 


«  Voy.  t.  II,  p.  214. 


78  HISTOIRE    DBS     BERBÈRES. 

intervealioii  la  remise  de  quelques-unes  des  forteresses  qui  bor* 
dent  le  Détroit.  Ibn-Hicham,  seigneur  d'Algeciras,  passa  la  mer, 
trouva  le  sultan  mértinde  aux  environs  de  Tanger  et  lui  céda  sa 
ville  en  le  reconnaissant  pour  souverain. 

Abou-Mohammed-lbn-Cbékllola,  seigneur  de  Malaga,  s'eni*- 
pressa  d'offrir  sa  soumission  à  l'émir  Âbou-Youçof  et  de  lui 
transmettre,  par  une  députation,  les  hommages  des  habitants  et 
rinvitation  de  venir  h  leur  secours.  Ce  chef  ayant  ainsi  embrassé 
la  cause  des  Mérinides,  la  servit  avec  un  zèle  et  un  dévouement 
parfaits  *.  Quelque  temps  auparavant,  lui  et  son  frère  Abou- 
Ishac,  gendre  du  sultan  Ibn-el-Ahmer,  avaient  soutenu  le  mo- 
narque andalousien,  et  leur  père,  Abou-'l-Hacen,  fut  le  principal 
meneur  de  la  révolte  contre  Ibn-Houd  et  de  la  conspiration  our- 
die par  les  habitants  de  Séville  contre  leur  chef  Ibn-el-Badji  *. 
Ibn-eUAhmer  nomma  Abou-Mohammed  au  gouvernement  de 
Halaga  et  Abou-lshac  à  celui  de  Guadix  ;  mais,  quand  il  eut  raf- 
fermi son  pouvoir  et  vaincu  les  autres  chefs  andalousiens,  il  se 
brouilla  avec  les  deux  frères'.  Abou-Mohammed  se  fit  alors 
proclamer  souverain  de  Malaga  et  de  la  Gharbïa  (poys  occt- 
dental)  qui  dépend  de  cette  ville  ;  mais,  toutes  les  fois  qu'il  s'a« 
gissait  de  combattre  le  roi  ctirétien,  les  deux  frères  prenaient 
le  parti  de  leur  ancien  maître.  Abou -Mohammed,  ayant  alors 
appris  que  le  sultan  Abou-Youçof-Tacoub  venait  de  traverser 
le  Détroit,  lui  fit  porter  sa  soumission. 

L'armée  qui  prit  terre  à  Tarifa  avec  le  souverain  mérinide  fut 
si  nombreuse  qu'elle  occupa  tout  le  terrain  qui  sdpare  cette  ville 
d'Algeciras.  Quand  le  débarquement  eut  lieu,  le  sultan  Ibn-el- 
Ahmer-Mohaimne^-el-Fakih ,  fils  d'Abou-Debbous*Mohammed- 
es-Cheikh  et  seigneur  de  Grenade,  accourut  auprès  du  sultan 
Abou-Youçof|  ainsi  que  le  raïs  Abou>Mohammed-lbn-Chékt- 


«  Quelques  lignes  plus  loin,  dans  le  texte  arabe,  oa  trouvera  le  pas- 
sage dont  ce  paragraphe  est  la  reproduction. 

«  Voy.  t.  II,  p.  320. 

*  A  la  place  de  WUj  U  ,  le  traducteur  lit  U^âaj^  «^  U. 


DYNASTIE  MÊRINIDI.-— ABOC-TOCÇOP-TACOUB-IBN-ABD-BL*HACK.    79 

lola,  seigneur  de  Malaga,  et  son  frère,  Âbou-Ishac,  seigneur  de 
Guadix.  Tous  ces  princes  témoignèrent  au  sultan  mérinide  une 
soumission  sans  bornes  et  une  joie  extrême  de  le  voir.  Abon* 
Youçof  s'entretint  pendant  quelque  temps  avec  les  deux  frères 
au  sujet  de  la  guerre  sainte  et  les  renvoya  aussitôt  après  dans 
leurs  étals  respectifs,  mais  il  reçut  Ibn-el-Ahmer  avec  tant  de 
froideur  que  celui-ci  en  fut  blessé  et  repartit  pour  Grenade. 

Après  cette  entrevue,  le  sultan  mérinide  poussa  en  avant  jnt- 
qu'à  El-Fronlèra,  et  son  fils,  l'émir  Abou-Yacoub|  aoqiiel  il 
avait  confié  un  détachement  de  cinq  mille  hommes,  alla  porter  le 
ravage  dans  les  plaines  et  les  vallées  [du  territoire  chrétien].  Le 
jeune  prince  passa  auprès  d'Almodovar,  de  Badxa  et  d'Ubeda,  en 
détruisant  les  moissons,  abattant  lat  arbres,  saccageant  les  mai- 
sons, balayant  les  troupeaux»  toant  *  les  hommes  qui  avaient  pris 
les  armes,  et  enlevant  les  femmes  et  les  enfants.  Il  emporta 
d'assaul  le  fort  de  Belma  {Huelma),  dévasta  tous  les  châteaux 
qui  se  trouvaient  sur  son  passage  et  revint  sur  ses  pas,  tratnant 
à  sa  suite  une  foule  de  captifs.  Il  venait  de  passer  la  nuit  auprès 
d'Ëcija,  ville  sur  les  confins  de  l'ennemi,  quand  il  apprit  que  le 
grand  chef.  Don  Nufio,  avait  rassemblé  toute  la  population  cbré<- 
tienne,  jusqu'aux  vieillards  et  aux  enfants,  et  quil  s'était  mis  k 
la  poursuite  des  musulmans  afin  de  leur  arracher  les  prisonniers 
et  les  dépouilles. 

Le  sultan  envoya  le  butin  en  avant,  précédé  de  mille  cavaliers^ 
et  il  le  suivit  avec  le  reste  de  l'armée.  Voyant  enfin  parattre 
derrière  lui  les  étendards  de  Tennemi,  il  mit  ses  troupes  en  or- 
dre de  bataille  et  parcourut  les  rangs  de  ses  guerriers  en  les 
encourageant  par  le  souvenir  de  leurs  anciennes  victoires.  Les 
Zenata  montrèrent  alorscelte  bravoure  qui  les  avait  tant  illus- 
trés autrefois  ;  et,  dans  ce  combat  pour  la  cause  du  Seigneur  et 
de  la  religion,  ils  déployèrent  la  valeur  par  laquelle  ils  s'étaient 
déjà  signalés  dans  des  batailles  sans  nombre.  Peu  de  temps  leur 
suffit  pour  remporter  une  nouvelle  victoire  et  procurer  à  la  cause 


<  Il  faut  lire  J^jJù^  dans  le  texte  arabe. 


80  lUSTOIRB     DES    BBIBfiRES. 

de  Dieu  ua  nouveau  sujet  de  triomphe.  Les  bandes  chrétiennes 
furent  mises  en  pleine  déroute  ;  leur  chef,  Don  Nuno,  fut  tué 
avec  une  foule  d'autres  infidèles,  et  une  prompte  fuite  put  seule 
soustraire  les  débris  de  cette  armée  aux  glaives  qui  moisson* 
naient  ses  rangs.  Après  la  bataille,  on  compta  le  nooibre  de 
morts  et  on  trouva  que  six  mille  chrétiens  avaient  succombé  ; 
quant  aux  musulmans,  une  trentaine  seulement  lurent  asser 
heureux  d'obtenir  le  martyr*.  Ce  fut  ainsi  que  Dieu  favorisa  les 
sieaSt  qu'il  exalta  sa  religion  et  qu'il  apprit  aux  chrétiens  ce  que 
peut  faire  une  troupe  de  guerriers  qui  combat  pour  sa  religion 
et  pour  la  parole  divine. 

L'émir  des  musulmans,  Âbou-Youçof  ^  envoya  la  tète  de  Don 
Nuno  à  Ibn^eUAhmer  qui,  dit*on,  la  rendit  secrètement  aux 
chrétiens,  après  l'avoir  fait  embaumer.  En  agissant  ainsi,  Il  céda 
aux  mouvementâ  de  l'amitié  qu'il  leur  portait,  au  désir  de  con* 
server  leur  bonne  opinion  et  a  la  haine  qu'il  éprouvait  pour 
l'Emir  des  musulmans^  sentiments  dont  les  indices  se  montré* 
rent  très^dairement  dans  la  suite,  ainsi  que  nous  aurons  l'oc* 
casioa  d'en  faire  la  remarque. 

Vers  le  milieu  de  Rebift  [premier]  de  la  même  année  (commen- 
cement de  septembre  4275),  Âbou-Youçof  revint  k  Algeciras; 
et,  après  s'être  conformé  aui  préceptes  du  Coran  et  à  l'exemple 
du  prophète,  en  prélevant,  au  nom  du  trésor  public  et  pour  sub- 
venir aux  frais  de  la  guerre,  le  quint  du  butin,  des  prisonniers 
et  des  bétes  de  somme,  il  en  distribua  le  reste  h  ses  troupes 
On  assure  que,  dans  cette  expédition,  les  musulmans  prirent 
cent  vingt^quatre  mille  bœufs,  quatorze  mille  six  cents  bétes  de 
somme  et  sept  mille  huit  cent  trente  captifs.  Quant  aux  mou- 
tons, le  nombre  en  fut  trop  grand  pour  être  compté  ;  mais  on 
raconte  que  dans  la  ville  d'Algeciras,  ils  se  vendaient  à  un  di- 
rhem  (60  centimes)  chacun.  Il  en  était  de  même  à  l'égard  des 
armes  dont  on  avait  rapporté  une  quantité  immense. 


*  Selon  les  historiens  chrétiens,  l'armée  du  sultan  était  beaucoup 
plus  forte  que  celle  de  Don  Nuno  de  L$«ra  et  avait  fait  des  pertes  très- 
considérables. 


BTNASTIK  MÊBlNtD£. —  iBOt-YOUÇOF-YACOrB-IBN-ABD-BL-nACK.    81 

L'émir  des  musulmans  passa  quelques  jours  dans  Algeciras^ 
et  a'élant  remis  en  campagne,  au  mois  de  Djomada  [premier] 
(oct.-nov.  {275),  il  marcha  sur  Séville  dont  il  ravagea  tous  les 
environs  S  ensuite,  il  alla  dévaster  le  territoire  de  Xérès  et,  do 
là,  il  revint  k  Algcciras,  après  une  absence  de  deux  mois. 

Voulant  alors  posséder,  sur  le  bord  de  la  mer  et  auprès  du 
port;  uoe  ville  où  il  pourrait  installer  ses  troupes  et  les  tenir 
isolées,  de  manière  à  garantir  les  habitants  du  pays  contre  leurs 
videoces  et  teors  exactions,  il  choisit  nn  emplaoement  dans  le 
voisinage  d'Algeciras  et  donna  l'ordre  d'y  élever  les  bAtiments 
nécessaires.  Cette  nouvelle  ville  fut  construite  scxus  la  direciion 
d'un  homme  auquel  il  pouvait  se  fier,  et  elle  reçut  le  nom  d'£/- 
Binya  {l^édifioe). 

Dans  le  mois  de  Rcdjeb  674  (déc.^janv.  4%75*6),  Abou- 
Youçof  rentra  en  Maghreb,  après  une  absence  de  six  mois,  et 
s'arrêta  quelque  temps  à  Casr-Masmouda.  Il  donna  alors  l'or- 
dre è  Ibrahtm-lbn-Eïça,  diefdeU  famille  Ousnaf-Ibn-Mabfou, 
d'élever  uîie  muraille  autour  do  Badis,  port  dé  mer  et  de  pas- 
sage situé  dans  le  pays  des  Ghomara.  Arrivé  dans  Fez,  au  mois 
de  Ghâban(janv.-fév.),  ils'oocupa  des  afialres  du  royaume,  de 
la  soumission  de  quelques  révoltés  et  de  la  construction  d'une 
ville  où  il  pourrait  s'établir  avec  sa  cour  et  toute  sa  maison. 


""TOimATION   DE    LA   TlLLE-nSOTB   (bL-BEXB^-BL^DJBDÎd),    PBfeS  BB   FBX. 

[dRSTBUCTION    PUIALE   bu   PikRTI   ALKOHAM.]     «—    tVÉKBHCNTS 

niTBB8« 

Quand  l'émir  Abou- Youçof  eut  combattu  les  infidèles  et  ob- 
tenu de  Dieu  la  faveur  d'avoir  donné  à  l'islaaiisme  un  nouveaa 
sujet  de  triomphe  et  d'avoir  relevé  par  les  armes  la  puissance 
des  musulmans  espagnols,  il  rentra  en  Maghreb  pour  goûter  en- 


*  L'expression  l^^^^^  ifi^  ,  employée  dans  le  texte  arabe,  est  tiiéd 
du  Coran^  sour.  47,  vers,  6. 

T.  IV.  € 


-82  mSTOIRB    DES     BBRBÈEE». 

oere  un  bonheur  en  apprenant  le  sacccs  des  troupes  comman- 
dées par  ses  officiers  et  l'extinction  dos  foyers  de  sédition  qui 
menaçaient  la  sûreté  de  son  royaume.  Cette  nouvelle  grâce  éiaii 
•di|^ne  de  oelle  qui  venait  de  lui  être  accordée  et  elle  servait  Ji 
couronner  les  bontés  dont  le  Seigneur  l'avait  comblé. 

Après  la  prise  de  Maroc ,  les  derniers  restes  de  la  famille 
•d'Abd-el-Moumen  s'étaient  jetés  dans  la  montagne  de  Tiamelel, 
premier  siège  de  leur  puissance ,  berceau  de  leur  secte ,  cî- 
fnetière  de  leurs  khalifes ,  capitale  de  leurs  aïeux ,  demeure 
de  leur  imam  et  temple  de  leur  Hehdi.  Cette  localité  avait  tou- 
jours été  pour  eux  un  lieu  saint  et,  chaque  fois  quSls  voulaient 
entreprendre  une  expédition  militaire,  ils  allaient  visiter  le  tom- 
beau de  rimam,  dansTespoir  d'adirer  perses  mérites  une  béné* 
diction  sur  leur  tentative  et  d'assurer  le  succès  de  leurs  armes. 
Ils  regardaient  même  ce  pèlerinage  comme  un  de  leurs  plus 
saints  devoirs. 

Tous  les  Almobades  qui  avaient  pu  échapper  aux  coups  des 
-Mérinides  se  réfugièrent  dans  cet  asile  et  proclamèrent  souve- 
rain un  descendant  d'Abd-el-Moumen  nommé  Ishac.  En  Tan 
669(4270-4),  ils  prêtèrent  le  serment  de  fidélité  h  leur  nouveau 
khalife,  qui  était  frère  d'Omar-el-Morteda.  Bien  que  la  nomind- 
iioD  de  ce  prince  eût  lieu  sous  les  auspices  les  plus  défavorables, 
ses  partisans  nourrissaient  l'espoir  de  prendre  leur  revanche  et 
de  relever  l'empire  ahnohade.  Le  vizir  Ihn-Altouch  fut  le  prin- 
cipal meneur  de  cette  tentative  désespérée.  ^ 

La  première  chose  que  fit  Mohammed-Ibn-Ali-lbn-MohalIi, 
après  avoir  été  installé  dans  le  gouvernement  de  Maroc  par  le 
sultan  Abou-Youçof ,  fut  de  tourner  ses  armes  contre  les  Almo- 
bades insoumis  et  de  travaillera  leur  enlever  les  partisans  qu'ils 
conservaient  encore.  En  l'an  674  (4  2'/ 5) ,  il  fut  assailli,  à  l'im- 
proviste,  par  les  Almohades,  mais  il  les  repoussa  de  manière  à 
refroidir  leur  ardeur  tout-à-fait  ;  puis,  dans  le  mois  de  Rebiâ 
(  oct. }  de  la  même  année,  il  pénétra  dans  leurs  montagnes  et, 
après  un  long  siège,  il  emporta  d'assaut  leur  forteresse  qui,  jus* 
qu'alors,  n'avait  jamais  succombé.  Ibn-Attouch  mourut  les 
armes  à  la  main,  mais  leur  fantûme  de  khalife  fut  fait  prisonnier, 


DtlfASTU  XÉBllfIDB. —  ABOU-YOUÇOF-TACOCB-lBIf-ABD-BL-VACIC.    83 

«vec  son  cousin,  Abou-Satd,  fils  d'Âbou-'r-Bebîft,  et  les  parti- 
sans qui  lui  restaient  encore.  Tous  ces  malheureux  eurent  la  tète 
coupée  en  dehors  de  la  porte  [de  Maroc] ,  nopimée  Bab-es-CheriA, 
et  leurs  cadavres  furent  attachés  à  des  poteaux.  Le  secrétaire 
Ei-Cabaïli  et  ses  fils  se  trouvèrent  dans  le  nombre  des  sup-^ 
plîciés. 

Les  troupes  mérinides  jMrtèrent  la  dévastation  par  toute  la 
montagne  de  Ttnmelel  ;  elles  ouvriront  même  les  tombeaux  des 
khalifes,  descendants  d^Abd-el-Moumen,  et  en  retirèrent  les  corps 
de  Touçof  et  de  son  fils  Yacoub^el-Maifôour,  afin  de  les  dé(»» 
piter.  Cette  profanation  eut  pour  auteur  Abou-Ati-el-MHtani  ■ 
<|iii,  après  sa  révolte  k  Hiitana,  s'était  réfugié  i  la  conr  du  sultan 
Abou-Yooçof  et  avait  olUenu  de  ce  prince  la  sonveraineté  de  la 
viHe  d'Aghmat.  Il  prit  part  à  cette  expédition  et,  pour  se  venger 
d'avoir  été  chassé  de  Miltana  par  les  Alniohades-Hafsides,  il 
erat  ne  pouvoir  mieux  fair«  que  de  violer  les  tombeaux  de  ces 
khalifes  et  de  mutiler  leurs  cadavres.  Le  sultan  fut  scanda- 
lisé démette  action,  mais  il  ferma  les  yeux  dessus  par  la  consi- 
dération qu'El-Miltani  était  son  hftte.  Il  affecta  même  de  traiter 
la  chose  comme  une  de  ces  extravagances  auxquelles  son  protégé 
l'avait  habitué. 

Bentré  dans  sa  capitale,  après  avoir  fait  sa  première  expédia 
dition  en  Espagne,  le  sultan  apprit  presque  simultanément  la 
défaite  des  Alin<>hade8  et  la  destruction  de  la  famille  d'Abd-el- 
Houmen.  Ces  nouvelles  le  comblèrent  de  joie  et  lui  inspirèrent 
une  profonde  reconnaissance  envers  le  Seigneur. 

Quand  la  révolte  fut  étouffée  et  le  Maghreb  pacifié,  Abou* 
Yottçof  vit  sa  puissance  consolidée,  sa  domination  étendue  sur 
toutes  les  parties  de  ce  pays,  son  royaume  agrandi  et  le  nombre 
de  sa  suite  et  de  ses  visiteurs  considérablement  augmenté.  Il 
jugea  donc  nécessaire  de  bâtir  une  ville  pour  servir  de  résidence 
h  lui-même,  aux  gens  de  sa  maison  et  aux  grands  ofBciers  qui 
soutenaient  la  dignité  du  trône  et  le  poids  de  l'administration. 
Par  ses  ordres,  on  commença  la  construction  A^El-Beled'-el- 

»  Voy.  t.  m,  p.  316. 


84  HISTOIBE     »iâ    BBRBtRBS. 

Ljjédid  (la  viUeneuve),  immédidleittenli  k  eôté  dd  Fez,  ol  auprès 
do  la  rivière  qui  traverse  celte  capitale.  On  eo  posa  les  premières 
pierres,  le  SCboual»  674  (22  mars  4276),  et  on  y  employa  une 
foule  d'artisans  e4  d'ouvriers*  Le  sultan  avait  même  fait  venir  des 
devins  et  des  astrologues  afin  de  commencer  la  fondation  de  sa  ' 
ville  dans  un  moment  où  les  planètes  oiïriraient  un  aspect  pro- 
pice <  Parmi  oes  hommes ,  on  remarqua  deux  grands  mattres 
fimamsj  dans  la  science  astrologique  :  Abou-el-«Haoefi»lbn*el-* 
Gattan  et  Aboti*Abd-Àliah4bn*eUHabbak.  La  ville,  construite  sur 
un  plan  dressé  par  le  sultan  tui-oiémei  lui  plat  beaucoup  et,  en 
l'an  674,  elle  devint  la  résidence  de  la  famille  royale.  Où  y  avait 
élevé  de  grandes  maisons  et  d'autres  habitations,  ainsi  que  des 
palais  traversés  par  des  courants  d'eau  ;  aussi ,  -nous  ofFre- 
t->eUe  le  saonument  le  plus  grand  et  le  plus  durable  de  la  dynastie 
mérihidè% 

Ce  travail  achevé*  lesultaafit  aussi  tôt  commencer  la  eonstruc^ 
tion  d'une  citadelle  dans  la  ville.de  Méquinet. 

Au  moment  où  il  traversait  )e  détroit  pour  rentrer  en  Maghreb , 
Talha-lbiHHôhalU  s'était  mis  en  révolte  et  était  allé  joindre  les 
Zenata  du  mont  Axouer,  tribus  incorporées  dans  la  population 
sanhadjienne  [de  l'Atlas].  Pour  étouffer  ce  mouvement,  il  partit 
sur  le  champ  afin  de  cerner  la  montagne  et,  au  bout<i'un  mois,  il 
obtint  la  soumission  de  Talha  moyennant  une  amnistie  et  une 
haute  position  à  ta  cour.  Il  donna  ensiitte  le  tftre  de  vizir  à  son 
oiieat»  Feth-^AIIah-es^d^ati)  et  lui  accorda  le  traitement  ordî^ 
nairede  cet  emploi. 

Qaelque  temps  après,  il  envoya  à  Yaghmoraoen  l'équivalent 
du  cadeaQ  qu'il  avait  reçu  de  cet  émir ,  au  moment  de  partir 
pour  l'Espagne  ;  ses  occupations  pendant  la  dernière  campagne 
no  hii  ayant  pas  permis  de  répondre  plus  tôt  à  cette  m^irqne  de 
coasidératîon^  L^ofFrande  qu'il  fil  présenter  à  l'émir  Abd«el- 
Ouadile  se  composa  d'une  tente  magnifique  de  fabrique  maro^ 
caine,  plu^urs  mors  de  cheval,  les  uns  dorés,  les  autres  argen- 
tés^  trente  mules  et  mulets  très-actifs ,  les  uns  portant  des 
selles  à  la  persanoe  pour  hommes ,  les  autres  portant  des 
selles  de  femmes,   plusieurs  ballots   de  cuirs  apprêtés  de  la 


DYUaSTIB  hAmiiiidi. — abou*touçof-tacoiib-ibn-abd-xl-hack.  86 

maniera  diie  drcassienne,  et  one  quanlité  de  ces  autres  objets 
préoieaz  que  les  souverains  de  l'Afrique  recherchent  ë  Tenvi  et 
qu'ils  sont  fiers  déposséder.  En  Tan  675  (4276-7)!,  Mohammed-' 
lbn*AbdH»l«Gaouï,  ëmir  des  Beni-Toudjtn  e(  seigneur  du  Ooan- 
çhertoh,  envoya  au  sultan  quatre  chevaux,  les  plus  beaux  qu'il 
put  trouver  dans  tout  le  Maghreb  [central].  Ce  cadeau,  bien 
que  composé  d'un  petit  nombre  d^objets.  ne  manqua  pas  de  faire 
grand  plaisir. 

Pendant  ce  dernier  temps,  Abou-Youçof  organisait  «ne 
expédition  contre  les  chrétiens  et,  h  la  suite  de  ses  préparatifs, 
il  mil  en  mouvement  les  populations  de  toutes  les  provinces  du 
Maghreb. 


SfiCONPB   SXHOITION   DE    l'SV»   DBS   mSULflUNS   BK   BSPAGIIB. 


L'Émir  des  musulmans  étant  rentré  de  sa  première  expédiw 
tion  en  Espagne,  dompta  les  insurgée  du  Maghreb,  et  rétablit 
Tordre  dans  les  frontières  de  ce  pays.  Ayant  alors  envoyé  d^w 
cadeaux  aux  princes  qui  {régnaient  sur  les  pays  voisins]  et  fopdé 
la  Ville^Neuve  pour  iuj  servir  de  résidence,  il  se  rendit  k  Maroc, 
vers  le  commencement  de  Tan  675  '(juin-juillet,  1276],  afin  de 
pourvoir  à  la  sûreté  des  pr.ovinees  [qui  entourent  cette  capitale] 
et  de  prendre  les  mesures  nécessaires  pour  en  assurer  la  soumis* 
sion.  Il  passa  ensuite  dans  le  Sous,  pays  dont  il  fit  visiter 
toutes  les  parties  par  un  corps  de  troupes  sous  les  ordres  de  son 
viiir  Feth'^AIlaa. 

Ayant  alors  repris  le  chemin  de  sa  capitale,  il  somma  toutes 
les  tribus  du  Ma^rebde  lui  fournir  descontingents  pour  la  guerre 
sainte.  Comme  leur  empressement  ne  répondit  pas  à  ses  désirs, 
il  renouvela  Tappeletse  rendit  a  Ribat-el-Feth,  pour  en  attendre 
le  résultat,  mais  il  s'impatienta  bientôt  de  lenr  lenteur  et  partit 
avec  sa  suite  pour  CBsr-el-Medjaz.  Quand  ces  contingents  furent 

*  C'est  à  tort  qac  le  texte  arabt?,  tant  des  roanoscrits  qtie  de  Tim^ 
primé,  porte  la  date  de  676. 


M  mSTOlM     DB8     BKtKfiRKS. 

enfin  arrivés,  il  traversa  le  détroit  et  débarqua  a  Tarifa  vers  ht 
fin  de  Moharem  [676]  (juin-juillet,  1277).  Delà  il  marcha  sur 
Ronda,  en  passant  par  Algésiras,  et,  dans  la  première  de  ces 
villes  il  trouva  les  deux  frères  Abou-lshae-Ibn*Chektloula,  sei- 
gneur de  Gomarès,  et  Abou-Bfobammed,  seigneur  de  Malaga, 

qui  étaient  venus  pour  le  seconder  dans  cette  expédition. 

Au  jour  anniversaire  de  la  naissance  du  Prophète  (40  du  pre- 
mier Rebift  —  44  août  4  277) ,  Varmée  combinée  campa  sovs  les 
murs  de  Séville,  forteresse  dans  laquelle  le  roi  de  Galice,  fils 
d'Alphonse  *  ,  s^élait  enfermé  pour  éviter  une  bataille  rangée. 
L'émir  Abou-Touçof  ayant  reconnu  que  Pennemi  opérait  une 
sortie  afin  de  protéger  les  habitants  de  la  ville  ,  mit  son 
armée  en  ordre  de  bataille,  plaça  son  fils,  Témir  Abou-Ya- 
coub,  à  la  tête  de  Pavant-garde  et  se  porta  en  avant.  Par  cette 
attaque  il  fit  reculer  les  chrétiens,  et  les  ayant  poursuivi 
jusqu'à  la  rivière,  il  les  força  à  rentrer  dans  la  ville.  Pendant 
toute  la  nuit,  la  cavalerie  musulmane  parcourut  les  environs  de 
Séville  il  la  lueur  des  incendies  qu'elle  avait  allumés.  Au  lende- 
main, le  sultan  passa  dans  l'Axarafe  '  et  s'y  tint  campé  avec  son 
armée  jusqu'à  ce  qu'il  eut  dévasté  et  ruiné  toutes  les^  parties  de 
cette  région  en  y  lançant  de  nombreux  détachements.  Après  avoir 
enlevé  d'assaut  te  Hisn-Galantana,te  Hisn-Djeltana  et  le  Hisn-eN 
Coléïa  '  ,  il  repartit  pour  Algéciras  où  il  fit  son  entrée  vers  la 
fin  du  même  mois  (fin  d'août  4277) ,  suivi  d'une  fdule  de  prison- 
niers et  d*un  butin  énorme^. 


<  C'est  Don  Alphonse  X,  roi  deCastille,  que  Tauteor  veut  désigner. 

*  L'Axarafe  de  Séville  est  un  vaste  côieau,  couvert  d'oliviers,  de 
figuiers  et  de  vignes.  Il  s'éteod  à  Toocident  de  cetie  ville  et  jusqu'aux 
environs  deNiebla. 

»  Peut-être  Alcala  de  Goadaira. 

*  Ceci  est  le  somoiaire  de  tout  on  chapitre  du  Carias,  Dans  ce 
dernier  ouvrage,  l'aoleur  ne  respecte  pas  toujours  la  vérité;  il  avait  à 
ménager  les  Beni-Merlo.  à  les  exalter,  à  les  flatter,  afin  de  se  faire  par- 
donner le  crime  d'avoir  composé  une  histoire  de  leur  dynastie.  L'on  sait 
qu'ils  avaieût  défendti  aux  auteurs  de  traHer  un  pareil  sujiet. 


DTKA&TIB  HÈMINIDB. — ABOC-TOtÇOF-TACOUB*lBN-lBD>SL-BACK.    8T 

Vers  le  milieu  du  mois  de  Rebià  second  (sepiembre) ,  quand  if 
eut  laissé  reposer  ses  troupes  et  partagé  les  dépouilles,  il  envahit  le 
territoire  de  Xérèset/pour  faire  goùler  aux  habitants  de  cette  leca* 
lité  toute  Tamertume  de  la  guerre»  il  abattit  leurs  arbres  et  brftla> 
leurs  maisons;  ravageant  ainsi  toute  cette  région  dont  il  mas- 
sacra une  partie  de  la  population  et  traîna  le  reste  en  esclavage. 
D'après  ses  ordres,  l'émir  Abou-Yacoub  partit  avec  un  détache- 
ment de  l'armée  afin  d  insuliet*  les  environs  de  Séville  et  leschâ*- 
teaux  situés  sur  la  rivière  [le  Guadalquivir].  Le  jeune  prince 
livra  au  pillage  les  forts  de  Hota  \  de  Chelooca,  de  Ghallana  eti 
et  d'EI-Canater^,  ensuite  il  ravagea  la  banlieue  de  Séville  et  s'ea 
retourna  auprès  de  son  père.  Ils  rentrèrent  ensemble  à  Algéci- 
ras  pour  donner  du  re|K)s  à  leurs  guerriers  et  faire  le  partage 
du  butin  ;  puis^  ils  organisèrent  une  expédition  contre  Cordoue. 

Pour  exciter  l'ardeur  de  ses  troupes,  Abou-Youçof  leur  fit  un. 
tableau  séduisant  du  beau  pays  qu'elles  allaient  envahir  et  des 
richesses  dont  jouissaient  les  habitants  de  celte  région  favorisée. 
Voyant  que  toute  Tarmée  répondait  avec  joie  h  son  appel,  il  quitte- 
Algéciras,  vers  le  conimenoemeni  [du  second]  Djomada  (com- 
menoément  de  novembre  4277),  et  se  mil  en  marche,  après  avoir 
invité  Ibn-el-Ahmer  à  lui  amener  des  renforts.  Il  fil  la  rencontre 
de  ce  monarque  dans  le  voisinage  d'Archidona  et  l'accueillit  avec 
grandes  marques  d'honneur,  en  lui  exprimant  sa  vive  ^atisfac» 
tion  de  le  voir  si  empressé  à  combattre  les  infidèles.  Ils  mirent 
alorsle  siège  devant  le  Hisn-Beni-Bechir  et  l'ayant  pris  d'assaut, 
ils  passèrent  la  garnison  au  fil  de  l'épée,  réduisirent  les  femmes 
en  esclavage  et  mirent  l'édifice  en  ruines  après  avoir  enlevé  tous 
les  trésors  qu'il  renfermait.  Abou-Youçof  envoya  alors  plusieurs 
détachements  dans  les  plaines  voisines  afin  d'y  porter  Te  ravage 
et  de  faire  du  butin.  L'armée  s'enrichit  promptement  de  cette 


^Variantes  :  Ourla^  Zouta. 

*  Ce  dernier  nom  signifie  ies  ponts  y  les  arcades,  —  Le  tradncteur  ne 
trouve  pas  ici,  è  Alger,  les  moyens  de  fixer  la  position  et  de  recon- 
naître les  noms  modernes  des  châteaux  andalousieos  donlF  il  est 
mention  dans  ce  chapitre. 


98  mSTOlRI    DES    BEUftRES. 

façon  et  coDliniia  sa  marche  jusqu'à  Cordoue  en  fouillant  les  vil- 
lages etlesl)9l>itations  qui  se  trouvaient  sur  son  passage.  Quand 
elle  arriva  devant  cette  ville,  dont  la  garnison  se  tenait  à  l'abri, 
derrière  les  remparts,  le  sultan  fit  dévaster  les  fermes  et  les  vil- 
lages des  contrées  voisines  par  de  nombreux  détachements.  Le 
ehâleau  de  Berkouna  fut  emporté  de  vive  forée;  Ârjona  subit  en- 
suite le  même  sort,  et  une  troupe  envoyée  du  c6té  de  Jaen  fil 
souffrir  à  cette  ville  un  châtiment  semblalileàceluido  Gordoue. 

Le  roi  chrétien  évita  toujours  do  risquer  une  bataille  et  laissa 
dévaster  ses  provinces  ;  puis,  ayant  acquis  la  certitude  que  tout 
son  pays  allait  éiro  ruiné,  il  sollicita  une  suspension  d'armes. 
L'Émir  des  musulmans  profita  de  cette  occasion  pour  témoigner 
ses  égards  à  Ibn-el-Ahmer  d'avoir  assisté  à  la  guerre  sainte,  et 
lui  fit  parvenir  cette  demande  en  Tautorisant  d'y  faire  telle  ré- 
ponse qu'il  jugerait  convenable.  Le  sultan  espagnol  se  décida 
pour  la  paix,  avec  l'approbation  de  son  allié  auquel  il  démontra 
les  grands  avantages  qui  devaient  en  résulter  aux  habitants  de 
l'Andalousie  qui,  du  reste,  la  désiraient  depuis  longtemps. 

Après  h  ratification  du  traité,  l'Émir  des  musulmans  évacua 
K3  territoire  chrétien  et  se  dirigea  vers  Algéciras.  En  passant  par 
Grenade,  route  qu'il  avait  choisie  afin  de  faire  honneur  à  Ibu-el- 
Ahmcr,  il  hii  présenta  tout  le  butin  enlevé  pendant  cette  campa- 
gne. Il  fil  son  entrée  à  Algéciras  le  1*'  Redjeb  de  la  même  année 
(98  novembre  1 277]  et,  quand  il  eut  fait  reposer  ses  troupes,  il  alla 
mettre  des  garnisons  dans  ses  forteresses  et  prendre  possession 
de  Malaga. 

IBN-CBEKILOLA    CÈDE    LA    VILLE    DE    OALIGA    AG    SULTAN    HÉRINIUE. 

Les  fils  de  Ghekîlola*  ,  rivaux  d'Ibn-el-Ahmer.  appartenaient 
à  une  famille  tellement  puissante  que  les  musulmans  espagnols 

Le  mot  Echekilola  ou  Chékilola  paraît  être  une  aUéralion  du  sobri- 
quet e&fiagnol  Ckica  Lola(lapelUe  Lolotte,  la  pelUe  Dotores).  L'aïeat 
l><>tarnel  de  eci  i^inccd  cUiil  probabletiieot  luic  enclave  clu'élienao. 


DYNASTIE    1IÊE1»1]>E.^-*AB(HI--YOI]ÇOF-YACOIJII-1BN-ABD-BL*BACK.    89 

Pi^vaifiiit  oru  assez  forte  pour  les  protéger  contre  les  chrétiens. 
Ils  se  nommaient  Abou-Mohamaied*Abd-Allah  el  Aboii*-Isbac- 
IbraMm.  Lear  père,  [Aii-}lbii-Cbektlola ,  portait  te  snrnom 
d'Abou-'l^Haoen.  Aboa*-Mohammed  ëpoosa  la  fille  d'[lbo-el- 
Abmer  le  Cheikh]j  etaequil,  ainsi  que  son  frère*,  les  bonnes  grâces 
àùGQ  souverain  el  partagea  avec  loi  le  pouvoir  suprême.  A  IMns- 
tar  de  leur  père,  les  deux  Chekîlola  soutinrent  franchement  le 
soUafi  de  Grenade  dans  ses  guerres  contre  Ibn-Houd  et  les  autres 
chefs  qui  aspiraientà  Pempire;  mais  ce  prince,  quand  il  eut  affermi 
son  trône,  leur  enleva  tonte ',l*autori té  el  les  réduisit  au  rang  de 
simples  visirs«  Son  gendre,  Abou-Mohammed,  reçut  alors  le 
gouvernemeoi  deâlalaga  et  de  la  Gbarbiâ  ;  son  beau-frère,  Abon- 
^1-Hacen,  obtînt  celui  de  Guadix,  et  Abou-Ishac-lbrahtm,  fils 
d'Aboii-'l-Bacen,  fut  sommé  gouvernear  de  Comarès.  Bien  que 
ces  chefs  fussent  très<>mécontents  de  la  conduite  du  sultan  h  leur 
égard,  ils  se  tinrent  tranquilles,  sans  chercher  à  lui  nuire;  mais, 
après  sa  mort,  événement  qui  eut  lien  en  674  (4272-3) ,  ils  for- 
mèrent le  projet  d'enlever  le  pouvoir  k  son  fils  et  successeur, 
Mohammed^eUFaktb. 

[L'aanée  suivante,]  le  sultan  Abou-Youçof  était  h  faire  le  siège 
de  Tanger  quand  il  reçut  la  visite  d'AbDu-Sa}d[-Feredj] ,  fils  du 
seigneur  de  Halaga,  qui  vint  avec  Abou-Abd-Allah*lbn-Acdértl* 
pour  lui  communiquer  un  message  de  la  part  de  son  père  Abou- 
Mobammed.  Il  accueillit  ces  envoyés  avec  de  grands  témoignages 
d'égard  et  les  congédia  en  leur  faisant  des  promesses  magni- 
fiques. 

En  l'an  673  (f274-&),  à  la  suite  de  cette  ambassade,  Abou- 
Mobammed  fit  porter  an  souverain  mérintde  une  déclaration 
d'obéissance  signée  par  lui-même  et  par  les  habitants  de  Malaga  ; 
et,  en  retour,  il  reçut  un  brevet  qui  le  confirmait  dans  son  gou- 
vernement. Abou-Saîd-Feredj ,   fils  d'Abou-Mohammed,   passa 


*  Son  frère,  Abon-Iâhac,  avait  aussi  épousé  une  fille  du  mémo  snl 
tan.  Voy.  ci-devant,  page  78. 

'  Yar»ute  :  Aidril. 


90  HISTOIU    DES     BEtiftKBS. 

dans  le   pays   de  chrétiens,  mais  il  revint  avant  l'expiratîo» 
d'une  année  et  fut  tué  à  Malaga. 

En  674,  Abou--Youçof  étant  débarqué  en  Espagne  pour  la  pre- 
mière fois,  rencontra  Âbou-Mohammed  è  Algéciras  avec  Ibn-el* 
Ahmer  et,  après  les  avoir  consultés  au  sujet  de  la  guerre  sainte, 
il  les  renvoya  dans  leurs  états.  En  676  (4  277) ,  lors  de  sa  seconde 
expédition  en  ce  pays,  il  trouva  Abou-Mohammed,  seigneur  de 
Malaga,  et  Abou*Ishac,  seigneur  de  Guadix  et  de  Gomarès, 
qui  Tattendaient  k  Algéciras.  Ces  chefs  le  suivirent  h  la  guerre 
sainte.  A  leur  retour,    Abou -Mohammed  tomba  malade  et,  au 
commencement  du  mois  de  Djomada  de  cette  année  (oct'-nov.)  il 
cessa  de  vivre.  Quand  le  Ramadan  (février)  fut  passé,  son  fils 
Mohammed  alla  trouver  le  sultan  Abou-Youçof  qui  se  reposait  à 
Algéciras,  après  son  expédition,  et  le  pria  d'accepter  sa  dé- 
mission et  de  prendre  possession  de  Malaga.  Abou-Ztan-Mendft 
fut  nommé  par  son  père,  le  sultan,  au  commandement  de  cette 
ville  et  partit  avec  un  détachement  de  troupes  pour  s'y  installer. 

Avant  de  se  rendre  auprès  du  sultan,  Mohommed,  filsd'Abou- 
Mohammed ,  avait  donné  Tordre  h  son  cousin,  Mohammed-eU 
Azrac,  fils  d'Abou*-l-Haddjadj-Youçof-lbn-ez-Zerca,  de  faire 
apprêter  plusieurs  chambres  dans  la  citadelle  pour  la  réception 
du  sultan;  ce  qui  fut  exécuté  dans  Tespace  de  trois  jours.  L'émir 
Abou-Ztan,  étant  arrivé  sous  les  murs  de  la  ville,  y  fit  dresser 
ses  tentes,  pendant  qu'une  troupe  de  Mérinides,  conduite  par 
Mohammed-Ibn  -  Amran  -Ibn  -  Abla ,  allait  occuper  la  citadelle. 

De  celte  manière,  les  Mérinides  devinrent  maîtres  de  Malaga, 
ville  dont  le  sultan  espagnol  avait  espéré  obtenir  possession  lors 
de  la  mortd'Abou-Hohammed-Ibn-Chektlola,  surtout  en  pensant 
que  son  neveu  s'y  prêterait  volontiers.  Quand  cet  espoir  fut 
déçu,  son  vizir  Abou-SoUan-Âztz,  natff  de  Dénia,  se  rendit  au 
camp  d'Abou-Ztan,  en  dehors  de  Malaga,  et  pria  cet  émir  de 
remettre  la  ville  au  souverain  de  Grenade.  Le  prince  s'y  refusa 
avec  beaucoup  de  hauteur  et,  trois  jours  avant  la  fin  du  Rama- 
dan, il  fit  son  entrée  dans  la  place.  Abou-Soltan  s'en  retourna 
après  avoir  fait  une  démarche  inutile*  . 

«  Littéralement  :  il  en  revint  avec  les  boUeé  A  Honein,  —  En  Irac, 


DTNASTIB  MtUniDl» —  ÀBOIHTOOÇOV^YAGOUB-lBN-Atflh^L-HACK.   91 

AaoommeooemeDi  du  mois  suivant,  le  saltan  Âboa*YoaçoC 
àortit  d'Âlgéch-as  et,  six  jours  après,  il  arriva  aux  environs  de 
Malaga.  Les  habitants  furent  tellement  heureux  de  passer  sous 
son  autorité,  qu'ils  ornèrent  les  façades  de  leurs  maisons  et  sor- 
tirent en  foule  pour  le  recevoir.  U  y  resta  jusqu'à  la  fin  deTarroée 
et,  en  partant,  il  y  installa  une  garnison  sous  les  ordres  du  nou- 
veau gouverneur,  Omar^Ibn*Yabya--Ibn-Moballj,  client  et  pro- 
tégé de  la  famille  royale  des  Beni-Mertn.  Il  plaça  auprès  de  cet 
oflRcier  on  corp»  de  guerriers  mérinides  commandé  par  Ztan-Ibn* 
Abi-Âïad,  auquel  il  recommanda  de  traiter  Mohammed-Ibn- 
Chektiola  avec  de  grands  égards. 

En  Tan  677  {i  278-  9) ,  il  rentra  en  Maghreb  après  avoir  exalté 
en  Espagne  le  drapeau  de  sa  souveraineté  et  soutenu  la  cause  de 
l'islamisme.  Tout  le  monde  fut  rempli  de  joie  eu  apprenant  son 
arrivée  et  tous  les  cœurs  ressentirent  la  plus  haute  admiration 
devant  les  faveurs  dont  le  Seigneur  l'avaient  comblé.  Ces  grftces 
excitèrent,  néanmoins,  la  jalousie  d'Ibn-el-Ahmer  et  amenèrent 
une  rupture  entre  les  deux  sultans. 


dans  la  ville  de  Blra,  demearait  uu  cordonnier  nomoié  Hooetn.  Un 
arabe  bédouin,  monté  sur  on  chameau,  vînt  lui  acbeier  une  paire  de 
bottes.  L*on  ne  s'accorda  pas  sar  le  prix.  Ton  se  dit  de  gros  mots,  et 
l'arabe  finit  par  s'en  aller.  Donein  voului  alors  jouer  un  tour  à  celte 
mauvaise  pratique  :  il  prit  les  deux  bottes,  sortit  de  la  ville  et  en  dé- 
posa Qoe  sur  la  route  que  Tarabe  devait  prendre  pour  se  rendre  au 
douar.  A  une  lieue  plus  loin,  il  jeta  l'autre  par  terre  et  se- cacha. 
L'arabe  partit  le  soir,  monté  sur  son  cLameao,  et  vît  ooe  botte  sur  le 
sable.  Par  Dieu  1  s'écria-t-it,  voilà  une  des  botles  d'Hooeio;  siTautrey 
était  aussi,  je  descendrais  pour  la  ramasser.  Il  continua  sa  route  et 
trouva  Taulre  botte  :  Ah  I  dit-it.  j'ai  bien  eu  tort  de  ne  pas  prendre 
raoïre  botte!  j'aurais  maintenant  U  paiie.  Après  avoir  réfléchi  un 
instant,  il  fit  agenouiller  son  cbamean  et,  pour  ne  pas  le  fatign?r, 
il  le  laissa  là  et  s'en  fut  chorcber  la  botte  qu'il  avait  vue  d'abord.  Bo- 
nein  profita  de  son  absence  pour  voler  le  chameau.  Le  bédouin 
rentra  chez  loi  avec  une  paire  de  bottes  de  plus  et  on  chameau  de 
moins . 


9%  BISTOIIS    DXS   mBftRBS. 

ttlf-*BL«ABMBR  COIlTaACTK  UIIB  ALLUlfCt  ATBC  LB  ROI  CHBÉTIBH  ^ 
BT  YAGmOBACBR,  B'AGCOB»  AYBC  BTZ,  KNTBATB  £BS  OPBBATIOBff 
D'aBOO  TOUÇOF  POCB  L^BHPtOlBB  Ml  QDITTBB  LB  MAGSBBB.  "^ 
OBFAITB  IB   TAGHBIOBACBII  A  KHABZOCZA. 

Quand  l'Émir  des  musulmans/ Abou«'You(of,  pas» en  Espagne 
pour  ia  première  fois,  il  eut  une  rencontre  aveo  les  chrétien» 
auprès  d*Ecija,  ei,  dans  ce  conflit  qui  coûia  la  vie  k  Don  Nuno,  il 
remporta  une  victoire  sans  égale  et  une  gloire  inunorteUe.  Ibn*- 
el-Âhmer  fut  bien  loin  de  s'attendre  h  un  pareil  succès  et  com- 
mença à  craindre  le  vainqueur:  ne  pouvant  pas  oublier  comment 
Youço{-Ibn-Tacbefin  et  les  Almoravides  avaient  traité  Ibn-Abbad, 
sultan  deTAndalousie'.  Ses  aprébensions  augmentèrent  davan-* 
tage  quand  il  s'aperçut  que  les  fils  doChekîlola  et  plusiàjars  autres 
chefs  étaient  disposés  à  reconnaître  Pautoriié  du  souverain  mé- 
rioide.  Le  bon  accord  qui  avait  régné  entre  les  deux  sultans  fut 
tellement  troublé  par  ctit  esprit  de  méfiance  qu'à  Tépoque  ou 
Abou-Youçof  revint  en  Espagne  pour  la  seconde  fois,  Ibn-el- 
Ahmer  s'abstint  d'aller  le  voir.  ^ 

Une  correspondance  poétique,  conçue  en  forme  de  remon- 
trances et  dans  laquelle  les  secrétaires  qui  l'avaient  rédigée  par- 
laient au  nom  de  leurs  maîtres,  s'établit  alors  entre  les  deux 
cours.  Nous  allons  indiquer  ici  le»  pièces  dont  elle  se  composa. 
La  première  est  un  poème  adressé  par  le  sultan  Ibn-el-Ahmer  k 
l'émir  Abou-Youçof,  en  l'an  674  (1275-6),  h  l'époque  où  celui- 
ci  se  disposait  à  rentrer  en  Maghreb  après  la  défaite  des  chré- 
tiens et  la  mort  de  Don  Nuno.  Ce  morceau  eut  pour  auteur 
Abou-Omar-lbn-el-Morabet,  secrétaire  du  Sultan  de  Grenade. 
Ecrit  SOUS  Tiniluence  de  la  crainte  que  l'ennemi  inspirait  encore 
et  composé  dans  Tespoir  d'amener  un  rapprochement  entre  les 
deux  souverains,  il  fut,  rétilé  devant  Abou-Youçof  dans  une 


■  ■     ■  ■     m'mm-f^^rmnntrvm 


*  Voy.  t.  II,  p.  SO.  -^  Pour  rhisloire  des  Abbadides,  il  faut  surtout 
consulter  la  riche  coilectico  de  docomenls  arabes  que  M.  Dozy  a  pu- 
bliée en  1852,  sous  le  litre   de  Scripiorum  arabum  loci  de  Abbadidis, 


K 


DTIf  AftTIB  ■£RIN1DB . —  ABOU^Y OUÇOF-TACOUB-IBIV-ABD-BL-  HAGK .    93 

soirée,  peadanl  son  séjour  à  Algéctras.  Nous  la  reprodaisous 
ici  : 

Parmi  ceux  qui  vont  au  Tehama  ou  dans  le  Nedjd^ ,  y  a^^t-it 
un  ami  qui  veut  seconder  [mon]  amour  ? 

ramonr  [m^]appetle!  qui  [m']aidera  à  [lui]  répondre  et  à 
[me]  tourner  vers  lui?  qui  [me]  soutiendra? 

Voici  le  sentier  du  salut  clairement  tracé;  y  a-t*t/  en  Bs^ 
pagne  ou  en  Afrique  un  homme  disposé  à  suivre  la  honme  voie  ? 

Un  homme  qui  désire  le  bonheur  étemel  *  dans  le  jardin  dU 
Parodié  et  qui  craigne  de  voyager  vers  la  Géhenne  embrasée  ? 

0  toi  qui  désires  remporter  sur  l'ennemi  une  glorieuse  vio- 
toire,  réponde  à  la  voix  directrice  ;  tu  y  trouveras  la  force 
et  le  bonheur, 

Marche  avec  espoir  et  d^un  pas  rapide  vers  le  salut  ;  être 
iien  dirigé,  e'eêt  le  salut  pour  celui  qui  se  laisse  guider, 

0  toi  qui  dis  :  A  demaio  jé  me  tournerai  vers  Dieu,  sans 
aveir  reçu  la  certitude  que  tu  vivras  jusqu'à  demain^ 

Ne  te  laisse  pas  égarer  par  l'oubli  de  la  mort  ;  si  le  moment 
d'acquitter  cette  dette  n'est  pas  encore  arrivé ^  il  est  bien  près 
de  Pure  1 

Tu  as  devant  toi  un  long  voyage^  quinese  fait  pas  deux  foie; 
Commence  tes  préparatifs. 

Ife  sais-tu  pas  que  teut  voyageur  a  besoin  de  provisions  ? 
fais  donc  les  tiennes. 

Voici  la  guerre  sainte,  première  des  (mtvres  pies  I  fais-en 
taprovisionj  afin  que  U  voyage  soit  heureiÀX. 

Voici  le  bivac  dans  le  pays  de  P Andalousie;  pars  de  là,  re- 
vienS'^y,  pour  plaire  à  Dieu  t 

*  Pour  les  aa^ieDB  poètes  de  i*  Arsl>ie,  le  Nedj,  pays  de  hautes  col* 
Hoes,  et  le  Tehama,  basses  terres  du  côté  de  la  mer,  semblaieat  être  le 
monde  eoUer.  Yonlaient-ils  désfgoer  la  totalité  de  la  Dation  arabe,  ils 
disaient  teux  qui  montent  dons  h  Nedjd  et  ceux  qui  descendent  dans  le 
Tehama.  Ponr  exprimer  1»  même  idée,  ils  emptoyaient  les  mots  : 
raîhoun  oua  ghadoun,  c'est-à-dire  ceu9  qui  arrivent  et  ceux  qui  s'en 
Vùnt. 

*  Lisez  iWJt  dans  le  texte  arabe. 


94  HISTOIRE     DBS     BBRBfcHBS. 

Le9  péchés  ùnt  noirci  ton  visage;  fais  en  sorte  de  paraître 
blanc  dans  la  présence  du  Seigneur. 

Bffàee  tes  fautes  par  des  larmes;  c'est  par  des  larmes 
qu^on  efface  les  fautes  volontaires. 

Qui  veut  renoncer  au  péché  pour  se  tourner  vers  le  Seigneur? 
gui  veut  imiter  V exemple  du  Prophète?  qui  veut  trouver  la 
bonne  voie? 

Qui  veut  purifier  son  âme  par  la  ferme  résolution  de  sou- 
tenir la  religion  de  Mahomet  ? 

Pourras-tu  admirer  les  villes  du  pays  de  P ennemi,  tant  que 
Dieu  n'y  sera  pas  adoré  ? 

Mépriseras-tu  les  pays  des  musulmans  ?  subiras^tu  les  tn- 
sultes  des  trinitaires^  oppresseurs  de  ceux  qui  croient  au  Dieu 
unique  ? 

Que  ]de  mosquées  dans  cette  terre  qui  ont  été  converties  en 
églises  /  meurs^en  de  douleur!  n^y  sois  pas  insensible! 

[Ici,  dans  les  manuscrits,  se  troave  une  lacune  de  deux  vers.] 

On  voit  le  prêtre  et  la  cloche  sur  le  haut  du  minaret  ;  le  vin 
et  le  porc  au  milieu  de  la  mosquée! 

Hélas  I  on  n'y  entend  plus  les  prières  des  gens  pieux  qui  se 
baissent  j  qui  se  relèvent  et  qui  se  prosternent. 

On  voit  à  leur  place  une  foule  de  réprouvés ^  pleins  d'arro^ 
gance,  qui  jamais  de  leur  vie  n'ont  fait  profession  de  la 
vraie  foi. 

Chez  eux,  combien  de  captifs^  hommes  et  femmes^  qui  dé- 
sirent la  liberté  sans  pouvoir  se  faire  racheter  ! 

Que  de  jeunes  filles  appartenant  à  notre  peuple  * ,  qui 
vivent  enchaHiées  chez  eux  et  qui  voudraiefU  être  dans  la 
tombe  ! 

Que  d'enfants  que  leurs  parents  regrettent  d'avoir  mis  au 
monde! 

Que  d'hommes  dévots ,  liés  avec  des  chaînes ^  qui  pleurent 
le  sort  de  leurs  voisins  chargés  de  fers  ! 


*  A  la  place  dejjtMt^il  faulsubstiluerj^&À* 


MHASTII  ■tRINlDI.--*ABO0-TOi;COF-TACOUB-IBll-ABDHtL*flACK.    95 

Que  de  tnartyrs  auxquels  la  pointe  de  la  lance  et  la  lame 
de  l'épée  ont  départi  la  mort  sur  le  champ  de  bataille  I 

Les  anges  du  ciel  gémissent  de  leur  état^  et  les  hommes  à 
^œur  de  roche  compatissent  à  leurs  maux. 

Frères!  vos  eceurs  ne  se  fendent^ils  pas  de  douleur  en  n/ms 
voyant  décimés  par  la  mort  et  par  l* apostasie  ? 

Ne  penserex-vous  pas  aux  liens  d'amitié ^  d'affectiùn  et  de 
-sang  qui  vous  unissent  à  nous  ? 

Est-ce  ainsi  que  les  chrétiens  secourent  leurs  frères  ?  eux 
dont  les  glaives  vengeurs  ne  dorment  jamais  dans  les  four- 
reaux. 

Hélas  I  la  fierté  de  l'islamisme  s^est  éteinte  y  fierté  si  ardente 
autrefois  I 

Où  sont  vos  fermes  résolutions^  qu'elles  ne  s'accomplissent 
pas  ?  Le  glaive  peut^il  couper  à  moins  d*étre  dégainé  ? 

Enfants  de  Merîn!  vous  êtes  nos  voisins  ;  c'est  de  vous  les 
premiers  qtÂe  nous  devons  implorer  secours» 

La  guerre  sainte  vous  est  prescrite  comme  un  devoir  ;  hâlez^ 
vous  de  la  faire,  afin  d'accomplir  l'obligation  la  plus  essen^ 
tielle,  la  plus  rigoureuse. 

Choisissez  entre  les  deux  bonnes  choses  [la  victoire  et  le 
martyre]  ;  que  Dieu  devienne  votre  débiteur  et  recevez  [de  lut\ 
les  belies  vierges  [du  Paradis] . 

Voici  les  portes  de  ce  jardin  qui  s'ouvrent  ;  regardez  les 
houris  assises  qui  vous  attendent. 

Qui  veut  se  vendre  au  Seigneur  ?  qui  veut  acheter  de  lui  la 
la  félicité  étemelle  ? 

Dieti  a  promis  de  soutenir  la  vrai  religion  ;  sa  promesse  est 
sûre^  hdtez-en  l'accomplissement. 

Voici  nos  frontières  qui  se  plaignent  à  vous  de  votre  [oubli], 
comme  les  pauvres  se  plaignent  aux  riches  qui  vivent  dans 
Vopulence. 

Pourquoi,  dans  ce  pays,  les  musiUmans  sont-ils  divisés  ^  pen-- 
danfque  les  infidèles  vivent  dans  une  union  parfaite? 

[Ici,  dans  los  manuscrits,  se  trouve  une  seconde  lacune  de  deux 
lignes.] 


96  IQSTOIBB     DBS     BBlBËUtS. 

Vatit  é(es  Us  troupes  *  d^  Dieu,  [assez  nombreuses]  pour  rem- 
plirVunivetSi  et  if ous  gémissez  sur  U  sort  de  la  rtHgùm 
admirable  et  uMquel 

Comment  pourrez^vous ^  demain^  vous  justifier  auprès  de 
notre  Prophète  ^  vous  fui  n^avez  pas  encore  préparé  votre 
excwe  ? 

Que  répondrez^ous,  s'il  voi^  dit  :  «  Pourquoi  avez-^vous 
»  négligé  mon  peuple?  pourquoi  Vavez-vous  abandonné  à  lu 
»  perversité  de  l'ennemi  *?  » 

J'en  jure  par  Dieu  qtie,  même  sans  avoir  une  punition  à 
craindre,  ta  honte  qu'on  éprouverait  devant  le  Prophète  serait 
[un  chdtùnent]  suffisant  ! 

Frères  !  invoquez  sur  lui  la  bénédiction  divine  et  demandez 
son  intercession  au  jour  du  jugement , 

Travaillez  àsoutenir  sareligion,  et  y  lors  de  la  résurrection  ^il 
votM  abreuvera  des  eauœ  les  plus  douces  du  lac  céleste. 

La  réponse  à  cette  pièce  fut  composée  par  Abd-el-Aitz,  poèto 
du  sdtao  Abou-Youçof  ;  aous  eo  donnons  ici  le  texte  : 

Nous  voici  I  nous  voici  !  ne  crains  pas  l'ennemi  pervers  ! 
etc.  3 

Malek-^Ibn-Morahhel  répondit  aussi  à  la  mémo  pièœ  par  le 
poëme  suivant  : 

Que  Dieu  en  soit  témoin^et  toi,  6  terre!  porte  témoignage!  etc. 

Pour  répondre  à  ces  deux  derniers  poèmes ,  Ibn-eUMornbet 
composa  celui-ci  .- 

Dis  aux  tyrans  et  aux  ennemis  jaloux^  etc. 

En  Pan  676(1277-8),  quand  Abou-Youçof  passa  en  Espagne 
pour  la  seconde  fois,  Ibn-eUAhmer  désira  se  raccommoder  avec 
lui  ;  aussi,  le  jour  où  ils  se  rencontrèrent,  ibn-Morabet  récita  au 
solUain  mérittide  le  poôme  que  nous  reproduisons  ici  : 


*  Pour  ga^6*-  lisez  {fiyts 

*  Pour  3«X#a3  lisez  ^Sjiii 

>  Pour  4IU4JJ  lisez  «^J, 
reste  de  cette  pièce. 


DimASTR  ■tRmiDK. — AB0IJ*T0(;Ç0F-TAC0UB«1BN-ABD-EL-HACK.    97 

BoniMnouoêlUpour  les  partisans^  de  Dieu  el  pour  la  foi  I  etc. 

La  séance  terminée,  AboQ-Tooçof  ordanna  à  son  poète  Abd« 
«1-Asti  décomposer  une  réponse  à  celte  pièce  et,  dans  une  seconde 
réunion,  'A  la  Gl  réciter  devant  Ibn-ei-Abiner.  En  voici  le  texte  : 

Aujourd'hui,  sois  dans  la  joie  et  dans  la  sécurité^  etc. 

Après  la  mort  d'Abou-Mohammed-Ibn-Cbéktlola,  le  sultan 
Aboa-Yonçof  se  rendit  niaitrede  Malaga  et  de  la  Gharbïa,  acqui* 
aitions  dont  il  appréciait  haateihent  l'importance  ;  mais  Ibn*el-* 
Ahoier  en  éprouva  tant  d'inquiétude  et  do  mécontentement  qu'il 
^M)ntracta  une  alliance  avec  le  roi  chrétien.  Par  ce  nouveau  traité, 
les  denx  souverains  s'engagèrent  k  combiner  leurs  efforts  afin 
d'expulser  le  sultan  Abou-Yottçof  de  r  Andalousie,  etlbn-eUAhmer 
M  vit  ramené  à  la  position  sobordoocée  que  son  père  avait  oc* 
x^upéo  comme  allié  des  chrétiens.  Il  croyait  cependant  garantir 
ainsi  son  autorité  <«t  s'ossurar  no  appni  que,  saoe  cela,  il 
n'aurait  pas  pu  espérer  en  sa  qualité  de  musulman.  Le  roi  chré- 
lien  profita  de  cette  occasion  pour  rompre  la  trêve  qui  subsistait 
entre  lui  et  Aboa- Yooçof  et  pour  donner  l'ordre  h  sa  flotte  d'aller 
bloquer  la  garnison  mérinide  qni  se  trouvait  dans  Algéciras.  Peu* 
dant  que  les  navires  des  chrétiens  se  tenaient  mouillés  dans  le 
Détroit  pour  couper  les  communications  entre  ces  troupes  et  le 
territoire  africain,  le  govvernenr  mérinide  de  Malaga,  Omar-Ibn- 
Yehya^Ibo^Hobalii,  abandonna  le  parti  deses compatriotes. 

LesBeni-Mohalli,  une  des  principales  familles  de  la  tribu  des 
Botouïa,  avaient  été  confédérés  et  alliés  de  la  famille  [mérinide] 
de  Hammama-lbn-Mohammed,  depuis  l'époque  où  celle-ci  vint 
s'établir  «Q  Maghreb.  Abou*Melak-Abd-el-Back  épousa  Omm-el- 
Yomen  (mère  de  la  félicité),  fille  do  Mohalli,  et  ce  fut  d'elle  que 
naquit  Abou-Youçof-Yacou&'lbn-Abd-el-Hack.  Femme  d'une 
grande  piété,  elle  fit  le  pèlerinage  do  la  Mecque  en  l'an  643  [i  245-6) 
et  revint  en  Maghreb  l'an  647.  Cinq  années  plus  tard,  elle  partit 
pour  rOrient  une  seconde  fois,  et  fit  un  pèlerinage  de  suréroga- 
tioo  ;  puis,  ayant  repris  la  route  de  son  pc  fs,  elle  mourut  au 


»  Pour  <T>^  lisez  «-^-^ 


T.  IV. 


98  HISTOIRE    DBS    BBBtltRBS. 

Caire,  Tannée  suivante.  Tous  les  parents  de  celte  ferame  joiïis^ 
saient  d'une  haute  faveur  auprès  du  sultan  Abou^Youçof,  tant  à 
cause  de  TalfinUé  qui  existait  entre  euiL  et  lui  que  delà  grande  in^ 
fluence  qu'ils  exerçaient  dans  leur  tribu.  Aussi,  quand  ce  mo-^ 
narque  eut  effectué  la  conquête  du  Maroc,  capitale  desAImohades, 
ii  confia  le  gouvernement  de  cette  ville  et  de  toutes  les  provinces 
qui  en  dépendent  à  Hohammed~lbn-Ali,  petit-fils  de  Mohalli.  Ce 
fonctionnaire  administra  avec  une  rare  habilité,  depuis  l'an  668 
(1 269)  jusqu'à  1  an  687  (4288-9).  Il  mourut  sous  le  règne  du  sultan 
Youçof-lbn-Yacoub. 

En  l'an  676  (4277-8),  quand  Moharamed-ibn-Chéktlola  se  ren- 
dit ii  AlgéciraSy  après  la  mort  de  son  père,  le  raïs  Abou-Moham- 
med,  et  livra  au  sultan  la  principauté  de  Malaga,  ce  monarque, 
avant  de  rentrer  en  Maghreb,  fit  choix  d'Omar,  fils  de  Yahya  et 
petit-fils  de  Mohalli,  pour  gouverner  sa  nouvelle  acquisition  ainsi 
que  toutes  les  places  fortes  étions  les  districts  de  la  Gharbïa. 

Talha-'Ibn-Yahya ,  frère  d'Omar  et  homme  d'un  caractère 
hardi,  résolu  et  hautain,  profita  de  sa  parenté  avec  le  sultan  pour 
obtenir  sur  lui  un  grand  ascendant.  Ce  fut  de  sa  main  que  mou- 
rut Yacoub-lbn-Abd-Allah-Ibn-Abd-eUHack\  àGhabouIa,  en 
l'an  668  (1269-70).  Quatre  années  plus  tard ,  il  aida-Peth- 
Allah-es-Sedrali,  client  et  vizir^du  sultan,  à  combattre,  sur  le 
Kodia-t-cI-Araïch,  auprès  de  Fez ,  le  gouverneur  du  Maghreb, 
Abou-'l-Ala-lbn-Abi-Taiha.lbn-Abi-Coreich,EnTan674(4275-6), 
il  se  révolta  lui-même  et  passa  dans  le  Monl-Azouer,  au  moment 
où  le  sullan  rentrait  de  sa  première  expédition  en  Espagne. 
Gracié  bientôt  après,  et  admis  do  nouveau  dans  la  société  intime 
du  sultan,  il  oublia  ces  faveurs  en  Tan  676,  se  rendit  d'Algéciras 
a  Grenade  et  se  fit  ensuite  transporter  dans  le  Rtf.  Ceci  eut  lieu 
vers  l'époque  où  le  suUan  rentrait  de  son  voyage  h  Malaga.  Du 
Rîf,  il  passa  dans  le  pays  du  Sud  et,  après  avoir  vécu  quelque 
temps  au  milieu  des  Beni-Toudjtn,  il  repartit  pour  l'Espagne, 


<  Voy.  p  48  de  ce  volume.  —  Dans  le  lextc  onbe,  il  faul  insérer  les 
mois  (jjj  M  *XAfi  après  le  mot  t->i  " 


DYUaSTIB  ■fiRlNIDI.-*-Am)U-YOV)ÇOF-T:iCOini-IBN-ABD-IL*HACK.    9^ 

l'an  677  (4S78-9),  aa  moment  où  le  suUan  Âboa-Youçof  allait 
faire  la  guerre  à  Ibn-el-Ahmer  et  an  roi  chrétien. 

La  flotte  chrétienDe  avait  déjà  pris  position  dans  le  Détroit 
po«ir  empêcher  les  troupes  mérinides  en  Espagne  de  commuai-* 
quer  avec  l'Afrique,  quand  Omar,  le  gouverneur  de  Malaga , 
cuBiprîi  que  l'équipée  de  son  frère  l'exposerait  lui-même  à 
la  colère  du  sultan  Abou- Youçof  et,  pour  éviter  ce  danger,  il  se 
mit  en  relation  avec  Ibn-el-Ahmer,  qui  venait  de  rentrer  à  Gre- 
nade, et  consentit  à  kii  céder  la  ville  de  Malaga  en  échange  de 
Salobrena  et  d'AImunecar.  Cette  négociation  fut  entamée  et  cou- 
dnite  par  Talha,  sur  les  instances  du  sultan  espagnol.  Quand  les 
troupes  de  Grenade  parurent  devant  Malaga,  Omar  6t  arrêter 
Ztans-Ibn-Abi-ETad,  commandant  de  la  garnison  mérinide,  ainsi 
que  Mohammed  lbn*Chékflola,  et  remit  alors  la  ville  à  Ibn-^- 
Ahmer.  Ce  prince  y  fit  son  entrée  vers  la  fin  du  Ramadan  de  Tani 
(677  —  février  4279).  Omar-lbn-Mohalli  alla  s'installer  dans 
Salobreiia  et  y  transporta,  avec  ses  trésors,  tout  l'argent  et  tout 
le  matériel  militaire  qu'Abou-Touçof  loi  avait  confién. 

Ibn-el*Ahmer  et  le  roi  chrétien  se  donnèrent  alors  la  main 
pour  empêcher  le  sultan  mérinide  de  rentrer  en  Espagne  et, 
s'étantj'adressés  h  Yaghmoraoeo,  seigneur  de  Tlenncen,  ils  le  dé» 
cidèrent  à  rompre  avec  Aboo-Youçof  et  h  lui  créer  des  embarras 
en  faisant  des  courses  dans  le  territoire  du  Maghreb.  Par  ce 
moyes,  ib  espérèrent  empêcher  les  Mérinides  de  passer  en  Es* 
pagne  pour  y  faire  la  guerre  sainte.  Les  trois  princes  se  firent 
réciproquement  de  riches  cadeaux  :  Yaghmoracen  envoya  k 
Ibn-el-Ahmer trente  chevaux  de  race  avec  une  quantité  d'étoffîifs 
de  laine,  etcosnilaB  lui  expédia  dix  mille  pièces  d'or,  comme 
équivalent  de  ce  don.  Le  chef  Abd-el-Ouadile,  ne  voulant  pas 
accepter  de  Targeni  en  retour  d'un  cadeau,  chargea  Ibn-Me- 
rouan,  l'envoyé  grenadin,  de  rapporter  celte  somme  à  son 
maître. 

L'émir  Abou-Youçof  se  trouvait  à  Maroc  quand  on  vint  lui 
annoncer  l'alliance  des  trois  souverains  et  l'interruption  des  com- 
munications avec  l'Espagne.  Il  était  arrivé  dans  cette  ville  en 
Moharrcm  677  (mai-juin  1278),  bienlêt  après  son  retour  de  la 


400  mSTOIRB     DK3    BBRBftRM. 

goerre  sainte.  Sa  présence  y  était  devenue  nécessaire  b  cause  des 
brigandages  auxquels  les  Arabes-Djochem  de  la  provindo  ée 
Temsna  se  livraient  sur  les  grandes  routes.  H  venait  de  les  faire 
rentrer  dans  le  devoir  quand  il  apprît  la  trahison  d'Ibn-Mohallî 
à  Malaga  et  le  siège  d'Algécîras  par  le  roi  chrétien. 

Le  3  Cboual  (47  février,  i^l9) ,  il  se  ihit  en  route  pour  Tan- 
ger et,  en  passant  par  Tcunsna,  il  apprît  ^uo  l'ennemi  avait  com- 
plété rinveslissement  de  la  forteresse  espagnole  le  6  du  même 
mois,  «t  qu'il  devait  bientôt  la  prendre  parce  que  sa  flotte  la 
tenait  bloquée  depuis  le  mois  de  Bebiâ  (juillet-août  1^6). 
Comme  la  garnison  demandait  avec  instance  l'envoi  de  secoure, 
Abou-  Youçof  (it  ses  dispositions  pour  traverser  le  Détroit,  mais, 
en  ce  moment  même,  il  lui  arriva  encore  une  contrariété  :  Mas- 
oud«lbn-Kanoun  ,  émir  des  Djocbem^Sofyan  se  mit  en  révolte  à 
Nefts,  chez  les  Hasmouda,  le  5  Dou-'l-Càda  (24  mars  4279),  et 
rassembla  autour  de  lui  les  gens  de  sa  tribu  et  une  foule  d'autres 
guerriers.  A  cette  nouvelle,  il  partit  pour  combattre  le  rebelle, 
après  avoir  fait  prendre  les  devants  è  son  petit*iils,  Tacheftn^ 
Ibn-Abi-Malek,  et  è  son  vizir,  Yahya-lbn-flazem.  L'approche  de 
l'armée  mérinide  suffit  pour  disperser  les  insurgés,  qui  prirent 
la  fuite  en  abandonnant  leurs  tentes  et  leurs  bagages.  Une  frac* 
tion  des  Sofyan,  les  Hareth,  fut  complètement  dépouillée.  Masoud 
se  jeta  dans  la  montagne  de  Sekciouï  où  il  fut  bientôt  cerné  par 
les  troupes  du  sultan.  L'émir  Abou-Zian**Mendil  ,  qui  passa 
alors  dans  le  Sous  pour  y  rétablir  l'ordre ,  rejoignît  son  père, 
Abou-Toaçof,  vers  la  fin  de  l'année. 

.Algéciras  était  alors  sur  le  point  de  succomber,  et  les  faabi* 
tants,  découragés  par  la  longueur  du  siège,  l'acharnement  de 
l'ennemi  et  le  manquede  vivres,  avaient  (ué  [allaient  tuer]  leurs 
enfants  pour  les  sauver  do  l'esclavage.  Un  si  triste  état  de  choses 
exigea  un  prompt  remède  ;  aussi,  le  sultan  ordonna -t-il  à  son  fils, 
l'émir  Abou-Yacoub,  de  quitter  le  Maroc  et  d'aller  au  secours 
des  assiégés  pendant  que  la  Oottu  irait  attaquer  celle  de  l'ennemi. 


'  Dann  le  texte  arabe  il  faut  supprimer  le  root  ^^ 


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mrilASTIB   KfiRmiDC. ABOO-ltMrÇOr-TACobB-lBK-ÂBD-FL-nVcs/lOf  ' 

Arrivé  à  TaogBriUos  Id  mois  de  Sa(er  678  (juiQ-juiltct  4279), 
ee  prÎBoe  Ci  porter  à  toutes  les  villes  de  la  cAtc  l'ordre  d'équiper 
J^urs  Aâvires  pour  une  expédition  et  de  les  réunir  à  Ceota,  k 
Tanger  et  à  Salé.  Il  distribua  en  même  temrs  de  l'argent  aux 
troupes  et  Uor  remonta  tellement  le  moral,  qu'elles  se  décidèreni 
èr  eombaUre  jusqu'à  la  mori.  Le  légiste  Abou-Uatem^eUAtéfi,  sei- 
gneur de  Cauta,  déploya  le  plus  grand  zèle  à  remplir  les  ordres 
éa  aulian  et  il  embarqua  dans  la  flotte  tous  les  guerriers  de  sa 
ville,  juaqti'aux  jeunea  gens  et  aux  vieillards. 

BMI-^*Abmer  apprit  avec  douleur  la  position  des  musulmans 
mferviés  daoa  Algéciras  et  regretta  vivement  d'arotr  contribué  h 
leurs  malheara  par  aoo  alliance  avec  le  roi  ehrétien.  Pour  répa- 
rer sa  iaute,  il  rompit  le  traité  qui  Tattacbait  aux  infidèles  et  fit 
équiper  des  navires  dans  les  ports  d'AlmuQecar,  d' Alméria  et  de 
Malaga,  dans  le  but  de  secourir  le$  vrais  croyants, 

La  flotte  musulmane,  an  nombre  d'environ  soixanle*dix  béti- 
■lents  parfaitement  équipée ,  se  réunit  enfin  dans  le  port  de 
Geuta  et  s'étendit  ensuite  d'un  bord  du  détroit  jusqu'à  l'autre. 
L'émir  Àboa-Youçof  lui  confia  son  propre  drapeao  et,  le  SRebiA 
premier  (4  9  juillet  1279)  il  donna  Tordre  de  mettre  à  la  voile. 
Ces  navires  quittèrent  Tanger  et  abordèrent  à  Gibralfar,  la  veille 
d'un  jour  fortuné,  de  l'anniversaire  delà  naissance  du  Prophète 
40B«bîA  premier -«-24  juillet).  Au  lendemain,  tous  les  marins 
«adossèrent  la  enirassc  et  la  cotte  de  mailles }  puis,  ayant  écouté 
les  exbortationa  de  leurs  prédicateurs  et  fermé  la  résolution  de 
soutenir  bravement  la  cause  do  Dieu,  ils  entamèrent  le  combat  en 
poussant  leur  cri  de  guerre  :  El-Djinna  I  El4>jinna  I  {le  paradis  ! 
Uparadit  /  ).  Il  ne  leur  fallut  qu'un  instant  pour  joindre  la  flotte 
ennemie,  oonposée  de  quatre  cents  voiles,  pour  accabler  lescbré-» 
tiens  d'une  grêle  de  flèches,  les  mettre  en  déroute,  les  noyer,  les 
•abfer  et  prendre  leurs  navires.  Ensuite,  ils  forcèrent  l'entrée  du 
port  d' Algéciras  et  jetèrent  ainsi  une  grande  perturbation  parmi 
les  assiégeants.  Le  roi  chrétien,  n'osant  ])as  attendre  l'arrivée  de 
l'armée  commandée  par  l'émir  Abou-Yacoub  [fils  du  sultan], 
abandonna  ses  positions  et  leva  le  siège.  Les  femmes,  les  enfants 
et  la  garnison  de  la  ville  se  répandirent  au  dehors  et  ramassa* 


•  •  •   •   ^»   • 

•  I     •    •      •    • 


HUTOIU    DBS    BBHBfcUff.    * 

rent  une  telle  quantité  de  blé,  de  fruits  et  d'autres  vivres  laissas 
par  Tennemi,  que  les  marchés  de  la  ville  en  furent  parfaitement 
approvisionnés  pendant  plusieurs  jours,  jusqu'à  ce  que  les  lieux 
voisins  purent  y  envoyer  des  convois. 

L'émir  Abou-Yacoub  s'enopresaa  de  traverser  le  Détroit  et 
contribuer  par  sa  présence  à  Feffroi  des  inGdètes  ;  mais,  avant 
d'envahir  leur  pays,  il  résolut  de  châtier  Ibn-el^Ahmer.  Pour 
effectuer  son  projet  plus  facilement,  H  offrit  la  paix  au  roi  chré- 
tien el  lui  proposa  de  réunir  leurs  forces  et  de  mettre  le  siège 
devant  Grenade.  Le  roi,  intimidé  par  la  puissance  des  Mérinides 
et  très-coorroucé  contre  Ibn-el-Ahmer  d'avoir  secouru  la  vilh» 
d'Algéciras,  accepta  la  proposition  et  envoya  une  compagm'c 
d'évèques  au  camp  mérinide  pour  conclure  le  traité.  L'émir 
Abou-Youçof  fit  conduire  ces  personnages  auprès  de  son  père  le 
sultan,  qui  n'avait  pas  encore  quitté  le  Maghreb  ;  mais  ce  monar* 
que  désapprouva  complètement  le  projet  d'alliance,  disgracia 
son  fils  et  congédia  les  envoyés.  Abou-Yacoub  revint  en  Afri-^ 
que  avec  une  députation  composée  d'habitants  d'Algédras 
et  trouva  son  père  le  sultan  dans  la  province  de  Sous,  où 
il  l'avait  laissé. 

Abou-Zîan-Mendtl,  fils  d.' Abou-Youçof,  ayant  alors  reçu  de 
son  père  le  conunandement  des  troiipes  mérinides  en  Espagne^ 
s'établit  dans  Algéciras,  conclut  un  traité  de  paix  avec  le  roi 
chrétien,  et  entreprit  le  siège  de  M  arbella  *,  forteresse  appartenant 
à  Ibn-el-Ahmer.  Après  avoir  bloqué  celte  place  par  terre  et  par 
mer,  il  dut  renoncer  à  l'espoir  de  s'en  emparer  à  cause  de  la  ré-, 
sistance  qu'elle  lui  opposa.  Quand  il  fut  rentré  à  Algéciras,  les 
places  fortes  de  la  Gharbïa  s'empressèrent  de  reoonnattre  son 
autorité  afin  de  se  garantie  contre  le  roi  chrétien.  L'arrivée  des 
renforts  expédiés  du  Maghreb  lui  permit  alors  de  mettre  le 
«iége  devant  Ronda ,  et,  pendant  qu'il  faisait  tous  ses  efforts 
pour  réduire  cette  place,  I0  roi  chrétien,  soutenu  par  les  Ghékt- 


*  Telle  est  la  bonne  leçon.  Dans  l'édition  du  texte  arabe  il  fautsup< 
primer  la  première  ;par.tic  de.  la  nqle  (1}. 


DYHàSTIB  lift RIMIOB  . — ABOU-y OCÇOF^ YICOUB-IBN-ABD-BL*  H ACK .    4  03 

lola  et  par  Ibn^ed-Deltl,  envahit  le   territoire  musulman  afin 
d'attaquer  Ibn-el-Âhmer  dans  Grenade. 

Le  sultan  andalousien  comprit  aîors  la  nécessité  de  se  récon* 
cilier  avecles  Mérinides  et  invita  Témir  Abou-ZIan  à  une  confé- 
rence. Nous  parlerons,  plus  tard,  do  cette  entrevue  qui  eut  lieu 
dans  le  voisinage  de  Marbella. 

Le  sultan  Abou-Youçof  leva  enfin  le  camp  qu'il  avait  établi  au- 
pied  du.  Mont  Sekctona  et  alla  faire  quelques  courses  dans  le  Sous 
avant  de  rentrera  Maroc.  Il  attendit  dans  cette  ville  la  fin  de  lir 
guerre  contre  les  Berbères-,  et  partit  ensuite  pour  Fez,  d'où  il 
envoya  des  proclamations  dans  toutes  les  parties  de  son  empire 
afin  d'appeler  le  peuple  à  la  guerre  sainte.  Dans  le  mois  d& 
Redjeb678  (nov.-dée.  4279),  il  fit  son  entrée  dans  Tanger  et 
put  alors  juger  de  la  mauvaise  tournure  que  les  affaires  de  l'Es- 
pagne avaient  prise  depuis  son  départ  de  ce  pays.  Il  reconnut  que 
le  roi  chrétien  avait  obtenu  une  grande  supériorité  sur  Ibn-el- 
Ahmer  et  qu'il  visait  h  la  conquête  de  toute  la  péninsule. 

En  679  [4280-'4) ,  le  roi  chrétien  marcha  contre  Grenade  sur 
la  prière  d'Aboa-H«-Hacen*-Ibn*Abi-Ishac-Ibn-CbéktIola,  seigneur 
de  Guadix,  mais,  après  avoir  assiégé  cette  ville  pendant  quinze 
jours,  il  abandonna  Tentreprise.  Pendant  son  expédition  il  avait 
eu  pour  alliés  tous  les  princes  de  la  famille  Chéktiola,  rivaux 
déclarés  du  souverain  de  Grenade.  Dans  sa  retraite  il  eut  à  corn* 
battre  les  troupes  zenatiennes  au  service  d*Ibn-el-Ahmor.  Ce 
corps  de  guerriers,  voulant  soutenir  dignement  son  ancienne  ré- 
putation, se  mit  en  marche  ,  sous  les  ordres  de  Talha-lbn- 
Yahya-lbn-Mohallîet  deTachefîn*Ibn-Moti,  chef  des  T}rbtghtn«. 
Ils  atteignirent  Tennemi  auprès  du  château  de  Moclin  *  et  lui 
tuèrent  sept  cents  cavaliers.  Dans  cette  rencontre,  oii  Dieu  as- 
sura la  victoire  aux  musulmans,  Othman-lbn-Mohammed-Ibn** 
Abd-el-Hack,  prince  de  la  famille  des  Beni-Mérin,  remporta  la 
couronne  du  martyre. 


*  Variante:  riri^/Mn.  Voy.  ci- devant,  page  26. 

•  Moclin  :  les  hi.storiens  arubes  ce?  ivent  Bt-^MoihHn  (^^aXaI^ 


En  Tan  680  (1281-2)  ïc  roi  chrétieD  mit  le  siège  décent  G 
nade  à  la  prière  du  rais  Aboo-Mobaminod-Âbd-Allah[-ibii«Ché^ 
ktlola],  seigneur  de  Guadix,  et,  bien  qu'il  y  r^neneftl  au  boul  de 
quelques  jours,  il  n'ei»  conserva  pM  moins  une  grande  supério*' 
ri  lé  sur  les  musulmans  espagnols.  Le  suUan  Abou-Yonçof  fui 
pénétré  de  douleur  à  Ta^peci  de  leurs  malheurs,  el,  voulant  dé* 
livrer  Ibu-el-Ahmer  des  humtliaiions  dont  l'ennemi  l*abrenvait^ 
il  lui  fit  proposer  une  suspension  d'armes  et  an  traité  d'alliance.. 
Celte  offre  fut  repoussée  parce  que  le  sultan  mérinide  avait  de- 
mandé  avant  tout,  que  la  ville  de  Malaga  loi  fût  rendue. 

Abou  «Youçof  se  remit  alorsà  travailler  afin  d'apf^nir  les  obsta- 
cles qui  auraient  empécbé  une  nouvelle  expédition  contre  les* 
chrétiens.  Un  de  ses  plus  graves  embarras  fut  Tatlitode  peu 
rassurante  de  Yaghmoracen,  dont  il  avait  appris  d'une  manière 
eertainOi  les  liaisons  avec  Ibn^l-Ahmeret  le  neveu  d'Alphonse*. 
Le  chef  abd-el-ouadite  auquel  il  proposa  un  nouveau  traité  de 
paix,  dévoila  toul-è*fait  ses  intentions  hostiles  el  déolarft 
ouvertement  qu'étant  devenu  l'ami  des  Espagnols ,  tant  mu«^ 
sulmaus  qu'infidèles^  il  était  bien  résolu  h  envahir  le  Maghreb*. 
L'Émir  des  musulmans,  se  trouvant  ainsi  dans  Ifr  nécessité  de 
marcher  contre  lui,  rentra  a  Fez,  vers  la  fin  de  Choual  (  679  -— ^ 
février  1281),  après  avoir  passé  trois  mois  il  Tanger.  Voulant 
toutefois  se  ménager  un  prétexte  pour  commencerdes  hostilités,' 
il  envoya  un  ambassadeur  k  Tlemcen  avee  la  commission  de 
sommer  Yaghmoracen  à  faire  la  paix  avec  les  Beni-Toudjin, 
alliés  de  l'empire  mérinide,  et  à  retirer  ses  troupes  de  leur  pays«. 
Cette  demande  excita  au  plus  haoi  degré  l'indignation- du  prince 
abd-el-ouadite  el  le  confirma  dans  son  égarement. 

Vers  la  fin  de  l'an  679  (avril  4284  ) ,  k  suHan  expédia  de  Fee 
une  armée  sous  les  ordres  de  son  fils^  Abou-Yaooub,  et,  peu  de 


*  Le  texte  arabp  perle  le  fils  du  frère  d^Alphonse,  L'auteur  aurait  dû 
écrire  le  roi.  Les  historiens  arabes  rapportent  souvent  d'une  manière 
W-ès-inexacte  les  noms  des  rois  chrétiens. 


DIHASTIB  MBINiDB. ABaU*YOeÇ^-TàCQ0B*>iBN-ABD-BL-BACK.   40K 

temps  après,  il  alla  la  rejoindre  à  Téza.  Parvenu  au  Molouïai  il 
s'arrêta  pour  laisser  arriver  toutes  ses  troupes  et  ensuite  il  se 
rendit  à  la  Tafna  eu  passant  par  Mama.  Tagbmoracen  vînt  kit 
offrir  bataille  à  la  tête  desZenata  et  de  ses  alliés  arabes,  lesquels 
traînaient  après  eux  leurs  lentes  et  leurs  troupeaux.  Les  princi- 
paux chefs  des  deux  armées  se  mesurèrent  d*abord,  les  armes  à 
la  main;  ensuite,  les  soldats  montèrent  h  cheval  et  s'élancèrent 
au  eombat.  La  rewxuilre  «ut  Ueu  à  RharBouia,  dans  le  Melab- 
Tafna,  L'ftmir  des  musdmaM  avait  placé  la  oavalerie  de  sa 
garde  sur  une  des  ailes  de  Varmée^  et,  sur  l'autre,  les  escadrons 
ecosmaïKlés  par  so»  fils  Abou-YaoMib.  Le  conflit  se  prolongea  jus*- 
ija'att  soir,  mais,  au  momenl  où  l'os  atlaîl  se  livrer  au  repos, 
les  Beni*Alxi^l*Oaad  eoaimenoèreni  leur  retraite  en  abandon^ 
oanl  bagages,  bétes  de  somme^  armes  et  tentes.  Pendant  toute 
oeile  nuit,  les  trovpes d'Aboii-*Toaçof  restèrent  à  cheval  et, 
au  point  du  jour,  elles  se  mirent  à  la  poursuite  des  fuyards.  Tous 
les  trottpeeux  des  Arabes  nomades  tombèrent  au  pouvoir  des 
Hérioîdes.  Le  vainqueur  pénétra  dans  le  pays  de  Yaghmo- 
racen,  puis  dans  celui  des  Zenata,  et  rencontra  Mohammed-^bn-^ 
AbdHïUGaouï  le  toudjtnide  à  Bl*  Caçabat.  Aecompagné  par  ce  chef, 
il  porta  le  ravage  dans  le  territoire  abd>-el-ouadite  et,  Payant  en* 
suite  congédié  avec  les  troupes  toudjinides,  il  tint  la  ville  de 
Tiemcen  étroitement  bloquée  jusqu'il  ce  que  ses  alliés  fussent 
rentrés  dans  le  Ouancfaertoh,  région  où  la  vengeance  de  Yagh* 
moracen  n'était  plus  à  craindre.  H  décampa  alors  et  revint  à 
Fez  dans  le  mois  de  Ramadan  680  (déc.-jdnv.  4284-2). 

Au  commencement  de  l'année  suivante  (avril  4282),  il  se  ren- 
dit de  Pez  à  Maroc  d'où  il  envoya  son  fils,  Abou-Yacoub,  dans  le 
Sous,  afin  d'y  rétablir  l'ordre.  Il  était  encore  à  Maroc  quand  il 
reçut  un  message  du  roi  chrétien  qui»  obligé  maintenante  soute^ 
nir  une  lutte  contre  son  propre  fils  {DonSanche),  implorait  le 
secours  des  Mérînides.  Heureux  de  pouvoir  entretenir  la  dis- 
corde parmi  les  chrétiens  et  gratifier  en  même  temps  son  amour 
pour  la  guerre  sainte,  il  consentit  volontiers  h  secourir  son  an-^ 
cien  ennen^i  et  partit  sur  le  champ  afin  d'entrer  en  Espagne  le 
plus  tôt  possible. 


406  msTWfts  tan  iBtttÊiis: 


Boif  SANCiu    [Chandja]  si   RÉyoLn   coktkb  son  ptas,   lb   roi 

CHBATIBR.  —   SDR   LA   PRIBBB  DB   CBLUI-CI  ,    L^ÉIIIR    ABOU-TO€ÇOF 
PA8SB  BK   BSPAGHB   POUR   LA   TROISilUiB  FOIS. 


Après  son  expédUîon  coDtre  Tlemcen,  le  suliao  Abou-Yonçof 
revint  *  à  Fez  d'où  il  partit  pour  Maroc.  Pendant  son  séjour  dans 
cette  dernière  ville^  une  ambassade,  composée  de  patrices,  de 
grands  et  de  comtes  du  peuple  chrétien,  vint  lui  exposer  que 
Sanche,  fils  de  leur  souverain,  s'était  mis  en  révolte  et,  qu'ayant 
été  soutenu  par  une  partie  de  la  nation,  il  avait  vaincu  son  père. 
«  Notre  roi,  ajoutèrent-ils,  se  voit  donc  forcé  d'implorer  le  se* 
»  cours  de  votre  majesté  ;  étant  convaincu  qu'avec  l'aide  de 
»  l'Émir  des  musulmans,  il  doit  recouvrer  son  royaume,  i» 

Le  sultan  s'empressa  d'y  donner  son  consentement,  dans  l'es* 
poir  de  pouvoir  faire  tourner  à  son  propre  avantage  la  désunion 
qui  régnaitparmi  leschrétiens*et,  s'étant  rendu  àCasr*el-HedjaB, 
il  traversa  le  Détroit,  après  avoir  invité  ses  sujets  è  le  suivreet  à 
prendre  part  aux  mérites  de  la  guerre  sainte.  Débarqué  à  Aigé- 
ciras,  dans  le  mois  de  Rebiâ  second  684  (juillet-août  4283),  il^ 
réunit  les  garnisons  de  ses  forteresses  espagnoles  et  alla  se  poster 
h  Sakhra4*EYad  >•  Le  roi  chrétien  y  vint  le  trouver,  en  s'humi- 


*  Dans  le  texte  arabe  H  faut  remplacer  le  mot  j^^^par 

*  Dans  une  dépêche  officielle  adressée  par  le  sultan  Abou-Youçof  à 
Philippe-le-Hardt,  roi  de  France,  dépêche  qui  se  trouve  encore  dans  les 
archives  du  royaume,  le  monarque  africain  déclare  qu'en  prêtant  son 
appui  au  roi  Alphonse,  il  n*avail  agi  ni  par  aucune  vue  d'intérêt,  ni 
pour  agrandir  ses  états,  mais  uniquement  pour  soutenir  ce  prince  in- 
forloné.  Voy.  le  mémoire  composé  sur  ce  sujet  par  M.  de  Sacy  et 
inséré  dans  le  recueil  intUulé  :  Mémcnrés  de  V Académie  des  Inscriptions 
et  Belles^Lettres,  tome  ix. 

s  Variante  :  Sakhra-tr-Eibad.  Celte  forteresse  était  probablement 
située  dans  le  voisinage  de  Sévillc. 


]»THÀ8TIISi«IinDB.^-A10U*T0IIÇ0P-TlC0im-IiR-AllD^L-aÀ€K.    407 

liaol  devant  la  puissance  de  l'islamisme  el  en  mettani  tout  son 
espoir  dans  Pappni  dn  snltan.  Âbon^YonçoC  racoueillit  avec  les 
honnears  dos  à  ud  grand  souverain^  mit  à  sa  disposition  une 
somme  de  cent  mille  [pîàces  d'or}  qu'il  tira  du  trésor  publio,  et, 
pour  en  assurer  le  remboursemeot^'^il  reçut  en  gageais  oouroono 
du  roi,  la  même  couronne  qui  se  conserve  encore  dans  le  palais 
des  Mérinides  et  qui  forme  on  de  ces  titres^de  gloire  dont  la  pos- 
térité dn  sultan  est  justement  fière.  Accompagné  du  roi,  son  pro- 
tégé, le  sultan  mérinide  envahit  le  pays  de  l'ennemi  et  mit  le 
siège  devant  Gordoue,  ville  dans  laquelle  Sanche  s'était  enfermé 
avec  ses  partisans.  Après  avoir  attaqué  laTplace  pendant  quel- 
ques jours,  il  se  mit  k  en  parcourir  les  environs  et,  s'étant  ensuite 
dirigé  vers  Tolède,  il  en  dévasta  les  alentours.  De  le,  il  poussa 
en  avant  jusqu'au  château  de  Madjrtt  [Madrid)  sur  l'extrême 
frontière,  et,  dans  cette  course,  il  enleva  tant  de  butin  que  le 
camp  en  regorgea.  Dans  le  mois  de  Ghftban  (novembre)  de  la 
même  année  il  revint  à  Algéciras. 

Ibn-el-Ahmer  ayant  appris  qu'Omar-lbn-Moballi  avait  re- 
connu l'autorité  du  sultan  mérinide,  déclara  U  guerre  è  ce  chef 
et  loi  reprit  la  ville  d'Almunecar.  Au  commencement  de  cette 
année  (avriUmai) ,  il  le  tenait  assiégé  [dans  9abbrena],roais  il  dé- 
campa à  l'approche  d'une  Qotte  que  le  sultan  y  expédia  aussitôt 
qu'il  fut  rentré  à  Algéciras.  ibn-Hohalli  étant  alors  accouru  au- 
près de  son  sauveur,  lui  offrit  sa  soumission  avec  les  hommages 
du  peuple  de  Salobrena*  et,  en  récompense  de  cette  démarche, 
il  reçut  sa  confirmation  dans  le  gouvernement  de  la  >ille  ;  mais, 
oubliant  bientôt  la  grâce  qu'il  venait  de  recevoir,  il  se  déclara 
pour  Ibn-el-Ahmer  dans  le  mois  de  Choual  de  la  même  année 
(janvier  4283).  Cette  défection  lui  procura  encore  do  la  part  du 
sultan  espagnol,  le  gouvernent  d'Almunecar. 


LS    SCLTAN   FAIT    LA   PAIX  ATSG  IBN-BL-AHMR  ,    UTS     LI   Blfiai     DB 
■AlAGA   BT   BBFBBITD   LA   OUBBBB   8AIRTB. 

L'appui  que  le  sultan  du  Maghreb  venait  de  donner  au  roi 


408  msTOiAB  Dfes  inBitii. 

ehrélien  réveilla  lesappréhdMton8|d'tbii-el-Ahinef  à  on  tel  point 
qa'il  forma  ane  alliaDce  avee  Don  Sanche  et,  bian  qa^il  ne  reo^ 
dtl  attoan  service  à  œ  prince,  il  n'attira  pas  moins  les  malheurs 
de  la  guerre  sur  VAndalousie*  Le  roi  chrétien  ayant  emporté  de 
grands  avantages  sur  son  fils,  revint  [vers  Algéciras]  avec  Abou- 
Youçof  qui  prit  aussitôt  ses  dispositions  pour  faire  le  siège  de 
Malaga. 

Vers  le  commencement  de  Pan  688  (avril  4Î83),  Abou-You- 
çof  sortit  d'Algéciras  h  la  tête  de  son  armée  et,  quand  il  eut 
réduit  toutes  les  places  fortes  de  la  Gharbïa  ,  il  investit  la  ville 
de  Malaga.  Ibn-el-Ahmer  ressentit  alors  les  dangers  de  la  posi- 
tion dans  laquelle  il  s'était  mis  et,  prévoyant  les  conséquences 
fâcheuses  de  ses  intrigues  avec  Ibn-Mohalli  au  sujet  de  Malagar 
il  essaya  d'éviter  l'abtme  vers  lequel  son  imprévoyance  Tavait 
conduit.  Le  seul  moyen  de  salut  qu'il  put  imaginer  fut  de  s'adres- 
ser b  Abou-Yacoub^  (ils  et  succcesseur  désigné  du  sultan  méri- 
nide,  en  le  priant  de  travailler  h  un  raccommodement  qui  per- 
mettrait aux  peuples  musulmans  de  combiner  leurs  efforts  contre 
l'eanemi  commun. 

Heureux  de  mériter  la  bénédiction  divine  par  l'accomplisse- 
ment d'une  tâche  aussi  louable,  Abou-Yacoub  quitta  le  Maghreb 
k  ^instant  même  et,  dans  le  mois  de  Safer  [mai],  il  débarqua  en 
Espagne  et  trouva  l'Émir  des  musulmans  campé  sous  les  murs  de 
Malaga.  Son  intervention  fut  d'autant  plus  elBcace  qu'Abou* 
Yooçof  soupirait  après  le  bonheur  de  combattre  les  infidèles 
et  de  mériter  la  faveur  divine  en  contribuant  an  triomphe 
de  la  parole  de  Dieu.  La  paix,  promptement  conclue ,  mit  le 
comble  aux  vœux  d'Ibn-^el-Ahmer  et  releva  le  courage  des  vrais 
croyenls. 

Rentré  à  Algéciras,  le  sultan  de  Maghreb  lança  plusieurs  dé- 
tachements sur  le  territoire  chrétien  et ,  vers  le  commencement 
de  Bebià  second,  682  (commencement  de  juillet),  il  partit  lui- 
même,  h  la  tête  de  l'armée,  et  marcha  sur  Tolède.  En  passant 


C'est  à  tort  qu'on  a  imprimé  AbotÂ^Youçof  ûtïtis  le  texte  arabe. 


^  imiASTIB  HtinfIDB. — ABOII-tOIIÇOr*YACOOI-JBlf-ABI>*BL-HACK.    409 

auprès  de  Gordoue^  il  en  dévasta  les  environs  et  prit  cpMiqiies 
châteaux  ;  pais,  s'élant  dirigé  vers  El-^Btra,  il  laissa  un  eorpe  de 
troupes  pour  observer  Baésa  et  poussa  rapidement  en  avant. 
Après  avoir  traversé  un  pays  tont^è-fait  désert,  il  arrivai  le 
troisième  jour,  à  El-Btra,  ville  située  dans  les  dépendances  de 
Tolède  K  Ses  cavaliers  parcoururent  les  plaines  voisines  et  les 
laissèrent  couvertes  de  sang  et  de  ruines;  aussi,  avant  que  Par- 
mée  eût  atteint  Tolède,  elle  se  trouva  tellement  chargée  de  butin 
qu'elle  ne  put  plus  avancer.  Pour  s'en  retourner,  elle  prit  une 
autre  route  et  elle  arriva  devant  Ubeda  après  avoir  saccagée! 
massacré  tout  ce  qui  se  trouvait  sur  son  passage.  Le  sultan, 
voyant  que  l'ennemi  ne  voulait  pas  s'aventurer  hors  de  la  ville, 
revint  au  camp,  près  de  Baéza  et,  après  avoir  passé  trois  jours 
è  dévaster  les  environs  de  cette  place  et  k  couper  les  arbres, 
il  se  tourna  vers  Algéciras,  où  il  arriva  dans  le  mois  de  Bedjeb 
(octobre  4283).  Quand  il  eut  fait  le  partage  du  butin^  il  con6a 
à  son  petit-fils,  Eïça-Ibn-Abi-Malek,  le  commandement  d' Algé- 
ciras, puis,  le  cinquième  jour  après  sa  rentrée  de  cette  expédi- 
tion,  il  s'embarqua  pour  le  Maghreb.  DeuK  mois  plus  tard,  Eïça 
mourut  eu  comballaut  les  infidèles. 

Parti  de  l'Espagne  au  oommencement  de  Chàban  (fin  d'oct.) , 
le  sultan  descendit  à  Tanger  avec  son  fils,  Abou-Ztan-Mendtl,  et 
après  s'y  être  reposé  trois  jours,  il  prit  la  roule  de  Fez.  Arrivé 
dans  sa  capitale,  vers  la  fin  de  Chaban  (nov.) ,  il  y  resta  pen- 
dant un  mois,  afin  d'accomplir  le  jeûne  et  les  dévotions  du  Ba^ 
madan;  et  puis,  ces  devoirs  remplis,  il  partit  pour  Maroc  avec 
l'intention  d'inspecter  ses  provinces  méridionales  et  d'y  rétablir 
l'ordre.  Voulant  jeter  d'abord  un  coup  d'œil  sur  les  districts  de 
Salé  et  d'Azouer,  il  passa  deux  mois  à  Bibat-el-Feth  avant  de  se 
rendre  h  sa  destination. 

Au  commencement  de  l'an  683  (mars-avril  4284),  il  fit  son 


*  Dans  l'édition  imprimée  du  Cartas  on  Mi  El-Beréh^  à  la  place  à'EU 
Bira,  Celte  localité,  située  à  Iroîâ  journées  de  marche  de  Baéza  et  à  une 
journée  de  Tolède,  nous  est  introuvable. 


440  HISTOlilB     DBS    BBRBfcRBS. 

entrée  à  Maroc  où  il  apprit  qae  le  roi  chl^étien,  fils  d'Alphonse  ^, 
venait  de  mourir  et  queSanche,  cefilsdénataré,  avait  réuni  souà 
son  autorité  toute  la  population  chrétienne.  A  cette  nouvelle,  il 
sentit  renattre  sa  passion  pour  la  guerre  sainte;  mais  avant  de 
s'y  engager,  il  envoya  contre  les  Arabes  du  Sous,  son  fils  Aboû- 
Tacoub,  afin  de  mettre  un  terme  à  leurs  brigandages.  Ce  prince 
poursuivit  les  rebelles  jusqu^à  Es-SaguTa-t-el-Bamra,  extrême 
limite  de  la  partie  habitée  de  celte  région,  et  les  contraignit  à 
se  jeter  dans  le  Désert  où  beaucoup  d'eotre  eux  moururent 
de  faim  et  de  soif.  Ayant  alors  entendu  dire  que  le  sultan 
était  malade,  il  reprit  la  roule  de  Maroc,  mais,  en  y  arrivant, 
il  le  trouva  parfaitement  rétabli  et  prêt  à  recommencer  la 
guerre  sainte  par  reconnaissance  de  la  grâce  que  BieU  venait  de 
lui  accorder. 

LB   StLTAN   PASSB   BN   BSPAGltB   POUft    LÀ   QUATRIÈMB   FOIS.    SIÉGB 

DB  XÉBÈS.  —  AUTBB8   OPftBATlONS   HILITÀIBBS. 

L'Émir  des  musulmans  ayant  formé  la  résolution  de  passer 
encore  en  Espagne,  fitTinspeclion  de  ses  milices  et  des  troupes 
do  sa  maison,  afin  de  compléter  ce  qui  pourrait  manquer  à  leur 
équipement.  U  invita  aussi  toutes  les  tribus  du  Maghreb  à  venir 
se  ranger  sous  ses  drapeaux.  Dans  le  mois  de  Djomada  second 
683  (août -sept.  4284),  il  quitta  Maroc  ;  vers  le  milieu  Chà^ 
ban  (oct.-nov.),  il  descendit  à  Ribat-el*Feih  où  il  fit  le  jeûne 
du  Ramadan  ;  de  là,  il  se  rendit  à  Goçour-Masmouda  et,  vers 
la  fin  de  l'année  (février  4285)  ,  il  commença  à  envoyer  en  Es* 
pagne  ses  troupes  soldées  cl  ses  [volontaires.  Débarqué  lui- 
môme  h  Tarifa,  le  4*'  Safer  684  (7  avril),  il  alla  passer  quel- 
ques jours  à  Âlgéciras.  S'étant  alors  mis  en  campagne,  il  poussa 
jusqu'à  la  Guadalète  d'où  il  expédia   plusieurs  détachements  de 


*  Notre  auteur  aurait  dû  écrire  le  roi  chrétien,  Alphonse,  fils  de  Fer- 
dtnand. 


'DTHÀ8T1S  MiRIlf IDB . — ASOII-TOIIÇOP-TACO0B^B!f-ÀBD-BL-H ACK .    141 

cavalerie  pour  ravager  les  plaines  voisines.  Après  avoir  pillé^ 
incendié  et  dévasté  toute.cette  partie  du  pays  chrétien,  il  investit 
Xérès  et  en  fit  dévaster  les  environs. 

Les  garnisons  qu'il  avait  laissées  dans  ses  forteresses  espa-* 
gnôles  et  qu'il  venait  de  rappeler  auprès  de  lui,  commencèrent 
alors  à  arriver,  et  son  petit-fils,  Omar*Ibn-Abi*Malek*[Âbd-èl« 
Ouahed],  lui  amena  une  foule  de  guerriers  maghrébins,  tant  ca- 
valiers que  fantassins.  Ël-Azéfi,  de  son  côté,  lui  fournit  un  con- 
tingent de  cinq  cents  archers.  Quand  Ichjs  ces  renforts  furent 
arrivés,  le  sultan  fit  tenir  à  son  fils  et  successeur  désigné,  Aboii* 
Ya^onb,  Tordre  d'appeler  à  la  guerre  sainte  tout  ce  qui  restait  de 
musulmans  en  Maghreb  et,  vers  la  fin  du  mois  de  Safer,  il  donna 
un  drapeau  de  commaudement  et  mille  cavaliers  à  son  petit^fib, 
]fansonr-Ibn-[Abi-Malek]-Abd*el*Ouahed,et  le  dirigea  contre 
Sévilie.  Cette  troupe  ramassa  un  butin  considérable  et,  à  son 
retour,  elle  traversa  le  territoire  de  Garmona  ^n  pillant,  en  mas- 
sacrant et  en  faisant  descaptifs,  de  sorte  qu'elle  rentra  au  camp 
chargée  des  dépouilles  de  l'ennemi. 

Le  vizir  Hohammcd-lbn-Ottou  reçut  alors  du  sultan  l'ordre 
partir  avec  Mohammed>lbn-Amran*lbn*Abla,  et  de  faire  la  re- 
connaissance du  cbAteau  d'El-Ganater  et  [de  la  ville  de]  Rota. 
Sur  leur  rapport  que  ces  places  étaient  en  mauvais  état  et  mal 
gardées,  Abou-Youçof  donna,  pour  la  seconde  fois,  à  son  pelit- 
fils,  Omar-Ibn-[Abi-Malek]-Abd-el-Ouahed,  le  commandement 
de  mille  cavaliers  et  l'envoya,  le  3  Rebià  (40  mai)  dans  la  plaine 
de  la  Guadalète.  Après  avoir  tué  beaucoup  de- monde,  dévasté 
tout  le  pays,  brûlé  les  ifloissons,  arraché  les  arbres  fruitiers  et 
détruit  les  maisons,  on  rapporta  de  cette  expédition  assez  do 
bulin  pour  remplir  tout  le  camp. 

Le8  Rebiâ  [premier,  15  mai  1285)  un  détachement  de  Tannée 
surprit  le  chàleau  d'Arcos  cl  enleva  tout  ce  qu'il  renfermait.  Au 
lendemain,  Téinir  Abou-Moarref  fut  placé  par  son  père,  le  sultan, 
à  In  tèiede  mille  cavaliers  et  partit  pour  surprendre  ^  et  ravager 


*  Dans  le  telle  arabe  il  faut  lire  I^aU 


412  llttOIM    WB   BBMlin. 

las  environs  de  6ë ville.  La  garnison  se  iint  enfermée  dans  la  place 
et  laissa  dévaster  les  campagnes,  brAIer  les  moissons,  couper  les 
arbres,  enlever  les  paysans,  ei  emmener  les  troopeaax  ;  aussi, 
lesmnsnlmans  en  rapportèrent  un  bntin  énorme. 

?ers  le  milieu  de  Rebift  [premier],  le  sultan  confia,  pour  la 
troisième  fois,  un  détachement  à  son  petit-fils,  Omar,  et  lui  or* 
donna  d'attaquer  un  château  situé  dans  le  voisinage  du  camp.  It 
lui  fonmit,  de  plus,  une  compagnie  d^archers,  un  corps  d'où* 
vriers  avec  leurs  outils,  une  bande  de  Masmoudiens  et  les  guer- 
riers de  Geuta.  Le  cb&teau.  fut  emporté  d'assaut,  la  garnison 
passée  au  fildel'épée ,  les  femmes  et  les  enfants  furent  emmenés 
en  esclavage  et  tes  murailles  de  la  forteresse  renversées  à 
terre. 

Le  47  du  même  mois,  le  sultan  monta  h  cheval  et  marcha 
contre  Sacout  «,  château  pea  éloigné  du  camp.  Il  y  mit  le  feu, 
en  tua  la  garnison  et  emmena  les  habitants  en  captivité. 

Le  20  du  même  mois,  Abou-Tacoub,  prince  héréditaire,  ar- 
riva du  Maghreb  avec  une  armée  très^nombreuse  et  composée 
de  levées  faites  dans  toutes  les  tribus.  L'Emir  des  musulmans 
vint  à  cheval  au  devant  de  lui  pour  le  complimenter  et,  le  même 
jour,  il  passa  ces  troupes  en  revue  et  reconnut  qu'il  y  avait  treize 
mille  Masmoudiens  et  huit  mille  Berbères  du  Maghreb,  tous  vo* 
lontaires  qui  désiraient  prendre  part  à  la  guerre  sainte.  Il  plaça 
alors  sous  les  ordres  de  son  fils  [Àbou-Yacoub]  cinq  mille  hom- 
mes  de  la  troupe  soldée,  deux  mille  des  volontaires,  treize  mille 
fantassins  et  deux  mille  archers,  en  le  chargeant  de  porter  la 
dévastation  dans  les  environs  de  Sévill^.  Abon-Yacoub  entra  en 
campagne,  précédé  par  des  éclaireurs,  et,  arrivé  h  sa  destina- 
tion, il  se  mit  k  ravager,  h  tuer  et  à  faire  des  captifs.  Il  prit  d'as- 
saut et  pilla  plusieurs  châteaux  et,  s'étant  tourné  vers  les  coteaux 
de  TAxarafe  et  le  bocage  delà  plaine  de  Séville,  il  y  détruisit  les 
villages  et  emporta  encore  quelques  places  fortes.  Quand  il  eut 
vaincu  toute  résistance  et  fait  un  butin  immense,  il  revint  au 
camp  du  sultan. 

'  VariaDtes  :  Micaut,  MontacmU, 


DTNÀSTIE  MÊRnflDB.—  ABOU-TOUÇOV-YlCOUB-nN-ABD-EL-HACK.     1 1  3 

Le^cleBebiàsecond  (44  jttin),rémir  Abbu-Zîan-Mendtl  ar* 
riva  de  Tarifa  à  la  tête  d'une  atmés  musulmaDe  très^oombreuse. 
Le  lendemain,  il  fut  confirmé  dans  le  commandemonl  de  cette 
troupe  par  le  sultan  et;  s'étant  fait  appuyer  par  un  autre  cnrpa, 
il  se  jeta  sur  les  territoires  de  Carmona  et  du  Guadalquivir.  La 
garoisoB  de  la  ville  sortit  pour  le  repousser,  mais  elle  fut  vigou- 
reusement ramenée  et  contrainte  à  s'enfermer  dans  la  place.  On 
attaqua  alors  une  tour  située  près  de  Carmona  et,  au  boat 
d'une  heure,  on  y  pénétra  de  vive  force.  Âbou-Ztan  continua 
l'ouvrage  de  dévastation  en  parcourant  les  lieux  cultivés  et  alla 
déboucher  dans  le  territoire  de  Séville.  Recommençant  alors  ses 
ravages,  il  y  fit  des  dégâts  énormes  et  prit  d'assaut  une  tour  d'oà 
on  avait  l'habitude  de  guetter  les  mouvements  des  musulmans. 
Il  mit  le  feu  à  cet  édifice  et  rapporta  au  camp  un  grand  butin.  Le 
43  deBebift  second,  l'émir  Abou->Yacoub  se  mit  en  marche,  par 
Tordre  du  sultan,  et  pénétra  de  vive  force  dans  l'Ile  de  Kabtour^. 

Le  2  de  Djomada  (premier  —  7  juillet)  le  sultan  confia  le  corn- 
mandemeal  d'un  corps  de  troupes  k  Talha-Ibn-Yahya-Ibn- 
Mohalli.  Ce  chef  qui,  en  l'an  675  *  avait  pris  une  part  si  active 
^ux  intrigues  de  son  frère  Omar,  relativement  à  la  ville  do  Ma- 
Jaga,  était  allé  h  \a  Mecque  pour  aocomplir  le  devoir  du  pèlerin- 
nage  et,  en  l'an  682  (4283-4),  il  était  revenu  à  Tunis  avec  l'in- 
tention  de  rentrer  dans  son  paye.  Ayant  encouru  les  soupçons 
de  l'usurpateur,  lba*Abi<-Omar^,  qui  se  trouvait  alors  dans  cette 
oapttsAe,  il  fut  mis  en  prison.  Relâché  quelques  temps  après,  par 
l'ordre  de  celui  qui  l'avait  fait  arrêter,  il  passa  en  Maghreb  et 
rentra  dans  le  sein  de  sa  Iribu.  Ensuite ,  il  accompagna  le 
sultan  dans  ses  expédiiians  contre  les  chrétiens ,  et  obtiot 
le  commandement  de  deox  cents  cavaliers  afin  d'éclairer  la 
marebe  de  l'armée  jusqu'à  Séville.  Le  sultan  lui  fournit  aussi 


<  Kabiour  (Caput  Taurt)  (?)estle  nom  d'une  lie  près  de  Séville.  Elle 
s'appelle  maintenant  Isla  Mayor,  —  (Traduction  de  Maccari  par  Gayan- 
go8,vol.  I,  p.  363.) 

*  Voy.  ci-devant,  pages  98,  99. 

T.  IV.  8 


H  4  HISTOlftB     DES    BERBÈRES. 

plusieurs  espions,  les  uns  juifs,  les  autres  chréiteus  tributaires, 
qui  devaient  lo  tenir  au  courant  des  mouvements  du  roi  Sanche. 

Pendant  tout  ce  temps,  TÉmir  des  musulmans  pressait  tesiëge 
de  Xérès,  et,,  depuis  le  matin  jusqu'au  soir,  il  s'occupait  è  com- 
battre, à  dévaster  le  pays  et  à  envoyer  des  partis  de  cavalerie 
dans  les  terres  de  Tennemi.  Pas  un  jour  ne  se  passa  sans  qu^il 
mit  en  campagne  une  troupe  ou  un  détachement;  aussi,  était-il 
parvenu  à  ruiner  tout  le  territoire  chrétien  et  ë  ravager  les  cam- 
pagnes de  Séville,  deNiebla,  de  Garmona,  d'Ecija  ,  les  coteaux 
del'Axarafe  et  toute  la  Fronlèra.  Dans  ces  expéditions,  deux 
chefs  se  distinguèrent  par  leur  bravoure  :  Eïad-el-Âcemi,  cheikh 
des  Djochem,  et  Khidr«cl-Ghozzi,  émir  des  Kurdes*.  Les  guerriers 
de  Geuta  se  signalèrent  particulièrement  ainsi  que  les  autres  vo- 
lontaires et  les  Arabes -Djochem. 

Après  avoir  pillé  et  dévasté  tout  le  paysj  le  sultan  se  décida  à 
partir,  en  voyant  que  l'hiver  approchait  et  que  les  convois  de 
vivres  cessaient  d'arriver.  Vers  la  fin  de  Redjeb  (fin  de  septem- 
bre), il  leva  le  siège  de  Xérès  et,  arrivé  à  la  rivière  Berda,  il 
rencontra  l'armée  de  Grenade,  commandée  par  Yaia-Ibn-Abt- 
Elad-lbn-Abd^l-Hack ,  qui  venait  renforcer  la  sienne.  Il  fit 
un  bon  accueil  à  ces  troupes  et  leur  permit  de  s^en  retourner 
chez  elles. 

Ayant  appris  que  la  flotte  chrétienne  avait  reçu  l'ordre  d'oc- 
cuper le  Détroit  afin  de  couper  les  communications  entre  les 
deux  continents,  il  fit  rassembler  tous  les  navires  qui  se  trou- 
vaient dans  les  ports  du  Rif,  de  Ribat-el-Feth,  de  Ceata,  de 
Tanger,  d'Almunecar,  d'Algéciras  et  de  Tarifa.  Au  moyen  de 
cette  armée  navale,  qui  se  composait  de  trente-six  vaisseaux 
parfaitement  équipés ,  il  imposa  tellement  à  la  flotte  ennemie 
qu'elle  vira  de  bord  et  s'éloigna.  Au  commencement  de  Ramadan 
[novembre],  il  fut  de  retour  à  Algéciras». 


'  Voy.  t.  m,  p.  414. 

*Le  Cariai  nous  donne  des  détails  sur  celte  expédition  dans  une  Forme 
de  journal  qui  parait  avoir  été  tenu  régulièrement  pendant  tout  lo 


VfNASTIE  SÈRmiDB. — A'BOU-TOUÇO>-YACOi:B«ftlN-ABD-BL*BACK.   115 

Xe  peuple  chrétien  et  le  roi  Sanchc  furent  consternés  do  la 
raine  de  leur  pays  et,  sachant  qu'ris  ne  pouvaient  plus  résister 
aux  vrais  croyanLs,  ils  implorèrent  l'Émir  des  musulmans  de  les 
épargner  et  de  faire  cesser  les  hostilités.  Leurs  démarclics  pour 
obtenir  cette  favetir  formeront  Tobjet  du  chapitre  stiivant. 

Pendant  que  le  sultan  faisait  le  siège  de  Xérès,  il  reçut  la  vi« 
dited'Omar-Ibn-Yahya-Ibn-Mohalli,  qui  était  encore  venu  lui 
offrir  sa  soumission  ;  mais,  s^élant  méfié  d^un  homme  qui  se 
jouait  de  serments  et  de  promesses,  il  ordonna  la  confiscation 
de  ses  biens  et  confia  cette  opération  à  Talha-Ibn-Yahya,  frère 
du  traître.  Déchu  ainsi  de  ses  espérances,  Omar  fut  conduit  a 
Tarifa  et  mis  en  prison,  pendant  que  Talha  se  rendait  h  Âlmu- 
necar  pour  saisir  ses  trésors  et  les  porter  au  sultan.  Mouça-lbn* 
Yahya;  un  antre  do  ses  frères,  reçut  alors  du  sultan  et  pour  la 
Seconde  fois,  le  gouvernement  d'Almunecar,  et  obtint  un  déta- 
chement de  l'armée  pour  y  tenir  garnison.  Après  une  détention 
de  quelques  jours,  Omar  recouvra  la  liberté  et,  s^étant  joint  à  la 
suite  du  sultan,  il  passa  en  Afrique  avec  son  frère  Talha. 

Mansonr-lbn-Àbi-Malek  partit  alors  pour  Grenade,  sans  de ^ 
mander  la  permission  du  sultan,  son  grand-père,  et  alla  ensuite 
s^installer  chez  Mooça-Ibn-Yahya,  dans  la  vitio  d'Almunecar. 
Lesulfan  fut  si  loin  de  blâmer  sa  conduite  qu'il  lui  accorda  l'au- 
torisation d'y  rester. 

«HBiSfADI   DU    BOI  dBBÉTIBN  ^BOH   SANCHB.    —  BATlFfCATrO^    DB   LA 

PAIX   BT   HOBT   DU    SULTAN. 


les  «îhréliens  qui  formaient  la  population  des  états  apparie- 
tenant  an  fils  d'Alphonse  ressentirent  un  effroi  et  une  douleur 


lempsque  le  sultan  mérintda  se  trouvait  en  Espagne.  Ibn-Ehaldoun 
n'a  fait  qu'abréger  ce  docament  en  y  prenant  quelques  passages  ptfr 
'oi  et  f»»r  là. 


116  HISTOIRE     OES    BERBllIIES. 

extrêmes  en  voyant  rÉmir  des  musulmans  saccager  leurs  villa- 
ges^ enlever  leurs  troupeaux,  traîner  leurs  femmes  en  captivité, 
ruiner  leurs  forteresses  et  massacrer  leurs  guerriers.  Convaincus 
qu^aucune  puissance  ne  saurait  les  protéger  contre  le  sultan,  ils 
se  rendirent  auprès  de  leur  roi,  les  yeux  baissés,  les  cœîîrs  na- 
vrés des  disgrâces  et  des  châtiments  dont  les  troupes  de.  Dieu  les 
avaient  abreuvés,  et  ils  l'implorèrent  de  s'abaisser  devant  rÉmir 
des  musulmans  afin  d'obtenir  la  paix.  «  Envoyez  à  ce  prince, 
»  lui  dirent-ils,  une  députation  des  grands  de  l'empire  ;  autre-- 
»  ment  sa  colère  restera  suspendue  sur  notre  pays  quand  même, 
»  elle  aura  cessé  de  nous  frapper.  »  Le  roi  accueillît  cette  pro- 
position et  consentit  h  une  démarche  bien  humiliante  pour  sa 
religion  :  il  suspendit  ses  opérations  militaires,  et  expédia  une 
députation  de  patricos,  de  comtes  et  d'évéqnesà  la  cour  d'Âbou* 
Youçof.  Le  sultan  Gt  sentir  à  ces  envoyés  le  poids  de  son  dédain 
en  leur  refusant  une  audience,  de  sorte  qu'ils  durent  s'en  retour- 
ner auprès  de  leur  souverain  et  revenir  une  seconde  fois  avant 
d'être  admis  dans  sa  présence.  Don  Sanche  souhaitait  tellement 
la  fin  delà  guerre  qu'ils  les  autorisa  à  signer  toutes  les  conditions 
que  l'on  voudrait  lui  imposer  en  faveur  de  la  religion  et  du 
peuple  musulman;  aussi,  le  sultan,  voyant  qu'ils  désiraient 
sincèrement  la  paix  et  qu'ils  s'abaissaient  fraochemeni  devant  U 
puissance  de  l'islamisme,  se  rendit  à  leur  prière. 

Par  le  traité  qui  fut  dressé  h  cet  effet,  les  chrétiens  s'obligè- 
rent ë  vivre  en  paix  avec  tous  les  peuples  musulmans,  tant  les 
sujets  du  sultan  mérinide  que  ceux  des  autres  souverains  ;  à 
demander  son  consentement  avant  défaire  la  paix  ou  de  s'enga- 
ger dans  une  guerre  avec  les  rois,  ses  voisins  ;  à  supprimer  les 
impôts  dont  ils  accablaient  les  négociants  musulmans  qui  visi- 
taient leur  pays,  etè  ne  s'imuriigcer  p)u6  dan»  les  cpaereliei  qui 
pourraient  surgir  entre  les  princes  musulmans  <. 


*  Selon  les  hisioricns  chrétiens,  un  des  articles,  de  ce  traité  portait 
qae  la  sultan  Abou-Yacoub  paierait  à  DouSaoche  deux  millions  dema- 
ravedis.  C'était,   sans  doute,  des  maravedis  d  argent,  ou  dirhems*  L« 


DTKASTIB   ifiBlNlDB. AB0U-Y0CÇ0P-TAC0UB>1BN-ABD-IL-HACK.  f  17 

Abd-el-Haot-'Ibn-^t-Tordjefnan  {fils  de  Vinterprèté),  l'homme 
de  confiance  du  sultan,  fut  chargé  de  négocier  ce  traité,  et  11  en 
rédigea  les  articles  dans  les  termes  les  plus  forts  et  les  plus 
précis  afin  d'empêcher  les  chicanes  que  la  mauvaise  foi  pourrait 
y  faire  plus  tard.  Il  était  encore  h  la  cour  du  roi  chrétien  quand 
les  envoyés  d'Ibn-el-Ahmer  s'y  présentèrent  avec  pleins  pou- 
voirs de  traiter  au  sujet  d'une  alliance  contre  l'Émir  des  musul- 
mans. Le  roi  les  fit  introduire  et  alors,  en  la  présence  d'Ibn-et- 
Tordjeman,  il  leur  donna  lecture  du  traité  qu'il  venait  de  con- 
clure avec  le  sultan  mérinidc,  au  détriment  du  peuple  chrétien 
et  de  sa  religion,  a  Quant  à  vous,  leur  dit  «il  ensuite,  vous  êtes 
D  les  esclaves  de  mes  pères'  et  vous  n'avez  le  droit  de  me  parler 
»  ni  de  paix,  ni  de  guerre.  Voilé,  d^aillours,  l'Émir  des  musul- 
»  mans  auquel  je  ne  saurais  résister  et  contre  lequel  il  me  serait 
»  impossible  de  vous  protéger,  v  Après  ces  paroles,  il  les  con- 
gédia. 

Voyant  alors  combien  il  tenait  à  plaire  au  sultan,  Ibn-et- 
Tordjeman  lui  suggéra  l'idée  d'aller  le  visiter,  afin  de  faire  con- 
naissance avec  lui  et  de  ratifier  le  traité.  H  démontra  si  claire- 
ment combien  une  démarche  de  cette  nature  contribuerait  h 
éteindre  leur  ancienne  inimitié  et  à  les  mettre  d'accord  que  le  roi 
y  donna  son  approbation.  Toutefois,  avant  de  a'y  engager,  il  fit 
demander  une  entrevue  à  l'émir  Abou-Yacoub  afin  d'obtenir 
Vassuranco  de  son  appui.  La  rencontre  eut  lieu,  de  nuit,  dans 
le  camp  musulman,,  à  quelques  parasangs  de  Xérès.  Au  lende* 
main,  ils  partirent  ensemble  pour  se  rendre  auprès  du  sultan 


maravtfdi  d'or,  ou  dinar  y  vaudrait  encore  de  nos  jours  hait  ou  oeuf 
fraacs>  et  il  est  peu  prol^ble  que  le  souverain  mérinide  ait  jamais  eu 
le  pouvoir  où  la  volonté  de  débourser  deux  millions  de  dinars,  ce  qui 
ferait  seize  ou  dix-huit  millions  de  francs.  Le  Cerme  tnaravedi  est  arabe; 
ce  furent  les  Almoravides  {al-morabitin)  qui  frappérenl  les  pièces  ap- 
pelées el-mcrahiti,  —  Recherches  sur  l  histoire  de  V  Espagne,  par  M.  Dozy^ 
tome  I,  pages  470,471. 

'  A  cette  époque  le  souverain  de  Grenade  payait  tribut  au  roi  de 
Casliile  et  lui  fournissait  un  contingent  de  troupes  musulmanes. 


tfS  msToiRB  nus   behbèweb. 

qui,  de  son  càïéj  fit  de  grands  préparatifs  pour  recevoir  le  roî 
•chrétien  et  sa  suite.  Ce  fut  au  milieu^  des  insignes  de  rislamisme,. 
entouré  d'une  armée  nombreuse  et  de  tout  Téclat  d'une  nation 
forte  et  pnissaute,  qu^Abou-Youçof  attendit  cet  hâte  distingué» 
Il  Taccueillil  avec  tous  les  égards,  tous  les  honneurs,  que  Ton 
doit  accorder  au  chef  d'ua  grand  peuple.  Le  roi  fit  alors  venir 
les  cadeaux  qu'il  destinait  au  sultan  et  à  son  fils.  Ils  se  compo*- 
saient  des  produits  les  plus  précieux  de  l'Espagne  chrétienne  et 
il  y  avait  de  plus  un  onagre  et  deux  animaux  sauvages  de  l'osi- 
pèce  qu'on  appelle  éléphant  [fil).  En  retour  de  ces  dons,  le  sultan 
et  Abou-Yacoub  en  donnèreat  d'autres,,  bien  plus  riches  et  plus 
beaux.  Le  roi  ayant  alors  accepté  toutes  les  conditions  du  traité, 
y  apposa  sa  ratification  ;  cédant  ainsi  devant  la  puissance  de 
l'isiamisme  ;  et  il  rentraaa  milieu  de  son  peuple,  le  cœur  rempli 
de  îoie  et  de  bonheur. 

Le  sultan  profila  de  cette  occasion  pour  demander  à- son  h&te 
Je  renvoi  de  tous  les  livres  de  science  qui  étaient  tombés  entre 
les  mains  des  chrétiens  depuis  que  ce  peuple  avait  commencé-à 
s'emparer    des    villes    musulmanes.    Le    roi    rassembla   un 

grand  nombre  d^ouvrages  traitant  de  divers  sujets  S  ^n  chargea 
treixe  bétes  de  somme  et  les  lui  expédia  *.  Par  l'ordre  du 
sultan,  on  les  déposa  dans  le  collège  qu'il  avait  fondé  à  Fex  pour 
Képandce  1/instrnction. 


«  Dans  lé  texte  arabe  il  iaut  probablement  lire  l^Luat  à  la  pbcede 
l^UI 

*  Cela  ferait  onze  cents  volumes,  en  regardant  une  centaine  de  vo- 
lumes comme  la  charge  d'un  mulet.  Selon  Tanieur  da  Cartas^  cette 
collection  de  livres  renfermait  plusieurs  exemplaires  du  Coran  et  des 
commentaires  coraniques  tels  que  le  Tefcir  d'Ibû-Atîa,  et  le  Tefàir 
d*E(h-Tbâalebi  ;  un  y  remarqua  de  plus  les  grands  recueils  des  tradi- 
tions [hadith),  le  Tehdib,  Vhtithkar  et  autres  comœeolaires  du  Hadith^ 
les  principaux  traités  de  jurisprudence  musulmane,  plusieurs  ou%Tages 
sur  la  philologie,  la  gr&mmalre  et  la  littérature  arabes.  Les  sciences 
kistoriquet,  géographiques,  mathématiques  et  médicales  n'yétaieok 
donc,  pas  représentées. 


DTNASni  ■ftRiHIDt. — ÀBOQ-TOU(OF-TA£OUB-1BN-ABD-BL-BACK.    449 

Deui  jours  avant  le  oomaiencement  du  Aaaiadao  (fin  d'oct. 
4285),  le  sultan  revint  h  Algëciras  où  il  accomplit  le  jeûne  et  lea 
dëvotions'propres  à  ce  mois,  et,  pendant  les  veilles  qu'il  faisait 
chaque  nuit»  il  passa  une  heure  à  s^enlretenir  avec  des  hommes 
instruits.  Plusieurs  poètes  composèrent  alors  des  discours  qu'ils 
se  proposèrent  de  réciter  en  la  présence  du  souverain ,  au  jour 
de  la  rupture  du  jeûne.  Dans  cette  espèce  de  lutte ,  Azouz-el- 
Miknaci,  poète  du  sultan,  surpassa  tous  ses  compétiteurs,  ayant 
récité  une  pièce  de  vers  dans  laquelle»  il  retraça  successive* 
ment  les    hauts  faits  de  l'Emir  des  musulmans^. 

Après  les  cérémonies  du  Ramadan,  Abou-Yonçof  pourvut^  la 
sûreté  de  ses  places  frontières  en  y  établissant  des  garnisons* 
Toutes  ces  troupes  étaient  placées  sous  les  ordres  de  l'émir 
Abou-Zfan-Mendil  qui,  d'après  la  recommandation  de  son  père, 
le  sultan,  fixa  son  séjour  dans  Zekouan,  près  de  Ha laga,  mais 
avec  la  défense  formelle  de  toucher  en  aucune  façon  aux  posses- 
sions d'Ibn-el-Ahmer.  Un  autre  corps  d'armée,  commandé  par 
£îad-lbn-Abi-Eifad*eI-Acemi,  alla  s'établir  dans  Estepona.  Ces 
arrangements  terminés,  le  sultan  envoya  son  fils,  Abou-Yacoub, 
en  Maghreb,  afin  d'y  mieux  surveiller  la  marche  des  affaires.  Cet 
émir  traversa  le  Détroit  dans  le  naviro  du  caYd  Mohammed^Ibn- 
el-Cacem-er-Rendahi,  commandant  de  la  marine  de  Geuta.  D'a- 
près l'ordre  de  son  père,  il  fit  élever  un  monument  sur  les  tom- 
beaux d'Abou-Holouk-Abd«eI-Hack,  son  aïeul»  et  d'idrîs,  fils 
d'Abd-el-Hack,  princes  que  l'on  avait  enterrés  k  Tafertast.  Cet 
édifice  forme  une  chapelle  (ribat  )  et  renferme  deux  tom- 
beaux sur  chacun  desquels  est  placée  une  dalle  de  marbre 
portant  une  inscription.  Plusieurs  individus  furent  attachés 
à  cette  fondation  pieuse  en  qualité  de  lecteurs  du  Coran,  et  le 
revenu  de  certaines  fermes  et  terres  fut  affecté  à  leur  entretien. 

Sur  ces  entrefaites  eut  lieu  la  mort  de  Yahya-Ibn-Abi-Mendtl- 


*  Od  peut  voir  dans  le  Cartaa  le  texte  do  ce  poëme  qui  est  une  es- 
pèce  de  gazette  rimée  cl  qui  reuferme  ^33  vers. 


420  msroiRB  mis   BftBVfcm. 

el-Askeri,  visir  d»  sultan,  qui  refodit  ie  dernier  soupir  le  45  tfflp- 
inadan. 

Dans  le  mois  de  Dou-«4-Hiddja  (janv.-fév.  4S86),  l'Émir  des 
musulmans,  Âbou-Youçof,  tomba  malade  envers  la  fiàdeMohar^ 
rem  685  (fin  de  mars),  il  éessa  de  TÎvre. 


ÉfiGKB   Dt?  SULTAN    ABOV-TACOVB.     —    MTOLTBS   QtTI   SUITHUIirr   80R 

ATiRBHBRt   AU   TftèlIB. 

L'Emir  des  musulmans,  Abou-Youçof,  tomba  malade  à  Algé- 
eiras  et  fut  soigné  par  ses  femmes.  Son  fils  et  successeur  désigné, 
l'émir  Abou-Yacoub,  reçut  cette  nocfvolle  par  un  courrier  extra- 
ordinaire et  se  hâta  de  quitter  le  Maghreb  et  de  passer  en  Espa- 
gne. Comme  le  sultan  mourut  avant  son  arrivée,  les  troupes  prê- 
tèrent le  serment  de  fidélité  entre  les  mains  des  vizirs  et  des 
grands  de  Tempire  ;  puis,  au  commencement  du  mois  de  Safcr 
(avril  1286),  elles  remplirent  de  nouveau  cette  formalité  en 
offrant  leurs  hommages  à  l'émir  Abou-Yacoub  qui  venait  d^ar- 
river. 

Devenu  ainsi  dépositaire  de  Tautorité  suprême,  le  nouveau  sul- 
tan signala  son  ayénement  au  trône  par  de  grandes  largesses  el 
par  l'ordre  de  mettre  en  liberté  tous  les  malheureux  que  l'on  re- 
tenait dans  les  prisons.  Il  abolit,  en  même  temps,  l'usage  de 
faire  percevoir  par  des  agents  du  fisc  l'aumône  de  la  rupture  du 
jeûne  * ,   impôt  dont  il  laissa  l'acquittement  h  la  bonne  foi  de 


i^i*n>*a^i 


'  <  II  est  d'obitgalion  positive  de  donner  pour  les  pauvres  (le  jour  de 
la  rupture  du  jeûne  de  Ramadan)  un  ^a  (mesure)  on  une  poriioo  âesa 
(de  dattes,  grains,  etc.)  pris  sur  ce  qui  reste  de  la  nourriture  de  l'indi- 
vidu et  aussi  de  la  nourriture  de  s\  famille,  (c'est-à-dire)  ses  proches, 
SCS  femmes  légitimes  eu  concubines,  les  domestiques  (nécessaires  à  ses 
eufuDls  et  à)  ses  femmes,  ses  esclaves.  »  —  «  11  est  de  convenauce  de 
remettre  les  aumônes  de  la  rupture  du  jeûne  entre  les  mains  de  Timam 
(chef  spirituel  et  temporel).  »  —  Précis  de  jurisprudence  musulmane  y  par 
Sidt-Khalil;  (raduclion  du  docteur  Perron,  tom  i,  pag.  450etsuiT. 


DTIVJLSTIS  afiMHIlMI. AB01}*YAC0tJB-Y0UÇ0P..  4  2 1 

ebê^ve  individu.  Il  mit  déplus  un  leroie  aux  actes  d'oppression 
et  de  tyrannie  dont  les  fonolionnaires  publics  accablaient  le  pev- 
pie  ;  il  supprimai  les  droits  de  marché  (mokous)  et  plusieurs  autres 
knpôtSi  La  s&relé  des  grandes  routes  devint  aussi  pour  lui  un 
sujet  dete  plus  sérieuse  attention. 

Un  de  ses  premiers  actes  politiques  fut  de  rechercher  une  en* 
trevue  avec  IblHel-Afamer  et,  s'ëtant  rencontré  avec  ce  prince, 
près  de  MarbeHa,  dans  un  des  premiers  jours  de  Rebié  [pre- 
mier —  avrilnnai],  il  lui  témoigna  les  plus  grands  égards  et  lui 
readit  toutes  les  places  fortes  que  les  Mérinides  occupaient  en 
Espagne.  Algéoiras  et  Tarifa  furent  les  seules  dont  il  se  ré* 
serva  la  possession^.  Les  deux  souverains  se  séparèrent  alors  pé- 
nétrés d'amitié  Tun  pour  l'autre. 

Rentre  dans  Algéciras,  Abou-Yacoub  trouva  les  ambassadeurs 
du  roi  chrétien  et,  sur  leur  demande,  il  confirma  le  traité  que  le 
feu  sultan  et  Don  Sanche  avaient  contracté.  S'étant  garanti  par 
ces  arrangements  contre  les  soucis  et  les  préoccupations  que  ^Es- 
pagne aurait  pu  lui  donner,  il  désigna  son  frère,  Abou-'l-Al¥»* 
Abbas,  comme  gouverneur  des  forteresses  qu'il  possédait  encore 
dans  la  Gliarbïa,  et  il  envoya  un  détachement  de  trois  mille  hom- 
mes pour  y  tenir  garnison  sous  les  ordres  d'Ali*Ibn*Youçof*lbo« 
Irgaoen. 

Le  7  de  Bebia  second  (2  juin),  le  sultan  Abou-Yacoub  débar- 
qua à  Gasr*Masmouda  ai,  le  42  du  mois  suivant,  il  arriva  k  Fax* 
Au  moment  de  s'établir  dans  la  capitale  de  son  empire,  il  eut  à 
combattre  un  rival,  Mohammed,  fils  d'Idris  et  petit-fils  d'Abd- 
el*Hack^  lequel  s'était  jeté  dans  les  montagnes  du  DerA  avec  ses 
frères,  aes  fib  et  ses  dépeedanls,  en  se  déclarant  héritier  du 
trône  et  en  appelant  le  peuple  aux  armes.  Abou-Moarref,  frère 
du  sultan,  fut  envoyé  contre  les  rebelles,  mais,  au  lieu  de  les 
ccHobattre,  il  passa  de  leur  côté.  Pour  comprimer  celte  insurrec- 
reotion,  le  suhaii  mit  successivement  en  campagne  plusieurs  co- 


'  n  se  réserva  de  plus  Romla  et  puadix,  dit  Tautcur  du  CaHas,  Voy. 
aussi  page  4il  de  ce  volame. 


422  HISTOmB     DES     BBRBiBfiS. 

loDnes  de  troupes  et  il  n'y  réussit  qu'après  avoir  employé  toole 
SOQ  haliilclé  pour  détaôher  Abou*Moarref  du  parti  des  insurgés 
et  le  faire  rentrer  dans  le  devoir.  Les  fils  d'Idrts  se  dirigèrent 
alors,  en  toule  hâte,  vers  Tiemcen ,  mais  ils  furent  pris 
ayant  d'y  arriver.  L'émir-Abou-Ztan  se  rendit  alors  à  Tèza  par 
Pordre  de  son  frère,  le  sultan,  et,  dans  le  mois  de  Redjeb  685 
(aoûl-sept.)  ,  il  iil  mourir  tous  c/îs  prisonniers  h  Lemli,  endroit 
situé  hors  de  la  ville.  Cette  exécution  fonrnit  une  telle  preuve  de 
la  sévérité  d'Abou-Yacoub  que  les  autres  princes  du  sang  se  dis- 
persèrent dans  divers  pays  :  la  famille  d'Abou-'UÛla-ldris,  fils 
d'Abd-Allah,  fils  d'Abd-el-Hack,  se  réfugia  dans  Grenade,  ainsi 
que  celle  [du  feu  sultan]  Abou-Yahya,  fils  d*Abd-el  Hack  et 
celle  d'Othman  Ibn-Izzoul.  Plus  tard,  les  fils  d'Abou-Yahya 
obtinrent  une  amnistie  et  rentrèrent  en  Maghreb. 

Dans  le  mois  de  Châban  (sept.-oct,)  de  cette  année,  Mobam» 
med-Aguellid*,  fils  de  Yacoub-[Abou-Youçof]-lb»-Abd-el-Hack 
mourut  à  Geuta,  et  Omar,  fils  d'Abou-Malok  et  neveu  du  sultan, 
mourut  &  Tanger. 

Quelque  temps  après  eut  lieu  la  révolte  d'Omar-lbn-Otbman- 
Ibn-Youçuf-cUAskeri  qui  s^était  fortifié  dans  le  chftteau  de  Fen- 
delaoua  en  déclarant  la  guerre  au  sultan.  Les  Beni-Asker  et  les 
tribus  qui  vivaient  dans  leur  voisinage  et  dans  leur  dépendance 
se  réunirent  par  l'ordre  d*Abou-Yacoub  et  cernèrent  la  forte- 
resse en  attendant  l'arrivée  de  ce  prince,  qui  se  mit  en  marche 
bientôt  après,  et  vint  prendre  position  à  Nebdoiira  Alors  le  chef 
insurgé  ne  vit  plus  d'autre  moyen  de  salut  que  d'implorer  la  mi- 
séricorde de  son  mahre  et,  par  l'intervention  de  quelques  hom- 
mes de  bien  auxquels  il  confia  le  soin  de  négocier  son  pardon,  il 
obtint  la  permission  de  se  rendre  à  Tiemcenavec  ses  enfants  et. 
les  gens  de  sa  maison. 

Dans  le  mois  du  Ramadan  delà  même  année  (oct.-nov.  4S86), 
le  sultan  partit  pour  Maroc  afin  jie  rétablir  l'ordre  dans  les  en- 


1  Le  mot  berbère  Aguellid  signifie  ros,  prince.  Dans  le  texte  arabe 
imprime  il  faut  supprimer  le  second  lam  de  oe  mot. 


VTRASTIK  MfiaiHlDr* —  ABOU-VALOin-YOLÇOF.  423 

Tirons  de  cette  ville.  Il  y  arriva  le  mois  suivant,  mais,  pendant 
i]a'il  travaillait  à  remettre  ce  pays  dans  les  voies  de  la  prospé- 
rité, son  parent,  Talha,lbn-Yabya-lbn-Mohalli,  passa  chez  les 
Beni-Hassftn,  tribu  makilienno,  et  leva  Tétendard  de  la  révolte» 
£n  apprenant  cette  nouvelle,  Abou-Yacoub  plaça  son  neveu  » 
Mansour-lbn-Abi-Bfalek,  h  la  tête  d'une  armée  et,  Tayant  cons- 
titue gouverneur  de  Sous,  il  l'envoya  dans  cette  province  aiiu 
d'étouffer  l'insurrection.  Omar,  frère  de  Talha,  jouissait  de  trop 
d'iniiuencc  pour  échapper  h  la  défiance  du  sultan  :  il  fut  banni  à 
Grenade  et,  le  jour  mèipe  de  son  arrivée,  il  fut  assassiné  par  les 
filsd'Abd-Allah-lbn.Abi.'l-Olà[-Idr}s*] 

L'émir  Hansour  mena  son  armée  contre  les  Makil  et  leur  tua 
beaucoup  de  monde.  Le  4  3  de  Djomada  [second]  686  (26  juillet 
4287),  Talha-Jbn*Mohalli  perdit  la  vie  dans  une  rencontre  qui 
eut  lieu  entre  les  deux  partis.  Sa  tète  fut  envoyée  à  la  cour  du 
sultan  et  elle  resta  exposée  aux  regards  du  public  dans  la  ville  d» 
Tèza. 

En  Ramadan  (oct.-nov.  4287)  le  sultan  marcha  contre  les 
Makil  qui  s'étaient  retirés  dans  le  Derâ,  au  milieu  du  Désert,  et 
qui,  par  leurs  brigandages  sur  les  grandes  routes  et  dans  les 
pays  cultivés,  avaient  mérité  d'être  punis  très-sévèrement. 
S'étantmîsèla  tête  de  treize  mille  cavaliers,  il  franchit  l'Atlas 
en  traversant  le  pays  des  Ueskoura,  et  il  surprit  ces  Arabes 
pendant  qu'ils  se  tenaient  éparpillés  avec  leurs  troupeaux  dans 
les  pâturages  du  Désert.  I)  y  en  eut  beaucoup  de  pris,  beaucoup 
de  tués,  dont  les  têtes  servirent  à  garnir  les  merlons  des  remparts 
k  Maroc,  h  Sidjilroessa  et  à  Fez. 

Vers  la  fin  de  Chouat  (commencement  de  décembre),  Je  sul- 
tan rentra  à  Maroc  et,  se  rappelant  les  trahisons  do  la  familb 
Mohalli  et  surtout  de  leur  ancien  chef  >  Talha,  il  fit  arrêter  Mo- 


*L*auteur  aurait  pu  ajouter  :  Ce  fut  ainsi  qu'ils  vengèrent  la  mort 
(le  leur  oncle  Yacoub,  qui  fut  tué  par- Talha,  frère  d'Omar.  Voy.  page 
48  de  ce  volume. 


(^^ 


l'iii  insToriB   dis   BBiBfiass. 

hammcd-ibQ-Ali'Ibn^Moballi,  qui  n'avait  cessé  do  gouverner 
Maroc  depuis  la  conquête  de  cette  ville  sur  les  Almobades.  Jeté 
en  prison  au  commencement  de  Tan  687  (février  4288) ,  Mo- 
hammed y  mourut  le  mois  suivant.  Bientôt  après,  eut  lieu  la  mort 
d'El-Mizouar-Cacem-Ibn-  Obbou . 

Le  sultan  donna  alors  le  gouvernement  de  la  ville  ei  des  pro- 
vinces marocaines  è  Mohammed-Ibn-Ottou-eUDjanati,  client 
affidé  de  la  famille  royale.  Ayant  confié  9on  fils,  Abou-Amer, 
aux  soins  de  cet  officier,  il  partit  pour  Fez  et,  vers  le  milieu  du 
mois  de  Rebî  (second  —  20  mai  4288)  il  fit  son  entrée  dans 
cette  capitale.  Ce  fut  là  qu'il  reçut  sa  nouvelle  fiancée,  fille 
de  Mouça-lbn-Rahhou*lbn-Abd-AHah-lbn-Abd-el-Haek,  qu'il 
avait  demandée  en  nuiriage  et  qui  arrivait  de  Grenade  accom- 
pagnée de  plusieurs  visirs  et  d*autres  grands  personnages  de  la 
cour  d'Ibn-el-Ahmer.  Avec  elle  vint  une  ambassade  chargée  par 
le  sultan  andalousicn  d'obtenir  d'Abou-Yacoub  la  remise  de  la 
ville  de  Guadix.  Celte  faveur  lui  fut  accordée,  comme  on  le  verra 
dans  le  chapitre  suivant. 


LA    VILLE    DE   GUADIX    EST   BEMiSE    A    IBH-BL-AaNBlI    PAR    LE 

SULTAN  VfiRINiDB. 


Abou-'l-Hacen^ibn-Ckékilola  aida  Ibn-el-Ahmer  à  monter 
sur  le  trône  et  mérita  par  ses  bons  services  une  haute  position  à 
lacour  de  Grenade.  Il  laissa,  en  mourant,  deui  fils  :  Abou-Mo- 
hommed-Abd- Allah  et  Abou-1shac*lbrahtm.  Le  premier  reçut 
d'Ibn-^el-Ahmer  le  gouvernement  de  Malaga,  et  le  second  celui  de 
Comarès  et  de  Guadix.  Après  la  mort  de  leur  souverain,  ils  en 
vinrent  à  une  rupture  ouverte  avec  le  nouveau  sultan  et,  Abou- 
Mohammed  reconnut  pour  son  seigneur  le  sultan  Abou-Youçof. 
En  l'an  676  (1277-8),  après  la  mort  de  ce  chef,  son  fils  , 
Mohammed,  se  rendit  auprès  du  sultan  mérinide  et  lui  livra  la 
ville  [de  Malaga].  En  682f42834),  lors  de  la  mort  d»Abou- 
Ishac-Ibn-Chékîlola,  le  sultan  espagnol   s'empara  de  la  forte- 


DYNASTIE  Mtlllfll» . — ABOl'-YACOL B-TOUÇOF.  4  25 

resse  de  Ckunarès.  Abou-'UHaccn,  fils  d'Âbou-Ishac,  gouvernait 
déjà,  au  nom  de  son  père^  le  canton  et  les  cbÂteaux  de  Guadix  ; 
aussi,  se  Irouva-t-ii  engagé  dans  un  long  démêlé  avec  le  sultan 
de  Grenade  et,  tantque  dura  cette  contestation,  il  se  (it  appuyer 
parle  roichiétien.  Son  frère,  Âbou-Mohammed,  soutenu  tantôt 
par  Ibn-ed-Delil  et  tantôt  par  le  roi  chrétien,  insulta  plusieurs 
fois  le  territoire  de  Grenade  et,  pendant  un  temps  considérable, 
il  se  maintint  en  guerre  contre  Ibn-cUAhmer.  Quand  les  musul- 
mans et  les  chrétiens  déposèrent  enfin  les  armes,  Àbou-'l-Hacen 
se  vit  exposé  h  la  vengeance  du  sultan  espagnol  et,  en  Tan  686 
(42S7)  il  s'assura  la  protection  du  sultan  de  Maghreb,  en  faisant 
proclamer  la  souveraineté  de  ce  prince  dans  Guadix. 

Dès  lors,  Ibn-el-Ahmer  s'abstint  de  tout  acte  d'hostilité  contre 
lui,  mais,  quand  il  eut  gagné  l'amitié  du  sultan  Abou-Yacoub,  dont 
le  mariage  avec  la  fille  dJbn-Rahhou  avait  été  arrangé  par  ses 
soins,  il  profila  de  cette  circonstance  pour  lui  demander,  par 
l'entremise  de  ses  ambassadeurs,  la  remise  de  la  ville  de  Guadix. 
Le  Bultao  y  donna  sôu  consee  tement  et  adressa  des  ordres  en  con^ 
séquence  à  Abou*'l-Haccn*lbn-Chékilola.  Ce  chef  livra  la  ville, 
passa  en  Maghreb,  l'an  687  (1288)  et,  trouvant  le  sultan  Abou- 
Yacoub  h  Salé,  il  obtint  de  lui,  comme  dédommagement,  le  gou- 
vernement d'Rl-Casr-eUKebtr  et  des  cantons  qui  en  dépendent. 
Celé  concession  est  restée,  jusqu'à  nos  jours  dans  la  famille 
d'Abou-'l-Efacen.  Par  la  possession  du  pays  do  Guadix  et  dos 
ob&teauxqui  le  défendaient,  lbn-el--Ahmer  se  trouva  débarrassé 
du  seul  voisin  eapablo  do  lui  résister. 


L'BIIIK    ABOU-AMBB    SB    BfiVOLTB    A    MAROC    BT    FAIT    BNSIIIE 

SA    SOUMISSION. 


Yersla  fiode  Choual,  687  (fin  de  novembre  4288),  quelque 
temps  après  le  retour  du  sultan  à  Fez,  son  fils,  Abou-Amer, 
entra  dans  Maroc  et  s'y  fil  proclamer  souverain  ;  démarche  qui 
lui  avait  été  conseillée  par  Mohainmed-lbn-Ottou,  gouverneur  de 


)36  îllStOIRB    DES    Bl^BBftlBd. 

la  ville.  LcsuUon  so  mit  aussitôt  en  campagne,  repoussa  lesinsor« 
gés  qni  ëlnienl  sortis  pour  lui  livrer  bataille  et  tes  obligea  i  s'en^ 
fermer  dans  la  place.  Après  avoir  soutenu  un  siège  de  quelques 
jourS)  xVliou-Amer  se  rendit  au  trésor,  en  tua  le  gardien,  Ibn-Abi'- 
V-Bérékat,  empor4a  tout  l'argent  qui  s'y  trouvait  et  so  réfugia  au 
milieu  des  tribus  masmoudiennes.  Le  lendemain,  9  de  Dou-'i- 
Hiddja  (6  janvier  4289),  Abou-Yacoub  occupa  la  ville,  publia  une 
amnistie  et  fit  tout  rentrer  dans  l'ordre. 

Mansour-Ibn-Abi-Malek,  qui  s'était  transporté  de  la  province 
de  Sous  dans  celle  de  Hhha  et  avait  soumis  toute  celte  dernière 
région,  reçut  alors  un  corps  de  renfort  que  son  oncle,  le  sultan, 
lui  expédia  de  Maroc  et,  se  voyant  en  mesure  de  combattre  les 
Zegna,  peuplade  berbère  installée  dans  le  Sous,  il  les  attaqua 
avec  une  telle  vigueur  que  plus  d'une  quarantaine  de  leurs  chefs 
restèrent  sur  le  champ  de  bataille.  Parmi  les  morts,  on  trouva  le 
corps  de  leur  cheikh,  Habboun-lbn-lbrah?m. 

Abou-<\mer  reconnut  bientôt  l'impossibilité  de  soutenir  une 
lutte  contre  son  père  et  s'enfuit  h  TIcmcen  avec  le  vizir  Ibn- 
Oltou.  Ils  y  arrivèrent  vers  le  commencement  de  l'an  688 
(fin  de  janvier  4289)  et  trouvèrent  auprès  d'Olhman-lbn-Yagh- 
moracen  un  accueil  très-empressé.  Le  sultan  céda  alors  à  la  pitié 
et,  sur  la  prière  de  sa  Aile,  il  pardonna  au  prince  rebelle  et  lui 
permit  de  reprendre  la  position  qu  il  avait  occupée  à  la  cour. 
Ensuite,  il  fit  demander  à  Othman  l'extradition  d'Ibn-Otlou, 
mais  le  souverain  Abd-el^uadite  refusa  de  trahir  les  droits 
d'hospitalité,  et,  comme  le  porteur  do  ce  message  lui  répon-< 
dit  d'une  manière  inconvenante,  il  le  fît  arrêter  et  emprison- 
ner. Cet  acte  de  violence  réveilla  enfin  la  colèro  du  sultan  méri- 
nide  et  le  décida  h  tirer  vengeance  des  nombreux  affronts  qu'il 
avait  eu  à  souffrir  de  la  part  du  seigneur  de  Tiemcen. 


1.1    GUERRE   tCLATB   ENTRE    LE    SULTAN    ABOU-TACOUB  ET   OTHMAN    1BN« 

TA4SB1I0RACEN.  —  SIÈGE    DE    TLBMCBN. 

D^ns  les  temps  anciens,  quand  les  Beni-Mertn  et  les  Béni- Abd' 


MNASTIB  MftVlMkDB .  —  ABOU-TACOCl^TOUÇOP.  4  H 

cl  Ooad  habitaient  le  Désert  et  parcouraient  avec  leurs  trou* 
peaux  te  territoire  qui  s'étend  depuis  le  MolouYa  et  le  Za  jusqu'à 
Piguig  et  le  Mozab,  la  discorde  n'avait  jamais  cessé  do  régner 
cntro  ces  deux  tribus.  Ensuite,  quand  ils   se  furent  transportés 
dans  le  Tell  pour  occuper  les  plaines  du  Maghreb  central,  leur 
mésintelligence  continua  toujours  et  amena  des  conflits  dont  on 
garde  encore  le  souvenir.  L'empire  almohrido,  à  Tcpoquo  do  son 
déclin,  se  garantissait  conlre  les  entreprises  de  ces  peupladesen 
fomentant  leurs  querelles  et,  par  cette  politique,  il  réussit,  pen- 
dant quelque  temps,  h  maintenir  son  intégrité  et  à  prolonger  son 
existence.  Nous  avons  indiqué  une  partie  seulement  des  rencon- 
tres et  des  combats  qui  eurent  lieu  entre  Yaghraoracen-lbn-Zian 
et  Abou-Yahya-lbn-Abd-el-Hack,  combats  dans  lesquels  Yagh- 
mcracen  soutenait  ordinairement  la  cause  des  Almohades.  Los 
Abd-el'ûuadites  eurent  alors  à  subir  de  fréquents  revers,  parce 
qu'ils  étaient  moins  nombreux  que  leurs  adversaires,  mais  ce 
désavantage  ajouta  encore  à  l'honneur  que  Yaghmoracen  rem* 
porta  par  sa  vigoureuse  résistance. 

La  ohuic  du  trône  qu'Abd-eUMoumen  avait  légué  h  ses  des*- 
cendants  et  la  conquête  de  leur  empire  par  Abou-Youçof-Yacoub- 
Jbn-Âhd-el-U;sck  permirent  à  Tarmée  mérinide  de  se  renforcer 
par  l'adjonction  des  troupes  almohades  et  de  se  rendre  bien  plus 
forte  que  celle  du  seigneur  de  Tiemcen.  Le  vainqueur  rassembla 
alors  toutes  ses  forces  et,  dans  la  journée  du  Telagh,  il  donna 
une  rude  leçon  à  Yaghmoracen,  leçon  qu'il  répéta  une  secondée! 
une  troisième  fois.  Ayant  enfin  achevé  la  réduction  de  toutes  les 
villes  du  Maghreb  et  consolidé  sa  domination  dans  ce  pays,  il  so 
trouva  tellement  puissant  que  le  prince  abd^^el-ouadite  renonça  à 
l'espoir  de  pouvoir  lut  résister.  Les  nombreux  échecs  qu'il  avait 
éprouvés  et  les  sièges  qu'il  avait  eu  h  soutenir  dans  sa  capitale 
auraient  suffi  pour  paralyser  ses  moyens  d'action,  quand  bien 
même  les  Toudjîu  et  les  Maghraoua,  tribus  toujours  hostiles  aux 
Beni-Abd-el-Ouad,  n'eussent  pas  appuyé,  en  toute  occasion,  les 
opérations  do  l'émir  mérinide. 

Ayant  enfin  mis  Yaghmoracen  dans   l'impossibilité  de  lui 
nuire,  Abou-Youçof  s'engagea  dans  la  guerre  sainte  et  ne  pensa 


128  lUSTOlRB     DK8     BBKBËRI&. 

plus  h  autre  chose,  ainsi  que  noos  venons  de  le  faire  remarquer. 
ibn-eUAhmer  ne  put  alors  regarder  sans  eifro!  la  puissance  de 
l'empire  mërinide  et,  craignant  pour  la  sûreté  de  son  propre  ro* 
yaume,  il  conclut  une  alliance  avec  le  roi  chrétien.  Leur  but 
était  d'empêcher  le  sultan  africain  de  passer  en  Espagne,  et,  ne 
se  croyant  pas  assez  forts  pour  le  repousser,  ils  entamèrent  des 
négociations  avec  Yaghmoracen  et  le  décidèrent  à  créer  des  em- 
barras à  leur  adversaire  afin  de  Tobliger  à  rester  chez  lui. 
Telle  fut  la  triple  alliance  qui  se  forma  contre  le  sultan  du  Ma- 
ghreb. 

La  rupture  qui  se  déclara  bientôt  après  entre  le  roi  chrétien 
et  Ibn-el-Âhmer  plaça  celui-ci  dans  la  nécessité  de  faire  la 
paix  avec  Abou-Youçof,  paix  qu'il  obtînt,  ainsi  que  nous  Tavoos 
dits  P^r  l'entremise  d'Abou-Tacoub-Yonçof ,  fib  du  sultan.  Les 
ennemis  de  Yaghmoracen  dévoilèrent  alors  les  engagements  qu'il 
avaitprisenvers  les  deux  souverains  espagnols  et,  par  cette  rêvé* 
lation,  ils  attirèrent  sur  lui,  en  Tan  619,  la  vengeance  du  prince 
mérinide.  Battu  à  Kharzouza,  bloqué  ensuite  dans  Tlemcen, 
Yaghmoracen  vil  encore  ses  anciens  ennemis,  les  Beni-Toudjtn, 
envahir  le  territoire  abd-el-euadite  à  l'in&iigation  de  son  adversai- 
re. Il  mourut  en  l'an  684  (4283),  quelque  temps  après  le  départ 
d'Abou-Yooçof  pour  la  guerre  sainte.  L'on  rapporte  que,  sur  son 
lit  de  mort,  il  fit  entendre  les  conseils  suivants  à  l'émir  Othman, 
son  fils  et  successeur  désigné  :  a  Ne  te  Halte  pas  de  pouvoir  lutter 
j»  contre  les  Beni-Mertn  ou  de  rivaliser  avec  enx.  Ne  sors  ja- 
D  mais  en  rase  campagne  pour  leurlivrer  bataille,  mais  tiens-toi  à 
»  l'abri  de  tes  remparts  s'ib  viennent  t^attaquer.»  L'on  assure 
même  qu'il  lui  adressa  ces  paroles:  «Les  Beni^Merln  ont  doublé 
»  leur  puissance  par  la  prise  de  Maroc  et  par  l'adjonction  de  lem^ 
n  pire  almohadeà  celui  qu'ils  possédaient  déjà.  Ne  te  laisse  pas 
a  égarer  par  mon  exemple;  si,  depuis  cette  époque,  je  suis  allé 
i>  me  mesurer  avec  aux,  c'est  parce  que  j'étais  trop  fier  poor 
»  les  éviter  après  avoir  fait  connaître  au  monde  que  j'avais  pour 


t  Voy.  page  408  de  ce  volume. 


DTif  ASTIS  MftlKmV.  — ABOO-YÀCOim-TOUÇOF.  '4  29 

>>  coutume  de  marcher  à  leur  rencontre  et  de  ne  jamais  lesatten- 
r>  are.  Tu  n'auras  à  craindre  aucun  déshonneur  en  te  montrant 
ji  trop  faible  pour  les  attaquer  et  trop  prudent  pour  sortir  au- 
7>  devant  d'eux  ;  car,  n^ayant  pas  pris  l'habitude  de  les  combat- 
if tre,  tu  n^as  pas  une  réputation  d'audace  à  soutenir.  Dirige  tes 
)»  efforts  vers  la  conquête  dellfrtkîa,  pays  qui  est  là,  derrière 
n  toi  ;  voilé  une  expédition  à  faire,  si  tu  veux  l'entreprendre*.» 
t!cs  conseils,  dit*on,  eurent  pour  résultat  la  guerre  avec  lesHaf- 
s»ides  et  les  tentatives  d*Oihman  et  tle  ses  successeurs  pour  s'em- 
parer de  Bougie  et  du  royaume  d'ifrtkïa, 

Après  la  mort  d'Yaghmoracen,  son  fils,  Othman,  souhaita  la 
paix  et,  en  l'an  68i  (4286-6),  il  chargea  son  frère,  Mohammed, 
ée  passer  en  ISspagoe  pour  en  conférer  avec  Ai)ou-Yacoub.  Cet 
envoyé  trouva  le  sultan  h  Arcos,  négocia  avec  lui  un  traité  aussi 
avantageux  qu'Othman  pouvait  le  désirer  et  s'en  retourna  en 
Afrique,  comblé  de  joie  et  d'honneurs. 

Abou-Tacoub,  fils  d'Abou-YouçoF,  étant  monté  sur  le  trAne, 
eut  à  comprimer  des  insurrections  qui  éclatèrent  de  tout  cAlé; 
ensuite,  il  lui  fallut  éteindre  la  révolte  que  son  fils  avait  allumé 
îi  rinstigation  du  trattre  Mohammed-lbn-Ottou,  dont  il  fit  de- 
mander Textradition  à  Oihman-Ibn-Yaghmoracen,  après  avoir 
ramené  son  fils  à  l'obéissance  et  l'avoir  rétabli  dans  les  honneurs 
qu'il  venait  de  perdre.  Le  refus  d'Olhman  exoila  la  colère  du 
sultan  et  le  décida  à  lui  déclarer  la  guerre. 

Dans  le  mois  de  ^afer  (S89  (iîév.-nTars  4290),  Abou-Yacoub 
nomma  son  fils,  Aboo-Abd-er-Rahman,  au  gouvernement  de 
Varoc  et  se  rendit  à  Fez.  Yers  la  fin  de  Rebiâ  (second — commen- 
cement de  mai),  it  quitta  cette  YÎIle,  emmenant  avec  lui  les  di- 
vers corps  de  l'armée,  les  milices,  les  contingents  fournis  parles 
tribus  et  parles  autres  peuplades  du  Maghreb.  Arrivé  sous  les 
murs  de  TIemcen  et  trouvant  qu'Othman  et  les  Abd-el-Ouadites 
s'étaient  abrités  derrière  leurs  remparts,  il  se  mit  à  parcourir  les 
pays  voisins,  pour  en  dévaster  les  lieux  habités  et  en  détruire  les 


4  Voy.  tome  ii,  page  369. 

T   IV. 


130  msToiu  jfM%  BVJifftai». 

moÎMODs.  Ayaol  abrs  pria  poailion  è  Prft**^a*Sabotta,  dans  U 
banliena  do  Tiemceii,  il  y  reato  queiqnf  tmipa  ;  eoaqite,  jl  s^  r^n- 
diU  Imaoïf  qu'il  bloqua  pendant  quarante  JQora  et  dont  il  ruina 
laa  environs.  Comm^  c^tte  plaee  lui  r^aistaii  toujours,  il  leva  le 
«i^  et  partit  pour  le  Magbr^'  Arnv^  k  Aïn-ea-Sefa,  dana  le 
paja  des  n$Di-lzpaceq^  il  y  a^lébra  la  féie  de  la  mptare  du  jeûn^ 
(4  Choual  —  8  pctobre)  e(,  parvwu  h  Tw^  il  a'acquitta  de  la 
prière  d(ifiiiçri(i€e  de  la  fè{§  d'EMdha  (40  Qott-r4-Biddja  —  15 
)anv.  4  20i).  Ce  fut  de  \k  qu'il  partit,  quelque  tempa  après,  pour 
combaKrele  roi  chrétien. 


La    aOl   CQRtTlRN    aO^PT    H   PAIX.    LB    SDLTAN     MARCHE 

CONTRE   LUI* 


Rentré  de  Vexpéilition  contre  Tlenocep,  le  auH^n  apprit  que  le 
roi  chfélien  avait  rompu  la  paix,  envahi  Iq  territoire  des  musul- 
inana  et  insulté  leurs  places  fortes  ;  aussi,  en voya-t  il  sur  le  champ 
à  l'émir  Aji-lbn-YpuçoMbn-Irgaceq,  con)mandani  des  garnisons 
ntérinides  en  Espagne,  l'ordre  de  omettre  le  siège  devant  Xérès 
Qt  de  faire  des  inclusions  dans  1^  territoire  de  Penoemi.  Dans  le 
fnoia  de  Rebi|^  second  690  (avril  4^91),  Ibn-Irgacen  envahit 
le  pays  des  chrétiensi  et  j  répapdit  la  dévastation.  Dans  le 
mois  de  Pjomada  (mai-juip),  J^si^ta^  quitta  Tèza  poi^r  aller  te 
rejoijDidre  çt,  arrivi^  h  Caar-Maana^PMdat  il  y  rassçnabla  lesconiin- 
genta  des  tribtta  e(  dea  paupiadQs  dt^M^ghrebt  Pendant  qu'il  s'ap- 
|M;é(ait  ^  (aire  transporter  çfs  Irçupei  en  l^pa^oe,  la  Sotte 
du  roi  pbrètien  vint  couper  les  eomn^uoications  entre  les  deux 
payai  An  qptoia  de  CbÂban  (août)»  les  navirea  que  le  sultan  avait 
fait  chercher  dana  les  divers  port^  du  royaume  attaquèrent  la 
flotte  çAoemici  dana  le  D^troil»  et  eaauyèrefît  une  défaite  :  Dieu 
ayant  vf>t(lq  éprouver  lea  mV9ttltpans.  Une  seconde  tentative  fut 


^  C*e$t  à  tort  qu'on  a  imprimé  ïmaten  daps  le  texte  arabe. 


DTKASTIB  SftftlHIOK.  — >l«OI}«TACOi;i-TOUÇOF .  \  31 

plaa  heureuse  ;  Veooemi  /quitta  U  Détroit  tans  riaquer  un  com- 
bat. La  flotte  muauloiane  devint  ainsi  roattreaae  de  ces  parages  et 
fournit  au  sultan l'occaaîen  de  passer  i  Tarifa.  Il  y  débarqua  vers 
ia  fin  de  Hamadan  (in  de  septembre)  et  étant  aiissîtôt  entré  dans 
le  territoire  cbrétieUv  il  prit  position  devant  Béjer  et  tint  cette 
forteresse  bloquée  pendant  trois  mois.  Après  avoir  satisfait  sa 
passion  ponr  la  guerre  sainte  en  faisant  dévaster  les  environs  de 
Xérès  et  de  Séville  par  de  fréquentes  incursions,  il  fut  contraint 
de  iever  le  sié^  de  Bédjer  par  la  sévérité  de  l'biver  et  par  le 
•manque  de  vivpee.  Rentré  à  Âlgéoiras,  il  se  rendit  de  le  en  Ma- 
ghreb, au  commencement  de  Tan  601  (24  décembre).  Poqr  Tem* 
pécher  de  rentrer  en  Espagne,  1bn«^-Akmer  et  le  roi  chrétien  se 
prêtèrent  molueHenieot  la  main,  ainsi  que  nons  le  raconterons 
•dans  le^hapitne  suivant* 


lilf-fiL-AHVER  AIDB   U   ROI  CRRaTIBlf   A    PtmPM    LA   VILLR  DE 

TAiwA  :  uns  niiu  mous  xa  rbvdb  I 


Le  roi  chrétien  ressentit  un  chagrin  extrême  en  voyant  son 
pays  dévasté  par  les  troupcjs  du  sultan  et  chercha  quelque  mo- 
yen ponr  se  garantir  dorénavant  contre  un  adversaire  aussi  re- 
doutable. Ibn-el-Ahmer,  de  son  cAlé,  craignit  quelque  trahison 
de  la  part  du  sultan  lequel  semblait  avoir  pour  but  la  conquête 
de  TAndalousie,  et,  sous  Tinfluence  de  celie  idée,  il  eut  un  entre- 
tien secret  avec  le  roi,  son  voisin.  Dans  cette  conférence,  ils  re- 
connurent d'abord  que  le  sultan  avait  de  grandes  facilités  pour 
passer  en  Espagne  :  le  Détroit  n'était  pas  large  ;  les  forteresses 
qui  garnissaient  les  deux  bords  lui  appartsnaient  et,  même 
sans  avoir  une  flotte  h  sa  disposition  ,  il  pouvait  maintenir  les 
communications  entre  les  deux  pays  au  moyen  do  galères  et 
d'antres  bâtiments.  Ils  convinrent  ensuite  que,  de  toutes  ces  pla- 
ces fortes.  Tarifa  était  la  plus  importante  et  que  s'ils  pouvaient 
s'en  emparer,  elle  leur  servirait  de  vigie  pour  dominer  le  Détroit 
et  de  station  pour  une  flotte  capable  de  lutter  avec  tons  les  na- 


'132  mSTOlRB    BBS 

Tires  que    les  ports  du  Maghreb  pourraienl  mettre  en   mer» 

Le  roi  se  laissa  décider  par  ces  considérations  à  faire  le  siège 
de  Tarifa  et,  s'étant  ménagé  Tappui  d4bn-cl-Abmer,  qui  prit 
l'engagement  de  le  seconder  et  de  lui  fournir  des  vivres,  à  la 
condition  d'être  mis  en  possession  de  cette  place  quand  elle  suc- 
comberait, il  réunit  toutes  les  forces  de  son  empire  et  alla  prendre 
position  contre  la  forteresse.  Il  commença  Tattaque  par  dresser 
ses  machines  de  guerre  et  intercepter  les  convois  destinés  aux 
assiégés,  pendant  que  sa  flotte  occupait  le  Détroitetleur  6ta  Pas- 
poir  d'ôtre  secourus  par  le  sultan  et  par  leurs  frères,  les  musul^ 
mans.  Ibn-el-Ahmer  établit  son  camp  à  Malaga  afin  d^étre  plus 
rapproché  du  roi  chrétien,  et,  de  là,  il  lui  fit  passer  des  troupes, 
des  armes  et  des  vivres.  Un  détachement  qu'il  envoya  contre 
Estepona  s'empara  de  cette  place  après  un  siège  de  courte  durée. 

Pendant  quatre  mois  la  garnison  de  Tarifa  résista  vigoureuse- 
ment, mais,  épuisée  enfin  par  la  famine  et  par  les  pertes  qu'elle 
avait  éprouvées,  elle  consentit  h  évaluer  la  forteresse.  Le  roi 
chrétien  lui  accorda  une  capitulation  dont  il  remplit  fidèlement 
toutes  les  conditions.  Ce  fut  en  Tan  691  (1292)  quo  Tarifa  suc- 
comba. 

Ibn-el-Ahmer  s'attendait  à  être  mis  en  possession  de  la  place, 
ainsi  que  cela  avait  été  convenu  entre  lui  et  le  roi  ;  mais  celui-ci 
la  garda  pour  lui-même,  sans  s'arrêter  aux  remontrances  de 
son  allié.  Il  lui  olFrit  cependant  six  châteaux  comme  dédomma- 
gement. 

Indigné  de  ce  procédé,  Ibn-el-Ahmer  résolut  de  solliciter  en- 
core l'alliance  du  sultnn  mérinide  et  son  appui  contre  le  roi.  Une 
dépntion  composée  de  son  cousin  le  rats  Abou-Satd-Féredj-Ibn- 
Ismaîl-lbn-Youçof,  du  vizir  Abou-Soltan-Aztz-ed-Dani  et  de  plu- 
sieurs notables  de  Grenade,  passa  en  Afrique  afin  de  présenter 
à  Abou-Yacoub  les  excuses  de  leur  souverain  et  d'obtenir  le  re- 
nouvellement de  l'ancien  traité.  Ces  envoyés  trouvèrent  le  sultan 
près  de  Tazoula,  château  dont  il  était  occupé  h  faire  le  siège,  et 
le  décidèrent  h  signer  un  traité  d'alliance  et  d'amltië  tel  que 
leur  maître  l'avait  souhaité.  Ils  rejoignirent  Ibn-ol-Ahraer  en  l'an 
692(1293). 


DTKA8TIB  MiRlKIOB . — ABOU-tiCOi'B-YOIJÇOP.  i  93' 

t 

DaDft  le  mois  de  Robift  (fév.-mars)  de  cette  année  eut  lieu  la 
mort  d'Ali-lbD-lrgaceo,  commandant  des  garnisons  mérinides 
en  Espagne.  Le  sultan  donna  alors  le  gouvernement  de  toutes  les 
places  fortes  de  cetle  péninsule  qui  reconnaissaient  encore  son 
autorité  à  son  fils  et  successeur  désigné,  Abou-Amer,  et,  lui 
ayant  recommandé  de  les  entretenir  en  bon  état,  il  le  fit  accom- 
pagner  par  un  corps  d'armée  jusqu'à  Casr-el-Medjaz.  Ce  fut  là 
que  le  prince  mérinide  reçut  la  visite  du  sullan  Ibn-el-Ahmer. 

IBN-EL-ABIIBR  SB   BBlin   ▲  TANGBR   POCR   VISITBR    LB    SULTAIV. 

Quand  les  ambassadeurs andalousiens  furent  de  retour,  ils  ra- 
contèrent à  leur  souverain  le  bon  accueil  que  le  sultan  mérinide 
leur  avait  fait  et  lui  annoncèrent  Thcureux  succès  de  leur  mis- 
sion. Cette  nouvelle  fil  le  plus  vif  plaisir  à  Ibn-el-Ahmer  ;  trans- 
porté de  joie,  il  s'élança  de  son  trône  en  déclarant  qu'il  irait  en 
pers^onne  auprès  d'Abou-Yacoub  afin  de  cimenter  leur  nouvelle 
alliance,  de  s'excuser  d'avoir  contribué  à  la  chute  de  Tarifa  et 
d'implorer  l'intervention  des  musulmans  africains  en  faveur  de 
leurs  corréligiennaires  espagnols.  Dans  le  mois  de  Dou-'l-Gàda 
69%  (octobre  4293),  il  traversa  le  Détroit  et  prit  terre  à  Benyou- 
nocb,.près  dejCeuta.  Delà,  il  se  rendit  à  Tanger  en  se  faisant 
précéder  par  un  cadeau  destiné  au  sultan.  Un  des  objets  les  plus- 
précieux,  dont  cette  oOrande  se  composait  et  qui  devait  être  très- 
agréable  au  souverain  mérinide  fut,  dit-on^  le  précieux  manuscrit 
du  Coran  que,  selon  la  tradition,  Othman-lbn-Affan  [le  trotsièmo^ 
khalife]  avait  envoyé  dans  le  pays  de  l'Ouest,  à  l'époque  où  il  fit 
porter  quatre  exemplaires  de  ce  livre  saint  aux  quatre  parties  de 
son  empire.  Ce  volume  était  resté  comme  un  héritage  dans  la- 
famille  des  Oméïades  qui  occupa  le  tràne  de  Cordoue. 

L'émir  Abou-Amer  et  son  frère,  Abou-Abd-er-Bahmao,  ac- 
cueillirent le  sultan  espagnol  de  la  manière  la  plus  respectueuse, 
et,  bientôt  après,  leur  père  quitta  la  capitale  et  vint  à  Tanger 
pour  témoigner  à  ce  visiteur  distingué  toute  la  considération  ei 
tous  les  égards  dont  il  était  digne.  Ibn-cl-Ahmer  commença  alors 
un  discours  dans  lequel  il  essaya  d'excuser  sa  conduite  dansl'af- 


93t  mvTOitt  fES  ifetHMV». 

faire  «te  Tarifa,  mais  le  soltdn  Moterrompil  en  dëckinrnt  qu'iF 
avait  oublié  le  passé.  Après  l^éehangedes  cadeaux,  le  souverain 
espagnol  eéda  su  suUaa  les  tilles  d'Algésiras  et  de  Rend»,  \» 
province  de  la  GharbTa  et  vingt  ehàteaax  qui  afvafent  déjà  ap-* 
portenu  au  gouvemefoent  mérinide.  Vers  la  fin  de  raa69^fnor. 
déc.  4293),  il  rentra  en^  Espagne,  heureux  et  fier  des  bienfaits 
dont  on  I*avai^  comblé.  Avec  lui  partit  une  armée  D»érinide  des- 
tinée à  faire  le  siège  de  Tarifa  et  commandée  par  le  célèbre  vizir 
Omar-Ibn-cs-Saoudi-lbn-Khtrbacb ,  membre  de  la  tribu  des 
DJQchem.  On  tenta  alors  la  réduction  de  eette  place  forte,  mais 
elle  offrit  une  telle  résistance  qu*on  fut  obligé  d'y  renoncer. 

Le  sultan  mertnîde  dirigea  ensoite  soi»^alte»lio»  vers  TIemce» 
et  réscdttt  d'en  faire-ie  siège. 


IBN-BL-OViztK-BUOVATTACI  S'Sa^AR   BB  TltOllTA,  fOSTEiVSSB' 
SITVfiK   »AKS    LB   ifp,    BT   L*ABAlf0OinW  I1?SV1TS    IV   SITLtAll. 


La  famille  des  Oué^r  conHnandait  attZr  Bëni-O^ttas  S  trrbu 
mérinide.  Elle  se  représentait  oomflEie  agrégée  seulement  ë  \» 
tf ib«i  des  Mertn  et  prétendait  descendre  d'AAt-lbn-¥ofiçof-Ibn^ 
Taoheftn  [le  sultan  almoravide};  Selon  les  Beni^'l-Ouéztr,  la  pos* 
térité  d*AIi  adopta  la  vie  nomade  ets'ineorpora  dans  la  tribu  des 
Ouattas  ao  point  d'eti  prendre  loua  tes  ceractèrea  distinctife. 
Fiers  de  leur  origine  supposée,  les  Beni-'l>Ooéilr  se  distingué- 
ranl  par  leur  hastear  et  leur  fierté.  Totijoura  disposés  à  ren-^ 
verser  t^aulorité  des  émirs  qni  commandaient  a»x  Mérinide^,  ils* 
tramèrent  la  mort  d*Aba#-Y8tiya«lb»-Abd*el*Back  qui  était 
passé  dans  leur  pays  à  Tépoque  [où  le  satta»  almohade]  Es*Satd 
fit  balte  k  Tèza  avant  de  continuer  sa  marche  vers  Tiemcen. 
AboQ-Yabya  fut  avertr  du  complot  el  s'enfdit  de  côté  do  6ba*^ 

< 

*  Variante  :  (Mas, 


brala  0i  d'Aïk^efr«StefiitdàDS  k  twrriiotlns  des  Bem*biitaa«|  •!  et 
(ut  là  (f«'il  «pprii  la  taorl  d'b^td. 

Qaand  k9  Befli-MeHii  Mvahîrèlil  le  Maghrab  et  sTé»  |Mrlagè- 
raal  Iw  proTÎnce^^  lea  Beai-^Omltae  oblinmil  le  pa;^  du  RtL  La 
«^aifi^gM  de  otice  r^ion  leur  aerTÎt  de  aéjoui*,  ël  lea  celtive- 
tear^t  aifisî  qo«  lea  tilles,  devinrent  ledra  iriboUiirea*  Taaouta, 
oti  daa  cbftleaax  lea  |»Iaa  (otià  do  Maghreb,  s'élevaiit  obes  eus 
daoa  le  Bff  et  afiparteMÎi  aux  BeuUMerla.  La»  prtneea  néa 
d'Àbd-ekBatk  alUebèreirt  um  icUe  ioaporiftiioe  à  la  eomervatie» 
de  cette  place  qU*tla  èti  domièrmllQfiijeiira  le  eooKBàDdeiMBl  à  dea 
officiel^  habiles  et  d'ue  dév^Uaineal  éproavé.  Elle  aérveil  à  (eotf 
eii  raapeet  1^  Bed'HOoatÉae  et  à  réprioier  leur»  projeta  Mobn 
lieux*  Après  la  mort  d'Abdu-Yoofof,  s»n  Gis  le  saltaa  Abou*- 
Yaoonb,  y  imtaUa  se»  wTeD,  Sluaseer-lbn^Abi-lisleké 

A  eette  époque^  hé  OtieOes  eorent  povr  ehefs  les  frèras  Omar 
et  Amer,  Bis  de  Yahya-lbn-el-Ooéfîr,  et,  comme  oe  croyait 
dans  la  trîba  que  la  paîsaance  des  Mérinidcs  devait  seccomber 
avoo  celvitqiii  l'avait  (oadée^  iU  cooeerlèreet  UD  ooiip  de  nain 
contre  Tatouiad  afin  d'être  mattrescbeseai.  Dans  le  mois  Je 
Ghoual  691  (sept.  -cet.  4292),  Omar-lbn-Yahya  surprit  la  for^ 
toressc  et  en  expuUa  Mansour,  après  lut  avoir  tué  tout  son 
ineftde*  S'ëtant  alors  approprie  l'argent  qui  s'y  trouvait  etqfni 
provenait  des  impAta,  il  y  installa  une  garnison  composée  de  ses 
gens  et  des  principaux  membres  de  sa  famille.  Mansour  alla  re- 
joindre le  sultan  et  mourut  de  honte  peu  de  jours  après. 

Le  vizir  Omar^bd^è^-Saond'-IbnKkbirbaeh  partit  aossitAt^vec 
Me  armée  et  mit  te  aïége  devéilfrTAiouta.  Le  suttati,  son  niatCre, 
y  arriva  «esitile  et  dressa  sdà  esdi p  an  pieii  de  la  pleee.  Amer , 
l'utt  4es  deax  chefs  ottattacieas^  prévit  qoe  la  révolte  fiarrait  lAal 
e«,  passa,  av«eses  gens,  dtt  cMé  dn  s«ritan.  Ayant  ale^s  reçii  une 
eommnnication  de  SOIi  Mtt  OÉftsr  qai,  se  vèyasft  étfôitetnént 
Moqné^  avafl  péCdb  tout  espoir  de  sal«t  et  iikrplôfait  ses  bons 
o(Rces,'A  obtint  dtl  sultan  fal  permrissrOfl  d'entrer  eÀêommtmîcartian 
avec  les  insurgés  afin  de  les  amenerè  la  soumission.  [Omar]  pro- 
fita de  la  suspension  des  hostilités  pour  emballer  ses  richesses, 
s'enfuir  h  Tiemccn  et  laisser  son  frère  dans  la  forteresse.  Placé 


f39  msTOiRB  Ms  '  niBtecB. 

dans  une  position  aussi  embarrassaote,  Amercraigntilà  vengeance 
du  sultan  ei,  pensant  qu^il  allait  subîp  le  «bâtiment  dAà  son  frère^ 
ilcontinua  la- résistanoe.  BientAt,  cependant,  il  reconnut  Mmpos- 
aibilité  de  s^y  maintenir  et,  sachant  qu'une  flottille  était  arrivée 
dans  le  port  de  Gliassaçeavec  une  députation  àndalousienne,  il 
fit  prier  ces  envoyés  d'intercéder  pour  lui.  Le  sultan  consentit  h 
pardonner  au  chef  insurgé  h  condilion  qu'il  passerait  en  Espagne^ 
Bien  que  cette  conditioD  ne  plût  nullement  k  Amer,  il  promit  de 
s'y  soumettre  et  envoya  une  partie  de  ses  gens  à  bord  des  navires 
espagnols  en  disant  qu'il  allait  les  suivre.  Quand  la  nuit  fut  ar- 
rivée, il  sortit  à  la  dérobée  et  prit  ta  route  de  Tiemcen.  Le  suir 
tan  se  vengea  de  ce  tour  en  faisant  mourir  les  fils  et  les  parents 
du  fugitif,  lesquels  étaient  restés  dans  Tazonia  ;  tous  les  gens 
que  l'on  avait  embarqués  subirent  le  même  sort,  ayant  été  livrés 
par  les  Espagnols  qui  s'étaient  indignés  d'être  pris  pour  dupes 
dans  cette  affaire. 

Ben  (ré  en  possession  de  Tazouta,  Abou-Yacoub  y  install»  um 
garnison  avec  plusieurs  agents  du  fise  et,  vers  la  fin  du  mois  de 
Bjomada  692  (avril-mai  4293),  il  partit  pour  Fer. 


ABOU-IVIR    IBlNnOIflfB   SON  PftBE ,   U    SULTAN  ,    BT    SB  JBTTB   nANS 

LBS  MONVAONBS  BBS   GBOKABi* 


Après  avoir  enlevé  Tasouta  aux  Boni -'1-Ouéztr,  le  sultan  reçut 
la  visite  d'Ibn-el-Ahmer  et  renouvela  l'alliance  entre  les  deux 
empires  en  lui  rendant  son  amitié.  Il  donna  alors-au  visir,  Omar- 
Ibu-es-Saoud,  l'ordre  d'entreprendre  le  siège  de  Tarifa  et  il  fit 
partir  son  fils,  l'emir  Abo«*Amer,  du  Casr-Hasmouda  et  l'en» 
voyadans  le  Rif,  afin  d'y  rétablir  la  tranquillité* 

[Le  lecteur  a  vu  qu'en  Tan  685]  *  les  fils  d' Abou^Yahya-IbiH 
Abd-el-^Hack,  sachant  que  leurs  ennemis  avaient  aigri  le  cœur  du 


I  ¥oy*  page  tSâ  de  ce  volume.. 


DIKASTU  iitellim*—- lB0U*VieOI}t— TOtÇOF.  t37 

tollao  coolre  eox,  a'^nfoirent  [en  BapAgae  d'où  its^e  rondirenl} 
«  TiemoeD.  Après  avoir  séjourné  q.iielc|iie  temps  dans  cette  ville, 
ils  parvinrent  k  se  faire  pardonner  leur  équipée  et  h  obtenir  Tau* 
torisation  de  rentrer  en  Maghreb  et  do  reprendre  la  haute  posi- 
tion qu'ils  avaient  occupée  dans  Tempire  mérinide.  L'émir  Abou- 
Amer  appriicetle  nouvelle  dans  le  Aifouil  était  campé  et.  cro- 
yant Caire  plaisir  à  son  père,  il  résolut  de  tuer  ces  princcs.cn 
guet-apens  ([uand  ils  seraient  en  route  pour  Fez.  En  Tan  695 
(1295*6),  il  accomplit  son  projet^  les  ayant  surpris  auprès  de  la 
rivière  Ël-Catef,  dans  le  bassin  du  Holouïa.  Au  récit  de  sa  tra-* 
bison«  le  sultan  laissa  éclater  Tindignation  la  plus  vive  ;  il  prit 
Dieu  à  témoin  de  son  innocence,  en  déclarant  qu'il  n'avait  parti- 
cipé en  aucune  façon  à  ce  crime  et  ït  ordonna  à  son  ù\s  de  no 
plus  sa  présenter  devanl  tui.  Abou-Amer  se  retira  le  cœur  gonflé 
décolère,  et  traversa  Te  Btf  jusqu'aux  montagnes  des  Ghomara, 
où,  depuis  lors,  il  ne  cessa  de  vivre  en  proscrit.  L'armée  du  sut- 
fan,  commandée  par  Meimoun-Ibn-Ouedrar,  te  djocbemide,  es- 
saya inutilement  de  le  faire  rentrer  dans  l'obéissance  ;  une  se* 
oonde  expédition,  conduite  parZtguen-Ibn-el-Moutat-Tamtmount 
{fiU  de  la  dame  Bfetmouna)^  ne  fut  pas  plus  heureux,  ayant  es- 
suyé plusieurs  échecs  dont  te  dernier  eut  lieu  à  Irztguen  <,  en 
fan  697(1297^)». 

Ez-Zolaïkhi ,  l'historien  de  l'empire  mérinide  * ,  dit  qn*Abou- 
Amerse  révolta  dans  tes  montagnes  des  Ghomara,  en  t'an  694,  et 
que  l'année  suivante,  il  envoya  de  son  lieu  de  retraite  une  bande 
d'assassins  qui  tuèrent  les  fils  de  hémir  Abou^Yahya,  Dieu  sait 
lequel  de  ces  renseignements  mérite  le  plus  de  foi. 

Quoi  qu'it  en  soft,  Abou-Amer  persista  dans  l'insoumission 
jusqu'b  son  dernier  jour.  It  mourut  en  698  (1 298-9),  chez  les 
Beni-Satd.  dans  l'es  montagnes  où  it  s'était  retiré.  Son  corps  fut 
transporté  à  Fez  et  enterré  dans  le  cimetière  royal,  auprès  de  la 


1  Variantes  :  Birdhikm ,  Berzigùen. 


<  Dans  les  maonscrUs  et  le  texte  arabe  imprimé  il  l4Qt  lire  ethà  à  la 
place  de  iiszà. 

»  L'ouvrÉge  de r historien  B»ZotalUii<ra  Bz-Zelaïjdi|QODS est  inconnu. 


43ft  ÉlSTOItl    M9    BCniiM». 

porte  Bab-^I-FotMb.  It  {«issâ  dent  èàhtUê  qui  fWMt  éleTét 
sous  les  yem  de  leur  grarnd-^re  et  qui  deviârenl  kbalrfee^  dans 
la  soHe. 


NOUYBLLIS   I5CUBS10NS   DANS    LE   TBBRITOIRI   DE   TLEMCEN. 

En  Tan  689  (4290),  quand  le  sultan  eul  levé  le  siège  de  Tieui  - 
cen  et  qu^Ibn-eUAhmer  se  fut  ligué  avec  le  roi  chrétien  pour 
mieux  résister  aux  Hénnides,  Othman,  fils  de  Yaghmoracen,  re- 
chercha Talliance  des  deux  souverains  espagnols  et, en  Tan  69^,  il 
envoya  Ibn-Bertdi,  ancien  serviteur  et  client  de  sa  famille»  auprès 
de  Bon  Sanche.  Ce  messager  revint  à  Tiemcen  accompagné  par 
un  ambassadeur  du  roi  chrétien,  le  nommé  Ër-Rik-Htkcen  *  ,  on 
des  grands  de  cette  nation.  El-Hadj-Masoud ,  officier  de  la 
suite  d'Ûthman,  se  rendit  alors  à  la  c^ur  du  roi  et  ratifia  le 
Irailé  d'alliance.  Le  prince  deïltoicen  crut  s'être  garanti,  par  ce- 
coup  de  politique,  contre  les  attaques  d'Abou-Yacoub,  mais  it  ne 
fit  qu'ajouter  aux  torts  que  ce  monarque  avait  à  lui  reprocher. 

Pendant  quelque  temps,  Âbou-Yacoub  dissimula  son  ressenti* 
ment  et,  dans  rintervafle,  il  se  dégagea  des  embarras  que  lai 
donnèrent  les  affaires  d'Espagne  et  se  vit  délivré  do  son  ancien 
ennemi,  Don-Sanche»  qui  mourut  en  l'an  699*,  après  un  règne 
de  once  ans.  L'année  suivante,  il  se  rendit  à  Tangiar  afin  d'exa- 
miner l'état  de  PEsjpagne,  et  il  y  reçut  [encore]  la  visite  d'ibn- 
el-Ahmer.  Ayant  reconnu  que  la  tranquillité  régnait  en  Anda- 
lousie, il  confinca  son  illustre  hâte  dans  les  meilleurs  sentiments 
d'amitié  en  lui  cédant  toutes  les  places  fortes  que  les  Mérinides 
occupaient  en  ce  pays.  Alors,  seulement^  il  commença  les  prépa* 
ratifs  de  sod  expédition  contre  Tiemcen»  et,  vers  la  ntôme  épo- 


*  En  arabe,(jy-»X;dl^l  ;  il  faut  probablement  lire  o*^  V'^  Er-Ro- 
drigaès,  Bodrtguez,  évéque  de  Tordre  de  Sl-Fraoç<»id,qui,  eu  Tan  1290, 
avdt  été  Goinmé  aumOnfer  ées  seigneurs  chrétiens  vu  tcrtfce  du 
roi  de  Maroc.  —  Yoy.  Ferreras,  tome  iv,  page  186. 

«Don  Samhe  moarutao  eammfûêHtusitéR  Ym  1Sfi6  (f^ido  rh^gfre). 


^e,  il  prHsoasea  proteelioo  Tbabei-ibo-M^ndM,  chef  maglirflh- 
ouïen  qui  était  venu  implorer  l'appui  des  Mérinide»  eonlre  le  fila 
de  Ta^UDDoraoen. 

Peadaot  les  asoéee  693  el  693  (1298-4),  k  poputaiion  [do 
Ma^eb}  eai  beanooap  àsouffrir  de  la  sédieresae»  mais,  ensuite, 
IMeu  se  montra  miséncbrdieox  envers  ses  créatures  et  leur  reo- 
dit  ra)K>Ddaiice  et  I»  prospérité  aoxqiieUes  ils  les  avait  habituées. 
Eu  694,  quand  Tbab^-lbiHMendll  se  préseota  à  la  cour  d'Abou^ 
Tacouh  et  demanda  secours^  [la  disette  de  vivres  ne  se  faisait 
plus  senilr  et^  ce  prînee  ji&la  les  yeux  sur  Moufa*}bB»Abi-Ham  • 
mou,  un  des  grauda  chefs  de  la  natioa  mérinidei  et  lui  ordonna 
de  se  vendre  à  Tletncen  et  d'iotercéder  en  faveur  du  réfugié.  Othr' 
man  aecudillii  cet  envojé  fort  mal  et  le  congédiade  la  manière  lu 
pl«a  iDoonvenantaw  Un  second  aa^assadeut  ne  réiBsil  pas  mieux 
que  soo  devancier,  et,  comme  sa  présence  n^avait  fait  qu'aocrot-^ 
tré  rînsolence  du  prince  de  Tiemeeo«  le  sultan  prit  aiissîi6t  ses 
dispositions  pour  envahir  le  territoire  abd-el-ouadite. 

En  l-an  694,  il  se  mit  eu  campagne  et  continua  sa  marcha  jus* 
qu'à  Taouriit ,  ville  frontière  do  Tempi  re  mériatde.  I>'un  cAté  , 
il  y  avait  un  ofieîer  qui  eomasaiidait  au  nom  du  sultan  Abott^* 
Tacoub,  et,  ifeTautn»,  uv  gouverneur  désigné  par  0thman4btt'* 
Tagbmoracen.  Le  sultan  expulsa  le  tonctionilaire  abd-el-oaaditev 
prit  possession  de  la  ville  entièreet  posé  la$ fondements  du  ehfttea» 
qui  a'y  voit  encore*  Tous  les  jours,  depuis  le  matin  juaqu'ao 
aoir^  il  assista  au&  travaux  des  ouvriers  employés^  lacoostruo- 
«ioB  de  cet  édifice,  de  sorta  qu'il  parvint  h  le  faire  achever  dau^ 
le  mois  de  Oamadan  (juillet-août  \  385)  de  la  wu&me  année^  Vou- 
lant faire  de  Taourtrt  une  de  ses  plaees  ferles,  il  y  établit! 
une  garnison  fournie  par  la  tribu  des  Beni*Asker  el  commandée 
par  son  frère,  Abou-Yahya-lb»-Yacottb.  Ces  dtsf>ositioos  ter- 
minées, il  reprit  le  chem'm  de  sa  capitale. 

L^unée  suivante^  il  ()uitla  Pexavee  l^ioteniio^ide  poosaer  jus^ 
qu'à  Tlemcen  et,  ariivé  près  d'Oudjda,  il  en  fit  abattre  les 
fortifications^  S'étant  alors  porté  en  avant,  il  occupa  Mectfa  et 
Ez*Zéara,  d'où  il  s'avança  jusqu'à  Nedroma.  Pendant  quarante 
^ours,  il  tint  cette  ville  assiégée  et  la  foudroya  avec  ses  catapulCcs- 


440  BISTOIRB    ras    BBKBftBBS, 

{médjanic)  sans  pouvoir  la  réduire }  aussi,  le  2  Cbooai  (5  aoûl 
4S96},  il  décampa. 

En  Tan  696  (1 296-7)  il  marcha  encore  contre  Tlemcen  et  ayant 
rencontré  Othroan-Ibn-Ynghmoracenqai  étailsorti  pour  lui  livrer 
bataille,  il  lui  tua  beaucoup  de  monde  et  le  repoussa  dans  la  ville» 
Après  avoir  tenu  la  place  investie  pendant  plusieurs  jours,  il 
abandonna  ses  positions  et  revint  k  Fez.  Cette  année~là,  il  célé- 
bra la  fêle  du  sacrifice  (1 0  Dou-'l-Hiddja  -  30  sept.  4  297)  à  Tèza , 
et  il  y  épousa  la  petite  fille  de  Thabei-lbn-Hendtl  auquel  il  Pavail 
demandée  en  mariage.  Quelque  temps  auparavant,  Thabet  fut  tué 
àBahtra-t«ez-Zttoun,  pràs  de  Fez,  par  un  individu  delà  tribu  des 
Ourtadjenqui  crut  venger  ainsi  la  mortd^un  de  ses  parents  tué- 
par  [les  Maghroua],  tribu  de  sa  victime'.  Le  sultan  fit  mourir 
l'assassin  et  célébra  ensuite  le  mariage  dont  cous  venons  de  par** 
ter.  Ayant  alors  donné  Perdre  de  bâtir  à  Tèza  le  château  que  l'on^ 
y  remarque  encore,  il  partit  pour  Fez  au  commencement  de  Tan- 
697(find»oct.  4297). 

Quelque  temps  après,  il  fit  une  course  dans  le  territoire  des 
Uiknaça  et,  rentré  dans  sa  capitale,  il  en  sortit  de  nouveau , 
dans  le  mois  de  Djomada  (février -avril  4298)  et  marcha 
encore  sur  Tlemcen.  En  passant  par  Oudjda,  il  donna  l'ordre 
de  relever  cette  ville  et  d'en  réparer  les  murailles.  H  y  fit 
aussi  construire  une  citadelle,  une  mosquée  et  une  habitation 
pour  lui-même.  Arrivé  sous  les  murs  de  Tlemcen,  il  entoura  la- 
ville  de  son  armée,  ainsi  que  le  halo  entoure  la  lune ,  et  il 
braqua  sur  elle  une  de  ces  arbalètes  énormes  dont  la  portée  est  si- 
extraordinaire  et  auxquelles  on  donne  le  nom  de  cos-^ez-ziar  {arc 
à  eaveçonj.  Quelques  ingénieurs  et  un  grand  nombre  d^ouvriers 
furent  employés  è  construire  cet  engin  dont  les  matériaux 
faisaient  la  charge  de  onze  mulets.  Gomme  la  ville  résistait  en- 
core malgré  tous  ses  efforts,  il  leva  le  siège  au  commencement 
de  l'an  698  (milieu  d'octobre  4  298),  et,  en  passant  par  Oudjda,  il 


i  Voy.  t.  m^  p.  318. 


DYIf ASTIK  MfiRIlllDB. —  ABOU-TACOCft-TOrÇOF.  4 it 

y  laissa  son  frère,  Aboa-Yahya-lbo-Yacoab  avec  le  corps  a^ke- 
ride  qui  avait  tenu  garnison  àTaoartrt. 

D'après  ses  inslractions,  cette  troupe  se  mit  h  faire  de  fré- 
quentes courses  dans  le  territoire  abd-el*ouadile  et  h  dépouiller 
les  voyageurs.  Les  habitants  [  de  la  ville  de  Nedroma  ]  perdi<^ 
rent  alors  tout  espoir  d'être  secourus  par  leur  souverain  et  en- 
voyèrent une  députation  è  l'émir  Abou-Yahya.  Ce  prince  leur 
accorda  sa  protection,  à  la  condition  de  laisser  occuper  leur  ville 
par  SCS  troupes  et  de  reconnattre  t^autorité  du  sultan.  Le  peuple 
de  Taount  suivit  cet  exemple  et,  vers  la  fin  de  Djomada  (mars 
4299),  tous  leurs  cheikhs  arrivèrent  à  Fez  et  présentèrent  leurs 
hommages  au  souverain  mërinide.  Ils  le  prièrent  en  même  temps 
de  marcher  au  secours  de  leurs  frères  et  d'arracher  leur  paya 
h  la  domination  de  leur  ennemi,  le  fils  de  Yaghrooracen.  En  dé-^ 
crivant  la  tyrannie  de  ce  prince  et  la  faiblesse  de  ses  moyens  dé 
défense,  ils  inspirèrent  au  sultan  la  résolution  de  renouveler  ses 
lentalives  contre  Tlemcen. 


LONG   SIÈGE   DE    TLBVCEN. 


Le  sultan  ayant  reconnu  que  rien  ne  s'opposait  èi  une  nouvelle 
expédition,  résolut  de  mettre  le  siège  devant  la  capitale  abd-el^ 
ouadite  et  de  la  tenir  étroitement  bloquée  jusqu'à  ce  qu'elle 
tombât  en  son  pouvoir.  Après  avoir  appelé  son  peuple  aux 
armes  et  rassemblé  toutes  seâ  forces,  il  les  passa  en  revue,  com- 
pléta leur  équipement  et  distribua  à  tous  de  fortes  gratifications; 
puis,  dans  le  mois  de  Redjeb  698  (avril  4299).  il  se  mit  en  mar- 
che. Le  2  Ghàban  (6  mai),  il  arriva  sous  les  murs  do  Tlemcen  et 
dre&sa  son  camp  dans  la  plaine  voisine.  Alors,  quand  il  eut  forcé 
Olhmnn-lhn-Yaghmoraeen  et  les  Abd-ei-ouadites  à  se  réfugier 
derrière  leurs  remparts,  il  entoura  la  ville  entière  d'un  mur  de 
circonvallation,  bordé,  en  dedans,  d'un  fossé  très-profond.  Il  éta- 
tablitdes  corps  de  garde  aux  portes  et  aux  autre?  ouvertures  de 
cette  enceinte. 


m  BISTOIRB    VSB  IBHStaM. 

Les  babiiaots  de  Honein^  contre  lesquels  il  envoya  an  déUçbe^ 
•ment  de  son  armée,  s'empressèrent  de  U^ire  leur  soumissbn  et, 
vers  le  milieu  de  Cbàbao  (mai),  ils  envoyèrent  au  camp  une  dé- 
pulation  de  leurs  cheikhs.  Dn  autre  corps  de  troupes  partît  avec 
l'ordre  d'investir  Orao,  de  parcourir  les  plaines  qui  l'avoisineni 
«t  d'assiéger  les  autres  villes  do  cette  province.  Dans  le  mois  de 
Ojomada  second  699  (févr.^mars  4  300)  Maiouma  se  rendit  et  le 
QDois  de  Bamadan  (mai-juin)  se  termina  par  la  prise  de  Taliout, 
4l'EUGaçabat,  de  Temzetdekt  et  d'Oran.  Les  Mérioides  parcou- 
rurent ainsi  tout  te  pays  jusqu'aux  environs  de  Bougie,  en  ré- 
pandant l'effroi  dans  les  diverses  contrées  qu'ils  traversèrent 
Les  plaines  du  territoire  des  Maghraoua  et  celles  qu'occupaient 
les  Toodjtn  furent  envahies  par  la  cavalerie  du  sultan ,  et  bientôt 
celte  région  vit  flotter  le  drapeau  mérinide  sur  les  murs  de  Mî- 
Jtana,  de Mostaghanem,  deChei^chel,  d'filBat'ha,  deMédéa,  de 
TafergMtnt  et  sur  le  Ouanchertch.  Ztri,  qui  avait  usur|)é  le  com- 
mandement à  Brechk,  fit  sa  soumission,  ainsi  qu'Ibn-Allan  qui 
a'était  emparé  de  la  ville  d'Alger*.  Tous  les  chefs  qui  étaient 
mal  disposés  pour  le  sultan  durent  s'éloigner  afin  d'éviter  sa  co- 
lère, mais  les  personnes  qui  lui  témoignèrent  des  sentiments  fa« 
vorables  furent  assurées  d'un  accueil  bienveillant. 

Les  Almohades  de  l'Ifrtkïa,  c'est-à-dire,  les  princes  hafsides 
•de  Bougie  et  de  Tunis,  recherchèrent  alors  l'alliance  des  Hérinides 
ot  tAdjbèrent  de  gagner  l'amitié  du  sultan  par  de  riches  présents. 
Le  souverain  de  race  turque  qui  régnait  en  Egypte  lui  expédia 
m  don  magnifiqnOi  accompagné  d'une  lettre  de  félicitation  ;  té« 
moigoagede  respect  auqpel  le  sultan  ne  manqua  pas  de  répondre^ 
ainsi  que  nous  le  dirons  plus  loin.  Les  Beni^Nemi,  cbériCs  de  la 
Mecque,  hii  envoyèrent  aussi  une  députation. 

Pendant  le  temps  qui  venait  de  s'écouler,  toulcs  les  disposi- 
tions avaient  été  prises  pour  maintenir  le  blocns  de  Tlemcen,  et 
l'on  assure  que  la  sultan  ne  risqua  que  trois  ou  quatre  combats. 
(In  cliâttment  des  plus  sévères  fut  réservé  k  ceux  qui  essaye- 


t  Voy.  t.  m,  p.  385,389. 


mrlVASTIB  HtHUUM.-^ABOU-TACaUB-TOUÇOF.  4  43 

raient  de  f«ire  passer  <le9  vivrea  wx  assiégés  et,  ain  de  mieux 
déeouvrir  rapproche  des  eoqvoiSf  od  posta  des  vedettes  sor  tou* 
tes  les  hauteurs  voisiaes.  Les  murs  de  ctroonvallatioo  formaient 
d'ailleurs  une  barrière  iofranchissable,  de  sorte  qu'un  esprit, 
qu'un  être  invisible,  aurait  eu  delà  peine  h  pénétrer  dans  la  ville. 
Le  blocus  fut  maintenu  pendant  une  centaine  de  mois  et  ne  cessa 
qu'à  la  mort  du  sultan. 

A  l'endroit  où  l'armée  avait  dressé  ses  tentes  s'éleva  un  palais 
pour  la  résidence  du  souverain,  et  une  mosquée  où  il  pourrait  as- 
sister k  la  prière.  D'après  ses  ordres^  tout  ee  local  fut  entouré 
d'un  mur  et  rempli  de  grandes  maisons,  de  vastes  édiSoes,  de 
palais  magnifiques  et  de  jardins  traversés  par  des  ruisseaux.  Ce 
fut  en  Tan  702  (fSOS-^Sjqu'il  fit  bâtir  l'enceinte  de  murs  et  qu'il 
forma  ainsi  une  ville  admirable,  tant  par  son  étendue  et  sa  nouK 
breuse  popubtion  que  par  l'activité  d^  son  commerce  et  la  solî* 
dite  de  ses  fortifications.  Elle  renfermait  des  bains,  des  cararan^ 
sérails  et  un  hôpital,  ainsi  qu'une  mosquée  où  l'on  célébrait  la 
prière  du  vendredi  et  dont  le  minaret,  bâti  par  le  sultan,  était 
d'une  hauteur  exlraordinaire*  •  Ce  fut  le  une  des  plus  graadfos  mos- 
quées du  monde.  |€ette  viHe}  reçut  du  fondateur  le  nem  é^Bl^ 
Mansoura  (la  vieioriensê)^.  De  jour  en  jour,  eHe  vit  sa  prospérité 
augmenter,  ses  marchés  regorger  de  denrées  et  de  négociants 
venns  de  tous  les  pays;  aussi,  prit*  elle  bientôt  le  premier  rang 
permi  les  villes  du  Maghreb. 

Après  la  mort  du  sultan  et  la  retraite  de  son  armée,  la  Man* 
somra  fut  mise  en  ruine  par  la  famille  de  Tagbmoraeen,  par  une 


*  La  toar  de  cette  mosqaée  est  encore  debout  bien  que  le  c6té  dn 
sod  ea  ait  été  âènoH  par  Isa  Abd^^Ouadiles. 

^  Une  grande  partie  du  mur  qui  entourait  la  Mâosoura  est  encore 
debeni.  Il  aat  oonstrqil  en  piaéet  flanqué  de  tours  carrées  ;  daei  Fen- 
eeinte  en  remarque  las  reines  de  quelques  grandes  maisons  construHaa 
au«ai  en  pisé.  Batre  h  Mauaoqra  et  Tlt ineeo  l'on  reaoootre  piosieora 
énormes  boalels  de  pierre  qui  y  avaient  été  taocés  par  (09  eatapqKes 
des  Mérioides. 


i|44  nrstoinB  hes  mnfBfeires. 

liynasde  qni,  un  moment  auparavant,  allait  succomber  et  n^avail 
échappé  h  sa  perle  qoe  par  Pintervenlion  de  ceite  providence 
dont  la  bonté  sauve  les  malheureux  prêts  à  tomber  dans 
r^ibtme. 


COKQIÊTE   DU    PATS    DES   MAGITRaOCA. 


Après  avoir  bloqué  Tlomcea  et  soumis  les  plaines  ainsi  que 
les  villes  de  l'empire  abd-el'K>uadite,  le  sultan  ambitionna  la  con- 
quête des  pays  habités  par  les  Jtfaghraoua  et  par  les  Toodjtn. 
Nous  avons  déjà  mentionné  qu'en  l*an  694 ,  Thabet-Ibn-Mendtl 
s'était  rendu  è  Fex  et  lui  avait  promis  la  main  de  sa  petîte-fiHe. 
Lors  de  cette  visite,  Thabet  perdit  la  vie  et,  en  Tan  696,  le  suUan 
consomma  le  nFiariage  projeté. 

Après  la  réduction  des  provinces abd-el-ouadites,  4e  vainqueur 
plaça  un  détachement  de  son  armée  sous  les  ordres  d*Ali*lbn- 
Mohammed -el-Kheiri,  personnage  émtoeDi  de  la  tribu  des  Ourla  • 
djen;  et  l'envoya  dans  le  pays  des  Maghraoua.  Ce  corps  soumit 
loute  la  contrée  ouverte  et  força  les  habitants  de  se  réfugier  sur 
les  cimes  de  leurs  montagnes.  &ached-ibn-Mohammed,  petit-fils  de 
Tbabet-Ibn-Mendtl  et  beau*frère  du  sultan,  s'enferma  dans  Mi- 
lîana  et  soutint  un  siège  qui  dura  jusqu'à  l'an  699  (1299-1300). 
Il  fit  alors  sa  soumission,  en  stipulant  que  sa  vie  serait  respectée, 
ei|  quand  on  le  mena  en  la  présence  du  sultan,  il  y  trouva  un 
accueil  très*grâcieux.  H  obtint  même  son  admission  dans  la  suite 
Impériale,  honneur  qu'il  devait  h  sa  parenté  avec  le  souve- 
rain. 

La  conquête  de  Ténès,  de  Mazouna  et  de  Cherchel  eut  lieu 
ensuite,  ainsi  que  la  soumission  de  Zîri-Ibn-Hammad,  qui  avait 
usurpé  le  commandement  à  Brecbk.  Toute  la  plaine  du  Chelif  su- 
bit la  domination  mérinide,  et  les  Maghraoua  prirent  enfin  le  parti 
d'obéir  au  gouvernement  du  sultan.  Le  commandement  de  co 
peuple  et  de  toutes  leurs  villes  fut  donné  à  Omar-Ibn-Ouîghern- 
IbD-Hendîl. 


HTNASTII  MftRIHiDS. — AB0U-¥âCOIW-T0l'Ç0F.  4  46 

Cette  DomiDaiion'déptaià  Racbed-lba-Mohammedi  qui  croyaii 
eblenir  le  coiBinandemeat  des  Mftghraoua  parce  qu'il  B'imagideii 
en  aire  le  plas  digne  et  parce  que  sa  sœur  était  la  femme 
chérie  da  suUaa.  Emporté  |iar  sa  jalousie  contre  ibii-(M* 
ghero,  il  se  jeta  dans  ane  des  moniag&es  de  la  Mettdja  ai,  de 
là,  il  dirigea  plusieurs  attaques  contre  les  troopea  et  les  admiats- 
Iratears  que  le  sultan  avait  établis  dans  les  pays  voisial.  Tous 
les  Maghraouiens  qui  étaient  méoootentsde  Tordre  actuel  se  ral^ 
lièrent  autour  de.  son  drapeau  et,  dans  le  mois  de  Bebift  premier 
700  (novembre-décembre  4300),  les  habitants  de  Maiounu  répcb- 
diàrent  la  domination  mérioide  et  livréreat  leur  ville  au  chef  ré- 
volté. Encouragé  par  ce  succès,  BacheJ  marcba  sur  la  ville  de 
Ouazmor,  sarprit  Ibn^utghera  dans  une  attaque  de  nuit^  le  tua 
et  pilla  son  camp.  Le  sultan  envoya  ses  troupes  nràrinides  ooatre 
les  insurgea  ei  nomma  AU-Ibn^-BaoeB-lbn*Abi«UTalaeatt  corn* 
atandement  des  Béni -Asker,  tribu  à  laquelle  cetui^i  apparteeait. 
Alt«lbn-Mohammed-el-'Kheiri  reçut  en  même  temps  le  commaa* 
deraeni  do  sa  tribu,  les  Bent-Ourtadjen.  Gomme  ces  deaz  ehef« 
devaient  agir  de  concert,  le  sultan  leur  adjoignit  comme  Conseil** 
iers  son  client  Ali-el  -Bassani,  Abon-Bekr-Ibn-Ibrahlm^lba^Abd^ 
4)l-Caouï,  membre  de  la  famille  qui  oommandaitaui  Bent^Toudjta, 
•et  MoIîammed-Iba-Omdr*lba-Mendil,  qu'il  venait  de  nonimeraa 
^commandement  des  Magbraoua. 

Bached  ayant  appris  que  ces  chefs  marchaient  contra  lui,  se 
réfugia,  avec  ses  partbans  maghraattiens,  dans  la  montagne  dea 
Bani-Bou-Said,  après  avoir  laissé  da^is  .la  ville  de  Masouaa 
ses  cousins,  Ali  et  Hammou,  ib  de  Tahya'-lba- Tbabct. 
En  les  quittant,  il  leur  recommanda  de  bieu  s'y  défendre  pendant 
qu'il  se  tiendrait  lui-même  en  observaiien  sur  la  montagne.  Les 
Groupes  du  sultan  entrèrent  alors  dans  le  pays  des  Magbraoua^  doat 
•attes  soumirent  toute  la  partie  ouverte,  et  allèrent  camper  sous 
les  murs  de  tfazouna.  La  ville  était  prête  à  succomber  quaiid  Ali 
et  sou  peuple  réussirent  i»  surprendre  et  à  disperser  l^arméo  as- 
aiégeante  dans  une  attaque  de  imtt.  Ali-el-Kheiri  resta  prisonnier 
eatreleurs  mains*  Ceci  se  passa  en  l'an  701  (4301-3). 

Comme  les  révollés  porsistcrcnth  repousser  l'autorité  du  sul- 

T  4JV.  ie 


146  BisToin  bis  bekb6res. 

tan,  ils  eurent  encore  à  soutenir  un  siège  ;  aussi,  furenl-ild  enfin 
réduits  à  un  tel  degré  de  misère  que  Hamoiou-lbn-Yahya  sortit 
de  la  ville  et  se  rendit  à  discrétion.  Ce  chef  fut  conduit  devant  le 
sultan  et  emprisonné  par  son  ordre,  Ali*Ibn-Yahya  suivit  l'ezera* 
pie  de  son  frère  et  trouva  un  accueil  plein  de  bienveillance-  au- 
près du  sultan  qui  espérait  dissiper  ainsi  les  appréhensions  de 
Rached  et  le  décidera  faire  sa  soumission.  En  Pan  703  (4303*4), 
Mazouna  fut  prise  d'assaut  et  un  grand  nombre  de  ses  habitants 
fut  passé  au'fil  del'épée.  On  porta  au  sultan  les  tôtes  de  tous  les 
insurgés  qui  avaient  succombé  et,  par  son  ordre,  on  les  lança 
dans  les  fossés  de  Tlemcen  pour  en  intimider  la  garnison  et  la 
réduire  au  désespoir.  / 

L'émir  Abou-Yahy a,  à  qui  le  sultan,  son  frère,  avait  donné  le 
i;Oilvernement  des  provinces  orientales  [da  Maghreb  central]  avec 
la  commission  de  soumettre  toute  cette  région,  cerna  Rached  dans 
la  montagne  des  Beni-Bou-Satd,  mais,  s'étaut  laissé  surprendre, 
iine  nuit,  par  le  chef  rebelle,  il  perdit  une  partie  de  ses  troupea 
-et  fut  obligé  d'abandonner  ses  positions.  Le  sultan  fut  tellement 
irrité  de  cet  échec  qu'il  fit  suspendre  à  des 'poteaux  et  cribler  de 
flèches  non-seulement  Ali  et  flammou,  mais  aussi  tous  les  Ma- 
ghraouiens  qu'il  avait  retenus  jusqu'alors  dans  ses  prisons. 

Quelque  temps  après  ces  événements ,  Rached  passa  dans  la 
[ville  de]  Mettdjaoà  son  cousin  Montf-lbn-Thabet  et  une  foule  de 
réfugiés  maghraouiens  vinrent  le  joindre.  Le  reste  de  la  tribu  se 
rallia  autour  de  Mohammed-Ibn-Omar-lhn-Mendil,  l'émir  que 
4e  sultan  Abou-Yacoub  avait  désigné  pour  la  commander.  Les 
Thàleba  et  les  Heltkich  insoumis  accoururent  aussi  sous  les  dra* 
peaux  de  Rached  et  de  Honif,  ce  qui  donna  lieu  à  utie  nouvelle 
expédition.  L'émir  Abou-Yabya  les  cerna  dans  leurs  lieux  de 
retraite  et  les  contraignit  h  demander  la  fin  des  hostilités,  faveur 
que  le  sultan  s'empressa  de  leur  accorder.  Montf  passa  en  Anda- 
lousie avec  ses  fils  et  tous  les*  dépendants  de  sa  famille,  et,  de-* 
puis  lors,  ils  y  sont  restés.  Rached  se  réfugia  dans  le  pays  des 
flafsides,  et  en  l'an  10&  (1305-6),  Mohammed-lbn^Omar-Ibn- 
Mendtl  parut  à  la  cour  du  sultan  mérinide  et  y  trouva  une  ré- 
ception honorable. 


t^arveim  eoBo  à  soumettre  le  pays  des  Haghrsow,  AbotnYa- 
«oob  y  établit  des  administrateurs  mérinides.  Les  choses"  oonti^ 
màrent  en  cet  étai  jusqu'à  l'an  706,  quand  il  perdit  la  vie. 


XONQVfiTB   DU   PAYS   DtS   TOU0/flf. 


dovestîssement  de  Tlemcea  effectué  et  les  provinces  abd-rf- 
•ouaditcs  réduites  à  la  soumission,  [Abou-Yacoub-jYouçoMbn^ 
Yacoub  convoita  la  possession  du  pays  des  Toudjfn.  Otbman- 
Ibn-Yaghmoracen  avait  déjà  vaincu  ce  peuple,  conquis  le  Ouan- 
diertcb  et  obtenu  le  pouvoir  de  nommer  et  de  destftuer  à  son  gré 
les  chefs  descendus*  d'Abd-el-Gaoïlï. 

fin  Tan  ^0^^30^^%  [l'émir  Abou-Yahya]  imposa  un  tribut 
aux  Toudjfn  et,  par  Tordre  du  sultan  [son  frère],  il  rebâtit  la  villa 
d*EUBat^  «que  Hohammed-ïbn-Abd-el-Caouï  avait  mise  en 
ruine.  Il  6t  alors  un  expédition  vers  la  frontière  orientale  [du 
Maghreb  central]  et,  pour  s'en  retourner  auprès  de  son  frère,  il 
traversa,  en  l'an  702,  le  pays  des  Toudjhi  et  força  les  Benî-Abd- 
el-Caouï  de  se  réfugier  dans  les  plaines  du  Désert  où  ils  allaient 
camper  chaque  hiver.  Après  avoir  détruit  les  châteaux  qu'ils 
possédaient  dans  le  OoancherJch,  il  se  rendit  à  la  cour  du  sul- 
tan. 

En  l'an  703  (4303),  les  habitants  de  Taferguint  firent  leur 
soumission  pour  éviter  les  maux  d'un  siège,  mais  ils  se  révoltè- 
rent quelque  temps  après.  La  ville  de  Médéa  reconnut  l'autorité 
du  sultan  lequel  ordonna  à  son  frère  d'y  construire  une  citadelle. 
Les  Beui-Abd-el-Caouï  virent  alors  la  nécessité  d'obéir  aux  Mé* 
rinides  et,  en  cette  même  année,  ils  envoyèrent  une  députatiou 
au  sultan,  qui  se  tenait  toujours  dans  la  Mansoura  afin  desur^ 
veiller  le  Moces  de  Tleroeen.  Par  égard  pour  leurs  anciens 
services  ce  prince  accueillit  la  prière  des  Abd-el-Caouï,  les  ren- 


•  Dans  le  texte  arabe,  il  faut  remplacer  le  mot  btai  par  henL 


148  BISTOltB     DES    MRBfctBS. 

vûya  chex  eux  après  leur  avoir  coucédé  la  jouissance  de  certains 
îoipôls  el  les  aTolr  placés  sous  les  ordres  d'Ali-lbn*en«Nacer* 
Ibn-Âbd*-  el*Caottï.  La  consiruclion  de  la  citadelle  de  Médéa, 
ordonné  par  le  sultan  en  l'an  704  ,  fut  terminée  Tannée 
suivante  (4  305-6).  Dans  Tintervalle,  Ali-lbn-en-Nacer  mourut 
et  Mohammed-Ibn-Arïa*t-el-Asamm  reçut  du  sultan  le  comman- 
dement des  Beni-Abd-el-CaouY.  En  Tan  706,  ce  chef  entraîna 
loui  son  peuple  dans  une  révolte  contre  la  domination  mérinide 
et  quitta  le  pays  avec  eux,  mais  il  y  rentra  après  la  mort  du 
sultan. 


LES   PBIMCES    n    TUUlS   ET   DE    BOtJUlE|    SOUTERIIKS    ALMOSABBS    M 
L'iPataTl,    BRVOTEHT   DBS   AMBASSADES   AU  SULTAN  «ÈBIMIDB. 


Les  princes  hafsides  qui  régnaient  en  Ifrikïa  avaient  toujours 
entreteao  de  bonnes  relations  avec  les  deux  grandes  nations  se- 
natiennes  du  Maghreb,  les  Beni*Abd-el^uad  et  les  Beni-Merîn. 
Yaghmoracen  ci  ses  61s  leur  témoignaient,  de  leur  c6lé,  une 
obéissance  assez  spécieuse ,  en  leur  adressant  des  actes  d'hom- 
mage et  en  faisant  célébrer  la  prière  publique  au  nom  du  khalife 
bafside.  Ce  dernier  usage  datait  de  la  priée  de  Tlemcen  par 
Abou-Zékérïa,  fils  d'Abd-el-Ouahcd,  et  de  (a  conGrmaiion  de 
Yaghmoracen  dans  le  gouvernement  de  cette  ville.  Il  en  était  de 
même  avec  les  Beni-Merin  :  depuis  Torigine  de  leur  puissaBce, 
ils  montrèreat  un  grand  attacbemeni  è  la  maison  d'Abou-Hafs; 
ils  entretenaient  nséiae  une  correspondance  avec  Témir  Abou* 
2;ékérïa  et,  [par  égard  h  sa  qualité  de  kkaliio,]  ils  lui  transmet- 
taîeutles  hommages  de  chaque  ville  dont  ils  faisaient  la  conquête* 
Gela  eut  lieu  pour  Méquines,  pour  Ël-Casr  et,  en  dernier  lieu, 
pour  Maroc.  Depuis  le  temps  d^EUMostancer  et  de  Tacoul>»Ibn« 
Abd-eMiaek,  les  relations  des  deux  cours  avaient  pris  le  carac* 
tère  d'une  sincère  amitié,  et  les  Hafsides  envoyaient  des  présents 
an  souverain  mérinide,  el  même  de  Targent,  afin  de  l'aider  à  con"> 
tinuerla  guerre  contre  les  Almohades  du  Maroc. 


Df  NASTIB  ■tBiniDB. ABOU-TACOUB^-YOIÇOP.  4 49 

Nous  avons  déjà  moDlioDné  qu'en  Pan  665*,  Abou-Yoïlçof- 
Yacoub  expédia  au  khalife  hafsiclc  une  ambassade  composée 
d'Amer-lbn-Idris,  d'Abd*Allah«Ibn-Keiidouzelde  Uobammod-el'* 
Kinani.  Nous  avons  raconté  aussi  qu'en  669*,  EUUostancer  6t 
porter  k  Yacoub  un  riche  cadeau  par  une  députaiion  de  cheikhs 
ayant  à  leur  léte  Yabya-Ibn-Saleh*el-Hintati,  chef  du  corps  des 
Almohades.  En  Tan  675  (4276*7),  El-Ouathec,  fils  d'EUMos- 
lancer,  choisit  le  célèbre  Abou-'l-Abbas-Ahmed-el-Gbomari, 
cadi  de  Bougie,  pour  être  le  porteur  d'un  présent  magnifique  des** 
tiné  au  sultan  mérinidCi. 

La  bonne  intelligence  se  maintint  entre  les  khalifes  de  Tlfrikta 
et  les  princes  zenalieiis  jusqu'à  l'époque  où  la  discorde  éclata 
dans  le  seiûde  la  famille  bafside,  quand  l'émir  Abou-Zékérïa^ 
fils  de  l'émir  Abou-Ishac-Ibn-Yahya-Ibn-Abd-el-Ouabed,  s'évada 
de  l'asile  qu*Othman-lbn'Yaghmoracen  lui  avait  accordé  et  prit 
possession  de  Bougie  en  l'an  683  ^.  Ayant  établi  dans  cette  ville 
k  trône  d'un  nouveau  royaume,  Abou-Zékérïa  fit  de  Gonstantine 
et  de  B6iie  les  dépeadances  de  son  empir<^  Sa  fuite  contraria  vi« 
vemeni  l'émir  Othman  qui  tenait  beaucoup  à  l'alliance  d'Abou* 
Haf?,  seigneur  de  Tunis  et  oncle  du  transfuge  :  il  en  exprima 
même  sa  désapprobation  de  la  manière  la  plus  formelle. 

Quand  le  sultan  Abou- Yacoub- Yooçof  eut  mis  le  stége  devant 
Tiemcen  et  reculé  les  bornes  de  son  empire  jusqu'aux  portes  do 
cette  capitale,  il  envoya  une  armée  à  la  conquête  des  villes  et  des 
campagnes  du  Maghreb  central.  Les  Almohades  [Hafsides]  res- 
sentirent alors  une  certaine  inquiétude  pour  leurs  propres  états, 
et  l'émir  Abou-ZékérYa  alla  prendre  position  auprès  deTedellis 
afin  de  veiller  à  la  sâreté  du  royaume  de  Bougie.  Ce  fut  là  qu'il 
accueillit  Rachcd-lbn-Mohammed,  qui  fuyait  la  colère  du  snU 


*  Ci-devant,  page  63 


*  lii-aevani,  pageoi. 

^11  laut  remplacer  le  mot  sebd  par  tissà^  tant  dans  les  manuscrits  q^i 
daosie  texte  imprimé* 


*  Yoy.  temo  n,  page  100. 


f50  BI6T0IBI   mis   BtlBÉISr. 

tan  Abott«Yacouln  Bientôt  après,  les  troapes  mérioides  arri- 
yèrent  à  la  ponrsaite  du  fugitif  et  eurent  tm  conflit  avec  les  Haf* 
aides  auprès  deDjebel-^z-Zan.  Dans  cette  rencontre,  qui  eut  lieu 
en  l'an  699 ,  Tarmée  du  prince  de  Bougie  fut  iailléeen  pièces  et, 
pendant  plusieurs  années,  les  ossements  des  morts  continuère»! 
à  blanchir  le  champ  de  bataille.  Abou-ZékérYa  se  réfugia  dans 
Bougie  oii  il  mourut  vers  la  fin  du  septième  siècle. 

Quelque  temps  auparavant,  une  grave  mésintelligence  avait 
éclaté  entre  lui  et  Othman,  fils  de  Sebir,  fils  de  Yahya,  fils  de 
Doreid,  fils  de  Masoud-el-Bolt,  chef  des  Douaouida.  Vers  la  fia 
de  Tan  701 ,  Othman  alla  trouver  le  sultan  mérinide  et  l'engagea 
fortement  à  diriger  un  corps  d'armée  contre  Bougie.  En  consé- 
quence de  cette  invitation,  l'émir  Abou-Yahya,  qui  s'occupait 
à  soumettre  les  Maghraoua,  les  HeUkich  et  les  Thftleba,  reçut 
de  son  frère,  le  sultan,  une  dépêche  qui  lui  prescrivait  d'envahir 
le  territoire  hafside.  Oibman-lbn-Sebft  prit  part  k  celte  expé- 
dition et,  autant  placé  h  l'avant-garde  avee  les  gens  de  sa  Iribii, 
il  éclaira  la  marche  de  l'armée  jusqu'au  pays  situé  an  delà  de  Bou- 
gie. L'émir  Abou-Yahya  prit  alors  position  à  Tagrart  dans  le 
pays  des  Sedoutkicb,  afin  de  dominer  tonte  cette  r^ion  et, 
de  là,  il  alla  se  présenter  devant  Bougie.  Pendant  quelque  jours 
l'émir  Abou-'l-Bacà -Khaled  [ ,  fils  et  successeur  de  l'émir 
Abou-Zékerïa,  ]  soutint  les  attaques  de  l'armée  mérinide 
et,  se  trouvant  secondé  par  des  gens  qui  combattaient  pour 
eux-mêmes  et  pour  leur  prince,  il  repoussa  km  assiégeants  à 
coups  de  flèche.  Alors  l'émir  Aboi»-Yahya  fit  dévaster  le  Bedla, 
jardin  magnifique  appartenant  au  sultan  de  Bougie,  et  il  évacua 
le  territoire  hafside  afin  d'aller  soumettre  les  provinces  du  Mar- 
ghreb  centraK 

Mohammed-el-Mostancer,  fils  de  Yabya-el-Ouathec  et  sur- 
nommé Abou-Actda,  régnait  alors  à  Tunis.  Voulant  raffermir  les 
liens  d'amitié  qui  attachaient  sa  famille  è  celle  des  Beni-Mertn, 
ce  prince  plaça  Mohammed-Ibn-Akmaztr,  chef  du  corps  des  Al- 
mohades  [Hafsides]  à  la  tète  d'une  députalion  de  cheikhs  et  l'en* 
voya  auprès  du  sultad  Abou-Yacoub.  Cette  ambassade  parvint  à 
sa  destination  dans  le  mois  de  Cfiftban,  703  (mars-avril  4304). 


DT1IA8TII  lliftlllI0B.—  AftOU-TAGOUB-TOUÇOF.  t  St' 

L'exemple  d'Abou-Actda  fut  imité  par  Abou-'l*Dacà-Khftie4» 
aeigoeur  de  Boogie.  Le  sallan  Gt  ud  excellent  aocaeil  à  loat  oea 
envoyés  et  les  congédia  avec  de  grands  honneurs. 

L'année  suivante,  Ibn- Akmaztr  se  présenta  une  seconde  fois  à 
la  cour  du  sultan  raérinide,  accompagné  par  Abou-Abd-Allah- 
Ibn-lrsiguen,  cheikh  des  Almohades  et  ami  du  sultan  Abott*Actda. 
Avec  eux  vint  une  dépntalion  composée  des  dignitaires  les  plus 
éminenls  de  la  nation  hafside.  Vers  la  même  époque,  le  seigneur 
de  Bougie  envoya  au  sultan  en  qualité  d'ambassadeurs  son  ch'aow 
bellan  Abou-Mohammed-^r-RokbamtetEïad-Ibn-Satd-lbn-Othéi- 
men,  grand  cheikh  des  Almohades  du  royaume  de  Bougie.  Lé  3 
Djomada  (43  décembre  130i),  tous  ces  envoyés  furent  présentés 
au  sultan.  Il  les  accueillit  avec  les  plus  grands  égards  et,  pour  le» 
avoir  près  de  lui,  il  leur  assigna  des  logements  dans  son  palais.r 
Leur  ayant  ensuite  fait  parcourir  ses  jardins  et  ses  palais  qiiel'oa 
avait  ornés  et  tapissés  à  cette  occasion,  il  leur  procura  uu  spec- 
tacle qui  les  remplit  d'admiration  et  d'un  profond  respect  i)0ur 
la  puissance  de  l'empire  mérinide^  BientAt  après,  il  les  envoya  es 
Maghreb  afin  de  visiter  les  palais  de  Pei  et  de  Mairocainsi  que 
les  monuments  laissés  par  leurs  ancêtres,  les  sultans  almohades. 
Il  expédia  en  même  temps  des  instructions  aux  gouverneurs  de 
ses  villes  et  de  ses  provinces,  leur  ordonnant  de  recevoir  ces  vo» 
yageursavec  de  grands  honneurs  et  de  leur  offrir  des  pré- 
sents. 

Vers  la  fin  de  Djomada  (second  «  févr.  4305),  les  ambassadeurs 
revinrent  à  la  cour  du  sultan,  comblés  de  dons,  pénétrés  d'admi- 
ration, et  ils  partirent  pour  annoncer  à  leurs  souverains  respectifs 
le  succès  de  leur  mission  et  raconter  tous  les  témoignages 
d'égard  qu'on  leur  avait  prodigués. 

En  l'an  705  (4305-6),  les  princes  hafsides  envoyèrent  encore 
des  ambassadeurs  k  la  cour  du  sultan.  Abou-Abd-AUah-IbiV' 


*  Le  sultan   demeurait  alors  dans  la  Manseura,  près  de  TIem» 
ceo. 


1533  BIftTOiKB    Ni     WBSlBBB* 

Akoiaitr  y  parut  au  nom  du  souverain  de  Tunis,  et  EYtd-IbB* 
Satd-Ibn-Otheimon  au  nom  du  seigneur  do  Bougie.  Quand  Ibn^ 
Akmaztr  prit  son  congé  de  départ,  le  sultan  le  fit  accompagner 
}«sq»*à  Tunis  par  le  savapt  légiste,  Abou-'l-Hacen  de  Ténès» 
mufti  de  l'empire,  et  par  Ali-Ibn-Yahya  de  Breebk.  Ces  envoyéa 
eurent  pour  mission  d'obtenir  le  concours  de  la  flotte  tunisienne, 
ils  terminèrent  beoreaBemciit  cette  négociation  avant  la  fin  do 
Vanaéci  et  la  nouyelleen  fij^  rapportée  au  sultan  par  Abou-Abd- 
AUah^-Meidouri,  cheikh  des  Almohades.  Vers  la  même  époque 
eut  lieu  le  retour  de  Bassoun-Ibn^Mohammed-lbn-Bassomi-el- 
Miknaci,  client  du  sultan,  qui  avait  accompagné  Ibn-Otheimen  k 
la  oourd'Abou»*I-Bacè,  seigneur  de  Bougie.  Hassoun  aussi,  avait 
an  pour  mission  d^obtanir  le  secours  d'une  flotte,  mais  les  minis* 
ires  d'Abott-ol^Bacà  l'avaient  congédié  en  regrettant  de  ne  paa 
pouvoir  satisfaire  à  la  demande  du  sultan,  ils  le  firent  accompa- 
gner auprès  do  son  mattre  par  Abd-Allah-Ibn-Abd-el-Hack-Ibn* 
Soieiman.  Le  sultan  accueillit  très*bien  tous  ces  envoyés,  seloik 
iOD  habitude,  et  transmit  au  gouverneur  d'Oran  lorJre  de 
traiter  honorablement  les  équipages  deB  navires  qui  les  avaient 
amenés. 

Les  ambassadeurs  prirent  enfin  leur  congé,  enchantés  do  )a  ré- 
ception qu'on  leur  avait  faite,  et  le  sultan  se  passa  de  la  flotte 
bafside  parce  qu'il  n'avait  plus  besoin  de  bloquer  les  ports  du 
Maghreb  [central].  En  efiet,  il  était  parvenu  à  en  soumettre  tout 
le  littoral  pendant  qMc  les  Al mohadea  remettaient  de  jour  en  jour 
l'envoi  de  leurs  navires . 

L'éfnîr  Abeu-Ztan,  qui  avaient  été  proclamé  souverain  à  Tlem^ 
cen  lors  de  la  mort  de  sop  père,  Othman^lbn-Yagiimoracen,  et 
qui  était  monté  sur  le  trône  vers  la  fin  de  l'an  703  (4304),  pendant 
que  le  siège  durait  encore,  fut  très-mèeontent  d'apprendre  que  les 
Bafaides  favorisaient  son  ennemi  au  point  de  lui  promettre  io 
concours  de  leur  flotte;  aussi,  pour  s'en  venger,  il  ordonna  la 
suppression  du  nom  du  khalife  bafside  dans  la  prière  publique; 
abolissant  do  cette  manière  et  pour  toujours  un  usage  qui  avait 
subsisté  depuis  le  temps  de  Yaghmoracen.  Quelque  temps  après^ 
eujtlieu  la  mort  du  sultan  mérinide. 


DTRASTIB  «ÉiUllDB. —  A»OU-TACO«f --TOUÇOr.  Id^ 


LIS   900VIRA11IS   DB   L^ORIBNT  BT   LB9  ÉMIRS   TURCS  DR  L'BOTPT» 
BRTOIBNT  0BS   ASBA8SADB8  AU  SULTAlf. 


Après  avoir  conquis  les  états  et  les  provinces  da  Maghreb  eea- 
Irai,  iesolian  reçut  les  féltcitatioDS  des  souverains  qui  régnaient 
dans  les  antres  pays  et  des  Arabes  nomades  qui  fréquentaient  les 
plaines  du  Tell  et  les  profondeurs  du  Désert.  Un  grand  nombre 
4e  Maghrébins,  voyant  la  sûreté  des  communications  si  bien  éCn^ 
Uie  que  les  caravanes  se  rendaient  à  leur  destination  sans. être 
îoqniétées  sur  la  route,  formèrent  le  projet  d'accompHr  le  p^ri«- 
ROge  et  soliîeitèreot  du  sultan  la  permission  de  s'embarquer  afin 
d'sller  à  la  Mecque.  Jusqu'alors,  les  cbemins  avaient  été  si  dan*^ 
gereux  pour  les  voyageurs  et  l'autorité  des  gouvernements  afri«* 
oains  si  peu  respectée,  que  Voccasion  de  remplir  ce  saint  devoir  ne 
s'était  pas  présentée  depuis  longtemps. 

CSette  demande  éveilla  dans  le  cœur  du  sultan  le  désir  de  vi«' 
siter  la  viHe  sainte  et  le  tombeau  du  Prophète  [et,  comme  les  eir- 
coitf  tanoes  s'y  opposaient,  il  résolut  d'envoyer  un  témoignage  de 
sa  profonde  piété].  Par  son  ordre,  un  habile  calligrapbe  nommé 
Ahn\6ctibn-Bacen,  transcrivit  un  exemplaire  duCaran  en  grand 
fermât.  Ce  volume  fut  ensuite  relié  avec  un  soin  merveilleux  et 
garni  de  plipsienrs  fermoirs  en  or  sur  lesquels  brillaient  de»  grou^ 
pes  de  perles  et  de  rubis.  Au  milieu  se  voyait  uuo  pierre  pré* 
^euseqjui  surpassait  tontes  les  autres  par  la  grandeur,  la  forme 
^t  la  beauté.  Ce  livre  fut  enfermé  dans  plusieurs  étuis  et  eon* 
sacré,  comme  donation,  au  temple  de  la  Mecque.  La  caravane 
chargée  de  porter  ce  volume  à  sa  destination,  se  mit  en  route 
^an  702(4303).  Pour  garantir  tes  pèlerins  contre  tout  danger,  le 
sultan  leur  fournit  une  escorte  d'environ  cinq  cents  cavaliers  ze- 
nations,  et  il  leur  donna  pour  cadi,  le  savant  et  illustre  docteur 
«laghrefoin,  Mohammed-lbn-Zeghboncfa.  Il  adressa  en  même 
temps  une  lettre  au  souverain  de  l'Egypte  dans  laquelle  il  lui  re- 
commanda les  pèlerins  du  Maghreb,  sujets  de  l'empire  mérinide* 


464  fflSTOlBB    DKS    iIRBtRES. 

Parla  même  occasion,  il  lui  expédia  un  présent  composé  de  tout 
ce  que  le  Maghreb  pouvait  fournir  de  f>lus  beau  en  fait  de  meubles 
"^  eld'autres  objets.  Il  y  avait  aussi  plusieurs  chevaux  arabes  ci 
quatre  cents  bêles  de  somme  Irès-vigoureuses.  Je  tiens  ce 
chiffre  d'une  personne  avec  laquelle  je  me  suis  rencontré. 

Cette  caravane  servit  à  frayer  le  chemin  pour  la  grande  cara- 
vane du  Maghreb  qui  partit  Tannée  suivante.  Celle-ci  quitta  [la 
Mansoura  de  ]  Tlemcen  dans  le  mois  de  Rebià  premier  704 
(octobre  4304),  sous  la  conduite  d*Abou-Zeid-el-GhafaYri  lequel 
tenait  sa  nomination  du  sultane  La  caravane  de  Tannée  précé- 
dente transporta  le  volume  sacré  à  la  Mecque  et,  dans  ie  mois  dé 
Rebi^  second  (novembre  \  304),  elle  rentra  en  Maghreb.  Avec 
elle  arriva  le  chérif  Lebida-lbn-Abi-Nemi,  qui  venait  de  se  sous- 
traire^à  Tautorité  des  Turcs  [Hamioucks].  Il  avait  pris  ce  parti 
en  voyant  arrêter  ses  frères,  Khamtça*  et  Remtta,  par  l'ordre  du 
sultan  turc,  en  Tan  701 ,  peu  de  temps  après  la  mort  de  leur  père, 
Abou-Nemi,  seigneur  de  la  Mecque. 

Le  sultan  mérinide  accueillit  le  réfugié  avec  de  grands  égards 
et  Tenvoya  en  Maghreb  afin  de  visiter  ce  pays  et  de  voir  les  pa- 
lais et  autres  monuments  de  la  puissance  mérinide.  Il  fit  inéme 
prévenir  les  commandants  de  ses  provinces  qu'ils  auraient  à  trai- 
ter ce  voyageur  honorablement  et  à  lui  donner  des  cadeaux,  cha- 
cun selon  ses'moyens.  En  705^  le  chértf  revint  h  la  cour  e\,  s'é- 
tant  fait  accorder  son  congé  de  départ,  il  se  mit  en  route  pour 
TOrient,  accompagné  d'Abou-Abd-Allah-Fouzi,  maghrébin  très- 
distingué  qui  voulait  accomplir  le  pèlerinage. 

Dans  le  mois  de  Ch&ban  705  (fév.-mars  1306),  Abou-Zeid-el- 
Ghafaïri,  conducteur  de  la  dernière  caravane ,  revint  de  la  Mec- 
que. Il  apporta  un  document  par  lequel  les  chérifs  de  cette  ville 
se  reconnaissaient  sujets  du  sultan  mérinide.  Ces  chefs  avaient 
ressenti  un  vif  mécontentement  à  cause  de  Tarrestation  de  leurs 
frères  parle  souverain  de  TÂgypte  et ,  pour  s'en  venger/ ils  s^é- 


1  Variante  :  Bamida. 


BTKISTU  MlRIHlDB.—  AVOU-TACÔrB*YOVÇOF.  f  65 

taieot  conformés  à  leur  usage  ordinaire  en  pareille  circonstance*. 
Nous  avons  raconté  d'eux  un  trait  semblable  dans  l'histoire  d'fil- 
Mostaucer  le  hafside*.  Ils  envoyèrent  en  ntéme  temps  au  sultan  un 
vêtement  fart  avec  un  morceau  du  voile  de  la  GAba.  Ce  fut  avec 
un  véritable  plaisir  que  le  sultan  reçut  cette  offrande  et,  pour 
jouir  de  la  bénédiction  qui  se  rattachée  un  objet  aussi  saint,  il  le 
porta  entre  ses  autres  habits,  les  vendredis  et  jours  de  fêle. 

Quand  le  souverain  de  l'Egypte,  EI-Velek-en-Nacer-Moham- 
med-lbn-Calaoun-es-Salehi,  vit  le  présent  que  le  sultan  du  Ma- 
ghreb lui  envoya,  il  en  éprouva  une  satisfaction  extrême  et,  pour 
répondre  à  cette  marque  d'égard  par  une  autre,  il  fit  réunir  un 
choix  de  tout  ce  que  ses  étals  pouvaient  fournir  en  fait  d'étoffes 
et  d'animaux  rares.  Parmi  les  quadrupèdes ,  qui  se  distinguaient 
par  leur  forme  et  leur  taille,  on  remarqua  des  individus  du 
genre  éléphant  et  du  genre  giraffe.  L'émir  El-Teliii ,  un  des 
grands  dignitaires  de  l'empire  égyptien,  fut  chargé  de  veiller  au 
transport  de  ce  cadeau  et  de  l'accompagner  jusqu'à  la  cour  du 
sultan.  Il  quitta  le  Caire  vers  la  fin  de  l'an  705  fjuin-juill.  1 306]; 
dans  le  mois  de  Bebift  (sept.*oct  ),  il  arriva  &  Tunis  et,  dans  le  mois 
de  Djomada  second  (déc.-janv.  4306-7),  il  parut  en  vue  de  ta 
Mansoura  de  Yille-Neuve.  Le  sultan,  rempli  de  joie,  ordonna  à 
tout  son  monde  de  monter  à  cheval  et  d'aller  au-devant  d'Et- 
Teltli  et  des  émirs  turcs  qui  l'accompagnaient,  et,  pour  mettre  le 
comble  à  ses  prévenances,  il  leur  assigna  un  beau  logement  aveo 
une  table  bien  fournie;  puis,  il  les  envoya  en  Maghreb,  selon 
l'usage.  Sa  mort,  qui  eut  lieu  bientôt  après ,  ne  changea  rien  à 
l'égard  de  cette  ambassade  ;  son  successeur,  Abou-Thabet,  en 
traita  les  membres  avec  autant  d'honneur  qu'auparavant  et  les 
congédia  en  les  comblant  de  riches  cadeaux. 

Ils  quittèrent  le  Maghreb  dans  le  mois  de  Dou-'l-Hiddja  707 
(mai-juin  4308),  mais,  en  traversant  le  pays  des  Beni-Hacen,  où 


I  Lisez  metta  k  la  plaoe  de  haiUi  dans  le  texte  arabe. 
•  Vey.  l.  n,  p.  313. 


I5Ç  BtSTOlRB    DBS    BBBBtftBS. 

ils  arrivèrent  en  Rebiâ  (sept-ocL),  ils  furent  dévalisés  par  tes 
Arabes  du  Désert  et  ils  entrèrent  au  Caire  dans  un  étai  pitoyable. 
Depuis  lors,  le  gouvernement  égyptien  n'a  plus  expédié  de  mis* 
aions  en  Maghreb  et  ne  fait  plus  aucune  attention  à  ce  royaume. 
De  leur  côté,  les  souverains  mérinides  sont  tcllemeoi  honteux  de 
cet  événement  qu'ils  n'envoient  plus  aucun  de  leurs  grands  offi- 
ciers au  Caire  ;  ils  y  font  seulement  porter  des  cadeaux  ;  ils  ea 
reçoivent  d'autres  en  retour  et,  dans  leurs  lettres,  il  se  bornent 
à. énoncer  l'envoi  qu'ils  viennent  de  faire,  san9  rien  y  ajouter  de 
plus. 

A  l'époque  même  où  cet  attentat  fut  commis,  l'opinion,  publi-? 
que  en  désignait  comme  auteurs  les  Arabes  nomades  de  la  tribu 
des  Hosein;  on  les  soupçonnait  même  d'avoir  agi  h  l'instigation 
d'Âbou*-Hammoa,  seigneur  de  Ticmcen,  lequel  aurait  voulu  gra* 
li&er  de  cette  manière  la  haine  de  longue  date  que  la  famille  de 
Yaghmoracen  portait  aux  souverains  du  Maghreb.  A  ce  sujet» 
mon  ancien  professeur,  Mohammed-Ibn-lbrahtm-eUAbbeli,  m'a 
raconté  l'anecdote  suivante  :  «  Je  me  trouvais,  dit-il,  dans  la  pré-- 
B  sence  du  sultan  [Abou-Hammou]  quand  plusieurs  TIemcenois, 
B  qui  revenaient  de  la  Mecque,  lui  remirent  une  lettre  de  la  part 
»  d'EUMelek-en-Nacer.  Dans  cet  écrit,  le  souverain  égyptien  se 
»  plaignait    de  ce  que  la  mésaventure  arrivée  à  ses  émirs 
s  avait  eu  lieu  sur  le  territoire  de  TIemcen,  Cette  lettre  fut ac- 
»  compagnée  de  deux  Qacous  remplis  de  baume,  produit  parlicu- 
a  lier  aux  états  du  sultan  de  l'Egypte,  et  de  cinq  mamlooks 
B  turcs,  porteurs  de  cinq  arcs  ghozBÎens  dont  le  bois,  les  corneB 
B  et  les  cordes  étaient  d'un  fort  beau  travail.  Notre  maître,  trou- 
»  vaut  un  pareil  présent  bien  mesquin  en  comparaison  de  celui 
B  que  le  sultan  du  Maghreb  venait  de  recevoir,  fit  venir  son  se 
B  crétaire,  le  cadi  Mohammed*Ibn-Ridya,  et  lui  parla  en  ces  ter- 
B  mes  :  «  Écris  à  El-Melek-en-Nacer  ce  que  je  vais  te  dicter  et 
»  ne  change  rien  h  l'ordre  de  mes  paroles  qu'autant  que  la  gram- 
»  maire  l'exigera.  Écris  :  Qucmt  à  vos  reproches  au  sujet  des 
B  ambassadeurs  et  de  ce  qui  leur  survint  en  route,  je  réponds 
B  qu'à  l  époque  où  ils  se  présentèrent  chez  fiioi,  je  leur  con- 
B  seillai  de  marcher  à  grandes  journées  de  peur  qu'il  ne  leur 


MNASTIK  MtRtNlDI.— *ABOU*TACO0ft-TOlJÇOF.  45? 

i  arrwdi  quelque  accident  ;  je  les  avertis  de  tout  ce  que  ce 
»  pays  offre  de  dangereux  pour  les  gens  qui  voyagent  et  du 
i  risque  que  l'on  court  d^étre  dévalisés  par  les  Arabes  no. 
»  mades.  Fiers  de  leur  rang  et  de  leur  dignité ,  ils  me 
»  firent  cette  r^onse  :  <  Nous  arrivons  de  la  cour  du  roi  du 
1^  Maghreb;  qu^avonS'-nous  donc  à  craindre ?i>  Ils  s* étaient 
»  imaginés  que  les  ordres  de  ce  prince  seraient  respec* 
i  tés  par  les  Arabes  de  nos  tribus  nomades  l  Qvuint  au  présent 
»  que  vous  mouvez  fait,  je  vous  le  renvoie  :  nous  sommes  un 
»  peuple  de  mœurs  agrestes  qui  ne  connaissons  et  ne  voulons 
»  d'autre  baume  que  l^knile  d'olives^  et,  quAnt  aux  archers 
tt  mamlovkSy  comme  nous  venons  de  prendre  avec  leur  secours 
n  la  vil  le  de  Séville,  nous  vous  les  rendons  afin  que  vous  puis^ 
»  sies^  faire  la  conquête  de  Baghdad.  Salut  !  —  Tout  le  monde, 
»  rue  dit  El-Abelli,  fut  convaincu  que œtaUenlat  avait  été  commis 
»  avec  l'autorisation  de  noire  sultanv  ei  le  ton,  de  celle  lettre  en- 
dique  assuz  clairement  la  nature  des  sentiments  dont  ce  prince 
était  animé. 


U  SULTAN  ESPAGNOL  ROXPT  SON  ALLIANCE  ATBC  LE  SULTAN  KtBl- 
lOBB.  *—  LE  rats  ABOU-SAto  s'bMPABE  de  CEUTA.  —  OTBJEAR* 
JBN*ABI-'OLA   SOULfiVE    LE   PATS   DIS    GHOHABA. 


[Mohammed  II]  Ibn-el-Âhmer,  surnommé  El-Fakth,  demeura 
toujours  fidèle  au  traité  qu'il  avait  conclu  avec  les  Mérinides,  en 
Pan  692f  quand  il  traversa  le  Détroit  et  se  rendit  à  Tanger.  On  a 
déjk  vu  que  la  ratiGcation  de  cet  acte  d'alliance  procura  au  sul* 
tan  africain  assez  de  loisir  pour  s^occuper  de  son  adversaire  [in- 
traitable, le  seigneur  de  TIemcen].  Dans  le  mois  de  Chàban,  701 
(avril  VâOi),  Ibn-el-Abmer  mourut  et  laissa  le  trône  de  TAnda*- 
lonsie  h  son  fils  Mohammed  [111],  surnommé  [plus  tard]  El-Makh- 


*  Ci-devant,  pages  133,  Ul. 


(58  BISTOltE    M8    UMftftCS. 

loué  (/e  dépaé).  Le  noaTcaa  sultaD  avait  perdu  la  vue  et  se 
Jaissait  gouverner  par  Abou-Abd-Allah-Ibn--eI-Haktm,  cheikh 
delà  ville  de  Bouda,  qui  hii  avait  servi  de  secrétaire  sou9  le 
règoedufeu  souverain.  Quelques-uns  disent  que  l'aveugie  était 
]bn-el-Haktm.  Quoiqu'il  en  soit,  El-Hakloué  fut  [déposé  et]  mis 
4mortparson  frère  AboB-4-DjoYouch-Nasr, en  l'an  708  (4309)>i 
Avec  lui  BMMinil  Ibn-el-Haktm*. 

I  Un  des  premteni  actes  d^El-Hakhloué  en  montant  sur  le  trône 
avait  été  d'envoyer  en  Maghreb  son  vizir,  lb«-el-Haktm,  et 
Abou-Soltan-Aztz-ed-Danî,  ancien  viiir  de  son  père,  aGn  d'obte- 
nir la  confirmation  de  TaHiance  que  son  prédécesseur  avait  con^ 
tracté  avec  le  sultan  mérinide.  Ces  anÀbassadeurs  arrivèrent  au 
<»mp,  sous  les  murs  de  Tlemcen,  et  accomplirent  leur  mission 
heureusement.  En  prenant  congé  du  sultan,  qui  les  avait  accueillis 
de  la  manière  la  plus  grftcieuse,  ils  s'engagèrent  à  lui  envoyer  un 
corps  de  fantassins  andalousiens  et  d'archers,  gens  habitués  aux 
travaux  de  siège  et  è  tenir  bonne  garde*.  Ce  détachement  ar- 
riva au  camp  mérinide  en  Tan  702  (1302-3)  et  fit  beaucoup  de 
mal  aux  Abd-el-Ouadites  et  à  leur  ville. 

L'année  suivante,  El- Makhlouâ  crut  avoir  des  motifs  de  jalou* 
sic  contre  le  sultan  Âbou-Tacoub  et  rechercha  Talliance  d'ibn- 
el-Adfonch-Héranda-Ibn-Chandja  [Ferdinand,  fils  de  Don  San- 
che  etpetit-filsd'AlphonseX].  Le  souverain  mérinide  fut  tellement 
indigné  de  cette  conduite  déloyale  que,  vers  la  fin  de  la  même 
année,  il  renvoya  en  Espagne  lo  corps  d'archers,  après  l'avoir  eu 
h  son  service  pendant  douze  mois,  et  se  proposa  de  faire  sentir 
au  gouvernement  grenadin  le  poids  de  sa  vengeance  aussitôt  que 
l'occasion  se  présenterait.  Ibn-el-Ahmer-el-Makhloué  et  ses  par- 
tisans firent  h  Vinstanl  leurs  préparatifs  de  résistance. 


.    '  Mohammed  III  mourut  cioq  années  après  sa  déposition.  Ibn  eU 
Haklm  fut  tué  en  l'an  708. 

^A  Unir  bonne  garde \  la  texte  arabe  portek>p  W  S^UXl  ;  dans 
nn  dos  manuscrit  on  lit  a^^UXt.  Aucune  de  ces  leçons  ne  nous  parait 
satisfaisante. 


OTKASTIB  MRIHIDB.— AiOD-TACOUB-TOUÇOF.  469 

Parmi  les  membres  de  la  famille  royale  de  Grenade,  le  raïs 
Abou*Satd»Feredj,  fils  d'Ismail-Ibo-Mohammed-lbn-NaAr  et  gou- 
vemeor  de  Malaga,  é(aii  le  seul  à  posséder  la  confiance  dlbn^eU 
Ahmer-el-MakhIoué.  Cousin  *  de  ce  souverain,  il  en  était  aussi  le 
bean^frère,  et  il  administrait  avec  une  grande  habîtelé  I»  proriae» 
d'El-Gharbïa  *.  En  obéissance  a«x  recoomiandatioiis  de  son  sou^ 
veraîo,  Abou-Satd  fntàtp»»  les  habitants  de  Ceuta  afin  de  sous- 
traire leur  ▼itte  à  la  domination  mérinide  et  de  la  faire  rentrer 
seiw l'autorité  do  gouvernement  andalousicn.  Il  les  engagea  aussi 
a  emprisonner  tous  les  membres  de  la  famille  Azéfi. 

[Bacontons  ici  les  événements  qui  dii^posèrent  le  peuple  do 
Ceuta  à  changer  de  mettre].  En  Tan  617  (1 278-9),  lors  de  la  mort 
d'Aboo-'l-Cacem-lbrahtm-el'Azéri,  surnommé  EUPakth,  son  fils» 
Abou-Hatem,  succéda  au  gouvernement  [de  Ceuta]  et  prit  pour 
lieutenant  son  frère,  Abou-Taleb.  Méprisant  lui*méme  les  gran- 
deurs humaines,  il  laissa  le  commandement  à  son  frère  dont  il  re- 
connaistail  aussi  le  droit  d'atnesse  et  qui,  du  reste,  aimait  le 
pouvoir.  Toutefois,  quand  on  venait  lui  faire  des  réclamations,  il 
ne  manquait  jamais  de  s'y  intéresser.  Ils  commencèrent  leur 
administration  par  faire  proclamer  la  souveraineté  du  sultan  mé- 
rinide dans  tous  les  lieux  soumis  h  leur  autorité  et,  par  respect 
pour  cemooarque,  ils  s'abstinrent  d'habiter  le  palais  du  gouver* 
nementet  déporter  les  insignes  de  la  dignité  royale.  Le  caïd 
Abd-Allah-lbn«*Mokhlcs,  officier  de  bonne  famille  qu'ils  avaient  à 
leur  service,  s'établit  dan:»  la  citadelle  par  leur  ordre,afinde  faire 
la  policede  la  ville  et  d'en  commander  la  garnison.  Pendant  quel- 
ques années  il  occupa  ce  poste  et  finitpar  s'attirer  Tinimilié  de 
Yahya,  fils  d'Abou-Taleb.  Ce  jeune  homme  venait  de  soustraire 
ses  gens  et  ses  serviteurs  à  la  juridiction  du  caXd  dont  certains 


«Dans  le    texte  arabo,  il  faut  insérer    le  mot  /^    entre  *»^  et 

*  La  Gharlna  {V occidentale)  provioce  du  royaumo  de  Grenade,  se  com- 
posait des  districts  situés  A  i'ouesl  de  Malaga.  Il  ne  Tant  pas  confondre 
celte  régiun  avec  les  Alyiurvfs,  proTtnca  de  Portugal. 


160  BISTOItB     DBS    lIBRBtiIBS. 

{procédés  loi  avaient  dëpla,  et  il  poussa  son  père  à  exiger  de  cet 
oflScier  le  compte  des  sommes  provenant  des  impôts  et  destinées 
k  solder  la  garnison.  Ils  eurent  cependant  trop  de  confiance  dans 
la  loyau(ë  d^lbn-Mokhlès  pour  le  soupçonner  d'un  autre  orime 
que  celui  de  pëculat«  Pendant  tout  ce  temps,  ils  avaient  conti- 
nué à  reoonnattre  l'autorité  du  sultan  et  à  se  rendre  auprès  de 
lut  aux  époques  de  grandes  réceptions. 

Le  sujet  de  mécontentement  que  Beni-'UAzéfi  avaient  donné 
au  col'e^  Ibn-Mokhiès  favorisa  singulièrement  le  projet  du  sultan 
de  Grenade.  Diaprés  les  ordres  de  ce  prince,  qui  venait  de  rom- 
pre avec  le  sultan  mérinide,  le  raïi  Abou*Satd,  seigneur  de  Ma- 
laga  parvint  à  gagner  le  caïd  et  à  lui  faire  promettre  d'abandon^ 
nér  le  parti  des  Azéfi  aussitàl  que  la  flotte  andalousienne  parai* 
trait  devant  Ceuta.  Ayant  plors  fait  annoncer  que  la  ville  de 
Malaga  allait  être  attaquée  par  les  chrétiens,  il  équipa  une  flotte, 
enrôla  des  soldats  et  remplit  ses  navires  de  eavaliers,  de  fantas**- 
sins,  d'archers  et  de  vivres.  La  véritable  destination  de  ces  forces 
resta  secrète  jusqu'à  la  nuit  du  27  Ohoual  705  (13  mai  4306), 
quand  la  flotte  qui  les  portait  mouilla  a  l'improviste  dans  la  rade 
de  Ceuta.  Abou-Satd  les  débarqua  avec  la  connivence  du 
oommandant  Ibn-Mokhiès  ,  prit  possession  <}e  la  ciladelle 
où  il  déploya  son  drapeau  et,  de  là,  il  fit  passer  plusieurs 
détachements  dans  ta  ville  même.  Ayant  alors  monté  à  cheval,  it 
se  rendit  à  la  demeure  des  Beni-'UAzéfi  et  les  fit  arrêter  tous 
avec  leurs  eufants  et  leurs  domestiques. 

Le  snltan  Ibn-ol-Ahmer  reçut  très-promptement  la  nouvelle 
de  cotte  conquête,  et  son  vizir,  Ibn-eUHaktm,  arriva  bientôt 
«prèsàCeota^  avec  la  mission  de  tranquilliser  les  esprits  et  de 
promettre  aux  habitants  une  administration  juste  et  paternelle. 
Les  Azéfi  furent  embarqués  pour  Malaga  d'où  on  les  conduisit  à 
Orenado.  Le  sultan  fit  monter  à  cheval  toute  sa  cour  et  Tenvoya 
au-devant  d'eux,  et  il  tint  une  séance  afin  de  les  recevoir  encore 
plus  honorablement.  Après  avoir  reçu  leurs  hommages  ci  leurs 
serments  de  fidélité,  il  les  logea  *  dans  son  palais  et  leur  assigna 

*  f)ans  le  tcite  arabe  ii  faut  lire  istacarreM, 


DTNA8T1B  ■tmiHII» .  — ▲10U*TACOCB*-TOl'ÇOF .  4  61 

des  pensions  considérables.  Plus  loin  ,  nous  aurons  à  raconter 
comment  les  Beni-1-Axéfi  rentrèrent  en  Maghreb. 

Le  rol't  Abou-Satd  ayant  obtenu  possession  de  Ceuta  ,  rétablit 
l'ordre  dans  les  alentours,  6t  mettre  la  ville  en  bon  état  de  dé- 
fense et  y  proclama  la  souveraineté  de  son  cousin,  le  seigneur  de 
l'Andalousie.  Il  y  avait  amené  dans  sa  flotte  le  détachement  des 
vobntaires  de  la  foi  qui  stationnait  à  Malaga  et  qui  avait  pour 
chef  Olhman-lbn*Abi4-01ft-lbn-Abd-el-HadiL,  membre  de  la  fa- 
nille  royale  des Beni-Mertn. 

Ce  prince»  attiré  par  la  perspective  d'un  trône,  essaya  de  con- 
quérir le  Magareb  avec  le  secours  des  tribus  ghomariennosy  qui 
avaient  cependant  montré  beaucoup  d'hésitation  avant  d'embras- 
ser son  parti.  Le  sultan  mérinide  apprit,  dans  son  camp»  sous 
les  murs  de  Tiemcen,  la  nouvelle  de  cette  invasion  et,  plein  d'in- 
dignation, il  ne  pensa  qu'à  châtier  l'attentat  qu'on  portait  à  son 
autorité.  Il  ordonna  de  nouvoUes  levées  de  troupes,  plaça  aon 
fils,  l'émir  Abou-Salem,  à  la  tète  d'une  armée  et  le  chargea  do 
rétablir  l'ordre  dans  le  pays  insurgé  après  avoir  rallié  sous  ses 
drapeaux  les  tribus  du  Rtf  et  du  territoire  de  Tèsa.  L'émir  par- 
Ut  sur  le  diamp  et,  arrivé  près  du  foyer  de  l'insurrection,  il  le 
tint  cerné  pendant  quelque  temps;  mais  son  armée  (ut  enfin  mise 
en  déroute  par  les  troupes  d'Othman  qui  réussirent  ^  la  surpren- 
dre (laos  une  attaque  de  nuiL  Forcé  des'en  retourner,  il  essuya 
une  sévère  réprimande  de  la  part  du  sultan  et  tomba  en  disgrftce. 
Otfansanse  mit  alors  à  parcourir  le  territoire  de  Ceuta,  ainsi-que 
le  pays  des  Ghomara  et,  «'étant  emparé  de  Ttktças,  il  marcha 
contre   le  Casr-Jbn  -  Abd-eUKerlm. 

Vers  la  fin  do  Tan  706  (mai-juin  4307),  justement  une 
année  après  la  prise  de  Ceuta  ,  il  arriva  sous  les  mura 
d'fil-Casr,  et  [dans  tous  les  lieux  qu'il  traversa]  ,  il  prit  le 
titre  de  sultan  et  somma  les  habitants  à  le  reconnatlre  pour 
leur  souverain.  Abou-Yacoub,  voyant  Tiemcen  sur  le  point 
de  succomber ,  résolut  d'attendre  la  chute  de  cette  forteresse 
avant  de  marcher  contre  le  prétendant ,  mais  il  en  fut  em- 
pêché par  la  mort. 

T. IV.  Il 


462  HISTOIBK     DBS     BEEBÉBEt. 


LtS   BEHI-GOHII,    TRIBD    ABD-BL-OUADITB,    SB    BÉVOLTENT  ,    DANS    LK 
ROCS ,   coUtbb  le  GOUYEBNBHENT  MEBINFDB. 


XesBeni-Gommi,  fraction  de  ta  tribu  des  Âulad-Ah\  laquelle 
appartient  h  la  famille  d*Âbou-1-Cacem,  forment  une  des  bran-** 
cbes  de  la  tribu  des  Abd-el-Ouad.  Ils  eurent  autrefois  pour  chef 

Kendouz,  Gis  de *  ,  Gis  de  Gommi.  Quand  le  commandement 

des  Aulad-Âli  échut  à  Zîan^lbn-Thabet  Ibn-Mohammed,  de  la 
famille  des  TA-Allab,  le  nouveau  chef  eut  ^  soutenir  une  lutte 
contre  Kendouz.  aGn  de  conserver  le  pouvoir  que  Dieu  lui  avait 
départi,  mais  il  traita  avec  trop  d'indifFérenceles  efforts  de  son 
rival.  Apnt  pris  les  armes  pour  combattre  quelques  pertuba- 
tours  abd-el-onadites  qui  s'étaient  ligués  contre  lui,  il  mourut  de 
la  main  de  Kendouz.  Le  commandement  des  Aulad-Alt  passa 
alors  Djaber«lbn-Youçof-Itm*Mohammed  et,  après  avoir  appar- 
tenu successivement  k  plosieurs  chefs,  il  rentra  dans  la  famille  de 
Thabet-lbn-Hohammeii.  Ce  fut  Abou-Ezia-Zegdan,  fils  de  Ztau 
feC  petit-fils  de  Thabet],  qui  obtint  le  pouvoir,  maïs  il  n'en  jouit 
pas  longtemps  avant  de  mourrr.  A  cette  époque,  les  Aulad*6om- 
mi  et  les  descendants  de  TA-Allah  venaient  d'oublier  leurs  toffs 
réciproques  et  de  se  réunir  en  un  seul  peuple. 

Taghmoracen,  fils  de  Ztan,  reçut  alors  le  commandement  des 
TA-Allah  et  amena  toutes  les  tribus  abd-el-ouadites  k  reconnattre 
son  autorité.  Ayant  ensuite  pris  des  mesures  afin  de  venger  la 
mort  de  son  père,  il  fit  dans  sa  tente  les  préparatifs  d'un  grand 
festin  auquel  il  convia  tous  ses  frères.  Kendouz,  qui  avait  donné 
la  mort  à  Ztan,  s'y  rendit  aussi,  surl'invitation  qu'i^avait  reçue. 
Quand  tout  le  monde  fut  assis,  les  Gis  de  Ztan  se  jetèrent  sur  lui 
et  le  tuèrent  h  coups  de  sabre.  La  veuve  de  Ztan,  à  laquelle  ils  en- 
voyèrent ta  tète  de  leur  victime,  assouvit  alors  sa  haine  et  sa  soif 


'  Il  faut  remplir  ce  blanc  par  les  mots  Abd-Allah, 


DYNASTIK  MftVllIIDI. —  AftOD-TACOFB-YOCÇOF.  1 63 

4e  veogeauce  eu  meUani  cette  offraode  saugiante  h  la  place  d'une 
des  trois  pierres  qui  serveot  h  souteuir  la  marmite  sur  le  feu  *. 

Les  fils  de  Kendoaz  [et  leurs  gens]  prirent  la  fuite  pour  éviter 
le  sort  que  Yaghmoracen  leur  destinait  et,  après  un  long  voyage, 
ils  arrivèrent  à  la  cour  d'Âbou-Zékérïa-Ibn-Abd-el-Ouahed,  le 
sultan  hafside.  Pendant  quelques  années  ,  ils  y  restèrent  sous  le 
commandement  d'Âbd-Allah,  fils  de  Rendons  ;  puis,  entratnés 
par  l'amour  de  la  vie  nomade  et  par  le  désir  de  rentrer  au  mi- 
lieu des  Zenata,  ils  repartirent  pour  le  Maghreb  et  s'unirent  aux 
Beni-Mortn,  rivaux  en  tout  temps  des  Beni-Âbd-el-Ouad.  Yacoub- 
Ibn-Abd-el-Hack  accueillit  Abd-AlIah-lbn-Rendouz  avec  une  bien* 
veillance  extrême  et  le  combla  de  bonheur  en  lui  concédant,  aux 
onvirons  de  Maroc,  un  territoire  assez  vaste  pour  fournir  à 
l'entretien  et  aux  besoms  de  toute  la  ribu.  H  confia  aussi  ses 
troupeaux  de  chameaux  aux  soins  des  frères  Hassan  et  Mouça, 
fils  d'Abou-Satd-es-Sobeîhi,  dépendants  et  serviteurs  de  la  fa- 
mille Kendovx.  Dès-lors,  Abd-Allah,  chef  des  Beni-Gommi,  jouit 
4'uiie  haute  faveur  auprès  du  prince  mérinide  ;  aux  audiences  so- 
iMoelles  on  hit  accordait  la  placed'honneur  «t,  dans  presque  toutes 
las  affaires  importantes,  c'était  h  lai  qu'on  avait  recours.  Ainsi, 
an  l'an  605  (1266-7) ,  il  fut  chargé  de  se  rendre  à  la  cour  d'El- 
Moalaaoar  en  compagnie  avec  Amer-ibn*ldrts,  neveo  du  souvo^ 
raio. 

Les  Beni-Kendouz  [Beni-Gommi]  continuèrent  assez  longtemps 
i  jouir  de  leur  bonne  (brtime  et  h  habiter  le  Magfareb-el-Acsa, 
au  ils  furent  rais  au  nombre  des  tribus  mérinides.  Après  la  mort 
d'Abd«>Allah-lbn-Kendouz,  le  commandement  passa  k  son  fils 
Omar. 

•  A  l'époque  où  [Aboo-Yacoub-jYouçof-lbn-Yacoub  avait  em- 
porté sur  les  Beni-Abd-el-Ouad  et  les  tenait  bloqués  dans  Tlem- 
•cen,  les  Beni-Merto  et  leurs  alliés  exprimaient  le  plus  grand  dé- 
dain pour  toute  la  race  abd  oUooadite  ;  aussi,  les  Beni-Kendouz, 
blessés  dans  leur  amour-propre,  répudièrent  l'autorité  du  sultan 


«  Voy.  t.  ui,  pages  329,  i9i. 


464  HiSTOifts  HBS   iKukan. 

en  Tan  703  (4303-4),  ei  pasdèreoi  dans  la  province  de  Haha. 
L'année  aaivanie,  Taïch*lbn-Yacoub,  gouverneur  de  Maroc,  ae 
mil  en  campagne  el  leur  livra  une  bataille  à  Taderi  ,  puis,  ayant 
vu  qu'ils  persistaient  dans  leur  rébellion,  if  les  attaqua  encore  la 
cQéme  année,  près  de  Tamatrti ,  et  leur  infligea  un  chAliment  tel» 
lement  sévère  que  leur  puissance  en  fut  totalement  brisée.  Il  tua 
aussi  un  grand  nombre  de  ces  Abd-eUOnadites  à  Irgharen- 
Bamka* ,  et,  après  avoir  porté  ses  armes  dans  toutes  les  parties  du 
Sous,  il  détruisit  b  ville  de  Taroudant. 

Celle  métropole  servait  alors  de  résidence  à  Abd^er*Hahman- 
lbn-eI*Bacen-lbn-Yedder ,  rejeton  d*une  famille  d*émirs  qui 
avaient  gouverné  le  Sous  au  nom  de  la  dynastie  fondée  par  Abd* 
el-Moaineo  *.  Après  la  chute  des  Almohades ,  Abd«er*Bahman 
essuya  une  alternative  de  succès  et  de  revers  dans  une  guerre 
qa*il  eut  h  soutenir  contre  les  Chebanat  et  les  Beni^Basaan,  tri* 
bus  appartenant  à  la  branche  des  Arabes-*Makitiens.  En  Tan  66S 
(4209-70),  Ali-Ibn-Yedder,  onde  d'Abd-er^Rahman ,  perdît  la 
vie  dans  an  de  ces  combats,  et,  quelque  temps  après,  celui*çi  le 
remplaça  dans  le  commandement.  Jusqu^au  moment  oà  YaVch-* 
Ibn-Yacoub  soumit  le  Sous  et  ditruisit  Taroudant,  Abd^r-B»h« 
man  résista  vigoureusement  aux  Arabes.  Plus  tard,  il  parvint  à 
rétablir  son  autorité  et,  en  706  (4306-7),  il  releva  cette  ville  de 
ses  ruines. 

La  famille  Yedder  prétend  avoir  habité  h*  Sous  de4>uts  Tépoque 
où  l!avaai*garde  des  [premier  conquérants]  arabes  y  pénéiroi  et 
elle  déclare  que  le  commandement  lui  a  toujours  appartenu  et 
e^est  transmis  de  père  en  fila.  Sous  le  règne  d'Aboo-Einan  et 
sous  celui  de  son  frère,  Abou-Salem,  je  rencontrai  a  Fez  un  vieui 
cheikh,  fils  de  cet  Abd-er-Rahraan ,  lequel  m'assura  que  cela 
était  parfaitement  vraietijue  les  Beni-Yedd4>r  descendent  d'Abou- 
Bâkr*es-8iddic  [le  successeur  immédiat  de  Mahomet].  Dieu  sait 
ce  qui  en  est  1 

•  Variante:  Argharek-Tahma .  —SI  nousIisonH  U»U  (^Ujl  l^gharen- 
*n*Egma^  nous  aurons  ua  nom  purement  btrbèrc  qui  sigoifie  Us  p'ot- 
neê  du  frère, 

«  Pourrhisloire  des  Beni-YedJor  voyea  tome  ii,  pige  rîG. 


DTHASTIB  MfiBIHIDB.— AB0U-TAC0I}B*1ÛUÇ0P.  f05 

QuanI  aax  Beai-KeBdoQi  [Beni-Gonmi] ,  il»  vécureot  dispersés 
dans  I9S  déserts  da  Soas  jusqu'à  la  mort  du  sultan  [Abou-Ya- 
eoub]. 'Ayant  alors  fait  leur  soumission,  ils  obtinrent  du  gouver- 
nement roérinide  l'oubli  de  leurs  fautes  pas^'ées  et  la  restauration 
de  leurs  privilèges.  Depuis  lors,  ils  ont  toujours  servi  eet  em- 
pire »vee  un  zèla  et  un  dévouement  parfait». 


IBII*Bt-nLiAll1  FAIT  HOUBIB  FAB   VKH   TBAHISOlf    tBS   CUnSB    DBS 

TBIBOS   nASnOODIBVlIBS. 


Dans  notre  cbopitro  sur  les  Haghraoua  de  la  seconde  race, 
nous  avons  fait  conoatlre  l'origine  d'Abou- Ali-el-Miltani, 
•t  mentionné  comment  les  troupes  hafsidcs  l'expulsèrent  de 
Miltana*,  ville  dont  il  s'était  emparé.  Yacoub-Ibn-Abd-el-Hacks 
sultan  desBeni-Mertn,  raccueillit  alors  de  la  manière  la  plus  ho- 
norable et  lui  concéda  la  ville  d'Aghmat  à  litre  d'aliments.  Iba- 
el-Miltani  y  (îxa  son  séjour  et,  quelque  temps  après,  il  viola  les 
tombeaux  des  rois  almobades  et  insulta  leurs  cadavres*.  Le  public, 
ainsi  que  le  sultan,  furent  très-scandalisés  de  cette  profanation  et 
les  tribus  masmoudiennes  en  furent  tellement  indignées  qu'elles 
cherchèrent  la  mort  de  celui  qui  l'avait  commise.  Quand  Aboa- 
Tacoub -Youçof  succéda  h  son  père,  Ibn-elMiliani  fut  chargé 
par  le  nouveau  souverain  de  percevoir  Mmpèt  chez  les  Masmonda 
et,  comme  il  remplit  son  devoir  très-mal,  les  cheikhs  masmou* 
diens  l'accusèrent  auprès  du  sultan  de  s'être  approprié  les  «som- 
mes qu'il  avait  reçues.  Obligé  de  rendre  ses  comptes,  il  fut  con- 
vaincu do  péculat  et  chassé  de  la  capitale  après  avoir  subi  un 
emprisonnement.  Il  mourut  en  l'an  686  (1287). 

Son  neveu,  Ahmcd^lbn-el-Millani,  entra  au  service  du  sultan« 


1  Voy.  tome  u,  page  352  et  tome  ui,  pag^  315. 

^  ¥oy.  page  83  de  ce  volume. 


t66  RtSTOlBB     mis    nBBÈBKS. 

en  qualité  de  secrétaire  et  dut  au  privilège  de  son  oflSce  ^horn« 
ueur  de  se  tenir  à  la  porte  du  palais  et  de  faire  partie  de  la  mai^ 
son  royale.  [Pendant  le  siège  de  Tiemcen],  le  sultan  eut  à  scplain^ 
dre  des  cheikhs  masmoudiens  et  transmit  h  sonftis,  Ali,  émir  de 
Maroc,  Tordre  d'emprisonner  Aii-Ibn-Mohammed,  chef  des  Rin- 
tala.  et  Abd-el-Kertm-lbn-ETça,  chef  des  Guedmtouai  ainsi  que 
leurs  fils  et  leurs  serviteurs.  Ahmed-Ibn-el-Miltani,  avnnt  eo 
connaissance  de  celte  circonstance,  se  hâta  d'en  profiter  afin  de 
venger  sou  oncle.  [\cv  nous  devons  faire  observer  que]  toos-les 
écrits  émanant  du  sultafi  tenaient  leur  validité  du  paraphe  im- 
périal dont  ils  étaient  revêtus  et,  comme  les  secrétaires  du  gou- 
veniemenl  avaient  la  réputation  d'une  probité  h  toute  épreuve, 
le  sultan  ne  faisait  aucune  distinction  entre  eux  ;  aussi,  au  lieu 
d'avoir  un  secrétaire  particulier,  chargé  d'apposer  le  paraphe,  il 
leur  laissa  à  tous  la  faculté  de  tracer  cette  marque  sur  les  pièces 
qu'ils  venaient  de  transcrire.  En  Tan  697(4297-8),  Ibn^el-MiDau! 
rédigea  au  nom  de  son  mattre,  une  lettre  qui  ordonnait  h  l'émir 
de  Maroc  de  faire  mourir  les  cheikhs  masmoudiens  sur  le  cbamp,^ 
sans  leur  accorder  un  instant  de  répit*  Ayant  ensuite  apposé  le 
paraphe  ë  cet  éérit,  il  y  ajouta  le  cachet  et  l'expédia  par  un  cour* 
rier*  Aussitôt  après,  il  s'eofuit  à  la  Ville-Neuve  [de  Fez] ,  au  grand 
étonnement  du  public. 

A  la  lecture  de  cette  dépêche,,  le  fils  du  sultan  fit  tirer  de  prison 
et  envoya  à  la  morlAn-lbo-Mohammed,  Abd-el-Kertm-lbo-ETç», 
Ali,  EYça  et  Mansour,  tous  les  trois  fib  du  précédent,  et  Abd-el- 
Axtx,  son  neveu.  Après  cette  exécution,  il  ordonna  h  son  vizir  de 
partir  en  toute  hftte  et  d'en  rendre  compte  au  sultan.  Ce  mqnar- 
que  éprouva  une  telle  indignation  en  apprenant  la  nouvelle  qu'il 
tua  le  vizir  à  l'instant  même  et  expéJia  l'ordre  démettre  aux 
arrêts  Pémir  son  fils.  Ibn^eUMiliani,  sur  lequel  il  voulut  faire 
tomber  tout  le  poids  de  sa  colère,  avait  déjà  eu  la  précaution  de 
disparaître  et  de  chercher  un  asile  dans  Tiemcen.  Après  le  siège 
de  cette  ville,  il  quitta  ses  protecteurs,  les  descendants  de  Yagh- 
moracen,  et  alla  mourir  en  Espngne. 

Depuis  cetle  époque,  les  sultans  mérinides  n'accordent  qu'à 
iMiseul  individu  la  faculté  de  parapher  leurs  manJats,  cl  ils  choi- 


DYNASTIE  HÉ«I1IIDK. — ABOU-YACOCr-TOCÇOF.  Vdl 

sisseni  pour  cet  office  quelque  vieux  serviteur  dont  ils  cootiais- 
sent  la  fidélité.  Âbon-Allah-lbo-Abi-Medyen,  ministre  d'état  et 
ami  intime  du  sultan,  fut  le  premier  qui  exerça  ces  fonctions  im  - 
portantes.  Jusqu'à  ce  jour,  l'emploi  d'écrivain  du  paraphe  con- 
tinue à  former  une  charge  à  part. 


SBANDBUa   ET  CBCTB   DBS   BOCASA,    FAIIILLB  JUIVE. 


Dans  sa  jeunesse,  le  sultan  Abou-Yacoub  se  livrait  au  plaisir 
avec  passion,  mais  à  Tinsu  de  son  père,  prince  très-religieux  et 
de  mœurs  fort  austères.  Il  buvait  du  vin  et  faisait  avec  ses  com- 
pagnons des  parties  de  débauclie  Selon  l'usage  des  grands  per-- 
sonnages,  il  avait  pour  intendant  un  de  ces  juifs  modhêds* 
qui  habitent  la  ville  de  Fez.  Cet-  homme ,  qui  s^appelatt 
Khalifa-lbn-Bocasa,  culli%a  la  faveur  de  son  mattre  en  lui  ren- 
dant des  services  de  loute  nature  et  en  fabriquant  du  vin  pouc. 
son  Qsage.  Devenu  le  confident  du  prince,,  il  finit  par  ôtre  en 
grand  crédit  atiprès  de  lui.  Abou-Youçof  étant  monté  sur  le 
irâne,  continua  h  boire  en  secret  avec  ses  intimes,  et  il. permit  1 
Khaltfa  d'assister  à  ces  réunions  en  qualité  d'intendant  du  palais. 
Dès  lors,  la  pnissance  de  ce  juif  n'eut  plus  de  bornes  :  il  com* 
naBdail  en  mattre  aux  grands  digniiairea  de  l'empire  etieor  im- 
posait d*une  manière  extraordinaire  ;  son  influence  semblait  ae- 
crottreavec  l'augmentation  de  l'empire. 

Je  tiens  de  mon  ancien  professeur  ,  El-Abbeli»  les  renseigne- 
ments suivants  :  Khaltfa  avait  un  frère  nommé  Ibrahim  et  un 
cousin  appelé  Rhalifa-t-es-Saghtr  {le  petit).  Il  s'était  allié  aux 
Benio's-Sibli^  famille  dont  le  chef,  Mouça,  lui  servait  de  lieutenant* 


*  Le  mot  moâhedin ,  pluriel  de  moàheà,  sert  à  désigner  les  joifs  et 
chrétiens  sujets  d'une  puissance  musulmane  :  ils  sont  ainsi  nommés 
parce  que  leurs  ancêtres  avaient  fait  un  traité  [àhà)  avec  les  vain- 
queurs afin  de  s'assurer  la  possession  de  leurs  biens  et  l'exercice  de 
leur  relgiou. 


I6B  mSTOlKK    PBS  «BUrtftB». 

Beveno  eaixk  des  égftremoDta  de  Ja  jeunesse,  le  suUan  remarqoa 
avec  inquiétude  que  ces  gens  étaient  couriisés  par  les  chefs  mé* 
rioidfSf  par  les  vizirs,  les  chértfs  et  les  docteurs  de  la  loi  masul* 
maoe;  aussi  forma-t-il  la  résolution  de  se  débarrasser  d*euxà  la 
première  occasion.  Son  ami  intime,  Abd-AIIah-lbn-Al>î«Medyen, 
sut  deviner  sa  pensée  et,  après  lui  avoir  dit  beaucoup  de  mal  de 
ces  juifs,  il  lui  indiqua  un  prétexte  pour  les  frapper  tous.  Dans 
le  mois  de  Ghâban  701  (avril  4302),  le  sultan  les  fit  arrêter  pen- 
dant qu'ils  étaient  au  camp,  sous  les  murs  de  Tlcmcen,  et,  après 
avoir  mis  à  la  question  et  mutilé  Khalifa  Tainé ,  Ibrahim,  frère 
de  Kbaltfa,  MouçaIbn<-es-9ibti  et  ses  frères,  il  les  fit  mettre  h 
mort.  Le  même  sort  enveloppa  leurs  familles,  leurs  gens  et  leurs 
parents;  le  seul  qui  en  échappa  fut  KhalIfa-t-es-Saghir  dont[l« 
jeunesse  et]  la  position  n'avaient  inspiré  que  du  mépris.  Nottft 
aurons,  plus  tard,  l'occasion  de  raconter  comment  celui-ci  mou- 
mt  d'une  mort  violente.  Par  ces  exécutions,  I*empire  fut  délivré 
d'une  tache  qui  le  souillait  et  d'une  domination  qui  Tavait 
avilir 


lORT    DU    SVLTAIf    ABOU^-TACOUB-'YOOÇOFHVN-TACOUir. 


Abou-Yacoub  avait  parmi  ses  domestiques  un  eunuque  nègMy 
nommé  Séada,  qui  était  entré  au  servicedu  palais  k  l'époque  oife 
son  ancien  maître,  Ibn-et-MiUani,  fut  envoyé  dans  les  province» 
marocaines  comme  perceveiîr  des  impAts.  C'était  un  éiro  aussi 
SUipide  qu'ignorant.  Le  sultan  souffrait  la  présence  des  eulku^ 
ques  dans  l'intérieur  de  sa  famille  et  permettait  même  à  ses  fem^ 
mes  de  rester  sans  voile  quand  c^s  gens-là  se  trouvaient  dans  la 
chambre.  Après  l'affaire  de  son  affranchi,  El-Ezz,  auquel  il  ôta 
la  vie  parce  qu'il  l'avait  soupçonné  d'une  intrigue  avec  une  des 
dames  du  harem ^  il  se  méfia  de  presque  tous  ses  serviteurs  et  fit 
emprisonner  plusieurs  de  ses  eunuques,  ainsi  que  leur  chef, 
Anber-eUKebtr.  Tous  les  autres  eurent  l'ordre  do  ne  plus  pa- 
raitre  devant  le  sultan  sans  permission.   Alors  ce  misérable 


DYHASTU  StllKlM. —  ABOI>aABIT.  <  69 

Séada,  eut  une  înspiralion  diabolique  el  résolut  d'assassiner  son 
BiatUre.  S'éUot  rendu  è  la  chambra  du  palais  où  le  prince  se 
tenail  ordinairement,  il  obtint  Vantorisalion  d'y  entrer  et  le 
trouva  ooocbé  sur  le  dos^  dans  son  lit,  pour  attendre  que  sa 
barbe  eut  absorbé  la  teinture  du  Aanna  qu*il  avait  l'habitude  d'y 
appliquer.  Se  jetant  aussitôt  sur  lui  »  il  le  frappa  plusieurs  fois 
avec  un  poignard  et  lui  coupa  les  intestins.  Après  ce  forfait  it 
prit  la  fuite^  mais,  le  soir  même,  il  fut  arrêté  k  Teçala  par  les 
gens  qu'on  envoya  à  sa  poursuite.  On  le  ramena  an  palais  où  il 
fut  mis  h  mort  par  les  nègres  et  les  autres  domestiques.  Le  suU 
tan  ne  survécut  à  ses  blessures  que  quelques  heures  et  il  mourut 
dans  la  soirée  du  mercredi,  7  Dou-'I-Gâda  706  (43  mai  4307). 
On  l'enterra  dans  cette  localité,  mais,  lorsque  la  confusion  eau* 
sée  par  sa  mort  se  fut  calmée,  on  transporta  le  corps  à  Ghala 
pour  le  déposer  dans  le  cimetière  de  la  famille  royale. 


ABOU-TRàBET     HONTB    80B    LB     TbAhB     BT   PAIT    MOUBIB    LB8   PBIRCBS 

DU  SANG. 


Nous  HYons  mentionné  qu'en  Tan  698  (1298-9) ,  l*émir  Abou- 
Amer,  fils  du  sultan  Abou-Yacoub  et  son  successeur  désigné, 
mourut  en  exil  chez  les  Beni-Satd,  peuple  ghomarien  établi  dans 
leRtP.  Il  laissa  deuB  fils,  Amer  [surnommé  Abou-Thabet]  eiSo* 
leimao  [surnommé  Âbou-'r-Rebià].  Ces  jeunes  princes  furent  éle* 
vés  sous  les  yeux  de  leur  aïeul,  qui  les  aima  d'une  vive  affection 
à  cause  de  leur  père,  il  avait  toujours  regretté  l'absence  de  son 
fils  chéri  et  ressenti  pour  lui  une  extrême  tendresse  ;  aussi,  ne 
manqua-t-il  pas  d'accorder  à  ces  enfants  la  première  place  dans 
son  cœur. 

Aussitôt  après  la  mort  du  sultan,  les  chefs  des  Béni  -Ourtadjen, 
oncles  maternels  d'Abou-Thabet-Amcr,  allèrent  trouver  cet  émir 


'  Voy.  ci- devant,  page  137. 


479  mSTOlEB     DBS    BBRBiKIS. 

qui,  par  le  courage  el  Tintrépidité,  était  l'aigle  de  la*  famille,  et 
lui  prêtèrent  le  serment  de  fidélité  en  )e  reconnaissant  pour  sou- 
verain des  Mérinides.  L'émir  Aboo-Yahya,  fils  de  l'avant-dernier 
sultan,  Abou-Youçof-Yacoub,  et  [grand-]oncle  d'Âbou-Tbabet, 
entra  par  hasard  dans  Tendroil  où  se  tenait  cette  réunion  et 
dut  céder  aux  exigences  de  ces  chefs  el  présenter  au  jeune 
prince  Thommage  de  son  obéissance.  S'il  avait  eu  ses  par* 
tisans  autour  de  lui,  il  aurait  été  plue  près  du  trône  que  tout 
autre  ;  mais,  se  voyant  alors  sans  appui,  il  eut  à  dissimuler  se» 
véritables  sentiments  et  se  laissa  mener  par  les  O^irtadjen  jus^ 
qu'à  leur  promettre  sa  coopération. 

D'un  autre  côté,  les  gens  de  la  maison  royale  et  les  vizirs  qui* 
se  trouvèrent  dans  la  Ville-Neuve  [de  la  Mansoura]  se  hÀtèrent 
d'y  proclamer  la  souveraineté  de  l'émir  Âbou-Salem,  fils  du  feu 
sultan  :  démarche  qui  faillit  rompre  l'unité  de  l'empire  mérinide 
en  mettant  la  division  dans  la  nation. 

Après  son  inac^uralion  improvisée,  Témir  Abou*Thabet  en- 
voya un  agent  dans  Tlemcen  afin  de  traiter  avec  Abou-Ztan  el 
Abou-Hammou,  fils  d'Othman-Ibn-Yaghmoracen,  et,  par  suite 
de  cette  négociation,  il  s'engagea,  vous  Ta  foi  du  serment,  h  lever 
le  siège  de  Tlemcen  pourvu  que  ces  émirs  lui  fournissent  un  équi  • 
page  royal  et  lui  accordassent  asile  et  protection  dans  le  cas  où 
sa  tentative  viendraient  à  manquer  :  Abou-Hammou  se  pré-- 
senta  en  personne  pour  ratifier  le  traité. 

La  grande  majorité  des  Beni-Mer)n  et  de  leurs  chefs  se  rallier 
autour  d'Abou-Thabet,  de  sorte  qu'Abou-Salem  resta  dans  la 
Tille« Neuve  [de  la  Mansoura] ,  sans  autres  partisans  que  les  in- 
times du  feu  sultan,  les  visirs,  les  domestiques  du  palais  et  les 
divers  corps  de  milice.  D'après  les  conseils  de  ses  amis,  il  sortit 
pour  attaquer  son  neveu  qui  s'était  placé  en  observation  sur  la 
montagne  qui  domine  la  ville.  Il  avait  déjà  mis  son  armée  en 
ordre  de  bataille,  quand  il  s'arrêta  tout  éperdu,  sans  o.^er  se 
porter  en  avant,  et,  ayant  alors  promis  h  ses  troupes  de  les  me- 
ner au  combat  lé  lendemain,  il  rentra  au  palais.  Ses  partisans, 
voyant  qu'il  n'y  avait  rien  a  espérer  de  lui ,  commencèrent  à 
s'évader  les  uns  après  les  autres,  on  se  dirigeant  vers  le  camp 


DTNASTIB  MÊRINIDB. ABOU-TBABBT.  471 

d'Âbou-Thabet  et,  quand  le  reste  de  ses  gens  s'dperçut  qu'il  allait 
être  bloqué  dans  ta  ville ,  ils  passèrent  en  masse  du  côté  de  son 
adversaire. 

Les  divers  corps  de  l'armée  et  les  contingents  des  tribus  s'étant 
tous  ralliés  de  cette  manière  autour  d'Abou-Thabet,  marchèrent 
contre  la  Ville-Neuve* ,  siège  de  l'empire,  résidence  du  [feu]  sul- 
tan, enceinte  qui  renfermait  ses  palais  et  terme  doses  entrepri- 
ses. Il  faisait  déjà  tard  quand  ces  troupes  arrivèrent  devant  la 
place.  Yakhlo(-lbn-Amran-el-Foudoudt  sortit  alors  au-devant 
d'Abou-Thabet,  mats,  au  moment  où  il  mit  pied  h  terre,  il  fut 
tué  à  coups  de  lance  sous  les  yeux  de  ce  prince  et  par  l'ordre  de 
l'émir  Abou-Yahya.  Ce  fut  seulement  dans  le  mois  de  Ghâban 
706  (fév.-mars  4307),  que  le  sultan  Abou-Tacoub  l'avait  élevé 
an  rang  de  vizir.  Abou-Salem  s'enfuit  alors  de  la  Mansoura  avec 
quelques-uns  de  ses  parents,  et  prit  la  route  du  Maghreb.  La 
petite  bande  qui  l'accompagna  se  composait  des  Aulad-Rahhou- 
el-Abbaci-lbn-Abd-Atlah*Ihn-Abd-eUHack,  d'ÉYçii  et  d'Ali,  fils 
de  Bahhou,  et  de  Djemal-ed-Dtn-lbn-Mouça,  leur  neveu.  Les 
fuyards  étaient  déjh  parvenus  à  Nedroma  quand  ils  furentatteints 
par  une  troupe  de  cavalerie  qu'Abou  Thabet  avait  lancée  à  leur 
poursuite.  D'après  les  instruotions  qu'ils  avaient  reçues  an  mo- 
ment de  ievr  départ,  ces  soldats  tnèreot  Abou-Salem  et  Djeonal-' 
ed-Dtn,  sans  loucher  aux  antres  prisonniers. 

Le  sultan  Abon-Tbabet  allait  mettre  le  feu  à  la  porte  de  la 
YiUe-Nènve,  afin  d'y  pénétrer  de  vive  force,  quand  Abd-Allah- 
Ibn-Abi-Medyen,  secrétaire-d'état  et  intendant  du  palais,  se  mon- 
tra du  haut  de  la  muraille  et  lui  annonça  qu'Abou-Salem  ayant 
pris  la  fuite,  les  habitants  désiraient  faire  leur  soumission.  Il  le 
pria,  en  même  temps,  de  suspendre  les  hostilités  et  de  remettre 
au  lendemain  son  entrée  dans  la  ville  :  «  car,  disait-il,  si  l'on 
D  admet  les  troupes  de  nuit,  elles  pourront  saccager  nos  maisonis 
>  et  maltraiter  le  peuple,  d 

L'émir  Abou-Yabya  profita  de  ce  moment  pour  satisfaire  la 


'  C'esl-à-Jire,  la  Maoscara  de  Ttcmcen. 


473  BISTOIRS    M8    BSRBÈaBS. 

haine  qu'il  portait  depuis  loagtemps  k  Abou-'UHaddjadj*lbo>* 
ChékHola  :  par  son  ordre,  Ibn-Abi-Medyen  fit  arrêter  ce  chef  : 
puis,  sur  un  second  ordre,  il  envoya  la  lâle  du  prisonnier  à  cet 
homme  vindicatif. 

Pendant  toute  la  nuit;  le  sultan  resta  à  cheval  et  fit  entretenir 
un  grand  nombre  de  feux  afin  de  dissiper  les  ténèbres.  Au  point 
du  jour,  il  prit  possession  du  palais  et  présida  i  Tenterrement  di» 
feu  sultan.  Voyant  alors  avec  inquiétude  la  haute  position 
d'Abou-Yahya,  prince  élevé  dans  les  habitudes  d»  commaodd-^ 
ment,  il  soumit  ses  craintes  à  Tappréciation  d^un  conseil  com- 
posé d'Abd-el-Hack-Ibn-Othman,  du  vizir  Ibrahtm-lbn-Abd-el- 
Djel!l-el-Oungaçni,  du  vizir  Ibrabtm-Ibn-Eïça-el-lrntani  et  de 
quelques  autres  grands  officiers  de  l'empire.  Abd*  eUHack  était 
petit-fils  de  Pémir  Abou-Moarref-Mohamroed-Ibn-Abd-el*Hack. 
et  chef  reconnu  de  toutes  les  branches  collatérales  de  la  famille 
royale.  Cette  commission  pensa  unanimement  qu^il  fallait  6ter  U 
vie  à  Témir  Abou-Yahya,  et  cela  avec  d'autanD  plus  de  raison 
qu'on  lui  avait  attribué  certains  propos  qui  décelaient  l'inten-* 
tion  de  former  un  parti  et  de  guetter  Voccasion  afin  de  renversev 
le  sultan. 

Le  surlendemain  du  jour  où  le  peuple  prêta  au  nouveau  sultaU' 
le  serment  do  fidélité,  Abou-Yahya  monta  à  eheval  et  se  rendili 
au  palais.  Abou-Thabetle  prit  parla  main  et  l'emmena  dans  Tap- 
partemeni  des  femmss  afin  qu'il  pût  leur  offrir  ses  compUmeata 
de  condoléance  sur  la  mort  du  sultan  ;  ensuite  il  le  conduisit  danl^ 
Tantichambreoù  se  tenaient  les  courtisans  et  le  laissa  avec  eux. 
Quelques  instants  après,  il  rentra  et,  trouvant  qu'Abd-el-Back« 
Ibn  Olhman  avait  suivi  ses  instructions ''et  lié  Abou-Yahya  bras 
et  jambes,  il  donna  Tordre  de  tomber  sur  le  prisonnier  et  de  lui 
ôter  la  vie.  Le  vizir  Eïça-lho-Mouça-el-Poudoudi  fut  tué  ea 
même  temps  que  son  mattre. 

Lebruitde  cette  exécution  répandit  la  terreur  parmi  les  autres 
membres  de  la  famille  royab  :  Yaïoh-Ibn-Yacoub,  fràre  do  [feu] 
sultan,  prit  la  fuite,  ainsi  qu'un  fils  du  même  [monarque]  nommé 
Othman  et  appelé  Ibn-Gadib,  du  nom  de  sa  mère.  Leur  exemple 
fut  imité  par  Masoud,  fils  d'Abou-Malek  et  parEUAbbas,  fils  de 


1>T1fAftTn  KtaiNlDS. —  ABOU-TBABBT.  473 

BaUKHl-lbn-Al>d-AIUh*lbD-Abd-«l-Hack.  Us  se  réfugièrent  Ions 
tlans  le  pays  des  Ghomara,  auprès  d'Othmao-lbn-Abi-^WOlft. 

Débarrassé  de  la  présence  de  ces  princes,  le  sultan  Abou- 
Thabet  ramena  facilemeni  toute  la  nation  mérinide  sous  son  au- 
iorité  et  n^eut  plus  d^adversaire  ë  redouter.  Mattre  du  pouvoir 
suprême,  il  remplit  ses  engagements  envers  les  fils  d'Othman- 
Ibn-Yaghmoracen  et  leur  rendit  tontes  les  villes  du  Maghreb 
central,  ainsi  que  les  pays  des  Toudjîn  et  des  Magbraoua. 

La  cause  de  son  départ  précipité  pour  le  Maghreb  fut  la  révolta 
d'0thman*lbn-Abi-1-0lâ,  ce  petit^fiU  d'Abd-Allah-Ibn  Abd-el- 
Hackqui,  peu  de  temps  avant  la  mort  du  sultan  Abou-Yacoub, 
s'était  fait  proclamer  souverain  à  Ceuta  et  qui  venait  d'occuper 
Casr-Ketama  après  s'être  jeté  dans  le  paj's  des  Ghomara. 

Au  moment  de  quitter  la  Ville-Neuve  [de  la  Mansoura],  Abou- 
Thabet  chargea  son  vizir,  Ibrahim-lbn-Abd-el-DjelIlde  présider 
à  Tevacuatioa  de  cette  place  qui  renfermait  une  nombreuse  po- 
pulation,  quantité  de  magasins  [remplis  d'approvisionnements] 
et  un  vaste  matériel  de  guerre.  Ce  ministre  exécuta  parfaite- 
ment la  tâche  confiée  h  ses  soins  :  il  en  fit  partir  les  habitants  sue- 
cessivement,  classe  par' classe,  et,  en  se  retirant  lui>méme«  il 
laissa  la  place  tout-à-fait  vide.  Après  la  rentrée  des  Hérinides 
«D  Maghreb,  les  Beni-Abd-el-Ouad  profitèrent  des  intervalles  de 
guerre  avec  cette  nation  pour  détruire  la  ville  et  en  renverser  les 
monuments. 

El*Hacen-lba-Amer*IbQ-Abd-Allah-Atadjoub,  membre  de  la 
famille  royale ,  reçut  du  sultan  Tordre  de  prendre  les  de- 
vants avec  l'armée  et  de  marcher  contre  Otbman-Ibn-Abî-'U 
Olà.  Le  6ultaD  lui-mâme  resta  dans  la  Ville-Neuvo  [de  la  Man^ 
aoura]  pour  y  attendre  l'arrivée  des  troupes  qui  avaient  occupé 
les  forteresses  orientales  du  Maghreb  central  et  qui  devaient  re* 
mettre  ces  places  aox  Abd-el-ouadites.  Ce  fut  dans  un  des  pre- 
miers jours  du  mois  Dou-'l-Hiddja*  (4  juin  1307),  qu'il  se  mit  en 


I  Le  texte  arsbe  porte  Dou-'l-Cdda  ;   nous  avons  préféré  la  date 
donnée  par  le  Carias. 


47i  mSTÛIRI  DBS  BERBÈRES. 

route  ei,  au  commeDcemeDt  de  Tan  707  (juiil.  4307),  qu'il  fit 
son  entrée  h  Fez. 


TOUÇOr-lBn-ABI-BÏAD    S^BJIPARE    DE    MAROC.     IL    EST   VAINCU 

PAR    LE    SULTAN. 


Avant  de  quitter  le  camp  à  Tlemcen  pour  rentrer  en  Maghreb, 
le  sultan  plaça  ses  troupes  sous  les  ordres  de  son  parent,  El* 
Hacen-Ibn-Amer,  petit- fils  d^Abd-Allah-Atadjoub,  fils  du  sultan 
Abou-Youçof,  et  les  envoya  contre  Othman-Ibn-Abi-U-Ol&.  Son 
cousin,  Youçof^  fils  de  Mohammed-lbn  Abi-Eîad-Ibn-Abd-el- 
Hack,  à  qui  il  donna  le  commandement  de  Maroc  et  des  provin- 
ces qui  en  dépendent,  partit  aussi  pour  sa  destination  avec  Por* 
dre  de  veiller  à  la  sûreté  et  au  bien-être  de  ces  contrées.  Arrivé 
dans  Maroc,  Ibn-Abi-EYad  conçut.la  pensée  d'y  établir  son  indé- 
pendanceet,  dans  le  mois  deDjomada  707  (nov.-déc.  4307), 
quand  il  eut  levé  un  nombreux  corps  de  fantassins  et  de  cavaliers, 
il  répudia  Tautorilé  du  sultan,  prit  les  insignes  de  la  royauté  et 
fit  mourir  le  gouverneur  de  la  ville  h  coups  de  fouet.  Le  sultan 
apprit  cette  nouvelle  après  son  arrivée  à  Fei  et,  sur  le  champ,  il 
jÂaça  un  détachement  de  cinq  raille  hommes  sous  les  ordres  de 
Tacoub-Ibn-Asoag  et  du  vizir  Youçoaf-lbn-EYça-Ibn-Saoud-el- 
Djochemi  et  les  envoya  contre  les  insurgés. 

Ibn-Abi-EYad  ne  terda  pas  de  marcher  au  devant  du  vizir, 
et  à  traverser  TOmm-Rebiâ,  mais  à  la  suite  d^une  rencontre  avee 
les  troupes  impériales,  il  prit  la  fuite  jusqu'à  la  ville  d'Aghmat 
d'où  il  passa  dans  les  montagnes  des  Heskoura.  Mouça-lbn-Abi- 
8atd-es-Sobeihi  alla  le  rejoindre  après  s'être  laissé  descendre  par 
une  corde  du  haut  de  la  muraille  d'Aghmat.  Le  vizir  Youçof  entra 
dans  Maroc  d'où  il  repartit  afin  d'atteindre  les  rebelles,  et,  leur 


1  Ci-devant,  page  163,  il  est  question  de  ce  personnage;  voyez  aussi 
tome  m,  page  493. 


OTNASTll  IIÉBINIDB. ABOU-THABBT.  475 

%yBuX  tué  beaucoup  de  monde  dans  une  bataille,  il  força  leur  chef 
h  se  réfugier  [encore]  chez  les  Heskoura. 

Vers  le  milieu  du  mois  de  Redjeb  707  (janvier  4308),  le  sultan 
Abou-Thabet  arriva  h  Maroc  et  punit  de  mort  tous  les  Auréba 
qui  avaient  pris  part  ë  la  dernière  insurrection.  Makhlouf-Ibn- 
Hennou,  chef  des  Heskoura',  n*osant  pas  protéger  Ibn-Abi-EYad 
contre  le  sultan,  le  fit  arrêter  avec  huit  autres  réfugiés  qui  Tavaient 
aidé  dans  cette  révolte,  et  les  envoya  tous  à  Maroc.  Ces  malheu- 
reux furent  mis  à  mort  ensemble,  après  avoir  subi  le  supplice  du 
fouet.  La  tête  d'Ibn-Abi-Eïad  fut  envoyée  à  Fez  et  plantée  sur 
le  mur  de  la  ville.  A  Maroc  et  à  Aghmat  on  exécuta  une  foule  de 
personnes  qui  avait  participé  k  Pinsurreclion. 

Pendant  ces  événements,  le  sultan  ordonna  l'arrestation  de 
son^izir,  Ibrahtm*Ibn-Abd-el  Djelfl,  qui  lui  avait  donné  sujet 
de  mécontentement.  Il  fit  aussi  emprisonner  dix  individus  de  la 
famille  Doultn,  branche  des  Beni-Oungacen,  et,  après  avoir  été 
la  vie  à  El-Hacen*lbn-Doultn«  il  gracia  les  autres. 

Yersle  milieu  du  mois  de  Ch&ban  (février),  il  se  remit  en  cam- 
pagne afin  de  rétablir  Tordre  dans  la  province  de  Maroc  et  de  ré- 
duire le  chef  des  Sekctoua  à  l'obéissance.  Ayant  accepté  de  ce 
personnage  un  semblant  de  soumission  et  un  riche  cadeau,  il  l'ad- 
mit au  service  de  Tempire.  Son  général  Yacoub-lbn-Aanag  mar- 
cha ensuite  eontre  tes  Zegna  et  les  poursuivit  è  travers  la  pro- 
TÎDce  du  Sons  jusqu'au  Désert,  où  il  lea  perdit  de  vue.  Quand 
cette  colonne  fut  de  retour,  Abou-Thabet  la  ramena  à  Maroc  avec 
le  reste  de  l'armée. 

Rentré  dans  cette  ville  vers  le  commencement  du  mois  de  Ba- 
madan(fin  de  février  4308),  il  y  fit  mourir  plusieurs  cheikhs  des 
Beni-Oura,  et  ensuite  il  partit  pour  Fez  en  prenant  la  route  qui 
traverse  le  pays  des  Sanhadja.  Arrivé  dans  la  province  de 
Temsna,  Il  appela  sous  ses  drapeaux  les  Arabes-  Djochem,  popu- 
lation composée  do  plusieurs  tribus,  telles  que  lesKholt,  les  Sof- 
yan,  les  Beni-Djaber  et  les^Acem.  Quand  il  les  eut  emmenés  jus-* 


'  Voy.  t.  u,  p.  1*9. 


476  OISTOllK     bBS    BBMÈRBS. 

qu'à  la  ville  d'Anfa,  il  (ii  arrêter  une  soixanlaiDd  de  leurs  oheikhs 
dont  le  tiers  fut  condamné  à  la  peine  de  mort  comme  coupables 
d'actes  de  brigandage.  Vers  la  fin  de  Ramadan  (mars),  il  arriva 
h  Ribat-el-Feth,  où  il  extermina  une  foule  d'Arabes  nomades 
dont  il  avait  reconnu  les  intentions  hostiles.  Vers  le  milieu  du 
mois  de  Choual  (commencement  d'avril),  il  marcha  contre  les 
&îab  établis  dans  les  provinces  d'Azgfaar  et  d'El-Hebet,  et, 
comme  il  leur  portait  une  vieille  rancune,  il  en  massacra  une 
partie  et  enmena  le  reste  en  esclavage. 

Rentrée  Fez  an  milieu  du  mois  de  Dou*1-Càda  (mai),  il  ap- 
prit que  son  général,  Abd-el-Hack-Ibn-Olhman,  avait  essuyé 
une  défaite  [en  combattant  Ibn-Abi-M-Olâ],  que  la  milice  chré- 
tienne avait  été  taillée  en  pièces  et  qu'Abd-eUOuahed*el-Fou* 
doudi,  un  des  grands  dignitaires  de  l'empire,  y  avait  perdu  la 
vie.  Sachant  que  l'influence  exercée  par  Ibn-Abi-'l-Olà  dans  le 
pays  des  Ghomara  devait  prendre  un  grand  accroissement,  il  se 
prépara  à  marcher  contre  lui. 


LB    SULTàH   MBUBT     A    TANGER    APRÈS     AVOIR    CHASSÉ    IBN-ABI-'l-OLA 

DB    LA    PROVllUIE    d'eL*HBBET. 


En  l'an  705  (1305-6),  le roï^  Abou-Satd-Feredj,  fils.d'Ismail- 
Ibn-Youçof-lbn-Nacer,  s'empara  de  Geuta  et  y  fit  proclamer  la 
souveraineté  de  son  cousin  Mohammed-eUMakhIoué[-Ibn-eU 
Ahmer],  sultan  de  Grenade  et  fils  de  Mohammed-el-Fakîh,  fils  de 
Mohammed -es-Cheikh,  fils  de  Youçof,  fils  deNacer.  Il  y  avait 
amené  le  commandant  du  corps  des  guerriers  delà  foi  qui  tenait 
garnison  à  Malaga.  Cet  ofiicier  appartenait  à  la  famille  des  Béni- 
Merîn  et  se  nommai  t  Othman-Ibn-Abi-'UOlâ-Idrislbn-Abd- Allah- 
Ibn-Abd-el-Hack.  Gomme  il  pouvait  prétendre,  avec  quelqu'ap- 
parence  de  droit,  au  trône  de  Maghreb,  Abou-Satd  s'en  fit  accom- 
pagner avec  Tintenlion  de  jeter,  par  son  moyen,  la  désunion  par- 
miles  Mérinides.  Il  espérait  leur  créer  ainsi  tant  d'embarras  qu'il 
leur  serait  impossible  de  marcher  contre  Ceuia,  ville  dont  le  suU 


BTlfAêT»  lllilHIDE. —  AIOV-THABET.  477 

taD  Ibn-d-Ahmer  et  le  peuple  aodaloasieû  saohaitaient  la  pos^ 

Mssioo. 

Olhmao*Ibn-Abî-1-OlA  compla  sar  Tappui  des  Ândalousieua 
pour  s'emparer  du  trône  de  Maghreb  ;  aussi,  quaud  il  débarqua 
à  Geuta,  il  laissa  le  commaodemeRt  des  guerriers  de  la  foi  ^  son 
«ousin,  Oœar-lba-Rahhoulba-Abd- Allah,  et  alla  se  montrer 
lout-à-coup  dans  le  pays  des  Ghomara*  Ayant  rallié  à  sa  cause 
une  partie  de  ce  peuple,  il  occupa  Aloudan,  uo  des  châteaux  les 
plus  forts  de  cette  région,  et  fit  jurer  à  ses  nouveaux  partisans 
qu'ils  le  soutiendraient  jusqu'à  la  mort.  De  là  il  marcha  sur 
EU  Araïch  dont  il  s'empara,  ainsi  que  d'Asfia. 

Aboa-Yacoub,  le  suUaa  qui  régnait  alors^  n'attacha  que  peu 
d'importance  à  cette  insurrection,  bien  que  son  fils,  Abou-Salem;, 
qu'il  avait  envoyé  de  ce  côté,  eût  été  obligé  de  lever  le  siège  de 
Geuta.  Son  frère  Taïeh-Ibn-Tacoub,  auquel  il  donna  alors  le 
commandement  d'un  <x>rps  de  troupes,  alla  s'établir  dans  Tanger; 
puis,  ayant  été  averti  qu'Othman-Ibn-Abi«'l-OlA  s'avançait  cour 
ire  loi,  il  évacua  la  place  et  prit  la  route  d'El-Casr.  Les  cavaliers, 
fantassins  et  archersqui  formaient  la  garnison  de  celte  forteresse 
49e  joignirent  à  lui  ei  marchèrent  contre  Teanemi  qui  appro- 
chait toujours,  mais,  sur  le  bord  de  la  rivière  Oura,  ils  essuyé* 
rent  aae  défiaile  qui  coûta  la  vie  à  Omar-Ibn-Tactn  et  les  obligea 
À  rentrer  dans  EUCasr.  Othman  vint  aussitôt  les  y  assiéger  et  le 
lendemain,  il  y  pénétra  en  vainqueur. 

Peu  de  temps  après  ces  événements  eurent  lieu  la  mort  du  sul» 
tan  Abou-Yacoub  et  la  fuîte  de  YaYcb-lbn-Yaooub  qui,  s'étant 
méfié  des  dispositions  d' Abou  Thabet  à  son  égiird,  se  réfugia  au^ 
|>rès  d'Othman.  Comme  la  révolte  d'Ibn-Abi-Eïad  attirait  ensuite 
rattaniion  d'Abou-^Thabet  vers  la  province  de  Maroc,  Othman- 
Ibn-Abi-'l-Oift  continua,  pendant  asseï  longtemps,  à  se  maintenir 
dans  le  nord  du  Maghreb.  Quand  le  sultan  remplaça  son  oncle 
YaYch  par  Abd-el-Hack-lbn-Othman-lbn-Mohammed  auquel  il 
donna  l'ordre  d'aller  combattre  Ibn-Abi-'l-OU»  celui-ci  marcha 
à  la  rencontre  du  nouveau  général  et,  vers  le  milieu  de  Doti-1- 
Hiddja707  ^uin  1308),  il  lui  livra  baUille,  tailla  en  pièces  la 
milice  chrétienne  et  mit  en  déroute  le  reste  de  l'armée.  Le  vto^ 

T.  rv.  1S 


478  ftMTOisB  Dit  nmBtfttt. 

yitWi  Abd-^l-Ooft}ie4-^*-Foudoii(iî,  qui  jomssâU  d*Qii  grftfid 
crédit  auprès  du  sultan,  y  perdit  la  vie.  Otbman  mit  alors  ie 
ftiége  devant  Gasr-Kétama  *  et  floamit  loate  la  région  qvî  en  dé- 
l^end. 

Ces  événement  ve&aient  de  «'accomplir  quand  le  anUan  ren- 
tra de  son  e&péditîon  à  Maroc,  «près  avoircomplèlement  étouEé 
l'esprit  de  révolte  qui  s^était  propagé  dans  cette  partie  de  Pom- 
pire.  Il  prit  alors  la  résolution  de  pénétf  er  dans  le  pays  desGho* 
maraafin  de  laenverser  le  parti  qui ,  en  soutenant  Ibn-Abi-*l^là, 
portait  déjà  une  grave  atteinte  à  Piniégrité  de  l'empire  ;  puii, 
après  avoir  expulsé  du  Maghreb  cet  aveotorier,  il  eomptatt  enle* 
ver  Geuta  au  sultan  de  Greoade.  il  désirait  beaucoup  reprendre 
cetta  place,  sadiaot  bien  que  si  elle  restait  au  pouvoir  des  mu^ 
aulmans  espagnols,  elle  servirait  de  raareitiepied  k  tout  prince  d^ 
la  famille  mériaide  qm,  s*étant  d*abord  rendu  dans  le  pays 
d'outre* mer,  afin  ^l^assisCer  ^  la  guerre  sainte,  esaayeraît 
ensuite  de  monter  sur  le  tràne  du  Ifaghneb.  Vers  le  miKeii 
lie  Dou« 'l-Biddja  707  (juin  4308),  il  qattta  Fet  et,  pai^ 
venu  h  Gasr-Retama,  ît  y  retfla  trois  jours  afin  de  laisser  arriver 
9es  troupes  et  de  les  passer  en  revue.  B' étant  abrs  mis  à  la 
poarsuited'Ibn^Abi-l^là  q«ri  avait  reculé  h  son  approche,  il 
•'avança  jusqu'au  château  d*Âtottda«,  l^emperta  d'a»sa«l  ^  y 
tua  près  de  quatre  cents  hommes.  La  ville  d'El-Demiia  éprouva 
le  même  sort  ;  une  partie  de  9^  l^rbitaots  fut  maBsaerée  «a  le 
rerte  tratné  en  esclavage,  pour  les  punir  d'^toir  reeoomi  la  <80U* 
«veraineté  du  prétendant  et  de  ('aveir  aidék  surprendre  et  b  piMer 
£V-Casr.  Au  commencement  de  l'en  706  (juin  1308)  le  sultan  fil 
-son  entrée  h  Tanger,  et  son  ed^rsaires^enfermadeM  Geuta  avep 
tons  M»  alMs  el  aes  parfteaes.  Les  troupes  mérifuides  dévasiA-* 
MIA  tas  entiiroiie  de  Ceiita,  ^  l'on  eonslruistt ,  par  l'eFrtfre 


«  «Cast-Ketania,  appelé  aoMK  CMmî^  étant  déSàiomMam  pourrofr 
^ftMi»*abi<»VOkA,  il  faut  supposer  «fae  leelle  priaoaaiiiiait été  éraoeée  p* 
4e  wiietufiif . 


4a  wilt«n,  I9  vUlo  <l«  Tétouao,  poqr  leur  servir  i«  logement  et 
penr  mieux  bioqner  cette  place  forte. 

Feodsnt  qu'Abou.YahyA-lbv'-AlM-'^-Seiier,  juriscopsaita  en 
«bflf  de  U  «our.,  se  r«aclait  k  Ceule  afin  d'en  négocier  la  remise 
au  gouvernement  mérioide,  Je  suIUii  tomba  malade  «t,  le  8  d« 
mws4«  Sa/er  708  (28  juillet  «308),  il  rendit  le  deiwer  aoopir 
spnès  pne  indisposition  de  quelques  jours  seulement.  On  l'en- 
teri»  en  dehors  de  la  villede  Tanger,  mais,  plus  tard,  «a  irins- 
porta  le  corp?  à  Cbala  pour  le  déposer  dans  lecimetière  royal. 


atmi  PC  SOLMV  ASOD-'«-«au. 


Anssitdt  que  le  snhim  Abou-Tbabet  fui  mort,  son  oncle  AU, 
fils  du  sultan  Abea-Yacoub  et  appelé  Ibn-Bextga,  du  nom  de  sa 
aèr«,  essaya  de  monter  sur  le  trâne,  mais  les  chefs  mérinidcM 
qui  avaient  qoelqu'aotorité  allèrent  trouver  Ahon>'r.RebiA  {80- 
leiman] ,  frère  du  monarque  décédé,  et  lui  pistèrent  le  sermewt 
de  fidélité.  Par  l'ordre  du  bouvwu  sulton  Ibn-Rezîga  fut  enfermé 
dans  la  prison  de  Tanger  où  il  mourut,  en  J3^omada740  (oct.^ 
»ov.  i3i0).  Abw-'r-fiebiâ  distribua  alors  des  gralifications  h 
ses  partisans  et  prit  la  route  de  Fes.  Othman-Ibn-Abi-'1-0|A, 
qui  tenait  sous  la  main  une  armée  nombreuse,  se  mit  k  la  pour- 
suite des  Mérinides  et  tâcha  de  les  surprendre  dans  une  attaque 
de  nuit.  Le  sultan  («taverti  de  ee  projet  et  tint  ses  troupes  sous 
les  armes  jusqu'au  point  du  jour  ;  alors  il  se  porta  vers  le  chAteaa 
d'Alloudan  et,  dans  l'après-midi,  il  rencontra  l'ennemi,  lui  tua 
iMMCMpdemoodeetle  mit«n  ploine  ^érwite.lefilsd'Othiban 
munies  Mobreia  prisomiiers  qui  restèrent  au  fo«To(jr  des 
winqueurs.  Ce  fut  là  véritablement  «ne  victoire  sans  égale. 

Afcwi-TabyMbn-Abi-'s.^aber,  l'agent  que  le  feugnltan  avait 
«•MpyéenSspagMpnur  négocier  «n  traité  «vee  le  aouveraîa  de 
«renade,  pensait  parfaititment  dans  sa  missim,  et  tbn-el-Ahmer 
lu{-tn«me  se  rendit  è  Algéciras  avea  l'intenti«»de  taire  unevisitj» 
MMsItaB  du  «àgliNl^.  Arrivé  dans  cette  viHe,  H  appritUmort 


180  HlSTOlftB     DIS    BBRBfiRBI. 

d'Abou-^Thabet  et  renonça  au  projet  de  traverser  le  Détroit,  maia 
il  chargea  Ibn-Âbi-'s-Saber  de  rapporter  en  Afrique  le  traité 
d'amilié  qu'il  venait  de  signer.  Othman-lbn-Abi-'l-Olft  quitta  le 
Maghreb  avec  tous  les  autres  membres  de  la  famille  royale  qui 
avaient  embrassé  son  parti,  et  se  rendit  è  Grenade. 

Le  sultan  Âbon«*r-Bebià  reprit  alors  la  route  de  Fei  où  il  ar* 
riva  vers  la  fin  dn  mois  de  Rebiâ  [premier]  708  (septembre4  308), 
et,  quand  il  eut  rétabli  l'ordre  dans  son  royaume,  il  conclut  un 
traité  de  paii  avec  Houça,  fils  d'Olhman-lbn-Yaghmoracea  et 
seigneur  de  Tlemcen.  Depuis  lors,  il  se  tint  tranquille  dans  sa  ca* 
pitale. 

Le  règne  de  ce  prince  fut  une  époque  de  bonheur,  de  paix  et 
de  prospérité  pour  toutl^empire.  L'on  acheta  les  immeubles  avec 
tant  d'empressement  que  le  prix  en  augmenta  prodigieusement} 
de  sorte  qu'il  Fez,  beaucoup  de  maisons  se  vendirent  chacune 
mille  dinars  d'or  monayé  [dix  mille  francs].  Tout  le  monde  se 
mit  à  bfttir  de  grands  logements,  ë  élever  des  palais  en  pierre  et 
en  marbre  et  à  les  orner  de  plaques  de  faïence  et  d'arabesques» 
On  rechercha  avec  passion  les  habits  de  soie,  les  beaux  che- 
vaux, la  bonne  chère  et  les  parures  d'or  et  d'argent;  partout  a» 
répandirent  le  bien-être,  l'aisance  et  le  luxe.  Pendant  ce  temps, 
le  sultan  resta  dans  son  palais  et,  jusqu'à  sa  mort,  il  s'abandonna 
au  repos. 

■OIT  ft'ABD*ALUB-IBll-ÂlI*MIDtBII. 


Aboli -[Medyeii-]Choalb<IbQ«Makhlouf,  da  la  famille  des  Bam- 
Abi-Othman,  peuplade  ketanienne  qui  habitait  aux  environs  d'Bl* 
Casr-Hl.Kebtr,  s'était  adonné  aux  pratiquas  de  la  haute  dévotion 
et  avait  acquis  la  réputation  d'un  saint.  A  l'époque  où  les  Béni- 
Merjn .  vinrent  occuper  les  plaines  dn  Maghreb  [Aboo-Medyan* 
Choalb]  prit  pour  compagnons,  les  gens  yartneux  de  oe  peuple  et 
[repoussa]  les  hommes  vicieux  de  sa  propre  tribu.  Les  fik  d'Abd- 
el-Hack.  ayant  voûta  s'entourer  de  personnages  d'une  piété  ^emr 


VTRASTM  ttftlIRlOK. —  AIOU-'R-KCBIA.  484 

plaire,  choisireDl  ChoaYb  pour  lear  imam.  YaooQb-Ibn*Abd*el- 
Hack  trouva  tant  d^agrëment  dans  la  société  de  cet  homme  qu'il 
lui  voua  une  amilîé  inaltérable.  Dès  lors,  Abou^Medyen  exerça 
une  grande  influence  ik  la  cour  et  parvint  à  une  considération  qui 
s'étendit  sur  ses  enfants,  ses  parents  et  ses  serviteurs.  Il  avait 
trois  fils,  Mobammed-eNHaddj ,  Abou-'l-Cacem  et  Abd-AlUU  »  le 
sujet  de  cette  notice.  Us  passèrent  leur  jeunesse  à  Casr*K6tama, 
oà  ils  se  virent  toujours  entourés  des  plus  grands  égards. 

Après  la  mort  du  sultan  Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack,  son  fils 
YouQof  attacha  ces  jeunes  gens  à  son  service  particulier  et,  jus- 
qu'à la  mort  de  leur  père,  événement  qui  eut  lieu  en  691 
(4297^8),  il  ne  cessa  de  les  protéger  et  do  leur  donner  de  l'avau-> 
oement.  Abd-Allah,  celui  qu'il  favorisait  le  plus,  atteignit  à  una 
position  magnifique,  étant  devenu  le  viiir  et  le  confident  du  sul- 
tan. Aux  séances  royales,  il  occupait  la  place  d'honneur  et,  de 
tous  Itfs  courtisans,  il  fut  le  seul  qui  eut  le  privilège  de  parapher 
et  valider  les  lettres  et  mandats  émanés  de  son  maître,  il  fut  aui^at 
la  personne  chargée  d'examiner  les  comptes  des  percepteurs,  de 
punir  les  malversations  des  fonctionnaires  publics  et  de  viser 
tous  les  ordres  d'arrestation  et  de  mise  en  liberté.  Amiintimedu 
souverain  et  dépositaire  de  ses  pensées  les  plus  secrètes,  Abd« 
Allah»  Ibn-Abi-Med yen  vit  sa  porte  toujours  assiégée  par  une 
foule  de  nobles  :  les  chefs  mérinides,  les  princes  de  la  famille 
royale  et  les  fils  même  du  sultan,  s*étant  tous  empressés  aie  trai* 
ter  en  grandi  seigneur  et  à  briguer  sa  faveur.  A  son  frère^  Mo- 
hammed, il  procura  la.  perception  de  l'impôt  chez  les  Masmouda 
de  Maroc,  et,  à  son  autre  frère,  Abou-'l-€acem,  il  assura  une  vie 
tranquille  à  Fez. 

Arrivé  au  faite  des  grandeurs,  Abd-Allah  s'abandonna  au  re- 
pos et  aux  plaisirs,  ne  s'occupent  que  de  la  table  et  de  la  toi- 
lette ,  ne  pensant  qu'aux  sommes  d'argent  que  les  fonctionnaires 
publics  lui  faisaient  passer  à  titre  de  cadeaux,  et  laissante  sa 
porte  une  foule  de  solliciteurs  venus  de  toutes  les  parties  de  Tem- 
pire.  L^assassinat  du  sultan  Abou-Yacoub--Youçof  ne  changea 
rien  è  cet  état  de  choses,  bien  que  l'on  prétendit  que  Séada  [l'es- 
clave dibn»]et*Mil)ani,  avait  commis  ce  crime  h  Pinstigatton 


48t  «iSTOttt   ras  BmftABS. 

d^tt^Abi-Vedyeii.  8oos  le  ràgoe  en  'sultan  Abon-Tbabet,  b  (9- 
vear  donl  il  jouissait  devint  plus  grande  encore  et  Son  influaaoe 
surpassa  celle  de  tons  les  autres  conrlîsans.  Abou-^'r-BeblAf  frère 
et  saoeesseur  d'Abott^Thabet,saivit,  0  Pégard  de  eet  bosome,  In 
conduite  de  ses  prédécesseurs. 

.  Go  fut  Ibn-Abi-lfedyen  qui,  en  sa  qualité  d'oflBcier  chargé  dir 
la  promulgation  dos  décrets  impériaux,  atait  ordonné  le  aop- 
plice  des  Bent-Heeasa,  contre  lesquels,  dit-on,  il  s'était  eSbrcé 
à  indisposeirlesuÏÏan.  Nous  avons  déjà  mentioooé  que  Ton  épar- 
gna les  jours  de  Rhalifa^t-es-Saghtr.  Abou-'r-Rebià  étant  monté 
sur  le  trône,  employa  Rhalifa  au  pelats,  dans  les  services  les  plus 
humbles  ;  ensuite,  il  l'admit  au  nombre  de  ses  domestiques  et 
finit  par  l'attacher  k  sa  personne.  Ce  Juif  ne  pensa  plus  alor» 
qu'à  perdre  Abd-Allah-Ibn-Abi-Medyen.  Il  chercha  d'abordé 
faire  craindre  au  sultan  les  mauvais  desseins  d'on  lif>mme  quir 
t'était  entouré  d'une  foule  de  gens  capables  de  tout:  il  lui  repré^ 
Senta  et  avec  vérité,  que  le  public  en  causait  beaueoop  ;  puis,  il 
Idi  fit  entendre  qu'lbn^Abi-Hedyen  le  soupçonnait  d'une  intrigue 
avec  sa  fille  et  que  son  cceur  en  était  ulcéré  au  point  de  vouloir 
bouleverser  l'empire.  Le  sultan  s'était  déjà  aperçu  des  intellU 
geaces  que  son  ministre  entretenait  avec  les  principaux  cbefe 
mérinîdeset,  so  rappelant  qu'il  avait  été  un  des  agents  les  (dos 
adîfs  de  l'autre  branche  de  la  famille  royale,  celle  d*Aboa«-Voifr* 
fof-Yacoub,  il  s'empressa  de  prendre  des  mesures  contre  la  triH 
bison  dont  il  se  croyait  menacé. 

Dans  la  matinée  du  jour  oii  Iba-Abi-^Medyen  devait  marie?  sa 
fille^  le  sukan  envoya  chez  lui  le  caM  [commandant]  de  la  milice 
chrétienne  pour  l'inviter  à  se  rendre  au  palais.  Le  malbeureviC 
ministre  partit  sur  le  champ,  sans  tenir  compte  des  avertisse- 
ments qu'il  avait  re^us  au  sujet  du  danger  qui  te  menaçait,  el^ 
au  moment  où  il  traversait  le  ciroetiére  d'Abott^Yahya**Ibn^l- 
Arébi,  il  reçut  dans  le  dos  iln  coup  de  javelot  lanoé  par  le  co^^  et 
tomba  prosterné  dans  la  poussière.  Le  meurtrier  lu?  trancha  la 
télé  à  Pinslant  même  et  alla  la  jeter  aut  pieds  du  sultan.  Le  vixir 
Soleimàn-Ibn^Irstguen  entra  au  même  moment  et,  frappé  de  la 
triste  fin  de  son  collègue,  il  laissa  éclater  une  douleur  profonde  ; 


dévoîlanl  eoaaite  aa  sultan  h  perfidie  du  juif,  il  produisit  ua 
jcrit  qttlbo*Abi-Hedyen  l'avait  de  ch^rgS  lui  préseolcr  et  qui  ren» 
fermait  la  déclaration  la  plus  soleooelle  de  sou  innoceace.  Be«« 
venu  de  son  égarement,  le  sullaD  s'aperçut  quo  Khaltfa  avait 
abusé  de  sa  crédulité  et,  au  milien  des  expressions  du  plus  tif 
repentir,  il  donna  l'ordre  do  faire  mourir  le  trallre  sur  le  champ^ 
ainsi  que  tous,  les  juifs  de  la  même  famille  que  Ton  avait  fait  en- 
trer au  service  dtTpalats.  Celte  exécution  servit  de  leçon  aux  an-* 
trea  intriguants  de  la  mdme  espèce. 


IIS   BABITANTS   PB   CBUTA    S'ilfSCBGBNT   CONTBB    LES    ARDALOOSIBRf 
BT   BEGOniUiSSBRT   DB    NOUYBAU   L'AUTQRITt    PU   SULTAN. 

OthinaiHiba*Abi-'l-OlA  se  réfugia  dans  Geuta  après  la  défaite 
de  ses  partisans,  et,  de  ta,  il  passa  en  Espagne  avee  les  princes 
mérinidesqui  avaient  voulu  suivre  sa  fortune,  La  sultan  Aboi^ 
'r  ftebiA  se  rendit  alors  &  Fez  où^  peu  de  temps  après,  il  apprit 
que  les  habitants  de  Ceuta  fiupportaient  avec  impatience  l'ooou^ 
patÂM  grenadineot  les  actesd'oppressioo  que  les  adiu'mstraleura 
andalousieus  exerçaient  contre  eux.  Ayant  eu  la  ecm&rmatipu  dfi 
cette  nouvelle  par  les  messages  que  ses  partisans  lui  envoyaient 
secrètement  de  la  ville,  il  plaça  son  citent,  TacheCli^Ibn-YaCoub* 
eUOut^i*  frère  du  vizir,  à  la  tète  d*unA  armée  nombreuse,  com* 
posée  de  troupes  mérînidea  et  de  milices,  et  lui  donna  Vordre 
d'aller  faire  le  siège  de  Ceuta.  Aussitôt  que  cet  officier  fut  venu 
dresaer  son  camp  sous  les  murs  de  la  ville,  les  habitants,  pleioa 
de  joie,  poussèrentle  cri  de  ralliement  mérinide  et  obassèreut  de 
chez  eux  les  troupes  d'Ibn-el-Abroer  et  les  fonctionnaires  and^* 
lousienS;  tant  civils  que  militaires.  Le  10  Safer  709  (juil.  1309), 
l'armée  mérinide  occupa  la  ville  de  Ceuta  et  Tachefin  alla  s'instaHer 
dans  la  citadelle.  La  nouvelle  de  cette  conquête  fut  portée  au  sul- 
tan par  un  courrier  extraordinaire  *  et  causa  partout  une  vive  sa- 


*  Il  faut  lire  (j.>|^  dans  la  t«xta  arabe. 


t84  BISTOIIV    DIS     nilBfetIf. 

iisfaction.  Pirrini  les  prisonniers  faits  par  le  général  TachetTn  se 
tronvèrent  Abon-Zékérïa-Yahya«Ibn-Meltla,  commandanl  de  la 
citadelle,  Aboa-U-HaceD*Ibn*Ganiacha,  chef  de  la  marine,  et 
Omar-Ibn-RahhoV'lbn*Abd-Allah-Ibn-Abd-e)-Hack,  prince  de 
la  famille  royale  mérinide,  et  commandant  de  la  garnison.  Ce  fut 
du  sultan  de  TAndaloasie  qa'Ibn-Rahhoa  tint  sa  nomination, 
et  il  remplaçait  son  cousin,  Othman*Ibn-Abi-'l-Oli  qui  était 
rentré  en  Espagne  pour  faire  la  guerre  sainte.  Les  cheikhs  et  les 
membres  do  conseil  municipal  deCenta  portèrent  alors  au  sultan 
les  hommages  de  leurs  concitoyens. 

Le  souverain  andalousien  fut  très-contrarié  de  la  perte  de  cette 
ville  et  craignit  que  le  sultan  du  Maghreb  ne  fût  tenté  de  lui  dé- 
clarer la  guerre.  Vers  la  même  époque,  le  roi  chrétien  leva  le 
siège  d'Algéciras  par  suite  d'un  traité  de  paix  ,  mais  il  ne  s'en 
éloigna  qu'après  avoir  fait  ans  habitant»  un  mal  affreux.  Quel- 
que temps  auparavant,  il  avait  assiégé  et  pris  Djebel-el-Feth 
(Gibraltar)^.  Après  cette  conqoéte,  on  de  ses  généraux,  nommé 
Alfonch-Hozraa  [A  Iphonse  Pérez de  Guzman)*  se  mil  h  parcourir  le 
pays  avec  on  corps  de  troupes,  mais  il  fot  attaqoé  et  mis  en  fuite 
par  Abou-Tahya-lbn-Abd-Allah-Ibn*Abi-'l*OIA ,  commandant 
de  la  milice  de  Malaga. 

La  chote  de  Djebel-el«Feth  donna  de  sérieuses  fnqniétudes  aux 
musulmans,  et  Abou-*l-DjoYooch*Ibn-el*Abmer,  sultan  de  l'An- 
dalousie, se  hAta  d'envoyer  des  agents  à  la  coor  du  sultan  méri- 
nide  afin  de  négocier  avec  lui  un  traité  d'alliance.  Pour  l'engager 
à  entreprendre  la  guerre  contre  les  chrétiens,  il  se  déclara  prêt 
h  lui  remettre  les  villes  d'Algéciras  et  de  Ronda  avec  les  forts 
qui  en  dépendent.  Le  sultan  y  donna  son  consentement  et  obtint 
eu  mariage  la  sœur  du  prince  auquel  il  allait  porter  secours.  En 


*  Le  siège  de  Tarifa  et  la  prise  de  Gibraltar  par  les  armées  do  roi  Don 
Ferdinand  lY  eurent  lieu  en  1309. 

*  Dans  le  texte  arabe  il  faut  sans   doute  répéter  un  mot  et  lire 


DTRASTll  attlinDB . —  abou-'r-ribu.  1 85 

conséquence  de  ce  fraité,  il  fit  passer  en  Espagne  une  forte  som- 
me d'argent,  plnsieurs  chevaux  de  main  et  un  corps  de  cavalerie 
qu'il  plaça  sous  les  ordres  d'0thman*Ibn-Eiça«e1-Irntani.  L*at* 
liance  des  deux  monarques  se  maintint  jusqu'à  la  mort  du  sul* 
tan  africain. 


ABIKVL-BACK-raR-OTHBA!«   BST  PHOCLAlt    SULTAN    PAS     LKS     TiZIttS 
n  LtS  CUIKHS  HBRnCIBSS.  —  AB0D*'H-1BBIA    IBURT   APRftS   AVOIR 

VAIRCU  LBS  RBBELLBS. 

Tant  que  dura  la  paix  entre  le  Maghreb  et  l'Andalousie,  le 
BuUan  de  ce  dernier  pays  entretint  une  correspondance  suivie 
avec  la  cour  mérinide  par  l'envoi  de  lettres  et  d'ambassadeurs. 
Un  de  ces  agents  diplomatiques  fut  tellement  adonné  à  la  débau-* 
che  qu'il  se  livrait  publiquement  aux  excès  les  plus  scandaleux, 
passant  son  temps  h  boire  du  vin  à  la  vue  de  tout  le  monde.  Dans 
le  mois  de  Djomada  premier  4709  (oct.*4  309),  le  sultan  rem-» 
plaça  Abou-GhÀleb*eUMaghtli,  cadi  de  Fez,  par  Abou-'l-Hacen- 
es-Saghtr,  mufti  qui  jouissait  d'une  certaine  réputation  dans  la 
ville.  Le  nouveau  magistrat  se  posa  d'abord  en  réformateur  de 
mœurs,  mais,  emporté  par  son  zèle,  il  se  laissa  aller  aux  inspi* 
rations  de  celte  dévotion  fanatique  dont  les  pratiques  nous  sont 
venues  de  l'étranger*.  Aussi,  en  voulant  faire  une  bonne  œuvre, 
il  dépassait  toujours  les  bornes  admises  et  reconnues  par  les  doc- 


*  On  voit  pnr  ce  passage  que,  même  avant l'époqae  où  Ibn-Khaldoun 
écrivait,  on  avait  établi  des  confréries  religieuses  dans  l'A  Trique  sep- 
tenlrionale.  Ces  Institutions,  nées  en  Orient,  avaient  d'abord  pour  bases 
les  pratiques  d'une  dévotion  exallée  au  plus  haut  degré,  mais  elles  ont 
fiai  par  conduire  leurs  initiés  au  panthéisme,  en  les  faisant  traverser 
les  divers  grades  du  sufisme.  Eu  Afrique,  elles  n'ont  pas  encore  eu  ce 
résultat,  mais  le  règlement  d'une  de  ces  associations,  la  confrérie  de 
Mohammed«beo-Abd-er-Rahman,  fondée  dans  la  dernière  moitié  du 
dix-buHième  siècle,  décèle,  en  chaque  ligne,  les  rêveries  du  sufisme. 
On  sait  que  cette  doctrine  a  miné  l'islamisme  et  qu'elle  compte  au 
nombre  de  ses  partisans  les  hommes  les  plus  instruit»,  les  plus  éclai- 
rés de  la  Turquie  et  de  la  Perse. 


486  BX8T0IBS     DIS    UliftRSS. 

teurs  de  toutes  les  grandes  villes  de  l'îslamtSine..ÀyaDidooc  cité 
cet  envoyé  an  tribunal  el  reçu  des  assesseor&  la  déclaration  que 
l'haleine  de  ^inculpé  sentait  le  vin,  il  le  fit  châtier  selon  les  prea» 
criptions  de  la  loi  divine.  L'ambassadeur,  irrité  par  la  douleur 
et  emporté  par  l'indignation ,  alla  se  présenter  an  vizir  Rahhou- 
Ibn-Yacoub-el-Outaoi  et,  Payant  rencontré  qui  revenait  en  grand 
cortège  de  ciiez  le  sultan,  il  se  découvrit  pour  lai  faire  voiries 
marques  du  fouet  imprimées  sur  son  dos,  et  il  loi  déobra  que  le 
sultan  de  TÂndalousie,  indignement  offensé  dans  la  personne  de 
son  représentant,  ne  manquerait  pas  d*en  tirer  vengeance.  Le 
vizir,  profondément  affligé  de  ce  fàckevi  événenent,  se  mit  en 
colère  et  ordonna  à  ses  gardes  et  à  ses  domestiques  d'aller  sai«- 
sir  le  cadiy  et  de  le  Iratner  par  les  pieds  devant  lui.  Le  cadi  se 
réfugia  dans  la  grande  mosquée  et  appela  les  bonn  musulmans  à 
son  secours.  La  canaille  se  jeta  sur  les  gens  du  vizir,  et  une  rîse 
s'ensuivit  qui  faillit  devenir  très-grave.  Ponr  la  calmer,  le  suU 
ta»  ae  fit  amener  les  gardes  qui  avalent  essayé  d'exécuter  les 
ordres  du  vizir  et  leur  trancha  la  tête  à  tous,  pour  donner  un 
avertissement  à  leur  mettre.  Le  vizir  dissimula  son  ressentiment 
el  tint  ttoe  conférence  secrète  avec  EUHacen4bn*Âli-lbn-Abr«'t« 
Talac,  grand  obeikb  des  Beni-Âsker,  tribu  nomade,  et  Gonzala, 
eai'd  de  la  milice  chrétienne^.  Le  premier  de  ces  hommes  était 
tellement  respecté  que  son  avis  l'emportait  toojours  dans  le  con- 
seil d'état,  et  le  second  avait  Tarmée  et  sa  propre  troupe  sous  la 
main.  S'adressanl  à  ces  deux  amis  qui,  en  effet,  lui  étaient  plus 
déTooés  qu'à  leur  sultan,  il  leur  proposa  d'enlever  la  souverai- 
neté h  Abou-'r-Rebiâ  et  de  proclamer  sultan  Abd-el-Hack-lbn- 
Othmao,  pctil-fils  de  Mohamraed-Ibn-Abd-el-Hack ,  chef  de  tou- 
tes les  branches  collatérales  de  la  famille  royale  et  le  plus  brave 
cavalier  d'entre  les  princes  du  sang.  Ils  y  donnèrent  leurconsen» 


■  Il        I         I  ■   iU 


*  Les  Alnoravides,  les  Almc^ades  et  les  Mérinides  ovaient  à  leur  sert 
vice  un  corps  de  troupes  composé*  en  graode  partie,  de  rélogiés  espa* 
gools.  Sous  la  dernière  de  ces  dynasties^  lo  chef  de  ia  milice  chrélitone 
était  deveuu  uo  personoage  trés-importaol. 


toB&0iii  et  prAlèreoi,  à  hoîa^clos,  le  seraieDt  do  EdéliU  à  Vimit 
Abd-el-Hack. 

Le  tO  de  Djomada  [premier]  (octobre),  left  co&jorég  sofimni 
de  la  Ville-Neuve  [de  Fez]  et»  s'étaoi  renduâ  ^  Br-Bemeka,  iUy 
proclainèreDt  la  déposition  do  sultan  régn/iot;  puis, déployant  l*é« 
teudard  delà  royauté^  en  la  présence  des  grands  officiers  de  l'en* 
pire,  iU  jurèrent  fidélité  k  l'émîr  Âbd«el*Hack.  Alors,  Ha  travet- 
sàrent  le  S^on  et  campèrent  tout  près  du  territoire  des  Béni* 
Isker,  en  face  de  Nebdonra,  forteresse  appartenant  è  El-Sace»^ 
U>n*Ali,  un  des  cbefs  de  b  conspiration.  Au  lendeaain,  ils 
prirent  la  route  de  Tèza. 

Pendant  que  le  sultan  organisaitune  armée  dans  le  camp  qu'il 
avait  établi  sur  le  bord  du  Sebou,  les  insurgés  eurent  le  temps 
d'occuper  le  ribat  de  Tèza  et  d'envoyer  un  agent  à  la  cour  de 
Tiemcen  pour  négocier  une  alliance  avec  Mouça,  fils  d'Othman- 
Ibn-Yaghmoracen,  et  pour  le  décider  à  leur  fournir  des  hommes 
et  de  l'argent.  Us  avaient  espéré  que  le  sultan  abd-el-ouadite 
accueillerait  très-volontiers  une  proposition  de  cette  nature,  puis- 
que son  intérêt  devait  le  porter  à  mettre  la  désunion  dans  une 
nation  qui  s^était  toujours  montrée  l'ennemi  do  la  sienne.  Leur 
espoir  fut  trompé  ;  Mouça  voulut  d'abord  s'assurer  de  la  tour- 
nure que  cette  révolte  devait  prendre,  et  il  se  déclara  lié  parle 
traité  de  paix  qu'il  avait  conclu  avec  les  Hérinides^  lors  de  son 
avènement  au  Irène. 

Le  sultan  Abou-'r-Rebià  fit  enfin  partir  Youçof-Ibn-Eîça-eU 
Djocbemi  et  Omar-Ibn-Mouça-el-Foudoudi  avec  le  gros  de  l'ar- 
mée, et  il  tes  suivit  de  près  à  la  tête  de  l'arrière-garde.  Les  insur- 
gés s'éloignèrent  de  Tèza  et  allèrent  Implorer  le  secours  du  sultan 
de  Tiemcen.  Ce  prince  reconnut  alors  qu'il  avait  agi  Irès-sage- 
ment  en  tardant  de  les  soutenir  et  s'v  refusa  de  nouveau  sous  le 
prétexte  qu'ils  venaient  d'abandonner  Tèza,  la  seule  ville  dont  il 
se  serait  engagée  leur  assurer  la  possession.  Gomme  il  n'y  avait 
plus  rien  à  espérer  de  ce  côté  là,  Abd-el-Hack-Ibn-Othman  partit 
pour  TEspagne et  emmena  avec  lui  Bahhou-lbn-Tacoub,  lequel 
fut  ensuite  assassiné  dans  ce  pays  parles  filsd'Ibn-Abi-'^Olà. 
Quant  à  BI-Hacen-Ibn-^Ali,  il  rentra  dans  sa  tribu  et,  i'éftant  fait 


f88  ItSTOUI     DB8     BBRBftlBS. 

donner  des  lettres  degrAce,  il  alla  reprendre  son  ancienne  |>taeeà 
la  cour  du  sultan. 

Arrivé  h  Têts,  Abon-'r-Rebià'/  ëtooflâ  les  dernières  étincelles 
de  cette  révolte  par  la  punition  de  ceux  qui  y  avaient  pris  part, 
tant  des  chefs  que  des  serviteurs  ;  les  uns  furent  mis  à  mort,  les 
antres  emmenés  captifs.  Il  y  était  encore  quand  il  sentit  l'atteinte 
de  la  maladie  qui  devait  Pemporter.  H  monrut  vers  la  fin  du  mois 
de  Djomada  second  710  (novembre  f  310},  après  une  indisposition 
quelques  jours  seulement.  On  Tentcrra  à  Tèza,  dans  la  courde  la 
grande  mosquée,  et  on  le  remplaça  sur  le  trône  par  Âbou- 
Satd. 


ÀTÊNBMBNT    DU    SULTAR    aBOJ -SJLtD[-OTaXÀll\    FfLS    DB    TAGOUB  , 

FILS    I)'aBO-BL-HACk]. 


Lejour  même  de  la  mort  du  sultan  Abou-'r-Rvbià,  son  oncle, 
Olhman,  fils  du  sultan  Abou-Yacoub  et  surnommé  Ibn-Cadtb 
(fils  delà  tige  flexible)  du  nom  de  sa  mère,  rechercha  le  pouvoir 
suprême  et  n^épargna  ni  démarches  ni  intrigues  pour  y  parvenir. 
A  l'entrée  de  la  nuit,  les  vizirs  et  les  cheikhs  se  réunirent  au  pa- 
lais et,  comme  ils  s'étaient  laissés  gagner  par  l'argent  et  les  pro- 
messes qu'Ariba,  sœur  d'[Abou-Said]Olhman,  fils  dusultanAbou- 
Youçof  leur  avait  prodigués,  ils  choisirent  pour  sultan  ce  prince 
illustre  qui  était  alors  chef  delà  branche  principale  et  des  bran- 
ches collatérales  de  la  famille  royale.  Pendant  qu'ils  délibéraiept 
encore,  son  concurrent,  Olhman,  fils  d'Abou-Yacoub  sa  présenta 
pour  acheter  leurs  suffrages,  mais  ils  lui  ordonnèrent  de  se 
retirer.  Avant  de  lever  la  séance,  ils  firent  venir  Abou-Safd 
[Olhman,  fils  d'Abou-Yonçof^  Yacoub]  et,  l'ayant  salué  sultan, 
ils  rédigèrent  des  lettres  par  lesquelles  il  fut  ordonné  h  tous  les 


>  Liseï  Et'SolUm  à  la  place  é'El^Hûctn  dans  le  texte  arnbe. 


DT!«AST1B  MtKlMlOB. ÂBOV-SaId.  489 

gouverneurs  de  provinces  et  aux  autres  fonclionnaires  de  ooti- 
voqner  leurs  adiniaistrës  et  de  recevoir  d*eux,  au  nom  du  nouveau 
sultan,  lesermentde  fidélité» 

L*émir  Abou*1-Hacen,  fils  aîué  d'Abou-Satd,  partit  aussitôt 
pour  Fez,  par  l'ordre  de  son  père,  et,  y  étant  arrivé  au  commen  - 
cément  du  mois  deRedjeb  (fin  de  novembre),  il  entra  au  palais  et 
prit  possession  des  trésors  qui  y  étaient  déposés. 

Le  lendemain  delà  nomination  du  nouveau  sultan,  une  foule 
immense  se  trouva  rassemblée  sous  les  murs  de  Tèza,  et  là,  on 
fit  prêter  le  serment  de  fidélité  aux  Mérinides,  aux  Zenata,  aux 
tribus,  aux  Arabes,  aux  divers  corjis  de  l'armée,  aux  clients 
île  la  famille  royale,  à  ses  protégés  et  serviteurs,  aux  docteurs 
de  la  loi,  aux  gens  qui  vivaient  dans  la  dévotion ,  aux  chefs  des 
corps  et  métiers,  aux  notables  et  aux  hommes  du  peuple.  Se  trou- 
vant ainsi  revêtu  de  Tautorité  suprême,  le  sultan  distribua  do 
nombreuses  gratifications  et  se  mit  6  examiner  Tétat  de  l'admi- 
nistration publique.  Par  son  ordre,  on  supprima  les  droits  de 
marché  et  d'autres  impôts  oppressifs,  on  vida  les  prisons  *  et  on 
cesM  d'exiger  l'impôt  des  maisons,  taxe  qui  pesait  beaucoup  sur 
les  habitants  de  Fez. 

Le20  Redjeb  (44  décembre],  Abou-Satd  partit  pour  la  capitale 
où  il  recolles  députations  qui  venaient  de  toutes  les  parties  du 
Maghreb  pour  le  féliciter  de  son  avènement  au  trône.  Dans  le 
mois  de  Dou-^l-Càda  (mars-avril  4344),  il  se  rendit  à  Bibat-eU 
Feth  avec  l'intention  d'inspecter  le  pays,  d'améliorer  le  sort  de 
ses  sujets,  de  lever  des  troupes  pour  la  guerre  sainte  et  de  faire 
construire  des  navires  pour  combattre  les  chrétiens.  Après  la 
fêtedasacrifice(4«'mai),ilrevintàFeset,  enl'an744  (4344-2) 
îl  nomma  son  frère,  Pémir  Abou-Baca-YaYch,  au  gouvernement 
de  ses  forteresses  espagnoles,  Algéciras,  Ronda  et  les  châteaux 
qui  en  dépendent. 

En  l'an  743(4343-4),  il  partit  pour  les  provinces  marocaines 


*  Bq  y^retensot,  toatafois,  les  brigands,  lesasssssins  et  les  gens  con- 
damnés par  arrêt  de  justice.  ^  {CaHûM») 


490  BMTOlRt    DIS    BlRBtmS. 

afin  de  les  faire  reatrer  dans  l'ordre  et  d«  chè^iei*  Adi-Ibn-^BetH 
nea-el-Beskouri  qui  s'était  mis  en  révdte.  Ayant  emporté  d'as- 
saut le  château  'où  les  insurgés  s'étaient  enfermés,  il  chargea  dé 
£ers  leur  chef  Ad i,  l'emmena  à  Fez  et  l'enferma  dans  la  prison 
d'état.  Ensuite,  il  forma  le  projet  d*iin«  expédition  contre  Tlem-r 
cen. 


PaiVlUlB   BXI'ftDttlOK  W   SrLTAR  ABOV'Sltd  COXtBB  T|.B«Cn. 


'Quaod  Abd  <el^flack-4bD'-0ihmafiy  l'émir  qiû  s'élail  ré^noUi 
conlns  le  sultan  Abou-^V-Rebiâ,  se  lui  empara  de  Xèza  avec  Is 
secours  d'lU-fla(cen-Ib»-Ali*lfaD^Abi-'t«Ta)ac,  chef  desBeoi-Asker, 
il  envoya  de  fi^uents  messageseu  sultan  Abou-^Hasomoii^Moiiiça, 
fioiiiver^dîa  des  Beni-Abd-el^Ouad.  Gettecirconstance  donna  faeau*- 
coup  id'Dmbrage  a«x  Eérinides ,  «t  l'asile  qu'Aboa*«Baaiflioti  ae- 
fiorda  eaauite  assx  insurgés  souloYe,  ohez  ce  peuple,  une  vivo  in* 
dignaliûA. 

Le  sultan  Abou-Satd,  étant  monté  sur  le  trbne,  trouva  l'es^ 
prJA  public  Aràe-ezûtté  coatpe  le  gouvernement  abd^eK  Madîte  ; 
aussi,  quand  il  ealpncHiéaes  provimees  aaarocaines  eteovoyéiia 
p[>«venieor*général  dans  ses  posseusions^pdgnoWs,  il  entreprit 
^ae  eoLpëdition . contre  Tleaicen.Amvé  mit  lehotà  de  la  MoIeuSa, 
en  l'an  7U(431i*ft},îI  plaça  ses  Ab  Abou^'Uflacen  et  Abou.Ali, 
à  la  ^Me  des  dent  {ories  colonne»  qui  focmaieat  les  ailes  de  soa 
artnée  et  leur  fit  prendre  les  devants,  petidant  qu'il  les  suivait 
avec  le  reste  deses^roopes*  Étant  entré  «ur  le  lenritoire  abd»ei«- 
'ooadîte  sans.av<itr  abandoané^eet  ordre  «de  mandie,  il  y  népaadk 
ia  dévastatioa et  dirigea  tta  assaut  terrible  jeoolre  la  ville  ÂfOu^ 
djda.  Trouvant  dans  cette  place  une  vigoureuse  résistance,  il 
^passa  ontreotfint  le  ebemin  de  Tlenicea.  Parvenu  à  d'hippo- 
drome [meldb)  qui  avoisine  cette  capitale,  il  y  dressa  son  camp 
et  força  le  sultan  Abou-Hammou-Mouça  de  s'abriter  derrière  ses 
rçniparis^td^yjesler  enfermé  pendant  que  les  Mérijoidjes.^'pc- 
cupaieal  à  soumettre  les  forteresses,  lo^plaine»  et  les  populaiioa^ 


DYlfASTII  ittimBI. — ABOU-SaIo.  101 

«grieoke  de  f  empire.  Après  en  avoir  raYagé  les  provinces  et  dé- 
iruit  les  moissons,  il  châtia  les  Beni-Iznacen  et  se  rendît  mattre 
de  leurs  montagnes  et  de  lears  places  fortes.  Quand  il  fut  revenu 
kOttdjda,  son  frère  Taïch-Ibn-Yacoub,  dont  il  soupçonnait  les 
mafivaises  intentions,  s^enfuit  dt&camp  et  chercha  un  asfle  dans 
Tlemeen,  auprès  d'Abou-Bammou-Mouça.  Le  sultan  ramena  son 
amée  en  bon  ordre  h  Tèza  et,  s^y  étant  arrêté,  il  envoya  à  Fes 
MO  fils  Abott-Ali.  Dans  le  chapitre  suivant  nous  parlerons  de  la 
réveUe  de  cet  émir. 


î/tmiM  ÂMOv-àU  sa  atroLis  cohtrs  sox  Ftei. 


Le  sultan  Abou*Said  avait  deux  fils  dent  Tatné,  '[Âbou<-l4la« 
^B^]Ali,  «aqvit  d*uno  ebytaiM,  et  dont  le  cadet,  [Abov-AU-] 
ÛQMr,  «at  pour  mère  une  esolare  cbrétiemie.  Celui-ci  avait  too* 
}ours  itéle  favori  de  son  père  et,  bien  qu'il  ne  f6t  quhin  jeune 
homme  imberbe  à  l'époque  oii  Abou-Satd  devint  sultan  du  Va- 
{ttreb,  a  n*en  fut  pas  moins  désigné  comme  héritier  d:tt  trdae.  Le 
sultan  lui  accorda  alors  les  titres  d'honneur  réservés  aux  person* 
Miges  revêtus  de  hauts  commandements;  il  lui]  forma  une  mai* 
«on,  attacha  h  son  service  ào$  gens  de  compagnie,  des  courtisans 
et  des  secrétaires ,  lui  accorda  la  permission  de  signer  avee 
le  parap/he  impérial  et  loi  donna  ponr  vizir  no  serviteur  dé- 
iroué  de  la  famille  royale,  homme d  une  grande  influence  nommé 
1brali}m4bn-Éïça*el-lrntani. 

Son  frère  aîné,  Abou**l-Hacen-Ali,  portait  à  ses  parents  l'affec- 
tîontaplns  vive  et,  pour  ne  pas  contrarier  son  père,  il  accepta 
un  emploi  gui  le  mit  au  nombre  des  serviteurs  d*Abaa<Ali.  Pen- 
dant ou  temps  considérable,  celui-ci  jouit  de  sa  haute 'fortune  : 
il  était  en  correspondance  avec  les  princes  des  pays  voisins ,  il 
recevait  de  leur  part  des  lettres  et  des  cadeaux  ;  il  nommait  à  des 
oxnfzuiodein^ntsnulitaires,  iUatreienait  des  trouipe»  ^  sa  solde, 
il  augmentait,  diminuait,  supprimait,  à  son  gré,  tes  ir;iilcmeoli 


192  aisToiBe   k/is   mBfeaift. 

des  fonctionnaires ,  en  un  mot,  il  s'était  approprié  presque  toute 
l'autorité  impériale. 

En  Tan  74  i  [i  31  i-5)  le  sultan  rentra  de  son  eipédition  contre 
Tleoicen  et,  de  Tèza  où  il  s'était  arrêté,  il  envoya  ses  deux  fils  à 
Fex.  L'emir  Abou-Âli  se  fut  i  peine  établi  dans  cette  ville  qu'il 
forma  le  projet  d'usurper  le  trône  et,  bien  qu'il  n'écoutât  pas 
l'avis  de  ses  confidents  qui  lui  recommandaient  de  s'ass  urer,  par 
une  ruse,  de  la  personne  du  souverain,  il  ne  se  lança  pas  moins 
dans  la  rébellion.  Il  prononça  même  la  déposition  de  son  père,  en  se 
faisant  proclamer  sultan.  Personne  n'osa  lui  refuser  obéissance, 
précisément  à  cause  de  la  haute  autorité  que  son  père  lui  avait 
confiée.  Il  rassembla  ensuite  une  armée  aux  environs  de  la  Ville- 
Neuve  avec  l'intention  de  marcher  contre  le  sultan. 

Âbou-Satd  sortit  de  Tèxa  avec  ses  troupes,  en  apprenant  la 
révolte  de  son  fils,  mais,  tels  furent  son  embarras  et  son  hésita- 
tion, qu'il  ne  sut  pas  s'il  fallait  reculer  ou  se  porter  en  avant. 
L'émir  Âbou-Âli  soupçonna  alors  son  vizir  [El-lrntani]  d'entre* 
tenir  une  correspondance  avec  le  sultan  et,  se  croyant  trahi,  il 
donna  à  son  ministre,  Omar-Ibn-Yakhlof-el-Foudoudi ,  l'ordre 
de  l'arrêter.  Le  vizir  se  douta  du  danger  et,  pour  l'éviter,  il 
s'enfuit  auprès  do  sultan  qui  l'accueillit  avec  une  grande  bien- 
veillance et  marcha  ensuite  contre  son  fils.  Les  deux  armées  se 
rencontrèrent  à  Macarmeda,  entre  Fez  et  Tèza,  et  celle  du  sultan 
fut  mise  en  déroute.  Les  fuyards  prirent  le  chemin  de  Tèza  et 
Abou-Satd  y  rentra  avec  eux,  très-affaibli  par  suite  d'une  bles- 
sure h  la  main^  Il  eut  toutefois  le  plaisir  d'y  voir  arriver  son  filS| 
l'emir  Abou-'l-Bacen«Âli,  qui,  toujours  obéissant  i  la  voix 
de  la  piété  filiale,  avait  abandonné  son  frère  aussitôt  après 
la  bataille.  La  conduite  louable  de  ce  prince  procura  au  sultan 
une  vive  satisfaction  et  lui  parut  comme  un  présage  de  bonheur 
et  de  victoire. 

Pendant  que  l'émir  Abou-Ali  s'occupait  à  faire  le  siège  de  Tèza 


*  Peut-être  devons-nous  lire  JOOo  ^  au  earp#,  à  la  place    de 
-a4>o  i^àlamnin. 


DTTdSTIB  MfiRlHIDB. —  ABOU-Sito.  1 93 

las  grauds  de  l'empire  travaillaient  h  im  arrangement  entre  les 
deux  partis,  et  il  fat  enfin  convenu  que  \b  sultan  abdiquerait  lé 
pouvoir  en  faveur  de  son  fils  cadet,  en  se  réservant,  toutefois,  le 
gouvernement  de  Tèza  et  des  cantons  voisins.  Ce  traité  fut  rati- 
fié en  la  présence  des  chefs  arabes,  des  émirs  zenatiens  et  des 
députatioDS  envoyées  par  les  grandes  villes. 

Devenu  ainsi  mattre  de  l'empire,  Abou-Âlis^en  retourna  à  Fez 
-o^  il  reçut  les  hommages  de  toutes  les  villes  du  Maghreb,  et,  bien- 
tôt après,  tl  tomba  dangereusement  malade.  La  perspective  du 
bouleversement  que  sa  mort  devait  occasionner  et  des  dangers 
auxquels  on  serait  alors  exposé  h  Fez,  épouvanta  tous  les  cœurs, 
et  l'on  se  mit  h  glisser  hors  de  la  ville,  les  ans  après  les  autres, 
et  à  se  rendre  auprès  du  sultan  Abou-Satd  qui  se  tenait  toujours 
h  Tèza.  Cette  défection  générale  fut  couronnée  par  celle  du  vizir 
AboU'-Bekr-Ibn-en-Nouan,  du  secrétaire-d'état,  Mendil-Ibn-Mo- 
hammed-^l-^inani  et  de  tous  les  autres  ministres  d'Abou-Ali. 
D'après  le  conseil  des  transfuges,  le  sultan  se  décida  à  prendre  sa 
^  revanche  et  partit  de  Tèza  avec  son  armée.  Ayant  alors  ramené 

'  sous  ses  drapeaux  toutes  les  troupes  mérinidcs,  ainsi  que  les  mi- 

lices, il  commença  le  siège  de  la  Ville-Neuve  [de  Fez] ,  fît  construire 
au  camp  une  maison  pour  lui  servir  de  résidence  et  déclara  l'émir 
Abou  - 1  •  Hacen  héritier  du  trône  et  lieutenant-général  de  l'em- 
pire^  en  remplacement  d'Abou-Ali. 

De  tous  les  partisans  de  celui-ci,  il  ne  resta  plus  auprès  délai 
cpt'uo  corps  de  troupes  chrétiennes  qu'il  avait  prises  à  sa  solde 
et  dont  le  commandant,  son  oncle  maternel,  gouvernait  la  Ville- 
Neuve  pendant  son  indisposition.  Quand  il  eut  recouvré  la  santé, 
il  vit  que  sa  cause  était  perdue  et  fit  demander  è  son  père  de  lui 
pardonner.  Il  offrit,  en  même  temps,  de  rendre  tout  ce  qu'il  avait 
usurpé  pourvu  cpi'oa  lui  permit  de  s'approprier  la  ville  et  les  dé- 
pendances de  Sidjilraessa  et  de  garder  tout  l'argent  qu'il  avait 
pris  dans  le  trésor  du  palais.  Le  sultan  y  donna  son  consentement 
et  signa  le  traité.  Ceci  se  passa  en  l'an  715(1315-6).  Abou*Alî 
évacua  la  Ville-Neuve  et  alla  camper  avec  ses  officiers  et  sa  suite 
à  Ez-Zitoun,  endroit  situé  près  de  Fez.  Le  sultan  accomplit  toutes 
les  conditions  du  traité,  occupa  la  Ville-Neuve  et,  s'étant  installé 

T.  IV.  13 


49i  mSTOIRI    DBS    berbMks. 

dans  le  palais,  il  vaqua' aux  soins  de  l'empire.  A  son  Gla,  Âbou- 
'l«Hacen,  il  assigna  pour  résidence  Tun  des  palais  impériaux 

nommé  Ed-Dar-El-Beida  {la  maison  blanche)  et,  voulant  lui  cod« 
fier  presque  toute  l'autorité,  il  Tdutorisaà  prendre  des  vizirs  el 
des  secrétaires,  h  revêtir  ses  lettres  du  paraphe  et  à  jouir  de  tous 
les  autres  privilèges  dont  son  frère  avait  fait  un.si  mauvais  usage. 
Toutes  les  villes  du  Maghreb  envoyèrent  alors  des  députalions 
au  sultan  avec  leurs  hommages. 

L'émir  Abou-*Ali,  étantarrivéà  Sidjilmessa,  s'y  établit  comme 
roi  :  il  organisa  une  administration,  enrôla  des  fantassins  et  des 
vavaliers,  leur  assigna  une  solde  fixe  et  prit  à  son   service  les 
Arabes  nomades  delà  tribu  desMakil.  Il  s'empara  alors  des  pla- 
ces fortes  du  Désert,  réduisit  les  bourgades  de  Touat,  do  Tigou- 
rartn  et  deTementtt,  envahit  le  Sous  et  soumit  toutes  les  plaines 
de  cette  province,  après  avoir  châtié  et  soumis  les  Doui-Hassan, 
les  Cbcbanat,  les  Zegna  et  d'autres  Arabes  nomades.  Dans  une 
attaque  de  nuit  il  réussite  prendre  Taroudant,  résidence d'Abd- 
er-Rahman-lbn-el-Hacen-lbn-Yedder,  seigneur  des   villes  dii 
Sous,  et,  ayant  envoyé  ce  chef  à  la  mort,  il  livra  la  place  au  piU 
lage.  Avecla  chute  d'Abd-er-Bahman,  s'éleva  un  nouvel  em|irre 
mérinide  dans  les  pays  du  Sud. 

En  Tan  720  (1 320),  Abou-Ali  déclara  la  guerre  à  son  père,  fit  la 
conquête  du  Deré  et  visa  à  la  possession  de  Maroc.  Le  sultan  en- 
voya contre  lui  Pémir  Abou-'l-Hacen  et  se  mit  lui-même  en  marche 
))ient6t  après.  Arrivé  h  Maroc,  il  mit  celte  ville  en  bon  état  de 
défense  et  y  installa  comme  gouverneur  Kendouz*lbn-Othman, 
client  de  sa  famille.  Il  partit  alors  avec  Abou-4-Hacen  et  ramena 
ses  troupes  à  la  capitale.  En  Tan  722  (4322),  l'émir  Abou-Ali 
sortit  de  Sidjilmessa  et  marcha  sur  Maroc  avec  tant  de  prompti- 
tude qu'il  ne  laissa  pas  à  Kendouz  le  temps  de  se  reconnattre.  La 
ville  fut  emportée,  toute  la  province  fut  conquise  et  la  tète  de 
Kendouz  fut  placée  sur  le  bout  d'une  lance. 

Le  sultan  se  vit  alors  obligé  d'organiser  une  nouvelle  armée  qu'il 
solda  d'avance  et  plaça  sous  les  ordres  d'Abou-'l-Hacen.  Pendant 
la  marche  de  cette  colonne,  il  la  suivit  lui-même  avec  l'arrière- 


DT19A8TII  VÊilfflDI. —  ABOU-SaId.  4  95 

gardo.  Arrivés  à  Toulou,  sur  le  bord  de  POmm-Rebià  S  la  père 
et  le  fiU  se  tlDrenl  bien  sur  leurs  gardes  parce  qu'on  les  avait  pré* 
venus  qu'Âbou-Ali  devait  venir  les  attaquer  pendant  la  nuit.  En 
«iïet,  Tarmée  de  ce  prince  tomba  sur  leur  camp,  mais  elle  y  trou* 
va  une  telle  réception  qu'elle  se  retira  dans  le  plus  grand  désor- 
dre et  finit  parprendre  la  fuite.  Au  pointdujour,  le  sultan  se  mil 
ha\  poursuite  d'Abou*Âli,  le  contraignît  à  tenter  le  passage  du 
Deren  {V Atlas),  Dans  cette  retraite  désastreuse,  les  troupes  de 
Stdjilmessa  s'égarèrent  au  milieu  des  ravins  et  des  précipices 
où  elles  subirent  encore  les  disgrâces  les  plus  cruelles.  L'én^jr 
Âbou-Ali  s^y  vit  réduit  à  la  nécessité  de  faire  route  à  pied.  Cp 
fat  avec  une  peine  eitréme  que  les  fuyards  parvinrent  à  franchir 
ce  passage  difficile  ei  à  gagner  Sidjilmessa. 

Le  sultan  rétablit  l'ordre  dans  les  provinces  marocaines,  ins*- 
talla  Un  gouverneur  avec  une  garnison  dans  la  ville  de  Maroc, 
et  désigna  Mouça,  fils  d*Ali-Ibn-Mohammed  le  hintatien,  comme 
percepteur  de  Tiropôt  dans  ces  contrées  et  dans  les  régions  occu- 
pées par  les  Hasmouda.  Ce  chef  remplit  avec  une  grande  habileté 
tes  fonctions  qu'on  venait  de  lut  confier  et  il  les  exerça  pendant 
plusieurs  années. 

Après  avoir  remporté  cette  victoire,  le  sultan  mena  une  expé- 
dition contre  Sidjilmessa,  mats  telle  fut  chez  lui  l'influence  extra- 
ordinaire de  l'amour  parternel,  dont  on  raconte  encore  bien  des 
anecdotes  singulières,  qucrémirAbou-Ali  n'eut  qu'à  demander 
pardon  pour  obtenir  la  cessation  des  hostilités.  Le  sultan  s'en 
retourna  donc  è  la  capitale  et  Abou-All  resta  dans  le  pays  dq  Sud 
jusqu'à  ce  qu'il  fut  vaincu  par  Abou-'l-Hacen,  devenu  souverain 
de  l'empire  parla  mort  de  leur  père. 


niSGHACC   ET   nORT   DB    VEUDtL-BL-KlIfAm. 


Sous  le  gouvernement  almohade,  Hohammed-Ibn^Hohammed-* 


tmm^m 


I  Le  texte  arabe  dit  sur  le  lioku^. 


196  HlSTOIBB     DBS     BBBB^RBS. 

eUKinani,  père  de  Mendfl,  tint  un  haut  rang  parmi  les  geos  de 
plame.  Lors  de  la  chute  de  la  dynastie  fondée  par  Abd-cl-Mou- 
men,  quand  les  Almohades  évacuèrent  Maroc,  Hohammed-eK 
Rinani  les  abandonna  pour  aller  se  fixer  à  Héquinez^  sous  la  pro- 
tection des  Mérinides.  S'étant  alors  attaché  à  Yacoub-Ibn-Âbd- 
el*Hack,  il  fut  admis  par  ce  prince  an  nombre  des  savants  ma- 
ghrébins qui  formaient  sa  société  intime,  et  il  eut  plusieurs  fois 
l'occasion  de  remplir  au  nom  de  son  maître  des  missions  impor- 
tantes auprès  des  rois  voisins.  Nous  avons  déjà  parlé  de  son 
ambassade  à  la  cour  d'EI-Mostancer.  en  Van  665  * .  Youçof ,  fils 
cftsuocesseur  delYacoub-Ibn-Abd-el-Hack,  se  plaisait  d^abordà 
augmenter  l'influence  d'fil-Kinani,  mais,  s'étant  ensuite  fâché 
contre  lui,  il  confisqua  ses  biens,  Tan  687  (4288),  et  le  bannit  de 
la  cour.  EUEinani  vécut  en  disgrâce  pendant  le  reste  de  ses 
jours. 

Son  fils  Mendtl  continua  toutefois  au  service  du  sultan  Abou- 
Yacoub-Youçof.  Il  s^élait  chargé  de  contrôler  les  comptes  de  Pad- 
ministration  [militaire]  et,  bien  que  sa  probité  eût  pour  garants 
ses  bons  antécédents  et  la  parole  unanime  de  ses  amis  et  de  ses 
ennemis,  'jl  se  croyait  toujours  exposé  à  l'inimitié  d'Abd-Allah- 
Ibo-Abi-Medyen,  intendant  du  palais  et  confident  du  prince.  La 
haute  position  de  cet  homme  lui  inspira  un  profond  dépit  el, 
au  sentiment  de  jalousie  dont  son  cœur  était  enflammé,  se  mâla 
la  crainte  continuelle  d'une  disgrâce  qui  lui  coûterait  la  fortune  et 
la  vie.  Quand  le  sultan  eut  soumis  les  villes  et  les  plaines  du  ter- 
ritoire maghraouien,  pays  traversé  par  le  Chélif,  Hendil  fut  chargé 
d'administrer  les  revenus  de  cette  région,  de  tenir  les  contrôles 
de  l'armée  et  de  faire'  l'inspection  des  troupes.  Il  s'établit  alors  h 
Hiliana  avec  Ali-Ibn-Mohammed-eUKheiri ,  £l-Hacen-lbn-Ali- 
lbn-Abi*'l-Talac  et  les  autres  émirs  [qui  servaient  le  gouvernement 
mérinide.  A  l'époque  oii  Abou-Thabet,  successeur  du  sultan 
Abou*Yacoub,  rendtlepays  des  Maghraoua  aux  princes  abd* 


Page  53  de  ce  Yoluma* 


DTNASTIB  MtlimDB. ABOU-IAto.  (97 

el-ouadiies,  Mendtl  quitta  Miliana  et  prit  le  chemin  da  Maghreb 
afin  de  joindre  le  nouveau  sultan.  En  passant  par  Tlemcen,  il  se 
concilia  la  bienveillance  d'Abou-Ztan  et  d'Abou-Hammout  en  leur 
fournissant  tous  les  renteignements  qui  pourraient  leur  faciliter 
l'administration  de  la  province  qu'il  venait  de  quitter. 

Déjà,  pendant  le  siège  de  Tlemcen  par  [Abou-Tacoub]-Tou- 
çofy  MendtUel-Kinani  était  devenu  le  compagnon  d'Abou-Safd« 
Othman,  frère  de  ce  sultan,  et,  par  suite  de  son  amitié  intima 
avec  cet  émir,  qni  occupait  alors  une  position  peu  élevée,  il  mé« 
rita  la  haute  bienveillance  que  ce  même  prince  lui  témoigna  plus 
tard.  Abou-Satd  étant  monté  sur  le  trAne  du  Maghreb,  l'admit  au 
nombre  de  ses  intimes,  le  choisit  pour  écrivain  du  paraphe  im- 
périal, pour  dépositaire  de  ses  pensées  les  plus  secrètes,  pour 
contrôleur  général  de  la  comptabilité  et  pour  son  homme  d'af- 
faires. Il  lui  accorda  aussi  la  place  d'hooneur  à  la  cour. 

Hendtl  montra  alors  beaucoup  de  considération  pour  l'émir 
Abou- Ali-Omar  et  passa  au  service  de  ce  prince,  à  l'époque  où  le 
sultan  abdiqua  le  trône  ;  puis,  ayant  vu  les  affaires  de  son  nou- 
veau maître  prendre  une  mauvaise  tournure,  il  l'abandonna*^ 
L'émir  Abou-'UBacen  ne  lui  pardonna  jamais  ses  complaisances 
pour  Abou-Ali,  et,  bien  des  fois,  son  cœur  fut  profondément 
blessé  en  voyant  ses  droits  sacrifiés  par  ce  ministre  et  en  goûtant 
l'humiliation  de  travailler  au  service  d'un  frère  qu'il  détestait. 
Pendant  quelque  temps,  il  dissimula  son  ressentiment  ;  mais, 
quand  il  retrouva  l'occasion  d'entretenir  son  père  en  secret, 
après  le  départ  d'Abou-Ali  pour  Sidjilmessa,  il  fit  tous  ses  efforts 
pour  perdre  El-Kinani.  Comme  le  sultan  prêta  une  oreille  atten- 
tive à  ces  accusations,  il  obtint  facilement  l'autorisation  de  faire 
mourir  son  ennemi.  Il  est  vrai  que  le  ministre  imprévoyant 
avait  souvebt  offensé  ce  monarque  par  sa  présomption,  par  son 
ton  de  familiarité  et  par  ses  traits  d'arrogance.  En  Tan  718 
(4317-8)  Abou-'l-Hacen  emprisonna  El-Kinani  dont  il  confis- 
qua les  biens  et,  pendant  plusieurs  jours,  il  employa  la  torture 
pour  l'obliger  à  rendre  ses  comptes  :  puis,  dans  la  dernière  sé- 
ance, il  le  fit  étrangler.  Quelques  personnes  disent  qu'il  le  laissa 
mourir  de  faim. 


(98  HISTOIRB    BBS    BlfiB^IBS. 


IBlf-KL-ÀZÉPI   SE   MET   EN   RÊYOLTE   ET   SOUflElfT   UN   SIÉ6B   DAN9 
CBUTA.  «—  APRÈS  SA  MORT  CETTE   TILLE  RENTRE  SOCS  L'AUTORITt 

DU    SULTAN. 


La  famille  El-Azéfi ,  déportée  à  Grenade  en  l'an  705  *  par  le 
raïs  Abou-Satd,  a^établit  dans  cette  ville  avec  Pautorisation 
d'El-Makfalouâ y  troisième  soaverain  que  la  famille  des  Bcni- 
'l-Ahmer  fournit  à  l'Andalousie.  En  709  (1309),  lors  de P  occu- 
pation deCeuta  parle  sultan  Abou-'r-Bebiâ,  les  Azéfi  obtinrent 
la  permission  de  rentrer  en  Maghreb,  et  de  se  fixer  è  Fez. 
Tahya,  fils  d'Abou-Taleb,  et  son  frère  Abd-er-Rahman,  étaient 
alors  les  chefs  de  cette  famille.  Ils  aimaient  beaucoup  l'élude  et 
suivaient  assidûment  les  cours  des  savants  qui  enseignaient  dans 
la  capitale  mérinide.  Le  prince  Abou-Ôaid,  qui  assistait  alors  ré- 
gulièrement aux  leçons  données  par  le  mufti  Abou-'l-Hacen-es- 
Saghtr  dans  la  grande  mosquée  du  quartier  des  Cairouanides, 
fit  la  connaissance  de  Yahya-Ibn-Abi-Taleb  ;  aussi,  quand  i' 
monta  sur  le  tr6ne,  il  lui  témoigna  son  bon  souvenir  en  le  nom- 
mant gouverneur  de  Coûta  et  en  autorisant  toute  la  famille  des 
Azéfi  à  s'établir  dans  la  ville  où  elle  avait  dominé  autrefois.  Ils 
s'y  rendirent  en  7f0  (1310-1)  et  en  prirerU  le  commandement 
au  nom  du  sultan  Abou-Said. 

L'émir  Abou-Ali  ayant  ensuite  enlevé  Tautorité  à  son  père, 
rappela  h  Fez,  Yahya,  fils  d'Abou-Taleb  et  le  remplaça  par  Abou- 
Zékérïa-Habboun-lbn-Abi-'l-OlàHel-Corachi.  Yahya  revint  alors 
avec  son  père,  Abou-Taleb,  et  son  oncle  Abou-Hatem,  et  se  fixa 
auprès  du  sultan.  Abou-Taleb  mourut  h  Fez. 

Quand  Abou-Satd  assiégea  la  Ville-Neuve,  la  plupart  des  offi- 
eiers  au  service  de  son  fils  étaient  passés  de  son  côté,  ainsique  nous 


•^  Voy.  ci-derant,  page  160. 


OTNASTIK  MftftlKIBS . —  ABOU-SAID.  i  09 

l'avons  dit,  eiYahya  les  avaitsuivisavecson  frère.  Pour  le  récom- 
pense,! le  sultan  lut  donna  de  nouveau  legouvernenienlde  Geata 
en  le  chargeait  d'y  maintenir  Tautorité  des  Mérinides  et,  afin  de 
s'assurer  que  son  protégé  resterait  dans  le  devoir,  il  en  reiini  le 
fils,  Mohammed,  comme  otage.  Yahya  prit  alors  le  commande- 
ment de  ia  ville  et  fit  prêter  aux  habitants  le  serment  de  fidélité 
envers  Âbou*Sa}d*.  Son  oncle  Abou-Haiem;  qui  l'avait  accompa- 
gné à  Geuta  y  mourut  quelque  temps  après  leur  arrivée. 

En  l'an  716  (t  3 16-7),  Yahya  rélablit  dans  Geuta  le  gouveme- 
Rkent  des  cheikhs,  au  mépris  de  ses  engagements  envers  le  sal— 
tan,  et  appela  de  l'Andalousie  Abd-el-HacUbn-Olhman,  «fin  de 
lui  confier  l'autorité  miflitaire.  Eo  faisant  ce  choix,  il  avait  poar 

but  de  mettre  la  désunion  entre  les  Hériaides  et  d'opposer  au 
snltan,  s'il  venait  l'attaquer,  un  guerrier  capable  de  le  tenir  en 
échec.  Le  vizir  Ibrahtm-Ibn-Eïça  arriva  bientôt  après,  à  la  tête 
d'une  armée  mérinide,  afin  d'assiéger  la  vHIe,  et^  comme  Yahya 
offrit  de  rentrer  dans  l'obéissance  pourvu  qu'on  lui  rendit  son 
fils,  il  adressa  au  sultan  la  prière  d'envoyer  ce  jeune  homme  au 
camp.  Yahya^  ayant  su  par  ses  espions  que  son  fils  y  était  arrivé 
etque  la  tente  viziriale  dans  laquelle  on  le  retenait  se  trouvait 
près  delà  mer,  résolut  de  faire  une  tentative  pour  le  délivrer. 
Profilant  d'une  nuit  obscure,  il  dirigea  une  attaque  contre  le 
camp,  et  le  général  Abd-el-Hack  s'élança  avec  ses  gens  vers  la 
tente  du  vizir  et  enleva  le  prisonnier.  Au  premier  cri  d'darme, 
les  assiégeants  avaient  couru  aux  armes,  sans  se  douter  de 
ce  qui  venait  de  se  passer;  ce  fut  le  vizir  Ini-ménie  qui 
s'aperçut  que  le  jeune  El-Azéfi  lui  était  échappé.  Les  cheikhs 
furent  tellement  couvaincus  que  cette  évasion  eut  lieu  aveclacon* 
nivence  de  leur  chef,  qu'ils  le  mirent  aux  arrêts  et  l'envoyèrent 
au  sultan.  Ce  monarque  les  remercia  du  zèle  et  du  dévouement 
dont  ils  venaient  de  lui  donner  la  preuve  et,  quelque  temps 
après  ,  il  relâcha  le  vizir  dont  il  avait  reconnu  l'innocence. 


*  Le  texte  arabe  porte  de  plus  :  et  cet  état  de  clioses  se  maintint  quel' 
qnes  années.  L'auteur  ou  son  copiste  aurait  dû  écrire  :  quelques  mois. 


SOO  BISTOIBS     k>lS     BBBB&mt* 

Ayant  appris,  en  Pan  719  (1319),  que  Yahya-lbir-el-Aiéfr 
avait  exprimé  le  désir  de  rentrer  en  grâce,  il  partit  pour  Tanger, 
et,  s'étant  assuré  que  ce  chef  n^avait  pas  d'arrière-pensée  ^ 
il  accueillit  sa  soumission  et  le  confirma  dans  le  gouver- 
nement  de  Geula.  En  retour  de  cette  faveur,  Yahya-lbn-el- 
Azéfi  promit  de  remettre  régulièrement  au  sultan  les  somme» 
provenant  des  impôts  et  de  lui  envoyer  un  riche  cadeau  tous  les- 
ans.  Les  choses  continuèrent  en  cet  état  jusque  la  mort  d'El- 
Axéfi,  événement  qui  eut  lieu  en  Pan  720  (1320). 

Son  fils,  Hohammed-Ibn-Yahya,  lui  succéda  et  exerça^  le  com^ 
mandement  sous  la  direction  de  son  cousin,  Mohammed,  fils  d'Ali, 
fils  d'Abou-'l-Gacem-el-Fakth,  doyen  de  la  famille.  Celui-ci  avak 
été  nommé  chef  de  la  flotte  et  administrateur  de  la  marine  h 
l'époque  où  Yahya-er-Rendahi,  fils  deHadjboun,  fut  renvoyé  en 
Espagne  ^ 

En  Tan  728  (1327-8),  le  sultan  profita  de  l'esprit  d'insubor- 
dination qui  animait  la  populace  de  Ceuta  pour  essayer  d'y  réta^ 
blir  son  autorité. 

Quand  il  y  arriva  avec  son  armée,  les  habitants  montrèrent  un 
grand  empressement  ii  rentrerdans  l'obéissance,  voyant  que  Ho- 
bammed-lbn-Yahya  était  encore  trop  jeune  pour  diriger  la  défen- 
se de  laville.  Le  petit-fils  d'Âbou-'I-Cacem  forma,  il  est  Trai,  le 
dessein  d'agir  pour  lui-même  et  de  saisir  le  pouvoir  avec  l'aide 
de  la  canaille;  mais^  aussitôt  qu'il  eut  rassemblé  ses  partisans, 
les*  notables  l'empêchèrent  d'accomplir  son  projet  et  décidèrent 
le  peuple  à  offrir  sa  soumission.  Tous  les  membres  de  la  famille 
Azéfi  furent  alors  livrés  an  sultan. 

Après  avoir  occupé  la  citadelle,  Abou-Satd  restaura  lès  forti- 
fications de  la  ville  et  rétablit  l'ordre  dans  les  cantons  voisin  s. 
Toutes  les  branches  de  l'administration  passèrent  entre  les 
mains  des  Hérinides  ;  le  sultan  ayant  confié  les  diverses  parties  h 
quelques-uns  de  ses  gran  ds  officiers  et  de  ses  courtisans.  Son 
chambellan,  Amer-Ibn-Feth-Allah-es-Sedrati  reçut  le  oomman^ 


«  Ci-devant^  page  64. 


DTRjtf TU  MtRlNIDI. ▲BOU'fAb.  2Ai 

dément  de  la  garnison,  et  Âboa-l-Cacem-lbn-AbUMedyen  Lk 
nommé  payeur  de  la  marine  et  inspecleor  des-chantiers  decons  • 
traction.  Aax  cheikh»,  membres  da  grand  conseil  de  la  yille, 
le  sultan  accorda  des  pensions  et  des  gratifications.  En  partant 
parla  capitale,  il  donna  Tordre  de  bfttir  une  Tille  sur  la  partie  la 
pins  élevée  de  la  péninsule  de]  Geuta.  La  construclion  de  cette 
place  que  Ton  nomma  Afrag*,  fut  commencée  en  Tan  720 
(1328-9). 


ABD-BL-MOniMBlf   BST  RanÉ   SICRtTAlU-D'tTAT  BT  tCRITAl» 

DU  PARiPIB  nPtlUU 


LesAbd-el-Moheimen,  une  des  premières  familles  deCeula» 
étaient  originaires  de  Hadramaut  [province  de  TArabie  méridio- 
nale]. Ils  jouissaient  dans  cette  ville  d^une  haute  considération  et 
s'adonnaient  tous  k  la  culture  des  lettres.  Mohammed,  père  de 
TAbd*el-Moheimen  qui  forme  le  sujet  de  cette  notice,  fut  cadi  de 
Geuta  pendant  Tadmiuistralion  d'Abou-  Taleb-el-Azéfi  et  d'Abou- 
Hatem-el-Axéfi  ;  il  avait  même  épousé  une  demoiselle  de  cette 
famille. 

Son  fils,  Abd-el-Moheimen,  passa  ses  premières  années  en- 
touré de  la  considération  générale  et  ne  s^occupant  que  de  ses  étu- 
des. Il  devint  très-savaot  dans  la  philologie  arabe,  science  quM 
apprit  du  docte  professeur  El-Ghafeki.  En  Tan  705  (1306-6), 
quand  le  raïs  Abou-Satd  renversa  Taulorité  des  Azéfi  et  les  dé- 
porta  tous  à  Grenade,  le  cadi  Mohammed  et  son  fils  y  furent  en- 
voyés avec  eux.  Abd-el-Moheimen  se  mit  alors  h  étudier  sous 
les  cheikhs  de  la  capitale  andalousienne  et  il  parvint  ainsi  à  ga- 
gner de  nouvelles  connaissances  dans  la  langue  arabe  et  dans  les 
traditions  du  Prophète.  S'étant  ensuite  fait  employer  comme  écri- 


*  Àfrag  en  berbère  signifie  la  cour  intérieure  d'une  maison. 


%(ii  niSTOIRC     DBS     BERBÈRES. 

vain  dans  la  maison  du  sullan  Mohammed-el-MakhlDoé,  il  passa 
avec  les  principaux  membres  de  la  famille  Azéfi  au  service  de 
Mohammed-IbD-Abd-»el-Haktm-or*Rondi,  vtzir  qui  dominait  le 
souverain  et  gouvernait  Tempire.  Après  la  chute  de  ce  ministre, 
Abd-el-Moheimen  revint  h  Geuta  et  travailla  pendant  quelque 
^  temps  dans  les  bureaux  de  Yahya-Ibn-Mostema,  commandant  de 
la  marine. 

En  Pan  709  (1309-10),  quand  les  Mérinides  obtinrent  posses- 
sion de  Ceuta,  Abd-el-Moheimen  renonça  aux  écritures  et,  à  Tins- 
tar  de  ses  aïeux,  il  se  consacra  à  Tétude  du  droit  et  des  huma- 
tés.  L'émir  Abou-Ali,  le  même  qui  enleva  le  pouvoir  à  son  père 
après  avoir  été  nommé  héritier  du  trône,  s'occupait  aussi  d'étu- 
des scientifiques  et  recherchait  avec  empressement  la  société  des 
hommes  instruits.  Depuis  le  temps  des  AlmohaJes,  l'art  de  bien 
rédiger  [la  correspondance  politique]  n'existait  plus  en  Maghreb*, 
fait  qui  tenait  aux  mœurs  encore  incultes  de  la  nation  mé- 
rinide.  La  teinture  des  lettres  que  Témir  Abou-Ali  avait  acquise 
lui  permit  d'entrevoir  cet  état  de  choses  et  de  reconnaître  que 
ses  gens  de  bureau  n'avaient  alors  qu'un  seul  talent,  celui  de 
l'écriture.  Remarquant  aussi  que  tout  le  monde  désignait  Abd-el- 
Moheimen  comme  rédacteur  de  premier  ordre,  il  désira  l'atta- 
cher h  son  service. 

Abd-ol-Hoheimen  paraissait  très -souvent  à  la  cour  viérinide 
où  il  accompagnait  les  députétlions  que  le  peuple  de  Geuta  avait 
rhabilude  d'envoyer  au  sultan.  Dans  ces  occasions,  l'émir  Abou- 
Ali  ne  manquait  jamais  de  le  traiter  avec  des^égards  extraordi- 
naires et  de  lui  assigner,  aux  audiences  publiques,  uncdes  places 
d'honneur.  A  la  fin,  il  le  pria  d'entrer  h  son  service  comme  se* 
/  crélaire  et,  malgré  les  refus  qu'il  essaya  d'abord,  il  parvint  à 
l'accomplissement  de  sa  volonté.  En  l'an 71 2  (1312-3),  il  Gtpar- 


*  Les  dépêches  du  sultan  AbouYouçof  étaient  cependant  très-bien 
rédigées.  Voyez,  par  exemple,  les  deux  pièces  publiées  par  M.  de  Sacy 
dans  le  tome  ix  des  ^lémoircs  (h  VAcaîJmfe  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres. 


DTRA8TI1  XÈIINIDI. — ABOU-fAID.  203 

veoir  à  l'officier  mérinide  qui  commandait  à  CeiUa,  l'ordre  de 
lui  envoyer  Abd-el-Hoheimen,  lequel  fat  aussitôt  investi  des 
fonctions  de  secrétaire  et  chargé  d'écrire  le  paraphe  impérial.   "^ 

[En  Tan  744],  lors  de  la  révolte  d'Âboa«-Âli  contre  son  père, 
Abd-el-Hoheimen  alla  joindre  l'émir  Âboti-1-Hacen  [qui  s'était 
retiré  auprès  du  sultan]  ;  mais  Âbdu- Ali,  s'étant  ensuite  décidé 
à  faire  la  paix  et  à  rendre  la  Ville-Neuve  à  son  père,  posa,  comme 
me  des  conditions  du  traité,  que  le  transfuge  rentrerait  à  son 
service.  Le  sultan  y  donna  son  consentement,  mais  Abou  «'l-^Ha- 
cen  en  ftittràs-méoontent  et  jura  de  faire  mourir  le  secrétaire  s'il 
osait  le  quitter,  t^oor  se  tirer  du  danger*  Abd-el-Moheimen 
s'adressa  au  sultan  qui,  touché  par  ses  supplications  ,  le  prit 
sous  sa  protection  «t  l'enleva  ainsi  aux  deux  émirs.  Par  son  or« 
dre,  Abd*el-Hoheimen  s'établit  dans  le  camp  [pour  en  diriger 
l'administration]  et,  quelque  temps  après,  il  parvint  à  gagner  la 
faveur  et  à  devenir  le  gendre  de  HendlM-Kinani,  grand-of&cier 
de  l'empire  et  l'un  des  personnages  les  plus  considérés  de  la 
eour. 

Après  la  chute  de  MendH,  le  sultan  choisit  pour  écrire  le  para* 
phe  Abou-'l-Cacem-Ibn-Abi-Medyen,  homme  tellement  dépourvu 
d'instruction  qu'il  dut  avoir  recours  à  Abd-el-Moheimen  tontes 
les  fois  qu'il  s^agissait  de  Nre,  de  corriger  ou  de  rédiger  une  dé<- 
pèche.  Le  sultan  en  sut  bon  gré  ë  cet  habile  écrivain  et,  bientôt, 
il  l'employa  exclnsivement  comme  son  secrétaire  ;  puis,  en  l'an 
718(1318*9),  il  lui  confia  l'apposition  du  paraphe.  Les  grands 
talents  déployés  par  Abd*el*Hoheimen  lui  assurèrent  la  faveur 
deson  maître  et  lui  Grent  une  grande  réputation  dans  le  public. 
Tant  que  vécut  Abou-Sald  et  pendant  le  règne  d'Abou-'lHaoen, 
aucun  changement  n'eut  lieu  dans  sa  position.  Il  mourut  è  Tunis 
de  la  grande  peste  qui  eut  lieu  en  Pan  749  (4348-9). 

LES   MUSULMANS  DE   L'aNDALOCSIB    INVOQUENT   LB    SECOURS   DU    SULTAN 
MÉRINIDE.  PEDRO  MEURT  SOUS  LBS^MUSS  DE  «RBNADI. 

A(lfonch-lbn-Heranda  (Alphonse X,  fils  de  Ferdinand)  mourut 


soi  HISTOIRE    DES    BERBIîRES. 

en  Tan  682  (1 283)(.  Son  fiis,  Chandja  {Don  Sanehé  IV)  8*empara 
de  Tarifa  [en  1292]  et  ne  cessa  ensuite  de  s'acharner  sar  l'An* 
dalousie.  Pendant  ce  temps,  le  sultan  mërinide  [  Âbou-Yacoub-] 
Youçof- [Ibn-Yaçoub]  assiégeait  le  fils  de  Yaghmoracen  et  se 
vit  ainsi  dans  l'impossibilité  de  secourir  les  masulmana  espa- 
gnols. Après  lui,  ses  petits-fils  eurent  trop  d'occupations  et 
d'embarras  pour  donner  assistance  k  leurs  cprréligionnaires  de 
la  péninsule.  Sanche  mourut  en  Tan  693*  et  eut  pour  successeur 
son  fils  Ferdinand.  Pendant  une  année  entière,  celui-ci  assiégea 
Algéciras,  port  où  les  Mérinides  allaient  aborder  quand  ils  en- 
treprenaient la  guerre  sainte,  et,  comme  sa  flotte  bloquait  Gi- 
braltar, il  fit  prier  Heranda-Ibn-Adfonch (Z>on  Jayme^  successeur 
d^ Alphonse  i/7)  souverain  de  Barcelone,  de  donner  de  l'occupatiozi 
aux  musulmans  de  l'Andalousie. 

Par  suite  de  cette  invitation,  [Don  Jayme]  entreprit,  en  l'an 
709  (1309),  le  fameux  siège  d'Alméria,  et  dressa  contre  la 
ville  plusieurs  machines  de  guerre  dont  l'une,  construiteen  bois, 
avait  la  forme  d'une  tour  et  dépassait  de  trois  toises  la  hauteur 
des  remparts.  La  garnison  réussit  à  incendier  cette  tour,  et  l'en- 
nemi se  mit  à  creuser  une  voie  souterraine  assez  large  pour  ad- 
mettre de  front  une  vingtaine  de  cavaliers.  Les  assiégés  eurent 
connaissance  de  cette  entreprise  et,  pour  la  déjouer,  ils  travaillè- 
rent à  un  chemin  de  contre-approche  de  sorte  que,  leur  tâche 
accomplie,  ils  eurent  un  combat  sous  terre  avec  les  chrétiens. 

Othman-Ibn-Abi-'l-Olâ,  chef  des  princes  mérinides  réfugiés  en 
Andalousie,  reçutde[Abou-'l-DjoYouch]-  Ibn-el-Ahmer  le  comman- 
dement d'une  armée  et  marcha  au  secours  d'Alméria'.  Sur  sa  route 
il  rencontra  et  tailla  en  pièces  un  corps  de  troupes  chrétiennes, 
que  leur  roi  avait  envoyées  contre  la  ville  de  Marchèna.  Arrivé 
dans  le  voisinage  du  camp  où  se  tenait  le  roi  [d'Aragon],  il  ne  cessa 


I  Alphonse  mourut  en  Tan  1281. 

*  Don  Sauche  mourut  en  t%95  (694  de  l'hégire). 

'  Lisez  Al'Merïa dansle  texte  arabe. 


DTKASTIE  HiRIHlDI. — ABOV-SaId.  205 

d'attaquer  et  de  harasser  les  chrétiens  jusqu'à  ce  qu'il  les  con- 
traigntt  à  demander  la  paix  et  à  lever  le  siège. 

Dans  Vintervalle,  le  roi  [de  Castille]  s'était  emparé  de  Gibral- 
tar et  avait  fait  investir  Chemana  *  et  Estepona.  El-Âbbas,  fils 
de  Rahhou-lbn-Âbd- Allah,  et  Othman-lbn-Abi-'l-Olftse  portè- 
rent au  secours  de  ces  deux  villes.  Olhman  commença  par  atta- 
quer le  camp  des  chrétiens  h  Estepona  et  y  tua  environ  trois  mille 
cavaliers  a  vecteur  chef,  Âdfonch-Birès(il/p/ion5e-Pere:3(/a  GuZ'- 
mon).  Ensuite  il  alla  dégager  EI*Abbas  qui  était  entré  dans  Gau- 
cin  et  soutenait  un  siège  contre  les  chrétiens.  A  son  approche, 
Tennemi  décampa. 

Le  rot  chrétien  était  encore  sous  les  murs  d'Algéciras  quand  il 
apprit  la  défaite  de  ses  troupes  par  Othman  et,  sur  le  champ,  il 
envoya  toutes  ses  bandes  contre  les  musulmans.  Olhman  attaqua 
cette  armée,  en  tua  les  principaux  officiers  et  mil  le  roi  dans  la 
nécessité  de  marcher  en  personne  contre  lui.  A  peine  les  chrétiens 
eurent-ils  quitté  leurs  positions  que  les  gens  d\4lgéciras  envahi- 
rent leur  camp  et  enlevèrent  les  tentes  et  les  bagages.  De  cette 
manière,  ils  prirent  leur  revanche  et  ramenèrent  beaucoup  de 
prisonniers.  Le  roi  Ferdinand,  filsdeSanche,  survécut  è  cette 
déroute  et  mourut  en  Tan  712  (1312).  Comme  son  fils  et  succes- 
seur Don  Alphonse  [XI]  était  encore  très-jeune,  on  le  plaça  sous 
la  tutelle  de  son  oncle  Don  Pedra-lbn-Chaudja  [Don  Pedro ^  fils  de 
Sanche)  et  de  [Don]  Juan,  grand  chef  des  armées  chrétiennes. 

Pendant  que  le  sultan  Abou-Saîd  luttait  contre  son  fils,  les 
chrétiens  profitèrent  de  son  embarras  pour  envahir  l'Andalousie 
et,  en  Tan  718  (1 31 8-9),  ils  mirent  le  siège  devant  Grenade.  Les 
musulmans  de  ce  pays  appelèrent  le  souverain  maghrébin  à  leur 
secours,  mais  il  refusa  de  les  aider  sons  le  prétexte  qu^Othman- 
Ibn-Abi-'l-Olâ  occupait  une  position  très-clevéo  à  la  cour  de 
Grenade^  qu'il  exerçait  le  commandement  sur  tous  les  guerriei'S 
mérinides  au  service  de  ce  royaume  et  que,  dès-lors,  il  pourrait 


*  Variante  :  Semaza, 


206  HISTOIRE    DES    DERBfcftBS, 

compromettre  la  siVeté  et  troubler  la  paix  do  l'empire  mérîmile, 
H  demanda,  en  conséquence,  qo''Olhmau  lui  fût  livré,  en  promet- 
tant de  le  relâchera  la  Gn  de  la  campagne.  Cette  réponse  fit  sentir 
aux  Grenadins  l'inutilité  de  leur  démarche,  car  Ibn-Âbi-'l-Olà  était 
un  homme  trop  brave  et  trop  aimé  de  ses  troupes  pour  être  facile- 
ment mis  en  arrestation.  Ils  renoncèrent  donc  à  Tespoir  d'être 
secourus  par  le  sultan. 

L'armée  chrétienne  venait  d'investir  la  ville  de  Grenade  et 
s'attendait  a  la  voir  bientôt  succomber  quand  Dieu  déploya  sa 
puissance  et  délivra  les  assiégés.  Othman-lbn-Abi-'l*Olà  s'élança 
avec  environ  deux  cents  hommes  vers  la  position  qu'occupaient 
les  chrétiens  et,  secondé  par  la  faveur  divine,  Jes  combattit  avec 
une  audace  extrême  et  remporta  sur  eux  une  victoire  sans  pa* 
rcille*  Don  Pedro  et  Don  Juan  y  trouvèrent  la  mort,  leurs  trou- 
pes tournèreDlle  dos  et  une  grande  partie  des  fuyards  perdit  la 
vie  en  se  précipitant  dans  les  canaux  d'arrosage  entretenus  par  le 
Chenil.  Tous  leurs  bagages  tombèrent  au  pouvoir  des  musulmans; 
Dieu  ayant  voulu  le  triomphe  de  sa  religion  et  la  disgr&ce  de 
l'infidélité.  La  tête  de  Pedro  fut  plantée  sur  les  murs  de  Grenade 
et  elle  y  est  encore. 


ALLUNCB   HATRIMONIALB    OB   LA   FAMILLB    MÉRIKIDB    ATBC   CBLLB 
DBS    HAF8IDES. EXPEDITION   CONTRE   TLEMCEN. 


En  l'an  706  (4306-7),  Abou-Thabet  leva  le  siège  de  Tlemcen, 
évacua  le  territoire  abd-el-ouadite  et  rendit  aux  petits-fils  de 
Yaghmoracen  tonl  ce  que  les  Mérinides  leur  avaient  enlevé  h  là 
pointe  de  ré|)ée.  Une  année  plus  tard,  Abou-Hammou  devint  seul 
matlre  delà  nation  abd-el-ouadite  et,  dirigeant  aussitôt  son  at- 
tention vers  les  provinces  situées  à  l'est  de  Tlemcen,  il  subjugua 
les  Maghraoua  ,  soumit  le  pays  des  Toudjin,  renversa  l'au- 
torité de  leurs  chefs  et  abolit  la  royauté  qu'exerçait  la  famille 
d'Abd-el-Caouï-Ibn  Atïa.  Les  princes  de  celte  maison  maghra- 
ouienneet  les  fils  deHendtl-lbn-Abd-er-Rahman  partirent  avec 


DTlfASTIR  MÊRIMDB. —  ABOU-SAID.  Wl 

les  chefs  qui  leur  restaient  TiJèlos  ot  se  mirent  sous  la  protection 
lies  Hafsides.  Plus  tard,  notre  seigneur  le  soUan  Àbou-Yahya 
[-Abou-Bekr]  et  son  chambellan, Yacoub-lbn-Ghamr,  les  prirent 
tous  à  la  solde  de  Tempire  et  se  formèrent  ainsi  un  corps  de  mit- 
1  ce  redoutable,  qu'ils  empk)}èreiît  avec  un  grand  succès  contre 
les  révoltés  qui  menaçaient  leur  empire. 

A  la  suite  de  ces  conquêtes,  Abou-Hammou  enleva  la  ville 
d'Alger  à  Ibn-Allan,  conduisit  ce  chef  à  Tlomcen  et  remplit  tou- 
tes les  conditions  [énoncées  dans  le  trai  lé  de  capitulation].  L'éva- 
cuation de  b  Mettdja  par  les  Beni*Mansoura^  chefs*  de  la  tribu 
sanhadjienne  des  Melîkich,  lui  permit  alors  d'étendre  sa  domina- 
tion jusqu'à  l'extrême  limite  du  Maghreb  central  et  de  mettre  son 
royaume  en  contact  avec  celui  des  Hafsides,  auprès  desquels  les 
r^fugiéss'étaient  retirés  et  dont  ils  avaient  obtenu  un  bienveillant 
accueil.  Ensuite,  en  l'an  712  (1312-3),  il  se  rendit  maître  de  Te- 
dellis.  Pour  justifier  cette  agression  contre  les  états  d'Abou- 
Yahya,  il  chercha  des  prétextes  dans  la  correspondance  qui  eut 
lieu  entre  lui  et  ce  prince  à  l'époque  où  Ibn-Khalouf  s'était  em- 
paré du  commandement  de  Bougie.  Abou- Yahya  l'avait  alors  in- 
vité à  mettre  le  siège  devant  cette  ville.  L'armée  qu'Abou-Ham« 
mou  plaça  sous  les  ordres  do  son  cousin,  Uasoud-lbn-Abi-Amer- 
Ibrahtm,  entreprit  de  réduire  Bougie  ainsi  que  Constantine,  mais 
ce  fut  surtout  contre  Bougie  qu'elle  dirigea  ses  efforts.  Pendant 
ces  hostilités,  Mohammed-Ibn-Youçof,  petit-CIs  de  Yaghmoracen, 
leva  Pélendard  de  la  révolte  et  enleva  la  Ouancherîch  à  Abou- 
Hammou  avec  l'appui  desBeni-Toudjîn. 

Rien  ne  se  changea  dans  cet  état  de  choses  jusqu'à  l'an  718 
(4319)quand  la  mort  du  sultan  Abou-Hamraou  ouvrit  a  l'émir 
Abon-Tacheftn-Abd-er-Rahman  le  chemin  du  trône.  Le  nouveau 
sultan  trouva  bientôt  l'occasion  d'attaquer  avec  avantage  son 
cousin  Mohammed-Ibn-Youçof ,  et  partit  à  la  tête  de  l'armée 
abd-el-ouadite  pour  le  cerner  dans  !e  Ojaancherîch,  sa  retraite 
ordinaire.  Étant  alors  parvenu  h  gagner   Omar-Ibn-Othman 


•  Dans  le  texte  arabo,  lisrz  'J;^! 


SOS  «ISTOIRI     DtS    BIHBtRtl. 

chef  lies  BeuiTighertn ,  il  se  Gt  livrer  le  rebelle,  Tan  7)9 
(1319),  et  lai  âta  h  vie.  Ensuite,  il  alla  se  préseater 
devant  la  ville  de  Bougie,  mais,  découragé  par  les  prépara- 
tifs que  le  chambellan  Ibn-Ghatnr  avait  faits  pour  lui  résister,  il 
décampa  le  même  jour.  Rentré  dans  Tlemcen,  il  en vo}  a  plusieurs 
corps  d'armée  dans  le  territoire  de  Bougie,  et  il  construisit,  en 
amont  delà  rivière 'du  même  nom,  deux  forteresses  très-rap- 
prochées  Tune  de  l'autroi  et  destinées  à  servir  de  points  de  sta- 
tion pour  ses  troupes.  Un  de  ces  châteaux  portait  lo  nom  deHisn- 
Bekr.  Quelque  temps  après,  il  fit  bâtir  une  ville  à  Tiklat, 
endroit  situé  à  une  journée  de  Bougie.  Ce  nouvel  établissement 
reçut  le  nom  de  Temzezdekt,  aRn  de  rappeler  le  souvenir  de  la 
forteresse  que  ses  aïeux  avaient  possédée  dans  la  montagne  vis- 
à-vis  d^Oudjda,  forteresse  dans  laquelle  Yaghmoracen  s'était 
défendu  contre  Es-Satd  [le sultan  almohade].  Quand  la  construc- 
tion de  cette  ville  fut  terminée,  il  la  remplit  de  munitions  et  de 
troupes  afin  d'en  faire  une  de  ses  places  frontières,  et  il  y  établit 
oomme  gouverneur  Houça-lbn^Ali-el-ÂzéG,  chef  qui  avait  occupé 
une  haute  position  à  la  cour  pendant  les  dernières  années  du  feu 
sultan. 

Cédant  ensuite  aux  instances  des  émirs  kaoubiens,  qui  étaient 
alors  mal  disposés  pour  notre  seigneur,  le  sultan  Abou-Yahya* 
Abott-Bekr,  il  leur  fournit  un  corps  de  troupes  zenatiennes  et 
proclama  sultan  de  Tunis  le  prince  hafside,  Abou-Abd;Allaho 
Mohammed,  fils  d'Abou-Ali-el-Lihyani.  Bientôt  après,  il  déclara 
que  le  souverain  légitime  des  Hafsides  était  Témir  Abou-Abd- 
Allah-Hohammed,  fils  d'Abou-Bekr-ibn-Amran  ;  puis,  il  annonça 
qu'Abou-lshac,  fils  d'Abou-Bekr<-es-Cbehtd,  était  le  véritable 
chef  deTempire  hafside.  On  a  vu  daub  l'histoire  des  Abd-el-Ouad 
et  dans  celle  des  Hafsides  qu'il  mit  chacun  do  ces  princes  en 
avant  plus  d'une  fois. 

Cette  guerre  n'offrait  qu'une  alternative  de  succès  et  de  revers 
jusqu'à  l'an  729  (1328-9),  quand  l'armée  zenatienne  se  rencon- 


>  Les  manuscrits  portent  Abm-Yahya, 


BTNÂSTIB  HfiBINIDE. —  ABOU-^AID.  ^09 

ira  avecl^armée  hafside  à  Er-R!as.  Dans  cette  jourDée  mémora* 
Me,  le  sultan  Âbou*Yahya-Abou-Bekr  eut  à  combattre  lesZenata 
4M>us  les  ordres  de  Yahya-lbn«Mouça,  clienl'do  la  famille  de  Yagh* 
moraccn,  ellesKaoub,  soutenus  par  leurs  allies  nomades  et  com- 
mandés par  Témir  Hamza-lbn-Omar.  Les  coalisés  avaient 
4'intentioa  de  placer  sar  le tr^ne  de  Tunis  l'émir  Mohammed-lbn- 
Abi'Âmran-Ibn-Abi-Hars,  et  ils  s'étaient  fait  appuyer  par  Abd- 
el-Hack'lbn-Olhraan,  prince  mérinide  qui,  après  s'être  retiré 
chez  les  Dafsides,  était  passé  aux  Zenata  abd-  el-ouadites  avec  ses 
iils  et  tous  ses  dépendants.  L'arméedu  sultan  fut  mise  en  déroute; 
ses  tentes,  ses  trésors,  son  harem  et  ses  fils,  Ahmed  et  Omar,  tom- 
bèrent au  pouvoir  des  vainqueurs.  Ces  deux  princes  furent  en- 
vojés  à  Tlcmcen.  Dans  ce  conflit,  Abon-Yahya-Abou-Bekr  fut 
atteint  de  plusieurs,  blessures  et  conserva  à  peine  assez  de  force 
pour  atteindre  la  ville  de  Bàne  et  s'y  embarquer  pour  Bougie,  où 
il  resta  jusqu'à  sa  guérison.  Les  Zenata  s'emparèrent  de  Tunis, 
ei  leur  chef,  Yahya-lbn-Mouça,  y  installa  Ibn-Abi-Amran  avec 
le  titre  de  sultan,  s'étant  réservé  pour  lui-même  l'entière  direc- 
tion des  affaires* 

Abou-Yahya-Abou-Bekr  forma  lo  projet  de  se  rendre  auprès 
d'Abou-Satd,  sultan  du  Maghreb,  afin  d'obtenir  l'appui  des  Mé- 
f  inides  contre  les  Beni-Abd-el-Ouad;  mais,  sur  les  représenta- 
tions du  chambellaa,  Moharamed-lbn-Séld-en-Nas.  il  renonça -à 
une  démarche  qui  pouvait  cempromettre  sa  dignité,  et  se  con- 
tenta d'y  envoyer  son  fils,  l'émir  Abou-^ékérYa ,  seigneur  de 
Bougie. 

Abou-Zékérïa  s'embarqua  pour  le  Maghreb  avec  Abou-Mo- 

hammed-Àbd-Allah-lbn-Tafragutn,  qui  était  chargé  par  le  sultan 
•d'applanir  les  voies  de  cette  négociation  et  de  conférer  *  avec 
le  gouvernement  du  Maghreb.  Débarqués  à  Ghassaça,  ils  se  ren- 
dirent à  Fez  et  remirent  à  Abcu-^Saîd  la  lettre  dans  laquelle  leur 
souverain  lui  demandait  secours.  Le  sultan  mérinide  fat  pro- 
fondément touché  de  cet  appel,  ainsi  que  son  fils,  l'émir  AboQ-4-* 


*  Lisez  oua'l-mokaouérat  dans  le  texte  arabe. 

T  IV.  14 


240  niSTOIRB     DES     BERBÊREIS. 

Hacen,  et,  s'étant  adressé  au  prince  Abou-Zékérïa,  il  lui  dit,  en 
la  présence  de  loute  la  cour  :  a  Mon  fils,  par  votre  visite  et  votre 
j>  présence  ma  famille  se  trouve  hautement  honorée,  et  je  déclare 
»  devant  Dieu,  que,  pour  vous  soutenir,  je  suis  prôt  à  épuiser 
»  mes  trésors,  mon  sang  et  celui  de  mon  peuple.  Je  marcherai 
9  contre  Tiemcen,  et,  secondé  par  votre  père,  j'en  ferai  le 
»  siège.»  Les  membres  de  Tambassade  se  retirèrent  alors,  la  joie 
dans  Pâme. 

Un  traité  fut  bientôt  conclu,  et  un  des  articles  auxquels  les  en- 
voyés hafsides  donnèrent  leur  assentiment  portait  que  le  sultan 
Abou-Yahja-Abou-Bekr  conduirait  une  armée  en  Maghreb 
afin  de  prendre  part  au  siège  de  Tiemcen.  Le  sultan  Abou- 
Satd,  de  son  côté,  se  mil  en  marche,  l'an  730  (i  329-30), 
pour  la  même  deslincTlion  et,  arrivé  au- Molouïa ,  if  dressa 
son  camp  h  Sabra,  où  il  reçut  la  nouvelle  positive  que  le 
sultan  Abou-Yahya  venait  de  reprendre  la  ville  de  Tunis  et 
d^en  expulser  les  Zcnata,  avec  le  sultan  qu'ils  y  avaient  établi. 
Il  fit  aussitôt  appeler  son  hôte,  l'émir  Abou-Zékérïa-Yahya,  et, 
l'ayant  comblé  de  dons,  ainsi  que  le  vizir  Ibn-Tafraguin,  it 
leur  recommanda  do  se  hâter  de  rejoindre  leur  souverain.  Ils 
prirent  la  route  de  Ghassaça,  emportant  avec  eux  de  nombreu- 
ses marques  de  la  bouté  d'Abou-Saîd,  et  ils  s'embarquèrent  dans 
les  navires  qui  les  avaient  amenés  en  Maghreb. 

Avec  ces  envoyés  partirent  deux  agents  du  sultan  mérinide, 
les  nommés  Ibrahtm-Ibn-Abt-Hatem-el-Azéfi  et  Abou-Abd- Allah - 
Ibn-Abd-cr-Rezzac,  cadi  de  Fez ,  chargés  par  leur  matlre  do 
négocier  une  alliance  matrimoniale  entre  sa  famille  et  celle  des 
Hafsides.  Après  leur  départ,  le  sultan  Abou-Said  revint  à  Fez. 

Par  suite  de  cette  mission,  un  mariage  fut  conclu  entre  l'émir 
Abou-'l-Hacen  et  une  fille  du  sultan  Âbou-Yahya-Abou-Bekr, 
sœur  germaine  de  l'émir  Abou-Zékérïa.  En  Van  731  (i330-l), 
très-peu  de  temps  avant  la  mort  du  sultan  Abou-Said ,  la 
princesse  arriva  au  port  de  Ghussaça  avec  une  flotte,  et  y  dé- 
barqua, accompagnée  d'une  députation  de  grands  cheikhs  aimo-* 
hades,  sous  la  présidence  d'Abou-'l-Cacem-Ibn-Ottou.  Le  gou- 
vernement mérinide  accueillit  la  fiancée   avec  les  plus  grand» 


DT'NASTIE  UfiRimOB.— ABOU-^L-HAtfeN.  211 

Vionneurs  ci  lui  témoigna  les  égords  les  plus  empressés.  Oh 
im  fournit  des  bétes  de  somme  pour  porter  ses  bagages,  des 
montures  dont  les  brides  avaient  des  mors  en  or  et  en  argent 
et  dont  les  selles  étaient  en  'étoiïe  de  soie,  brodée  en  or.  Pouf 
sa  réception  et  pour  son  mariage,  on  fit  des  préparatifs  d'une 
magnificence  inouie  chez  les  Hérinides  et  dont  on  parla  ayec  ad- 
miration pendant  longtemps.  Des  femmes  âgées  furent  désignées 
pour  remplir  auprès  de  la  princesse  les  fonctions  attribuées  aux 
intendants  d'une  maison  impériale  .  Elle  n^était  pas  encore 
-arrivée  à  Fez  quand  le  sultan  Âbou-Sald  cessa  de  vivre. 


MORT  bu    SULtîllf   An6D-SÀ!D'BT   AVKN£MENT    DB    SOI!   TILS 

ABOU- L-HACBIf. 


y  arrivée  de  la  fille  du  sultan  Âbou-Yahya-Abou-Bekr  excita 
"à  la  cour  de  Fez  Tallégresse  la  plus  vive,  tant  èi  cause  des  belles 
qualités  de  la  jeune  fiancée  que  du  profond  respect  que  les  Méri^ 
tiides  portaient  h  son  père  et  à  sa  famille.  Le  sultan  Abon-Satd 
partit  pour  Tèza  afin  de  surveiller,  en  personne,  le  progrès  du 
cortège  et  de  témoigner  à  la  princesse  hafside  les  sentiments  de 
joie  et  de  haute  considération  dont  il  était  animé;  mais  à  peine 
fut-il  entré  dans  celte  ville  qu'il  tomba  dangereusement  malade 
et  mit  son  fils,  Abou-'l-Hacen,  dans  la  nécessité  de  le  ramener  à 
ia  capitale.  Plusieurs  domestiques  du' palais  chargèrent  sur  leurs 
épaules  la  litière  qui  renfermait  le  sultan  et  la  portèrent  jusqu'à 
la  rivière  Sebou.  Delà  on  entreprit  de  faire  entrer  le  malade  au 
palais  pendant  la  nuit ,  mais  il  mourut  avant  d'y  arriver  ;  que 
Dieu  lui  fasse  miséricorde  I  On  déposa  le  corps  du  souverain  dans 
la  chambre  ou  il  avait  l'habitude  de  se  tenir,  et  on  confia  aux  per- 
sonnages les  plus  saints  de  la  ville  le  soin  de  l'ensevelir.  Ceci  se 
passa  dans  le  mois  de  Dou-'I-Hiddja  731  (sept-oct.  1331) , 
Dieu  seul  est  éternel  I 

Aussitôt  après  la  mort  d'Abou-Satd,  les  principaux  cheikhs  <te 


342  HISTOIRI    DES    BERBÈRES. 

la  nation  mérinide  et  los  grands  dignitaires  de  rélal  se  réunirent 
autour  de  l'émir  Abou-1-Hacen,  son  successeur  désigné,  et  lut 
prêtèrent  le  serment  de  fidéliié.  Le  nouveau  sultan  fit  donner 
Tordre  aux  troupes  de  quitter  le  Sebou  et  de  venir  h  Ez-Zitoun, 
près  de  Fez;  ensuite  il  assista  aux  obsèques  de  son  père;  puis, 
«'étant  entouré  d'un  cortège  nombreux,  il  se  rendit  au  camp. 
Tous  les  corps  de  l^elal  et  toutes  les  classes  de  la  population  vin« 
rent  lui  offrir  foi  et  hommage,  pendant  qu'il  tenait  une  séance so- 
.lennelle  dans  la  tente  impériale,  et  ils  prêtèrent  le  sermenr  de 
^délité  entre  les  mains  du  mizouar,  Obbou^-Ibn-Cacem,  prévôt 
de  la  police,  et  grand  chambellan  depuis  le  règne  de  Youçof-ll^n- 
Yacoub.  Alors  on  présenta  au  sultan  sa  fiancée  et  le  mariage  fut 
célébré  au  camp,  la  mémo  nuit. 

Abou-U-Hacen  s'était  décidé  h  châtier  les  ennemis  de  son  beau- 
père,  mais  il  voulut  d'abord  connaître  les  dispositions  de  l'émir 
Abott^Ali  à  son  égard.  Se  rappelant  que  le  feu  sultan  portait 
une  vive  affection  à  ce  prince  et  qu'il  l'avait  fortement  recom- 
mandé à  sa  bienveillance,  il  résolut  d'aller  le  voir  et,  comme  les 
fatigues  étaient  pour  lui  des  plaisirs,  il  s'empressa  de  partir  pour 
£idjilmessa. 


LE     SULTAN    ABOI)^ 'L-OÀCBIV     PART    TOUR     SIDJlLVeSSA,    CO^XLl;T 
4YEC     SON     FnktM   ABOU*ALI     UN   TRAITÉ     DE    PAIX    ET    MARCHE 

SUR   TLBHCEN. 


Le  sultan  Abou- l-Haccn  étant  monté  sur  le  trône,  désira  con- 
naître les  dispositions  de  son  frère  Abou- Ali,  avant  d'entrepren* 
dre  une  expédition  contre  Tlemcen,  et  il  se  proposa  de  le  traiter 
avec  bienveillance,  par  égard  aux  fréquentes  recommandations 
de  son  père,  qui  avait  toujours  porté  une  tendre  affection  au 
prince  de  Sidjilmessa.  S'étant  dirigé  vers  cette  ville  en  quittant 
le  camp  d'Ez-Ztloun,  il  rencontra  en  rouie  une  députation  que 
son  frère  avait  envoyée  an  devant  de  lui.  Cette  ambassade  lui 
déclara  qu'Abou-Ali,  reconnaissant  ses  droits  à  la  souveraineté, 


DYNASTIE  HÊRIMDB. ABOU^'t-BÂCfcK.  &<  $' 

ièfélicitatt  de  la  haute  position  ii  laquelle  Dieu  l'avait  élevé  ;  qu'il* 
tftcherait  toujours  de  mériter  sa  bienveillance  et,  se  conteutant  de 
cotte  portion  de  l'héritage  paternel  dont  il  jouissait  déjà,  qu'il  ne* 
chercherait  jamais  à  lui  disputer  le  pouvoir  :  tout  ce  qu'il  deman- 
dait était  sa  confirmation  dans  le  gouvernement  de  Sidjilmessa. 
Le  sultan  y  donna  son  consentement  et,  conformément  aux  injonc- 
tions de  son  père* ,  il  nomma  l'émir  Abou- Ali  souverain  de  cette  ville 
et  des  provinces  du  Sud  qui  en  dépendent.  Les  principaux  chefs 
des  tribus  zenaticnncs  et  arabes  ainsi  que  les  grands  officiers  de 
la  tribu  mérinide  assistèrent  à  cette  déclaration. 

Pour  répondre  alors  aux  demandes  de  secours  que  les  Hafsi- 
des  lui  avait  adressées,  il  se  porta  rapidement  vers  Tlemcen, 
mais,  passant  outre,  sans  s^y  arrêter,  il  marcha  vers  l'Est  afin 
d'opérer  sa  jonction  avec  l'armée  du  sultan  Abou-Yahya-Abou- 
Bekr.  Nous  avons  déjà  mentionné  que  lors  de  la  mission  d'Abou- 
Zékérïa  en  Maghreb,  Ton  était  convenu  que  le  sultan  hafside  ai- 
derait les  Mérinides  à  faire  le  siège  de  Tiemcen.  Dans  le  mois  dé 
Chàban  732  (mai  1332),  Abou^'UHacen  prit  position  à  Teçala  et, 
en  attendant  l'arrivée  de  son  allié,  il  donna  à  ses  navires  l'ordre 
de  quitter  les  ports  du  Maghreb  et  de  ravager  les  côtes  de  l'em- 
pire abd-el-ouadite.  Il  fit  aussi  embarquer  à  Oran  un  corps  de 
troupes  commandé  par  son  client,  Mohammcd-el-Botouï,  et  l'en- 
voya au  secours  du  souverain  hafside.  Ce  renfort  débarqua  au 
port  de  Bougie  et,  s'étant  rangé  sous  les  drapeaux  d'Abou-Yah^ 
ya-Abou-Bekr,  il  marcha  avec  lui  contre  Tikial  [Temzezdekt] , 
quartier-général  de  l'armée  abd-el-ouadite  chargée  de  bloquer 
la  forteresse  hafside.  Eïça-Ibu-Mezrouâ  ,  commandant  des 
assiégeants,  emmena  aussitôt  toutes  les  troupes  qui  se  trouvaient 
dans  Tikiat  et  se  replia  sur  la  frontière  du  Maghreb  central.  No- 
tre seigneur,  le  sultan  Abou-Yahya-Abou  Bekr,  s'avança  a  la  téter 
des  Almohades,  des  Arabes,  des  Berbères  et  de  tous  les  peuples 
qu'il  avait  rassemblés^  et  prit  possession  de  la  place  qu'on  venait 


1  Dans  le  texte  arabe  Vh  du  mot  âhd  est  déplacé. 


3ii  mSTOlRB    MS     nE0ftaB8. 

d'évacuer.  Le  sultan  Abou-Hammou  avait  donné  l'ordre,  ei» 
constniisant  ce  fort,  que  les  gouverneurs  de  ses  provinces  orien- 
tales, depuis  El-Bat*ba  jusqu'à  la  frontière,  seraient  tenus  d'y 
envoyer  régulièrement  la  dtmo  de  toutes  les  récoltes  de  leurs 
pays  respectifs,  et  son  fils,  le  sultan  Abou-Tachcfln,  avait  maiur 
tenu  cet  usage.  Aussi,  les  vainqueurs  y  trouvèrent-ils  des  appro- 
visionnements en  quantité  énorme.  Tout  fut  livré  au  pillage  e^ 
leiort  ruiné  de  fond  en  comble. 

Pendant  ce  temps,  Abou-'l-Hacen  attendait  chaque  jour  Tarri* 
véedu  sultan  et  de  l'armée  hafsides.  Il  était  encore  au  même  lieu 
de  rendez^vous  quand  on  vint  lui  annoncer  que  son  frère,  l'émir 
Abon-Ali,  s'était  mis  en  révolte.  Cette  nouvelle  le  décida  à  ren- 
trer chez  lui,  et  le  sultan  Abou-Yahya-Abou-Bekr,  ayant  été 
averti  de  son  départ,  reprit  le  chemin  de  sa  capitale  et  emmena 
El-Botouï  avec  lui.  Alors,  il  combla  do  dons  les  troupes  mérinides. 
et  leur  chef,  les  embarqua  dans  les  vaisseaux  qui  les  avaient 
amenés  et  les  renvoya  à  leur  souverain. 

A  la  suite  de  cet  échec,  le  sultan  Abou-Tachefin  n'essaya  plus 
d'envahir  le  territoire  hafside. 


lÉVOLTB   I)'^B0f7<*ALI.  -^  LB    SULTAN   ABOU-'l  -BÀCEN    lUBCDB    CORTRB 

LUI   B7   L8    FAIT    PRISONNIBR. 


Quand  Abou-'I-Hacen  se  fut  avancé  jusqu'à  Teçala  afin  d'opé- 
rer sa  jonction  avec  l'armée  d'Abou-Tahya-Abou-Bekr  et  do 
marcher  ensuite  sur  Tlemcen,  dont  ils  s'étaient  proposés  de  faire 
le  siège,  Abou-Tachefîn,  sultan  de  cette  ville,  réussit,  par  l'en-- 
tremise  de  ses  agents,  à  engager  l'émir  Abou-Ali  dans  une  al- 
liance contre  le  sultan  mérinide.  Par  ce  traité,  chacune  des  par- 
ties contractantes  s'imposa  l'obligation  d'entraver  les  opérations 
d*Abou-4-Hacen,  toutes  les  fois  que  ce  monarque  entreprendrait 
des  hostilités  contre  l'autre  partie.  L'émir  Abou-Ali  se  mit  alors 
en  révolte  contre  son  frère,  sortit  de  Sidjilmessa  pour  envahir  le 
Deçà  et  installa  dans  cette  province  un  de  ses  officiers  comme 


DYNaSTIB  VtRiniDB.— abou-*l**baceii.  245> 

gouverneur,  après  avoir  lue  celui  qui  y  commaDdâit  au  nom 
d^Abou-1-Hacen.  Du  Derâ,  il  envoya  un  corps  do  troupes  dans  la 
province  de  Maroc. 

Le  sultan  étaît  h  Tcçala  quand  cette  nouvelle  lui  arriva,  et, 
outré  de  colère,  il  résolut  de  se  venger  et  reprit  aussil&t  le  che- 
min de  sa  capitale.  Parvenu  à  Taourîrt[-8ur-Za],  une  dea  places 
frontières  de  son  royaume,  il  y  laissa  une  garnison  sons  les  or- 
dres de  son  fils^  Tachofin,  auprès  duquel  il  plaça  en  qualité  de 
dijecteur,  le  vizir  Mendîl-lbn-Hammama-Ibn-Tlrbîghîn.  S'étant 
alors  dirigé  vers  Sidjilmessa,  il  y  arriva  à  la  suite  d'une  marche 
irè6-rapideoi,rayant  investi,  il  employa  une  foule  d'ouvriers  k 
construire  des  machines  de  guerre  et  à  bâtir  une  ville  sous  les 
murs  de  la  place.  Pendant  une  année  entière,  il  continua  le  siège 
sans  donner  aux  révoltés  le  moindre  répit. 

Abou-Tachefîn,  Tabd-el-ouadite,  se  jeta  alors  sur  la  frontière 
mérinide  avec  ses  troui)es  et  y  répandit  le  ravage  et  la  dévastation 
afin  d'obliger  le  sultan  à  lever  le  siège  et  à  venir  dégager  le  Ma- 
ghreb. Arrivé  près  de  Taourirt,  il  se  laissa  battre  par  le 
fils  d'Abou- l-Hacen,  qui  en  était  sorti,  avec  ses  vizirs  et  ses 
troupes  pour  lui  livrer  bataille.  S'élant  ensuite  réfugié  dans 
[Tlemcen],son  asile  ordinaire,  il  s'empressa  d'envoyer  un  corps 
de  troupes  au  secours  d'Abou- Ali.  Ce  détachement  réussit  h  s'in- 
troduire dans  Sidjilmessa  en  s'y  glissant  far  petites  bandes  et 
par  individus  isolés. 

Pendant  ce  temps,  le  sultan  continua  le  siège  de  la  ville,  jus- 
qu'à ce  qu'il  l'emportât  de  vivo  forceet  lui  fit  éprouver  tous  les 
maux  de  la  guerre.  L'omir  Abou-Ali,  fait  prisonnier  h  la  porte  de 
son  palais,  fut  amené  devant  le  vainqueur  et  mis  aux.  arrêts.  Après 
avoir  établi  uu  nouveau  gouverneur  dans  Sidjilmessa  ,  Abou*'l- 
Hacen  repartit  pour  Fez,  où  il  arriva  l'an  733  (1332-3).  Il  fit 
alors  enfermer  son  frère  dans  une  des  chambres  du  palais  et, 
quelques  mois  plus  tard,  il  donna  l'ordre  de  l'étrangler. 

Ce  qu'il  pouvait  y  avoir  de  blâmable  dans  la  conquête  de  Si- 
djilmessa fut  bientôt  racheté  par  celle  de  Gibraltar,  ville  que 
les  musulmans,  commandés  par  son  (ils,  Abou-Malek,  onlevorent 
aux  chrétiens. 


V 


3\iy  MîSTOitM  DES   nofcKvr. 


SlÉCiB    KT  PRISE   DE   GtBEALTAl    FAH     LES   MUSULMAIIS     800S   IE9 

ORDRES   DE   L'^MIR   AROC-MALEK. 


Abou-1'Oueltd[-Isma}l],  fils  du  raïs  Aboa-Satd,  enleva  le  ro'' 
yanme  de  T Andalousie  à  son  cousin,  Abou-'I-Djoïouch,  etmournt 
en  laissant  pour  successeur  un  fils  en  bas  âge  nommé  Moham- 
med. Celui-ci  régna  sous  la  tutetle  du  virir  Mohammed- Ibn-ef- 
Mahrouc,  membre  d'une  des  premières  familles 'de  l' Andalousie 
et  employé,  depuis  des  longues  années,  au  service  de  Tétat.  Le 
sultan  Mohammed,  étant  entré  dans  TadoTescence,  souffrit  avec 
impatience  la  domination  de  son  vizir  et,  à  Tinstigaiion  de  ses 
esclaves  chrétiens,  il  le  fit  assassiner,  en  ran729  (4328*9).  de- 
venu de  cette  manière  mattre  de  ses  volontés,  if  les  consacra  au 
rétablissement  de  l'autorité  royahe.  \ 

En  l'an  709  (4309),  Ile  roi  chrétien  avait  pris  GibraTtar  et 
rendu  cette  ville  une  voisine  très-incommode  pour  les  autres 
forteresses  du  Détroit.  Les  musulmans  en  furent  consternés,  sa- 
chant que  le  souverain  mérinide  était  alors  trop  occupé  par  l'a 
révolte  de  son  fils  pour  venir  à  leur  secours.  D'ailleurs,  te  gou- 
vernement du  Maghreb  [ne  possédait  plus  aucun  point  d'opéra- 
tion dans  la  péninsule  ;  il]  avait  rendu  la  ville  et  les  forts  d'Al- 
^éciras  à  Ibu-el-Ahmer  en  Tan  712(4312-3).  Frappés  enfin  de 
la  grande  supériorité  que  la  puissance  du  roi  chrétien  avait  ac- 
quise, les  Andalousiens  remirent  cette  ville  aux  Mérinides,  Pan 
729.  Le  sultan  Abou-Said  y  installa  un  de  ses  oncles  maternels, 
le  nommé  Sollan-Ibn-Mohelhel  ^  chef  de  la  tribu  arabe  de 
Kholt. 

Après  la  mort  de  ce  prince,  les  chrétiens  s'emparèrent  de  la 
plupart  des  forts  qui  dépendent  d'Algéciras  et  interceptèrent 
ainsi  toute  communication  avec  le  Maghreb.  Peu  de  temps  aupa* 
ravant*  le  sultan  de  l'Andalousie  avait  fait  mourir  son  visir 


1* Le  texte  arabe  porte  :  vers  sette  époque. 


DTNA5TIB  BÉRIIIIDI.— -  ABOU-'L'HACER.  217 

Ibn -el-Makhroac.  BemarqaaDt  ensuite,  avec  une  inquiétude  ex* 
tréme  le  progrès  du  roi  chrétien,  il.  passa  en  Afrique,  Tan  732 
(1331-2),  et  se  rendii  auprès  du  sultan  Abou-'l-Hacen,  qui  était 
alors  è^Fes,  capitale  de  l'empire.  Accueilli  avec  de  grands  hon* 
neurs  par  ce  monarque,  qui  avait  envoyé  au-devant  de  lui  an 
cortège  magnifique,  il  se  logea  dans  le  Hesarat^  jardin  qui  tou- 
chait au  palais,  et  il  s'y  vit  traiter  avec  la  plus  haute  distinc-- 
tion.  Dans  l'entretien  qu'il  eut  alors  avec  son  hôte,  il  lui  fit  part 
de  l'effroi  que  le  progrès  des  chrétiens  inspirait  aux  musulmans 
espagnols  el  de  la  douleur  qu'il  éprouvait  lui-même  en  voyant 
Gibraltar  tenir  maintenant  en  respect  toutes  les  places  fortes  qui 
couvraient  cette  partie  du  pays. 

Dans  sa  réponse,  le  sultan  Abou-*'l-Hacen  lui  dit  d'avoir  bon 
espoir  et,  comme  il  avait  pour  la  guerre  sainte  une  passion  ex* 
tréme,  h  l'instar  de  son  aïeul,  Abou-Youçof-Yacoub,  il  s'occupa 
sur  le  champ  à  préparer  une  expédition  contrôles  chrétiens.  Son 
fils,  l'émir  Abou-Malek,  partit  bientôt  h  la  tête  de  cinq  mille  Mé- 
rinides,  afin  d'entreprendre  le  siège  de  Gibraltar,  et  il  emmena 
avec  lui  le  sultan  de  Grenade.  Débarqué  à  Algéciras ,  il  y 
attendit  les  divers  corps  de  renforts  que  son  père  lui  faisait 
passer  l'un  après  l'autre ,  et  ,  pendant  ce  temps,  les  agents 
de  Mohammed  [IV]  -  Ibn^-el-Ahmer  s'occupèrent  à  parcourir 
l'Andalousie  afin  d'y  lever  des  troupes.  Quand  tout  ce  monde 
fut  rassemblé,  l'émir  et  le  sultan  allèrent  camper  sous  les  murs 
de  Gibraltar,  et  ils  pressèrent  la  place  Hvec  tant  de  vigueur, 
qu'ils  s'en  rendirent  maîtres  l'an  733  (4333).  Dieu  avait  permis  à 
l'armée  musulmane  d'emporter  la  ville  d'assaut  et  de  saisir, 
comme  une  proie,  les  biens  et  les  personnes  de  tous  les  chrétiens 
qui  s'y  étaient  enfermés. 

Le  surlendemain,  le  roi  chrétien  arriva,  et  avec  lui  des  na- 


p£*  Le  Mesarat,  jardin  situé  au-dehors  de  Bab-es-Gheri&,  une  des  portes 

du  quartier  des  Cairoaanides,  à  Fez,  était  renommé  pour  sa  fertilité.  Il 

^n  est  fait  mention  dans  le  Carfa^,  pages  Si,  Ï3  du  texte  arabe  de  l'édi- 
'lon  imprimée. 


218  HISTOIRE    DBS    BBaàfttBS. 

lions  entières  d'infidèles  ;  mais  la  place  venait  d'être  approvi* 
sionnée  par  la  cavalerie  musulmane.  Dans  celle  opération; 
l'exemple  fut  donné  par  Abou-Haleket  par  le  sultan,  qui  avaient 
chacun  pris  en  croupe,  à  Algéciras,  un  sac  de  vivres.  L'émir  mé- 
rinide  s'en  retourna  à  celte  dernière  ville  après  avoir  confié  la 
défense  de  Gibraltar  à  Yabya«-Ibn*Talha-lbn-Mohalli,  l'un  des 
vizirs  de  son  père. 

Le  quatrième  jour  après  la  rentrée  d'Àbou-Malek  h  Algéciras/ 
le  roi  chrétien  en  commença  le  siège.  Âbou-Halek  sortit  alors  à 
la  tête  de  ses  troupes  et  occupa  une  position  vis«>à-vis  de  l'ennemi. 
Le  souverain  de  l'Andalousie,  qui  était  parti  avec  ses  bandes  pour 
ravagerle  territoire  chrétien,  revint  sur  ses  pas,  ^l'invitation  de 
son  allié,  et  se  plaça  en  face  de  l'armée  chrétienne.  De  cette  ma- 
nière, ils  obligèrent  l'ennemi  à  se  retrancher  et  Tempéchèrent 
d'attaquer  [Gibraltar],  ville  récemment  conquise  et  mal  pourvue 
de  troupes  et  d'armes. 

Le  sultan  de  l'Andalousie  se  dévoua  alors  pour  le  salut  des 
musulmans  et  courut,  en  devançant  tout  le  monde,  vers  la  tente 
do  roi  chrétien.  Celui-ci  vint  à  pied  au-devant  de  lui  et  l'accueillit 
la  tète  découverte,  en  signe  de  respect;  puis,  ayant  écouté  sa  de- 
mande, il  consentit  &  lever  le  siège  de  la  forteresse.  Effectivement, 
quand  il  reçut  en  cadeau  tous  les  trésors  que  le  sultan  avait  au- 
près de  lui,  il  ploya  bagage  et  partit^  L'émir  Abou-Malek  se  mit 
alors  à  restaurer  les  forlifications  de  la  place,  à  y  transporter 
des  approvisionnements  et  ë  y  faire  entrer  des  troupes. 

Le  sultan  Abou-'l-Hacen  eut  ainsi  le  bonheur  d'achever  une 


*  Pour  ménager  la  susceptibilité  de  ses  lecteurs^  Iba^Khaldouo  tourne 
cette  dernière  phrase  de  manière  à  leur  laisser  croire  que  le  sultan 
avait  reçu  de  i'argeci't  durci  cbrélieo.  Voici  la  (raductioo  littérale  du 
passage  :  «  et  il  lui  accorda  sa  demande  au  sujet  du  lever  de  siège,  et  il 
»  lui  fit  don  des  (résors  qu'il  avait  auprès  de  lui,  et  il  s'en  alla  sur  le- 
»  champ.  9  La  vérité  est  que  le  sullan  de  Grenade  se  reconnut  lo  vassal 
du  roi  de  Castille,  lui  rcmil  deux  places  fortes,  avec  cinquante  mille 
pièces  d'or,  et  promit  de  lui  payer  un  tribut  annuel. 


DYlf  ASTIB  MfiRIMlDB. — ABOU-'L-UACBN»  2{  9 

eonquéte  qui  couronna  son  règne  d'une  gloire  iin[)éi'issable,  el 
il  put  enfin  reprendre  son  oncien  projet  et  faire  le  siège  do 
Tlemcen. 


PEISB   DE   TLBMCBlf   PAR  ABOU-'l-DACBH  ;  HORT  d'aBOU-TACBEFÎH 
BT   CaCTB   I>B   L'BMPIRB   ABD'RL-OUADITB. 


Le  sultan  Abou*'l-Hacen»  ayant  vaincu  son  frère  et  fait  dispa- 
raître les  suites  de  la  révolte  que  ce  prince  avait  allumée,  pour- 
vut à  la  sûreté  de  ses  frontières  et  remporta,  par  la  grâce  de 
Dieu  et  parla  bravoure  de  ses  troupes»  un  grand  avantage  sur 
Us  chrétiens:  la  ville  de  Gibraltar  tomba  en  son  pouvoir  après 
être  restée  plus  d'une  vingtaine  d'années  entre  les  mains  des  in- 
fidèles. Dégagé  maintenant  de  toutes  ses  préoccupations,  il 
tourna  ses  pensées  vers  un  ennemi  de  longue  date,  [Abou-Tache- 
ftn],  et  forma  la  résolution  de  marcher  sur  Tlemcen. 

Vers  cette  époque,  il  reçut  unie  ambassade  qui  lui  apporta,  do 
la  part  d'Abou-Yahya-Abou-Bekr,  une  lettre  de  félicitation  au 
sujet  de  la  conquête  de  Gibraltar  et  la  prière  de  vouloir  bien  em- 
pdcher  Abou-Tacheftn  d'insulter  les  frontières  du  royaume  haf- 
side.  Par  suite  de  cette  commimication,  il  envoya  des  agents  à 
b  cour  de  Tlemcen,  afin  d'obtenir  par  de  vives  remontrances 
l'évacuation  entière  du  territoire  hafside,  la  remise  de  Tedellis 
au  sultan  Abou-Yahya-Abou-Bekr  et  la  réduction  do  l'empire 
abd-el-^ouadite  à  ses  anciennes  limites*.  [D'après  son  idée,  la  ré- 
ussite de  cette  demande]  devait  montrer  combien  les  autres  rois 
redoutaient  sa  puissance  et  apprendre  k  ses  propres  sujets  lo 
respect  qui  lui  était  dû.  Abou-Tachefîn  repoussa  ces  proposî-* 
tiens  avec  fierté  et  y  répondit  dans  des  termes  nullement  mesu- 


'  On  lit,  de  plus,  dans  le  texte  arabe  :  toa  laou  dma-idh  (et  si  âant 
cette  année).  L'auteur  a  probablement  voulu  dire  qoe  toutes  ces  opéra- 
tions devaient  s'elTectucr  avant  Texpiration  de  l'année. 


220  HisToim   DB3   bshbêrbs. 

rës.  Quelques-uns  des  esclaves  qui  étaieut  de  service  pcndaot  la 
réception,  se  permirent  d'interpeller  la députation  delà  manière 
la  plus  inconvenante  et  d'insulter  môme  la  dignité  de  celui  qui 
l'avait  envoyée. 

Abou-'l-Hacen  éprouva  une  violente  indignation  en  appre- 
nant les  détails  de  cette  scène  et  résolut  de  marcher  contre  tes 
Abd-el-Ouadites  sans  perdre  un  instant.  Ayant  fait  dresser  ses 
tentes  hors  de  la  Ville-Neuve  de   Fez,  il  ordonna  à  ses  vizirs 
d^aller  lever  des  troupes,  même  jusqu'au  fond  des  provinces  ma- 
rocaine,8puis,  s'étant  dépéché  d'équiper  son  armée,  de  la  passer 
en  revue  et  d'organiser  sa  cavalerie,  il  se  mit  en  marche  vers  le 
milieu  de  l'an  735  (fév.-mars  4  335),  emmenant  avec  lui  nne  mul- 
titude de  guerriers,  tirés  de  toutes  les  tribus  du  Maghreb.  En 
passant  par  Oudjda,  il  y  laissa  un  corps  de  troupes  pour  en  faire 
le  siège  et,  s'étant  ensuite  présenté  devant  Nedroma,  vers  la  fin 
de  Pan  735  (juillet-août  1 335),  il  l'emporta  d'assaut  le  même  jour. 
Toute  la  garnison-  fut  passée  au  fil  de  l'épée.  De  le,  il  marcha,  en 
ordre  de  bataille,  jusqu'à  Tlemcen  dont  il  commença  aussitôt 
rinvestissement.  En  l'an  736,  les  troupes  qu'il  avait  laissées 
sous  les  murs  d'Oudjda  s'emparèrent  de  la  place  et,  d'après  ses 
ordres,  elles  en  détruisirent  les  fortifications. 

Pendant  que,  de  tous  côtés,  on  lui  expédiait  des  renforts,  il  se 
tenait  en  observation  devant  Tlemcen,  ainsi  que  le  lion  guette  sa 
proie.  Après  avoir  obtenu  la  soumission  des  Maghraoua  et  des 
Toudjtn,  il  lança  [la  plus  grande  partie  de]  ses  troupes  sur  les 
contrées  voisines.  Oran  succomba  à  ses  armes  ainsi  que  Honein; 
Hillana,  Ténès  et  Alger  subirent  ensuite  le  même  sort.  Toutes 
ces  conquêtes  eurent  lieu  en  l'an  736. 

Yahya-Ibn-Houça,  qui  gouvernait  alors  la  partie  orientale  du 
royaume  abd-el-ouadite,  sur  la  limite  du  territoire  haCside,  et 
qui  dirigeait  te  siège  de  Bougie  depuis  la  défaite  de  Mouça-ibn« 
Ali,  passa  alors  du  côté  d'Abou-'l-Hacen.  Accueilli  avec  beaucoup 
de  distinction  parle  sultan,  il  obtint  une  position  honorable  à  la 
cour,  le  rang  de  vizir  et  son  admission  dans  la  société  intime  du 
souverain. 

La  tâche  de  soumettre  la  région  orientale  du  royaume  de  Tlem- 


DTNASTIK  MfilllNIDR. —  ABOli-L-  UaCEIC.  221 

cen  (ui  couGée  h  Yahya-lbo-Soleiman ,  chef  des  Beni-Âsker, 
cheikh  des  Béni- Mcrio,  membre  du  conseiUd'état  et  gendre  du 
soltan.  Cet  offîcier  partit  avec  ses  troupes,  drapeaux  déployés, 
et  soumit  tes  tribus  qui  habitaient  les  plaines  de  cette  contrée  ;  il 
s'empara  de  toutes  les  villes  jusqu'à  Médéa,  inclusivement,  et, 
quand  il  eut  établi  dans  toutes  ces  localités  Taulorité  des  Méri- 
nidcs,  il  y  leva  des  troupes  et  les  envoya  au  camp  d'Abou-1- 
Hacen.  Ces  renforts  furent  si  considérables  qu'ils  surpassèrent  en 
nombre  le  reste  de  l'armée 

LbOuanchertch  ctlo  pays  des  Hachem  toudjtnides  reçurentalors 
leurs  gouverneurs  des  Mérinides  :  Sdd-lbn-Selama*Ibn-Alî  fut 
nommé  au  commandement  des  Beni-Idiel  ten  et  chargé  de  veiller  à  la 
conduite  du  gouverneur  de  Taoughzout.  Sâd  avait  abandonné  le 
service  d'Âbou-Tacheftn  antérieurement  au  départ  d'Âbou-'U 
Hacen  pour  cette  expédition  :  jaloux  de  la  haute  faveur  dont  son 
frère  et  rival,  Mohammed-lbn-Selama,  jouissait  h  la  cour  de 
Tlemceo,  il  s'était  décidé  à  passer  en  Maghreb. 

Le  sultan  mérinide  établit  aussi  des  gouverneurs  dans  le  pays 
du  Chelif  et  dans  toutes  les  autres  provinces  du  Maghreb  centrai. 
Il  fonda  [rebâtît],  auprès  de  Tiemcen,  la  Yille-Neuve  pour  lui  ser«- 
vir  de  résidence,  ainsi  qu'à  ses  troupes,  et  il  lui  donna  le  nom 
d^El'Mansoura^.  Autour  de  la  capitale  abd*el-ouadite,  vouée 
maintenast  à  la  destruction,  il  lira  une  ceinture  de  murailles  et 
un  fossé.  Derrière  le  fossé  il  posa  ses  catapultes  et  autres  machi- 
nes de  guerre,  et,  sur  le  bord  antérieur,  il  construisit  plusieurs 
tours  dont  chacune  avait  en  face  une  des  tours  de  la  ville.  Du 
haut  de  ces  édifices  les  archers  mérinides  lancèrent  des  traits 
sur  les  archers  abd-el-ouadites  et  les  obligèrent  à  s'occuperuni- 
quementdeleur  propre  sûreté,  pendant  que  les  assiégeants  bfl* 
tissaient  d'autres  tours  plus  rapprochées  de  la  ville  et  assez  éle- 
vées poqr  en  dominer  les  remparts.  De  cette  manière  ,  ils 
poussèrent  en  avant  leurs  ouvrages  jusqu'à  ce  que  leurs  demie* 
res  tours  couronnèrent  la  contrescarpe  de  la  place.  Les  combat- 


^Ct-devaDl^  pige  113. 


^2i  msToiRG  \jes   berbères. 

(ants  se  trouvèrcut  eiiPin  tcllcrncnt  rapprochés  qu'ils  purent  se 
battre  tlu  haut  de  leurs  tours  à  coups  d'épée.  Ou  fil  alors  avan- 
cer les  catapultes  et  on  les  lira  sur  la  ville  avec  un  effet  prodi- 
gieux. 

De  jour  en  jour  la  guerre  devenait  encore  plus  acharnée,  et 
Tiemcen  se  trouvait  de  plus  en  plus  reserré.  Chaque  matin,  le 
suUan  faisait  le  tour  de  la  ville  pour  voir  si  ses  soldats  étaient  à 
leurs  postes,  et,  quelquefois,  dans  ces  promenades,  il  s'éloignait 
de  son  escorte.  Les  Âbd-el-Ouadites  s'en  étant  aperçus,  crurent 
que,  dans  une  de  ces  occasions,  il  leur  serait  facile  de  surprendre 
leur  ennemi>.  Quand  ils  eurent  arrangé  leur  plan,  ils  postèrent  un 
corps  de  troupes  derrière  la  parlie  de  la  muraille  qui  fait  face  à 
la  montagne  [des  Beni-Ourntd]  et,  au  moment  où  le  sultan  faisait 
sa  tournée  habituelle,  ils  ouvrirent  les  portes  et  lancèrent  sur 
lui  leurs  guerriers  les  plus  braves.  Le  sultan  s'enfuit  vers  le  pen- 
chant de  la  montagne  et  il  s'engagea  dans  un  terrain  tellement 
entrecoupé  qu'il  était  sur  le  point  de  mettre  pied  à  terre,  lui  et 
son  compagnon,  Arif-lbn-Yahya,  émir  des  Soueid.  L'alarme  fut 
donnée  dans  le  camp,  les  deux  fils  du  sultan,  Âbou-Abd-er*Rah- 
man  et  Âbou-Malek,  montèrent  h  cheval  ;  de  tous  les  côtés,  le$ 
cavaliers  mérinides  se  précipitèrent  sur  leurs  pas,  forcèrent  les 
Abd-el-<Ouadites  à  reculer,  tout  en  les  empêchant  de  gagner 
leurs  points  de  ralliement,  et  ils  réussirent  à  les  culbuter  dans 
les  fossés  de  la  ville.  Le  nombre  de  gens  qui  y  furent  étouffés  et 
écrasés  dépassa  celui  des  morts  qui  étaient  restés  sur  le  champ 
de  bataille.  Dans  celte  journée  fatale,  les  Abd-el-Ouadites  per^^ 
dirent  Omar-lbn-Othman,  chef  desHachemtoudjinides,  Moham* 
med-Ibn*Selama,chef  des  Beni-Idieten,  et  presque  tous  leurs 
meilleurs  guerriers.  Les  suites  de  cette  catastrophe  furent  extrê- 
mement fâcheuses  pour  les  assiégés,  et,  depuis  ce  moment,  la  su- 
périorité des  Mérinides  ne  fit  qu'accroître.  Les  Abd«el-Ouadi^ 
les  continuèrent  néanmoins  à  sedéfendre,  quoique  bien  convaincus 
que  rien  ne  pourrait  les  sauver,  et  ce  ne  fui  que  deux  ans  après, 


Pour  fahtélehou  lisez  fahtébelmi  dans  le  Icxte  arabe. 


DYNASTIE  MÊniNIDE. —  abou-'l^hacbn.  ~    223 

qoo  le  sultan  parvÎDl  à  s'emparer  de  lear  ville.  Tlemcen  fui  pris 
d'assaut  le  27Bainadan  737  {{•'  mai  1337). 

Âbou-Tachefln,  entouré  de  ses  familiers,  s'arrdta  devant  la 
porte  de  son  palais,  et  combattit  avec  la  plus  grande  bravoure  ; 
il  y  vit  tomber  ses  fils  Olbman  et  Masoud,  son  viiir  Mouça-Ibn- 
Ali ,  eison  ami,  Abd-eUHack4bn-0lhman,  prince  mérinide  qui 
avait  quitté  la  cour  des  Hafsides  pour  venir  le  joindre.  Nous  avons 
déjà  fait  mention  de  ce  dernier  et,  plus  loin,  nous  raconterons 
son  histoire  en  détail.  Il  périt  avec  son  fils  cl  son  neveu.  Abou- 
Tachofin,  affaibli  par  de  nombreuses  blessures,  fut  pris  par  quel- 
ques cavaliers  qui  remportèrent  avec  l'intention  de  le  présenter  au 
sultan;  mais  l'émir  Abou-Abd-er-Rahman  qui,  dans  toute  la  mê- 
lée, s'était  montré  au  premier  rang,  rencontra  ce  cortège  et, 
comme  la  rue  en  était  encombrée,  il  fît  trancher  la  tête  au  prison- 
nier. Le  sultan  fut  très-mécontent  de  cet  acte,  car  il  espérait 
avoir  le  plaisir  d'insulter  son  ancien  ennemi  et  de  l'accabler  de 
reprociies. 

Pour  éviter  le  tumulte  ducombat,  les  habitants  se  précipitèrent 
en  foule  vers  la  porte  du  kiosque  (Bah-Kochouc)  et  une  multi- 
tude d'entre  eux  y  mourut  écrasés.  La  ville  fut  livrée  au  pil- 
lage, et  beaucoup  de  familles  eurent  à  souffrir  les  plus  graves  at- 
teintes dans  leurs  biens  et  dans  leurs  harems.  Les  muftis  de  la 
ville,  Abou-Zéid  et  Abou-Mouça,  surnommés  les  Fils  de  l'Imam, 
furent  invités  à  se  présenter  devant  le  sultan  qui,  s*étant  installé 
dans  la  grande  mosquée  avec  sa  suite,  désirait  honorer  en  leurs 
personnes  le  savoir  et  les  hommes  instruits.  Ils  firent  d'abord 
quelques  difficultés,  mais,  ayant  fini  par  obéir,  ils  comparurent 
dcvantle  vainqueur  et,  dans  une  allocution  solennelle,  ils  lui  dé- 
peignirent les  maux  de  toute  espèce  qui  venaient  d'accabler  les- 
habitants  de  U  ville.  Touché  de  leurs  remontrances,  il  sortit  à 
chevdl  et  fit  cesser  le  désordre,  en  ordonnant  à  ses  soldats  et  à 
ses  partisans  d'épargner  le  peuple  et  Je  mettre  un  terme  aux 
actes  do  violence.  La  conquête  achevée,  il  rentra  au  camp  de  la 
yille-Neuve  [d'EUMansoura]. 

Abou-Hohammed-Abd-Allah-lbn-Tafraguto,  qui  avait  été  en- 
voyé h  la  cour  mérinide  par  le  sultan  halside  afîn  de  renouveler 


9âi  HISTOIRE     DKS     BfiRBblIBS. 

]e  traité  d'alliance  entre  les  deux  nations,  assista  à  la  conquête 
de  TIemcen  et,  sur  la  recommandation  d'Abou-1-Hacen,  il  se 
hâta  de  partir  afin  d'annoncer  cette  nouvelle  k  son  souverain.  Il 
voyagea  avec  tant  de  rapidité  qu^il  devança  les  courriers  et  des- 
cendit à  Tunisie  dix-septième  jour  après  la  prise  de  la  capi- 
tule abd-el-ouadite.  Le  sultan  Abou-Yahya-Abou-Bekr  apprit 
âvec  d'autant  plus  de  joie  la  chute  de  son  ancien  ennemi,  Abou<- 
Tachefin,  qu'il  attribua  cet  événement  à  ses  propres  démar- 
ches. 

Le  sultan  Abou-'l-Hacen  se  croyant  assez  vengé  par  la  mort 
du  souverain  de  TIemcen,  donna  une  amnistie  aux  autres  abd- 
el-Ouadites,  et  les  fit  tons  inscrire  sur  les  rôles  de  son  armée 
avec  une  solde  convenable.  Ces  nouvelles  troupes  le  suivirent 
sous  les  drapeaux  qu^ils  avaient  toujours  portés,  et  conservèrent 
leur  ancienne  orsanisation.  Tous  les  descendants  de  Ouactn ,  sa- 
voir,  les  Bcni-Mertn,  les  Beni-Abd-el-Ouad  et  les  Toudjtn,  se 
virent  ainsi  réunis  ;  Ton  peut  même  dire  que  le  sultan  avait  com- 
biné en  une  seule  nation  tous  les  peuples  d'origine  zcnatienne. 
H  distribua  ces  guerriers  dans  les  villes  du  Maghreb,  en  assi- 
gnant à  chaque  corps  la  garde  d'une  de  ses  forteresses.  Il  en 
établit  des  garnisons  dans  le  fond  du  Sous,  dans  le  pays  des 
Gbomara  et  dans  ses  possessions  espagnoles. 

Par  la  conquête  de  Tiemceo,  Abou-'l-Hacen  donna  une  grande 
étendue  à  son  empire  ;  d*abord,  roi  des  Beni-Mertn,  il  devint  roi 
desZenata,  et,  après  avoir  été  souverain  du  Maghreb-el-Acsa, 
il  se  trouva mattre  des  deux  bords  du  Détroit. 


L'ftBIE  ABOU-ÀSO-BR-EÀHlf  AN   TOMBÉ    BN  DISGBACB  A  BStIdJA,  EST 
.      MIS    A    MOET   PAE    L'OEDEB   DE    SON   PÈEB,   LE   SOLTAIV. 


Nos  lecteurs  savent  que  le  sultan  Abou-Satd  avait  engagé  les 
Hafsides  à  prendre  part  au  siège  de  TIemcen  et  que  son  succes- 
seur, Abou-'l-Hacen,  s'était  avancé  jusqu'à  Teçala  pour  y  alien** 
dre  l'arrivée  du  sultan  Abou-Yahya-Abou-Bekr.  Lors  de  sa  se- 


C0ode  expédttioD  contre  cette  ville,  Abou-'l-Hacen  ne  demanda 
pas  lear  coopération.  Pendant  le  blocus  de  Tiemcen,  Abou-Mo- 
hammed-lbn-Tafragatn,  le  ministre  hafside,  arrivait  au  camp, 
de  temps  en  temps,  afin  de  présenter  ses  hommages  au  sultan 
et  voir  comment  finirait  (a  carrière  d'Abou-Tacheftn,  leur  en^ 
Demi  commun.  Après  la  prise  delà  ville,  il*  avertit  secrètement 
Àboa*'UHacen  qne  le  sultan  de  Tunis  se  proposait  de  venir  le 
trouver  et  lai  présenter  ses  félicitations.  La  perspective  d'une 
entrevue  qui  devait  rehausser  sa  gloire  et  satisfaire  son  amour- 
propre,  décida  le  sultan  mérinide  à  se  rendre  au-devant  de  son 
îHustre  visiteur. 

fin  Tan  ?3S  (4  337-8),  il  quitta  Tiemcen  et  alla  camper  dans 
la  plaine  de  Mettdja,  pour  y  attendre  Tarrivéedu  suUan  hafside. 
Ce  monarque  avait  cependant  renoncé  h  son  projet,  sur  les  ins^ 
tances  de  Mohammed-lbn-eUHaktra,  son  premier  ministre  et  gé<- 
néralen  chef,  qui  lui  en  avait  fait  sentir  les  graves  inconvé* 
nients  :  «  Deux  sultans  ne  se  sont  jamais  rencontrés,  lui  dit-il, 
»  sans  que  l'un  ou  Vautre  n'ait  éprouvé,  le  jour  même,  un 
»  revers  de  fortune.» 

Abou-'l-Haceo  était  resté  plusieurs  mois  au  lieu  de  rendez- 
vous  qu'Ibn-Tafragutn  lui  avait  assigné  quand  il  tomba  malade- 
et  se  tint  enfermé  dans  sa  tente.  On  fît  alors  courir  dans  le  camp' 
le  bruit  de  sa  mort  el,  aussitôt,  ses  fils,  Abou*Abd-er-Rahman 
et  Abou-Halek,  se  virent  entourés  par  un  tas  d'intrigants,  véri- 
tables artisans  du  désordre*. 

Depuis  le  règne  de  leur  grand-père,  Abou-Satd,  chacun  de  ces 
deux  émirs  avaient  travaillé  de  son  côté  pour  se  faire  déclarer 
héritier  de  l'empire.  Abou-'l-Hacen,  en  montant  sur  la  trône, 
leur  avait  accordé  le  titre  et  les  priviléges^de  l'émtra/,  privilèges 


'  Le  tetxe  arabe  porte  sefirohoma  [l'ambassadeur  des  dsux)^  c'est- 
à-dire  TambaRsadeur  envoyé  par  le  sultan  de  Tunis  à  celui  de  Tempire 
marocain. 

*  Le  traducteur  a  rapporté  ici  uoc  phrase  qui,  dans  le  texte  arabe, 
•e  trouve  quelques  lignes  plus  loin. 

T.    IT.  *  <8 


226  niSTOUB  dbs  bbiibèeis. 

qtti  GODSÎsUiBQt  en  lo  droU  d'avoir  des  vizirs  et  des  seerélairo»- 
d'état,  d'apposer  aux  ordonnances  le  paraphe  impérial,  d'enr6* 
1er  des  troupes,  d'avoir  une  bande  de  cavaliers  à  sa  solde  et  on 
corps  d'armée  à  ses  ordres.  Ne  se  bornant  pas  h  les  placer  dans 
une  position  d'où  ils  pourraient  facilement  atteindre  à  l'autorité 
suprême,  le  suUan  leur  permit  de  le  remplacer  aux  séances  ron 
yales  pour  y  rendre  justice  et  ponr  promulguer  des  ordonnances; 
aussi,  se  trouvèrent-ils  possédor,  chacun  d'eux,  Taulorité  d'ua 
lieutenant-général  du  royaume* 

Égarés  par  les  gens  malintentionnés  dont  nous  avons  parlé, 
chacun  de  ces  émirs  tâcha  de  se  faire  des  amis  dans  l'armée  et  y 
envoya  plusieurs  chevaux  chargés  d'argent.  Déjà,  deux  partis 
s^étaient  formés  dans  le  camp,  quand  l'émir  Abou-Abd-er*Bab- 
man  céda  aux  instances  de  ses  vizirs  et  do  ses  courtisans, |quî  lut 
avaient  conseillé  de  saisir  le  pouvoir  avant  que  le  véritable  état 
de  son  père  fût  connu  dans  le  public.  Les  officiers  du  sultan  dé- 
couvrirent ce  projet,  en  firent  part  à  leur  maître  el  le  décidèrent 
à  se  mootrer  aux  troupes,  afin  de  prouver  qu'il  n'était  pas  mort 
ei  de  prévenir  ainsi  un  mouvement  qui  pourrait  aboutir  au  dé- 
membrement de  Pempire.  Étant  passé  dans  le  pavillon  où  il  avait 
l'habitude  de  donner  audience»  il  y  vit  arriver  tous  ses  guerriers 
qui,  ayant  su  que  leur  souverain  tenait  une  séance  de  réception, 
étaient  accourus  pour  lui  baiser  la  main*  U  fit  aussitôt  mettre  aux 
arrêts  les  militaires  dont  il  soupçonnait  la  fidélité,  et,  après  avoir 
dégradé  les  deux  émirs,  il  leur  retira  les  troupes  qu'ils  avaient 
dans  leurs  camps  respectifs.  Quand  il  eut  ainsiétouffié  le  feu  delà 
sédition  ei  déjoué  les  projets  des  intriguants,  il  rentra  dans  a« 
tej[^e. 

Frappés  d'effroi  et  de  honte,  les  deux  princes  restèreiktdans 
la  consternation  et  l'isolement;  tous  leurs  partisans  s'étant  em- 
pressés de  les  abandonner.  Abou-Abd-er-Rahman  suriout  en  fut 
profondément  affecté  :  ne  pouvant  vaincre  ses  appréhensions, 
il  s'évada  du  camp,  pendant  la  nuit,  et,  le  lendemain,  il  arriva 
chez  les  Aulad-Zoghli,  émirs  des  Arabes  zoghbiens  qui  habitaieoi 
la»  plaine  du  Hamza.  Arrêté  sur-le-champ  par  l'émir  Houça-Iba- 
Abi-'l-Fadl,  il  fut  ramené  à  son  père  qui  Penvoya  dans  la  prison 


VTlfASTIl  lltElXlIDI. — ABOU-*L-HACBlf.  327 

^'Oodjda.  En  l'an  742  (1331-2)^  ee  malbeureax  trompa  la  sur- 
veillance des  servitears  que  le  saltan  avait  préposés  à  sa  garde 
eltoale  geôlier  [en  essayant  de  s'échapper].  A  celle  nouvelle 
le  sultan  Git  partir  son  chambellan,  AllaUlbn-Mohaoïmed,  avec 
l'ordre  de  lui  6ter  la  vie.  Zian-lbn*Onar-eI-Outaci ,  vizir  de  cet 
émir  tafortuaé,  alla  se  mettre  sous  la  protection  des  Bafai- 
des. 

Leleudeoiain  de  la  fuite  d'Abou-Abd-er*Rabmaa,  le  suhaa 
pardonna  à  Témir  Abou-Malek,  Tenvoya  en  Espagne  pour  y  pren* 
dre  le coramandemeot  des  possessions  raérinide^  et  revint  loî- 
nérne  è  Tlemceo^ 


UÉVOLTir  D'iSR-olDOlJa,    IHTOSTSVII  t^OI   SB   DOlfllA  POVK  l'zurt 

▲BOU-ABD-EI^-RAHHAK. 


LorsdeVarrestation  d^Abou-Abd-er-Rahman,  ses  domesliqaes 
et  ses  serviteurs  prirent  la  fuite  en  se  dispersant  de  divers  côtés^ 
et  le  nommé  Ibn-HIdour,  boucher  employé  dans  la  cuisine  de 
«et  émir,  auquel  il  ressemblait  beaucoup,  s^échappa  à  tous  lesre« 
gards,  et  passa  chec  les  Béni- Amer.  Cette  tribu  zoghbienne  était 
alors  eu  pleine  révolte  parce  que  le  sultan  et  sou  père  avaient 
accordé  leur  amitié  à  Artf-lbn-Yahya,  émir  des  Soueid ,  tribu 
toujours  en  hostilité  avec  les  Beni-Amer. 

La  faveur  dont  jouissait  ArtC  avait  commencé  à  l'époque  où  il 
abandonna  Abou-Tachefin  pour  se  joindre  aux  Mérinides.  Les 
Beai-Amer  montrèrent  alors  leur  esprit  d'insubordination  et  se 
jetèrent  dans  lo  Désert  sous  la  conduite  de  leur  chef,  Sogheir-lbn- 
Amer  et  de  ses  frères.  Ouenzemmar-tbn«Artf ,  eommand«bt  de  tous 
les  peuples  nomades  de  l'empire,  reçut  du  sultan  Tordre  de  mar* 
«her  contre  eux,  et,  s'élant  mis  à  la  tète  des  troupes  qu^il  avait 
rassemblées,  il  les  poursuivit  avec  tant  d'acharnement  qu'il  réusr- 
sit  plusieurs  fois  à  leur  infliger  un  châtiment  sévère. 

Le  boucher  dont  nous  venons  de  parler  étant  arrivé  chez  les 


228  niSTOlRB    BKS    BERBfiKBS. 

Beni-AmcrS  se  donna  pour  l'émir  Abou-Âbd-cr-Rahman,  et,  fe* 
ayant  trompés  par  sa  ressemblance  avec  ce  prince,  il  les  décida 
h  lui  prêter  le  serment  de  fidélité  et  à  pénétrer  avec  loi  dans  le 
territoire  de  Médéa.  Modjahed,  client  da  sutlan  et  commandant 
de  cette  place  forte,  sortit  pour  leur  livrer  bataille ,  mais 
ses  troupes  furent  mises  en  déroute  et  il  dut  prendre  la  fuite 
avec  elles.  Ouenzemmar  réunit  alors  un  corps  d'armée  pour 
combattre  les  insurgés,  et,  ceux-ci,  en  ayant  été  avertis,  sor- 
tirent de  la  province  de  Médéa  et  se  dispersèrent  en  déclarant 
k  leur  protégé  qu'ils  ne  pouvaient  plus  le  soutenir. 

L'imposteur  se  réfugia  alors  au  milieu  des  Beni-lraten*,  peu- 
plade zouaouienne,  et  obtint  l'appui  de  Chiroci,  femme  qui  exer- 
çait le  commandement  de  cette  tribu.  D'après  les  instructions  de 
leur  maîtresse,  les  Béni- Abd-es-Samed,  famille  des  Irateo,  re- 
connurent' l'autorité  du  prétendant.  Bien  tôt  le  bruit  se  répandit 
que  l'émir  Abou-Abd-er-Rahman  avait  reparu.  Les  uns  y  ajou* 
tèrent  foi,  les  autres  le  traitaient  de  mensonge  ;  les  Iraten  eux- 
mêmes  finirent  par  découvrir  que  leur  protégé  les  avait  gros* 
sièrement  trompés. 

Repoussé  par  cette  iribu,  Ibn-Htdour  alla  trouver  les  Doua- 
ottida,  émirs  des  Biah,  et  s'étant  arrêté  cher  leur  chef,  Yacoub- 
Ibn-Ali,  il  lui  fit  accroire  qu'il  était  le  fils  du  sultan  et  le  décida  h 
lui  accorder  sa  protection.  Le  sultan  bafside.Abou- Yabya-Abou- 
Bekr,  auquel  le  sultan  Abou-'I-Hacen  avait  envoyé  Ides  rensei- 
gnements au  sujet  de  cet  aventurier,  s'adressa  à  Zfan-Ibn-Omar, 
ancien  vizir  d'Abou-Abd-er-Rahman  e^  alors  réfugié  h  la  cour 
de  Tunis,  et  lui  ordonna  d'aller  voir  Yacoub-lbn-Ali  et  de  lui 


*  Le  texte  arabe  porte  de  plus  :  qui  s'étaient  révoltés  contre  son  père, 
le  sultan  Abou-'l-Hacen.  Comme  ce  fait  a  déjà  éié  indiqué,  le  traduc* 
teur  a  cru  joutite  de  le  menlionner  Ici .  Plusieurs  répétitions  semblables^ 
qui  se  présentent  dans  le  texte  de  l'ouvrage,  ne  paraissent  pas  dans 
la  traduction . 

sVov.  tomei,  pageiS*/. 

s  Dans  le  texte  arabe,  il  faut  lire  au  passif  le  verbe  hml. 


dévoilar  l'imposture.  Qaand  Yacoub  apprit  toate  la  perversité 
de  son  h6te,  il  le  conduisit  à  Ceuta,  avec  ses  affidés,  et  les  livra 
au  sultan  mérinide.  Par  l'ordre  de  ce  menai  que  on  coupa  au  pri- 
sonnier une  main  et  un  pied  des  côtés  opposés,  et  on  lui  accorda, 
ensuite  une  pension  pour  son  entretien.  Dès-lors,  Ibn-Hidour 
continua  à  habiter  le  Maghreb  et  il  y  mourut  en  l'an  768 
(1366-7). 


l'bhii  âbou'Malsk  mbuht  un  combattant  lis  cbhbtibrs* 


Après  s'être  débarrassé  de  son  ennemi  [le  souverain  de  Tlem« 
oen],  Abou«'l-Hacen  termina  prompleraent  les  a&ires  qui  sur* 
▼lurent  après  la  victoire,  et,  pour  satisfaire  ii  une  passion  domi- 
nante chez  lui,  il  résolut  d'entreprendre  une  guerre  sainte.  De- 
puis le  règne  de  TooçoMbn-Tacoub,  les  Mërinides  eurent  tant 
à  faire  chez  eux  qu'ils  donnèrent  aux  chrétiens  l'occasion  d'obte* 
nir  la  supériorité  sur  les  musulmans  de  TAndalousie.  Ainsi,  le  roi 
[de  Castille]  leur  enleva  plusieurs  forteresses,  et  s'empara  de6i« 
brallar[en709| —  1309);  puis,  il  assiégea  le  sultan  Abou-'l-OuélId 
dans  la  capitale  de  l'empire  grenadin,  l'obligea  à  payer  lacapita* 
tion  et  se  disposa  à  soumettre  tous  les  vrais  croyants  qui  habi- 
taient l'Espagne. 

Le  sultan  Abou-'l-Hacen,  ayant  en6n  vaincu  ses  ennemis  et 
agrandi  son  royaume,  prit  la  résolution  de  faire  la  guerre  aux 
infidèles  et,  en  l'an  74(r(t  339-40),  il  en  avertit  son  fils,  Abou- 
Malek,  qui  commandait  alors  les  forteresses  mërinides  de  l'Espa- 
gne, et  lui  envoya  l'ordre  d'envahir  le  territoire  do  Tennomi.  il 
lui  expédia,enmâme  temps,  de  la  capitale,  un  corps  de  renforts 
et  plusieurs  vizirs.  Abou-Malek,  pénétra,  h  la  tdto  d'une  armée 
nombreuse,  dans  les  étals  du  roi  chrétien  et  y  répandit  la  dévas- 
tation; ensuite  il  revint  avec  les  prisonniers  et  le  buifu  jusqu'il 
la  frontière  et  y  dressa  son  camp.  Les  officiers  sous  ses  ordres 
apprirent  que  les  chrétiens  avaient  réuni  leurs  forces  et  s'a- 
vançaient rapidement;  aussi,  lui  conseillàrent-ils  d'évacuer  lo 


t30  HISTOIM   DBS   BBHBllKS. 

territoire  derenoen»,  de  rentrer  dans  celui  des  musulTnans  eir 
traversant  la  rivière  qui  les  séparait,  et  d'abriter  ses  troupes  dans 
les  villes  appartenant  au  s  vrais  croyants.  Trop  fier  pour  reculer 
«i  trop  jeune  pour  avoir  rexpéricnce  nécessaire  dans  la  conduite 
d^ne guerre,  ce  prince,  aussi  enlétéque  brave,  résolut  de  bi-' 
vaquer  dans  la  position  où  il  se  trouvait.  Il  en  résulta  que  les  Mé- 
rinides,  surpris  dans  leur  camp  par  l'arnoée  chrétienne,  s^éveti-» 
lèreut  en  sursaut  et,  avant  de  pouvoir  quitter  leurs  tentes  et  nran- 
ter  à  cheval,  ils  forent  presque  tous  taillés  en  pièces.  L'émir 

Abou-Malek  lui-même  tomba  mortellement  blessé  an  moment  où 
il  allait  se  mettre  en  selle.  Les  chrétiens  s'emparèrent  de  toutes 
les  richesses  que  le  camp  renfermait  et  s'en  retournèrent  d^ns 
leur  pays. 

Le  sult&n  apprit  avec  douleur  la  mort  de  son  (ils,  mais  il  trou- 
va une  consolation  dans  la  pensée  que  ce  jeune  homme  avait  suc- 
combé en  combattant  pour  la  foi  et  qu'il  obtiendrait  de  Dieu  une 
ample  récompense.  Alors,  sans  perdre  de  temps,  il  lit  passer  une 
autre  armée  en  Espagne  etéqnipa  une  flotte  pour  combattre  le» 
infidèles. 


LA   FLOTTE  UCSULMARE    RBMf>ORTB    UNE   YICTOIRV   SUR   C;ELLB   DC8 
CHRÉTIENS.    MORT   DE   l'aUULBUD. 


Quand  le  sultan  apprit  la  mort  de  son  fils,  il  envoya  ses  viiirB 
dans  les  villes  maritimes  afin  de  présider  h  l'équipement  de  ses 
vaisseaux  de  guerre.  H  ouvrit  en  môme  temps  le  bureau  de  solde 
etd'enrfriements  ;  puis,  ayant  passé  ses  troupes  enrevne,  il  pour- 
vut h  tous  leurs  besoins,  appela  aux  armes  les  diverses  popula- 
tions du  Maghreb  et  partit  pour  Geuta  avec  l'intention  de  sur- 
veiller en  personne  les  préparatifs  de  cette  nouvelle  expédition. 
Les  chrétiens,  do  leur  côté,  se  disposèrent  à  faire  une.  vigou- 
reuse résistance,  et  )eur  roi  envoya  une  flotte  dans  le  Détroit  afin 
d*en  empêcher  le  passage. 

Pendant  que  le  souverain  mérinide  pressait  l'armement  des 


DYNA8TIB    ■ftHlHIDI.  —  ABOD-^t-HACSK.  834 

navires  qui  se  trouvaient  dans  ses  ports,  les  Hafsides  lui  expé- 
dièrent, sur  sa  demande,  la  (lotte  de  l'IfrtkYa,  composée  de  seixe 
bâtiments  et  commandée  par  Zeid-Ibn-Perhoun,  chef  de  la  ma- 
rine de  Bougie.  Cette  escadre,  dont  les  navires  avaient  été  four- 
nis par  les  ports  de  l'Ifrlkïa,  tels  que  Tripoli,  Cabes,  Djerba, 
Tunis,  Bône  et  Bougie,  vint  mouiller  à  Ceuta.  La  flotte  des  deux 
Maghrebs,  au  nombre  d'uno  centaine  de  navires,  s^y  rassembla 
aussi. 

Lo  sultan  ayant  comploté  l'équipement  de  son  armée  navale, 
en  donna  le  commandement  b  Mohammed>Ibn-Ali*el-Âzefi,  le 
même  qui  gouvernait  h  Ceula,  lors  de  la  prise  de  celte  ville,  et 

lui  ordonna  d'attaquer  les  chrétiens  dans  le  Détroit.  Les  musul- 
mans endossèrent  leurs  cottes  démailles,  saisirent  leurs  armes  et 
se  portèrent  à  la  rencontre  de  Tennemi.  Dès  deux  cAtés,  Ton  s'ar- 
rêta pendant  quelques  minutes  ;  pois  Pon  s'avança  pour  accro- 
cher les  navires  de  l'adversaire  et  commencer  le  combat.  Dana 
moins  de  temps  qu'il  n'en  aurait  fallu  pour  dire  deux  mots*,  la 
victoire  se  déclara  pour  les  vrais  croyants  qui,  s'étaot  élancés  à 
l'abordage,  massacrèrent  les  équipages  à  coups  de  pique,  à  coups 
d'épée  et  jetèrent  les  cadavres  à  la  mer.  Almilend*,  caïd  des  cbré- 
tiens,  fut  tué  dans  celte  bataille.  On  prit  à  la  remorque  les  navi- 
res enlevés  à  l'ennemi  et  on  les  conduisit  à  Ceula,  où  une  foule 
de  monde  s'était  rassemblée  pour  voir  ce  beau  spectacle.  On  porta 
ensuite  en  triomphée  travers  tous  les  quartiers  de  la  ville  un 
grand  nombre  de  tètes  que  Ton  avait  coupées  aux  chrétiens,  et  on 
enchaîna  les  prisonniers  dans  l'arsenal. 

A  la  suite  de  cette  victoire,  le  sultan  tint  une  grande  séance 
afin  de  recevoir  les  compliments  de  son  peuple  et  d'entendre  les 
poètes  célébrer  h  Tenvi  cette  glorieuse  journée. 


1  II  m  I    m  n  ». 


'  A  la  lettre  :  il  n'y  avait  qne  comme  non  et  non,  Voy.  sur  le  sens 
de  celle  expression  le  commcotaire  de  Hartri,  deM«  deSacy,  page  J^^ 

*  Don  Alfonse  Géofroi  do  Téooiio,  Amirantêde  Caslille. 


2^3  mSTOiRE  DES  BIRVftBIf . 


PBFAITE    DES   MUSULMANS    SOUS    L£g  MURS   hK    TAllFJ». 


Après  avoir  défait  la  flotte  chrélienoe  et  ouvert  le  Détroit,  kr 
sultan  se  mit  à  faire  transporter  en  Espagne  les  guerriers  cpi'U 
avait  pris  à  sa  solde,  pendant  que  la  flotte  musulmane  se  rangeai! 
sur  une  seule  ligne  ,  d'un  continent  è  Tautre.  Quand  tonte  l'ar- 
mée eut  traversé  le  Détroit,  Abou-U-Hàcen  la  suivît  avec  ses  fa- 
miliers et  ses  domestiques,  et,  vers  la  Hn  de  l'an  740  (juin  (340), 
il  débarqua  dans  le  voisinage  de  Tarifa.  Ayant  fait  camper  se» 
troupes  dans  les  environs  de  la  place,  il  commença  tes  opéra- 
tions du  sîége  et  [bientôt  après]  il  reçut  le  secours  d'une  puis* 
santé  armée  commandée  par  le  sultan  de  l'Andalousie,  Abou-'f- 
Haddjadj,  fils  du  sultan  Abou-'l-Ouélîd.  Ces  renforts,  composés 
de  troupes  zenatienncs,  des  garnisons  tirées  des  places  frontières 
et  de  gens  de  la  campagne,  prirent  position  en  face  de  l'armée 
mérinide  et  complétèrent  ainsi  l'investissement  de  Tarifa. 

Pendant  que  les  assiégeants  employaient  contre  la  ville  toutes 
les  ressources  de  l'art  militaire  et  qu'ils  dressaient  tears  machi- 
nes pour  l'attaque,  une  nouvelle  flotte,  équipée  par  te  roi  chré- 
tien, entra  dans  le  Détroit  et  empêcha  Uarrivée  des  convois  qui 
devaient  alimenter  Tàrméo  musulmane.  On  persista  néanmoins 
h  presser  le  siège,  malgré  la  disette  de  vivres  et  de  fourrages, 
malgré  l'aflaiblissement  des  bétes  de  somme  et  la  misère  qui  ré- 
gnait dans  le  camp. 

•  Le  roi  [de  Ce  stille]  se  mit  alors  à  la  tête  des  peuples  chrétiens 
et,  quand  il  eut  opéré  sa  jonction  avec  l'armée  d'El-Bortugal*,  sei- 
gneur d'Ichbona*  et  de  l'Andalousie  occidentale,  il  marcha  contre 
les  vrais  croyants  qui  avaient  déjà  passé  six  mois  sous  les  murs 
delà  place.  S'étant  rapproché  de  leur  camp,  il  profita  d'une  nnit 


I  Don  Alfonse  IV,  roi  de  Portugal. 
*  Jchbona,  le  nom  arabe  de  Lisbonne. 


BTITASTII  HftBUflM.—  AM>V**L-  BACUI.  t33 

obscure  pour  faire  passer  dans  Tarifa  un  délachemeni  de  son  ar- 
mée. Les  troupes  masolcnanesqu'onavait  chargées  de  veiller  aux 
mouvements  deTenoemine  s'aperçurent  de  rien  qu'au  point  du 
jour,  et,  s'étant  alors  précipitées  sur  Tarrière-garde  de  la  colon* 
ne  chrétienne  avant  qu'elle  f6t  entrée  dans  la  ville,  elles  en  tuè- 
rent une  partie.  Craignant  ensuite  la  colère  du  sultan,  elles  lui 
cachèrent  la  vérité  et  l'assurèrent  que  rien  n'avait  pénétré  dans 
la  forteresse,  excepté  la  petite  troupe  qu'elle  venait  d'attaquer. 
Au  lendemain,  l'armée  du  roi  chrétien  s'avança,  et  le  sultan  dis- 
posa la  sienne  en  ordre  de  bataille.  Aussitôt  que  le  combat  fut 
bien  engagé,  la  colonne  qui  s'était  introduite  dans  Tarifa  et  qui 
s'y  tenait  cachée,  fit  une  sortie  contre  le  camp,  en  se  dirigeant 
vers  les  tentes  du  sultan.  Elle  tailla  en  pièces  les  soldats  qui  s'y 
tenaient  de  garde  et  qui  avaient  tâché  de  la  repousser  k  coups 
de  flèche  :  toutes  les  femmes  qui  essayèrent  de  résister  forent 
tuées;  celles  du  sultan  furent  massacrées  et  dépouillées.  Tel  fut 
le  triste  sort  d'Âïcha ,  cousine  du  sultan  et  fille  d'Abou«Yahya* 
Ibn-Yacoub,  ainsi  que  de  Fatema,  fille  d'Abou-Yabya-Abou- 
Bekr,  souverain  de  l'ifrtkïa*.  Les  troupes  musulmanes,  s'étaat 
aperçues  de  ce  qui  se  passait  derrière  elles,  et  voyant  que  leur 
camp  était  déjà  en  feu ,  perdirent  leur  ordre  de  bataille  et  pri- 
rent la  fuite.  Déjè,  un  fils  du  sultan*  s'était  jeté  au  milieu 
de  l'armée  ennemie,  à  la  tête  de  ses  gens,  et  y  avait  été 
fait  prisonnier.  Le  sultan  lui-même  tourna  le  dos  et  alla  rejoin- 
dre le  corps  de  l'armée  musulmane.  Dans  cette  malheureuse  jour- 
née beaucoup  de  nos  guerriers  trouvèrent  la  mort. 

Le  roi  chrétien  étant  entré  dans  le  camp,  s'arrêta  auprès  de  la 
tentedu  sultan  et  exprima  le  plus  vif  mécontentement  de  ce  qu'on 


I  «  Fatime,  fille  do  roi  de  Tunis,  et  première  femme  d*All>oacen 
»  (il6eu-'/-Jïi(icea),  fut  tuée  dan«  une  tente  sans  être  connue.  On  fit 
9  prisonnière  une  de  ses  sœurs  et  trois  autres  femmes  d*Alboaoen.»— 
{Ferreras.) 

*ll  se  nommait  Abamar  {Abou-Amer) ,  selon  Ferreras. 


S3i  HISTOIHl     DBS    miBllBB. 

y  avftii  massacré  les  femmes  et  les  eofanls.  Ay  Bat  main ieMOi at- 
teint le  bat  de  son  expédition,  il  s'en  retourna  dans  son  pays,  ei 
le  souverain  de  Grenade  parvint  k  rentrer  dans  sa  capitale.  Le 
sallan  niérinidese  réfugia  dans  Algéclras,  d*oii  il  se  rendit  k  Gi- 
braltar et,  la  même  nuit,  il  s'y  embarqua  pourCeuta. 

En  soumettant  les  vrais  croyants  h  cette  double  épreuve,  Dieu 
leur  réserva  une  ample  indemnité  dans  l'autre  monde  et  leur 
laissa  Tespoir  de  triompher  à  leur  tour. 


LB   BOr  CHRËTnSN   BKtkTE   BL-CALA   AU    SULTAN   DB   GBBIIADB   BT 

BÉDUrr   ALGtCniAS. 


Le  roi  chrétien  étant  rentré  dans  son  pays,  après  la  bataille  de 
Tarifa,  attaqua  de  nouveau  les  musulmans  de  l'Andalousie,  dans 
Tespoir  de  les  vaincre  sans  diflicuUé.  Ayant  rassemblé  les  trou- 
pes de  la  chrétienté,  il  mit  le  siège  devant  Galâ-Beni-Satd  *  for- 
teresse delà  province  de  Grenade,  à  une  journée  de  marche  de  la 
capitale.  Par  l'emploi  de  ses  machines  de  guerre  et  d\ine  foule 
d^ouvriers,  il  réduisit  celle  place  &  la  dernière  extrémité  et  mit 
la  garnison  dans  la  nécessité  de  se  rendre  à  discrétion,  pour  ne 
pas  mourir  de  soif.  En  Tan  742  (1341-2),  la  Cala  succomba  ; 
Dieuayant  voulu  convertir  en  amertume  tout  le  bonheur  des  mu- 
sulmans. Cette  conquête  achevée,  le  vainqueur  repartit  pour  son 
pays. 

Quant  au  sultan  Abou-'l-Hacen,  il  alla  débarquer  à  Geata  afin 
de  préparer  une  nouvelle  expédilîon  et  de  prendre  ainsi  sa  re- 
vanche. Pendant  que  ses  agents  parcouraient  les  villes  du  Ma- 
ghreb pour  y  lever  des  troupes,  ses  eaids  visitaient  les  ports  de 
mer  et  pressaient  l'armement  d'une  nouvelle  flotte.  Dans  peu  de 


1  Al;ala  la  Real,  ëUuéeà  une  journée  de  œarche  au  N.  0.  de  Gre- 
nade. 


temps  OD  équipa  «n  nombre  considérable  de  navires,  et  le  sufUati 
revint^  à  Ceula  i^oiir  les  inspecter  et  pour  faire  traosporter  son 
armée  eo  Espagne.  Le  vizir  Asker-Ibo-Tahadrlt  fut  nommé  général 
9n  chef,  et  son  parent»  le  vizir  Mohammed -Ibn-et*Abbds-Ibn-Ta- 
hadrtl^futdéclaré  gouverneur  d'Algéciras.  Quand  cette  armée  eut 
passé  le  Détroit,  le  sultan  lui  envoya  un  renfort  commandé  par 
Mouça^IbQ^IbrahJm^-eMrntani,  officier  qui  rempliamt  k  la  coor 
les  fonctions  de  vizir. 

I^e  roi  chrétien  eut  oonnaissanco  de  ces  préparatifs  et  envoya 
sa  flotte  dans  le  Détroit  pour  combattre  celle  des  musulmans. 
Dans  cette  rencMiire,  Dieu  mit  encore  les  vrais  croyants  è  une 
sévère  épreuve  :  sn  grand  nombre  d'eotreenx  trouva  le  martyre 
et  leschrétiens  demeurèrent  mattres  de  la  mer.  Alors,  le  roi  quitta 
Séville,  k  la  télé  d'mie  armée  immense  et  marcha  snr  Algéciras 
dans  l'ospoir  de  lui  faire  subir  le  sort  de  Tarifa  et  de  Tincorpo* 
rer  dans  ses  états.  Secondé  par  une  foule  d'ingénieurs  et  d*ou« 
vriers,  il  mit  le  siège  devant  ce  port  de  passage,  ce  point  d'abor* 
dage  pour  les  navires  musulmans;  il  le  tint  bloqué  pendant  si 
longtemps  que  son  armée  Gnit  par  se  construire  des  maisons  en 
}kns» 

Abou-*l-Haddjadj,  sultan  de  Grenade,  se  porta  avec  l^armée  an* 
dalousienne  en  avant  de  Gibraltar,  afin  de  couvrir  cette  place  im- 
portante. Abou-'l-Hacen  se  tint  dans  Ceuta  d'où  il  fait^ail  passer 
en  Espagne  de  Targent,  des  grains  et  des  cavaliers,  à  U  faveur 
de  la  nuit,  toutes  les  fois  qu'il  pouvait  tromper  la  vigilance  de  la 
flotte  ennemie.  Ses  efforts  furent  inutiles  :  la  ville,  serrée  de 
près  et  en  proie  à  Ic^  famine,  devait  succomber.  Abou-4-Baddjadj 
fît  alors  une  tentative  pour  obtenir  la  paix  :  il  fit  partir  uo  agent 
muni  d'un  sauf-conduit  du  roi  et  chargé  d'aller  trouver  le  sultan 
et  l'entretenir  à  ce  sujet  ;  mais  son  navire  fut  perfidement  attaqué 
par  plusieurs  vaisseaux  chrétiens  que    le  roi  avait  envoyés* 


Probablement  de  Fez. 


*  Ce  navire  ou  galère  aurait  été  enlevé  par  Tamiral  de  la  flotte  chré- 
tienne si  le  roi  Don  Alphonse  n'eût  donné  des  ordres  formellement  con« 


S36  ■IftTOIM    DU    BIMÈUf. 

pour  hnteroepté^.  CeDefaiqa'apràsavoirsoalenu  UDrudecom» 
bai  et  éprouvé  des  angoisses  mortelles  qae  les  masnlmans  par- 
vioreot  k  regagner  le  rivage. 

Les  troapes  mérînides  enfermées  dans  Àlgéciras  furent  enfin^ 
rédaitesk  une  telle  extrémité  qu*elles  offrirent  d*évacoerla  plaee 
moyennant  une  honorable  capitalation.  Le  roi  accepta  les  condi- 
tions, les  remplit  fidèlement  et  renvoya  la  garnison  en  Maghreb. 
Algéciras  succomba  en  Tan  743  (1 342-3).  * 

Le  sultan  accueillit  ces  guerriers  avec  une  bonté  qui  leur  fit 
oublier  les  maux  qu'ils  avaient  soufferts,  et  leur  distribua  tant  de 
robes  d'honneur,  de  montures  et  de  gratifications  que  tout  le 
monde  en  fut  émerveiHé  ;  mais  il  fit  emprisonner  le  vixir  Asker* 
Ibn-Tahadrlt  pour  le  punir  de  n'avoir  pas  repoussé  l'ennemi; 
ce  qui  lui  aurait  été  tràs«- possible  avec  les  troupes  qu'il  avait  à 
sa  disposition. 

Rentré  dans  sa  capitale,  Abou*'l-Hacen  demeura  profondé- 
ment convaincu  que  la  cause  de  Dieu  finirait  par  triompher  et 
que  le  Tout-Puissant  remplirait  sa  promesse,  en  accordant  aux 
musulmans  un  retour  de  fortune^  et  à  la  religion  un  proébaio 
triomphe  ;  cor  Dieu  complétera  la  manifeetaiian  de  sa  lumtàre, 
malgré  les  tnfidiles  * . 

U8  PILS  D'aBOU-'L-OLà    SI   BBlTOBiCT    àDPBAS  DO  SULTAN   BT 
OBTBNHBirr  LBUB  GBACB   PaB  SCITB  DB  L^INTBBCBSSIOlf  DO   SOU- 

YBBAllf  UAFSIDB. 

Othman-*lbn-Abi-'l-01A,  prince  mérinide  descendu  d'Abd-el- 


trafres.  Malgré  la  défense  du  roi,  ajoute  Ferreras,  un  oevea  de  l'Ami- 
raote,  appelé  Valeotin,  sacrifiant  à  sa  cupidité  l'honneur  du  prince, 
attaqua  avec  furie  la  galère,  mais  celle-ei  se  défendit  vigoureusement 
et  parvint  A  joindre  la  flotte  musulmane.  Valootio  s'enfuit  pour  éviter 
le  Juste  chÀlimentaaqntlil  devait  s'attendre  de  la  part  du  roi. 

^Corariy  sourate  6t,  verset  8.  Dana  le  texte  arabe  d'Ibn-Rhaldoun 
il  faut  lire  el-kQ/iroun. 


DTKASTIt  XtRlRlM.— ABOC-VhACIK.  {37 

Baok,  ëiaiichef  des  Volontaires  de  la  foi,  corps  teoato-berbere 
qoî  servait  dansl'Aodaioasie.  Il  s*y  était  acqais  ooe  haute  renom- 
mée  en  défendant  les  frontières  contre  les  chrétiens,  en  faisant 
des  Gonrsea  dans  le  territoire  de  Pennemi  et  en  partageant  avec 
le  sultan  de  Grenade  la  gloire  et  les  dangers  de  la  guerre  sainte. 
On  trouvera  le  détail  de  ses  exploits  dans  la  notice  que  nous  avons 
rintention  de  lui  consacrer. 

Quand  les  Andalousiens  appelèrent  Abou-Satd  à  leur  secours 
ce  monarque  répondit  par  un  refus,  en  prétextant  qu'Oth- 
man*lbn-Abi-'l-Olft  tenait  chez  eux  une  position  trop  élevée  ;  il 
offrit  cependant  de^leur  venir  en  aide  pourvu  qu*on  loi  livrât  ce 
chef  jusqu'à  la  fin  de  la  campagne.  Cette  condition  ne  fut  pasae* 
oeptée. 

Après  la  mort^d'Othman,  ses  fils  reconnurent  pour  chef  leur 
frère  atné,  Abon-Thabet*Amer,  et  continuèrent  à  faire  la  guerre 
aux  chrétiens*  Soutenus  par  de  nombreux  enfants  et  par  une 
foule  de  clients,  ils  formèrent  un  parti  compact  qui  domina  la 
sultan  et  ne  lui  laissa  que  l'ombre  du  pouvoir.  Ce  fut  Ik  un  de* 
motifs  qui  portèrent  le  souverain  de  Grenade  à  faire  sa  visite  au 
sultan  Abou-'l-Hacen.  Les  fils  d'[Othman-]lbn-Abi-'l-Olftjugè« 
rent  que  cette  démarche  ne  leur  présageait  rien  de  bon  ;  aussi, 
quand  ils  reçurent  de  leur  sultan  l'ordre  d'assister  au  siège  de 
Gibraltar,  ils  s'y  rendirent  k  contre-c(Bur. 

Après  la  reprise  de  cette  ville  par  les  musulmans,  le  sultan  da 
Grenade  réussit,  par  ses  sollicitations,  h  obtenir  la  retraite  du  roi 
chrétien  et  se  disposa  à  partir  pour  la  capitale.  Les  Beni-Abi-'l^ 
Ole,  prirent  alors  la  résolution  de  l'assassiner  en  route  et,  s'étant 
adressés  secrètement  aux  esclaves  chrétiens  qu*il  avait  à  son  ser- 
vice, ils  les  firent  entrer  dans  le  complot.  Ces  gens  4è  y  consentirent 
avec  d'autant  plus  d'empressement  qu'ils  nourrissaient  depuis 
longtemps  une  haine  profonde  contre  leur  mettre,  dont  la  hatt«> 
teur  et  la  sévérité  leur  étaient  devenues  insupportables.  Le  sultan* 
averti  du  danger,  avait  fait  ordonner  h  un  navire  de  s'approcher 
de  la  c6te  pour  le  prendre  k  bord,  [qUMud  il  serait  en  route], 
mais,  au  moment  où  il  descendait  vers  le  rivage,  les  conjurés 
se  hftièreot  d'exécuter  leur  projet  avant  qu'il  ne  fAt  trop  tard. 


£38  ■WTOIRB    DES    BBUkRBft. 

Ils  attdgnireiU.ce'malheQreax  prince  en  deçà  de  la  CorteUdase 
d'Esiepoôa  et  lui  reprochèrent  dmèreiuent  sa  cooduite  envers 
eux  ;  à  ses  excuses,  ils  répondirent  par  des  insultes  ;  puis , 
voulant  se  donner  un  prétexte  pour  le  frapper  ,  ils  laèrea^ 
devant  lui  son  client ,  Acem,  aduninistratevr  du  bureau  dé 
solde.  Ayant  ainsi  fait  éclater  ISndignation  du  aultao  ,  ils 
y  répondirent  en  le  criblant  de  coups  de  lance.  Rentrés  aussi- 
tôt au  camp,  ils  dirent  aux  esclaves,  leurs  complices,  défaire 
venir  Abou-'UHadJjadj-Youçof-lbD-Abi-'l-Oaéltdy  frère  de  leur 
victime,  et^  d'an  commun  accord,  ils  lui  prétèrenl  le  serment  de 
fidélité.  Le  nouveau  sultan  ordonna  à  son  caïd,  Ibn-Aizoua,  de 
partir  sur  le  champ  et  de  prendre  possession  de  la  capitale. 

Etabli  sur  le.  trône,  Abou-'!-Haddjadj  se  laissa  gouverocar  par 
aoQ  chambellaii  Ridouan,  mais  il  conserva  toujours  aa  fond  du 
eo^r  une  haine  profonde  contre  les  Beni*Abi-1-0lâ,  assassins  de 
son  frère.  Aussi^  qiiand  le  sultan  Abon-'l'^Hacen,  voulant  entrer 
prendre  une  guerre  sainte,  envoya  dans  ses  possessions  espagno-» 
les  un  corps  de  troupes  sous  les  ordres  de  son  fils  Abou-Malek,  '^ 

les  ministres  andalousiens  accueillirent  avec  empressement  l'in- 
vitation secrète  que  ce  monarque  leur  adressa  au  sujet  de  ces 
princes,  invitation  que  son  père,  le  suUan  Aboo-Sald,  leur  avait 
délh  faite.  Tous  les  membres  de  cette  famille  turbulente  furent 
arrêtés  par  l'ordre  d'Abou-4-Haddjadj  et  déportés  h  Tunis  où  le 
sultan  Abou-Yabya-Abou-Bekr  les  fit  emprisonner  sur  la  deman- 
de du  sultan  Aboo-'UHacen.  Quelque  temps  après,  Meimoun-Ibn^ 
Bekroun,  clief  des  huissiers  de  la  cour  mérinide  ,  vint,  par  Tor- 
dre de  son  souverain,  afin  de  les  conduire  tous  h  FaJs«  Abou-Yah- 
ya  se  crut  engagé  par  l'honneur  à  ne  pas  les  livrer  et  repoussa  la 
demande  d'ÂboU-'l-Hacen;  mais,  ensuite,  il  consentit  à  les  lais- 
ser emmener,  sur  les  représentations  de  son  vixif,  Abou*Hoham* 
med-Ibra^Tafragnin,  qui  lui  fit  entendre  que  les  intentions  du 
souverain  mérinide  n'étaient  paa aussi  mauvaises  qu'on pourmt 
le  croire,  et  qu'il  mettrait  ce  poissant  monarque  sous  une  obli^-^ 
tion  en  les  lui  envoyant,  lient  toutefois  la  précwilion  d'écrire  à 
Aboo^'I^Hacen  une  lettre  dans  laquelle  il  nteiroédait  peureux  de^ 
1»  manière  I^  pk»  pressante  ;  déraordie  conseillée  aussi  par  le 


t 

II 


DTNàSTU  VâmUlOB. —  ABOD-'^r-HACIN.  t39 

tirir,  dans  la  conviction  qn'uae  telle  priàro,  de  la  part  de  son 
mattre,  ne  serait  pas  repoussée.  En  Tan  742  (1341-3),  les  pros« 
crils  furent  conduits  par  Ibn-Bekroun  en  la  présence  d'Âbou^*!- 
Hacen^  qui  était  revenu  de  son  expédition  contre  les  chrétiens» 
et,  grâce  à  la  lettre  de  leur  protecteur,  ils  y  trouvèrent  l'accueil 
le  plus  amical  et  le  plus  honorable.  Des  logements  au  camp^ 
de  beaux  chevaur  richement  harnachés,  de  belles  tentes,  «des  faa« 
bits  magnifiques,  de  l'urgent,  telles  furent  les  marques  de  bicn<< 
veillanco  que  lo  sultan  leur  accorda,  sans  compter  l^honneur 
d'être  admis  à  son  service  avec  la  solde  d«  première  classe. 

Plus^  tard,  quand  Abou-'l*Hacen  se  rendit  h  Geuta  afin  de  se- 
courir la  ville  d' Algéciras,  il  prêta  roreille  à  certains  délateurs 
qui  accusaient  les  Beoi-Abi-'l-Olâ  de  vouloir  s'emparer  du  trAne 
avec  Taide  d'une  foule  de  gens  malintentionnés,  et,  sur  cette  ae* 
ousaiion,  il  les  fit  enfermer  dans  la  prison  de  Méquinei.  A  l'ar^ 
nemeotde  son  fils,  Abou^Einan,  ils  recouvrèrent  la  liberté,  ainei 
que  nous  le  raconterons  plus  loin. 


AlOU^LoBACUt  BSVOrr  BN   OBIEIIT  DBS   CADEAlX   MAGfllPfQCJBS.   —   IL 

FAIT   FOBTBB   A   lA    HCCQOB  ,    A   MÊDINB  BT  A  iftRCSALBM    DBS 

BXBM>tAlRB8   DU  COTan  BCBITS   DE   SA    HAIM. 


Toujours  fidèle  aux  usages  de  ses  aïeux,  le  sultan  Aliou-1-» 
Haccn  profitait  de  toutes  les  occasions  pour  cultiver  Tamilié  des 
rois  de  l'Orient  et,  animé  par  la  piété  la  plus  sincère,  il  témoi-* 
gnait  constamment  une  profonde  vénération  pour  les  lieux  saints. 
Aussi,  quand  il  eut  efTectué  la  conquête  de  Tiemoen,  réduit-  \ù 
Maghreb  central  et  soumis  à  son  autorité  une  multitude  des  peu- 
ples, il  se  laissa  emporter  sur  les  ailes  d'un  noble  orgueil  et,  dans 
une  lettre  qu'il  fit  porter  è  El-Mélek-en-Nacer-Mobammed-lbn- 
Galaoun,  roi  de  l'Egypte  et  de  la  Syrie,  il  lui  annonça  le  triom- 
phe de  ses  armes  et  l'opplanissement  des  obstacles  qui  avaient 
empêché  les  pèlerins  du  Maghreb  de  se  rendre  àla  Mecque.  Pares- 
Ibn-Meîmoun-lbn-Ouedrar,  qui  porta  cette  dépêche  en  Egypte, 


240  «STOIItl    ht%    iBRBtaKS. 

revint  avec  une  nSpoose  destinée  à  consolider  la  bonne  intetli-' 
géncequi  avait  toojonrs  régné  entre  les  deoz  coars. 

Le  sultan  forma  alors  le  projet  d'écrire  de  sa  propre  main  un 
bel  exemplaire  du  livre  saint  et  d'en  faire  cadeau  au  temple  de  la 
MecquOf  afin  de  mériter,  par  cette  offrande,  la  faveur  divine.  Sa 
tâche  accomplie,  il  fil  appeler  des  relieurs  pour  dorer  et  orner  le 
volume,  des  lecteurs  coraniques  pour  en  corriger  et  ponctuer  le 
texte.  La  couverture  de  celivre  était  formée  de  morceaux  d'ébè- 
se,  d'ivoire  et  de  bois  de  sandal,  travaillés  avec  un  art  admira- 
ble ]  elle  était  garnie  de  lames  d'or,  de  perles  et  de  rubis.  Les 
étais  étaient  en  cuir  solidement  travaillés  et  garnis  de  filets  d'or. 
On  enferma  le  tout  dans  des  enveloppes  de  soie  et  de  satin,  re- 
couvertes de  plusieurs  autres  en  toile  de  lin.  Le  sultan  retira 
alors  de  son  trésor  une  forte  somme  d'argent  destiné  à  l'achat  de 
plusieurs  terres  en  Orient,  dont  le  revenu  devait  être  consacré 
h  la  rétribution  d'un  certain  nomiuw  de  lecteurs  qui  se  servi* 
raient  de  ce  livre. 

Il  chargea  alors  son  favori,  Artf-lbn^Yahya,  émir  des  Zoghba 
et  grand  oflicier  de  l'empire,  d'une  mission  à  la  cour  d'El*Mé- 
lekren-Nacer  et  le  fil  accompagner  par  AtYa-lbn-MohelheMbD» 
Yahya,  chef  de  sea  parents  maternels,  par  le  secrétaire  Abou- 
*l-Padl-lbn-Mohammed-lbn-Abi-Medyenet  par  Obbou-Ibn-Ca- 
cem-el*Miiouar,  chef  des  huissiers  de  la  cour.\Le  présent  qu'ils 
devaient  offrir  au  monarque  égyptien  était  tellement  magnifique, 
que  longtemps  après,  on  en  parlait  avec  admiration.  J'ai  lu  la 
liste  des  objets  dont  il  se  composait,  liste  écrite  de  la  main  du 
secrétaire  Abou-'l-FadI,  mais  j'en  ai  oublié  le  contenu,  bien  que 
jereusappris  par  cœur.  Un  des  intendants  du  palais  m'a  cepen- 
dant dit  qu'il  y  avait  : 

Cinq  cents  chevaux  de  race  dont  les  selles  étaient 
brodées  en  or  et  en  argent  et  dont  les  brides 
[avaient  des  mors,  les  uns]  en  or  pur,  les  autres 
plaqués  ou  dorés  ; 
Cinq  cents  ballots  d'objets  fabriqués  en  Maghreb, 
tels  que  meubles,  armes,  beaux  tissus  de  laine, 
habits,  robes,  borne  us,  turbans,  izanh  raies, 


•THÀSTIB  MtanriDV.— AB0U->*L-H1CBH.  241 

isars*  unis»  étoffes  de  soie  à  couleurs  et  brochées 
en  or,  étoffes  de  soie  unies,  étoffes  de  soie  bro- 
dées ; 
Plusieurs  boucliers  tirés  des  régions  du  Désert  et 
enduits  de  ce  famenx  vernis  qui  les  rend  si  so- 
lides; on  les  appelle  lamtiens,  du  nom  de  Pani- 
mal*  dont  la  peau  sert  à  leur  fabrication  ;  plu- 
sieurs de  ces  objets  d^ameublement  que  l'on  fa- 
brique en  Maghreb  et  qui  sont  trè&-recherchés 
en  Orient;  déplus,  une  mesure  de  perles  et  de 
rubis. 
Une  des   veuves  d'Abou«Sa!d  ayant  demandé  h    se  mettre 
en  roule  avec  la  caravane  afin  de  visiter  la  Mecque,  le  sultan  lui 
en  donna  Taulorisation,  et  la  confia  aux  soins  de  son  ambassa- 
deur. Quand  elle  allait  partir,  il  la  combla  d'honneurs  cl,  dans 
sa  lettre,  il  pria  te  sultan  égyptien  de    lui  accorder  sa  haute 
protection. 

L'ambassade  quitta  Tlemcen  et  porta  la  lettre  et  les  cadeaux  h 
leur  destination.  Elle  entra  au  Caire  au  milieu  d'une  foule  im- 
mense et,  longtemps  après,  on  parla  encore  de  la  magnificence 
qu'elle  déploya.  ËI-Malek-en-Nacer  fut  très-sensible  à  un  tel  té- 
moignage d'égards  provenant  du  sultan  de  Maghreb;  il  accueillit 
les  envoyés  avec  des  honneurs  extraordinaires,  et  quand  ils  par- 
tirent pour  accomplir  le  pèlerinage  et  déposer  le  livre  sacré  dans 
le  temple,  les  bontés  de  ce  monarque  ne  cessèrent  de  les  suivre. 
Alors  il  fit  apprêter  un  riche  cadeau  pour  le  sultan  merinide  ;  on 
y  voyait  des  tentes  d'une  dimension  et  d'un  travail  qui  devait 
exciter  en  Maghreb  l'admiration  générale,  ainsi  que  des  étoffes 
d'Alexandrie  brochées  en  or  et  tissées  d'une  manière  merveiU 
leuse.  Ayant  confié  ces  objets  à  l'ambassade  maghrébine,  il  la 
renvoya  en  Afrique  après  l'avoir  comblée  de  dons  et  d'hon^ 


*  Vizar  ou  haïe,  tissu  de  soie  et  laine,  a  la  forme  et  l'aspect  d'un 
grand  rdeau  blanc- 

*  Voy.  tome  ni  page  îiâ. 

T.  IV.  46 


iil  ftl9T0lM  ton  f  MlBklIM. 

nefùn^  Cette  ofirAiide  fat  d*oae  telle  beauté  que,  jusqu'à  nos 
jontÈ,  ou  n'a  pas  cessé  d'en  parler.  Le  suHau  Abou--l-Hacea 
transcrivit*  alors  un  second  exemplaire  du  Coran,  tout-à-fait 
iemblable  au  premier,  et  fit  choix  d^un  des  grands  officiers  de 
sou  foyaume  pour  le  porter  à  Médine. 

La  meillettre  intelligence  se  maintint  entre  les  deux  cours  jus- 
qu'à la  mort  d'El-Melek'^n-Nacer,  sultan  de  l'Egypte.  Cet  évé- 
nementeutlieu  en  741  (1340-4).  Abou^'l-Fidà-Ismaïl,  son  fils 
et  successeur*,  reçut  du  souverain  mérinide  un  riche  cadeau  ac- 
compagné d'une  lettre  de  condoléance.  Ce  témoignage  d'égards 
lui  fut  apporté  par  Abou-'l-Fadl-Abd-Âllah-lbn-Abi-Medyen,  se- 
crétaire du  sultan  et  directeur  de  l'administration  des  impôts 
C'était  merveille  de  voir  combien  le  sultan  aimait  à  déployer  le 
faste  et  l'éclat  de  sa  dignité.  Il  se  plaisait  à  venir  en  aide  aux 
pèlerins  pauvres  en  faisant  leurs  frais  de  route  ;  il  envoyait  aux 
grands  officiers  de  l'empire  turc  [mamlouk]  des  cadeaux  achetés 
de  ses  propres  deniers,  sans  rien  vouloir  accepter  d'eux  en  re- 
tour. S'élant  rendu  maître  de  l'Ifrtkïa,  il  commença  la  transcrip- 
tion d'un  troisième  exemplaire  du  Coran  qu'il  destinait  à  la 
mosquée  de  Jérusalem,  mais  il  mourut  avant  d'avoir  terminé 
son  travail. 


LB  SULTAN  BNYOlT  ON  CADEAU  AU  BOl  BS  HBLLU 


Animé  par  un  juste  orgueil,  le  sultan  Abou-'l-Hacen  aspirait  à 
rivaliser  avec  les  souverains  les  plus  puissants,  et  il  avait  adopté 
d'eux  l'ufage d'offrir  des  présents  aux  monarques,  ses  égaux,  et 
d'envoyer  des  ambassades  aux  rois  des  pays  lointams.  A  cette 


^  Il  faut  probablement  corriger  le  texte  arabe  et  lire  eêteneekh. 

*  Selon  £1-Macrtzî,  ce  prince  se  nommait  EKMélek-el-Mansour^ 
Self-^-dln-Abou  -Bekr. 


DTHASTIt  MlltlIBB.  '^  AMO-'i-HACIN.  249 

époque,  le  roi  de  lielU  était  le  ptds  graBd  des  sonYeraiDs  nègres, 
ei  «m  fojsume,  [pias]  rapproché  da  Maghreb  [que  les  antres 
contrées  du  Soadau]  était  séparé  de  la  fronlière  méridionale  des 
états  ift^iûidee  par  un  désen  large  de  eent  joarnées  de  marche. 

Quand  Abou^'l-Hacen  eut  enlevé  tlemcen  aux  enfants  de 
Yaghmoracen  eleenqiiisleMagtireb  central,  la  renommée  porta 
daoalooslespayslanooveiledeta  mort  d'Abon-Taoheftn  et  du 
trtomplie  de»  Mérinides.  Alors  Mença^Mooça,  sultan  dont  nous 
aT«M  parlé  dans  notre  chapitre  sur  les  souverains  de  MelliS  ré« 
solut  d'envoyer  au  vainqueur  une  lettre  de  félicitation.  Un  inter-» 
prête  appartenant  h  la  nation  des  Mactn*,  peuple  sanhadjien 
établi  dans  le  voisinage  du  pays  des  Noirs,  fut  chargé  de  porter 
cet  écritau  sultan,  et  il  partit  accompagné  de  deux  guideSi  su- 
jets du  souverain  de  Melli. 

Abou-'l-Hacen  leur  6t  un  excellent  accueil  et;  pendant  leur 
séjoitr  auprès  de  lui,  ainsi  qu'au  moment  de  leur  départ^  il  les 
oottbU  dii  ses  bontés.  Voulani  alors  étaler  de  nouveau  le  faste 
de  sa  puissMce,  il  fit  prendre  dans  ton  garde^nieubletme  quantité 
d'objets  rares  et  précieux  de  fabrique  roagiirebiuey  et  les  expé» 
dia  au  roi  Mença-Soleiman,  qui  venait  de  perdre  son  père,  Men- 
ça-Mooça,  et  qui  était  monté  sur  le  trône  de  Melli  dépôts  le  dé* 
part  de  lenrs  envoyés*  Ae  nombre  des  personnes  chargées  d'ae«- 
oompagoereette  mission  se  (roavèrent  Abou-Taleb*Mohammed* 
lbn--Abi-MedlyaD,  secrétaire  du  conseil-d*état,  et  Anbef,  l'eU'- 
niN|ae,  •ffraochî  do  sultan.  D'après  les  ordres  d'Abou-'l^Hacen, 
AU«lbn<^ha«i0a,ëflBirdela  tribu  makilienne  de Djar-AUab,  Ara- 
bes do  Désert,  eotreprii  d'escorter  les  voyageurs  josqo'à  MeHi  et 
da  les  ramener  en  Maghreb* 

Après  avoir  aopporté  les  fatigues  d'one  longue  marche  h  ifh^ 
ver»  le  Déseft,  la  caraTanefit  son  entrée  k  MeHi  et  y  trouva 

l  Tome  n,  page  112  et  suivantes; 
*  Voy.  tome  m^  page  288,  note. 


24i  BlSTOmB  DBS  BIBBIUS. 

''accueil  le  plos  empressé.  Les  envoyés,  étant  repartis  poar  le 
Maghreb  ,  emmeoèreot  avec  eux  une  députation  composée 
de  grands  du  royaume  de  Melli  et  chargée  d'oifrir  an  sultan 
Abou-'UHacen  les  hommages  respectueux  de  leur  maitre  et 
l'assurance  que  ce  prince  lui  serait  toujours  un  serviteurdévoué, 
prêt  à  exécuter  tout  ce  qn'il  voudrait  lui  ordonner. 

Abou-i-Hacen  ayant  trouvé  encore  cette  occasion  de  satisfaire 
son  orgueil  et  d'humilier  un  autre  souverain  devant  sa  puissance 
s'acquitta  du  devoir  de  la  reconnaissance,  en  remerciant  Dieu 
de  ses  bontés. 


LR   SULTAK  ÉPOCSB  UlfB   FILLB  DU  SOUTBBAIlf  DB   Tt7inS. 


Nous  avons  mentionné  comment  la  fille  du  sultan  Abou-Yahya- 
Ahou-Bdkrfut  tuée,  avec  plusieurs  autres  dames  de  la  famille 
royale,  dans  le  camp  que  son  mari,  le  sultan  Abou-'l-Hacen,  avait 
fait  dresser  sous  les  murs  de  Tarifa.  Ce  prince  garda  toujours  un 
tendre  souvenir*  de  la  femme  qu'il  avait  perdue,  et  il  se  rappela 
sans  cesse  les  bonnes  qualités  et  la  haute  naissance  qui  la  distin* 
guateni,  lamanière  dont  elle  gouvernait  sa  maison,  lagrAce  qu'elle 
laissait  percer  môme  dans  ses  moindres  actions,  les  agréments  de 
sa  société;  les  charmes  d'une  compagne  auprès  de  laquelle  il 
avait  goûté  toutes  les  douceurs  de  la  vie.  Remplacer  ce  vide  par 
une  sœur  de  celle  qu'il  avait  perdue  fut  alors  son  plus  grand  dé* 
sir,  et  une  demande  è  cet  effet  ne  tarda  pas  d'être  adressée  an 
sultan  de  Tunis.  Pour  conduire  cette  négociation  délicate,  le  gou-* 
vernement  mérinide  fit  choix  d'Artf-lhn-Yahya,  émir  des  Zoghba 
et  ami  intime  du  sultan,  et  lui  donna  pour  collègues  Abou-'l-Padl< 
Ibn-Abd-Allah-lbn-Abi-Medyen,  directeur  des  contributions  et 
ministre  de  la  guerre,  Abou-Abd-Allah-Hohammed-Ibn-Solei- 


\  Lisez  hanUuui  dans  le  texte  arabe. 


DTNA8TII  KtllKIDI. — ▲■OIH'l.-HÂCni.  Si5 

man-es-Sitti,  jurisooDSultadelacoar,  etl'eaaaqaeAnber,  affran- 
chi do  sultan. 

Ces  envoyés  arrivèrent  à  leur  destination  l'an  746^  et  y  trou- 
vèrent la  réception  la  plus  honorable.  Le  sultan  Abou-Yabya- 
Abott-Bekr,  ayant  été  informé  secrètement  de  l'objet  de  leur  mis- 
sion par  le  grand  chambellan,  Abou-Mohammed-Abd-Allah-Ibn- 
Tafragufn,  y  montra  d'abord  une  grande  répugnance,  en  décla^ 
rant  qu'il  ne  voulait  pas  exposer  une  autre  de  ses  filles  è  la  né- 
cessité d'être  toujours  en  voyage  de  pays  en  pays  et  qu'il  regar- 
dait un  mariage  de  cette  nature  comme  une  chose  épouvantable.  Le 
chambellan  tâcha  de  réfuter  ces  objections  et  de  faire  valoir  les 
droits  d'Abon-'l-Hacen  i  une  telle  faveur  delà  part  d'un  monar-> 
que  auquel  il  s'était  déjà  attaché  par  les  liens  d'amitié  et  de  famille. 
Quand  il  eut  réussi  à  faire  accueillir  son  avis  et  à  obtenir  du  sul- 
tan l'autorisation  de  dresser  l'acte  de  mariage,  il  se  mit  è  prépa* 
rer  un  équipage  magnifique  et  un  riche  trousseau  pour  la  fian- 
cée. Les  ambassadeurs  durent  attendre  un  temps  considérable 
avant  que  ces  apprêts  fussent  terminés,  et  ce  ne  fut  que  dans  le 
mois  deRebift  747  (juillet-août  4346),  qu'ils  se  trouvèrent  en 
mesure  de  quitter  Tunis. 

D'après  les  ordres  du  sultan  hafside,  son  filsBl-Fadl,  seigneur 
de  B6ne  et  frère-germain  de  la  princesse,  se  chargea  de  la  con^ 
dttire  auprès  d'Abou-'l-Haoen,  envers  lequel  il  fallait  agir  avec 
de  grands  égards.  Une  députation  de  cheikhs  almohades,  présidée 
par  Abd-el-Ouahed-lbn-Akmaztr,  partit  de  la  cour  de  Tunis  ^ 
pour  accompagner  le  cortège. 

Les  voyageurs  étaient  déjà  en  route  quand  ils  apprirent  la  mort 
du  sultan  Âbou-Yahya*Abou-Bekr.  A  l'arrivée  de  la  caravano 


*  Le  texte  arabe  porte  en  plus  ces  mots  yaum  methna,  fesi-k- 
dire  au  jour  de  redoublement^  ce  qui  doit  signifier  le  30  de  Don-el- 
Hiddja,  mois  qui,  dans  les  années  embolimiques  (et  l'an  716  en  est 
df?  nombre),  compte  un  jour  de  plus  que  dans  les  autres  années. 
Cette  date  repona  au  M  avril  1346, 

*  Dans  le  texte  arabe  il  faut  probablement  lire  aite  babihù 


%él6  WBTOIW    DBS    iftHilft 

Abon-^-Haceo  leur  offrit  ses  compUoieols  de  coi^doléwoe  ei  |^ 
combla  d'honnears.  Au  prince  El-Fadl,  il  fit  leB  prooiasAes  les 
plus  flatteuses,  en  rassurant  qu'il  l'aiderait  à  obtenir  I'bérii#ge 
paternel,  et  il  le  retint  auprès  de  lui,  dans  le  palais,  jusqu^à  c^ 
qu'il  l'emmenfti  sous  ses  drapeaux  a  la  oonquéte  de  Tlfrikïa. 


LB   SULTAK    S*BIIPâlft   PB   L'iFIltftU. 


Depais  longtemps,  le  sultan  Aboa-I^Haceii  avait  des  vues  %m 
1  IfrtkVa,  et,  sans  les  égards  qu'il  devait  à  son  beacHpère,  le  sut- 
tan  Abou«Yahya-»Abou-Bekf,  il  aurait  déjë  tenté  la  conquête  4e 
ce  pays.  Il  attendit,  en  eonséquenoe,  la  mort  de  ce  souverain 
avant  de  mettre  son  projet  ii  exécution.  Qiiand  les  ambassadeurs 
qui  devaient  demander  pour  lui  la  main  d'une  seeoiide  princesse 
hafsidese  trouvèrent  ii  Tunis,  le  bruit  eoumt  dans  Tiemcen  qu'ils 
avaient  essuyé  un  refus.  AnssitAl  qu'il  apprit  cette  nouvelle,  il 
quitta  la  llaosoura  et  oeurnt  h  Fcb  afin  d'ouvrir  le  bureau  d'en- 
nMementset  de  réorganiser  son  armée.  Ces  préparatifs  achevée, 
il  confia  le  gouvernement  du  Maghreb-el-Acsa  k  son  petîl-fils, 
Mansour*Ibn*Abi*Malek,  plaça  la  cavalerie  do  la  police  sons  les 
ordres'  d'EUHacen*ibn-6eleimau-lbn*Irctgoen,  auquel  il  donna 
aussi  le  commandement  de  tons  les  peiipirs  qui  vivaient  snoe  la 
tente  ,  et  repartit  ensuite  pour  Tiemcen,  avec  l'intention  d'en-» 
vahir  rifrfkïa.  Ayant  alors  appris  d*iiiie  manière  certaine  ^(ne 
aa  demande  avait  été  agi'éée  et  que  la  princesse  venait  de  se  met- 
ire  en  route,  il  laissa  refroidir  sa  colère  et  rentra  dans  son  calme 
habituel. 

Danslemoisde  Redjeb,  747  (oct.-nov^  1346),  Omar,  fils  du 
sultan  Abou-Yabya-Âbou  Bekr,  s'empara  du  trône  de  l'Ifrikïa, 
après  la  mort  de  son  père,  et.  dans  te  mois  de  Bamadan  (déc« 


'  Lisez  faawed  dans  le  texte  arabe. 


1346 -^jan.  4347),  Abou-^MohaiBmed-ibQ^Tafragatn  s'enfuît  de 
Tttoîs  [et  passa  en  Maghreb],  Ces  évéoemeots  raoioièrent  les 
pensées  ambitieuses  d'Abott-4-Hacen  qui,  après  avoir  entendu  les 
oonseils  et  les  encouragements  d'ibn -Ta fraguln,  o'bésita  plus  de 
'  marcher  contre  Tlfrtkïa.  Bientôt  après  l'arrivée  de  rexf>cham* 
lan,  on  apprit  qu'Omar  le  hafsiJe  venait  de  tuer  son  frère  Âhn 
med|  lequel  avait  essayé  de  faire  valoir  ses  droits  à  la  succession 
et  qui  avait  appuyé  ses  prétentions  sur  un  acte  officiel  dressé  par 
son  père.  Celte  pièce  portait  en  marge  les  mots  vu^t  approuvé, 
que  le  suUan  Abou*'l-Hacen  y  avait  ajoutés  de  sa  propre  majq, 
h  l'époque  où  Abou-'l-Cacem-lbn  Ottou  était  venu  k  f^  en  mis- 
sion, et  sur  la  demande  de  ce  chambellan. 

Abou-'l*Hacen  témoigna  une  vive  indignation  contre  Omar 
d'avoir  enfreint  les  dispositions  de  son  père,  versé  le  sang  de 
son  frère  et  agi  en  parent  dénaturé  envers  le  reste  dosa  famille  ; 
il  afiecta  surtout  une  colère  extrême  en  voyant  méoonnattre  in 
formule  d'approbation  qu'il  avait  écrife  lui-même  et  qui  devait 
servir  h  régler  Tordre  de  la  succession  au  trône.  Il  s*éiait  donc 
bien  décidé  à  marcher  sur  Tunis  quand  Khdled-Ibn*Hamza-Ibj)«> 
Omar  *  vint  le  prier  de  se  mettre  en  campagne  le  plus  tôt  p9f(^ir 
ble.  Sur  le  champ,  il  ouvrit  le  bureau  d'enrôlements  et  gratiScn'*' 
tions,  convoqua  tous  ses  peuples  è  une  expédition  contre  l'Urt^* 
kïa  et  se  mit  à  organiser  une  armée. 

Abou-Abd-Allah,  seigneur  de  Bougie,  était  déjà  arrivé  en  Ma- 
ghreb, à  la  suite  de  la  mort  de  son  ^rand-père,  Abou-Yahya* 
Abou-Bekr;  ayant  conçu  l'espoir  de  gagner  les  bonnes  grAcea 
d'Abou-'l-Hacen  en  faisant  valoir  la  mission  que  son  père,  l'émir 
Abou-Zékérïa  ,  avait  remplie  auprès  de  ce  monarque.  Il  désiraii 
aussi  se  faire  confirmer  dans  le  gouvernement  de  Bougie  ;  mais, 
s'étant  bientôt  aperçu  que  le  sultan,  au  lieu  de  le  favoriser,  vou- 
lait marcher  en  personne  contre  l'ifrtkïa,  il  demanda  son  congé  et 
repartit  pour  Bougie. 


*  Chef  des  Kaonb. 


S4S  HI8T01RI   DBS    BBBBftftIS. 

Après  avoir  célébré  la  fête  du  Sacrifice^  Pan  747  (25  mar& 
4347),  lesultaD  Abou-'l-Hacen  cooGa  l'administratioD  politique 
et  financioredu  Maghreb  central  à  son  fils,  Abou-Einan  et,  s'élant 
mis  h  la  tète  de  son  armée,  il  partit  pour  PifrîkYa,  emmenant  avec 
lai  Rbaled-Ibn-Hamza,  émir  des  nomades.  Arrivé  à  Oran,  il  reçut 
les  envoyés  de  Gastîlïa  et  des  villes  du  Djcrîd.  Cette  députation 
avait  pour  président  Abmed-lbn-Mekki ,  émir  de  Djerba  et  liou^ 
tenani-gouverneurde  Cabes,  ville  dont  son  frère,  Abd-el-Mélek, 
était  seigneur.  Parmi  ses  compagnons  de  voyage ,    se  trouva 
Yahya-Ibn-Mohammed-lbn-Yemloul,  qui  avait  repris  la  ville  do 
Touzer,  quand  l'émir  Abou-'l-Abbas- Ahmed  Tévacua  pour  aller 
se  faire  toer  à  Tunis  ;  on  y  remarqua  aussi  Ahmed-lbn-Omar- 
Ibn-Abed  et  Ali-lbn-el-Khalef,  qui  avaient  profité  de  la  même 
occasion  pour  rentrer,  le  premier,  dans  Cafsa  et  le  second,  dans 
Nefta*.  Avec  ces  chefs  vinrent  les  notables  de  leurs  villes  respec- 
tives. Tous  prêtèrent  au  sultan  Abou-1-Hacen  le  serment  de  fidé- 
lité et  lui  présentèrent  les  hommages  et  la  soumission  de  Moham- 
med4bn-Thabet,  émir  de  Tripoli,  qui  n^avait  pas  pu  les  accom* 
pagner.  Le  souverain  mérinide  fit  à  ces  chefs  un  honorable  ac- 
cueil et,  les  ayant  confirmés  dans  leurs  commandements,  il  leur 
donna  Tantorisation  de  repartir  pour  leurs  états,  mais  il  retint 
Ahmed-Ibn-Mekki;  dont  il  désirait  la  compagnie  dans  cette  expé- 
dition. 

Bep renant  ensuite  sa  marche  ,  il  se  porta  rapidement  jusqu'à 
Beui-Hacen,  dans  la  province  de]  Bougie,  et  là,  il  reçut  la  visite 
deltfansour-Ibn-Mozni,  émir  de/^Biskera  et  du  Zab,qui  vint  [lui 
présenter  ses  hommages] ,  à  la  tête  d'une  députation  composée 
des  notables  de  Pendroit  où  il  faisait  sa  résidence.  Yacoub-Ibn- 
Ali-Ibn- Ahmed,  chef  des  Douaouida  et  commandant  des  peuples 
nomades  qui  occupaient  les  campagnes  de  Bougie  et  de  Constan- 
tine,  se  présenta  aussi  [et  reconnut  l'autorité  mérinide].  Le  sultan 


1  Dans  le  texte  arabe  jl  faut  insérer'entre  les  mots  raïs  Nefia,  ces 
moia*ci  :  Cafêùi^UQ  Àli^Km-Khalef  rw. 


DTIfÂSTIB  MtllHIDB. ABOH-'l-HAGIH.  849 

eur  fit  à  touH  an  accueil  |$loin  de  bienveillance  et  les  admit  dans 
sa  fuite. 

Son  caïd,  Hammou-Ibn''Yahya*el-AcheriY  client  du  feu  sultan 
[Âbou-Saîd],  alla  camper  devant  Bougie»  ville  où  commandait 
Abou-Âbd-Allah.  Les  habitants,  craignant  la  colère  d'Abou-4- 
Hacen  et  désirant  mériter  sa  faveur,  refusèrent  d'obéir  à  leur 
émir  et  finirent  par  le  laisser  dans  un  isolement  complet.  Leurs 
cheikhs,  leurs  cadis,  leurs  muftis  et  leurs  conseillers  munici- 
paux se  rendirent  tous  à  une  grande  audience  donnée  par  le  sul- 
tan: audience  à  laquelle  Fareb,  affranchi  dlbn-Séïd-en-Nas,  les 
avait  devancés  pour  annoncer  la  soumission  d'Abou-Abd-Allah 
dont  il  était  leohambelUn.  Le  sultan  renvoya  Pareh,  en  le  char- 
geant d'avertir  cet  émir  qu'il  aurait  a  se  rendre  au-devant  du 
cortège  impériaL  Quand  les  étendards  de  Parmée  mérinide  pa- 
rurent sur  le  haut  des  collines  qui  commandent  la  ville,  Abou- 
Abd-Allah  accourut  auprès  du  sultan  et  demanda  pardon  d'avoir 
tardé  à  lui  offrir  ses  hommages.  Abou-'I-Hacen  l'accueillit  com- 
me un  filsbien-aimé,  agréa  ses  excuses  et  lui  donna  en  fief  le  ter- 
ritoire des  Koumïa,  dans  le  pays  des  Honein,  avec  le  droit  è  une 
forte  pension,  payable  à  Tiemcen.  ]l  le  fit  aussitôt  partir  pour 
cette  ville  en  le  recommandant  à  la  bienveillance  d'Ahou^-Einan, 
gouverneur  du  Maghreb  central.  Ayant  alors  fait  son  entrée  dans 
Bougie,  il  y  mit  fin  à  une  foule  d'abus  et  réduisit  les  impôts  d'un 
quart  ;  il  en  restaura  les  fortifications,  y  installa  une  garnison 
mérinide  sous  les  ordres  de  Mohammed4bn-eth-Thouar,  un  de 
ses  vizirs,  et,  laissant  auprès  de  cet  officier  le  secrétaire  des  fi^ 
nances,  Bérékat-Ibn-Hassoun-lbn-el-Bouac,  il  partit  pour  Gons* 
tantine  au  plus  vite.  L'émir  de  cette  ville,  Abou-Zéid,  petit-fils 
du  sultan  Abou-Yahya-Abon-Bekr,  sortit  au-devant  do  lui  avec 
Abou-'l-Abbas- Ahmed,  Abou-Yahya-Zékérïa  et  ses  autres  frères. 
Tous  firent  leur  souinission  au  sultan  mérinide,  se  démirent  de 
leurs  commandements  en  sa  faveur  et  lui  jurèrent  fidélité.  Pour 
les  récompenser  de  celte  démarche,  il  accorda  à  l'émir  Abou- 
Ztid)  le  gouvernement  de  Nedroma,  ville  de  la  province  de 
Tiemcen ,  en  lui  ordonnant  de  partager  avec  ses  frèr^e  les 
imp'Isde  cette  localité.  Étant  alors  entré  dans  Conslaiilîiie  , 


250  OISTOiaU  m»  MMtAi9. 

il  y  élaUit,  enqualité  de  gouverneur,  Mobamoied-Ibn^ei-Abbas, 
et  plaça  auprès  de  lui  une  garoison  composée  de  Beui-Asker  [mé* 
rioides]  et  oommandée  par  El-Abbas-lbu^Omar,  chef  de  cette 
tribu.  Il  confirma  alors  les  Douaouida  dans  la  possession  dos  fiefs 
dont  ils  avaient  ia  jouissance. 

Il  était  encore  à  Constantine  quand  Oinar-Ibn-Hainza,  sei^ 
gneur  des  Kaoub  et  oommandant  de  la  population  nomade  [de 
l'empire  hafaîde]  vint  le  prier  de  bâter  son  départ,  en  lui  repré^ 
sentant  que  le  sultan  Abou^Hafs^mar  avait  quitté  Tunis  et  s'é~ 
tait  dirigé  vers  Cabes  avec  ses  partisans,  las  Aulad-Mohelhel, 
rivapx  des  Kaoub.  Il  loi  recommanda  aussi  d'envoyer  un  ôorps 
d'armée  sur  la  ligne  de  marche  quo  oe  prioce  devait  suivre,  afin 
de  l'empêcher  de  se  réfugier  daus  Tripoli.  Le  sultan  approuva 
cat  avis  et  ordonna  an  caïd  SammQu-lbo*Yahya-el-Aeheri  d'ae-» 
oompagner  ûnMiMbn*Samsa  et  de  prendre  avec  lui  un  détache., 
ment  des  troupes  mérinides  et  de  la  milice. 

Pendant  que  cette  colonne  marchait  ^  la  poursuite  de  l'usur-^ 
pateur,  le  sultan  se  tant  à  Constantine  et  passa  son  armée  en  re-» 
vue  sur  le  plateau  d'Sl-Adjaf  ^  Youçof-ibn-MoKot  prit  alors  la 
route  du  Zab,  après  avoir  reçu  un  beau  cheval  et  une  robe  d'hon-* 
neur;  le  seigneur  EUFadI,  fils  dn  aultan  Abou*Yahya-Abou-> 
Bekr,  obtint  vers  la  lodme  époque,  sa  eonfirmatioii  daos  le  goo- 
vemementde  Bôoeet  partit  pour  cette  viUe,  cemblé  de  dons  et 
revêtu  d'une  robe  magnilique.  Après  le  départ  do  ces  chefs  la 
sultan  reprit  sa  aiarohe.  ' 

IpAOolooMde  HMQmott*lbn-Yah}a,  sooUmoepar  les  nomades 
qui  obéissaient  apx  Aulad-Abi^'ULeil,  réussit  à  atteindre  l'émir 
Abon^Bafs^Omar  à  Mobarka,  aur  le  leiritoire  de  Cabes.  Dans  le 
Gontbat  qui  s'ensuivit,  Omar  fut  précipité  de  son  cheval  et  fait 
priaonuiar,  ainsi  qaeraffranehi  d^origine  européenne,  Dafer-^aS'- 
SiMn«qnitiii  servait  de  ministre.  Bammou  les  fit  égorger, 


*  Variante  :  EUAdjab,  C'est  probablement  le  plateau  de  Koudia-t- 
Ati.  Il  est  ce^ndant  bon  de  Mre  observer  qu'entre  le  Koudia  et  la 
vilto  4»  fi$««|PQtJif  il  7  avait  fm  dw^le  4é4^.  i  iM'A^'4di^. 


DTNAST19  XtEUflPI*  —  AJM>D-'l.-HÂCB!f.  VU 

la  même  fiuit,  et  eovoya  leurs  létes  «a  soltaH,  Im  àéhria 
de  l'armée  vaincue  s^étant  réfugiés  dans  Cabeft,  Abd-el-Mélek- 
Ibn-Hekki,  gouverneur  de  eelte  vtlle ,  fit  arrêter  Abou-*1- 
Gaoem-Ibu-Oitou,  cheikh  des  Ahnobades  qui  s'était  attaché  k  h 
fortune  d'Abou-Hafa-Oaiar,  ainsi  que  6akhr*lbu*Mouça,  cheikh 
des  Beni-Heskin,  et  plusieurs  autres  grands  personnagas.  Tous 
ces  malheureux  furent  enchaînés  deux  ë  deux  et  envoyés  au  sul- 
tan. Ce  monarque  pla<^  aussitôt  son  ijendre^  yahya«lbn-SoIai* 
mauj  chef  des  Beni-Askeri  è  la  tête  de  Parméeet  lui  donna  l'or* 
dre  de  marcher  sur  Tunis  en  se  faisant  accompagner  par  Abmedk 
Ibo-Mekki.  Cette  ville  tomba  au  poQvoir  des  Mérinides.  Ibo^ 
Hekki  repartit  pour  le  siège  de  son  gouvernement  après  avoir 
obtenu  du  sultan  sa  confirmation  dans  ce  poste  et  reçu  pour 
lui-même  et  pour  sa  suite  une  quantité  de  robes  d'honneur  et  de 
montures. 

Le  sultan  était  arrivé  2i  Bédja  quand  un  courrier  lui  apporta 
la  tête  de  l'émir  Abou-Bafs-Omar  comme  témoignage  de  la  vic- 
toire que  les  Mérinides  venaient  de  remporter.  Il  se  remit  alors 
en  marche,  et  arriva  sous  les  murs  de  Tunis,  le  mercredi,  8  Djo- 
mada  second  748  (45  septembre  4347),  Les  notables  de  la  ville^ 
les  cheikhs  du  grand  conseil  et  les  oiuftis  sortirent  h  sa  rencontre 
pour  lui  présenter  les  hommages  de  leurs  concitoyens  Jet  ils  se  ra- 
tirèrent  pleins  de  confianoe  dans  les  bonnes  intentions  du  vain- 
queur. 

Le  samedi  suivant ,  '  les  troupes  du  sultan  formèrent  une 
double  baie,  longue  de  trois  ou  quatre  milles,  depuis  Sîdjoumi 
oà  était  le  camp,  jusqu'à  l'entrée  de  la  ville.  Les  Mérinides,.  tous 
à  cheval,  se  rangèrent,  par  classes;  sous  leurs  drapeaux  respec- 
tifs, et  le  sultan  sortit  de  sa  tente,  monté  sur  un  beau  coursier  e^ 
nivi  d'un  cortège  magnifique.  A  sa  droite  marchait  son  ami, 
Ârîf-IbnTahya,  émir  des  Zoghba,  suivi  d'Abou^Mohammed-lbn- 
Tafragutn  ;  à  sa  gauche  se  tenait  l'émir  Abou-Abd-Allah-Moham 
med,  frère  du  sultan  Abou-Tahya-Ahou-Bekr,  suivi  de  son  ne- 
veu, l'émir  Âbou-Abd- Allah,  fils  de  Khaled.  Ces  deux  princes 
étaient  restés  en  détention  ëConstantine,  avec  leursenfants,  de- 
puis la  révolte  de  l'émir  Abou-  Fafea  «  Bemis  eu  liberté  par  le 


S52  HISTOIRE   DBS  BBBBÈEBS. 

sultan  Âboa-'UHacen  *,  ils  l'accompagnèreDt  à  Tunis,  et  ornè- 
rent alors  le  cortège  de  ce  souverain  en  le  suivant  au  milieu 
d'une  foule  de  princes  et  de  chefs  mérinides.  Le  sultan  avança 
au  son  des  tambours,  pendant  qu'une  centaine  de  drapeaux  flot- 
taient autour  de  lui.  Au  furet  à  mesure  qu'il  passait,  les  troupes 
se  formèrent  en  file  et  marchèrent  à  sa  suite,  de  sorte  que  la  terre 
tremblait  sous  les  pas  de  cette  armée  immense.  Jamais,  autant 
que  je  le  sache,  une  pareille  journée  ne  s*élait  vue.  Entré  au  pa- 
lais, il  posa  sur  les  épaules  d'Âbou-Mohammed-Ibn-Tafraguîa 
la  robe  qu'il  venait  de  porter  et  lui  fit  cadeau  de  son  cheval,  avec 
la  selle  et  la  bride.  Toute  l'assemblée  partagea  d'un  repas  qui  lui 
fut  servi  sous  les  yeux  du  sultan  et,  aussitôt  après,  elle  se 
sépara. 

S'étant  alors  fait  accompagner  par  Ibn-Tafragutn,  le  souverain 
mérinide  visita  toutes  les  chambres  du  palais,  demeures  des  kha- 
lifes hafsides.  Il  passa  ensuite  dans  le  Ras-et-Tabiâ,  parc  atte- 
nant au  palais,  et,  après  avoir  admiré  les  jardins  et  les  bassins 
de  cet  établissement  royal,  il  se  rendit  directement  au  camp.  En- 
suite il  envoya  dans  la  citadelle  de  Tunis  une  garnison  mérinide 
commandée  par  Yahya-lbn-Soleiman  et,  s'étant  fait  amener  les 
chefs  qu'on  avait  arrêtés  à  Cabes  après  la  défaite  d'Âbou-Hafs- 
Omar  et  qui  portaient  encore  leurs  chaînes,  il  les  envoya  tous  en 
prison,  après  avoir  fait  couper  la  main  droite  et  le  pied  gauche  a 
Abou-'l-Cacem-lbn-Ottou  ainsi  qu'à  Sakhr-lbn-Houça  :  punition 
qu'il  leur  infligea  en  vertu  d'une  sentence  émanée  des  muftis 
auxquels  il  avait  dénoncé  leurs  forfaits. 

Au  lendemain,  il  partit  pour  Gairouan  dont  il  visita  les  anciens 
monuments,  les  restes  des  édifices  construits  par  les  Fatemides 
et  par  les  Zirides,  les  tombeaux  où  reposent  les  saints  et  les  doc- 
teursde  la  loi.  De  là,  il  se  rendit  à  El-Mehdïa  et,  s'étant  arrêté 
sur  le  bord  de  la  mer,  ilréfléchit  sur  le  sort  de  ceux  gui  PavaimC 
précédé  ;  hommes  encore  plus  grands  el  plus  puissants  sur  la 


!  Dans  le  texte  arabe  il  faut  remplacer  El^Àbbas  par  El^Hacen, 


DTKAST1B   attllIIfiB.  -—  ▲BOUr'l.oHÀCIN.  253 

terre  ^  Aa  commencement  da  mois  de  Ramadan  (^décembre),  il 
revint  à  Tunis  en  suivant  la  route  qui  passe  auprès  du  château 
d*E]-Ëdjem  et  du  ribat  d'EI-Monesttr.  Ayant  alors  établi  des 
garnisons  dans  toutes  les  places  fortes  de  l'ifrikïa,  il  concéda  aux 
Mérinides  les  villes  et  les  campagnes  de  cet  empire,  mais  il  laissa 
aux  Arabes  la  jouissance  des  fiefs  que  le  gouvernement  hafside 
leur  avait  accordés.  Il  envoya  des  commandants  dans  toutes  les 
localités  du  pays  qu'il  venait  de  soumettre,  et  il  s'installa  lui- 
môme  dans  le  palais  des  rois  hafsides. 

Ce  fut  ainsi  qu^leiTectua  celte  grande  conquête,  qu^il  reçut  la 
plénitude  de  la  faveur  divine  en  subjuguant  des  royaumes  et 
qu'il  étendit  sa  domination  sur  les  élats  africains,  depuis  Mes- 
rata  jusqu'au  Sous-el-Acsa  et  de  là  jusqu'«^  Honda,  en  Espagne. 
L'empire  est  à  Dieu  ;  il  la  donne  à  celui  de  tes  serviteurs  guHl 
veut;  mais  la  fin  [heureuse]  est  pour  ceux  qui  craignent  [leur 
Créateur]  «. 

A  Tunis,  les  poètes  lui  récitèrent  des  vers  de  félicitation;  mais 
Abou- 1-Cacem-er-Rahooï,  jeune  littérateur  de  grande  espérance, 
les  surpassa  tous  dans  un  poëme  qu'il  lui  adressa  et  que  nous  re« 
produisons  ici  : 

L'Orient  a  répondu,  à  ton  appela  ainsi  que  l'Occident  ;  la 
Mecque  est  accourue  au-devant  de  toif  ainsi  que  Yathreb 
[Médinfi]. 

L'Egypte  t'a  invoqué,  de  même  que  l'Irac  et  sa  voisine  ^ 
la  Syrie;  hûle-toi  [à  leur  secours]  !  les  maux  de  la  religion 
se  guérissent  par  ta  présence. 

Les  chaires  [de  nos  mosquées]  t'ont  saluée  ou  peu  s'en  est 
fallu  ;  ces  chaires  d'où  les  prédicateurs  de  la  vérité  prononcent 
le  khotba  en  ton  nom. 

Nos  frères,  quHls  soient  loin  ou  près  [de  tot]^  se  sont  tous 
empressés  d'obéir  à  Dieu  en  te  rendant  obéissance. 


*  Corah,  sourate  40,  verset  Sli. 

*  Ceci  n'est  pas  un  verset  du  Cùran^  mais  un  composé  de  plu- 
sieurs fragments  de  versets. 


Née  âmê9  oipinimt  mee  ardeur^  avec  amour ^  à  U  posséder ^ 
iait  qtâê  tes  iifénements  te  rapfirochaieni  ou  ^éloignaient  de 
nous. 

Dans  la  VUle-Blanehe  * ,  Von  se  tenait  à  tes  ordres  au  mo- 
ment où  tuparaissais  à  t  horizon  d^Bn-ffaeerîa  *, 

Au  moment  où  tes  députations  envoyées  par  les  pays  de  dai~ 
tiers  *  troui>aieni  auprès  de  toi  un  bienveillant  accueil. 

Ce  n^étmt  pas  par  fierté  que  Bougie  tardait  [à  se  sou- 
mettre ],  mais  parce  que  Von  se  plaît ^  chez  elle,  à  braver  les 
dangers. 

Btte  faisait  Voryueilleuse,  mais,  à  Vapproche  de  ces  trou-^ 
pes  qui  regardent  les  {armées  les  plus]  brillantes  comme  une 
preie  facile^ 

Ses  habitants,  remplis  d^effroi,  s'empressèrent  défaire  leur 
smêmiseion  ;  les  factieux  et  leurs  chefs  s*hum%lièrent  devant 
toi. 

T^nis  a  rempli  sa  promesse;  sans  cela,  on  y  aurait  vu  un 
speetaele  afreHa>  ;  aussi,  repose-t^elle  maintenant  heureuse 
dans  ton  bercail. 

Ses  habitants  n'étaient  que  des  milans  présomptueux  ;  mais, 
seus  Vinfluence  de  ta  gloire^  ils  sont  devenus  des  faucons  et  des 
aigles. 

NaguèreSy  tu  étais  le  protecteur  de  leur  chef;  aujourd'hui, 
tu  e$  Vasite,  le  refuge  ée  tout  fmpeuple. 

Ils  voieat  que  ta  fortune  a  remplacé  ce  prince  par  foi,  eê 
que  la  v%e,  une  vie  de  btmheur,  s*est  offerte  [  è  lewrs  souhaits]  • 

Um  filt  parvenu  h  l'âge  viril  et  toutefois  soumis,  a  travaiUé 
peur  te  faire  honneur  ;  H  est  vrai  qu'il  t^a  eu  pour  père*. 


I  La  Ville-Btenehe,  e'est-à-d^  T^sms.  DIoddre  rrrftil  app(4éa 
Tunes  leucos, 

^  En^Nacsrïa,  c'est-à-dire  Bougie.  Yoy.  tome  ii,  page  51  de  cette 
tradactioD. 

s  C'est-à-dire  le  DjeHd  et  le  Zab. 

4  Ced  est  ofi  comptiinent  à  l'adresse  de  l'émir  Abeu- I-FAdt ,  fils 
dasQltan. 


DTNÀST»  VtimDf .«^  IBÔV-'t-IIACllf .  fSS 

Ce  [bùnhMr]  n'«  tenu  qu*à  ta  justice  quê  Von  compare  Mec 
raison  à  celle  des  saints  khalifes  [de  f  ancien  temps]. 

Tu  as  lutté  avec  constance  pour  t  empire  et  pour  le  ciel] 
vois  maintenant  devant  toi  Pautel  et  le  trône  K 

D'antres  rois  peuvent  aimer  le  vin  qui  circule  à  la  ronde^ 
—  té  plaisir  que  tu  recherches  c'est  de  lire  le  Coran  et  de 
l'écrire. 

Que  d^ autres  hommes  passent  leurs  matinées  à  boire,  —  tu 
consacres,  par  habitude,  ces  heures  à  la  prière. 

Que  d'autres  se  plaisent  à  vider  la  coupe  du  soiry  «—  chaque 
nuit  tu  abreuves  tan  âme  du  souvenir  de  Dieu. 

Que  d'autres  princes  soient  âpres  [de  caractère]  et  qu'ils 
vivent  enfermés  dans  leurs  palais,  —  tu  n'es  pas  un  esprit  mo* 
rose,  tu  ne  repousses  pas  les  visites  de  tes  sujets. 

Chez  toi,  tous  les  sentiments  respirent  ta  noblesse  et,  favo-' 
risés  par  la  fortune ,  ils  répandent  des  émanations  suaves  et 
douces. 

Cest  ainsi  que  tu  as  élevé  un  édifice  [  de  gloire  ]  parmi  les 
chefs  d\me  grande  famille  dont  [les  prouesses]  augmentent  la 
reuommée  de  [leurs  odieux]  Cahtan  et  Yaroh  *; 

Des  chefs  qui  surent  abattre  les  tyrans  orgueitieux  et  qui^ 
dans  la  lice  [de  là  gloire]  ,  laissèrent  Cdb  et  Aghleb  derrière 
euos  comme  des  esclaces  *. 

Des  héros  dont  les  rois  briguaient  ta  protection,  qui  faisaient 
l'honneur  de  l'espèce  humaine,  f  admiration  de  Vunivers  ; 

Dominateurs  du  monde,  ils  avaient  dressé  leurs  trônes  sur 
les  épaules  des  puissants  lions*. 


^«N«Mn*Ai»« 


^  Lfitéralement  :  devant  toi  est  le  mihrah  et  auprèe  de  lui  le  cortège 
(mpéfiat. 

*  La  race  des  Arabes  TemeDites  descendant  de  Cahtan^  père  de 
Yarob. 

'  Cdb,  aïeul  d^UDe  illostre  tribu  arabe  ;  AghUh,  aieul  des  Aghle- 
bides. 

*0\i:  des  sept  pUmites, 


256  HISTOIftX    DIS    BBtBftUS. 


» 


Leur  ville  de  Fez  excita  l'envie  de  Baghdadei  [pour  étreprès 
d^eux]  le  Tigre  aurait  voulu  être  le  Sebou. 

Ils  étaient  les  étoiles  qui  ornaient  le  ciel  de  la  gloire;  les  uns 
stationnaient  dans  Vest^  les  autres  dans  Vouest. 

Quel  brillant  cortège  de  chefs  descendus  de  Yarob  !  Vhomme 
du  pays  étranger  devenait  arabe  pour  chanter  leurs  louan- 
ges. 

Abd^el-Hack  se  leva  pour  faire  valoir  ses  droits^  et  rien  de 
ce  qu'il  rechercha  ne  put  lui  échapper. 

Il  engendra  Yaeoub^  y  prince  qui  suivit  le  chemin  de  son  père, 
chemin  bien  battu  dans  lequel  il  ne  pouvait  pas  s^  égarer. 

Yacoub  laissa  Othman,  épée  tranchante  qui  fraya  les  voies 
de  Vislamisme. 

Combien  d'expéditions  a-t-il  faites  pour  la  cause  de  Dieu  ! 
expéditions  qui  mirent  en  ruine  tout  ce  que  l'infidélité  avait 
construit. 

Toutes  les  fois  que  Dieu  a  voulu  compléter  ses  grâces  en-^ 
vers  les  musulmans,  il  les  a  versées  sur  nous  tous,  saints  ou 
pécheurs. 

Dieu  l'a  produit  pour  être  le  flambeau  de  la  religion  or- 
thodoxe et  pour  dissiper  les  ténèbres  qui  voilaient  Véclat  de  la 
vérité. 

Dans  ton  progrès  tu  as  marché  selon  le  cœur  de  Dieu,  et 
suivi  un  sentier  qui  Va  mené  vers  sa  faveur. 

Tu  as  soutenu  de  la  bonne  manière  la  cause  de  Dieu  en  la 
défendant  avec  une  lance  habituée  aux  combats. 

Tuas  rendu  le  peuple  de  Dieu  ton  peuple  et  ton  appui;  par 
tes  efforts  tu  lui  a  procuré  un  rang  et  une  position  [parmi  les 
nations]. 

Un  coup  a  frappé  les  pervers  et  dérangé  leurs  projets;  un 
homme  s*  est  posé  auprès  d'eux  y  pour  les  réprimander  et  pour 
les  punir. 


Ul  y  a  ici  un  jeu  de  mots  sur  Abd-el-Hack  et  hack  {droit). 
*  Oua  Acaba  Yacouha  ;  encore  un  jeu  de  mots. 


stuastu  stEfniDB. —  abou^'l^hacen.  257 

ru  t%s  lutté  comme  il  le  fallait  pour  la  cause  du  Miséricor- 
ilieux  ;  aussi ^  lesprêtres  des  infidèles  redoutent  ta  puissance. 

Tu  as  délivré  tout  un  peuple  des  griffes  des  Arabes  nomades  ; 
faisant  ainsi  la  meilleure  des  guerres  saintes,  celle  qui  est  la 
plus  nécessaire. 

Le  monde  s^est  avancé  vers  toi,  comme  une  fiancée  soumise 
à  ta  volonté,  parle  cours  merveilleux  du  destin. 

Il  n^y  a  point  de  ville  dont  les  habitants  ne  souhaitent  tapré- 
sence;  point  de  pays  qui  ne  s^épanouisse  à  la  mention  de  ton  nom. , 

La  terre  n'est  qu'unvaste  logement  dont  tues  le  maitre,  et  il 
n'y  arrive  que  des  amis  bienvenus. 

Tu  possèdes  lamoitié  du  pays  par  le  droit  de  conquête,  l'au^ 
tre  moitié  par  héritage  ;  conquête  et  héritage  I  beaux  titres  de 
possesion. 

Tu  l'as  conquise  au  moyen  de  trois  armées  dont  l'une  avait 
pour  montures  des  planches  et  l'Océan,  l'autre  était  portée  sur 
de  nobles  coursiers, 

La  troisième  était  ta  bonté,  ta  justice  et  ta  piété.  — '  Celle- 
ià,  j'en  atteste  Dieu  I  fut  la  plus  puissante,  la  plus  victorieuse* 

Chaque  cheval  [de  tes  armées]  fait  l'ornement  de  son  cava- 
lier ;  chaque  cavalier  fait  V ornement  de  son  cheval. 

Chaque  lance  est  mince  et  flexible',  chaque  épée  polie  et  tran- 
chante. 

On  y  voit  des  écrivains  que  leur  épriture  ^  fait  vivre  et  qui 
ne  savent  cependant  ni  lire,  ni  écrire; 

Ils  se  jettent  sur  les  plus  braves  cavaliers  de  l'ennemi  ainsi 
que  le  lion  se  précipite  sur  un  troupeau  de  cerfs; 

Des  écrivains  dont  les  lancesne  se  refusent  jamais  des  coaps 
fîquanis,  et  qm,  habitués  au  haut  style,  connaissent  à  fond  les 
Journées  des  Arabes  *. 


'  L'antevr  joue  ici  sur  la  double  signification  du  mot  khatt  {îance$^ 
—  écriture.  ) 

*  Les  Journées  des  Arabes,  leurs  guerres  et  combats  avant  l^isla- 
misme,  font  le  sujet  de  plusieurs  ouvrages  très-admirés.  Les  récils 
4n  Kitah-el-Àghani,  traduits  par  M.  Fresuel,  et  les  notice  que  M. 

T.  iv.  47 


iSS8  HISTOiEl  l>lt  BERikBIt. 

Par  la  magie  de  cette  parole  :  Frappe  I  ils  produisent  des 
effets  merveilleux^  et  les  épées  descendent  sur  tes  têtes  des 
guerriers. 

Avec  les  orateurs^  ils  savent  parler  unlangage  beau  et  fleuri; 
parmi  les' guerriers^  ils  montrent  leur  supériorité  et  leurexpé^. 
rience. 

Là  aussi  sevoit  l'homme  qui  porte  la  robe  du  savoir  et  de  la 
piété,  et  sur  lequel  flottent  les  amples  basques  de  la  davi- 
(tienne  ^ 

Ilpossèdeune  teinture  de  science;  [oui,  mais]  elle  se  répand 
comme  un  torrent  ;  sonintelligence jette  des  lumières  qu^aucun 
nuage  ne  saurait  obscurcir. 

Admirons  aussi  cette  armée  qui  réunit  les  étendards  de  tous 
les  peuples  ;  grâce  à  elle^  notAS pouvons  sans  danger  parcourir 
le  monde. 

Quelle  noble  troupe  !  voilà  la  bande  qui  rétablit  le  bon  droit 
et  qui  brxse  tous  les  obstacles. 

A  tdp  sire^  appartient  la  prééminence  sur  les  peuples  domi^ 
ciliés^  et  sur  les  nomades^  nHmporte  où  ils  se  rendent  ei  d'où  ils 
viennent. 

Roi  juste j  pieux,  favorisé  de  Dteu,  toi  dont  les  hauts  faits 
sont  exaltés  partout  et  inscrits  [sur  les  pages  de  l'histoire]; 

Tu  as  suivi  envers  nous  une  voie  de  générosité  qui  atteint 
également  les  présents  et  les  absents. 

Pieux  toi-même,  tu  honores  les  hommes  pieux  ;  pour  toi,  le 
dévot  est  un  parent  très-^approché. 

Savant  [dans  la  loi] ,  tu  as  exalté  le  savoir  et  tu  recherches 
avec  empressement  ceux  qui  le  cultivent. 

Gaussin  de  Perceyala  insérées  dans  son  £««ai  sur  Vhistoire  des  Arabes 
peuvent  donner  une  idée  du  contenu  de  ces  anciens  recueils-  —  On 
voit  que  le  poète  joue  sur  la  double  signification  des  mots  J&urneés 
des  Arabes  qui  s'emploient  pour  désigner  leurs  combats  et  Vhistoirê 
de  leurs  combats. 

^  Selon  les  musulmans,  personne  n'a  jamais  su  travailler  le  fer 
aussi  bien  que  le  roi  David,  fils  de  Salomon.  Il  fabriquait  surtout 
des  cottes  de  mailles  à  larges  basques  qui  avaient  la  réputation 
d'être  impénétrables. 


DYNASTIE  HfilkmiDK.—  ABOO«'1-HACB1I.  299 

Faire  reloge  de  tes  vertus  est  un  devoir  pow  tout  homme  qui 
^ait  parler;  mais  qui  pourrait  compter  les  sables  de  la  mer. 

Combien  est  admirable  l'abondance  des  dons,  des  cadeaux  et 
des  bienfaits  que  tu  répands  l  certes  ,  les  matns  qui  versent  de 
pareils  torrents  peuvent  se  comparer  à  l'Océan. 

Puissent-elles  ressembler  toujours  à  ces  nuages  quï  donnent 
aux  créatures  de  Dieu  les  eaux  et  les  pâturages  ! 

Puisse  l'éloge  de  ta  gloire  s'élever  toujours  I  puissent  les 
détracteurs  de  ton  mérite  rester  accablés,  brisés  sous  le  poids 
du  mépris  universel  I 

Puisse-tu  atteindre  sûrement  au  comble  de  tes  vœux  !  au- 
cune grâce  ne  saurait  être  rebelle  [à  tes  vœux]  ni  difficile  [à 
obtenir]. 

COMBAT   ENTRB   LES  ARABE9   BT   LB    SULTAN.  DÉSASTKB   U 

CAIBOUAN. 

LesKaoub,  famille  de  la  triba  des  Soleim,  commandaient  à 
toute  la  population  nomade  dePlfrtkïa  ;  fiers  et'puissants,  ils  ne 
voulaient  jamais  subir  Pautorité  de  Tempire  [hafside],  et,  dans 
le  temps  où  cette  dynastie  n'existait  pas,  ils  s'étaient  toujours 
distingués  par  leur  amour  de  Tindépendance.  Lors  de  la  promul- 
gation de  rislamisme,  quand  les  Arabes  descendus  de  Moder  con- 
quirent tant  de  royaumes,  les  Soleim  se  tinrent  à  l'écart ,  au  mi- 
lieu de  leurs  plaines,  dans  le  fond  de  leurs  déserts,  et  ne  payè- 
rent la  dtme  légale  que  par  simple  condescendance.  Cette  con- 
duite hautaine  les  rendit  suspects  aux  khalifes,  et  l'historien  Et- 
Taberi*  nous  assure  qu'El-Mansour  [deuxième  khalife  abbacide] 
avait  enjoint  formellement  a  son  fils  [et  successeur]  El-Mehdi  de 
ne  jamais  admettre  aucun  individu  de  cette  tribu  au  service  de 
l'empire. 

Quand  la  dynastie  abbacide  s'acheminait  vers  sa  ruine  et 

'  Abou-Djâfer-Mohammed-Ibn-Djerir-et'TaberJy  l'an  des  plus  an- 
ciens et  des  plus  célèbres  d'entre  les  historiens  arabes,  nous  a  laissé 
une  histoire  très-volumineuse  et  très-curieuse  des  trois  premiers 
«iècles  de  l'islamisme.  Il  mourut  en  l'an  310(923  de  J.-G.) 


260  IlSTOIRS     DBI     BBlBÈRIt. 

qu'une  Croupe  d'esclaves  tirés  de  l'étranger,  s'était  arrogé  tonte 
Pautorité  du  kbalifat,  les  Beni-Soleim,  devenus,  très- puissants 
dans  lesdésertsdu  Nedjd*,  se  mirent  à  dévaliser  les  caravanes  de 
la  Mecque  et  de  Medine,  en  faisant  éprouver  aux  pèlerins  lesmaux 
les  plus  déplorables.  Quand  les  Fatemides  eurent  démembré  l'em- 
pire des  Abbacides  et  fondé  la  ville  du  Caire,  les  Soleim  profitè- 
rent de  ce  changement  pour  gratifier  leur  esprit  de  domination 
ot  leur  amour  du  désordre  :  ils  harassèrent  également  les  fron- 
tières des  deux  khalifats  et  rendirent  les  routes  impraticables 
par  leurs  brigandages.  \ 

Plus  tard,  le  gouvernement  fatemide  leur  permit  d'envahir  l'A- 
frique heptentrionale  et  de  partir  pour  Barca  a  la  suite  des  Arabes 
hilaliens*.  Jls  ne  cessèrent  de  parcourir  et  ravager  ce  pays  jus- 
qu'à l'époque  où  Ibn-Ghanîa  [Palmoravide]  fit  la  guerre  aux  Al^ 
mobades  et  leur  enleva  Tripoli  et  Cabes,  villes  qui  servaient  à 
couvrir  la  frontière  orientale  de  leurs  états.  Caracocb,  le  ghozz, 
client  des  ATouhides  qui  gouvernaient  l'Egypte  et  la  Syrie,  em- 
brassa le  parti  d'Ibn-Ghanta,  et  plusieurs  fractions  de  la  tribu 
des  Soleim  se  rangèrent  du  même  côté,  avec  une  foule  d'autres 
nomades.  Rassemblés  sons  les  drapeaux  de  ces  deux  chefs ,  ils 
insultèrent  les  villes  et  les  campagnes  de  lifrîkïa,  s'y  montrant 
partout  comme  les  avant-coureurs  du  désordre'. 

Après  la  mort  d'Ibn-Ghanta  et  de  Caracoch,  quand  les  Hafsi- 
4les  eurent  établi  leur  indépendance  en  Ifrikïa,  les  Doua- 
ouida  [tribu  rtahide]  résistèrent  à  l'autorité  d'Abou-Zékérïa- 
Yahya.  Cet  émir  résolut  de  leur  opposer  une  autre  tribu  nomade 
et;  s'étaot  procuré  Pappui  des  Soleim,  en  les  retirant  de  la  provinco 
de  Tripoli,  où  ils  avaient  leurs  lieux  de  parcours,  il  les  établit  à 
Cairouan  et  leur  accorda  des  ictâ  *  en  Hrîkïa.  Introduits  au  ser- 


*  Le  Nedjd  est  un  vaste  plateau  qui  occupe  une  grande  partie  de 
l'Arabie  centrale. 

*  Voy.  le  premier  volame  de  cette  traduction. 

»  Voy.  l'histoire  de  Caracocb  et  dlbn-Ghania,  dans  le  second  vo- 
lume de  cette  traduction. 

*  Voy.  tome'i,  p.  117,  note  2. 


tTNÀSTIS  HÉRIIflDE.  —  IBOC-'L^HACBll.  t64 

Vice  de  Pempire  hafsîde,  les  Soleifn*lai  firent  bicDiôt  seollr  leur 
grande  puissance  et  leur  humeur  intraitable. 

Lors  des  luttes  qui  eurent  lieu  entre  les  princes  bafsides,  les 
Kaoub  obtinrent  le  commandement  de  toute  la  population  no- 
made et,  toujours  prêts  h  soutenir  les  divers  membres  de  la  fa- 
mille royale  qui  désiraient  s'emparer  du  trône,  ils  portèrent  de 
rudes  coups  è  l'empire,  malgré  les  châtiments  qu'ils  eurent  èi  su- 
bir par  suite  de  leur  insubordination.  Hamza-ibn-Omar,  frère  de 
l'émir  [Houlahem  et  leur  principal  chef,]  soutintconlre  notre  sei* 
gneur,  l'émir  Abou-Yahy a* Abou-Bekr,  une  guerre  dans  laquelle 
les  succès  alternaient  avec  les  revers  et^  tant  qu'elle  dura,  il  sut 
profiter  très-habilement  des  tentatives  faites  par  les  Abd-eUOua- 
dites  pour  étendre  leur  domination'  sur  les  provinces  occidenta- 
les de  l'Ifrrkïa.  Il  les  décida  h  y  envoyer  des  troupes  chaque  fois 
qu'il  soutenait  lui-même  l'un  ou  l'autre  des  princes  hafsides  qui 
aspiraient  À  l'empire;  maisensuite,  quand  le  sultan  Abou*>Yahya* 
Abou-Bekr  eut  étouffé  l'esprit  d'insubordination  dont  les  attein- 
tes avaient  tant  nui  à  son  autorité,  et  que  le  sultan  abd-el-oua- 
dite,  l'ennemi  implacable  du  gouvernement  hafside^  eut  succombé 
sous  l'épée  d'Abou-'l-Hacen,  parent  et  ami  du  souverain  de  Tu- 
nis, il  changea  de  tactique  et  fit  sa  soumission  au  prince  qu'il 
avait  si  longtemps  combattu.  Usant  alors  de  la  haute  influencis 
qu'il  exerçait  chez  lesSoleim,  il  porta  celle  tribu,  malgré  elle, 
à  payer  Timpôt  [sadacat)  au  gouvernement.  Il  mourut,  dans 
un  guet-à-pens  auquel,  dit-on,  l'administration  hafside  n'était 
pas  étrangère. 

Ses  fils  et  successeiKs  montrèrent  tant  d'imprévoyanee  qu'ils 
s'attirèrent,  plusieurs  fois,  un  châtiment  sévère  de  la  part  du 
souverain  dont  ils  avaient  encouru  la  colère.  Ayant  toujours  en- 
tendu vanter  la  puissance  de  leurs  aïeux,  ils  ne  pensèrent  pas 
à  traiter  avec  le  gouvernement,  et,  s'étént  laissés  emporter  par 
l'ambition,  ils  livrèrent  bataille  à  un  généra  hafside,  Tan  742 
(1341-2),  mirent  ses  troupes  en  déroute  et  allèrent  assiéger  le 
sultan  dans  la  capitale  de  l'empire.  Indignés  contre  l'émir  Abou- 
Hafs-Omarqui  les  avait  abreuvés  d'humiliations  après  la  mo/tde 
son  père,  ils  embrassèrent  le  parti  d'Abou-'l-Abbas,  héritier  lé  - 


362  nSTOIRI    Ml    BtBBÊMN. 

gitime  du  tr6ne,  et  le  conduisirent  h  Tunis.  Sept  jours  plus  tard, 
Âbou-Hafs  força  Tentrée  de  la  ville,  tua  son  frère  Âbou-'l-Abbas^ 
«t,  s'étant  emparé  d^\bon-'l-Haul,  fils  de  Hamzà,  il  le  tua  de 
sangfroid,  à  la  porte  de  la  citadelle.  La  nouvelle  de  ce  forfait 
remplit  les  fils  doHamza  d'une  telle  indignation  qu'ils  invitèrent 
Abou-'l-Hacen  à  venir,  sans  tarder  davantage,  et  à  prendre  pos- 
session de  rifrîkïa. 

Après  avoir  effectué  cette  conquête,  le  sultan  mérinide  traita 
ses  nouveaux  sujets  avec  une  hauteur  à  laquelle  le  gouvernement 
hafside  ne  les  avait  pas  habitués,, et,  dans  sa  conduite  envers  les 
nomades,  il  adopta  un  système  bien  différent  de  celui  que  l'an- 
cienne dynastie  avait  employé.  Ayant  reconnu  que  les  Arabes 
s'étaient  prévalus  de  leur  puissance  pour  se  faire  concéder,  d'a- 
bord plusieurs  territoires  très-étendus,  et  ensuite,  un  grand 
nombre  de  villes,  il  leur  ôta  celles-ci  et  leur  accorda,  comme  in- 
demnité, des  pensions  sur  l'état  et  une  augmentation  de  djébaia^» 
Bientôt  après,  il  opéra  une  réduction  dans  les  revenus  qu'il  ve- 
nait de  leur  assigner,  et,  touché  des  plaintes  que  les  cultivateurs, 
toujours  victimes  de  la  tyrannie  des  Arabes,  lui  avaient  adres- 
sées au  sujet  du  khafâra  [protection),  tribut  qu'ils  payaient  aux 
nomades,  il  défendit  à  ceux-ci  de  l'exiger  et  aux  cultivateurs  da 
le  payer. 

Les  Arabes  commencèrent  alors  h  se  méfier  du  sultan  et,  se 
voyant  enfin  accablés  par  la  sévérité  de  son  administration,  ils 
attendirent  une  occasion  favorable  afin  de  se  venger.  Cette  por- 
tion  de  leurs  nomades  qui  vivaient  de  rapines  et  de  brigandages^ 
eut  àpeipe  entendu  parler  de  leurs  intentions  qu'elle  glissa  à  tra- 
vers la  ligne  de  camps  et  de  garnisons  que  les  Herinides  avaient 


4  A  toutes  lesépoques,  les  gouvernements  musulmans  se  sont  vus 
dans  l'Impuissance  de  faire  rentrer  les  impôts  des  provinces  un 
peu  éloignées  de  la  capitale.  Pour  effectuer  cette  opération  finan- 
cière ils  ont  toujours  eu  recours  aux  guerriers  nomades,  qui  rete- 
naient ordinairement  la  moitié  de  la  somme  perçue.  —  Par  le  mot 
djebala  Ibn-Kbaldoun  parait  désigner  cette  espèce  de  gratification* 


DTIIÀSTII  attlNIDI.  —  aiou-'l-hacbti.  203 

établis  sur  les  frontières  de  Tlfrlkïa  et,  s'ëtaDt  avancée  dansPin- 
tériear  du  pays,  elle  se  mit  à  piller  les  habilants  et  à  enlever 
leurs  troupeaux.  De  toutes  parts  on  n'entendit  que  des  plaintes 
contre  les  Arabes,  et  bientôt  la  bonne  intelligence  qui  avait  régné 
entre  ce  peuple  et  le  gouvernement  mérinide  fut  profondément 
ébranlée.  Le  sultan  avait  quitté  EUMehdïa  et  venait  de  rentrer 
à  Tunis  quand  une  députation  de  chefs  arabes  se  présenta  de- 
vant lui.  E!le  se  composait  de  Rbaled-Ibn-Hamza,  le  même  qui 
l'avait  poussé  à  envahir  rifrtkïa,  d* Ahmed,  frère  de  Rhaled,  de 
Khaltfa-Ibn-Abd-Aliah-lbn-Mesktn,  chef  des  Âuled-el^-Cos,  et 
de  Khaltfa-Ibn-Abi-Zeid,  cousin  du  précèdent..  Tous  ces  cheikhs 
reçurent d^abord  un  honorable  accueil,  mais,  pendait  qaUl  jouis- 
sait deThospitalité  du  sultan,  une  circonstance  fâcheuse  amena  uu 
grand  changement  dans  leur  position. 

Parmi  les  gensqui  formaient  la  suite  du  sultan  se  trouvait  un 
émir  bafside  nommé  Abd-el-Ouahed,  fils  du  feu  sultan  Abon- 
Tahya-Zékérïa-lbn-el-Libyani.  Retraçons  ici  l'histoire  de  ce 
prince.  Ayant  perdu  son  père  en  Egypte,  comme  nous  l'avons 
dit  précédemment,  il  rentra  dans  la  province  de  Tripoli*,  se 
fit  proclamer  sultan  et  rallia  autour  de  lui  les  Arabes  nomades  de 
la  tribu  des  Debbab.  S'étant  alors  ménagé  l'appui  d'Abd-el~ 
Mélek'lbn-Mekki,  seifl;neur  de  Cabes,  il  partit  aveo  lui  et  s'em- 
para de  Tunis  pendant  l'absence  du  sultan  [Abou-Yahya-Abou- 
Bekr]  qui  était  alors  occupé  à  détruire  la  forteresse  de  Temzex- 
dekt.  Ayant  appris,  quelques  jours  après,  que  le  sultan  appro- 
chait, il  quitta  la  ville  en  toute  hâte  et  alla  se  réfugier  dans  Tlem- 
cen.  Quand  Abou-'l-Uacen  marcha  contre  la  capitale  abd-el- 
ouadite,  le  réfugié  abandonna  ses  protecteurs  et  trouva  auprès 
du  souverain  mérinide  un  accueil  plein  de  bienveillance.  Depuis 
lors  il  était  resté  avec  Abou-'l-Hacen  et  Tavait  accompagné  à  la 
conquête  de  Tunis. 


1  L'auteur  ajoute  ici  en  Van  732,  ne  s'étaiit  pas  rappelé  qu'il  avait 
déjà  donné  l'an  72^  comme  ladate  de  cet  événement.  Yoy.  tome,  n,' 
page  A76. 


26&  HISTOIRE    DBS    BBRBftBES. 

Bientôt  après  l'arrivée  de  ladéputalion  arabe,  réarir  Abd-el- 
Ouabed  informa  le  sultan  qu'un  émissaire  de  ces  chefs  était  venu 
en  secret  l'engager  à  partir  avec  eux  et  à  se  laisser  proclamer 
souverain  de  l'Ifrikïa;  ii  déclara  aussi  qu'il  avait  repoussé  cette 
proposition  comme  il  le  devait.  Le  chambellan  Allal-lbn-Hoham- 
med-lbn-Amsmoud  fit  aussitôt  venir  les  inculpés  au  palais  et, 
après  leur  avoir  adressé  de  vifs  reproches,  il  les  envoya  en  pri* 
son.  Le  sultan  ouvrit  alors  le  bureau  de  la  solde  et  des  gratifi- 
cations [en  vue  d'une  nouvelle  expédition]  ;  puis,  après  avoir 
célébré  la  fête  delà  Rupture  du  jeûne (748  —  coramencemenl  de 
janvier  4348),  il  fit  dresser  ses  tentes  à  Sidjoum,  en  dehors  de 
Tunis,  et  rappela  les  garnisons  qu'il  avait  établies  dans  les 
places  frontières,  ainsi  que  tousles  autres  corps  détachés. 

Les  Aulad-Abi-'l-Leil  et  les  Aulad-el-Cos  apprirent  avec  effroi 
que  le  sultan  venait  d'emprisonner  leur  députation  et  qu'il  se  dis- 
posait à  marcher  contre  eux.  N'écoutant  plus  alors  que  leur  dé- 
sespoir, ils  s'obligèrent  par  serment  à  combattre  jasqu'è  la  mori 
et  ils  chargèrent  Abou-'l-Leil-Ibn-Hamza  de  se  rendre  auprès  de 
leurs  ennemis  héréditaires,  les  Aulad-Hohelhel,  et  d'implorer 
leur  secours.  Après  la  mort  du  sultan  Abou-Hafs*Omar,  ses 
partisans,  les  Mohelhel,  avaient  quitté  rifrikïa  et  s'étant  jetés* 
dans  le  Désert  pouréviter  la  vengeance  du  souverain  nierinide. 
Abou-'l-Leil  alla,en  conséquence,  se  mettre  à  la  merci  des  Mofaelhel 
et  les  implora  d'une  manière  si  pressante  à  former  avec  sa  tribu 
une  alliance  contre  le  sultan,  qu'ils  consentirent  à  sa  prière  et 
se  mirent  en  marche  avec  lui.  Toutes  les  familles  qui  formaient 
la  grande  tribu  des  Kaoub  et  toutes  les  branches  de  la  tribu  des 
Hakhn  se  réunirent  alors  à  Touzer,  dans  leDjerîd.  Des  deux 
côtés,  l'on  renonça  à  ses  anciennes  haines,  l'on  se  pardonna  mu- 
tuellement le  sang  versé  dans  leurs  querelles  ;  pois,  s'étant  tous 
donné  la  main,  ils  firent  serment  de  mourir  plutôt  que  de  reou^ 
1er.  Alors,  ils  cherchèrent  un  prince  de  sang,  afin  de  le  mettre 
en  a  vaut  comme  sultan,  et,  snr  les  indications  de  quelques  arti- 
sans du  désordre ,  ils  découvrirent  à  Touzer  un  descendant 
d'Abou-Debbous,  de  ce  khalife  de  la  famille  d'Abd-el-Moumea 
ffiû  fut  tué  par  les  Mérinides  à  la  prise  de  Marog. 


DYNASTIE  lÉBlNIDB. —  ABOU-'l-HACIR.  266 

Otbman,  grand-père  de  ce  personnage,  était  fils  d^Idris  et  petit- 
fils  d'^bou-Debboas.  Après  la  mortd^Idrts,  il  passa  en  Espagne 
et  fit  connaissance  avec  Morghem«lbn-Saber,  chef  des  Bebbab, 
qui  était  alors  prisonnier  à  Barcelonne.  Le  comte  de  cette  ville 
relâcha  Morghem,  négocia  une  alliance  entre  luietOthman,  leur 
fournit  un  navire  moyennant  la  promesse  d'une  somme  d'argent, 
et  les  fit  débarquer  sur  la  côte  de  Tripoli^  Othraan  passa  avec 
son  compagnon  dans  la  région  occupée  par  les  Debbab  et,  par- 
venu aux  montagnes  habitées  par  les  Berbères,  il  annonça  ouver- 
tement ses  prétentions  au  trône.  Soutenu  par  tous  les  Arabes 
debbabiens,  il  essaya,  mais  en  vain,  de  réduire  la  ville  de  Tri- 
poli, et,  s'étant  ensuite  procuré  l'appui  d'Ahmed-Ibn-Abi-'l- 
Leil,  cheikh  des  Kaonb,  il  marcha  avec  lui  contre  Tunis.  Cette 
tentative  n'eut  aucun  succès,  le  parti  hafside  étant  encore  très* 
puissant  en  IfrYkïa  tandis  que  celui  delà  dynastie  d\\bd-el-Hou- 
men  avait  cessé  d'eïister  depuis  de  longues  années.  Othman 
mourut  dans  Mie  deDjerba.  Son*fils,  Abd-es-Selam,  y  mourut 
ensuite  et  laissa  trois  enfants  dont  le  plus  jeune,  nommé  Ahmed, 
se  fit  artisan.  Après  avoir  été  ballotés  par  la  fortune  et  jetés  de 
pays  en  pays,  ces  frères  revinrent  h  Tunis,  pensant  que  ^histoire 
de  leur  aïeul  y  serait  tout-à-fait  oubliée.  Le  sultan  Abou-Tahya- 
Abou-Bekr,  ayant  appris  qui  ils  étaient,  les  fit  emprisonner  pen- 
dant quelque  temps  et,  en  Tan  744  (1343-4),  il  les  bannit  à 
Alexandrie.  Ahmed  rentra  en  Ifrîkïa  et,  s'étant  fixé  dans  Touzer, 
il  exerça  le  métier  de  tailleur  pour  avoir  de  quoi  vivre.  Les 
Kaoub  s'étant  mis  d'accord  avec  leurs  alliés  et  confédérés,  les 
Attlad-eUCos  et  toutes  les  branches  des  Allac,  appelèrent  Ahmed 
au  milieu  d'eux  et  le  reconnurent  pour  sultan.  Après  lui  avoir 
fourni  une  espèce  d'équipage  royal,  composé  de  quelques  tentes, 
de  beaux  habits,  de  chevaux  de  main  et  d'autres  marques  de 
commandement,  ils  l'entourèrent  du  cérémonial  usité  à  la  cour, 
campèrent  auprès  de  lui  et  partirentensuile  pour  aller  cambaltre 
Abou-'l-Hacen  *. 


1  Yoy.  tome  u,  p.  403. 
*yoy.  tome  m,  p  33. 


S66  aitTOIRI     Dit     BIRBftUS. 

En  l'an  748,  ce  monarque  quitta  son  camp  près  de  Tunis, 
après  avoir  célébré  la  fêle  du  Sacrifice  (milieu  de  mars  4348), 
et  marcha  coptre  les  insurgés.  Quand  il  eut  débouché  du  Th^nïa, 
col  que  Ton  traverse  pour  se  rendre  de  la  plaine  de;Tunis  dans 
celle  de  Cairouan,  l'ennemi  s^aperçut  de  son  approche  et  com- 
mença sa  retraite.  Pendant  ce  mouvement  rétrograde,  les  Arabes 
se  défendirent  avec  une  grande  bravoure,  mais,  parvenu  aux 
environs  de  Cairouan,  ils  perdirent  tout  espoir  de  salut  et  s'ar- 
rêtèrent avec  la  résolution  de  mourir  les  armes  à  la  main.  En  ce 
moment,  les  troupes  abd-el-ouadites,  maghrouienes  ettoudjîni- 
des  qui,  après  avoir  été  vaincues  par  lesBeni-Merin,  s'étaient 
vues  obligées  à  marcher  avec  eux,  firent  inviter  secrètement  les 
Arabes  h  livrer  bataille  au  sultan  le  lendemain ,  en  déclarant 
qu'aussitôt  le  combat  engagé,  elles  iraient  se  ranger  de  leurcdté, 
drapeaux  déployés.  Le  8  Moharrem  749*  (4  0  avril  i  348), au  point 
du  jour,  les  Arabes  s'avancèrent  à  l'attaque,  et  le  sultan  étant 
moQté  à  choval,  s'entoura  de  toute  la  pompe  de  la  royauté  et 
marcha  à  leur  rencontre.  Aussitôt,  le  désordre  se  mit  dans  son 
armée,  dont  une  grande  partie  alla  se  joindre  aux  insurgés,  et  il 
dut  se  réfugier  dans  Cairouan  avec  le  petit  nombre  de  ses  trou- 
pes qui  s'était  échappé,  par  une  fuite  précipitée,  à  la  cavalerie 
arabe.  Son  camp,  son  trésor  et  plusieurs  dames  de  son  hdrem 
tombèrent  au  pouvoir  des  vainqueurs,  qui  dressèrent  aussitôt 
leurs  tentes  en  cercle  autour  de  la  ville  pendant  que  les  bandes 
de  pillards  qui  les  avaient  accompagnés  allèrent  si^^  eter  comme 
des  loups  sur  les  contrées  voisines.  Toutes  les  parties  de  l'em- 
pire se  trouvèrent  ainsi  envahies  par  des  nuées  de  brigands. 
Quand  la  nouvelle  de  ce  désastre  (utconnue  à  Tunis,  les  gens  du 
sultan  et  son  harem  se  réfugièrent  dans  la  citadelle. 

Ibn-Tafragutn,  qui  avait  accompagné  Abou-1«Hacen  dans 
cette  expédition  malheureuse,  sortit  de  la  ville  de  Cairouan  et 
se  rendit  au  milieu  des  Arabes.  Désigné  sur  le  champ  pour  rem- 
plir les  fonctions  de  chambellan  auprès  de  leur  sultan  Ahmed - 


*  L'auteur  ou  son  copiste  a  mis  ici  en  Van  729. 


DTHaSTII  HttlRIDB. — AB0U-*I,-H1CCR.  S67 

Ibo-Âbi-Debbous,  il  reçut  Tordre  de  partir  pour  Tunis  et  de 
mettre  le  siège  devant  la  citadelle.  A  son  arrivée,  il  rallia  les 
partisans  des  Hafsides,  les  bandes  de  la  milice  et  la  lie  de  la  po- 
pulace; il  dressa  plusieurs  catapultes  et  commença  Pattaque  de  la 
forteresse  qu'il  avait  fait  cerner  de  tous  côtes.  Bientôt  après,  son 
sultan,  Ahmed,  vint  le  rejoindre.  Tous  leseRbrtsdes  assiégeants 
échouèrent  devant  la  vigoureuse  résistance  de  la  garnison. 

[Sous  les  mors  de  Cairouan],  la  discorde  éclata  bientôt  parmi 
les  Kaoub,  et  une  partie  de  leurs  tribus  étant  allée  se  ranger 
sous  les  drapeaux  d'Abou-M-Hacen,  mit  ainsi  un  terme  aublocus 
de  la  ville.  Les  Aulad-Abi-M-Leil,  voyant  que  [leurs  anciens  ri« 
vaux]  les  Aulad-Mohelhel  entretenaient  une  correspondance  ac- 
tive avec  ce  sultan,  s*en  étaient  inquiétés  au  point  d'autoriser 
leur  chef,  Abou-']-Leil;Ibn-Hamza,  d'aller  le  visiter  et  de  s'ar- 
ranger de  manière  à  faire  lever  le  siège.  Comme  l'exécution  de 
cette  promesse  se  faisait  attendre,  le  sultan  conclut  ave  lesMohel- 
hel  un  traité  par  lequel  ils  s'obligèrent  k  l'escorter  jusqu'à  Souça, 
port  de  mer  où  sa  flotte  avait  l'ordre  de  l'attendre.  Étant  sorti 
de  Cairouan  h  la  faveur  des  ténèbres,  il  marcha  en  ordre  de  ba- 
taille avec  ses  nouveaux  alliés  et  parvint  à  sa  destination. 

Ibn-Tafragutn  ,  averti  de  cet  événement,  s'embarqua  de 
nuit,  pour  Alexandrie,  et  abandonna  le  siégequ'it  avait  entrepris. 
]bn*Abi-Debbous  resta  consterné  de  la  fuite  de  son  ministre  ' 
tous  ses  partisans  se  dispersèrent  et  la  citadelle  se  trouva  dé- 
gagée. 

Vers  la  On  du  mois  de  Rebiâ  second  <,  Abou-'l-Hacen  entra  au 
port  de  Tunis  et  commença  sur  le  champ  à  faire  réparer  les  mu- 
railles de  la  ville  et  à  les  entourer  d'un  fossé;  sage  prévoyance 
qui  mit  la  place  en  état  de  mieux  résister  à  l'avenir. 

Ce  fut  ainsi  que,  par  la  volonté  de  Dieu,  le  sultan  mérinide  se 
releva  de  sa  chute  et  conjura  les  suites  du  desastre  qui  faillit  le 
perdre  à  Cairouan.  LesAulad-Abi-'l-Leil  et  leur  sultan  Ahmed- 


'  Le  texte  porte  de  Djomada,  Voy.  t.  m,  p.  36. 


t68  HISTOIRE   DBS   BtlBÈRBS. 

Ibn-Âbi-Debboas  se  montrèrent  bientôt  sous  les  murs  de  Tunis 
et  en  commencèrent  le  siège,  mais  les  Mohelhel  restèrent  fidèles 
àÂbou-4-HaceuetjusliGèrentla  confianceqn'il  leur  avait  accor- 
dée. Quelque  temps  après,  les  fils  do  Hamza-Ibn-Abi-'l-Leil 
changèrent  d'avis  et  résolurent  de  faire  leur  soumission.  Danslo 
mois  de  Chftban(oct.-nov.43i8),  leur  chef,  Omar,  alla  voir  le  sul- 
tan et,  pour  lui  prouver  son  obéissance  et  celle  de  sa  tribu,  il  lui 
livra  Afamed-Ibn-Âbi-Debbous.  Lesultan  enferma  le  prétendant, 
accueillit  leur  repentir  et  maria  son  fils,  A|3ou-'l-Fadl,  h  la  fille 
d'Omar-lbn-Hamza.  Dans  la  suite,  cette  tribu  se  montra  tantôt 
dévouée,  tantôt  hostile  au  gouvernement  mérinide. 


CONSTIRTIHB  BT  bougie   R^PODIENT   la   domination   MfiRINIDB 
ET   RENTRENT   80D8   l'aUTORITÉ   DBS   HAFSIDBS.  ' 


Enl'an747  (13i6-'i),  El-Padl^  fils  de  notre  seigneur  Abou- 
Yahya-Abou-Bekr,  conduisit  à  Tlemcen  sa  sœur-germaine, 
fiancée  du  sultan  Abou-'UHacen.  Il  était  encore  en  route  quand 
il  apprit  la  mort  de  son  père.  A  son  arrivée,  le  souverain  méri- 
nide lui  fit  l'accueil  le  plus  empressé  et  le  combla  d'égards  et  de 
faveurs.  Voulant  le  consoler  de  la  perte  qu'il  venait  de  faire,  il 
lui  fit  entendre^  d'une  manière  vague,  que  le  gouvernement  du 
Maghreb  l'aiderait  à  monter  sur  le  trône  de  ses  aïeux  ;  aussi, 
quand  il  entreprit  son  expédition  contre l'ifrtkïa,  le  prince  hafsi  - 
de  s'attendait  à  être  bientôt  mis  en  possession  de  ce  ro- 
yhume.  Cette  espérance  ne  s'accomplit  pas  :  après  avoir  vu  le 
sultan  s'emparer  de  Bougie  et  de  Constantine  et  l'avoir  suivi  jus- 
qu'à Tunis,  EUFadl  dut  se  contenter  du  gouvernement  de  Bône, 
ville  où  il  avait  déjà  commandé  du  vivant  de  son  père.  D'après 
l'ordre  d'Abou^'UHacen,  il  s'y  rendit  sur  le  champ,  mais  il  gar- 


1  Voy.  tome  m,  page  36.  —  Ici  le  texte  arabe  porta  vers  la  fin  dû 
Djwnadù, 


BT1VA8TIB   SÈUIHDB.  *-<-  ABOO-^L-HACEK.  269 

(la  dans  son  cœur  une  profonde  rancune  et  le  désir  de  se  venger. 
La  défaite  du  sultan  aux  environs  deCairouanlui  inspira  la  pen- 
sée de  s'emparer  du  royaume  paternel  par  la  force  des  armes,  el 
bientôt  il  trouva  une  occasion  qui  favorisa  ce  projet. 

Les  habitants  de  Bougie  et  de  Constantine  supportaient  avec 
impatience  la  domination  des  Mérinides,  peuple  dont  la  conduite 
dure  et  hautaine  contrastait  d'une  manière  fâcheuse  avec  l'admi- 
nistration douce  et  indulgente  à  laquelle  le  gouvernement  hafside 
les  avait  habitués.  La  nouvelle  de  la  déroute  de  Cairouan  leur 
donna  le  courage  de  secouer  le  joug  qui  les  accablait.  Eo  ce  mo- 
ment', la  ville  de  Constantine  était  [remplie  d'étrangers  :  une  ca- 
ravane partie  du  Maghreb  venait  d'y  arriver  avec  plusieurs  dé- 
putations  et  quelques  troupes  du  même  pays  qu'un  des  jeunes 
fils  du  sullan  conduisait  à  Tunis  par  l'ordre  de  son  père.Les  gou- 
verneurs des  provinces  maghrébines  qui  devaient  rendre  compte 
au  sultan  de  leur  administration  et  lui  remettre  es  impôts  qu'ils 
avaient  perçus,  y  étaient  déjà  depuis  le  commencement  de  l'année. 
On  y  voyait  aussi  plusieurs  chefs  chrétiens  chargés  par  leur  roi ,  le 
fils  d'Alphonse,  de  remettre  au  sultan  Abou-'l-Hacen  un  autre  de 
ses  fils,  l'émir  Tacheftn.  Ce  prince,  qui  avait  l'esprit  dérangé, 
était  resté  prisonnier  chez  les  chrétiens  depuis  la  fatale  journée 
de  Tarifa;  mais.,  maintenant  que  la  paix  s'était  établie 
entre  les  deux  souverains,  que  leur  amitié  avait  été  cimentée  par 
de  riches  cadeaux  et  que  Tlfrlkïa  était  tombée  au  pouvoir  des  Mé- 
rinides,  il  avait  obtenu  l'autorisation  d'aller  rejoindre  son  père. 
Les  chefs  qui  l'accompagnaient  devait  complimenter  Abou-'l« 
Hacen  au  nom  de  leur  mailre  et  le  féliciter  du  triomphe  de  ses  ar-* 
mes.  Il  y  avait  encore  une  députation  des  gens  de  Melli,  princes 
des  peuples  nègres  de  l'Occident.  Elle  venait  de  la  part  de  leur 
roi,  Mença-Soleiman,  afin  de  complimenter  le  sultan  sur  la  con- 
quête de  rifrlkïa.  Enfin,  YouçoMbn-Hozni,  émir  et  administra- 
teur du  Zab,  s'étant  mis  en  route  avec  l'intention  de  porter  au 
sultan  le  revenu  de  cette  province,  apprit  l'arrivée  de  ces  envo- 
yés à  Constantine  et  jugea  convenable  de  s'y  rendre  aussi  afin  de 
les  accompagner  jusqu'à  la  cour.  Tout  ce  monde  se  trouvait  réuni 
dans  la  ville  et  entouraient  de  leurs  respects  les  deuxfils  du  sultan. 


S70  HISTOIRE   DBS   BIRBftRBS. 

• 

Les  fortes  sommes  provenant  des  impôts  et  les  autres  riches- 
ses dont  ces  députations  étaient  chargées  avaient  déjà  excité  la 
cupidité  *  de  la  populace  quand  on  apprit  la  défaite  du  sultan 
auprès  de  Cairouan.  A  cette  nouvelle,  les  gens  du  peuple  se  tin- 
rent prêts  à  piller  les  trésors  de  la  caravane,  pour  se  venger,  di- 
saient-ils, de  la  tyrannie  des  Mérinides.  Pendant  ce  temps  , 
leurs  cheikhs,  avertis  qu'El-Fadl  venait  de  lever  le  masque  et  de 
se  déclarer  indépendant,  expédiaient  un  messager  h  Bône  pour 
inviter  ce  prince  à  venir  sans  retard  aQn  de  prendre  lecomman- 
dementde  leur  ville.  Les  Mérioideset  leurs  amis  ayant  su  qu'El- 
Fadl  approchait  à  grandes  journées,  s'enfermèrent  dans  la  cita- 
delle avec  les  fils  du  sultan,  et  Ibn-Mozni  courut  se  mettre  en  sû- 
reté au  camp,  où  il  avait  laissé  un  corps  de  troupes  sous  les  or- 
dres de  Yacoub-Ibn-Âli,  émir  des  Douaouida.  Les  habitants  de 
Gonstantine  affectèrent  de  prendre  la  défense  des  Mérinides  afin 
de  leur  inspirer  une  fausse  sécurité  et  donner  à  £l-Fadl  le  temp» 
d'arriver  ;  puis,  à  la  première  vue  de  ses  drapeaux,  ils  entourè- 
rent la  citadelle ,  forcèrent  la  garnison  à  capituler  et  l'envoyè- 
rent [avec  les  ambassadeurs]  au  camp  de  Yacoub-lbn-Ali,  après 
les  avoir  complètement  dépouillés,  au  mépris  du  traité  qu'ils  ve- 
venaient  de  conclure. 

D'après  les  conseils  d'Ibn-Mozni,  tous  ces  voyageurs  l'accom- 
pagnèrent à  Biskera  d'où  ils  pouvaient  se  rendre  plus  facilement 
auprès  du  sultan.  Us  se  mirent  en  route,  escortés  par  Yacoub- 
Ibn-Ali,  dont  l'autorité  s'étendait  alors  sur  tout  le  pays  ouvert. 
Quand  ils  furent  arrivés  à  Biskera,  Ibn-Mozni  les  traita  delà 
manière  la  plus  hospitalière  et  pourvut  abondamment  à  leurs 
besoins,  en  se  réglant  d'après  le  rang  de  chacun  et  l'importance 


*  A  la  lettre  :  leurs  lèvres  suintaient  le  lait  ;  tournure  analogue  à 
l'expression  française:  cela  leur  faisait  venir  Veau  à  la  bouche.  En 
anglais,  on  dit  de  la  môme  manière  :  that  maJe  iheir  teeth  water 
{cela  leur  faisait  suinter  Veau  des  dents). 


DTVASTfB  MtBIKIDI. —  IBOU-VbACBH.  VU 

plus  OU  moins  grande  que  chaque  ambassade  devait  avoir  aux 
yeux  du  Bultan.  Dans  le  mois  de  Redjeb[sept,-oct.  4348]  ils  ar- 
rivèrent à  la  cour,  sousla conduite  de  Yacoub-Ibn-Âli. 

Bougie  s'empressa  de  suivre  l'exemple  donné  par  Constantine  : 
la  populace  mit  au  pillage  les  logements  occupés  par  les  gens  du 
suUani  par  ses  troupes  et  par  ses  officiers  d'administration  ;  puis, 
ayant  dépouillé  tous  ces  malheureux,  elle  les  chassa  hors  de  la 
ville  et  les  laissa  partir  pour  le  Maghreb.  L'émir  £l-Fadl<  reçut 
par  un  courrier  extraordinaire  la  nouvelle  de  cet  événement  et 
l'invitation  de  se  rendre  à  Bougie  sur  le  champ.  Il  confia  aussilAt 
le  commandement  de  Constantine  et  de  Bône  à  deux  officiers  de 
haut  rang  et  d'une  fidélitééprouvée  auxquels  il  avait  accordé  son 
amitié.  Arrivé  à  Bougie  dans  le  mois  de  Rebift  (juin  ou  juillet 
4348),  il  y  releva  le  trône  de  ses  ancêtres,  mais  il  ne  le  conserva 
pas  longtemps.  Nous  parlerons  ailleurs  de  ce  qui  se  passa  plus 
tard  entre  lui  et  le  sultan. 


LBS   PILS  DU    SOLTAN    USUBPENT   l'aUTORITÊ    8UPBÈ1IB   DANS    LB 

■AGBRSB   CBIfTBAL   BT   DANS   LB   MAGHBBB-EL-ACSA*    ABOU- 

BINAN    BESTB   HaItSE    DE    CBS    DBUX    PATS. 


L'émir  Abou-Einan,  fils  d'Abou-'l-Bacen  et  gouverneur  du 
Maghreb  central,  ayant  vu  arriver  dans  sa  ville  de  TIemcen  plu- 
sieurs débvis  de  l'armée  de  son  père  qui  étaient  revenus  de  l'If- 
rfkïa,  les  uns  par  bandes,  les  autres  isolément,  et  tous  dans  le 
plus  grand  dénuement,  ajouta  foi  aux  bruits  qui  couraient  dans 
le  public  et,  sous  l'impression  que  le  sultan  avait  perdu  la  vie  à 
Cairouan,  il  résolut  de  s'emparer  do  tout  le  royaume  à  l'exclu- 
sion de  ses  frères.  Comme  il  avait  mérité  l'estime  et  l'affection 
de  son  père  par  la  régularité  de  sa  conduite,  par  sa  piété  et  par 


^  Deux  fois  dans  le  texte  arabe  de  ce  chapitre  on  a  imprimé  Abau 
l-Padl,  à  la  place  d'E^-FadL 


272  HISTOIRE    DES  BBEBBSES, 

sa  profonde  connaissance  da  Coran,  il  pouvait  avec  jastîce  aspi- 
rer an  trône. 

Nous  avons  déjà  parlé  d'Othman-lbn-Yahya-Ibn-Djerrar, 
cheikh  des  Aulad-Tîdoukcen-Ibn-Tâ-ÂlIahS  tribu  abd-el-oua- 
dite,  et  mentionné  qu'il  jouissait  d'une  certaine  considération  à 
la  cour.  Cet  homme,  ayant  obtenu  du  sultan  Abou-'l*Hacen  ia  per- 
mission de  rentrer  en  Maghreb,  quitta  le  camp,  à  £l-Mehdïa  et, 
arrivé  à  Tlemcen,  il  alla  se  loger  dans  le  Zaouïa^  d'El-Obbad.  Aus- 
tère de  mœurs,  compassé  dans  toutes  ses  actions,  profondément 
versé  dans  l'histoire  des  temps  anciens' et  singulièrement  taci- 
turne, il  donna  lieu  de  croire  [par  son  savoir  et  sa  tenue,]  quUl 
prévoyait  l'avenir. 

Abou-Einan,  qui  avait  un  extrême  désir  de  savoir  ce  qu'était 
devenu  son  père,  crut  obtenir  de  cet  homme  quelques  renseigne- 
ments à  ce  sujet,  et,  Payant  envoyé  chercher,  il  lui  fit  un  accueil 
plein  d'affabilité.  Ibn-Djerrar  n'était  pas  bien  disposé  pour  le 
sultan  :  aussi,  ne  manqua-t-il  pas  de  donner  carrière  à  son  ima- 
gination et  d'adresser  M'émir  plusieurs  paroles  qui  lui  laissaient 
entendre  la  chute  de  son  père  dans  un  abîme  ;  ensuite,  il  lui  offrit 
des  félicitations  sur  son  prochain  avènement  au  trône.  Voyant 
qu'Abou-Einan  prétait  ii  ses  discours  une  oreille  attentive,  il  se 
conduisit  avec  tant  d'adresse  qu'il  s'empara  bientôt  de  son  es- 
prit. Quand  la  nouvelle  du  désastre  de  Cairouan  parvint  à  Tlem- 
cen, il  fut  tellement  convaincu  de  la  mort  du  sultan  qu'il  con- 
seilla à  l'émir  de  saisir  l'autorité  suprême  avant  qu'elle  ne  tom- 
bât entre  les  mains  de  ses  frères.  Il  rapporta  en  môme  temps  les 
bruits  qui  couraient  dans  la  ville  au  sujet  de  la  mort  d'Abou-'l- 


^  Voy.  tome  ni,  page  420. 

•  Voy.  tome  i,  page  83. 

3  Djohétna-ta-Khabr-^n  (historien  aussi  véridique  qu'un  membre  de  Im 
tribu  des  Djohiïna),  Un  proverbe  arabe  dit  ;  anda  DjehéïncL-4''il^kha'^ 
bro-'l-yakin  (  chea  les  Djohéina  on  trouve  les^  bons  renseignemMits  .)  -^ 
(Spécimen  hist.  arab.  de  Pocoke,  édition  d*Oxford,   4806,  p.  il. 


DYMASTIB  HKRMIDE.  -*-  ABOC-'l-RACEM.  273 

HaeeB.  Ahouc-Binan  s'y  laissa  enfin  décider  qaand  il  sat  qa<)  le 
gouverneur  des  proTinces  lAaghrebines  et  commandant  de  Fer, 
NmirMansour,  fils  d'Abou-Mélek  el  petit-fils  du  sultan,   avait 

profité  du  départ  des  troupes  et  des  chefs  mérinidcs  pour  s'em*- 
parer|dn  pouvoir,  et  qu'il  venait  d'ouvrir  le  bureau  des  gratifiça^ 
lions  et  d'enrAler  des  cavaliers  et  des  fantassins,  sons  le  prétexte 
peu  croyable  d'aller  an  secours  de  son  grand-père. 

EUBacen-lbn-Soieiman-lbn-Irztguen;.  gouverneur  de  ta  cita^ 
délie  de  Fez  ei  chef  de  la  cavalerie  qui  faisait  la  police'de  la  cam- 
pagne, s'apef  eut  du  projet  de  Mansour  eft  sollicita  Tautorisation 
d^aller  joindre  le  sultan.  Cette  faveur  lui  fut  accordée  sansdifli* 
eoUé,  tantle  jeune  prineo  désirait  Véloignement  d'un  homme 
aussi  puissant.  En  partant,  H  reçut  de  Mansour  l'ordre  d'emme-*' 
ner  avec  lui  les  administrateurs  des  tribus  masmoudiennes  et 
des  provinces  marocaines,  vu  que  ces  officiers  avaient  à  remettro 
au  snifan  les  impôts  qu'ils  venaient  de  recueillir. 

Quand  cette  compagnie  de  voyageurs  arriva  dans  Tlemcen, 
Aboti-Einan,  maintenant  bien  décidé  à  prendre  en  marn  l'auto- 
rité suprême,  saisit  l'argent  qui  lui  était  venu  sr  b-propos  et, 
s'étant  emparé  des  trésors  que  son  pèrre  avait  laissés  dtfMf  Itf 
Mansoura,  il  se  fit  proclamer  sultan.  Ceci  eut  lieu  dans  le  mois 
do  Hebifl  [premier]  749  (juin  4348).  Étant  alors  monté  aur  i^ 
trAne,  dans  la  grande  salle  du  palais,  il  reçut  des  hauts  fonction* 
nanres  de  l'empire  le  serment  de  fidélité.  On  lut  ensuite  auxassrs^ 
tants  l'engagement  qtie  ces  chefs  venaient  de  prendre,  et  quand 
tiMles  les  classes  inférieures  eurent  suivi  leur  exemple,  on  leva 
faséanco. 

Le  nouveau  sultan,  ayant  posé  les  bases  do  son  autorité,  sfor^^ 
lit  à  cheval,  au  milieu  des  insignes  do  la  royauté  et  marcha,  h  la 
(été  i^an  cortège  magnifique,  jusqu^au  Kiosque  do  rhippodrèniv 
[CohbB^t^t'Metdb).  A  ce  spectacle  inattendu»,  le  peuple  fut  safsi 
de  eoneternation  et  se  dispersa  de.  tous  les  côtés.  Bacen^lbn-So'^ 
leiman-Ibn-Irzîguen  fut  nommé  vizir  ,  Fares-lbn-Meimoun-lbn* 
Ouedrar  lui  fut  adjoint  comme  lieutenant,  mais  Othman-lbn- 
Dîavrar  obtint  la  préséance  aur  ces  deux:  mmtstfes.  Le  secrétaire 
Aboo-Abd-AlIah-lbn-llohammed,  pe(it-fils  du  cadi  Abd-*Altalf^ 

T.  nr.  18 


274  HtSTOIRB   DES    BBRBEEBS. 

IbD-AbUOmar,  devant  Pami  et  le  conGJt^nt  du  souverain.  Nous' 

» 

donnerons  plus  tard  une  notice  de  ce  personnage. 

Abou-Einan  ouvrit  alors  le  bureau  des  izratifications,  enrôla 
tous  les  soldats  de  son  père  qui  s'étaient  réfugies  dans  Tletncen 
et  leur  fournil  les  chevaux,  les  habits  et  les  gratifications  d'u-* 
sage.  Pendant  qu'il  organisait  ainsi  une  armée  aGn  d'envahir  le 
Maghreb,  il  apprit*  que  Ouenzemmar^bn-Arif-Ibn-Yahya,  émir 
des  Zogbba,  ami  intime  du  sultan  Abou-'l-Hacen  et  commandant 
de  tous  les  nomades  de  l'empire,  avait  rassemblé  ses  Arabes 
ainsi  que  les  Zénata  du  Maghreb  central  et  qu'il  marchait  sur 
Tiemcenavec  I  intention  de  soutenir  la  causé  do  son  mattre  et 
d'étouITer,  par  les  armes,  la  révolte  qui  venait  d'y  éclater.  A. 
cette  nouvelle,  AbourEinan donna  au  vizir  El-Hacen-Ibn-Solei- 
man  le  commandement  de  l'armée  et  l'envoya  à  la  rencontre  de 
Ouenzemmar;  Il  mit  aussi  à  sa  disposition  toutes  les  fractions  des 
Béni' Amer  qu'il  avait  sous  la  main,  sachant  que  cette  tribu  était 
toujours  la  rivale  et  l'ennemie  des  Soueid,  la  grande  tribu  zogh- 
bienne.  Le  vizir  alla  prendre  position  h  Teçala  et,  après  avoir 
repoussé  Ouenzemmar,  qui  était  venu  l'attaquer,  il  poursuivit  si 
Tivement  les  troupes  de  son  adversaire  qu'il  leur  enleva  tentes, 
bagages  et  troupeaux.  S'étant  chargé  des  dépouilles  de  l'ennemi, 
il  revint  auprès  d'Abou-Einan,  qui  nomma  aussitôt  Othman-Ibn- 
Djerrar  gouverneur  de  Tlemcen,  l'installa  dans  le  Vieux-Châ« 
teau  [El'Casr'-el^Cadim)  ';et  partit  pour  le  Maghreb.  Ibn-Djer- 
rar  resta  au  pouvoir  jusqu'à  l'arrivée  d'Othman-Ibn-Abd-er- 
Bahman,  le  prince  abd-el-ouadi te  [qui  monta  ensuite  sur  le  trône 
de  Tlemcen].  Nous  avons  raconté  la  chute  d'ibn- Djerrar  dans 
notre  histoire  de  cette  dynastie. 

Quand  Abou-Einan  fut  parvenu  à  la  rivière  d'Ez-Zitoun,  on 
Taverlitque  son  viz'r,  EUHaceti-Jbn-Soleiman,  avait  l'intention 
de  le  faire  assassiner  à  Tèza,  dans  l'espoir  de  mériter  ainsi  la 
bienveillance  d'Abou-'l-Hacen  ;  on  lui  dit  aussi  que  C9  ministre, 


I  La  répétition  signalée  dans  la  note  (1)  du  texte  de  notre  auteur- 
est  unede  ces  tournures  qui  conviennent  augémedela  langue  arabe.. 


DT^NASTIB  MiKRlinDB.    ^^  AB0U*-'L<DACEN.  275 

ay^nt  remarqué  le  dévouement  dont  Mansour,  gouverneur  du 
Maghreb,  faisait  parade  envers  Âbou-'UHacen,  s^était  concerté 
avec  lui  dans  le  but  de  relever  l'autorité  de  ce  monarque.  Cette 
dénonciation  lui  parut  si  étrange  qa  il  hésita  d*y  ajouter  foi,  mais 
quand  on  lui  présenta  une  lettre  écrite  par  le  vizir  et  renfermant 
)a  preuve  du  complot,  il  ordonna  l'arrestation  de  ce  ministre  et 
le  fil  étrangler  le  même  soir.  Ayant  alors  repris  sa  marche  vers 
ie  Maghreb,  il  rencontra   auprès  du  Bou-1-Âdjraf,  rivière  des 
environs  de  Tèza,  Tarmée  de  Mansouret  la  chargea  si  vigoureu- 
sement qu'il  la  mit  en  pleine  déroute.   Il  continua  la  poursuite 
des  fuyards  et,  dans  le  mois  de  Rebiâ  second  (juillet  4348),  il 
prit  position  contre  la  Ville-Neuve,  forteresse  où  Mansour  8*était 
enfermé  après  avoir  échappé  du  champ  de  bataille  et  gagné  la 
ville  de  Fez.  Ayant  rallié  pendant  sa  marche  les  diverses  classes 
de  la  population  qui  étaient  accourues  au«de^ant  de  lui  pour  faire 
le«r  soumission ,  il  investit  la  Ville  -  Neuve  et  employa  une 
fouie  d'ouvriers  h  la  construction  de  machines  de  siège. 

En  arrivant  sous  les  murs  de  cette  forteresse,  il  avait  envoyé 
au  gouverneur  de  Méquinoz  Tordre  de  relâcher  les  fils  d^Abou^'l- 
Oià  que  Ton  détonait  dans  la  citadelle  de  cette  ville  ;  aussi,  ces 
princes  arrivèrent  au  camp  bienfAt  après,  et  y  restèrent  pendant 
toute  la  durée  du  siège.  La  population  de  la  place,  voyant  que 
ses  approvisionnements  allaient  s'épuiser  et  que  les  troupes 
d'Abou-Einan  continuaient  Tattaque  avec  autant  d'opiniâtreté 
qu'auparavant,  ne  sut  plus  quel  parti  prendre  ;  la  désunion  se 
glissa  parmi  eux  et  leurs  chefs  les  plus  influents  passèrent 
aux  assiégeants.  Alors,  Idris,  iilsd'Othman-Ibn-Abi-'l-Olâ,  s'en- 
fui  t  du  camp,  à  la  tête  de  ses  gens  et  oiïrit  ses  services  aux  habi- 
tants de  la  Ville-Neuve.  En  agissant  ainsi,  il  ne  fit  que  suivre 
l'ordre  d'Abou-Einan  qui  lui  avait  dit  en  secret  d'entrer  dans  la 
place  et  d'y  excitor  une  sédition  afin  d'en  accélérer  la  chute. 
Idrts  remplit  ses  instructions  et,  dans  la  confusion  produite  par 
sa  révolte,  la  Ville-Neuve  fut  prise  d'assaut.  Mansour  se  rendit 
à  discrétion  ;  il  fut  conduit  dans  une  prison  et  mis  à  mort  par* 
l'ordre  du  vainqueur. 

Aussitôt  qu'Abou-Einan  se  fut  rendu  mattre  de  la  capitale, 


^79  biSTOlRB    BÇ6   P£l|BÈ|lfiS. 

((uit#«tfis  prpvinces  dq  Maghreb  raçoDuqreDi  son  «uiprité  ai  le» 
Q^Pdbr^iis^^  villes  de  pçmpire  rivalisèrent  d'emprass9meiit  à  liM 
«^pédi^rleMrs  hommages  et  leur^  félicitations.  Pendant  quQlqiU) 
leinps,  Çeula  demeura  fidèle  au  suUap  Âbou-'i-Hacen»  maiç,  à 
)a  fin,  Ifl^  babilants  ^'insurgèrent  contre  leur  gouverofsur,  Abdr 
4tlah-lbn-AU-Jbp-Said,  qfftçii^r  du  çorpç  de3  yiairs,  et,  l'envo^ 
Jurent  prisonnier  à  Témir  Abou«Einan  dout  ils  proolapoièrQiit  $^us* 
^i^^t  \^  souveraineté.  Le  principal  inenei^f  de  ce  inouveçient  fi^\ 
leur  çhet  Abpu*'l-Âbba^*Âbn3ed*IbQ-Moh^(Qn3ed-|bn*Ra(d  de  la 
f^^^ille  4* Abou-^'s-Cherlf,  branche  de  la  grande  famille  des  cbé- 
fjfsquj  descendent  d'EUHacen  [petit-fils  de  Mahamni^et]  L^ 
4boi|^>-Ch^rtf  a^yaient  hal:^ité  la  Sicile  avqnt  de  s'établir  d^f\f 
Çfuta. 

Ahpu^Pipaq,  se  trouvant s^jn^i  ipîiftre  di^  ifçy^ua^e  d^  Haghreib, 
r«^UU  Mtour  de  lui  tous  les  Mérinides,  à  Texception  de  çeuxquj> 
ne  voulant  pas  abandonner  leur  sultan,  étaient  feaiéa  a  Tuftia.^ 
Cette  révolution  mit  Abou^'l-Bftcen  dan$i  Timpos^ibililé  dechA^ 
lier  h  réiyoUe  des  Kaoub  ;  aussi,  ^e  tint-il  dans  Tunia,  pensant 
que  1^  fojrtuue  lui  deviendrait  f^CQre  {avor4)tla«  PeAdani  ^ 
temps,  les  provinces^de  TAfriq^^lui  échappèrent  sucoessi veinent 
et  dba  nouvelles  révoltes  ne  ceasÀrent  d'y  éclater  jusqu'à  ce  que, 
ay^Pl  perdu  Tespoirde  caoserverce  pays»  il  partit  pour  1^  Ma- 


BÉVOLT^S   ftANS   US   PKOVmCKS.  —   RaTABLIS-MHEIfT   DBS  B^NH 

ABD-^IL-OCAD  DANS    TLEBCHK,     DBS  KACBBAODA    DANS    L^    PAYS 

DO   CBBLIF    BT  DIS   TOUpJÎN   DAIVS   MÊD&A. 


Aprèg  la  défaite  du  sultan  à  Gairouan  et  la  dissolution  dies 
Kai^  qui  tes^ient  ei»skear^bte  les.  tcou(¥^  des  diveFa«&  natiojaa  <et* 
f^tie^nea.,  qhacm  de  Ç4j&  çpfp^  tU^t  gqi^il  $ar  |^  ï^^swes  q^'il 
4w«Vl  Pfiejjdirfi  ppiiç  assurai:  ^w  {v^opiici  ^(^lutet  celui  de  ses.  ci- 
liés. S'étant  maintenant  joints  aux  Kaoub,  ap^r^  ?tVok  ^^> 
p^t  l^j^  d4JJBçUoi>  ^  rev^r^  qui  ^ceahl^  1#  sflttjq,  tW  m  àé^è- 


DYNASTIE   XfiRINIOS.   —   AHOU-'L-HACEN.  Î7T 

rent  kmarehér  sar  Taàis  arec  Ibn-Tafraguîn  el  de  se  rendre  eo 
saite  dans  leurs  pays  respectifs. 

Abou-'l-Haceù  aVail  emmeiiéèb  IfrikYa  plusieurs  de  leurs  chef» 
de  tribu  et,  dafis  le  bomhre  se  irouvèrent  quatre  frères  :  [Aboù-* 
8atd']0tbmaD,  [Abou-Thabel-]  Ëi-ZâYm,  Youçof  el  Ibrahim  ^ 
princes  dont  le  père^  Abd-or*Rahman,  était  fils  de  Yahyabt  pcf* 
tit-fils  de  Yaghmoraoen-IbD^Zian,  sultan  des  Beni-Abd-el-Ouad. 
Tombés  au  pouvoir  d'Abou-'l-Haceiïtf  lors  delà  prise  de  Tlem-^ 
cen,  et  envoyés  à  Algéciras  pour  combattre,  les  chrétiensf  ils 
avaient  obtenu  de  lui,  après  la  chute  de  cette  ville,  la  permission 
de  rentrer  dans  leur  tribu,  et  s^étaiei>l  ensuite  rendus  à  Gai 
rouan  sous  le  drapeau  du  même  souverain. 

On  remarqua  aussi  parmi  cds  chefs  Ali,  fils  de  oe  Bached^bn*» 
Mohammed-lbn-Tbabet-Ibn-Mendil  dont  no^js  avons  déjà  racontii 
l'histoire  *•  Devenu  orphelin  de  bonne  heure,  Ali^Ibn-Hached 
fut  élevé  à  la  cour  de  Fez  ;  il  y  passa  sa  jeunesse  entouré  des 
f  oins  les  plus  lendresi  et,  en  grandissant  sous  lès  yeux  du  sul* 
tan,  il  s'habitua  aux  Mérinides  comme  s'il  n'avait  jamais  connu 
d'autre  famille  que  la  leur. 

Les  Beni-Abd-el-Ouad,  s'étant  assemblés  à  Tunis,  élurent  pour 
chef  Othraan,  filsd'Abd-er-Rafaman,  parce  qu'il  était  l'alné  des 
quatre  frères  dont  nous  venons  de  mentionner  les  noms.  Ce  fut 
dans  la  banlieue  de  cette  capitale,  aopràs  du  côté  Oriental  à% 
Vieux-Uosalla  el  dans  une  position  d'où  Ton  découvrait  la  plaine 
de  Sfdjoum  que  cette  réunion  eut  lieu  et  qu'Olhman  fut  inauguré, 
séance  tenante.  Pour  accomplir  cette  cérémonie^  on  posd  par 
terre  un  bouclier  lamtien*  sur  lequel  on  le  fit  asseoir  ;  puis,  on 
l'entoura  de  tous  côtés  et  Von  se  courba  pon r  lui  baiser  la  mdin. 
Les  Maghraoua  prêtèrent  ensuite  le  eferiïient  de  fidélité  à  l'émîr 
Ali-Iba-Rached^  en  se  pressant  autour  de  lui.  Alorsy  les  deui 
peuples  se  pardonnèrent  le  sangqui  avait  été  répandu  dans  leurs 
anciennes  querelles  et,  s'étanl  engagés  h  se  traiter  6n  aàiitf  et  k 


>  Yoy.  p4 145  de  ce  vol,  et  tome  ni^  p.  319. 
«  Voy.  t.  in^  p.  W3. 


278  HISTOIRE    DES   BERDERKS. 

se  soutenir  dans  Teotrcprise  qu'ils  allaient  tenter^  ils  prirent  en  <» 
semble  la  route  du  Maghreb. 

Arrivés,  sous  la  conduite  d^Ali-Ibn-Rached,  dans  leur  pays,  la 
plaine  du  Chelif,  les  Maghraoua  soumirent  les  villes  de  celte  ré-^ 
gion  et  s'emparèrent  de  Ténès  d'où  ils  expulsèrent  les  troupes 
du  sultan  et  tous  ses  partisans.  Us  firont  mourir  Serhan,  cadi,  de 
Hazouna  qui,  après  avoir  soutenu  dans  cette  vîHe  la  cause  d'A- 
boir-'l-Hacen,  s^y  était  rendu  indépendant. 

Othman-Ibn-Abd-  er-Bahman  et  ses  Beni*Abd-eI-Ouad  conti- 
nuèrent leur  marche  jusqu'à  TIemcen,  naguère  siège  de  leur  em- 
pire, et  y  trouvèrent  Ibn-Djerrar  établi  comme  souverain.  Aus- 
sitôt après  le  départ  d*Al)Ou-Einan,  cet  homme  avait  pris  le  titré 
de  sultan  et  encouru  la  haine  des  habitants  qui  le  virent  avec  in- 
dignation s'établir  sur  un  trône  auquel  sa  naissance  ne  lui  don- 
nait aucun  droit.  H  s'était  toutefois  maintenu  au  pouvoir  pen- 
dant quelques  jours  et  il  espérait  que  sa  tribu  viendrait  à  son 
recours  quand  il  se  vit  tout-à-coup  assailli  par  l'armée  abd-él- 
ouaditede  l'émir  Othman*  La  populace  s'insurgea  à  l'instant 
même,  brisa  les  portes  de  la  ville,  se  précipita  au-devant  de  ses 
compatriotes  et  conduisit  le  descendant  de  leurs  anciens  rois  au 
palais  de  ses  aïeux.  Cette  révolution  eut  lieu  dans  le  mots  de  Djo« 
mada  749  (août-sept.  4348).  Les  habitants  accoururent  par  ban- 
des au  pied  du  trône  et  prêtèrent  le  serment  de  fidélité  àMeur  nou- 
veau souverain.  Dans  l'intervalle,  Ibn-Djerrar  avait  disparu, 
mais  on  le  découvrit  enGn  caché  dans  une  des  cabinets  de  la 
résidence  royale.  Traîné  dans  un  cachot,  il  y  mourut,  noyé  par 
les  eaux  qu'on  y  fit  couler  exprès. 

Le  sultan  Abou-Satd-Olhman  partagea  l'autorité  suprême 
m vec  son  frère,  Abou-Thabet^ez-Zaïm,  et,  l'ayant  choisi  pour 
lieutenamt,  il  lui  confia  le  commandement  de  l'armée,  de  la  cam- 
pagne et  de  la  population  nomade.  H  choisit  pour  vizir  son  pa- 
ient Yahya-IbnDawoud-Fbn-Megguen,  de  la  famille  de  Moham^- 
med-Ibn-Tîdoukcen-Ibn-Tâ-AlIah. 

Les  Abd-el-Ouad,  ayant  ainsi  rétabli  leur  empire,  envoyèrent 
une  députation  de  cheikhs  auprès  de  l'éaiir  Abou-Einan,  sultan 
des  Beai-Merin,  et,  par  l'entremise  de  ces  agents,  ils  conclurent 


DYNASTIE    HERIMDE.  —    ABOU-'L-HlCfiN.  279 

Un  traité  de  paix  par  lequel  ils  s'obligèrent  h  repousser  le  sultan 
Abou-'l-Hacen,  s*il  tentait  h  passer  dans  le  Maghreb.  Ils  marchè- 
rent ensuite  contre  Ori.n,  forteresse  qui  avait  fait  partie  de  leurs 
états  et,  après  un  siège  de  quelques  mois,  ils  forcèrent  le  gouver- 
neur àcapituler.  Cet  officier,  qui  était  un  desclients  ^du  sultan, 
ae  nommait  Obbou-lhn-Djana,  et  le  corps  de  troupes  qu4I com- 
mandait avait  été  installé  dans  la  place  par  Abou*'l-Hacen. 

Les  habitants  d'Alger  mirent  leur  ville  en  état  de  défense  et 
restèrent  fidèles  au  sultan  Abou-M-Hacen  qui,  étant  rentré  à  Tu« 
ois  après  le  désastre  de  Cairouan,  leur  avait  envoyé  comme  goiH 
verneur  Mohammed- Lbn-Yahya-el-Acheri,  ancien  serviteur  de 
son  père. 

Vers  la  même  époque,  Adi-Ihn-Youçof,  petit-fils  deZfan-Ibn- 
Hohammed-Ibn-Abd-el-CaouY,  parut  à  Timproviste  dans  Médéa 
ei  rétablit  le  royaume  de  ses  ancêtres  en  s'y  faisant  proclamer 
sultan»  La  population  de  Ouanchertch,  boulevard  de  lempire  ton?- 
djinide,  repoussa  ses  prétentions  parce  qu'elle  avait  déjà  pour 
chef  un  membre  de  la  famille  d'Omar-lbn-Othman,  ancien  chef 
de  la  tribu  des  Beni-Tlgherin  ;  mais  les  Aalad-Azîz  autre  tribu 
toudjinide,  établie  dans  la  campagne  de  Médéa,  embrassèrent  le 
parti  d'Adi  et  se  rallièrent  autour  de  son  drapeau.  Ce  chef  passa 
le  reste  de  sa  vie  à  combattre  les  fils  d'Omar-Ibn- Olhman,  les* 
quels  se  maintinrent  dans  le  commandement  des  Beni-Toudjtn  et 
gardèrent  leur  fidélité  envers  le  sultan  Abou*'l-Hacen. 

Pendant  ces  changements,  Abou-'l-Hacen  était  resté  à  Tunis,. 


1  Clients  :  le  mot  arabe  est  £^Uji0,  de  la  racine  ^â^  {faire).  Ce 
terme  est  employé  par  notre  auteur  pour  désigner  les  officiers  sor- 
tis du  corps  des  pages  et  les  autres  protégés  du  sultan,  ceux^  en 
un  mot,  dont  il  avait  fait  la  fortune.  Les  pages  étaient  ordinaire- 
ment des  orphelins  ;  élevés,  dès  leur  première  jeunesse,  sous  les 
yeux  du  sultan,  ils  oublièrent  promptement  leur  origine  et  n'eurent 
plus  d'autre  tribu,  d'autre  famille  que  celle  de  leur  patron  et  pro- 
tecteur. Presque  toutes  les  dynasties  musulmanes  entretenaient  un 
corps  de  pages  ;  celle  des  Turcs,  à  Constanlinople^  avait  ses /toA- 
^ghlanlar  [jeunes  gens  de  l'intétieur  du  palais). 


y 


^80  HISTPIRS    DUS  BfiBBÈRBS. 

maift  enfin   l'houro  du  départ  arriva  et  il  vint  débarqmr  ^ 
Alger, 


\  LES    PRINCBS    lABSIDES    QUI    ATAIHPIT    COmUMDÉ     JL  lOUOIB   K7 

A    COlfUTARTIRB    RSRTBBlfT  BN  POSfXBSION   DI   CB8   FO>RTJttia8B8. 


A  répoqae  où  Abou-Einau  usurpa  le  trône  de  sod  pèm,  en  se 
fifiisantprocIamersaUanJtTlemcen,  il  avait  accordé  son  amitiéft 
Pémlr  Abou-Abd-Allah-Mohammed,  fils  de  l'émir  Aboa-Zékérra- 
Yabya  et  ex-seigneur  de  Bougie.  Renvoyé  de  cette  ville  par  h 
sultan  Abou-*l-Hacen,  ce  prince  hafside  avait  été  condaii  à 
Tfemcen  oit  il  fit  la  connaissance  d^Aboa-£inan.  Cohii-ct,  étant 
devenu  souverain,  n^oublia  pas  son  ami  :  il  le  nomma  goerer-' 
neur  de  Bougie,  hii  fournit  des  armes  et  deTargenl  en  quantité 

suffisante,  et  PenVbya  prendre  possession  de  la  ville.  En  quittant 
son  bienfaiteur,  Abou-Abd-Alfah  prit  rengagement  de  s^opposer 
à  la  marcbe  d*Abou-1-Haceu  dans  le  cas  où  ce  monarque  quitte- 
rait Tunis  pour  se  rendre  en  Maghreb. 

Parti  d'Oran  avec  la  flotte  qu'Abou-Einan  avait  mis  à  sa  dis- 
position, il  débarqua  au  port  de  Tedellis  et  fit  son  entrée  dans  tar 
ville.  Les  Sanbadja  qui  habitaient  la  campagne  de  Bougie  abatr^ 
donnèrent  aussitôt  l'émir  Abou-'l-Abbas-el-Padl  et  accoururent 
sous  les  drapeaux  de  son  neveu,  Abou-Abd-Allah,  duquel  ils  se 
rappelaient  les  bienfaits  et  dont  ils  avaient  vu  régner  le  père. 

L'émir  Abou-Binan  avait  emmené  de  Tlemcen  en  Maghreb 
l'émir  Abou-Zeid-Abdi-er-Rahman ,  fils  d^  Témir  Abou-Abd- 
Allah  et  ex-gouTerneur  de  Gonstantiae.  [Arrivera  Pet],  il  adnailoe 
prince  et  ses  frères  dans  son  intimité  et,  quand  il  eut  enlevé  la 
Ville-Neuve  h  son  neveu  Mansour,  il  les  envoya  tous  dans  leur 
pays,  afin  de  créer  encore  un  nouvel  embarras  à  son  père.  Dana 
la  nombre  de  ces  princes  se  trouva  notre  seigneur  lesultao  régnant^ 
Aboa-*l«-Abbas,  celui  dont  Dieu  s'est  servi  pour  restaurer  Vpm^ 
pirebafside. 

Leureffranchi,Nebtl,  autrefois  chambellan  de  feur  père,  les 


DTKASTIB  ■ÈUIHDB.  <^-«    ÀtOD-^L-HACBN.  S84 

devança  auprès  da  prince  Âbou-Abd-Allab  qui  faisait  le  siège  do 
Bougie  et,  delà,  il  partit  pour  Conslantine,  ville  dont  Âbou-'l- 
Abbas-el-Fadl  avait  obtenu  possession.  A  son  approche,  les  ha- 
bitants senlirenl  renattre  dans  leurs  ocBOrs  l'amour  qu'il»  por- 
taient k  Imirs  anciens  émrs;  ils  se  rappelèrent  la  doucear  de 
leur  administration  et  se  décidèreot  à  déposer  le  gouverneur 
qu'Abou-'l-Fadl  leur  avait  donné.  Aussi,  quand  Nebîl  parut 
sous  les  murs  de  leur  ville,  ils  le  prirent  pour  chef,  reconnu- 
rent son  maître  pour  leur  souverain  et  renvoyèrent  tous  les 
officfers  d^Rl-Fadl.  Nebîl  ayant  obtenu  possession  dfe  Cotl^-*' 
tantineet  des  régions  qui  en  dépendent,  y  rétablit  la  dotninaCmtt 
dé  l'émir  Abou-Zeid  et  de  ses  frères.  Arrivés  au  stége  âet  leu^ 
gouvernement,  ces  princes  y  trouvèrent  leur  autorité  reconnue 
et  virent  leurs  drapeaux  flotter  sur  toutes  les  parties  de  la  pro^ 
vince.  Il  descendirent  donc  au  palais  ausst  naturellement  que 
descendent  les  iiùns  dans  teors  tanièred  ou  les  autres  sûtrs  l'bo^ 
rizon. 

Aboa-ÂËcl- Allah  élant  parvenu  h  rassembler  ses  amis  et  ded 
partisans»  tint  so»  oncle  [E^Fadl]  MoqM  dans  Bougie  pendant^ 
plnsienvs  jours  ;  ensuite,  il  décampa  et,  quelque  temps  après,  il 
reeomnoençâ  le  siège.  Alors,  dans  nnedes  nuits  du  Ramadan  749 
(noiF.-déc.  4348),  les  amis  qu'il  avait  dans  la  place  ef  le^  gens  âtt 
people  auxquels  il  avait  fait  passer  de  l'argent  lui  ouvrirent  les 
portes  du  faubourg.  Au  bruit  de^  tambours  et  de  l'irruption  des 
trompes  les  habitants  s^éveillèrenl  épouvantes  et  l'émir  Abou-'I-** 
Abbas-*el-Fadl  s'élantenfui,  à  pied  et  sans  chaussure,  alla^  ^é' 
cacher  dans  on  des  ravins  de  la  Gouraïa,  montagne  qui  domine 
la  citadelle.  Au  lendemain,  dans  la  journée,  il  fut  tiré  de  sa  re-^^ 
traite,  amené  devant  son  neveu,  qui  le  reçut  très-^grâcieusement 
et  l'embarqua  pour  BÔne,  siège  de  son  commandement. 

Redevenu  mattre  de  Bougie,  Abou-*Abd-Allah  monta  éUf*  le' 
trène  de  ses  aïeux  et  écrivit,  ainsi  que  lès  princes  de  Gonstan^ 
line;  i  Abou^Einan  pour  lai  annoncer  leur  heureux  succès.  Ils 
lui  renouvelèrent,  eu  même  temps,  l'assurance  de' leur  sincère 
dévouement  et  se  déclarèrent  en  mesure  d^empiécher  wrt  j}èr6 
de  pafsser  en  Maghreb . 


SS2  BISTOIBI  DBS   BBRBËaiS. 


KN-MACBR,    FILS  DD   SULTAK  ABOU-'L-HACEN,    SORT  DB   TUNIS  BT 
FAIT,  AYBC   ARiP-UR-TAHTA,    UNB   EXPÉDITION   DANS   Ll  MAGHBBB 

CENTRAL. 


Qaand  le  sultan  Abou-U~Hacen  vit  arriver  à  Tunis,  sous  Tes- 
cortede  Yacoub-ibn-Âli,  émir  des  Douaouida,  ses  deux  fils,  ses 
percepteurs  et  les  ambassadeurs  qu^on  lui  avait  envoyés,  il  ve- 
nait d'apprendre  que  les  provinces  du  Maghreb  s'étaient  déta- 
chées de  son  empire  et  que  plusieurs  princes,  dont  quelques-uns 
appartenaient  à  sa  propre  famille,  en  avaient  pris  possession* 
Voulant  porter  un  prompt  remède  h  ce  fâcheux  état  de  choses, 
il  ordonna  a  son  (ils  En-Nacer  de  partir  pour  le  Maghreb  central 
afin  d'y  étouRcr  le  feu  de  la  révolte  et  de  reconquérir  Tempire 
qui  lui  échappait.  Ses  alliés,  Yacoub-lbn-Âli  et  AriMbn-Yahya, 
émir  des  Zoghba,  prirent  les  devants  avec  leurs  troupes  pour 
éclairer  le  chemin.  Arrivé  à  Biskera,  £n-Nacer  y  6t  camper  son 
armée;  puis,  s'étant  remis  en  marche,  il  traversa  le  pays  des 
Btah  et  entra  dans  celui  des  Zoghba.  Ayant  alors  rassemblé  sous 
ses  drapeaux  les  Arabes  seaailiés;  ainsi  que  les  Toudjîn  du  Ouan- 
cherîchet  quelques  autres  tribus  zenatiennes,  il  se  porta  jus- 
qu'à la  rivière  Oureg,  où  il  rencontra  Abou-Thabet-ez-Zaïm  qui 
avait  quitté  Tiemcen  à  la  tête  des  Beni-Abd*el-Ouad  et  de  leurs 
alliés,  afin  d'arrêter  son  progrès.  Dans  le  combat  qui  s'ensuivit, 
En-Nacer  subit  une  défaite  et  dut  s'enfuir  et  rentrer  à  Biskera. 
Arif-Ibn-Yahya  se  réfugia  au  milieu  de  sa  tribu,  les  Soueid,  tra- 
versa ensuite  le  Désert  et,  arrivé  dans  le  Maghreb- el-Acsa,  il 
trouva  un  accueil  bienveillant  auprès  de  l'émir  Abou-Einan.  De 
Biskera,  En-Nacer  marcha  avec  les  Aulad-Mohelhel  au  secours 
de  Tunis,  ville  dont  les  Aulad-Abi-1-Leilet  leur  sultan  [Abou-'U 
Abbas-]el-Fadl  essayaient  de  s'emparer.  Avertis  de  son  approcher 
les  assiégeants  quittèrent  leurs  positions  pour  lui  livrer  bataille 
etle  chassèrent  devant  eux  jusqu'à  Biskera.  Il  resta  dans  celte 


7{ 

DTNASTtt  HâmmDB.  —  abou-'l-hacbk.  ses 

ville  pendant  quelque  temps  ei,  quand  son  père  se  fut  rendu  de 
Tunis  è  Alger,  il  s^empressa  d'aller  le  rejoindre. 


ABOU-^L-BACEN   PlRT   POUR    LB    BAGHRBB.  —  BL-PADL 

S^BMPABE  DE   TljNiS. 


Abou-1>Âbbas-eUFadl,  ayant  été  gracié  par  son  neveu  après 
la  prisi3  de  Bougie,  repartit  pour  Bône,  siège  de  son  gouverne- 
ment et,  comme  les  (ils  de  Haraza-lbn-Omar  lui  envoyèrent  alors 
plusieurs  cheikhs  des  AuIad-Abi-'ULeil  aGn  de  le  pousser  à  s^em- 
parer  de  l'Ifrikïa,  il  consentit  à  tenter  cette  conquête  et,  vers  le 
commencement  du  mois  de  Choual  749  (décembre  1348),  il  se 
rendit  dans  les  cantonnements  de  ces  Arabes.  Leur  cavalerie  se 
mit  aussitôt  à  parcourir  les  campagnes  de  l'Iirikïa  pour  y  lever 
des  contributions  et  ensuite  elle  alla  camper  devant  Tunis.  Cette 
armée  tint  la  ville  étroitement  bloquée  pendant  plusieurs  jours; 
mais,  se  voyant  menacée  par  les  Mohelhel,  alliés  du  sultan  Abou- 
'1-Hacen,  qui  approchaient  sous  la  conduite  de  son  fils,  En-Nacer, 
le  même  qui  avait  évacué  précipitamment  le  Maghreb  central^ 
elle  quitta  ses  positions,  força  ses  adversaires  à  prendre  la  fuite* 
et  recommença  le  siège  pour  Tabandonner  encore. 

Alors,  Khaled-Ibn-Hamza  passa  avecsa  tribu  ducAté  des  Mo* 
helhel  et  les  rendit  ainsi  bien  plus  puissants  qu'auparavant*  Son 
frère,  Omar-lbn-Hamza,  partit  pour  TOrient  afin  d'accomplir  le 
pèlerinage,  et  Âbou-1-Leil,  le  troisième  frère,  se  jeta  dans  le 
Désert  avecEl-Fadl.  Ce  prince  ne  sortit  de  sa  retraite  qu'à  Pépo- 
que  où  les  peuplades  du  Djertd  reconnurent  son  autorité.  Yoici 
quelques  détails  relativement  à  cet  événement. 

Quand  le  sultan  Abou-'l-Hacen  fut  rentré  à  Tunis  après  avoir 
effectué  son  évasion  deCairouan,  il  reçut  la  visite  d'Ahmed- Ihn- 


]  Il  faut  sans  doute  lire  cherrtdouhomy  au  i^urlel. 


294  BIBTOIKB   DBfl   BllBfeRB». 

I 

Mekki  qui  ^tait  veau  le  féliciter  et  qui  dédirait  Peo&retedir  eu  sur- 
jet de  la  frontière  et  des  révoltes  que  la  volonté  du  destin 
avait  permis  d'éclater  dans  les  provinces.  D'après  les  conseils  de 
cet  émir,  il  essaya  d'y  rétablir  l'ordre  en  donnante  chaque  loca- 
lité un  chef  dont  la  famille  appartenait  à  l'endroit ,  croyant  s'at- 
tacher ainsi  les  habitants  et  les  conserver  dans  l'obéissance.  Par 
suite  de  ce  projet,  le  gouvernement  de  Gabes,  de  Djerba,  d'Ël-* 
Hammaetdes  contrées  qui  en  dépendent  fut  accordé  à  Abd-el- 
Ouahed,  fils  du  sultan  Abou-Yahya-el-Lihyani.  Ce  prince 
pâftit  ^oufâa  destination  avec  Ahmed-lbn  Mekki,  mais,  quel- 
ques jours  après  son  arrivée  à  Djerba,  il  mourut  de  la  peste  qui 
fil  tahtde  ravages  en  Afrique  cette  année-là.  Abou-Cacem-tbn- 
Ottou,  grand^cheikh  des  Almohades  [hafsides]  reçut  par  la  même 
d<icdsionr,  le  commandement  de  Tou^er,  de  Nefta  et  de  toutes  leâ 
autres  villeâdu  Djerfd;  s'étaht  attiré  les  bonneâ  grâces  du  sultan 
après  la  trahison  et  la  fuite  de  son  rival,  Ibn-Tafragutn.  Aussi- 
tôt arrivé  dans  Tôtia^ér*,  il  pai'vinC  à  inspirer  aul  habitants  du 
Ùjôftd  les  meilTeurâ  sentiments  envers  les  Méi'inicJes. 

LéprtnceAbou-'l-Abbas-el-Fadl,  qui  avait  assiégéTunisdeux 
fois  et  repoussé  les  Aulad  Mohelhel,  entra  dans  le  Djertd  Pan 
780  (< 349-80),  dans  l'espoir  d'y  établir  son  autorité.  Ô'étârit 
atoi^s  adressée  Ibn-Ûttou,  il  lui  rappela  leur  ancienne  amitié é^ 
lés  nombreul  droits  que  la  famille  ie^  Safsides  avait  à  sa  recon''' 
naissance.  Profondément  aiïeclé  paf  les  souvenirs  que  ces  paro- 
les réveillèrent  dans  son  cœur,  Ibn-Oltoû  jeta  les  yeux  sur  ses 
membres  cruellement  mutilés  par  l'ordre  d'Abou-'(-Hacen,  et, 
laissant  éclater  la  hainequ'il  avait  étouffée  jusqu'alors,  il  répu- 
dia l'autorité  des^Mérinides  et  ordonna  à  tous  ses  administrés  dé 
reconnaître  pour  leur  souverain  le  seigneur  £I-P&dl,  fils  du  sul- 
tan Âbou-Yahya-Abou-Bekr.  Les  habitants  de  Tôuzér^  de  Gafsa, 
de  Nefta  et  d'El-Hamma  s'empressèrent  de  répondre  è  cet^e  in- 
vitation et  prêtèrent  tous  le  serment  de  fidélité  au  prince  hafside. 
Ibn-Mekki  lui-même  suivit  leur  exemple  et  entraîna  l'adhésion 
des  habitants  de  Gabes  et  de  Djerba. 

Le  sultan  ayant  appris  qu'El-Padl  marchait  sur  Tunis  après 
s'être  rendu  roatirecié  toutes  les  villes  de  l'IfilkYa,  dn  cowçUV  de 


DTlfASTIB  «Élini»!.  —  abov-'l-hàciii.  SS6 

sérieaset  iDquiétudes,  et,  oédaqt  aux  ooBseils  de  ses  familiera 
qui  Gomptatent  ^ur  une  vie  heureuse  dans  le  Maghreb  fiussilAt 
que  leur  matlre  aurait  recouvré  aon  royaume,  il  commeuça  %es 
préparatifs  de  départ.  Âyaut  approvisionné*  plusieurs  navires  de 
tout  ce  qui  pourrait  coqtribuer  au  bien-élre  des  voyageurs,  il 
B^embarqua  l'an  760,  au  cœur  del*hiver,aprèsavoir  accompli  le 
jeAne  du  Ramadan  (au  milieu  de  décembre  1349).  laissant 
k  Tunis,  en  qualité  de  gouverneur,  son  fils  Abou-4-Fadl.  Il  cro* 
yait  que  l'alliance  matrimoniale  de  ce  prince  avec  la  famille  de 
Bamza-Ibn-Abi-'l-Leil  et  le  commandement  qu'il  venait  de  lui 
donner  suffiraient  pour  empêcher  la  populace  de  se  révolter 
et  d'insulter  aux  Mérinidesqui  allaient  s'embarquer.  Cinq  jours 
apbès  son  départ,  il  entra  dans  le  port  de  Bougie  pour  renouveler 
sa  provision  d'eau,  mais  le  seigneur  de  cette  ville  défendit  à 
tous  les  habitants  du  littoral  de  lui  en  fournir.  Les  gens  du  sultan 
descendirent  ë  terre,  les  armes  k  la  main,  et  remplirent  lueurs 
tonneaux  après  avoir  chassé  les  hommes  qui  gardaient  la  fon- 
taine. Son  navire  remit  alors  à  la  voile  et  essuya,  la  même  nuit, 
une  tempête  affreuse  ;  balloté  par  les  vagues,  il  échoua  sur  le  ri- 
vage après  avoir  eu  ses  embarcations  brisées  et  mises  hor^  de 
service.  La  majeure  partie  de  ^équipage  fut  noyée  ainsi  que  plu- 
sieurs des  familiers  du  sultan.  Ce  prince  lui-même  fut  jeté  sur 
Ptiequi  se  trouve  en  face  du  pays  des  Zouaoua  *,  et  il  y  passa  ta 
nuit  avec  quelques  serviteurs  que  la  mer  avait  épargnés  et  qui 
se  trouvaient  dans  un  état  de  nudité  complète.  Le  lendemain,  uq 
canot,  échappé  au  naufrage,  s'approcha  à  la  rame  et  les  hommes 
qui  le  montaient  prirent  le  sultan  à  bor  j.  Ils  y  arrivèrent  bien  à 
propos,  car  déjà  les  Berbères  accouraient  de  leurs  modtagnes  en 
poussant  de  hauts  cris,  et  s^avançaient  pour  enlever  le  pri.nç6 
quand  ce  bateau  vint  le  délivrer  et  le  transporter  à  Alger.  Ayant 
débarqué  dans  cette  ville  et  pris  quelque  repos,  Aboù-'Upacen 

'      I       ^  I  II  I  ^y^T-^^  I  *    'I    "m  I  I    |i|         H    |UHHI1WTllf'HI»>llll»WttW»ir'li      ■■li»l»|l     ■b|1.»wh»W 

'  >  Dans  le  texte  arabe  il  faut  l4re  (^^^ 
*  Cette  fie  porte  sur  nos  cartçsje  ^u)V^  do  VUm  Pis^, 


SS6  HISTOIAB   DSS   BBftMRBS, 

disiriboa  des  véteBueDls  aux  équipages  des  navires  qui  avaient 
été  dispersés  par  Torage  ainsi  qu'aux  amis  qui  venaient  le 
rajoindre.  Son  fils  En^^Naeer  partit  alors  de  Biskera.  et  vint  le 
retrouver. 

Quand  El-Fadl  eut  connaissance  du  départ  du  sultan,  il  sorttl 
du  Djerid,  s'empara  de  Tunis  et  força  Abou-4-Fadl,  fils  de  ce 
monarque,  à  s'enfermer  dans  la  citadelle  avec  ses  partisans.  Se* 
condé  par  les  habitants,  il  investit  cette  forteresse,  le  40  de 
Dou-1-Hiddja  (24  février  4350],  et  obligea  la  garnison  à  capitu- 
ler. Âbou-'l-Fadl  serenditàla  tente  d'Âbou-'l-Leil-Ibn-Bamza 
et  obtint  de  ce  chef  une  escorte  pour  Alger. 

Adi-Ibn-Youçoff  membre  de  la  famille  d'Âbd-el*Caouï  qui 
avait  usurpé  le  commandement  à  Médéa,  accourut  auprès  du  sul- 
tan et  offrit  de  lui  remettre  cette  ville  en  déclarant  qu'il  s'en 
était  emparé  pour  le  gouverner  au  nom  de  ce  monarque.  Cette 
démarche  lui  mérita  son  pardon  et  même  sa  confirmation  dans  le 
commandement.  Les  Soueid,  les  Hareth,  les  Hosein  et  tous  leurs 
dépendants  vinrent  alors  du  Maghreb  pour  soutenir  le  sultan, 
après  s'être  rénnis  autour  de  Ouenzemmar*Ibn-Arif,  chef  qui  lui 
était  toujours  resté  fidèle.  Il  reçut  aussi  la  visite  d'Ali -Ibn-Ra-> 
ched,  émirmaghraouien,  qui  voulait  le  poussera  combattre  les 
Beni-Abdel-Ouad,  et  qui  se  disait  prêt  à  le  seconder  moyennant 
l'assurance  d'être  confirmé  dans  son  commandement  aussitôt  que 
la  campagne  serait  terminée.  Le  sultan  refusa  d'admettre  aucune 
condition,  pour  ne  pas  prendre*  un  engagement  qu'il  serait  tenté 
à  rompre  plus  tard,  etl'émir  Ali  passa  aux  Abd-el-Ouadites. 

Le  seigneur  de  Tlemcen,  Abou-Saîd-Othman,  obtint  alors  de 
Pémir  Abou-Einân  l'appui  d'un  corps  mérinide  commandé  par 
Tahya-Ibn-Rahhou-Ibn-Tacheftu-Ibn-Môti,  de  la  tribu  des  Tir- 
bîghtn.  Son  frère,  Abou-Thabet-ez-Zaïm marcha  contre  lesultan 
à  la  tête  de  ces  Mérinides  et  des  contingents  fournis  par  lesBeni- 
Toudjîn.  Abou*'l-Hacen  avaitquitté  Alger  pour  établir  son  camp 
àllettdja  quand  Ouenzemmar  lui  amena  leS;  troupes  qu'il  avait  e- 


^  A  la  place  de  UIo  il  faut  lire  i^lé^. 


DYNASTIE  HfiaiNira.  —  abod-'l-hàcen.  ^S81 

\ées  dans  les  caotOKoements  des  Arabes.  Il  partit  aussitôt  pour 
Ghelif  et  rencontra  l'ennemi  à  ChediouYa.  Les  Maghraoaa  l'at- 
taquèrent avec  une  grande  impétuosité  et,  dans  la  mêlée,  lui  tuè- 
rent son  fils,  En-Nacer,  qui  avait  soutenu  leur  charge  sans  bron- 
oher*  Les  troupes  du  sultan,  découragées  par  la  mort  de  ce  jeune 
prince,  abandonnèrent  à  l'ennemi  leur  camp  et  les  tentes  de  leur 
souverain.  Ouenzemmar-Ibn-Ârtf  et  ses  gens  emmenèrent  le 
malheureux.  Abou~'l-Hacen  du  champ  de  bataille  et  le  conduisi-^ 
rentau  Djebel-Bached  en  traversant  le  Ouanchertch.  Les  vain« 
queurs  renoncèrent  è  la  poursuite  et  allèrent  s'emparer  d'Alger, 
d^où  ils  expulsèrent  tous  les  partisans  de  leur  adversaire.  Ce 
fut  ainsi  que  le  sultan  Abou  -  '1  -  Hacen  perdit  le  Maghreb 
central. 


Ll   SVLTAN  OCCUPE   SIDJILVE6SA    ET   l'ÉVACUB    ENSUITE    A   L'aPPEOCHE 

DE   SON   PIL8   ABOU-EINAM. 


Le  sultan,  après  avoir  assisté  à  la  défaite  de  ses  troupes  et 
perdu  son  fils,  En-Nacer,  abandonna  le  champ  de  bataille  et 
passa  dans  le  Désert  avec  son  ami  Ouenzemmar.  Conduit  par  ce 
chefdans  les  cantonnements  desSoueid,  au  milieu  du  Ouanche- 
rtch, il  prit  la  résolution  de  rentrer  en  Maghreb,  demeure  de  sa 
tribu,  pays  où  elle  avait  conquis  la  puissance  et  fondé  son  em* 
pire.  Arrivé  auDjebel-Rached,  il  entreprit  une  longue  marche 
à  travers  lo  Désert,  et  se  dirigea  vers  Sidjilmessa  sous  l'escorte 
des  nomades  et  de  leur  chef  Ouenzemmar.  Aussitôt  que  les  ha« 
biianlsde  celle  ville  furent  avertis  de  son  approche,  ils  accouru- 
rent au-devant  de  lui  avec  le  plus  grand  empressement  ;  tous  t^ 
précipitèrent  à  sa  rencontre,  jusqu'aux  jeunes  filles  :  preuve 
évidente  de  l'amour  qu'ils  lui  portaient  et  de  leur  désir  de  l'avoir 
pour  souverain.  L'officier  qui  y  commandait  [au  nom  d'Abou- 
Einan]  eficctua  son  évasion  et  parvint  à  un  lieu  de  sûreté. 

Quand  Abou-Einan  eut  appris  la  marche  de  son  père  sur  Sid- 


S88  HISfOIIIB    DES  BBRBIKBS. 

jtlmosSft,  il  équipa  shs  Mërinldes  et  sos  aulres  tnMipes;  le«r  dis- 
Iribiia  IcB^gretificaiions  d'usage  et  se  mit  «b  campagae.  Les  Mé^ 
rinides  éiaieni  tràs^mal  disposés  pour  leur  ancien  sultan  :  ils 
craigoaient  sa  y^geanoe  en  se  rappelant  combien  de  fois  ils  Vbt* 
valent  abandonné  daos  les  combats  et  trahi  au  moment  du  dan*« 
ger  ;  ils  laîeo  voulaient  aussi  de  les  avoir  emmenés  dans  des  ex^ 
p^ditioos  lointaines  et  do  les  avoir  engages  dans  les  entreprises 
les  plus  périlleuses.  Aussi  $e  mirent-ils  tous  d'necord  poor  le 
repoasaef  et  pour  soutenir  franchement  la  cause  de  son  fils  et 

rival. 

Abou««4«-Haoen  était  à  peine  installé  dans  Qidjilmessa  quand 
•o  TÎDt  lui  annoncer  que  son  fils  approchait  k  garndes  jovrnées, 
suivi  d^une  arméeimmense.  Pendant  qu*il  réfléchissait  sur  sa  po- 
sition et  qu'il  désespérait  de  pouvoir  résister,  son  favori,  Ouen- 
zemmar,  disparut  avec  les  Soueid*  Expliquons  le  motif  de  celte 
défection  :  Arif-lbn->Yahya,  père  de  Ooenxemmar^  s'étant  rallié 
au  parti  d'Aboo-Einan,  avait  trouvée  la  cour  de  cet  émir  la 
même  position  honorable  et  les  mêmes  égards  dont  il  avait  joui 
sous  le  règne  précédent  ;  mais  quand  son  nouveau  souverian  eut 
appris  que  Ouenzemmar  s'était  dévoué  à  la  canse  d*Abou-'l-Ha* 
een  et  qu'il  allait  eavahir  le  Maghreb*  à  la  tête  des  Arabes,  il  se 
vit  traiter  avec  froideur  et  ensuite  il  entendit  de  la  bouche  du 
prîooe  ces  paroles  menaçantes  :  «  J^en  jure  par  Dieu  que,  si 
3  ton  fils  ne  quitte  pas  le  sultan,  je  m'en  prendrai  îi  toi  et  à  ton 
Tt  fih  Ânter.  Écris-lui  ce  que  je  viens  de  to  dire.  »  Faisons  ici 
observer  qu'Anter  se  trouvait  dans  la  suite  d'Abou-Einan.  Ouen- 
jeemmar,  ayant  prrs  connaissance  de  cette  lettre,  se  décida  pour 
son  père  ;  étant,  du  reste,  convaincu  que,  s*îl  entrait  dans  le 
Maghreb  avec  le  snltan,  il  ne  pourrait  hti  être  dtine  grande  uti- 
Kté.  Il  \e  quitta  donc  à  l'improviste,  passa  dans  te  Zab  et,  sMtant 
alors  séparé  de  sa  tribu,  il  jeta  le  bâton  de  voyage,  se  fixa  dans 
Biskera  d'où  il  ne  sortit  que  pour  aller  jomdre  Abon-Einan  ; 
mafs  de  ceci  nous  parlerons  ailleurs. 


»  Dans  te  texte  arabe  Vélifûn  mot  EUHaghreb  a  disparu  et  doit  y 
êtreréUMi. 


BYNASTIl  aftRlNIDC. —  ABOU-^L-HACIH.  280 

AboQ-EiDaDiayanltrouvë  la  ville  de  Sidjilmessa  abandonnée 
par  8on  pàre,  la  mit  en  état  de  défensd  et  y  installa  comme  gou- 
verneur Yahya-Ibn*Omar-lbn-Abd«el-Moumen,  chef  dés  Beni- 
Oangacen.  Sur  la  nouvelle  que  le  sultan  avait  pris  la  route  de 
Maroc^  îl  voulut  se  porter  de  ce  côté,  mais,  ne  pouvant  pas 
décider  les  Mérinides  à  le  suivre,  il  se  vit  obligé  de  rentrer 
À  Fez. 


Ll  SULTAN   OCCUPB   LA   VILLB  DB  MAKOC ,    L'ÉTACUB   â   L'APPIOCBB 
DB    SON   FILS   BT   asORT   DAMS   LA   aORTAGHB    »BS  WlTrATA. 


En  Tan  751  (1349-50)  le  sultan  Aboa-'l-Hacen  sortit  de  Sidjil- 
messa pour  échapper  à  son  fils,  Abou-Einan,  qui  marchait  contre 
lui  è  la  tête  des  Mérioides,  et,  s'étant  dirigé  vers  Maroc,  il  s'en- 
gagea dans  les  précipices  de  la  montagne  habitée  par  lesHas- 
mouda,  franchitce  passage  difficile  et  arriva  en  vue  de  cette  ca- 
pitale. Aussitôt,  de  tous  les  côtés  et  de  toutes  les  collines  *  sa 
précipita  une  foule  de  monde,  tous  empressés  de  lui  oSTrir 
l'assurance  de  leur  dévouement.  Le  gouverneur  de  Maroc  s'en- 
fuit auprès  d'Abou-Einan,  mais  Tadministrateur  de  rirapôi, 
Abou-1-Medjd-Mohammed-lbn-Abi«Medyen  ;  passa  an  service 
du  sultan  et  lui  livra  tout  Targent  qui  se  trouvait  dans  la 
caisse  des  contributions.  Abou-'l-Hacen  lui  en  témoigna  sa  haute 
satisfaction  en  le  nommant  son  secrétaire  écrivain  du  paraphe. 
S*étant  alors  mis  à  enrôler  des  cavaliers  et  des  fantassins, 
il  Ht  prélever  des  impôts  et  distribuer  des  gratifications 
h  tons  ses  partisans.  Les  tribus  arabes  qui  formaient  la  grande 
famille  des  Djochem  lui  offrirent  leurs  services ,  ainsi  que- 
toutes  les  tribus  masmoudieones.  Enooqragé  par  le  rétablisse- 
ment de  son  autorité  k  Maroc,  il  conçut  l'espoir  de  reconquérir 
la  souveraineté  et  d'enlever  l'empire  à  celui  qui  l'avait  usurpé. 


*  Coran,  sourate  21,  verset  96. 

T.    lY.  49 


.S90  HISTOIRB   DES   BBRBfeMES 

Aboii-Einan,  étasl  revesude  Sidjiifflessa,  dressa  son  camp  en 
dehors  de  Pex  et  dépensa  beaucoup  d^argeoi  pour  réorganiser 
son  armée.  Il  avait  déjà  soupçonné  Hamza*lbn-Choaïb\  petit-fils 
deMohammed-lbo-Abi-Medyen  et  directeur  des  finances,  d'avoir 
travaillé  les  Mérinides  à  Sidjilmessa,  quand  il  s^agissait  de  mar- 
cher de  cette  ville  jusqu'à  Maroc,  et  de  les  avoir  poussés  par  &es 
intrigues  au  refus  d'oliéissauce  qui  fit  manquer  cette  expédition; 
aussi,  quand  il  sut  qu*Abou-'l-Medjd,  oncle  de  ce  ministre,  avait 
livré  au  sultan  Abou-'l-Hacen  l'argent  des  impôts  marocains,  il 
prêta  facilement  Porcille  aux  insinuations  pçrfides  que  Tesprit 
delà  jalousie  avait  dictés  à  son  secrétaire  et  favori,  Abou-Abd* 
Allah-Mohammed-lbo-^Mohammed-lbn^Aht-Amr*  lîmporté  par 
la  colère,  il  mit  Choaïb  à  la  torture  et  le  laissa  mourir,  après  lui 
avoir  fait  couper  la  langue.  Ayant  enfin  rassemblé  ses  Mérinidest 
il  marcha  sur  Maroc. 

Le  sultan  se  porta  h  la  rencontre  de  son  fils  et  le  trouva  posté 
sur  Tautre  bord  de  TOmm-BebiA.  Pendant  quelque  temps,  les 
deux  armées  restèrent  en  observation,  chacune  d'elles  attendant 
l'autre  au  passage  du  fleuve.  Enfin,  le  sultan  traversa  cette 
barrière  et  mit  ses  troupes  en  ordre  de  bataille.  Ce  fut  à 
Tamedgharst,  vers  la  fin  du  mois  de  Safer  754  (mai  4350) , 
que  le  combat  s'engagea  entre  le  père  et  le  fils.  Les  Mérinides 
enfoncèrent  l'armée  du  sultan  et  la  mirent  en  pleine  dé- 
route ;  leurs  plus  braves  guerriers  pénétrèrent  même  jusqu'à 
l'endroit  où  se  tenait  Abôu-*l-Dacen,  mais  ils  s'éloignèrent  aus- 
sitôt, frappés  de  honte  et  de  respect  à  la  vue  de  leur  ancien  met- 
tre. Quand  ce  monarque  infortuné  voulut  enfin  prendre  la  fuite, 
ri  tomba  à  terre  avec  son  cheval  et  se  vit  entouré  par  une  nuée 
de  cavaliers.  Dans  ce  moment  critique,  Abou-Dinar-Soteiman, 


<  Dans  le  texte  arabe,  il  faut  lire  c^^ax.*^.  Notre  auteur  dit,  plus 
loin,  que  Hamza  était  le  neveu  d^Abou-*I-Medjd  ;  il  se  tronf\pe, 
sans  doute,  car  la  comparaison  des  noms  paternels  de  ces  deux 
personnages  fait  voir  que  Hamza  était  le  petit-fils  d'Abou-l- 
M  edjd . 


CTVASTIB  MÉRIMDB.  ABGC-'L-IIACBN.  294 

Sis  (l'Âli  -  Ibn  '  Ahmed  ,  émir  des  Douaouida  ,  se  jela  avec 
le  lieutenant  de  son  frère  Yacofib,  entre  le  sultan  et  l'ennemi.  Il 
étaft  allé  joindre  Abou*'l-Hacen  à  Alger  et  ne  Tarait  plus  quitté 
depuis.  Ce  brave  guerrier  remit  le  sultan  à  cheval  et  se  tint 
en  arrière  de  lui  pour  le  protéger  et  couvrir  sa  retraite. 
Allal-lbn-Mobammed,  chambellan  d'Abou-'l-Hacen,  tomba  en^ 
tre  les  o^ains  des  Mérinides  et  fut  conduit  en  prison  par  Tordrti 
d'Abou-Einao,  mais  il  rentra  en  grâce  quand  cet  émir  eut  appris 
la  mort  de  son  père. 

Ahd-el-AztZ'lbn-Mohamroed-lbn-Ali,  chef  des  Hintata,  em- 
mena le  sultan  dans  le  montagne  habitée  par  cette  tribu  et  Tins- 
talla  chez  lui.  Les  hommes  les  plus  influents  parmi  les  Hintata  et 
leurs  alliés  masmoudiens  se  rallièrent  autour  de  Tiliustre  fugi- 
tif et  prirent  l'engagement  de  le  défendre  jusqu'èi  la  mort.  Abou- 
Einan  continua  la  poursuite  jusqu'à  Maroc  et,  s'élant  établi  dans 
cette  ville,  il  tint  la  montagne  des  Hintata  investie  si  longtemps 
qu'il  força  le  sultan  h  demander  grâce.  Le  chambellan,  Moham- 
med-lbn-Abi-AmJr,  se  rendit  alors  auprès  d'Abou-'l-Qacen 
qu'il  avait  envoyé  chercher,  et  lui  présenta  les  excuses  de  l'émir 
son  maître,  en  le  suppliant  de  vouloir  bien  lui  pardonner.  Le 
sultan  y  consentit  et  Gt  aussitôt  dresser  un  écritpar  lequel  il  dé- 
légua l'tfutorité  à  son  fils  Abou-Einan.  Il  pria  ce  prince,  en 
même  temps  do  lui  envoyer  de  l'argent  et  des  habits.  Pendant 
qu'Ibn-Abi-Amr  se  transportait  h  la  résidence  royale  afin  do 
prendre  tous  les  objets  dont  le  sultan  pourrait  avoir  besoin  ,  ce 
monarque  tomba  gravement  malade  et  fut  soigné  par  ses  amis  ^ 
et  ses  serviteurs.  S^étant  alors  fait  tirer  du  sang,  il  se  lava  le 
bras  avec  de  Teau  afin  de  se  mettre  en  l'état  de  pureté  [requise 
pour  faire  la  prière]  ;  mais,  aussitôt  après,  une  enflure  s'y  dé- 
clara et  amena  la  mort  au  bout  de  deux  ou  trois  jours.  Abou- 
ti-Hacen  cessa  de  vivreIe23deRebiâ  second  752  (21  juin  4  351).  ^ 
Ses  gens  firent  transmettre  celle  nouvelle  à  TémirAbou-Einan, 
qui  était  campé,  dans  la  plaine  de  Maroc,  et  ils  se  mirent  alors 
en  route  pour  lui  |>orter  le  corps  de  leur  niahre  qu^ils  avaient 
plauésur  un  brancard.  Abou-Einan  sortit  au-devant  d'eux,  les 
pieds  Qus,  la  tète  découverte,  et  baisa  respectueusement  lecer^ 


392  nisToiRi  DIS  bkrbèris. 

-cueil  CD  se  lamentant  et  en  versant  des  larmes  :  a  Nous  appar- 
»  tenons  k  Dieu,  s'écria-t*il  plusieurs  fois,  et  c^est  à  Dieu  que 
»  nous  dey  ODS  retourner  I  b  11  traita  les  amis  et  les  officiers  du 
fou  sultan  avec  une  bonté  extrême  et  permit  à  chacun  d'eux  de 
se  choisir  un  emploi  au  service  de  Tempire.  Il  enterra  son  père 
h  Maroc,  mais,  en  partant  pour  Fez,  il  emporta  le  corps  avec  lui 
afin  de  le  déposer  dans  le  cimetière  royal,  à  Chala.  Abou-Dinar 
trouva  auprès  de  lui  l'accueil  le  plus  bienveillant  et  le  plus  ho- 
norable ;  comblé  de  dons,  revêtu  d'une  robe  d'honneur  et  monté 
sur  un  beau  cheval  dont  le  nouveau  sultan  lut  avait  fait  cadeau, 
il  partit  de  Fez  pour  rentrer  dans  sa  tribu  et  la  décider  à  joindre 
les  Mérinides  sous  les  murs  deTlemcen,  ville  dont  Abou-Einan 
avait  résolu  de  faire  le  siège  aussitôt  qu'il  eut  perdu  son  père. 
Pour   récompenser  l'émir  hintatien,  Âbd-el-Azîz,  de  la  géné- 
reuse hospitalité  qu'il  avait  accordée  au  sultan   Abou-'l-Hacen 
et  du  dévouement  qu'il  avait  montré  en  bravant  la  mort  pour  le 
défendre,   Abou-Einan  le  confirma  dans  Je  gouvernement  des 
Hintata,  le  combla  d'égards  et  lui  assigna  une  place  d'honneur 
à  sa  cour. 


AB0D*BIKA!f   aAlCBB   SUR   TLBHCBM,    COMBAT   LBS   BBITI-ABD-BL-OUAD 
A    ANGAD   BT  TUB  LBCR  SL'LTAN    ABOU-SaId. 


Après  avoir  levé  le  blocus  de  la  montagne  des  Hintata,  le 
sultan  Abou-Einan  emporta  le  corps  de  iBon  père  à  Chala  pour 
le  déposer  dans  le  cimetière  de  la  famille  royale  et,  ce  dovoir 
siccompli,  il  se  hâta  de  rentrer  à  Fez.  N'ayant  maintenant  aucun 
rival  pour  lui  disputer  le  trône,  il  commença  les  préparatifs 
d'une  expédition  contre  Tiemcen,  afin  d'enlever  aux  Beni-Abd- 
el<>Ouad  l'empire  qu'ils  venaient  de  relever  dans  le  Maghreb 
central.  Au  commencement  de  l'an  733  (fév.-mars  4352),  il  fit 
annoncer  qu'une  distribution  d'argent  serait  faite  à  tous  les  hom- 
mes qui  voudraient  s'enrôler  ;  alors  il  forma  un  camp  au  dehors 
de  la  yille*Neuve,  organisa  ses  nouvelles  levées ,  les  passa  en 


DTNA8TIB  MÉRINIDB. ABOO^BlNAIf.  i93 

revue  et  se  mit  en  marche.  A  celte  noavelle,  Âbou-Satd,  sultan 
de  Tiemcen,  et  son  frère,  Abou-Thabet,  rassemblèrent  les 
Beni-Abd-el-Ouad  et  tons  leurs  partisans,  tant  arabes  queze- 
natiens.  Arrivé  au  Molooïa,  Abou-Einan  s^arrâta  pendant  quel- 
ques jours  afin  d'inspecter  les  troupes  arabes  et  les  contingents 
qui  étaient  venus  pour  combattre  sous  ses  drapeaux.  S'étant 
alors  avancé  en  bon  ordre,  il  alla  pren«^lre  position  dans  la 
plaine  d'Angad  et  bientôt,  il  vit  paraître  l'ennemi.  Quand  les 
deux  armées  se  trouvèrent  en  présence,  sa  cavalerie  légère  prit 
la  fuite  et  rentra  en  Maghreb.  Dans  ce  nH>meQt  de  confusion,  il 
80  mit  à  la  tête  des  troupes  disciplinées,  s'élança  aa  galop  yers 
les  Abd-el-Ouadites  et,  s'étant  dégagé  de  la  cohue  des  fu- 
yards, il  plongea  au  milieu  des  rangs  de  l'ennemi,  en  affrontant 
la  mort,  les  mit  en  pleine  déroute  et  s'empara  de  leor  camp* 
Ses  Mérinides  continuèrent  la  poursuite  jusqu'à  la  nuit  et  ra*- 
menèrent  beaucoup  de  prisonniers  et  de  butin,  après  avoir  tué 
une  foule  de  monde.  Le  sultan  Abou-SaYd  étant  tombé  entre 
leurs  mains,  fut  conduit  devant  Abou-Einan  et  mis  aux  fers 
par  son  ordre.  Le  lendemain,  on  ravagea  les  cantonnements  des 
Arabes  makiliens  pour  les  punir  d'avoir  pillé  le  camp  mérinide 
pendant  le  tumulte  du  combat* 

Dans  le  mois  de  Rebiâ  (second  :  mai-juin  4352)^  Abou-Einan- 
occupa  Tlemcen  et  y  rétablit  son  autorité.  S'étant  alors  fait  ame- 
ner le  sultan  Abou-Satd,  il  l'accabla  de  reproches  pour  lui  faire 
sentir  les  suites  funestes  do  sa  mauvaise  foi  ;  puis,  ayant  convo- 
qué'plusieurs  muftis  et  légistes,  il  soumit  k  leur  jugement  la 
conduite  du  prisonnier.  S'autorisent  ensuite  <jb  leur  avis  qui 
devait  entraîner  la  peiné  de  mort^,  il  ordonna  que  la  loi  de  Dieu 
fût  exécutée,  etAbou'-Said  mourut  égorgé  dans  sa  prison,  après 
une  captivité  de  huit  jours.  Abou-Thabet-ez-Zaïm  s'était  déjà 
enfui  dans  la  partie  orientale  [du  Maghre))  central]  et  là ,  il 
termina  sa  carrière,  ainsi  que  nous  allons  le  raconter. 


'  Dans  le  texte  arabe  il  faut  peut-être  remplacer  le  mot  *^s?Lh^ 
par  *jl>^. 


294  BISTOIKE     BE8     BERBfctBS. 


DÉFilTB    D^ABOU-THABBT    PAB     LBS    MBRIHIDIS    SUR    LB     BORD  DV 
CHSLIF.    «^   IL  TO»BB  AU  POOTOIR  DBS     HAFSIDES  DB  BOUGIE. 


Lors  de  la  défaite  des  Beni-Abd-el-Ouad  et  la  prise  de  leur 
saltao  Aboa-Saîd,  h  Âogad,  son  frère  Âbou-Thabet,  qui  s'ëtail 
échappé  avec  les  débris  da  Tarmée,  passa  auprès  de  Tlemceo, 
pour  y  prendre  les  dames  de  leur  famille,  et  coolinua  sa  fuite  vers 
le  Maghreb  oriental,  en  emportant  tous  les  objets  de  valeur  qu'ils 
avaient  laissés  dans  cette  capitale.  Arrivé  au  Chélif ,  dans  le 
pays  des  Maghraoua,il  y  dressa  son  camp,  rallia  autour  de  son 
drapeau  un  ramas  de  Zenatiens  et  résolut  d'y  attendre  de  pied< 
ferme  et  de  risquer  encore  une  bataille.  Le  vizir  Fares-Ibn-Mei- 
inoun-Ibn-Ouedrar  partit  alors  de  Tiemcen,  par  Tordre  d'Abou- 
Einan  qui  le  suivit  de  près,  et  conduisit  les  troupes  mérmides  et 
la  milice  à  la  rencontre  de  Tennemi.  Des  deux  côtés  Ton  engagea 
te  combat  avec  un  acharnement  extrême  ;  Ton  se  précipita  dans 
les  eaux  du  Chelif  pour  se  battre  de  plus  près  ;  mais  les  Mérini* 
des  chargèrent  enfin  avec  tant  de  vigueur  qu^ils  traversèrent  le 
fleuve  et  mirent  leurs  adversaires  en  pleine  déroute.  Le  camp 
des  Abd-el-Ouadites,  leurs  richesses,  leurs  troupeaux  et  leurs 
femmes  tombèrent  au  pouvoir  des  vainqueurs  et  la  majeure 
partie  des  fuyards  fut  taillée  en  pièces.  Une  lettre,  écrite  par  le 
vizir,  donna  ausultan  Abou-Einan  la  nouvelle  de  cette  victoire. 

Abou-Thabet  et  les  compagnons  de  sa  fuite  passèrent  de  nuit 
auprès  d*Algeret,  s'étant  avancés  dansie  pays  qui  forme  Pex- 
tréme  limite  du  Maghreb  oriental,  ils  se  laissèrent  dépouiller  par 
Zouaoua  et  durent  continuer  leur  route  à  pied,  sans  habits  et 
sans  chaussures,  après  avoir  tout  perdu,  montures  et  bagages. 
Le  vizir  arriva  bientôt  devant  Alger  dont  il  obligea  les  babr* 
tants  h  reconnattre  Tautorité  du  souverain  mérinide. 

Abou-Einan,  s^étanl  avancé  jusqu'à  Médéa,  ordonna  à  son 
confident,  Ouenzemmar,  et  à  son  ami,  Yacoub-Ibn-Ali,  de  por- 
ter à  l'émir  de  Bougie,  Abou-Âbd-Allah-Mohammed,  petit- Uki 


DYNASTIE  lH^RiniBB.—  ABOlI«EmAN.  293 

de  l'émir  Abou-Yahya-Zékérïa,  l'ordre  de  faire  arrélerAbou- 
Thabot  et  les  gens  qui  raccompagaaient.  L'émir  s'y  conforma 
et,  par  rélablissameot  d'une  surveillance  très-active  surtouies 
les  rouies  et  de  sentinelles  sur  toutes  les  collines,  il  parvint* 
à  découvrir  les  fugitifs.  Abou-Thabet  fut  amené  prison- 
nier à  Bougie,  ainsi  que  son  neveu  Aboa-Ztan  et  son  vizir 
Yabya-Ibn-Dawoud.  Le  prince  de  Bougie  chargea  de  fers 
ces  malheureux  et  les*  envoya  au  sultan  qui  se  tenait  à^ 
Médéa.llles  suivit  lui-même  de  près  et,  arrivé  dans  le  voisi- 
nage du  camp  mérinide,  il  aperçut  Abou-Ëinan  qui  était  monté 
achevai  pour  venir  au-devani  de  lui.  A  l'approche  du  cortège, 
il  mit  pied  à  terre;  le  sultan  en  fit  autant,  combla  son  visiteur 
de  politesses  et,  après  avoir  fait  emprisonner  Abou-Thabet,  il 
donna  audience  h  une  députation  que  les  Douaouida  venaient  de 
lai  envoyer.  Cette  ambassade  obtint  l'accueil  le  plus  bienveillant 
et  les  personnes  dont  elle  se  composa  reçurent  des  robes  d'hon- 
neur, des  montures  et  de  l'argent  au  moment  de  repartir  pour 
leur  tribu.  Une  autre  députation,  venue  du  Zah,  trouva  le  sul- 
tan à  Médéa  et  lui  présenta  un  acte  d'hommage  et  de  fidélité  si-* 
gnépar  Ibn-Mozni,  seigneur  de  cette  contrée.  Une  réception^ 
honorable  et  de  riches  cadeaux  furent  aussi  le  partage  de  ces 
.envoyés. 

Lorsqu'Abou-Einan  eut  achevé  la  réduction  du  Maghreb  cen- 
tral, et  installé  des  administrateurs  dans  les  provinces  soumises^ 
il  conçut  le  ferme  espoir  de  reconquérir  l'Ifrikïa.  ' 


IBOU-ÉIKAN   OBTIENT   POSSESSION    DE   BOUGIE   ET    CONDUIT  EN 
tfAGBRBB    l'émir   DE   CETTE  VILLE. 


Arrivé  à  Médéa  dans  le  mois  de  Châban  753  (sept.-oct.  4352), 
Abou-Abd-Allah-Mohammed  ,  Gis  de  l'émir  Abou-Zékérïa,  et 
seigneur,  de  Bougie,  trouva  auprès  d'Abou-Einan  Tacsneil  le 
plus  empressé.  Il  lui  exposa  ensuite,  dans  un  entretien  secret,  la 
grande  difiiculté  qu'il  éprouva  h  gouverner  un  état  dont  les  ha^ 


296  BISTOIRI   DIS   BIlBBftlS. 

bitants,  toujours  portés  au  désordref  refusaient  d'acquitter  le» 
impAts,  dont  les  courtisans  avaient  accaparé  toute  l'autorité  el 
dont  l'armée  était  en  proie  à  l'insubordination.  Un  aveu  de 
cette  nature  répondit  parfaitement  aux  souhaits  du  sultan  ;  aussi 
s'empressa- t-ii  d'offrir  à  son  h6te  telle  partie  du  Maghreb  qu'il 
désignerait,  en  échange  d'une  province  qui  opposait  tant  d'obs- 
tacles à  une  bonne  administration.  Cette  proposition  fut  trop 
agréable  au  prince  hafside  pour  âtre  repoussée  et,  se  conformant 
aux  conseils  du  chambellan  Mohammed-lbn-Abi*Amr ,  lequel 
agissait  d'après  les  inspirations  de  son  souverain,  Abou-Einan, 
il  souscrivit  à  l'arrangement  proposé,  sans  consulter  les  grands 
officiers  du  rovaume  dont  il  allait  faire  l'abandon.  Tous  ses 
courtisans  en  furent  indignés,  et  Ali,  Jàh  du  caïd  Mohammed-- 
lbn-el-Hak!m,  s'enfuit  du  camp  avec  plusieurs  autres  et  passa 
eu  Ifrikïa.  Alors,  sur  l'invitation  du  sultan,  l'émir  écrivit  de  sa 
propre  main  au  gouverneur  de  Bougie,  lui  ordonnant  de  remet- 
tre la  ville  aux  fonctionnaires  mérinides. 

Devenu  mettre  de  Bougie,  Abou-Einîin  en  con6a  le  gouverne* 
ment  à  Omar-lbn-Ali-el«Ouattaci,  de  la  famille  des  Aulad*el- 
Oueztr,  la  même  dont  nous  avons  déjà  raconté  l'insurrection  k 
Tazouta^  Ayant  achevé  la  conquête  du  Maghreb  central,  il 
repartit  pour  Tlemcen  afin  d'assister  aux  cérémonies  reli- 
gieuses qui  accompagnent  la  rupture  du  jeftne  du  Bamadan. 
H  y  fit  son  entrée  au  milieu  d'une  foule  immense,  suivi  de 
deux  chameaux  qui  marchaient  à  pas  saccadés  entre  la  double 
haie  des  troupes  et  dont  l'un  portait  Abon«-Thabet  et  l'autre 
le  vixtr  Ibn-Dawoud*  Ce  spectacle  offrit  aux  assistants  un  nouvel 
exemple  des  vicissitudes  de  la  fortune.  Le  lendemain,  on  con- 
duisit ces  prisonniers  au  lieu  du  supplice  et  on  leur  èta  la  vie  à 
coups  de  lance.  Abou-Einan  assigna  un  logement  magnifique  à 
l'ex-émir  de  Bougie  et  fit  tapisser  la  salle  d'audience  pour  mieux 
fêter  son  arrivée. 


iYq7«  p.  13&  de  ce  volume. 


IDYNASTIE    HfiBlM0S.  ABOU-SIlfAIV.  S97 


LE     CB4VBELUN     IBN-ABl-A^R      COKDUIT      UNI     ABJiÉB     CONTRE 
BOUGIE   DONT   LES    HABITANTS    s'fiTAlENT     MIS    Blf    HÉTOLTB. 


Les  Sanhadja  des  environs  de  Bougie  descendent  des  Teikata, 
famille  dont  une  •branche  régna  dans  cette  ville  et  dans  la  Cala 
des  Beni-Hammad.  Lors  de  l'établissement  de rempirealmobade, 
ils  fixèrent  leur  séjour  dans  la  vallée  de  Bougie,  sur  le  territoire 
des  Beni-Ouriagudy  où  ils  se  trouvèrent  environnés  de  peuplades 
berbères-ketamiennes.  Les  airaohades  leur  concédèrent  cette 
contrée,  moyennant  le  service  militaire,  et  le  sultan  [hafside  de 
Bougie]  finit  par  ne  pl»M  avoir  d'autres  troupes,  en  conséquence 
de  la  diniinution  prog*^<»9sive  qu'éprouva  l'armée  almohade.  Les 
Sanhadja  profitèrent  de  cette  circonstance  ^pour  imposer  leurs 
volontés  au  gouvernement.  L'émir  Abou-Abd*-Allah  eut  k  se  plain- 
dre d'eux  depuis  le  moment  où  il  prit  le  commandement  de 
Bougie  et,  pour  se  venger,  il  fit  mourir  Mohammed-lbn-Temim, 
un  de  leurs  principaux  cheikhs.  Depuis  le  règne  d'Âbou-Zekérïa, 
le  chambellan  Fareh,  client  d'Ibn-Seid-en-Nas,  avait  eu  ce  peuple 
sous  ses  ordres  et  il  était  parvenu  à  gouverner  le  royaume  en 
ne  laissant  que  l'ombre  de  la  puissance  souveraine  à  l'émir 
Abou-Abd -Allah,  fils  et  successeur  de  ce  prince. 

Quand  Abou-Abd-Allah  consentit  ë  abdiquer  en  faveur 
d'Abou-Einan,  [son  compagnon  et  ministre]  Fareh  en  fut  vive- 
ment contrarié,  mais  il  eut  l'adresse  de  cacher  son  ressentiment, 
et,  lors  du  départ  d'Omar-Ibn-Ali-el-Ouattaci  pour  Bougie,  il  s'y 
rendit  aussi  afin  de  prendre  et  de  transporter  en  Maghreb  le  ha- 
rem de  son  mattre,  ainsi  que  les  effets  et  le  mobilier  du  palais. 
Arrivé  dans  la  ville,  il  prêta  l'oreille  aux  confidences  des  San* 
hadja,  qui  se  plaignaient  de  l'administration  tyrannique  sous  la- 
quelle on  les  avait  fait  passer  et,  leur  ayant  donné  raison,  il  leur 
recommanda  de  chasser  les  fonctionnaires  mérinides  et  de  pro- 
clamer la  souveraineté  du  prince  hafside,  Abou-Zeid,  seigneur 
de  Constantine.  lis  y  consentirent  volontiers  et  prirent  la  résolu- 


298  BISTOIBB    DBS   BERBfiBES. 

tioD  d'assassioer  EUOaatlaci  pendant  qu'il  donnerait  audience 
dans  la  citadelle.  Mansoar-Ibn-eUHaddj,  un  de  leurs  cheikhs,  se 
chargea  de  lui  porter  le  coup  mortel,  et,  s'étant  rendu  au  parais 
de  bon  malin,  selon  Tusage  des  officiers  revêtus  de  hauts  corn* 
mandements,  il  s^approcha  du  nouveau  gouverneur,  en  se  pen- 
chant comme  pour  lui  baiser  le  pan  de  la  robe,  et  dans  le  même 
moment,  il  lui  plongea  un  poignard  dans  le  corps.  Malgré  la  gra« 
vite  de  la  blessure I  El-Ouattaci  conserva  assez  de  forces  pour 
s'enfuir  dans  sa  chambre,  mais  les  conspirateurs  y  pénétrèrent  et 
lui  ôtèrent  la  vie.  Ceci  se  passa  dans  le  commencement  du  mois 
de  Dou-*UHiddja  753  (janvier  4353).  Au  même  instant,  la  po-^ 
pulace  se  mit  en  insurrection  et  Faieh,  étant  monté  à  chçval,  fit 
proclamer  à  haute  voix  la  sonveraineté  d'Abou-Zeid.  Ce  prince 
reçut  par  un  courrier  extraordinaire  la  nouvelle  de  la  révolution 
survenue  h  Bougie  et  l'invitation  de  s'y  rendre  le  plus  tôt  possible, 
mais,  au  lieu  de  partir,  il  se  contenta  d'y  envoyer  un  de  sos  af- 
franchis européens  çn  qualité  de  lieutenant. 

Abou-Einan  soupçonna  Pémir  Abou-Abd- Allah  d'avoir  com- 
ploté cette  révolte  avec  le  chambellan  Fareh ,  et  le  mit  aux  ar- 
rêts ;  il  emprisonna  aussi  plusieurs  notables  de  la  ville  de  Bougie 
qui  étaient  arrivés  à  la  cour  depuis  quelque  temps  pour  y  remplir 
une  mission  dont  leurs  concitoyens  les  avaient  chargés.  [Cet  acte 
de  vigueur  produisit  son  effet  :  ]  les  cheikhs  de  Bougie  se  repen- 
tirent d'avoir  permis  la  dernièro  révolution  ;  leurs  hommes  d'ac- 
tion et  de  conseil  se  liguèrent  contre  Fareh  et  les  Sanhadja  ;  le 
caïd  Uibl,  client  d'Abou-Abd-Allah-tbn-Séid-en-Nas,  entra  dans 
le  complot,  ainsi  qu'Ali-Ibn-Mohammed-el-Mit,  ancien  chambel- 
lan de  Témir  Abou-Zékérïa-Yahya,  et  Mohammed,  fils  ducham-  ^ 
bellan  Abou-Abd-Allah  -  Mohammed  -  Ibn-Seïd-en  -  Nas.  L'on 
convint  d'assassiner  le  chambellan  aussitôt  que  le  lieutenant 
du  seigneur  de  Constanline  serait  arrivé.  Ce  jour-là  ils  éclatè- 
rent en  plaintes  contre  Fareh  et  le  firent  appeler  à  une  conférence 
dans  la  grande  mosquée.  Averti  de  leurs  intentions  hostiles,  ce 
malheureux  alla  se  réfugier  chez  le  mufti,  Ahmed-Ihn-Idrts  ; 
mais  son  patron,  Ibn-Séid>ro-Nas,  enfonça  lui-même  la  portede 
la  maison  et  le  tua  d'un  coup  de  potc;iuird.  Lr;s  conspirateur:^ 


DTRASTll  anSRIRlLI. ABOU-KINAIf.  299 

coupèrent  ensuite  la  tête  de  leur  victime  pour  Tenvoyer  à  Abou* 
Eioan.  et  jetèrent  le  corps  [hors  du  beivéïler,]  sur  la  terrasse  de 
la  maison.  Mansour-lbn-el-Haddj  se  hâta  de  quitter  la  ville  avec 
ses  troupes  sanbadjiennes. 

Il  y  avait  alors  en  rade  un  bâtiment  dans  lequel  se  trouvait  ua 
serviteur  d'Âbou-Einan,  nommé  Ahmed-lbn-Satd-el-Carmouni 
(natif  de  Carmona,  en  Espagne),  lequel  était  venu  de  Tunis  pour 
affaires.  Les  habitants  le  firent  descendre  et  s'empressèrent  au* 
tour  de  lui  en  criant  a  Vive  notre  maître,  le  sultan  mérinide  !  » 
D'après  les  conseils  de  cet  homme,  ils  expédièrent  un  courrier  k 
Tahyalen-Ihu-Omar-lbu- Abd-eUMoumen-el-Oungaçni ,  cheikfa 
mérinide  qui  commandait  h  Tedellis.  Tahyaten  ne  tarda  pas  d'ar- 
river avec  une  poignée  de  troupes*  Ils  envoyèrent  aussi  un  mes* 
sager  au  sultan  Abon-Einan  pour  lui  annoncer  ce  qu'ils  avaient 
fait,  et  ils  attendaient  le  résultat  de  leur  démarche. 

Quand  cette  nouvelle  parvint  au  sultan,  son  chambellan^  Mo- 
hammed-lbn-Abi-Amr ,  reçut  aussitôt  l'ordre  de  partir  pour 
Bougie  avec  un  corps  d'armée  et,  s'étant  campé  en  dehors  de 
Tlemccn,  il  y  réunit  cinq  mille  cavaliers  choisis  par  sou  souve- 
rain, tous  parfaitement  équipés.et  soldés  d'avance.  Après  avoir 
assisté  à  la  fête  du  Sacrifice  (en  janvier  4353),  il  se  mit  en  mar- 
che pour  sa  destination  et,  parvenu  à  Beni-Hacen,  il  apprit  que 
les  Sanhadja  s'étaient  rassemblés  pour  lui  livrer  bataille.  N'ayant 
éprouvé  aucune  opposition  delà  part  de  ces  nomades  qui,  n'o-* 
sant  pas  engager  le  combat ,  avaient  reculé  jusqu'à  Gonstantine 
d'où  ils  se  rendirent  à  Tunis,  Ibn-Abi-Amr  occupa  leur  camp, 
situé  au  Rhamts  de  Tikiat,  et  la,  il  reçut  la  visite  des  vizirs  bafsi* 
des  et  de  la  corporation  des  cheikhs.  Après  avoir  fait  arrêter  le 
caïd  Hilal  et  l'avoir  envoyé  au  sultan,  il  entra  dans  la  ville  de 
Bougie  à  la  tète  d'un  brillant  cortège  et  alla  s'installer  dans  la 
citadelle.  Ceci  eut  lieu  en  Moharrem  754  (février  4  353).  Ayant 
rétabli  l'ordre  dans  la  place,  il  donna  des  robes  d'honneur  à  tous 
les  cheikhs  et  choisit  Ali*lbn-el-Mit  et  Mohammed-lbn-Se'fd-en- 
Nas  pour  lui  servir  do  ministre:».  Ensuite,  il  fit  arrêter  et  embar- 
quer pour  le  Maghreb  deux  cents  individus  de  la  populace,  tous 
chefs  de  bandes  et  tous  soupçonnés  d'avoir  pris  part  à  l'insurrec* 


300  BISTOiBB    DES    BERBÈliZS. 

tion  contre  les  Mérinides.  Par  cette  mesure  il  assura  la  tranquiU 
lifé  de  la  ville.  Pour  garantir  l'obi^issance  des  tribus-douaouida 
qui  venaient  de  lui  envoyer  des  députations,  il  exigea  la  remise 
de  plusieurs  otages.  A  tous  ces  envoyés  il  prodigua  de  riches  pré- 
sents ainsi  qu'au  gouverneur  du  Zab,  Youçof-Ibn-Mozni,  qui  se 
vit  ainsi  indemnisé  de  toutes  les  dépenses  quil  avait  faites  [pour 
le  service  du  gouvernement  noérinide]  ^ 

Après  avoir  passé  deus  mois  à  Bougie,  Ibn-Abi-Amr  repartit 
pour  Tiemcen,  emmenant  avec  lui  les  chefs  arabes  et  les  dépula- 
tions  qui  étaient  venus  le  trouver.  Ayant  reçu  de  lui  une  robe 
d'honneur,  des  montures,  de  Targeot  et  des  teutes,  je  me  mis  en 
route  avec  cette  compagnie  de  voyageurs.  Vers  le  commencement 
de  Djomada  second  (commencement  de  juillet  4  353),  quand  nous» 
fûmes  arrivés  à  Tlemcen,  le  sultan  tint  une  grande  séance  afin  de 
recevoir  les  députations  et  d^examiner  les  chevaux  et  autres  dons 
qu^on  avait  à  lui  offrir.  Cette  cérémonie  se  Gt  en  présence  d'une 
foule  immense.  Tons  ces  envoyés  furent  amplement  rétribués 
par  Abou>Einan,  surtout  Youçof-lbn-Mozni  et  Yacoub-Ibn-Ali, 
auxquels  il  prodigua  les  égards,  les  dons  et  les  honneurs.  Après 
avoir  pris  leur  avis  sur  l'état  de  Plfrikïa  et  £ur  le  meilleur  mo- 
yen de  réduire  la  ville  de  Constantine,  il  les  renvoya  dans  leur» 
pays  respectifs,  le  premier  jour  de  Ghàban  764  (commencement 
de  sept.  4353).  Le  chambellan  Ibn-Abi-Amrdut  (es  accompagner 
k  son  grand  regret  ;  nous  en  dirons  les  motifs  dans  le  chapitre 
[suivant]  où  nous  retracerons  l'histoire  de  sa  vie.  Je  me  mis  en 
route  avec  lui,  heureux  d'avoir  reçu  du  sultan  une  forte  gratifi- 
cation, plusieurs  robes  dlionneur,  de  beaux  chevaux  et  la  pro- 
messe d'être  rétabli  dans  la  possession  des  fiefs  dont  ma  famille 
et  moi  nous  avions  eu  la  jouissance  dans  [Tunis]  notre  ville 
natale. 


ï  Voy.  p.  270  de  ce  volume. 


DYNASTIE  MÉRINIDI. — ABOU-CINAN. 


304 


BIOGRAPHIE  DU  GUAMBELLAN  IBN-ABI-AMR. — KOSUfi  GOUTBRNei'R 
DB'BODGIB,    IL   BNTRBPRBITD   LE    SIÊiSB   DE  CORSTARTIZIE 

PAR   L^ORDRB   DU    Bl'LTAN. 


Les  ancêtres  du  chambellan  Ibn-Abi  -Âmr  habitaient  El-Mehdïa 
et  faisaient  partie  de  la  milice  fournie  au  gouvernement  de  Plfrî- 
kYApar  les  Arabes  temtm ides  de  ce  pays.  Son  grand-père,  Aii, 
légiste  d^un  grand  savoir,  alla  se  (ixer  à  Tunis,  sur  l'invitation 
d*El-Mostaneer,  et,  se  voyant  chargé  de  remplir  les  fonctions  dd 
cadi  dans  cette  capitale  et  dSnscrirc  le  paraphe  impérial  sur  les 
dépêches  du  cabinet  et  sur  les  ordonnances  de  toute  nature,  il 
80  conduisit  avec  une  probité  exe  nplairo  et,  jusiiu^à  sa 
mon,  il  conserva  sa  haute  position  et  Pestime  générale.  Son  fils 
Abd-Allah  le  remplaça  copnme  paraphiste  des  ordonnances  et  des 
dépêches;  nommé  à  cette  charge  sous  le  règne  d'Abou-Bafs- 
Omar,  (Us  de  l'émir  Abou-Zékérïa,  il  en  remplit  les  devoirs 
avec  une  fidélité  parfaite. 

Ahmed-lbn-Ali,  frère  do  celui-ci,  était  un.  homme  très-réglé 
qui  se  distinp;uait  autant  par  sa  gravité  que  par  son  application  û 
Pélude.  il  eut  un  fils  nommé  lUohammed[-lbn-Abi-Amr]  qui 
cultiva  les  sciences  coraniques  et  la  jurisprudence  sous  les  doc  « 
teurs  lés  plus  habiles  de  Tunis.  Lors  du  bouleversement  de 
l'empire  hafside ,  Hohammed-lbn-Abi-Amr  quitta  la  capitale 
pour  chercher  ailleurs  les  moyens  de  vivre  ;  jeté  par  les  vicissi- 
tudes de  la  fortune  dans  la  ville  de  Collo,  il  s'v  fit  tellement  re-> 
marquer  par  son  amour  de  l'étude  et  par  sa  belle  écriture  qu'il 
fut  nommé  régisseur  du  port  à  l'époquooù  ibn^Ghamr  dirigeait 
l'administration  de  Bougie.  Voulant  se  faire  donner  comme  ad- 
joint le  chérîf  HaceD-ibn-Hohammed-es-Sibti  [natif  de  C^ta)^ 
qui  avait  partagé  ses  fatigues  et  ses  malheurs, il  réussite  pro- 
curer la  nomination  de  ce  fidèle  ami.  Dès>lors,  ils  servirent  Ibn- 
Ghamr  avec  un  zèle  dont  celui-ci  eut  toujours  à  seJouer. 

Quand  Mottimssed-lbn-Youçof  se  mit  en  révolte  contre  Abou- 


308  ,  niSTOIRB    DES    BCaBftRE3. 

Bammou*  et  paralysa  de  cette  manière  les  forces  de  Tempire  abd- 
el-ouadite,  le  chérK  Âbd-el-Ouehhab,  gouverneur  de  TedelUs, 
abandonna  la  cause  du  sultan  de  Tlemcen  et  passa  aux  Hafsides. 
Ibn-Ghamr  envoya  alors  Mohammed -Ibn-Abî-Ainr  à  Tedeliis 
comme  régisseur  de  la  douane  et  le  fit  accompagner  par  le  chérîf 
Bacen  en  qualité  de  cadi. 

Abou-Bammou  ayant  rétabli  la  puissance  de  son  empire  et 
repris  la  ville  de  Tedeliis,  ordonna  à  son  premier  mufti,  Ibn- 
el*lmam,  d^aller  recevoir  la  soumission  des  habitants  et  d'exiger 
l'envoi  de  leurs  notables  a  la  cour.  Ibn-Abi-Amr  et  son  ami,  le 
chérîf,  firent  partie  de  cetle  députatioo  et  fixèrent  leur  séjour 
dans  Tlemcen,  oh  ils  occupèrent  alternativement  la  place  décadi, 
tant  sous  le  gouvernement  abd-el->ouadité  que  sous  la  domina- 
tion mérinide.  Plusieurs  cheikhs  de  cette  ville  se  liguèrent  con- 
tre Ibn-Abi-Amr  pendant  qu^Abou-'l-Hacen  occupait  le  trône,  et 
le  dénoncèrent  comme  un  magistrat  prévaricateur.  Pour  leur 
donner  quelque  satisfaction,  ce  monarque  destitua  le  cadi, 
mais,  étant  parfaitement  convaincu  de  son  innocence,  il  le  prit  à 
son  service  et  lui  confia  Péducation  de  son  fils  Fares.  Dans  cette 
nouvelle  position,  Ibn-Abi-Amr  se  surpassa  en  zèle  et  en 
habileté. 

Son  fils  Mohammed,  le  chambellan  dont  nous  allons  raconter 
rhistoire,  fut  élevé  avec  Ahou-Eiiian,  fils  du  sultan,  et  en  de- 
vint Tami  intime.  Abou-Einan,  étant  monté  sur  le  trône,  fit 
avancer  de  grade  en  grade  le  compagnon  de  son  enfance  et  le 
porta  aux  plus  hauts  emplois.  Le  paraphe  impérial,  le  comman- 
dement en  chef  de  l'armée,  les  fonctions  de  chamlrellan,  PoflSce 
d'ambassadeur,  la  direction  des  bureaux  de  la  guerre,  la  compta- 
bilité, l'intendance  du  palais,  les  titres  d'honneur  les  plus  élevés, 
le  gouvernemenlde  la  maison  royale,  rien  ne  manqua  au  favori  du 
sultan.  Tous  les  regards  se  portèrent  vers  lui;  les  hommes  les  plus 
éminents,  les  princes  dusAng,  les  chefs  de  tribus,  leschérifs,  les 
docteurs  de  la  loi,  s'empressèrent  à  briguer  sa  protection,  et  les 


•  Voy.  tome  ni,  page  3%. 


DTHASTIB  MÉRIRIDI.  —  AROU>  EINAK.  303 

^dmiaiMraleurd  des  provinces  lui  envoyèrent  l'argent  des  contri* 
buables,  afin  de  gagner  sa  faveur.  Pendant  un  temps  considérable, 
il  jouit  du  plus  haut  crédit  et  d*une  fortune  qui  excita  la  jalousie' 
des  vizirs  et  des  grands  de  l'empire.  Aussi,  quand  il  partit  pour 
Bougie  à  la  léle  de  Tarmée,  ses  ennemis  profilèrent  de  sonéloi- 
gnement  pour  gagner  l'oreille  du  souverain  et  lui  faire  entendre 
des  insinuations  perfides  ë  Tégard  de  son  protégé»  Revenu  de 
cette  expédition,  ibn-Abi-Amr  crut  user  de  Tascendant  qu'il 
avait  toujours  exercé  sur  Tespritde  son  maître  et  lui  reprocha 
d^avoir  écouté  de  pareilles  calomnies.  Voyant  qu^Abou-Einan  ac- 
cueillait ses  remontrances  avec  froideur,  au  point  même  de  s'en 
formaliser,  il  se  posa  en  victime  et  sollicita  la  faveur  d'aller  pren- 
dre le  gouvernement  de  Bougie.  En  faisant  cette  demande,  il  ne 
s'attendait  nullement  à  être  pris  au  mot,  s'étant  imagin^  que  le 
sultan  l'aimait  trop  pour  le  laisser  s'éloigner  ;  mais,  à  son  grand 
désappointement,  il  reçut  la  permission  de  s'y  rendre.  Ce  fut  en 
vain  qu'il  voulut  s'en  dédire  :  Abou-Einan  lui  ordonna  de  i>ar*- 
tiret  le  chargea  en  même  temps  d'une  expédition  contre  Cens- 
tantine.  Il  lui  accorda  toutefois  autant  de  troupes  et  d'argent 
qu'il  pourrait  désirer. 

Ce  fut  en  Châban  754  (sept.  t353),qu  Ibn-Abi-Amrse  mit 
en  marche  pour  Bougie;  il  y  arriva  vers  la  fin  du  même  mois  et  y 
passa  l'hiver.  Les  Hafsidoscherchèrent  alors  à  semer  la  division 
parmi  lesMérinideset,  dans  ce  but,  ils  reconnurent  pour  souverain 
du  Maghreb  le  prince  Abou  Omar  Tachefîn,  fils  du  sultan  Abou  '1- 
Haccn  qui  était  tombé  au  pouvoir  de  l'émir  bafside  El-Fadl  etqui, 
depuis  lors,  avait  été  retenuen  captivité,  ils  lui  fournirent  des  ten- 
tes et  un  équipage  royal,  laissant  à  Meimoun-lbn-Ali  le  soin  de  le 
soutenir.  Meimoun  entreprit  cette  tâche  uniquement  pour  contra- 
rier son  frère,  Abou-Dinar-Yacoub-Ibn*  Ali.  Celui-ci,  avant  su  leur 
dessein,  partit  sur  le  champ  pour  le  Zab  où  les  tribus  sous  les 
ordre.H  de  Meimoun  étaient  cantonnées,  et,  les  ayant  mis  en  dé- 
route, il  les  repoussa  dans  le  pays  d'où  elles  étaient  sorties  et  les 
contraignit  à  s'enfermer  dans  la  ville  [de  Constantine]. 

Quand  l'hiver  fut  terminé,  Ibn-AbipAmr  dressa  son  camp  en 
dehors  de  la  ville  [de  Bougie],  après  avoir  cf^él)ré  la  fête  du  Sa- 


30  i  BISTOIRB     DES     DEKBfeBCS. 

crificc.  Il  passa  ensuite  ses  troupes  en  revue,  leur  distribua  les 
gralifications  d'usage  et  les  emmena  an  siège  de  Consfantine.  Le^ 
Douaouida,  suivis  de  leurs  familles,  leurs  tentes  et  leurs  trou- 
peaux, vinrent  se  joindre  à  lui.  Le  seigneur  de  Constantine  , 
Abou-Zeid,  fit  ses~  préparatifs  de  résistance  et  rallia  autour  do 
lui  toules  les  tribus  de  la  province  de  Bône,  ainsi  que  les  frac- 
tious  de  la  tribu  des  Douaouida  qui  s'étaient  attachées  à  son 
parti  et  qui  avaient  pour  chef  Meimoun,  (ils  d'Âli-lbn-Ahmed. 
Le  chambellan  Nebîl,  auquel  il  conGa  le  commandement  de  cette 
armée,  se.  porta  au-devant  dlbn-Âbi-Amr  et  lui  livra  bataille, 
enDjomada755  (mai-juin-juillet  4354).  Le  général  mérmidc 
remporta  la  victoire,  s'empara  des  bagages  et  des  troupeaux  de 
ses  adversaires,  et  tint  Constantine  étroitement  bloqué  jusqu'à 
ce  qu'on  lui  eût  livré  le  prince  Tachefîn,  frère  d*Abou-Einan,  le 
même  qu'on  avait  mis  en  avant  comme  prétendant  au  trône  mé- 
rinide.  Il  envoya  ce  prisonnier  à  son  souverain. 

Le  rds  d'AboU'Zeid  se  rendit  alors  h  la  cour  merintde  par  l'or- 
dre de  son  père  et  s'en  retourna  enchanté  de  sa  réception  et  du 
succès  de  sa  mission.  Rentré  à  Bougie,  Ibn-Abi«Amr  n'en  sortit 
plus,  et  il  y  mourut  vers  le  commencement  de  l'an  7&6  (janv.- 
fév.  1355),  emportant  les  regrets  des  habitants  dont  il  avait  ga- 
gné l'amour  par  une  administration  juste  et  paternelle.  Le  sultan 
envoya  ses  propres  chevaux  et  mulets  pour  ramener  en  Maghreb 
la  famille  et  les  enfants  de  son  ancien  ami.  Le  corps  du  défunt 
fut  porté  h  TIemcen  et  déposé  dans  le  cimetière  où  l'on  avait  en- 
terré son  père.  Abou-Zîan,  fils  du  sultan  Abou-Einan,  arriva 
avec  un  détachement  de  troupes  mérinidcs  pour  rendre  au  cham- 
bellan les  derniers  devoirs. 

Le  vizir  Abd-Al!ah-Ibn-Ali-!hn-Sfcîd,  fut  nommé  gouverneur 
de  Bougie  et  partit  pour  sa  destination,  au  mois  de  Rebiâ  756 
(marsravriUmai  4385).  Aussitôt  arrivé,  il  adopta  le  système  de 
conduite  qui  avait  mérité  h  son  prédécesseur  l'estime  universelle. 
Nous  aurons  h  parler  do  lui  et  de  son  expédition  contre  Constan  - 
tine,  ville  dont  il  sVnapara  à  la  suite  d'un  siège 


DTNASVIt   HÊBIRIM.  ABOU-BlHAIf.  39S 


MOU--'L«-PABLf     riLS   BU  «ULTAN    A«OU-^L*fIACBH  ;    A1LVM«     CKfi        -  ^  r  Y  "^ 

mftVOLTB   BAKÂ    LA     liO?ITA<3NB     BKS     dBKCiouY*     IL   MEURT 

YiCTIMB  O^VSE  TBAIÎSOK  0U»D1«  ^AR  LE  GOÙTfeRIlSOfI  DU  DBRA. 


Après  la  mort^ii  sultan  Abou-'l*HacefB,  ses  fi]s,Aboti-'t-Padl> 
MoliAinnsed  el  Aboa^Salem^brahtm,  se  rendirent  auprès  de  leur 
frère  Abeu-^iiiaii,  c|4H  commença  par  leur  accorder  de  hauts  com^ 
mandemeiits  ;  puis,  craignant  de  leur  laisser  acquérir  trop  d'in- 
fluence, îl  les  déporta  en  Espagne.Ils  s'établirent  dans  ce  pays,  sous 
la  protectâon  du  sultan  [de Grenade],  Abou-1«Haddjadj,  fils  du 
sultan  Aboà-'l*OuéU<l  ei  petit-Pils  du  roiis  Abou-Sald.  Abou- 
Eioan  se  repentit  bient<6t  d'avoir  pris  tet(e  mesure  et,  lorsqu'il 
eut  consolidé  son  autorité  par  la  conquête  de  TIemcen  et  du  Ma- 
ghreb centrai,  il  (il  prier  Aboa-'UHaddjadj  de  les  loi  renvoyer. 
La  réJlexion  lui  avait  démontré  qu'il  garantirait  mieux  la  tran- 
quillité de  son  empire  en  retenant  ses  frères  adprès  de  lui  qu'en 
les  laissant  dans  un  pays  où  ils  pourraient  devenir  les  instruments 
des  intrigants  et  des  factieux.    Abon^'l-Haddjadj,    soupçonnant 
de  mauvaises  iaientiens  &  leur  égard ,   refusa  de  les  livrer,  en 
déclarant  qu'il  no  trahirait  jamats  de  vrais  croyants  auxquels  il 
aurait  aoGordé  sa  protection.  Piqué  au  vif  par  cette  réponse, 
Abou-Ëiuan  ordonna  è  son  ehambeitan,  Motiamtted-Ibn-Abi- 
Kmt,  d'écrire  au  monarque  andaiousten  une  lettre  do  reproche 
et  do  reoMnitrance.  Ce  document  fut  admirablement  bien  rédigé, 
comme  j'ai  pu  m'en  assurer,  ce  ministre  me  l*ayant  fait  voir  pen« 
dantqueje  me  trouvais  è  Bougie.  Abou-'UBaddjadj  en  ayant 
pris  coisnaiesanco ,  recommanda  secrètement  à  Abou-'i-Fadl, 
l'a?né  des  deux  princes,  de  se  réfugier  auprès  du  roi  [Don  Pédre] 
qui,  depuis  l'an  751  (4350),  époque  de  la  mort  de  son  père  AU 
phonse  sous  les  murs  de  Gibraltar,  avait  montré  une  sincère 
amitié  au  souverain  de  Grenade.   Abou*'l*Fadl  suivit  ce  conseil 
et,  s'étant  ensuite  fait  prêter  un  navire  par  le  roi  chrétien,  il  alla 
débarquer  sur  la  côte  du  Sous.  De  la,  il  se  rendit  auprès  d'Abd- 

I.  IV.  20 


306  HISTOIRE    DCS  BEBBCtCS. 

# 

Allah-es-Sekcîouïy  et,  s'ëtaotfait  proclamer  soUan,  il  somma  les 
peuples  du  Maghreb  de  reconnaître  son  autorité. 

Abou^Einan  apprit  cette  nouvelle  en  754,  peu  de  tem)>s  avant 
)e  retour  de  son  chambellan  lbn-Abi«Amr,  qui  venait  d^occoper 
la  ville  de  Bougie,  et  envoya  aussitôt  une  armée  en  Maglireb  sous 
la  conduite  deFares-Ibn-Meimoun-Ibn-Ouedrar.  Ce  vizir  quitta 
Tiemcen  dans  le  mois  de  Hebiâ  754  (avril-mai  1353).  et,  par- 
'venu  au  pied  du  mont  Sekcbua,  il  en  occupa  tons  les  aborda  et 
construisit  la  ville  d*EUColiera  pour  lui  servir  de  camp  ei  de 
quartier  général.  Es-Sekciouï,  se  voyant  bloqué  danssH  monta- 
gne, abandonna  la  cause  de  son  protégé  et  oiïrit  au  vizir  un  sem- 
blant d'obéissance.  Abou-'l-FadI  se  mitalors  a  parcourir  les  mon* 
tagnes  des  Masmouda,  et  le  vizir  porta  ses  drapeaux  et  ses  armes 
viclorieuses  dans  toutes  les  parties  du  Sous.  Pour  assurer  la 
soumission  de  cette  province  après  y  avoir  rétabli  Tordre  ,  Pares 
installa  des  troupes  sur  les  frontières  et  plaça  dos  garnisons  dans 
plusieurs  forteresses  et  villes  telles  qu4fri-en-Four!ao*  et  Taroa- 
dan  t. 

Abou-'UFadI  étant  passé  des  montagnes  occupées  par  lesllas- 
mouda  dans  le  territoire  des  Zanaga,  se  jet^  entre  les  br<»s  d'Ibn* 
Uamtdi,  chef  de  cette  portion  delà  tribu  qui  habitait  [le  flanc  de 

l'Atlas],  vis<4i-vi8  du  Derà.  Abd-Allah-lbn*Moslem*ez-Zerdali, 
gouyerneur  de  cette  province,  se  bâta  de  bloquer  le  pays  où  le 
prince  s'était  réfugié.  Cheikh  de  l'empire  abd-el*ouadite,  Ez- 
Zerdali  avait  gagné  la  faveur  du  sultan  Abou-'l*Hacen,  l'an  737, 
«'(près  la  prise  de  Tiemcen,  et,  depuis  cette  époque,  il  était  resté 
an  service  de  l'empire  mérinide.  Ayant  serré  Ibn*Hamtdi  de 
près,  il  l'effraya  en  déclarant  que  les  armées  et  les  vizirs  du 
i^ltan  allaient  bientôt  arriver  ;  puis,  il  lui  promit  telle  somme 
d'argent  qu'il  voudrait  à  la  condition  de  laisser  prendre  le  réfu- 
gié. Celte  proposition  fui  asEréée,  et  Ibn-Moslem  se  mit  h  Natter 
les  espérances  du  prince  par  l'offre  de  son  appui,  et  le  trompa  an 


•  Ifri  ou  fouran^  ou    Ifri  enfotnian  paratt  signifier  caverne  desra' 
p«tir<,  en  langue  berbère.  « 


DT.NASnB  HERIKIDE.  -^  ABOV-EIKAN.  907 

point  de  le  décider  ^  monter  h  cheval  et  à  venir  le  trouver. 
L'ayant  fait  aussîtôt  arrêter,  il  Tenvoya  au  sultan  et  paya  à  El* 
Hamtdi  la  somme  convenue.  Ceci  se  passa  en  Tau  735  (1354). 
Abou-Einan  expédia  des  lettres  jusqu'aux  extrémités  de  son  ém- 
igré pour  annoncer  cette  nouvelle  et,  quelque  temps  après,»  il  fit  ' 
étrangler  son  frère  dans  la  prison  où  on  le  tenait  enfermé. 


VOar   B'eiÇA*lBX-EL-HACEN    QCI    s'était   BÈVOLTfi    A    GIIUKALTAB. 


Eiça,  filsd'EUHaoen-lbn-»Âli-lbn*Âbi^'t-Taiac/appartenait  ^u 
corps  des  cheikhs  mérinides  et  était  un  des  membres  les  plus  îo^ 
fluents  du  grand  conseil  de  la  nation.  Nous  avons  déjà  parlé  <le 
son  père  en  retraçant  les  événements  qui  marquèrent  le  règne 
d'Abou-r-Rebiâ*.  Quand  le  sultan  Abou-'l«»HacaQ  eut  achevéla 
construction  de  la  ville  de  Djebel «el-Feth  [Gibraltar)^  Eiça  reçut 
Tordre  de  s'y  installer  en  qualité  de  gouverneur  des  possessions' 
mérinides  en  Espagne,  d^nspecteur  des  forteresses,  de  payeur* 
général  des  garnisons,  et  il  conserva  ces  fonctions  assez  longtemps 
pour  devoir  s'en  assurer  Texercice  pendant  le  reste  de  ses 
jenrs.  Toutes  les  fois  qu'un  grave  événement  survenait  *  dans 
^l'état ,  Abou^'l-Hacen  le  faisait  venir  pour  avoir  son  *  avis 
et ,  au  moment  ile  marcher  contre  rifrikïa ,  il  le  consolta 
sur  celte  entreprise.  Ëiça  lui  recommanda  d'y  renoncer  et  lui  r&* 
présenta  que  les  tribus  mérinides  n'étaient  pas  assez  nombreuses 
|x>ur  garder  un  tel  pajs,  vu  qu'il  faudrait  y  établir  des  garni- 
sons depuis  la  frontière  orientale  jusqu'à  celle  de  l'Occident  et 
encore  sur  toute  la  ligne  du  littoral.  Cette  contrée,  disai^il, 
exige  beaucoup  de  troupes  pour  la  garder  et,  de  plus,  une  armée 
assez  forte  pour  contenir  le»  Arabes,  peuple  qui  y  domine  main^ 
tenant  et  qui,  depuis  bien  longtemps  est  demeuré  insoumis.  Le 
saltan  avait  un  toi  désir  de  posséder  lifrikï^i  qu'il  ferma  l'oreille 


'  Pûge  i«G  de  co  volume.' 


308  BISTOIM   DM  BIBBftRIS. 

k  CQ9  «âges  coBseils  el  en  renvoya  Tauteur  au  gouvernement  des 
forteresses  espagnoles. 

Après  le  désastre  de  Cairouan,  Eïça  traversa  le  Détroit  aCn 
àe  comprimer  les  révoltes  que  le  fils  du  sultan  avaient  suscitées  à 
Fes  et  àTlomcen.  Débarqué  è  Gbassaça,  il  se  rendit  à  Tèza,  looa* 
litésituéedansle  territoire  de  sa  tribu,  IcsBeni-Asker,  et,  eoayant 
rassemblé  les  guerriers,  il  partit  avec  l'intention  de  surprendre  le 
campd'Abou-Einan,  pendant  que  ee  prince  tenait  son  ueveu  étroi- 
tement bloqué'  dans  la  Ville-Neuve  [de  Fez],  après  Tavoir  battu  en 
rase  campagne.  Sa!d-lbn-Mouça-el-Adjtci,  auquel  Abou-Einan 
confia  le  commandement  des  troupes  destinées  à  agir  contre 
Eiça,  alla  prendra  position  sur  le  bord  du  Uou-Halou,  rivière 
qui  sert  à  délimiter  la  région  occupée  par  les  Beni-Asker.  Les 
deux  armées  étaient  en  présence  depuis  plusieurs  jours  quand 
elles  apprirent  que  la  Yille-^Neove  avait  succombé.  Peu  de  temps 
après,  Eiça  reçut  une  communication  d'Abou  Einan  qui  l'engf* 
geaitk  reconnattrc  son  autorité  et,  trouvant  qu'Abou-'l-Hacen 
-  mettait  une  lenteinr  extrême  à  lui  envoyer  des  renforts,  il  fit  f^a 
soumission  moyennant  certains  avantages  que  le  nouveau  sultan 
s'empressa  de  lui  accorder.  A  la  suito  de  cet  arrangement,  il  se 
rendit  k  Fex,  et  Abou-Einan,  enchanté  d'avoir  gagné  un  homme 
aussi  inQuent^  le  logea  dans  le  palais  et  lut  donna  la  présidence 
do  conseil  privé. 

Après  la  mort  do  sultan  Abou*1-Hacen,  le  chambellan,  Ibn^ 
Abi^Amr,  s'empara  de  l'esprit  d'Abou-Einan  et,  devenu  son 
confident  et  son  ami  intime,  il  écarta  de  la  présenco  royale  tons 
les  autres  coortisans.  Eiça,  qui  en  fut  du  nombre,  ressentit  un 
vif  mécontentement,  mais  il  cacha  sondépit  et  se  fit  donner  l'an- 
torisalion  d'aller  à  la  Mecque.  Revenn  du  pèlerinage,  l'an  756 
(4355),  il  passa  par  Bougie  et,  cédant  aux  sollicitations  d'ibn* 
Abi->Amr,  qu'il  rencontra  dans  cette  ville,  il  s'engagea  ^  lui  cooci* 
lier  de  nouveau  la  faveur  du  sultan.  Arrivé  h  la  cour  et  trouvant 
QO'Aboo-*'Einan  gouvernait  sans  prendre  conseil  de  personne,  et 
sans  témoigner  la  moindre  confiance  ni  aux  courtisans  ni  aux  fa- 
miliers du  palais,  il  demanda  la  permission  de  rentrer  en  Espa- 
gne, siège  de  son  commandement,   afin,  de  maintenir  la  guerre 


V. 


DYNASTIE   miniDI.    ABOO-IlNAlf.  300 

sainte  sur  cette  partie  de  la  frontière  mérinide.  S*4lant  alors 
rendu  è  Geata,  il  traversa  le  Détroit  et  prit  terre  à  isibraltar, 

Le  bureau  de  la  solde  établi  dans  celte  forteresse  avait  alors 
pour  chef  un  nommé  Yabya-el-Fercadji,  personnage  rempli  d'or- 
gueil, qui  trailait  les  autres  officiers  du  gouyernement  aveo  une 
hauteur  excessive  et  qui,  par  son  arrogance,  avait  excédé  Abou^ 
Yahya,  fils  [et  lieutenant]  d'Eisa.  Quelque  temps  après  l'arrivée 
de  celui-ci,  Masoud-lbn-Kendoux,  un  des  serviteurs  du  sultan, 
apporta  à  Gibraltar,  de  la  part  de  son  mattre,  Targeot  qui  devait 
servir  a  solder  les  garnisons  mérinides.  EUFercadJi  voulut  obli- 
ger Eiça  h  passer  chez  lui  pour  toucher  son  traitement,  humilia- 
tion qu'il  avait  déjà  fait  subir  à  Aboo-Yahya  pendant  l'absence 
de  son  père.  Indigné  de  tant  d'insolence,  Eiça  le  fit  mettre  ati 
cachot,  renvoya  Ibn*Kendouz  à  Geuta  la  même  nuit,  et  répudia 
l'autorité  du  sultan. 

A  la  réception  de  cette  nouvelle^  Abou*Einan  ressentit  une 
inquiétude  extrême  et,  croyant  qu'Eiça  s'était  précipité  dans  la 
révolte  à  l'instigation  d'Ibn-el-Âhmer  et  du  roi  chrétien,  il  fil 
donner  l'ordre  à  Ahmed-lbn-el-Khattb,  commandant  de  lama-^ 
fine  à  Tanger,  de  prendre  la  mer  avec  quelques  vaisseaux  et 
d'aller  mouiller  dans  la  rade  de  Gibraltar  afin  de  surveiller  les 
démarches  de  l'ennemi.  Quand  cette  flotte  parut  devant  la  îùvie^ 
resse,  les  officiers  delà  garnison  et  les  chefs  des  volontaires  ve^ 
nus  du  pays  des  Ghomara  pour  prendre  part  à  la  guerre  sainte 
se  concertèrent  ensemble  et,  au  lieu  de  soutenir  leur  chef,  ils  ré- 
solurentde  le  livrer  au  sultan.  Soleiman-lbn-Dawoud-lbn-Arab- 
el-Askeri,  gouverneur  de  Ronda,  avait  déjà  eu  un  entretien  se-* 
cret  avec  Eiça,  dont  il  était  le  conseiller  et  l'ami  intime  et  dont 
les  démarches  lui  avaient  procuré  son  commandement.  Voyant 
que  son  protecteur  persistait  à  répudier  l'autorité  d'Abou-Einan 
et  à  vouloir  se  tenir  en  révolte  ouverte,  il  l'abandonna  à  son 
sort  et  écrivit  au  sultan  pour  l'assurer  de  son  obéissance.  Eiça 
reconnut  alors  que  sa  tentative  prenait  une  mauvaise  tournure 
et  se  repentit  d'avoir  agi  en  dépit  des  plus  simples  règles  de  la 
prudence^  Aussi,  quand  Ibn-el-Khattb  arriva  avec  sa  flotte,  il 
alla  implorer  ses  bons  offices  au  nom  de  Dieu  et  de  leur  ancienne 


340  mSTOIRB   DBS    BERBÈRES. 

amitié,  et  b  pria  d'envoyer  au  sultan  Tassurancc  de  son  dévoue- 
ment et  de  le  disculper  d'avoir  pris  pari  au  forfait  dont  les  gens 
delà  forterasse,  disaîl-il,  s'étaient  rendu  coupables.  Les  Gho- 
marai  ayant  appris  l'accusation  qu'Eiça  faisait  ainsi  peser  sur 
ens,  furent  saisis  d'effroi  et,  pour  se  jqsliGer,  ils  firent  irruption 
dans  le  château  où  il  s'était  enfermé,  le  garrotèrent  lui  et  son  fils, 
et  les  envoyèrent  à  bord  du  navire  d'Ibn-el-Khattb.  Cet  officier 
alla  débarquer  les  prisonniers  à  Ceula  et  accourut  à  la  capitale 
pour  y  annoncer  la  bonne  nouvelle.  Le  sultan  lui  présenta  une 
robe  d'honneur  et^  par  son  ordre,  tons  les  courtisans  en  firent  de 
même.  Omar,  fils  du  vizir  Âbd-Allah-Ibn-Âli,  partit  alors  avec 
Omar-lbn-el-Adjouz  et  le  commandant  de  la  milice  chrétienne 
afin  d'amener  Eiça  et  son  fils  devant  le  sultan  et,  le  8  du  mois  de 
Dou-'l*Hiddja  756  (décemb.  4355),  ils  revinrent  il  la  capitale. 
Abou-Einan  tint  alors  une  séance  solennelle  pour  juger  les  incuU 
pés  et,  les  ayant  fait  comparaître,  il  n'entendit  que  des  excuses 
et  des  protestations  de  regret.  Cette  défense  ne  fut  pas  accueillie 
et  on  les  ramena  en  prison^  où  ils  restèrent  enchaînés  jusqu'à  ce 
qu'on  eut  célébré  la  fêle  du  Sacrifice  [40Dou-'l-Hiddja].  Quand 
le  dernier  jour  de  l'année  fut  arrivé,  on  les  traîna  nu  champ  du 
supplice.  Eiça  mourut  criblé  de  coups  de  lance  ;  son  fils  subit 
l'amputation  d'une  main  etd'un  pied,  et,  comme  il  refusa  de  se 
laisser  panser,  il  resta  baigné  dans  son  sang  et  mourut  le  lende- 
main. Le  triste  sort  de  ces  malheureux  servit  de  leçon  h  ceux 
qui  auraient  été  tentés  d'imiter  leur  exemple.  Le  sultan  donna  le 
commandement  de  Gibraltar  et  des  autres  forteresses  espagnoles 
à  Soleiman-Ibn-Dawoud. 


LB   SDLTAN   S'BVPABI   hE   CONSTANTINE    ET  DB    TUNIS, 


Après  la  mort  du  chambellan  Ibn-Abi-Amr,  le  suUan  donna 
le  gouvernement  de  Bougie  et  des  provinces  situées  au-delà  de 
cette  forteresse  au  vizir  Abd-Allah-lbn-Ali-lbn-Satd.  Cet  officier 
partit  pour  sa  destination  après  avoir  reçu  la  permission  d'em- 


DTITASTtB  VÊBIKIDB.   AiiOU-BINÀN.  3(f 

ployer  pour  la  solde  des  troupes  tout  rargent-  provenant  de» 
impôts. 

Les  montagnes  de  la  province  de  Constantine,  étant  habitée» 
pai'de»  Sedouikich,  appartenaient  déjë  au  sultan;  puisque  [set 
alliés]  les  Douaouida  y  avaient  étendu  leur  domination;  aussi, 
nomma-t^il  Mouça^Ibn-'Ibrahîm^lbn-Eiça  au  commandement  da 
ces  peuplades  et  lut  prescrivit-il  d'aller  à  Taoortrt,  sur  Teitréme 
limite  de  la.  province  de  Bougie,  et  de  s'y  établir  avec  ses  pa- 
renia,  ses  fils  et  ses  clients. 

Ibn-Âbi-Amr  avait  déjà  mis  le  siège  devant  Gonstantine  après 
s'être  installé  à  Bougie;  mais,  ayant  conclu  un  traité  de  paix  avec 
Témir  Abou-Zeid,  seigneur  de- la  ville  dont  il  voulait  s'emparer, 
il  s'en  était  éloigné,  après  avoir  posté  Uouça-lbn^lbrahlm  à 
Mila. 

Le  vicir  Abd^Allah-Ibn-Ali  ayant  pris  le  commandement  do* 
[de  Bougie  avec  le  tilre  de  gouverneur  de]  l'ifrtkïa ,  se  mit  en 
marche,  Tan  157  (1356),  conformément  à  l'ordre  du  sultan,  et 
occupa  les  abords  de  Constantine.  Les  habitants  allaient  faire 
leur  soumission  en  voyant  les  catapultes  des  assiégeants  mena* 
cer  leur  ville. qui  était  déjà  étroitement  bloquée,  quand,  tout-à- 
coup,  les  Mérioides  levèrent  le  siège  par  suite  d'un  faux  bruit  qui* 
s'était  répandu  dans  le  camp  au  sujet  de  la  mort  d'Abou-Einan«. 
L'émirAbou*Zeid  se  rendit  alors  à  Bàne,  après  avoir  confié  le 
gouvernement  de  Gon^tantiue  à  son  frère,  Abou-'UAbbas,  main- 
tenant Émit  des  croyants,  que  Dieu  tout-puissant  le  soutienne  1 
Ge  prinee  y  était  venu  de  l'ifrfkïa;  où  il  avait  essayé  de  con- 
quérir letfône  de  ses  ancêtres  avec  l'aide  des  Arabes,  et  tenté, 
à  plusieurs  reprises,  d'enlever  Tunis  au  chambellan  Jbn-Tafra- 
gutn.  Ces  hostilités  commencèrent  en  Tan  753  (1352),  ainsi* 
q^e  nous  l'avons  déjà  mentionné.  Ge  fut  Kbalcd-lbn-Hamza, 
le  compagnon  d'Abou-'l-Abbas,  qui  obtint  pour  lui  le  comman- 
dement de  Gonstanline  et  qui  emmena  l'émir  Abou-Zeid;  afin  de 
recommencer  le  s!ége  de  Bougie.  Abou-'UAbbas  fut  à  peine  ins- 
tallé dans  la  ville  qu'il  se  déclara  indépendant  et,  cédant  aux  ins- 
pirations de  son  esprit  intrépide,  il  prôla  une  oreille  attentive  * 
aux  suggestions  de  quelques  chefs  appartenant  aux  Aulad-You- 


34  9  msroiu  nsf  M»f9t«9. 

9of,  fiimitlo  qui  ooiDOM^dait  la  tribu  des  Sedoatkiofa  el  qm  étoH 
mai  disposée  poar  les  Mérinides.  D'après  leurs  conseils,  U  mareha 
sarMila  et  surprit  le  earap  de  Moaça-lbn-lbrahtm  dans  une  atta- 
que de  oint.  Les  fila  de  Mouça  y  perdirent  la  TÎe,  les  lAèrimàe^ 
alModoonèreol  leurs  tentes  et  leurs  bagages,  s^enfuirent  jusque 
Taoïirirtel  passèrent  de  là  a  Bougie.  Abott-^Binan,  auprès  duquel 
Mmiçase  rendit  è  la  suite  de  cette  défaite,  attribua  auxient^ura 
du  vîair  AbdiAllah^lbtt-Ali  lemdlieur  qui  venait  d'arriver,  vu 
qu  'un  prompt  envoi  de  secours  aurait  pu  le  prévenir,  et,  d'apràa 
son  ordre,  Ghealb»lbn*Meimoun  partit  pour  Bougie  el  loi  amena 
le  visir  prisonnier.  Yabya-ibn-Meiaioun4bn^Auumoud,  client  el 
pifotégé  de  la  famiUe  royale,  fut  nommé  gouverneur  de  oelte 
ville. 

Sur  ces  entrefaites,  Abou-Zeid  avait  écrit  à  Ibn-Tafragutn,  mt- 
uÂstra  de  son  oncle  [Abou«Ishac-]lbraktm,  îx>ur  obtenir  l'autori^ 
aation  de  se  fixer  à  Tunis  moyennant  la  cession  de  B6ne  au  sul- 
tan. Cette  proposition  fut  agréée  ;  l'émir  s'établit  dans  la  capitale 
avec  le  titre  d'héritier  du  trâne,  et  la  ville  do  BAno  reçut  un  oom« 
mandant  tunisien. 

Ce  fut  pendant  les  journées  du  Teehric  ^ds  l'an  757  (déeemb. 
4356),  que  le  sultan  Abou-*Eiuau apprit  la  défaite  de  M6uça«4bn* 
Ibrahim.  Use  décida  aussitAi  k  envahir  l'IfrtkTa  et,  ayant  fait 
dresser  un  camp  à  U  porte  de  la  Vilie«^euve,  il  envoya  des  offi« 
eiers  à  Maroc  pour  rassembler  les  contingents  des  provinces  qui 
dépendent  de  cette  villa.  Il  ordonna  en  même  temps  aum  Mérini- 
detf  de  se  préparer  pour  une  longue  expédilion  et,  depuis  le  jour 
QÙ  il  reçut  cette  mauvaise  nouvelle  jusqu'au  mois  de  BabiA  (mars«» 
avril  4  357),  il  se  tint  eonetammeot  assis,  en  public»  afin  d'enrft" 
1er  des  troupes,  de  les  solder  et  de  les  passer  en  revue.  Le  vÏBir 
EaresT^lbn-^Heimoun  partit  enfin  deFei  avec  le  premier  corps  et 

'{^s  trois  jours  qui  suivent  la  fête  du  Sacrifice  (40deDou-'l- 
Hfddja)  ont  et  ^  nommés  techrie,  parce  que  les  p '!<  rins  expoient  au 
mlM  {cherrêc)  la  cbair  des  victimes  pour  la  dessécher,  on 
parcQ  qu'ils  inunolent  les  victimes  en  pleia  soleil. 


DTRASnB  XtlItlIlDi.    -««>   AtfOlMIRAR.  9(3 

l'armée,  et  le  saltao  le  suivit  à  la  tète  da  second,  ils  marchèrent 
eo  oui  ordre  jusqu'à  Bougie  et,  après  une  halte  de  quelques  joors 
pendant  lesquels  ils  s^occupèrent  à  rétablir  l'équipement  des 
troupes,  le  vizir  poussa  jusqu'à  Constantine  et  y  mit  le  siège. 
I^  3i}Uafi  ne  (arda  ps  à  le  rejoindre  et,  aussitM  qu'il  s'y  montra 
avec  sa  paissante  armée  qui  marchait  drapeaux  déployés  et  dont 
le  pcûds  ébranlait  la  terre,  les  habitants,  saisis  d'effroi,  abandon- 
nèrmt  leur  suUmi  et  se  précipitèrent  au-devant  du  souverain 
mérinide  aGn  de  lui  offrir  leur  soumission.  Abou-'l-Abbas  s'en- 
ferma dsîns  la  oitadelle  avec  ses  oflieiers  et  serviteors,  pendant 
que  son  frère,  El«-Fadl,  se  rendit  auprès  d'Abou-^Sinan  datis  l*e8* 
poir  d'obtenir  une  capitulation.  Cette  grâce  leur  fut  accordée, 
mais,  en  évacuant  la  citadelle,  ils  eurent  à  passer  dtfns  le  eamp 
du  suites».  Quelques  jours  plus  tard,  Abou-^'l-Abb^  fut  envoyé  ^ 
bord  d'un  navire  qui  le  transporta  à  Ceuta.  Il  resta  prisonnier 
dans  cette  forteresse  jusqu'à  ce  que  la  fortune  lai  devint  encore 
favorable,  ainsi  que  nous  le  racont«roas  plus  tard. 

Mansoiir-lbn^el*Hgddj-KbalQuf*e)*Tdbani,  cheikh  mérinideel 
membre  du  conseil-d'état,  reçut  d'Abou-Einanle  commandement 
de  Oottstantine  et,  dans  le  mois  de  Cbâban  (juillel^soûl  i3&7),  il 
^s'ins^ialla  dans  la  citadelle.  Le  sultan  était  encore  campée»  de-« 
bora  de  la  ville  quand  on  lui  apporta  deux  lettres  d'hommage; 
l'une  de  la  part  d^  Ydhya-lbn*Yemtoul,  seigneur  de  Tooier,  et 
l'autra  d^  la  p^rt  d'Ali-lbo'-eK&halef,  seigneur  de  Nefta.  Ibn- 
Mekkî  vint  en  per90Qne  pour  lui  renouveler  ^assurance  de  sa  fi-» 
délité,  et  leç  Aalad^ob^lbel,  chefs  des  Kaoub  et  rivaux  des  Benî-> 
Abi^'l-Leil,  arrivèrent  aussi  pour  l'engager  dans  une  tentative 
contre  Tauiç-  U  accueillit  cette  propoeiMoo  avec  empresseipent 
et  leur  fournit  tin  corps  d'armée  sous  le&  ordres  de  Yafaya-^lhn-^ 
Rahhou-lbn-Tacbefin.  Il  donna,  en  mâoae  temps,  le  comniande*' 
ment  do  la  flotte  au  raïs  Mohammed-lbn-Youçof-el-Abkem,  en  lui 
ordonnant  de  faire  voile  pour  Tunis,  afin  d'appuyer  le&iroupes 
de  terre» 

Averti  de  leur  approche,  lechambellao  Abou*Mohammed"»lbfH 
TafragdiQ,  plaça  soD  sultan,  Abou-Ishao-lbrahtm^  fils  da  sultan 
Abou-Yahya«Aboti*B«kr,  à  la  tète  d!une  armée  et  Teavoya  avec 


314  BiSfOiai   D£8  MaS&BBS. 

les  AoIad-Abw'I-Leil,  à  la  rencontre  de  l'ennemi.  ,La  flolte  du 
sultan  étant  arrivée  dans  le  port  de  Tunis,  attaqua  la  ville  pen- 
dant le  reste  de  la  journée  et,  par  cette  démonstration,  elle  dé(nda 
Ibn-Tafragutn  h  partir  la  même  nuit  aGn  de  s'enfermer  dans  EU 
Mehdïa.  Au  mois  de  Ramadan  7ô8  (août-sept,  4357) ,  les  alliés 
*  d'Abou-Einan  prirent  possession  de  Tunis  et  y  proclamèrent  la 
souveraineté  de  ce  monarque,  pendant  que  Yahya-lbn*Rabhoii 
alla  s'installer  dans  la  citadelle  etse  charger  du  haut  commande- 
ment. 

Abou-Einan ,  ayant  alors  tourné  son  attention  vers  l'état  du 
pays  qu*il  avait  conquis,  défendit  aux  Arabes  riahides  d'exiger 
le  tribut  appelé  khafara  et,  par  cette  prohibition,  il  leur  inspira 
tant  de  méfiance  qu'ils  étaient  tous  disposés  à  la  révolte  aussitôt 
qu'il  leur  eut  fait  demander  des  otages.  Leur  émir,  Yacoub*Ibn« 
Ali,  s'aperçut  de  ses  mauvaises  intentions  à  leur  égard  et,  pour 
les  soustraire^  aux  coups  perfides  qui  allaient  les  atteindre,  il  les 
emmena  tous  dans  la  province  du  Zab.  Le  sultan  se  mit  à  leur 
poursuite  en  faisant  ^éclairer  sa  marche  par  Youçof-lbn«>Mozni, 
gouverneur  de  cette  contrée,  et  se  rendit  à  Tolga  en  passant  par 
Biskera.  D'après  les  conseils  do  son  guide,  il  arrêta  Abd-er- 
Bahraan-lbn-Ahmed,  grand  cheikh  de  Totga  et  détruisit  les  cbè- 
teaux de  Yacoub*lbn-Ali.  Comme  les  Arabes  s'enfuyaient  tou- 
jours en  se  dirigeant  vers  le  Désert,  il  revint  sur  ses  pas  et  reçut 
d'ibn-Mozni  le  montant  des  impôts  que  ce  chef  avait  recueillis 
dans  sa  province.  Tous  les  soldats  de  la  colonne  jouirent  de 
l'hospitalité  de  ce  chef,  qui  leur  distribua  du  blé,  de  la  viande, 
des  assaisonnements  et  du  fourrage  pour  les  dédommager  de 
.  ce  qu'ils  avaient  consommé  pendant  celte  course  de  trois  jours, 
à  travers  les  sables.  Le  sultan  le  récompensa  largement  de  ce 
tribut  de  générosité  et  lui  donna,  ainsi  qu  à  son  (ils  à  ses  gens^ 
une  forte  gratification. 

Il  rentra  ensuite  à  Gonslanline  avec  l'intention  de  continuer  sa 
marche  jusqu'à  Tunis,  mais  il  avait  une  armée  dont  les  ressour^ 
ces  s'étaient  épuisées  par  la  longueur  de  cette  campagne  et  par 
les  dangers  qu'elle  avait  eu  k  surmonter  lors  de  son  entrée  en 
Ifrtkïa.  Les  chefs  de  corps  se  concertèrent  alors  et  prirent  la  ré^ 


*. 


DYNASTIE  HfiBIKlDE.    —  ABOU-Bllf AN.  315 

solution  dd  l'abandonner;  le  vizir  Fares-Ibn-Meimoun,  se  laissa 
entraîner  dans  le  complot,  et,  tbut-à-coup,  les  cheikhs  et  com- 
mandants de  tribus  donnèrent  congé  à  leurs  subordonnés  et  les 
renvoyèrent  en  Maghreb.  Le  sultan»  auprès  duquel  ces  chefs 
étaient  restés,  fut  averti  qu'ils  en  voulaient  mârae  à  ses  jours  et 
qu'ils  avaient  l'intention  de  le  remplacer  par  Idrls,  fils  d'Oth- 
man*Ibn-Abi-'I-Olâ  ;  mais  il  avait  si  peu  de  troupes  à  sa  dispo- 
sition, qu'il  fut  contraint  de  cacher  son  ressentiment.  Il  savait 
cependant  parfaitement  bien  qu'ils  étaient  tons  d'accord  pour  le 
trahir.  Ce  fut  à  deux  journées  vers  l'est  de  Conslanlioequ'il  se  vit 
obligé  de  reprendre  la  route  du  Maghreb.  Ayant  pressé  sa  mer- 
che,  il  entra  à  Fez  vers  le  commencement  de  Dou-'l-Hiddja  758 
(nov,  4357),  et,  sur  le  champ,  il  fit  emprisonner  le  vizir  Pares- 
Ibn-Meimonn  dont  il  soupçonnait  la  complicité  avec  les  chefs 
mérinides.  Quand  les  trois  jours  da  Techric  furent  passés  [com- 
mencement de  décembre]  ,  il  donna  l'ordre  de  faire  mourir  le 
trattre  h  coups  de  lance,  et,  s'élant  saisi  des  principaux  chefs 
des  Beni*Merin,  il  condamna  les  uns  à  la  mort  et  les  autres  k 
Temprisonnement, 

La  nouvelle  de  sa  retraite  vers  lo  Maghreb  se  répandit  avec 
une  grande  rapidité,  et  le  chambejlan  Ibn-Tafraguîn  s'empressa 
de  quitter  £l-Mehdïa  pour  rentrer  à  Tunis.  Aussitôt  qu'il  parut 
dans  les  environs  de  la  capitale,  ses  partisans  coururent  aux  ar- 
mes et  forcèrent  la  garnison  mérinide  à  s'embarquer  pour  le  Ma-^ 
ghreb.  Bientôt  après  le  retour  de  ces  troupes,  on  vit  arriver  à 
Fez  la  colonne  que  Yabya-lba-Rahhou,  soutenu  parles  Aulad- 
Mohelhel,  avait  conduite  dans  le  Djerid  pour  y  percevoir  l'impôt. 
Le  sultan  rallia  ainsi  une  partie  de  ses  forces  et  résolut  de  faire 
une  nouvelle  campagne  l'année  suivanle. 


SOLBIHAlf-IBN-DAWOCD  EST  IfOnnfi  TIZIR  ET  FAIT   CHB  BXPtDmO!! 

EN   IFRÎKÏA. 


Abou-Einan  étant  rentré  en  Maghreb  sans  avoir  pu  complè* 


346  HISTOIRI   DIS   BIBBERVt. 

ter  la  conquête  de  rifrtkïa,  ressenlit  queiqo^iDqQiëtti(ie  ea  ré- 
fléchissant h  Télat  dans  lequel  il  avait  laissé  ce,  pays.  Craignant 
surtout  les  attaques  que  Yacoub-Ibn-Ali  et  les  Douaouida  insoo* 
rois  pourraient  diriger  contre  la  province  de  Constantine,  il  rap- 
pela Soleiman*lbn-Dawoud,  gouverneur  de  ses  possessions  espa- 
gnoles, et,  Tayant  nommé  viiir  de  Pempire,  il  le  plaça  à  la  tête 
de  Tannée  qui  allait  partir  pour  TlfrikTa.  Cette  colonne  se  mît 
en  marche  dans  le  mois  de  Rebià  759  (  février-mars-avril 
4358), 

Yacoub-lbn-Ali  avait  maintenant  jeté  le  masque  et  levé  l'éten- 
dard de  la  révolte  ;  aussi,  le  gouvernement  merinide  le  remplaça 
par  son  frèreet  rival,  Meimoun«lbn«-Alt,  qui  devint  ainsi  eom* 
mandant  des  Beni-BIohammed,  tribu  douaouida,  et  de  tous  les 
nomades  de  la  province  [de  Constantine].  Il  parvint  même  h 
rallier  la  majeure  partie  des  tribus  qui  avaient  suivi  son  frère 
Yacoub.  Plusieurs  fractions  des  Aulad-Seba-Ibn-Yahva  vinrent, 
sous  la  conduite  de  leur  chef,  Othman-Ibn-Youçof>lbn-Soleiman, 
pour  se  joindre  à  lui  et  reconnaître  de  nouveau  l'autorité  du 
sultan.  Toute«  ces  peuplades  arrivèrent  alors  avec  leurs  tentes 
et  leurs  troupeaux,  et  se  postèrent  dans  la  voisinage  du  lieu  où 
le  vizir  avait  établi  son  camp. 

Pendant  que  le  sultan  se  rendait  à  Tiemcen  afin  de  mieux  sur- 
veiller les  opérations  de  son  ministre,  celui-ci  était  entré  sur  le 
territoire  de  Constantine.  Youçof-Ibn-Mozni ,  gouverneur  du 
Zab,  connaissant  parfaitement  les  affaires  des  Douaouida  et  leurs 
habitudes,  reçut  Tordre  de  quitter  Biskera  etde  se  rendre  auprès 
d'Ibn-Dawoudafin  deledirigerparses  conseils.  Étant  allé  trouver 
cet  officier,  il  Taccompagna  dans  une  expédition  contrôles  peuples 
de  T Auras  et  Taida  non-seulement  à  faire  i  entrer  tous  les  impôts 
de  cette  localité,  mais  aussi  à  chasser  les  Douaouida  insoumis  et 
à  faire  cesser  leurs  brigandages.  Soleiman-Ibn-Ddwoud  ramena 
h  Tiemcen  Tarmée  du  sultan,  après  Tavoir  conduite  à  cette  par- 
tie de  Tifrikïa  qui  forme  Texlréme  limite  du  territoire  occupé  par 
les  Riah.  Il  revint  avec  les  députations  des  tribus  arabes  qiii 
s'étaient  distinguées  dans  cette  campagne  par  leurs  bons  servi- 
ces, Le  sultan  donna  h  ces  envoyés  ûes  robes  d'honneur,  des 


OTRaSTII  MttiKlDI. — ES-BAÎD.  317 

chevaux  ot  (Ic3  brevels  de  pension  dont  la  solde  devait  être 
prisé  sur  le  revenu  du  Zab.  Ahmed,  (ils  de  Youçof-lbn<Mozni,  se 
présenta  ensuite  de  Li  part  de  son  père  et  fil  cadeau  au  snllan  * 
de  plusieurs  beaux  chevaux  et  d'un  certain  nombre  d'esclaves  et 
del>oucliers.Abou-Einan  accueillit  ce  chef  avec  une  grande  dis- 
tinction et  l'emmena  à  Fez  afin  de  le  traiter  plus  diijnement  et  de 
lut.roonlrer  toute  la  splendeur  de  la  cour  mérinide.  Ils  y  arri- 
vèrent vers  le  milieu  du  mois  de  Dou«'l-Câda  759(fin  d*oc<- 
tobre  1 358). 


■ORT    D'ABOU-fiJNilf. -*LB    TIZIR    EL-BACEN-IBN-OSIÂH    S'fiUPARB 
DU    POUVOIR   BT   FAIT    DÊCLARBR    ES-8AID    SULTAN   DU    MAGBHEB. 


Entré  à  Fez  la  veillede  la  grande  Fête  (milieu  de  nov.  4358), 
Abou-Einan  assista  le  lendemain,  jour  du  Sacriflce,  à  là  prière 
publique  et,  aussitôt  après,  il  ressentit  une  indispo<;ition  qui 
Tempècha  di3  donner  audience,  ain.si  qu'il  en  avait  eu  rhabilude 
dansées  journées  solennelles.  Rentré  au  palais,  il  se  trouva  tel- 
lement malade  qu'il  dut  se  mettre  au  lit  et  se  faire  soigner  par 
ses  femmes.  Ayant  déjà  désigné  sou  fils,  Abou-Zfnn,  comme  héri- 
tier du  trône,  il  avait  donné  à  ce  prince,  en  qualité  de  vizir  oi 
do  tuteur,  un  vieux  serviteur  delà  fnmille  rovale,  nommé  Mou- 
f;a-lbn-Eiça-el-Acouli.  Ce  personnage,  dont  k  père  ailssi  avait 
rempli  les  fonctions  de  vizir,  voulut  établir  Paulorilé  de  son  pu- 
pille le  p^us  tôt  possible  et,  dans  ce  but,  il  proposa  aux  chefs 
mérinides  de  se  rallier  sur  le  champ  autour  du  jeune  émir  et  do 
faire*mourir  le  vizir  Él-Hacen-lbn-Omar.  On  ennemr  personnel 
de  celui*ci,  Omar-Ibn-Meimoun,  fut  l'auteur  de  ce  conseil.  El- 
Hacen,  soupçonnant  leur  dessein,  communiqua  ses  appréhen- 
sions au  grand  conseil,  et,  comme  les  membres  de  co  corps 
étaient  tous  mal  disposés  pour  le  prince  héréditaire  à  cause  de 
son  humeur  farcuche  et  de  son  mauvais  naturel,  ils  prirent  la^ 
résolution  de  confier  à. un  autre  I*antorilé suprême.  Ayant  alors 
appris  qu'Abou-Einan,  bien  que  dangereusement  malade,  avait 


3)8  HISTOIRE   DBS   BERBtiIBS. 

rinleotion  de  les  chàlier  tous  avant  de  mourir,  ils  so  décidèrent 
à  lui  donner  la  mort  el  à  proclamer  sullan  sou  Fils*  Es-Satd ,  enfant 
de  cinq  ans.  Ce  plan  arrêté,  ils  se  rendirent  au  palais  le  matin,  de 
bonne  heure,  et  luèrenlle  vizir  Mouça*Ibn-Eiça,  ainsi  qu'Omar- 
Ibn-Meimoun  ;  ensuite^  ils  placèrent  Es-Saîd  sur  le  trône  et  lui 
prêtèrent  le  serment  de  (idélilé.  Masoud-lbn-Rahhou-lba-Maçaï^ 
vizir  du  jeune  prince,  se  Gt  alors  donner  Tordre  d^arréker  Abou- 
Zîan  aPm  de  Téloigner  du  palais.  L'ayant  trouvé  dans  l'apparte- 
ment des  femmes,  il  l'engagea  par  des  paroles  rassurantes  à  sor- 
tir de  celle  retraite,  le  ccinduisit  devant  son  frère  auquel  il  l'o- 
bligea de  jurer  fidélité.  Aussitôt  après,  il  Tentraina  dans  un  ca- 
binet et  lui  ôta  la  vie.  Ce  lut  le  mercredi,  24  de  Dou-'l-Hiddja 
(fin  de  novembre  4358),  qu'ElHacen-Ibn-Omar  s'empara  de 
1  autorité. 

Pendant  ces  événements,  Abou-Eirinn  se  mourait;  le  jeudi  sui- 
vant on  s'attendait  à  son  enterrement,  [car  on  avait  répandu  le 
bruitde  sa  mort].  Le  vendredi  arriva  et,  comme  aucun  préparatif 
funèbre  ne  se  faisait  encore,  des  soupçons  de  trahison  se  répandi- 
rent dans  ic  public.  Alors  ,  dit-on,  le  vizir  entra  dans  la 
chambre  du  moribond  et  lui  serra  le  cou  jusqu'à  ce  que  la  n^ort 
s'ensuivit.  L'enterrement  eut  lieu  le  lendemain,  samedi 

El-Hacen-lbn-Omar  séquestra  Es-Saîd  dans  le  palais,  après 
Tavoir  fait  proclamer  souverain  et  s'être  attribué  toute  l'autorité. 
Abd-er-Rdhman«  autre  lilsd'Abou-Einan,  effectua  son  évasion 
le  jour  où  son  frère  fut  inau^^uré,  et  chercha  un  asyle  dans  la 
montagne  de  Lokaï.  Il  était  plus  âgé  que  le  nouveau  sultan,  mais 
on  avait  préféré  celui-ci  parce  que  son  visir,  Masoud-lbn-Maçai, 
était  cousin  [d'El-Hacenrlbn-Omarj.Surla  promesse  que  ses  jours 
seraient  respectés,  Abd*cr-Rahman  sortit  de  sa  retraite  et  se 
laissa  conduire  devant  son  frère.  EUlIaccn-lbn-Omar  Tenferma 


'  Le  texte  arabe  porte  U-akhiki  {à  son  frère).  On  peut  admettre 
cette  ieçoa  en  supposant  que  le  pronom  possessif  se  rapporte  à 
Abon-ZIan  ;  mais  l'auteur  aurait  mieux  fait  d'écrire  V-ibnihi 
[à  son  fils). 


DYNASTIE  MÉRITIIDB. ES-SAÎD.  319 

ilans  la  citadelle  de  Fez  et  envoya  chercher  les  autres  fils  d'Abou- 
Kinan  lesquels,  Lien  que  Irès-jeunes,  occupaient  tous  de  hauts 
commandements  dans  les  forteresses  de  Tempire.  On  lai  amena 
Ël-Motacem  deSidjilmessa,  mais  Amer-Ibn-Mohammcd,  le  hin- 
tatien,  qui  avait  été  choisi  par  le  feu  sultan  pour  être  le  tuteur  et 
gardien  du  prince  Ël-Motamed,  gouverneur  de  Maroc,  refusa  de 
livrer  son  protégé,  et  Temmena  dans  la  montagne  des  Hintata. 
Le  vizir  équipa  aussitôt  une  armée  pour  lui  faire  la  guerre.  EI- 
Motamed  ne  sortit  de  cet  asile  que  pour  se  rendre  auprès  de  son 
oacle,  Abou-Salem,  à  Tépoque  où  ce  priuco  obtint  la  souveraineté 
du  Maghreb. 


LE    yiZlR   SOLBIIIAIV-IDN-DA^'OI'D  HARCBB    SUR   VAKOC ,    APllf    Dl 

COUBATTBB   All^B-lBN-XOUAMMED. 


Amer-  Ibn-Mohammed'Ibn-Ali  était  cheikh  des  Hintata,  Tune 
dos  grandes  tribus  masmoudiennes.  Son  père,  Mohammed-lbn- 
Ali,  avait  été  chargé,  par  le  sultan  Abou-Youçof-Yacoub,  de  pré- 
lever l'impôt  chez  ces  peuples,  et  son  oncle,  Mouça*lbn*Alif  avait 
remplîtes  mêmes  fonctions  pour  le  sultan  Abou-Satd.  Amer^  le 
sujet  de  cette  notice,  fut  élevé  à  la  cour  mérinide  ;  il  accompagna 
Abou-'l  -Hacen  en  Ifr  ikïn  et  reçut  de  ce  prince  lo  commandement 
(lu  corps  de  cavalerie  qui  faisait  la  police  à  Tunis.  Abou-4-Iiacen 
s'étant  embarqué  pour  lo  Maghreb,  mit  toutes  les  dames  de  sa 
famille  dans  un  autre  navire,  eu  ordoni^anlà  Amerde  les  accom- 
pagner. Elles  traversèrent  la  mer,  débarquèrent  h  Almeris,  en 
Andalousie,  et  là,  elles  apprirent  le  naufrage  du  sultan  et  de  ses 
troupes.  Amer  les  Ol  rester  dans  cette  ville,  et,  fidèle  observateur 
des  engagements  qui  le  liaient  envers  son  maître,  il  refusa  de  les 
livrer  aux  émissaires  d'Al>ou-Einan.  Après  la  mort  d'Abou-'l- 
Hacen,  qui  finit  ses  jours  sur  la  montagne  des  ûinlata,  il  apprit 
qu'Abou-Einan  lui  savait  bon  gré  de  son  dévouement  envers  un 
monarque  que  iMfrtkïa  avait  repoussé  et  que  les  hommes  avaient 
abandonné.  Ayant  alors  conduit  auprès  du  nouveau  sultan  le 


320  nisTomi  ust  MUftiss* 

harem  li' Abou-'l-Hacen,  il  fui  accueilli  k  la  cour  de  la  manière  la 
plus  honorable* 

Se  trouvant  à  Tl^mcen  Tan  754  (13o3},  il  fui  nommé  par 
Abou-Einan  percepteur  de  Timpôl  chez  les  tribua  masinoudi^n- 
nes  et,  a'étant  rendu  au  milieu  de  ces  peuples,  il  remplit  sa 
tâche  avec  un  zèle  et  une  habileté  des  plus  rares.  Le  sultan  lui- 
même  On  fut  frappé  au  point  de  s'écrier  :  «  Je  voudrais 
>  trouver  un  homme  qui  pût  administrer  les  provinces 
»  orientales  de  mon  empire  avec  autant  de  talent  qu'Amer  admt* 
»  nistre  mes  provinces  occidentales.  Débarrassé  alors  de  tout 
»  souci  mondain,  je  me  livrerais  à  la  vie  dévote.  »  La  haute  fa«- 
veur  qu'Amer  s'était  acquise  lui  attira  la  jalousie  des  vizirs  et, 
k  l'époque  où  El-Hacen-Ibn-Omar  devint  vizir  unique  du  sultan, 
il  eut  à  supporter  non-seulement  la  haine,  mais  aussi  les  calom- 
nies de  ses  ennemis. 

Peu  de  temps  avant  de  mourir,  Abou-Einan  accorda  à  ses  en- 
fants de  hauts  commandements  dans  les  provinces  ;  a  son 
lils ,  Mohammed-el«Hotamed  ,  il  donna  lo  gouvernemenl  de 
Maroc,  et  plaça  Amer-lbn-Mohammed  auprès  de  lui  en  qualitéde 
conseiller  et  protecteur.  EI-Hacen-lbn-Omar,  s^étnnl  emparé 
(lu  pouvoir  après  la  mort  du  sultan,  proclama  la  souveraineté 
d'Es-Satd  et  rappela  h  Fez  tous  les  enfants  <l'Abou-Einan  qui 
exerçaient  des  commandements.  Amer  recul  alors  l'invitation 
«ranfi^ner  son  pupille  à  la  capitale,  mais,  au  lieu  d'obéir,  il  quitta 
Maroc  avec  le  jeune  prince  et  l'emmena  dans  la  montagne  dos 
Hintata.  A  cette  nouvelle  ,  El-Haccn  s'empressa  d'envoyer  a 
Maroc  un  corps  d'armée  commandé  par  son  collègue,  Soleiman* 
Ibn-Dawoud.  Dans  le  mois  de  Moharrcm  760  (décembre  t3S8), 
Ibn^Dawoud  se  mit  en  marche,  et,  quand  il  eut  occupé  la  ville 
de  Maroc,  il  pénétra  dans  la  montagne  des  Hinlala  et  bloqua  la 
position  où  Amer  s'était  fortifié.  A  la  f:uito  d'un  long  siège,  il  allait 
emporter  les  derniers  retanchemenls  des  insurgés, mais,  au  mo- 
ment d'atteindre  le  but  de  «es  efforts,  il  apprit  que  la  discorde 
avaitéclalé  parmi  les  Mériuides  et  que  Mansour-Ibn-Soleiman, 
prince  do  la  famille  royale,  s'était  mis  en  révolte  et  faisait  le 
siéi;;ede  la  Ville*Ncuve.  Quand  cette  nouvelle  fut  connue  dani  le 


DTHASTIB    MfiRllfIDB.  — ^  ES-SAID.  321 


•I 


camp,  toutes  les  troupes  quittèrent  leurs  positions  pour  aller 
joindre  le  prétendant,  et  le  vizir  iînit  par  suivre  leur  exemple* 
Amer  &e  vit  ainsi  délivré  d'un  grand  péril  el,  quelque  temps 
après,  il  quitta  sa  montagne  par  Tordre  d'Abou-Salom ,  qui  8'é- 
tait  rendu  maître  du  Maghreb  en  CbAban  760  (juillet)  et  qui  dési- 
rait avoir  son  neveu  auprès  de  lui. 


ABOO-HIXHOU-  HOUÇA  SB  HOIÏTRE  OAKS    LA   PEOYHÎCE   DE  TLEHCBII 
BT   BNLÈVB   CBTTB    VILLE    AUX    ■BRIIfIDES. 


Nous  avons  dit  *  qu'Abd-er-Rahman,  fils  de  Yahya  et  petit-  ' 
fils  de  Yaghmoracen,  avait  quatre  fils.  Youçof ,  qui  en  était  Tatné, 
se  distingua  par  son  caractère  grave  et,  peu  ambitieux  des  biens 
de  ce  monde,  il  ne  s'occupa  que  de  bonnes  œuvres.  Quand  son 
frère,  Abou-Satd-Olhman,  prit  possession  de  Tiemcen,  il  reçut 
de  lui  le  gouvernement  de  Ténès.  Son  fils  Abou-Hammou-Mouça 
marcha  sur  ses  traces  :  amateur  du  repos  et  de  la  tranquillité,  \l 
évita  la  société  des  gens  pervers.  En  Tan  753  (4352),  quand 
Abou-Einan  enleva  aux  Abd-eî-Ouadites  le  royaume  de  Tiemcen, 
.  leur  sultan,  Abou-Thabet  s'enfuit  vers  la  frontière  orientale  du 
Maghreb  [avec  plusieurs  de  ses  parents  et  amis].  Ces  voyageurs 
forent  attaqués  par  les  Zonaoua  qui  leur  enlevèrent  tout,  jusqu'à 
leurs  montures,  et  les  mirent  dans  la  nécessité  de  continuer  leur 
route  à' pied.  Abou-Thabet,  accompagné  de  son  neveu,  Abou- 
Zlan -Mohammed,  fils  d'Abou-SaM,  de  son  autre  neveu,  Abou* 
Mouça,  fils  de  Youçof,  et  de  son  vizir,  Yahya-Ibn-Dawoud,  s'é-* 
earta  du  sentier  suivi  par  la  reste  de  ses  gens  et  fut  fait  prison- 
nier avec  ses  compagnons.  Mouça  parvint  à  s'échapper  et,  arrivé 
k  Tunis  bii  il  se  mit  sous  la  protection  du  chambellan  Ibn-Tafra* 
guîn,  il  trouva  h  la  cour  des  Hafsides  l'accueil  le  plus  bienveil- 
lant. Un  fort  traitement  lui  fut  assigné  ainsi  qu'aux  autres  réfu-- 


Voy.  tome  lu,  p.  4^2. 

T.    IT.  34 


322  BISTOIM    DBt  BBKBERCS. 

giés  abd^cUouaditas  qni  voulaient  se  mellredo  sefvice  do  goa« 
vernemonl  tunisien.  AboQ<*>ËiQan  demanda  en  vain  leur  eilradi-. 
tfoD  ;  le  ebambellan  déclara  baniemcDl  qu'il  les  prot^eraii 
centre  tous  ledrs  ennemis. 

Quand  Tarmée  mërinide  s'empara  de  Tunis  [en  758 '^t 357]  ^ 
le  sollan  harside,  Abou-Ishac-lbrahtm,  fils  de  notre  seigneur 
Abou-Yahya-Abon-Bekr,  s^éloigna  da  la  ville  et  emmena  dans  sa 
suite  le  prince  Abou-Hammou-Mouça.  Après  le  départ  d'Abou- 
Einan  pour  le  Maghreb,  Abou^lsbac  alla  mettre  le  atége  devant 
Constantine,  et,  dans  cette  entreprise,  il  se  fit  soutenir  par  son 
neveu,  Abou-Zeid,  seigneur  de  Bône,  par  les  Douaouida,  sous 
les  ordres  de  Yacoub-Ibn-Ali,  et  par  les  réfugiés  zenaliens  com- 
mandés par  Abou-Hammou-Mouça. 

.  Api'ès  la  prise  de  Tiemcen  par  Abou-Eioan,  les  Beni-Anier^ 
lbn-Z6ghba  se  révoltèrent  contre  son  autorité,  passèrent  eti  Ifrî- 
kfaateo  leur  chef,  Soglieir-  lbn*Amer,  et  se  fixèrent  avec  leur;,  fa^ 
milles,  leurs  tentes  et  leurs  troupeau^^,  dans  le  voisinage  et  sous  la 
protection  de  Yacoub-lbn-Ati.  Quand  l'armée  du  sultan  Abou- 
làhao  leva  le  siège  de  Constantine,  Sogheir  forma  le  projet  de  ra« 
mene>  eon  peuple  dans  le  désert  du  Maghreb  central,  leur  ancien 
séjour,  et,  voulant  avoir  sous  la  main  un  prince  du  sang,  afia  di» 
le  proclamer  sultan  et  d'envahir  avec  lui  la  province  de  Tleincen, 
il  ÎDvita  Pémir  Abou-Hammou  h  raccompagner.  Les  Bafsides 
consentirent  volontiers  au  départ  de  leur  protégé  et  lui  Tirent  ca- 
deau de  plusieurs  tentes  et  d'un  équi|>age  royal,  le  lot^t  auss.i 
l>eau  qu'ils  purent  lui  fournir  dans  la  position  où  ils  se  trouvaient, 
puisqu'ils  étaient  eus-mâmes  en  expédition  et  loin  de  leuiQ*api^ 
taie.  SduIq,  fils  de  Yacoub-Ihn-Ali,  accompagna  les  Bi^ni-Ainer 
quavd  ils  se  mirent  en  marche  ;  Zian»  fils  d'Olhman-Ibn-Sebdt  et 
chef  douaouidieo,  se  joignit  à  eux,  el  Daghar-Ibn-Eiçn  prit  \|  la 
même  route,  emmenant  avec  lui  les  Beni-Said,  tribu  rîahida. 
se  dirigèrent  vers  le  Maghreb  à  grandes  journées,  dans  l'intentioi 
d'y  porter  b  ravage.  \ 

Les  Soueid,  rivaux  des  Boni- Amer,  el  amis  des  Mérinides  , 
avaient  rassemblé  leurs  forces  pour  repousser  les  envahisseurs  ; 
ils  se  rencontrèrent  avec  eux  au  midi  île  Tiemcen  el,  ne  pouvant 


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DYNASTIE  UtRlNlDB.  —  ES  -SAID.  32S 

leur  résisier,  iU  prirent  la  fuite,  après  avoir  perda  OtbnoiaQ,  fils 
<le  leur  obef  Ooenzeramar.  Ce  fatsur  ces  entrefaites  cpi'eni  lien 
la  mort  d'Aboii-Einan.  Avant  de  quitter  la  vie,  il  avait  doané  à 
ses  enfants  des  commandements  dans  les  provinces  et  Bommé 
son  Q's,  Uohammed*el-Mehdi,  au  gouvernement  deTlemoen. 
Les  Arabes,  ayant  appris  que  le  stiltan  n'était  pins  ,  péné- 
trèrent dans  la  province  de  Tlemcen  et  s'en  rendirent  m*eitres. 

El-Hacen-lbn«Omar  plaça  alors  Satd-lbn-Houça-el-Adjtci, 
client  de  la  famille  rovale,  à  la  tète  d^une  armée  et  lui  ordonna 
de  pousser  jusqu'à  Tiemcen  et  de  prendre  le  commandement 
de  la  garnison  que  l'on  y  avait  laissé.  Abmed-Ibn*Mozui ,  qui 
vonlut  rentrer  dans  le  Zab  et  qui  avait  reçu  d'Ibn^Omar  on 
riobe  cadeau,  un  beau  cheval  et  une  /obe  d'honneur,  profita  d« 
départ  d«  la  colonne  pour  l'accompagner  jusqu'à  Tlemcen.  Satd^ 
lbn«-Moiiça  fit  son  entrée  dans  cette  ville  au  mois  de  Safer  769 
{jôiov.  13&9),  et  s'y  vit  bientôt  investi  parMes  Beni-Amer  qui, 
sous  les  ordres  de  leur  sultan,  Abou-Hammou-Mooça,  s'étaient 
rendus  maîtres  de  tout  le  pays  ouvert.  Le  8  du  mois  dû 
Rebiâ  (  février  ) ,  ces  Arabes  emportèrent  la  ville  d'assaut , 
après  *pln.«ieurs  jours  de  combats,  et  massacrèrent  la  gar- 
nison mérioide.  Sogheir-*Ibn-Âmer  ,  dans  la  tente  duquel  Satd-* 
Ibn-Mouça  s^éiait  réfugié  avec  le  fils  du  sultan  Abou^Einân 
et  les  gens  de  sa  suite,  leur  accorda  sa  protection  et  les  fitescor-* 
ter  jusqu'à  Fez  par  un  détachement  de  sa  tribu. 

Abou-Hammou,  ayant  recouvré  le  royaume  de  ses  ancêtres, 
s'appropria  un  présent  roagniGque  que  le  sultan  [Abou-Einan] 
destinait  à  Don  Pedro  [1Y],  fils  du  comte  et  seigneur  de  Barce* 
lone.  On  y  remorqua  surtout  un  beau  cheval,  de  couleur  gris- 
«foncé  dont  la  selle  et  la  bride  étaient  richement  brodées  en  or.  U 
garda  le  cheval  pour  son  propre  usage  et  disposa  des  autres 
objets  pour  les  besoins  de  son  service. 

LB  VlZlft   HASOUD-IBN-VAÇAÏ   S'bMPARB  DS  TLBVCBVr ,  TKAHIT  SON  GOU-r 
VSaNElHENT  RT  PR0CtA31K   I.A    SOUYERAINCTfi  DE  SIANSOUR  FBN-SOLCIMAK. 

Le  vizir  El-naccn-lbn-Omar  couvoqna  le  corps^  de  cheikhs 


324  HISTOIHB    DES    beubïres. 

mërinides  aussitôt  qu^il  reçut  la  nouvelle  de  la  prise  de  TlerocoD 
parAboii  Hammoa,  et  leur  annonça  son  intention*  de  marcher  coq* 
tre  le  sultan  abd-el-ouadile.  Il  eulPidëe  de  s'yrendreen  personne, 
nuais  ils  repondirent  par  des  objections,  tout  en  approuvant  l'envoi 
d'une  armée  et  en  promettant  de  prendre  part  à  Texpédition. 
Cédant  à  leurs  remontrances,  il  se  borna  à  faire  ouvrir  le  bu- 
reau de  solde,  à  distribuer  beaucoup  d'argent  et  à  rassembler, 
sous  les  mura  de  la  Ville-Neuve,  une  armée  parfaitement  équi- 
pée. Le  commandt^ment  de  ce  corps  fut  donné  à  Masoud-Ibn- 
Rahbou-Ibn-^  Maçaï  auquel  on  remit,  en  même  temps,  des  sommes 
considérables  et  les  insignes  d'autorité.  Masoud  partit  à  la  (aie 
de  ses  troupes,  drapeaux  déployés,  et  emmena  dans  sa  suite  Man- 
80ur-Iba*Soleiman,  petit-fils  d'Abou-Malek  et  arriére  petiufils 
do  sultan  Yacoub-Ihn-Abd-cl-Hack. 

Le  peuple  avait  espéré  que  la  royauté  passerait  h  ce  prince 
après  la  mort  d'Abou-Kinan  ;  tout  le  monde  regardait  son  avène- 
ment comme  une  chose  cerlainc  et  l'on  se  le  disait,  non-seule* 
ment  entre  amis,  mais  en  public.  Mansour  en  fut  très-inquiet  et, 
craignant  les  suites  fâcheuses  qui  pourraient  en  résulter  pour 
lui-même,  il  alla  s'en  plaindre  [à  Masoud].  Ce  vizir  le  blâma  verte- 
ment d'avoir  souffert  qu'une  pareille  idée  lui  passât  par  Tesprit 
el,  mettant  en  oubli  toutes  les  convenances,  il  lui  adressa  une  ré- 
primande sévère.  Le  prince  suhit  cette  semonce  avec  une  grande 
soumission  et  promit  de  ne  plus  s'occuper  de  pensées  aussi  dan- 
gereuses. J'assistai  à  cette  scène  et  je  demeurai  convaincu  que 
Mansour,  avec  une  telle  faiblesse  do  caractère,  devait  infailli- 
blement encourir  les  disgrâces  les  plus  humiliantes. 

Au  mois  de  Rebiâ  second  (mars  4359),  le  vizir  fit  son  entrée 
dans  Tiemcen  ;  Abou^Hammou  ayant  évacué  la  ville  avec  ses 
nlliés  arabes,  les  Zoghba  [Beni-Amer]  et  les  Unkil,  pour  se  jeter 
dans  le  Désert.  Ces  guerriers,  voyant  ensuite  que  le  Maghreb 
était  resté  dégarni  par  suite  du  départ  des  iroupes  mérinides 
pour  Tiemcen,  allèrent  s'ioslaller  dans  l'Angad  avec  leurs  tentes 
et  leurs  troupeaux.  Pour  les  chasser  de  cette  position  Masoud  ex- 
pédia contre  eux  un  détachement  dans  lequel  il  avait  fait  entrer 
plusieurs  émirs  vi   cheikhs  mérinides.   Son  cousin,  Auier-lbn. 


DTHISTIB  aiERINIOB.-^  ABOO-SALBH .  32& 

Obbou-lbn-Maçaï;  auquel  il  donna  le  commandement  de  cette 
colonne,  rencontra  les  Arabes  dans  la  plaine  d'Oudjda  et  essuya 
une  charge  si  vigoureuse  que  ses  troupes  s'enfuirent  en  abandon- 
nant leurs  tentes  et  leurs  bagages.  Les  cheikhs  mérinides  perdi^- 
rent  leurs  chevaux  dans  la  bagarre  et  arrivèrent  à  Oudjda,  dé- 
pouillés de  tout,  jusqu'à  leurs 'habits. 

Quand  la  nouvelle  de  cette  défaite  fut  connue  à  Tiemcen,  le9 
Mérinides  qui  s'y  trouvaient  en  garnison  étaient  déjà  mal  dispo* 
ses  pour  le  vizir  El-Hacen-lbn-Omar  et»  fort  mécontents  de 
voir  ce  ministre  tenir  leur  sultan  en  tutelle  ,  ils  n'»tten-' 
daient  qu'une  occasion  favorable  a6n  de  pouvoir  renver- 
ser son  autorité  usurpée.  Aussi,  en  apprenant  la  défaite  d'Ibor 
Maçaï,  ils  laissèrent  éclater  une  joie  extravagante  et,  dans  uik 
oonseil  tenu  en  dehors  de  la  ville,  leurs  meneurs  se  décidèrent  à 
prendre  pour  sultan  Yaïch-Ibo-Ali,  petit-fils  d'Abou-Ziau  et  ar- 
rière petit-fils  du  sultan  Abou-YacoUb.  Le  vizir  Masoud-lbu-Sah* 
boa  fut  très-contrarié  de  cette  démonstration^ et,  comme  il  nour- 
rissait, depuis  quelques  temps,  le  projet  de  placer  Mansour-^lbn-* 
Soleimaa  sur  le  trône,  il  s'empressa  de  le  faire  venir  et  le  con- 
traignit à  prendre  le  titre  de  sultan^  Lui  ayant  alors  prêté  le 
serment  de  fidélité,  il  décida  le  grand  raïs  Ibn-Ahmer  *  et  BU 
Gomeodador  >,  caïd  de  la  milice  chrétienne ,  à  suivre  son  exem*- 
ple.  Le  peuple  arriva  en  foule  pour  offrir  ses  hommages  aa 
nouveav  souverain,  et  les  chefs  mérinides^  avertis  de  ce  qui  se 
passait,  accoururent  de  tous  côtés  pour  en  faire  autant.  Yatèb- 
Ibn-Ali  partit  sur  le  champ  et  se  rendit  en  Espagne. 

Hansour  se  mit  alors  en  marche  pour  le  Maghreb  avec  les  Mé* 
rinides  qui  s'étaient  ralliés  à  son  parti,  et,  trouvant  que  les  ban- 
des arabes  voulaient  lui  barrer  le  passage,  il  tomba  sur  elles  el^ 
s'empara  de  leurs  tentes  et  de  leurs  troupeaux.  A  la  suite  d'une 
marche  très-rapîde,  il  arriva  sur  le  bord  du  Sebou,  vers  le  miliea 


*  Ce  personnage  appartenait  à  la  famille  royale  de  Grenade* 

*  Le  Commandeur,  Ce  mot  est  espagnol.* 


326  nSTOlBB    0B9    BIMBtBBS. 

de  Djomada  second  760  (commeocemen t  de  mai  4  359) ,  et  y  ékabrti 
soneamp. 

A  ia  réception  de  cette  nouvelie,  El-Hacea*lbii--OmBr  fit  dresser 
ses  tentes  au  dehors  de  Fez  et  y  conduisit  son  sultan  en  grande 
cérémonie.  La  iiiéa»e  nuit,  il  découvrit  que  ses  troupes  commeo* 
çaient  à  l'abandonner  et  que  les  personnages  les  plus  considérable» 
de  r^oipire  avaient  passé  du  côte  de  Mansour-lbn-Soleiman. 
Amsitôt,  îl  fit^alhiflier  des  torches  et  des  grands  feux  atitoitr  du 
eaflip  et,  rassemblant  lès  clienis  de  la  famillo  royale  et  les  troa- 
pesde  la  milice,  il  fit  monter  te  jeune  prince  à  cheval,  le  rameftar 
au  paiais  et  mit  la  Yîile-Neu ve  en  état  de  défense.  Le  leodemain^ 
Hansour  rangea  son  armée  en  ordre  de  bataille  ot  se  dirigea  vers 
h  Kodia*t-dl«AraY6,  où  il  prit  position  le  22  damôme  mois,  et  com* 
meoça  les  hostilités  en  coupant  toute  communication  avec  la 
piacb.  Pendant  que  de  nombreux  oovriers,  rassemblés  de  ton» 
côtés,  lui  construisaient  des  titaohinesde  siège,  une  foule  dedépu-^ 
taiffoiis  vinrent  lui  présenter  les  hommages  des  villes  du  Ua^reb, 
et  les  Iroopes  mérinides  qu*on  avaient  envoyées  k  Maroc  pour 
s'eoparer  d'ABner-lfao-^Mohammed  arrivèreoi  au  camp  avecleuf 
chef  Soleiinafi-Ibn-Dawoud.  Pour  récompenser  cet  officier,  Man* 
sour  le  noBima  visîr  et,  ayant  l'ait  mettre  en  liberté  Abd-Allah-^ 
lbn*AK,  ancien  vizir  du  sultan  Abou-£inan,  il  le  rétablit  dansie 
rang  qu'il  avait  déjà  occupé. 

Notre  seigneur,  Abou-'l-Abbas  ,  prince  de  Gonstantioe,  reçut 
alors  TautoTtsatton  de  quitter  la  prison  de  Ceutdi  et,  après  avoir 
subi  Pépreuve  de  la  captivité,  il  en  sortit  aussi  pur  que  l*or  qu^ 
a  passé  par  les  creusets.  Toutes  les  prisons  de  l'empire  se  yidè- 
f  ont  en  même  temps  par  l'ordre  de  Mansour,  et  les  gens  du 
peuple  que  le  sultan  Abou-Einan  avait  fait  arrêter  à  Bougie  et  à 
Gonstantine  lors  de  l'occupation  de  ces  villes  par  les  Mérinides, 
purent  enfio  rentrer  chez  eux. 

Pendant  que  Mansour-lbn-Soleiman  dirigeait  des  attaques  in- 
cessantes contre  la  Ville-Neuve,  une  partie  do  ses  Mérinides 
passa  du  côté  d*£l-Hacen-lbn-Omar  et  d'autres  rentrèrent  dan» 
leurs  foyers  pour  y  attendre  les  événement^.  Maâsour  garda  ses 
positions  jusqu'au  comniencemcut  de  Ghàban  (comm,  de  juillet) 


DTNASTIK  HAIINIDB.-—  ABOU-SALB».  337 

ifiiaiul  Aboa-Salom  arriva  eo  Maghrob  et  monta  s«r  le  Irène 
doses  aYeux. 


ABOO-SâLBH  MBBABQVB  bars  LB  PAVB  GHOHARA  BT  9B  BEftO  1|Alf>B« 
BC  BOTAUne.  -**  MAMSOOB-lBIl-SOLfllMAN  BST  MIS  A  «ORT. 


Vémhp  Afaoo-Balem-^Ibralittai  avait  demeuré  en  Esp^ne depuis 
la  mort  de  aon  père  S  et  il  y  était  resté  quand  (son  frère]  Abou*- 
'UFadl  aita  so  perdreen  essayant  de  soulever  le  Sous  contre  Aboti'- 
£tnan.  4jomme  il  s'était  adonné  aux  pratiques  ide  la  dévotion  cA 
Hq}\1  menait  une  vie  retirée,  le  sultan  de  Maghreb  ne  pensa  goère 
k  l'inquiéter. 

Enl'an7S5(t3&4),  Abou-'UHaddjadj,  souverain  de  l'Anda- 
louaie  fut  poignardé  dans  le  maaaila  *  pendant  qu'il  eéUbrait  If 
fête  qui  termine  le  }«Ane  de  Hamadan  (21  octobre).  L'ai^ssia 
était  un  malbeureux  idiot,  né  d'une  des  négresses  du  pelais  et 
t  regardé  généraleenent  oorame  (ils  de  Mohammed^  frère  du  souve<- 
ratn  régnant.  L'affranchi  Aidouan^,  ihinistrode  Toniptre,  séques-" 
Ira  le  nouveau  sultan,  Mohammed,  fils  d'AboUi-'UHaddjadJ,  et 
prit  «ar  iuir^méme  l'administration  de  Tétat*  i 

Abou-^fitASQ,  avons-nous  dit,  était  rempli  d'ambition  :  il  espér 
raitméme  s*emparer  du  royaume  dn  Grenade.  Étantmalade,  l'an 
7/kJM|5F}  il  fit  inviter  le  gouvernement  andalousieo  à  lui  envoyer  Je 
juif^lbraMm-Ibn^-Zerzer,  médecin  du  palais.  Cet  homme  montra 
unegrande  répugnance  à  faire  le  voyage,  et  le  ministre  espagooïi 
•ayant  agréé  ses  excuses,  les  adressa  au  sultan  magbrehin.  Abou^ 
Ëima  en  fut  trèa-»niéoontent,  et,  rentré  à  Fez,  après  la  prise  éç 

« 

I  » '       ■     1    .    I      '      ' <■■■!  I       ■    » ■  Éii  ■  w I,  |ii  m  mi M  |i  II  I  I 

9 

*  Voy.  page  305  de  ce  volume. 

*  Voj.  tome  I,  page  372. 

^Dans  le  texte  arabe  ou  a  imprimé  par  erreur  Ramadan  à  îa  place 
de  fitdcKion. 


328  niSTOlM  DBS  ibivèms. 

Constantine  et  la  conquête  de  ilfrtkïa,  i\  arrêta  un  vizir  et  plit" 
ftieurs  cheikbs  que  la  coar  de  Grenade  avait  envoyés  pour  le 
complimenter.  Il  donna  pour  prétexte  de  cet  acte  de  violence  que 
leur  sultan  et  leur  premier  ministre  auraient  dû  venir  en  per- 
sonne pour  le  féliciter  du  triomphe  de  ses  armes.  Ayant  troublé 
de  cette  façon  la  bonne  intelligence  qui  avait  subsisté  entre  les 
deux  empires,  il  résolut  de  passer  en  Espagnç  et  de  marcher  sur 
Grenade. 

Depuis  Pan  754  (4950-4),  quand  Alpbonse[X]  mourut  au  siège 
de  Gibraltar,  son  fils  Pedre  avait  gagné  la  confiance  des  Andar 
loosiens  ;  et  RidouaUf  depuis  son  avènement  au  pouvoir,  avait 
toujours  cultivé  l'amitié  des  chrétiens  dans  Tintérél  du  peuple 
musulman.  Abou-Eii^n  condamna  hautement  cette  alliance,  mais 
ilae  vil  dans  l'impossibilité  d'en  tirer  vengeance  ;  étant  bien  con^ 
vaincu  que  s'il  entreprenait  une  ezpéditiou  en  Espagne,  le  roi 
[de  Gastille]  enverrait  sa  flotte  au  secours  des  Andalousiens  e^ 
rempécherait  de  traverser  ie  Détroit.  Ayant  ensuite  appris  que 
Pédre  et  le  roî  d'Aragon  se  faisaient  une  guerre  acharnée,  il  for- 
ma Une  alliance  avec  celui-ci  et  obtint  la  promesse  que  U  flotte 
de  Barcelone  passerait  dans  le  Détroit  et  ferait  sa  jonctîoi^avec  la 
flotte  africaine.  Il  apprêta  alors  un  présent  magnifique,  composé  de 
riches  étoffes  et  de  meubles  fabriqués  en  Maghreb,  d'un  harnais 
brodèenoretd'on  beau  cheval:  témoignage  d'amitié  qu'il  voulait 
envoyer  à  son  nouvel  allié.  Ge  cadeau  n'arriva  pas  à  sadestina» 
tion,a}an(été  saisi  à  Tiemcen. 

Après  la  mort  d'Abou-Biuan,  son  frère  Abou*Salem  conçut 
l'espoir  de  mouter  sur  le  trône  du  Maghreb  avec  l'appui  du  gou- 
vernement andaloosien  que  la  politique  de  ce  sultan  avait  indis- 
posé au  dernier  point.  Invité  à  se  rendre  en  Afrique  par  les  amis 
qu'il  y  avait  conservés  et  encouragé  par  les  représentations  de 
ceux  qui  allèrent  le  trouver  à  Grenade,  il  demanda  h  Bidouan- 
l'autorisation  de  passer  le  Détroit.  Sur  le  refus  de  ce  ministre,  il 
partit  en  colère  pour  la  cour  de  Gastille  et,  s'étant  jeté  aux  pieds 
du  roi  chrétien,  il  l'implord  de  le  faire  transporter  en  Maghreb  • 
Aux  conditions  posées  par  ce  monarque  comme  prix  d'une  telle 
faveur,  il  donna  un  prompt  consentement,  et,  s'étant  embarqué 


DTVlSTIfi  MHINIDB. —  ÂBOU*  8ALVM.  3t9 

dâDB  le  navire  mis  à  sa  disposition,  il  alla  descendre  sur  la  c6te 
de  la  province  de  Maroc.  Ayant  alors  reconnu  qu'il  ne  devait 
pas  compter  sur  l'appui  d'Amer^lbo-Mobammed,  vu  que  ce  chef 
était  alors  étroitement  bloqué  par  les  troupes  de  Soleiman-lbo** 
Dawoud,  il  se  remit  en  mer  avec  Pintenliop  de  rentrer  an  port 
d'où  il  était  parti  ;  mais,  en  passant  devant  Tanger,  il  prit  uae 
réaotution  désespérée,  et  se  Gt  débarquer  au  pied  du  mont  Safiha , 
dans  le  pays  desGhomara.  A  peine  s*y  fut-il  montré,  que  toute 
la  population  accourut  pour  le  soutenir  et  elle  jura  de  le  défendre 
jusqu'à  la  mort. 

S'étant  alors  emparé  de  Ceuta  et  de  Tanger,  il  rencontra  dans 
cette  dernière  ville  l'ex-seigneur  de  Constantine,  Abou-'l-Abbas, 
qui  s'y  était  rendu  en  sortant  de  la  prison  de  Ceuta.  Nous  avons 
déjà  parlé  des  événements  qui  procurèrent  la  liberté  à  ce  prince 
hafside.  Accueilli  par  Abou-Salem  comme  un  ami  ,  Abou-'l- 
Abbas  ne  cessa  de  jouir  de  sa  haute  bienveillance,  jusqu'à  ec^  que 
le  destin  le  retirât  de  l'eiil  pour  le  mettre  en  possession  du  ro- 
yaume paternel.  Le  prince  mérinide  trouva  aussi  à  Tanger  Bl- 
Hacen-Ibn-Youçof  de  la  iribu  des  Ourtadjen,  Abou-'l-Hacen- 
Ali-lbn-es-Saoud,  secrétaire  du  bureau  de  la  guerre  et  Abou-'I- 
Cacem-et-Tilimçani  le  cbérif.  Ces  trois  personnages  avaient  en* 
couru  la  disgrâce  de  Mansour-Ibn-Soleiman  qui,  les  ayant  soup- 
çonnés d'entretenir  des  intelligences  avec  El-Hacen-lbn-Omar, 
alors  assiégé  dans  la  Ville-Neuve,  venait  de  les  renvoyer  du 
caropavec  l'ordre  de  passer  en  Espagne.  Us  entrèrent  tous  au 
service  d'Abou-Salom,£l-HaGen-lbn*Yooçof  comme  visir;  Ibn- 
es-Saoud  comme  écrivain  du  paraphe  et  le  chérîf  Et-Tilimçanî 
comme  intime  du  palais  et  compagnon  de  promenade. 

Bientôt  après  la  soumission  de  Centa  et  de  Tanger,  les  forte- 
resses que  les  Mérinides  possédaient  en  Espagne  reconnurent 
l'autorité  d'Abou-Salem,  et  Tahyalen-Ibn-Omar  ,  gouverneur  de 
Gibraltar,  lui  amena  les  troupes  qui  formaient  la  garnison  de 
cette  ville. 

Le  bruit  de  ces  événements  se  répandit  rapidement  et  l'armée 
du  nouveau  sultan  augmenta  tous  les  jours.  Mansour-lbn-Solei- 
man  tenait  encore  la  Ville-Neuve  assiégée  quand  il  cnt  connais* 


3S0  BIBfOIIK     DBS    BBIBfttBf. 

sanœ  dti  danger  et,  pour  l'avertir,  il  plaça  ses  frères,  Ei9a>^t 
Taihe,  k  la  lôte  d'un  corps  de  troupes  et  les  envoya  contre  les  in- 
surgés. Cesohefs  oocupàroniCasr-iLetama,  Uvràrent  one  batMlle 
à  Aboci*<Salem  et  le  repoussèrent  dans  la  montagne  {des  G)h)- 
iiH»ra].  Alors,  ie  vizir  EUHacen^Ihn-Oœar,  qui  se  tenait  toujours 
derrière  ses  remparts,  s^empressa  de  Caire  porUer  h  C0  priniçe 
l'assurance  ée  son  dévouement  et  la  promesse  de  lui  remeAti»»  la 
Ville-Neuve ,  siège  de  l'empire  ;  et  Masond-lbp-&abhou^Ua»- 
IfaçfJûT,  craignant  d'avoir  encouru  la  haine  ds  Mansour  et  d'A}î« 
filsde  Mansour,  suivit  les  conseils  de  quelques  partisans  d'Abov- 
Salemei  s'enfuit. pour  aUer  le  joindre.  Uansour  se  vit  bientôt 
abandonné  de  la  plupart  de  son  moode  et,  décourage  tQi|t-^>^f^t 
par  la  retraite  des  cbeb  Mérinides  qui  Ta vaieot  soutenu  ,  il 
courut  se  réfugier  dans  Badis,  ville  située  sor  le  littoral  du  Ma- 
ghreb. Les  troupes  cpi'il  avait  laissées  au  camp  se  mirent  ai^s 
en  ordre  de  œarobe,  par  escadrons,  et  passèrent  sous  les  drâ* 
peaux  d'Abou^Salem,  en  Tinvitant  à  se  porter  sur  la  capitale. 
Aiusitâi  qu'Abou-Salem  parut  sous  les  mars  de  la  Ville-Neuve, 
El^Haoen-Ibn^Omar  déposa  son  fantôme  de  sultan  et  le  lut  en- 
voya ;  sortant  ensuite  au-devani  du  prince  triomphaleur,  il  lui 
prêta  le  serment  de  fidélité  et  l'introduisit  dans  la  forteresse. 
Cet  événement  eut  lieu  le  vendredi,  4  5  CbAban  760  (milieu  de 
juillet  4369.) 

Devenu  ainsi  souverain  du  Maghreb,  Abou-Salem  vit  accourir 
au  pied  du  trône  une  foule  de  députations,  chargées  de  lui  pré- 
senter les  hommages  de  ses  états.  Pour  éloigner  EUHacen-Ibn- 
Oouir  dont  il  redoutait  ta  présence,  il  loi  fournit  un  corps  de 
troupes  et  ie  fit  partir  pour  Maroc  en  qualité  de  gouverneur.  Ma- 
soud-Ibn-Bafabou-Ibn-Maeaï  et  El-Hacen-lbn^Youpof«6l-Ourta- 
djeut  reçurent  le  titre  de  vizir,  et  le  savant  légiste,  Abott*-Abd*> 
Allab-Mohammed-Ibn«»Afamed-lba^Mer20uc,  prédicateur  da  la 
cour  sous  le  règne  du  père  d' Abou-Salem,  fut  admis  au  nombre 
des  familiers  du  palais.  L'auteur  de  cet  ouvrage  devint  à  la  fois 
seerélaire  particulier  du  sultan  et  secrétaire  des  commandements: 
ayant  remarqué  que  les  aSTairesde  Mansour-Ibn^Soleiman  tom- 
baieiit  en  désarroi  et  convaincu  que  l'autorité  suprême  passerait 


DYNASTIE   MtEimOB.  ABOD-SALIM.  334 

entre  les  mains  d'Abou-Salem,  j'avais  abandonné  le  camp  de 
Kodia-t«el-Àraïs  pour  aller  troaver  ce  prince.  Il  m^accaeillit 
avec  une  bienveillance  extrême,  me  traita  comme  t\  j'étais  son 
propre  fiis^  et  me  nomma  son  secrétaire  intime. 

Pendant  que  i'antoritédu  sultan  se  consolidait  en  Maghreb,  les 
partisans  qu'il  avait  à  Badis  arrêtèrent  Mansour-lbn-Soleiman 
ainsi  qu'Ali,  fils  de  Hansour,  et  les  an^enèrent  enchaînés  à  la  capi- 
tale. Abou  Salem  les  fit  comparaître  devant  lui  pour  leur  adresser 
des TefNTDohes aiensaîte illes  envoya aa  supplice.  Ils  mourlH^ent 
Tersla  fia  de  Chàbaa  (juiOet),  criblés  de  eoups  delaoee.  D'après 
SftA  ordre,  on  oondubii  en  Espag^,  pour  rester  aoiis  bonne 
garde  dans  la  forteresse  de  Bonde,  ses  frères,  ses  <x>n8Îiis,  toub 
les  autres  princes  du  sang,  ainsi  qua  les  membres  les  plus  in- 
fluents des  br^nehtfs  collatérales  de  la  famiUe  royale.  Son  neveu, 
Mohammed,  filsd'Abot^Abd^er-^Rahfnaii,  parvioiàs'éobapper  et, 
après  avioir  passé  quelque  tempsà  Grenade,  il  se  rendit  ë  la  cour 
du  roi  cht^éiien  où  il  continua  h  séjourner  jusqu'à  oe  qu'il  montât 
sur  le  trône  du  Maghreb.  Nous  ranonieroosson  histoire  plus  tard. 
Abou«âalem  était  depuis  quelque  temps  eo  possession  du  pouvoir 
quand  on  fit  eadiarqner  les  détenus  de  Ronda,  soas  le  préleiSie 
de  les  envoyer  en  Oxient  et,  lorsque  le  navire  se  («i  éloigné  de  la 
côte,  on  les  jeta  tous  à  la  mer,  conformément  à  l'ordre  que  ce 
monarque  avait  donné.  S'étaat  ainsi  débarrassé  de  tous  ses  ri-^ 
vaux,  il  resta  seul  maître  de  l'empire.  La  volonté  de  Dieu  do« 
nûoe  les^vénements  I 

An  priece  hafaîde,  Abou-'l-Abbas ,  le  sultan  prodigna  les 
égards  et  tes  honneurs  :  il  fit  disposer  pour  sa  réception  la  maison 
d'Amef-Um-rFeth-Allah,  ancien  vizir  d'Aboo-'l-Haoen  ;  il  lai  as- 
signa aux  audiences  publiques  une  place  immédiatement  à  eôté 
de  la  sienne^  et  loi  promit  de  le  faire  monter  sur  Te  trône  de 
•Tunis.  Aussi,  quand  il  se  fat  emparé  de  Tlemoen^  il  enroya  son 
piiotégé  ep  Ifcîli^. 


1  Notre  auteur  avait  alors  vingt-huit  ans. 


332  HISTOIRE   DBS  BBlBtelS. 


BiDOUAlf  ,    MINISTRE    DU    ROI   DE   GRENADE  ,    EST     ASSASSINÉ.  — 
SON    SOUVERAIN  ,    IBN-EL-AHXER,    EST    DÉTRÔNÉ    ET    SB    PRESENTE 

U   COUR    DU   SULTAN   ABOU-SALEM. 


Ed  l'an  755  (1354),  Mohammed,  fils  da  sullan  Aboa-'l-Had- 
djadj,  occupa  le  trône  de  l'Andalousie  devenu  vacant  par  la  mort 
de  son  père,eiRîdouan,  affranchi  d'Abou-1-Haddjedj,  s'attribua 
la  haute  direction  des  affaires.  Ismail,  fils  cadet  du  feu  sultan, 
avait  été  désigné  comme  héritier  du  royaume,  par  suite  de  la 
tendre  affection  que  ce  monarque  lui  portait  ainsi  qu'è  sa  mère  ; 
mais,  maintenant  que  l'on  eut  fait  passer  la  souveraineté  à  un 
autre,  il  se  vit  relégué  dans  le  fond  d'un  palais.  Il  avait  épousé 
aa  cousine,  sœur-germaine  de  Mohammed,  filsd'ismati,  fila  du 
raXs  Abou-Satd  ;  aussi,  fit*il  inviter  secrètement  son  beau-frère 
il  travailler  pour  le  placer  sur  le  trône.  Mohamsied  y  consentit 
et,  profitant  de  l'absence  du  sultan  qui  était  allé  à  une  de  ses 
maisons  de  campagne,  il  rassembla  la  lie  de  la  populace,  dans  la 
nuit  du  27*  Ramadan  (42  août  4359)  ,  escalada  les  mura  de 
l'Alhamra  ,  enfonça  la  porte  de  la  maison  habitée  par  le  cham- 
bellan Ridouaa  et  tua  ce  ministre  sous  les  yeux  de  ses  femmes  et 
de  ses  filles.  Ayant  alors  fait  monter  IsmatI  à  cheval,  il  le  con- 
duisitau  palais  impérial  et  le  proclama  sultan.  Pendant  que  les 
remparts  de  TAlbamra  retentissaient  du  bruit  des  tambours,  le 
sultan  s'enfuit  de  sa  maiaon  de  plaisance  et  se  réfugia  dans 
Guadix.  , 

Au  point  du  jour,  [les  grands  de  l'empire  et  les  autres  classes 
de  la  population  se  présentèrent  devant  IsmatI  et  lui  prêtèrent  le 
serment  de  fidélité.  Le  raïs  Mohammed  s'arrogea  alors  toute  l'au«* 


i  Le  28,  selon  Ibo-eUKhatlb,  ms  ar.  de  la  Bib.  irop.  numéro  758. 


tTNASTlS  HfiKIHIDV.  —  ABOll-SALBH.  333 

torité  et,  quelques  mois  plus  tard,  il  tua  son  cousin,  le  nouveau 
suUau,  et  se  plaça  lui-niéine  sur  le  trône. 

Le  sultan  Abou-Salem  ressentit  un  mécontentement  eitréme 
en  apprenant  t*a$sassinat  de  Ridouan  et  la  déposition  *d'Aboa- 
Abd-AIIah[-]Mohammed-lbn-el-Ahmer],  prince  auprès  duquel  il 
avait  trouvé  une  généreuse  hospitalité,  et  il  ordonna  à  son  fami- 
lier, lechértf  Abou-'l-Gacem,  départir  sur  le  champ  et  de  lai 
amener  le  monarque  déchu.  Cet  envoyé  passa  en  Espagne,  obtint 
dea  ministres  du  gouvernement  grenadin  la  permission  de  con- 
duire en  Maghreb  le  réfugié  de  Gnadix  et,  leur  ayant  adressé 
une  sommation  formelle  au  nom  de  son  mettre,  il  procura  la  mise 
en  liberté  d'Abou*Abd-Allah-!bn-el-Kbattb^ ,  vizir  et  secré^ 
leire  d*état  qu'ils  avaient  emprisonné,  lors  de  cette  révolution, 
parce  qu'il  était  le  lieutenant  du  chambellan  Ridouan  et  Tun  des 
plus  fermes  soutiens  du  souverain  qu'ils  avaient  trahi.  Il  alla 
ensuite  à  Guadix  pour  y  prendre  l'ex-sultan  et  se  rendit  avec 
lui  en  Afrique,  où  ils  débarquèrent  dans  le  mois  de  Dou-'l-Cftda 
de  la  même  année  (octobre  4  359)^. 

Quand  le  monarque  andalousien  arriva  dans  le  voisinage  de 
FeZy  Abou-Salem  monta  à  cheval  pour  aller  à  sa  rencontre  ;  en- 
suite, il  le  conduisit  dans  la  salle  d'audience,  que  l'on  avait  dé- 
corée pourcette  occasion  et  qui  se  trouvait  remplie  d'une  foule 
de  cheikhs  et  de  grands  officiers  de  l'empire.  Le  vizir  Ibn-eU 


)  Ibn-el-Khatib  s'était  distingué  comme  diilomate,  comme 
poète  et  comme  historien.  H  était  un  des  amis  de  notre  auteur,  qui 
rapporte,  plus  loin,  les  circonstances  qui  amenèrent  la  mort  de  cet 
homme  vraiment  remarquable.  £1-Maccari,  l'auteur  d'une  histoire 
d'Espagne  dont  le  texte  arabe  s'imprime  maintenant,  consacre 
toute  la  seconde  partie  de  son  grand  ouvrage  à  la  biographie  d'Ibn- 
el-RhatIb.  Les  mannscrits  de  cet  ouvrage  ne  sont  pas  rares  *,  il  s'en 
trouve  à  Paris,  à  Londres,  àConstantlne  et  à  Alger. 

'Selon  Ibn-el  Khatib,  le  sultan  débarqua  en  Afrique  le  lende- 
main du  jonr  du  Sacnfif^e,  c'est-à-dire  le  11  Dou-'l'HIddja,  un  mois 
plus  tard  que  la  date  indiquée  ici  par  Ibn-Khaldoun. 


334  BWTÛIEI   DBt    BlUftUi. 

Rbatib  s'avança  alors  au-devant  du  suil«D  maghrébin  et  iaî  i^ita 
un  poème  dans  lequel  il  le  pria  de  soutenir  le  souverain  de  l'An- 
dalousie et  de  le  replacer  sur  le  trône.  Nous  donnerons  ici  Une 
copie  de  jcette  pièoe  dont  le  style  touchant  et  pathétique  émvt 
touteTassemblée  jusqu'aux  larmes*  : 

Demandez  f  met  deux  {ami$\ ,  ei  {ma  b%eii^QMnée[  garde  le 
souvenir  de  liokhabbera;  [demandez^  si  ce  vallon  ut  encore 
vert  t  et  $i  les  fleurs  y  répandent  encore  leur  parfum. 

[Demander]  si  le  printemps  a  versé  ses  pluies  sur  le  coteau 
[où  se  voyait]  une  demeure  dont  les  traces,  maintenant  dispa^ 
rueSf  n'existent  que  dans  [notre]  imagination  et  [dans  nos]sou^ 
venirs. 

[Ce  fut  là]  mon  pays!  dans  ces  lieux,  je  partageais  [ot^^cffin 
bien-aimée  la  coupe]  enivrante  de  l'amour,  alors  que  [le  am. 
lier  de]  4a  vie  effarait  un  gazon  doux  et  verdoyant. 

[O  fut]  sous  ce  ciel  et  dans  ce  nid  que  mes  ailes  commencè- 
rent à  croitre;  et  me  voici  maintenant  privé  d'ailes  et  de 
nidl 

Il  m'a  repoussé  [ce pays],  sans  pourtant  me  haïr  ni  medé- 
daigner,  et  sans  que  l'aversion  eût  brisé  les  doux  liens  de 
notre  affection  ; 

Mais^  parce  que  les  joies  de  ce  monde  sont  passagères  et  que 
ses  plaisirs  ont  pour  habit%ule  de  visiter  [l'homme]  et  de  «'en« 
fuir. 

Qui  me  rapprochera  de  ma  [bien-aiméé]  !  séparé  d*elle  »  le 
temps  me  parait  bien  long  et  chaque  jour  me  semble  un  mois. 

Il  fallait  noits  voir,  les  seins  embrasés  par  la  douleur  ; 

Pendant  que  la  main  du  départ  répandait  les  perles  de  [nos] 
larmes  ;  hélas  l  la  séparation  a  des  peints  que  le  cœur  [de  /'o- 
muni]  ne  saurait  endurer. 

Le  5otr,  nous  pleurâmes  auprès  des  eaux  douces  [du  ruisseau]^ 


t  £1-Maccari  rapporte  qv'lbo-el-Khaltb  improvisa  son  poème,  ne 
l'ayant  pas  composé  d^avance. 


DTNASTIB  ■£ftmiDB.    —   A»OU*8ALBM.  33& 

de  sorte ,  qu^aprèê   nohre  départ ,   elles   étaient    devenues 
amères. 

Je  disais  à  nos  montures  accablées  par  une  longue  tnarche  de 
nuit,  à  ces  chameaux  que  le  conducteur  eoit  apprivoiser  pa^ 
son  chant  et  effarouclier  par  ses  cris  : 

«  Courage  I  après  chaque  peine  arrivent  deux  plaisirs  ;  r^- 
»  jouisse^^ous  \  Dieu  remplit  sa  promesse,  nos  peines  vont 

»  disparaître  I  » 

Dieu  a  envers  nous  des  desseins  cachés;  et  le  bonheur  se  ren- 
contre même  dans  un  état  de  malheur. 

Oïit,  la  fortune  nous  trompe,  mais  la  prudencene  nous  trom- 
pera pas  I  Qvs  les  hommes  nous  trahissent,  la  patience  nous 
sera  fidèle. 

Si  l^adversité,  en  m^éprouvantj  eût  reconnu  en  moi  un  homme 
d'adresse  et  d'expérience,  auquel  sont  indifférentes  les  douceurs 
et  les  amertumes  [de  la  vie] , 

Elle  a  dû  trouver  que  mon  cœur  s'était  endurci  aux  peines  de 
l^absence  *  et  que  ma  résolution  était  ferme  et  tranchante  à 
rineiar  du  glaive  indien» 

[  Seigneur  I  ]  puisque  tu  as  visité  ma  maison  d'El-Beidâ, 
tant  que  je  vivras  f  mon  cceur  et  mon  aspect  ne  perdront  rien 
de  leur  fraicbevr;^ 

Nous  avons  deviné  que  la  guérison  de  nos  cceurs  [dffligési] 
se  ferait  par  Ibrahim-[Abou^Salem],  et,  en  voyant  sa  figure, 
nous  avons  reconnu  la  justesse  de  nos  pressentiments* 

[Oui,  ils  seront  guéris]  par  le  meilleur  de  la  famille  de 
Yacoub-[Ibn^Abd-*el-J{ack],  par  celui  qui  a  montré,  dans  les 
ténèbres  de  l'adversité,  un  courage  auquel  la  gloîre  n'a  jamais 
fait  défaut» 

Les  caravanes  ont  répandu  partout  sa  belle  renommée,  et, 

enle  voyant,  [les  hommes]  ont  avoué  que  le  bruit  public  s'ac^ 
cordait  avec  les  faits. 


Il»  ■■       lit  I       tmé^m,^^ 


Lut,  elle  a  mordu  sur  un  bois  endurci  conirerabsencc. 


A 


336  HISTOIRE   DBS   BBMBRIS. 

Si  la  merpauoait  contenir  [les  flots  dé  sa]  générosité^  elle 
verrait  ses  eaux  devenir  douces  ^t^  [remplie  jusqu'au  bord] 
elle  ne  subirait  plus  les  vicissitudes  du  flux  et  du  reflux. 

Sa  bravoure  fait  tressaillir  d'effroi  le  destin  Im-méme;  ri* 
vêtu  de  ses  habtts  c'est  la  mort  même  qui  se  promène  '  • 

Tout  lui  obéit  jnsgu'aux  retraites  inabordables  sur  les  ci- 
mes  des  montagnes;  et  les  astres  brillants  encouragent  [les 
mortels]  à  espérer  ses  bienfaits. 

Maître  des  rois  I  nous  sommes  venus  de  loin  pour  te  voir  et 
pour  obtenir  justice  de  ton  esclave  ^  la  fortune ^  qiH  nous  a  trai^ 
tés  en  tyran. 

Nous  avons  arrêté  ses  emportements  à  l*aide  de  ton  nom, 
bien  qu'elle  nous  eût  consternés  par  son  orgueil  et  par  sa 
dureté.  ' 

Dans  la  gloire  qui  Ventoure  notas  avons  trouvé  un  refuge 
contre  la  mort  ;  nous  avons  cherché  l'ombrage  de  ta  majesté  et 
nos  craintes  se  sont  dissipées. 

Arrivés  au  bord  de  la  mer  auo:  vagues  menaçantes,  nous 
avons  pansé  à  V Océan  [de  ta  générosité]  et  cette  mer  nous  a 
semblé  peu  de  chose. 

[Nous  avons  pensé]  à  ton  vaste  khalifat  ;  et^  si  quelqu'un 
ose  méconnaître  ta  dignité,  la  foi  de  cet  homme  est  fausse  et 
son  savoir  n'est  qu'ignorance. 

Tes  nobles  qualités  donnent  aux  louanges  une  direction  sUkre 
et  bonne,  pendant  que  la  poésie  s'égare  en  louant  tes  infé- 
rieurs  •. 

Les  cœurs  de  tous  les  croyants  ont  sincèrement  désiré  tapré* 
sence  ;  leurs  paroles  et  leurs  pensées  se  trouvaient  agréables  à 
Dieu. 


'  D*apres  une  note  marginale,  la  leçon  el^fetka  serait  préférable. 
Les  manuscrits  portent  el-atka  avec  un  aïn,  et  el-betka.  Dans  tous 
les  cas,  le  sens  du  vers  est  le  môme. 

*  Dans  le  texte  arabe,  une  correction  mal  faite  a  produit  i\ne  dou- 
ble erreur  :  il  faut  lire  J^^  et  ô^^l 


DTKASTIB  MtBIXIHB.    —   ABOU-  SALEM.  3.3? 

On  tendit  vars  Dieu  des  maim  suppliantes  et  JMeu  ripendit  : 
€  Votre  prière  est  exaucée.  » 

Il  les  combla  de  ses  grâces  en  te  plaçant  sur  le  trône;  prince 
de  noble  race,  ton  avènement  était  de  bon  augure. 

Les  remparts  de  cette  forteresse  laissèrent  éclater  leur  joie; 
eux  qui  ne  souriaient  plus  à  cause  de  leurs  afflietiont. 

En  rétùblissant  lapaix  tu  as  rendu  la  sécurité  au  pays  et  au 
peuple  ;  maintenant  Vépée  ne  se  dégaine  plus,  la  terreur  n'arrive 
plus  à  Vimproviste. 

Déjà,  notre  seigneur,  ton  père^  avait  déclaré  gw  tu  étais  le 
meilleur  de  ses  fils. 

Tu  avais  le  droit  d'exercer  le  khalifat  immédiatement  après 
lui  ;  mais  chaque  événement  est  réglé  par  le  destin. 

Tu  avais  laissé  dans  une  triste  solitude  le  halo  de  la  de^ 
meure  des  kliahfes  ;  et^  pendant  ton  absence^  la  lune  [  du 
khalifat] ne  reluisait  pas  au  [centre  de  ce  halo.] 

Dieu  Va  ensuite  rétabli  dans  tes  droits  afin  que  le  bonheur 
fût  répandu  sur  tous  et  que  le  voile  [de  la  protection  divine] 
fût  baissé  [autour  de  la  nation]. 

Conduits  par  lui  l'empire  et  ses  habitants  se  livrèrent  à  toi  ; 
la  sécurité  leur  manquait  et  ils  durent  s'y  résigner. 

En  te  faisant  subir  l'épreuve  [de  l'adversité]^  il  augmente  ta 
puissance,  ta  gloire  et  taj-écompense  ;  pour  juger  de  l'or,  il 
faut  le  faire  passer  par  le  creuset. 

Cest  toi  qu'on  invoque  quand  un  malheur  survient;  c'est  toi 
dont  on  espère  le  secoure  quand  la  pluie  [longtemps  attendue] 
trompe  [les  vœux  du  cultivateur]. 

Que  la  fortune^  par  sa  volonté  arbitraire,  commette  uMela- 
justice,  c'est  à  toi  [d'y  porter  remède;]  de  créer ^  de  défaire, 
d'interdire  et  de  commander. 

Voici  le  fils  de  Nasr  *  ;  il  vient,  Paîle  brisée,  pour  dememder 
de  ta  grandeur  les  moyens  de  laguérison. 


'  l»a  famille  des  Beni-'I-Ahmer,  rois  de  Grenade,  eut  pour  anoA' 
tre  un  chef  d^origine  arabe,  nommé  Nasr. 

T.  IV.  28 


338  HISTOIftB   DES   BBtBÈBES. 

leif  dans  un  pays  étranger^  il  espère  une  faveur  que  iu  es 
digne  de  lui  accorder  ;  si  tu  désires  la  gloire,  la  voici  à  ta 
portée* 

Émir  des  Musulmans^  renouvelle  avec  lui  ta  ferme  alliance^ 
que  rien  n^aurait  pu  briser  excepté  la  trahison. 

Ces  t  dans  un  prince  comme  toi  que  tout  réfugié  doit  placer 
S4m  espoir  ;  quiconqtie  invoque  la  famille  de  Mérin  ramène  à 
lui  la  puissance  et  la  victoire. 

Imam  de  la  vérité  I  venge  le  bon  droit  outragé  I  pendant  tes 
[généreux]  efforts,  tu  recueilleras  la  gloire  et  une  digne  ré- 
compense. 

Défenseur  de  la  vérité  !  soutiens  le  bon  droit,  cai ,  [à  toti 
défaut]  ou  nepourra  compter  sur  personne  * . 

Si  Von  dit  :  a  [//  /atif  ]  de  l'argent  ;  »  ton  trésor  est  ample  ; 
si  Von  dit  :  a  [//  faut]  des  troupes  ;  »  ton  armée  est  tm- 
mense. 

Par  toi  le  trangfesseur  se  voit  arrêté  dans  sa  carrière  ;  par 
tes  efforts  la  morale  prend  nns  nouvelle  naissance  et  l'isla- 
misme relève  ce  que  ^infidélité  avait  ruiné* 

Quand  notre  prince  te  quittera,  accorde  -luiune  faveur  ines- 
timable en  le  renvoyant  dans  sa  patrie. 

Hâte  la  guérison  de  ses  malheurs  et  guéris  ainsi  les  cœurs  af- 
fligés de  tout  un  peuple,  retenu  loin  de  lui  par  Vusurpation  et 
la  tyrannie. 

Ils  s^attendent  à  tevoir prendt  e  un  engagement  que  ta  main 
droite  s^empressera  de  sceller  et  dont  le  succès  est  assuré. 

Le  but  est  facile  à  atteindre  ;  aucune  obligation  ne  pèsera 
sur  toi  exceptét[la  dépense  d^]une  somme  sans  importance  quand 
<m  considère  ta  gloire  qui  doit  en  résulter. 


>  A  la  lettre  :  on  ne  pourra  compter  m^ur  Zeid  ni  tur  Omar.  Ceci  est 
une  allusion  à  une  formate  employée  par  tous  les  grammairiens  ara- 
bes et  ainsi  conçoedara6a  Zetiion  Omora  {Verberavit  Zeidus  Omarum.) 

'  Le  traducteur  regarde  le  mot  ^t  comme  l'adverbe  négatif. 
Voy.  le  Grammaire  arabe  de  M.  de  Sacy,  tome  i,  p.  549. 


DYNASTIE  HÊRINIDB.  —  ABOU-SALEM.  334 

La  vit  de  t'homme  n'est  qu^un  éclat  d^ emprunt,  un  don  qu'il 
faut  rendre;  mais  une  belle  renommée  c'est  l'immorta^ 
lité. 

Et  celui  qui  échange  un  bien  transitoire  contre  un  bien  éter^ 
nelf  a  obtenu  un  vrai  succès  et  un  bénéfice  énorme* .    , 

Prince  illustre^  avant  que  ton  hôte  puisse  accomplir  ses  dé-- 
sirs,  il  lui  faut  de  vigoureux  coursiers,  aux  pieds  blancs ^  aux 
fronts  étoiles  ; 

Et  des  provisions  de  voyage,  et  des  chameaux,  bais  de  poil, 
qui  montrent  clairement  les  indices  [d^une  nobterace],  qui  aient 
le  corps  [brillant  comme]  de  l'or  et  les  jambes  [reluisantes 
comme]  des  perles  • 

Et  des  [chevaux]  gns^qu'onarendus  sveltes  et  légers  pour 
le  jour  de  combat,  et  dont  les  étoiles  envient  l'éclata 

Et  des  hommes-lions,  de  la  tribu  deUerîn,  [des  hommes]  no- 
blés,  à  turbans  blancs,  aux  lances  jaunes  , 

Qui,  revêtus  d'amples  cottes  de  mailles,  résistent,  en  cara^ 
colant,  aux  troupes  couvertes  de  fer  *. 

Voilà  les  gens  qu'il  faut  appeler  pour  repousser  une  attaque; 
aucun  conflit  ne  leur  parait  redoutable ,  aucune  montagne  ne 
leur  est  difficile  à  gravir^. 

Si  on  leur  demande  ils  donnent;  si  on  leur  résiste,  ils 


^  Le  poète  allait  terminer  ici  son  improvisation  quand  un  de 
assistants  loi  fit  observer  qa^îl  devait  faire  l'éloge  des  parents  du 
sultan  et  des  Mérinides  en  général.  Sans  se  déconcerter,  il  récita 
les  vera  qui  suivent. 

^  A  la  lettre  vertes.  Le  mot  khadra  était  employé  par  les  anciens 
Arabes  pour  désigner  toute  espèce  de  couleur  foncée,  même  fa 
couleur  de  la  cotte  de  mailles.  Le  petit  corps  de  cavalerie  que 
Mahomet  avait  sous  srrs  ordres  ,  lors  de  la  conquête  de  la 
Mecque  s'appelait,  pour  cette  raison,  le  peloton  vert  {el-keiiba- 
t-el-khadra) .  ' 

s  Le  traducteur  juge  inutile  de  faire  rémarquer  les  jeux  de  mots 
qui  se  présentent  dans  le  texte  de  cette  pièce. 


340  BlSTOltB   DBS    BEUtRBS. 

écraténl  ;  yils/otU  un$  promesse ^  ils  la  remplissent  ;  sHls 
prennent  un^migagementf  ils  y  restent  fidèles. 

S'ils  entendent  des  paroles  impudiques,  ils  s^nfutent;  mais  ^ 
au  jour  du  combat^  la  seule  pensée  de  fuite  est  pour  eux  un 
piehé. 

Si  on  les  loue,  ils  trépignent  de  joie  et  s'agitent  comme  des 
hommes  ivres  dont  les  jambes  sont  affectées  par  le  vin. 

On  les  voit  sourire  au  milieu  d'une  forêt  de  lances,  ainsi 
que  les  fleurs  sourient  à  travers  les  tiges  du  bocage. 

Seigneur^!  mon  esprit,  ainsi  que  mon  génie^  s^était  en^ 
gourdi;  esprit  et  génie  ne  m'étaient  plus  d'aucun  secours] 

Et^  sans  la  compassion  que  tu  m'avais  accordée  et  qui  m'a 
sauvé  la  vie,  rien  ne  serait  resté  de  moi,  ni  corps ^  ni  souvenir» 

J'étais  pfrdu,  et  de  quelle  perte  !  qtjmnd  tu  me  rappelas  à 
Inexistence;  le  tombeau  renfermait  déjà  mes  membres  quand  tu 
m^as  ressuscité  t. 

Tu  commenças  par  a^  faveur  éclatante  dont  je  tC  étais  nul^ 
lement  digne,  et  la  grandeur  de  ta  bonté  fit  épanouir  mon 
cœur. 

Tu  m'as  comblé  de  bienfaits  sans  nombre,  et  mes  éloges, 
ainsi  que  ma  reconnaissance^  ne  suffiront  jamais  pour  y 
répondre^ 

Tu  as  pns  l'engagement  de  couronner  ces  actes  de  généro^ 
siti  par  un  effort  qui  nous  rendra  te  pouvoir,  la  gloire  et 
t*honneur. 

Puisse  Celui  auquel  tu  dois  ta  haute  position  te  récompenser 
de  cette  miséricorde  qui  brise  les  chaînes  du  captif  et  relève 
Vopprimé. 

Quandnous  essayons  de  louer  dignement  tes  nobles  qumW4e^ 
nous  demeurons  interdits;  ce  serait  compter  les  sables  du 
Désert  o«  les  gouttes  de  pluie. 


«  Dans  le  texte  arabe,  il  faat  insérer  an  ^/î^  avant  le  mot  Maulwi. 
^  Le  sultan  mérinide  Pavait  Tait  sortir  de  prison. 


DTKASTIB   atnilUDB.  ASOO-SALBM.  34t 

Hais  nous  faisons  ce  que  nous  pouvons,  éi  celui  ^î  nfipwT'- 
fne  aucun  effort  mérite  de  Pindulgenoe. 

Après  la  récitation  de  ce  poème  on  leva  la  séanee  el^  IbD- 
el-Ahmer  se  rendit  \  son  logement.  On  avait  tapissé  et 
meiiblé  plusieurs  palais  pour  lui  et  pour  sa  suite  et  mis  à  sa 
disposition  un  nombre  d'excellents  chevaux  dont  lei  brides  et 
les  selles  étaient  brodées  en  or.  Le  sultan  lui  envoya  aussi  une 
quantité  de  riches  habits  et  lui  assigna  un  traitement  convenable, 
ainsi  qu'aux  affranchis  européens  et  aux  intimes  qui  Pavaient  ac« 
compagne.  On  observa  à  l'égard  de  cet  illustre  visiteur  tout  le 
cérémonial  delà  royauté  :  cortège,  gardes,  titres,  rien  n'y  man- 
qua, excepté  lés  emblèmes  ostensibles  du  commandement;  oihTS- 
rfon  approuvé  par  le  sultan  andalousien  è  cause  des  égards  qu'il 
devait  fc  son  bâte,  le  souverain  du  Maghreb.  Après  avoir  passé 
quelque  temp;*  auprès  de  son  protecteur,  il  rentra  en  Espagne  et , 
'en  Pan  763  (4363),  il  recouvra  son  royaume. 


El-HACBN-IBN-OHAR    88    RÉVOLTE   k   TKDlA.    -*  IL   TOtiSS   AtT 
FOI7T01R   DU  SULTAN   BT   SUBIT  LA   PBlKB   DB   MORT. 


Le  vizir  El-Hacen-Ibn-Omar,  étant  allé  prendre  te  cômmaln- 
dément  de  Maroc,  établit  son  autorité  dans  cette  ville,  mais  il 
apprit  avec  inquiétude  que  sa  haute  fortune  avait  excité  la  ja- 
lousie dés  vizirs  attachés  au  conseil  dMtat  et  qu'ils  travaillaient 
i  le  perdre  dans  Pesprit  du  sultan.  Craignant  d'être  frappé  à 
Pimproviste  par  1^  colère  de  son  maitre,  il  sortit  de  Maroc,  l'an 
764,  au  mois  de  8afer  (janvier  1360),  courut  à  Tedia  et  arbora 
Pétendard  de  la  révolte.  Les  Beni-Djaber ,  tribu  djochemide, 
embrassèrent  sa  cause  el;  prirent  l'engagement  de  le  soutenir. 

El-Hacen-Ibn-Youçof ,  vizir  auquel  le  sultan  remit  le  comman- 
deraient de  Pdrmée,  marcba  contre  les  rebelles,  occupa  Tedla  et 
força  leur  chef  à  se  jeter  dans  la  montagne  voisine  et  à  se  mei^ 
tre  sous  la  protection  de  Hocein-Ibn-Ali-el-Ourdfghi,  grand 
cheikh  dp  cette  localité.  Ayant  cerné  la  montagne,  il  corrotnpit 


342  BI8T0IBB  DUS  BSBBBBBS. 

aTeo  de  Vof,  one  partie  des  ZaoAga  qui  en  formaient  la  popala* 
tioD,  et  se  fit  livrer  lefugilif  dont  ib  avaient  attaqué  et  dispersé 
les  partisans.  U  ramena  son  prisonnier  à  la  capitale,  où  il  trouva 
beaucoup  de  monde  assemblé  pour  le  voir  arriver.  Le  sultan  en- 
voya toute» sa  cavalerie  au-devant  du  vainqueur  et  se  rendit  lui- 
même  à  la  Toor-d'Or  (Bprdj-^ed'Deheb)^  kiosque  situé  en  dehors 
de  la  ville  et  dans  laquelle  il  avait  l'habitude  de  s'asseoir  afin  de 
faire  l'inspection  de  ses  troupes. 

El-Bacen-Ibn-Omar  traversa  la  foule  des  spectateurs,  porté 
sur  un  chameau,  et,  en  passant  devant  le  kiosque,  il  pencha  la 
ièie  comme  pour  baiser  la  terre.  Le  sultan,  étant  alors  monté  à 
cheval,  prit  le  chemin  du  palais,  et  toute  cette  multitude  se  dis- 
persa, après  avoir  assistée  un  spectacle  qui  offrait  un  triste  exem- 
ple des  vicissitudes  de  la  fortune.  Rentré  au  palais,  le  sultan  se 
plaça  sur  le  trône  et,  s'étant  entouré  de  ses  officiers,  il  fit  intro- 
duire le  prisonnier,  et  lui  reprocha  les  crimes  dont  il  s'était 
rendu  coupable.  Le  malheureux  vizir  essaya  de  se  justifier  et 
finit  par  tout  nier.  Je  me  trouvai  au  milieu  des  courtisans  et  des  « 
grands  qui  assistaient  k  cette  scène,  et  j'avoue  qu41  y  avait  de 
quoi  faire  couler  des  larmes  de  commisération.  Alors,  par  Tor- 
dre du  souverain,  on  tratna  Ibn-Omar,  la  face  contre  terre,  hors 
de  l'assemblée  ;  ensuite,  on  lui  arracha  la  barbe  et,  après  l'avoir 
cruellement  fustigé,  on  le  jeta  dans  une  prison.  Quelques  jours 
plus  tard,  il  fut  mené  hors  de  la  ville  et  tué  à  coups  de  lance. 
Son  cadavre  fut  mis  en  croix  et  resta  exposé  sur  le  rempart, 
près  de  la  porte  d'El-Mahrouc,  pour  servir  d'exemple. 


LXS    IflKSBBS   [  BB-SODDAN  ]    BUVOIBRT  AU    SOLTaH   UH    PBtSBHT 
D'AUTIRT    plus  SINGULIBB  qu'il    s't  TBOOTA  mis  GiBABfB. 


Dbns  notre  histoire  du  sultan  Abou-'l-Haoen,  nous  avons  parlé 
du  présent  qu'il  envoya  au  souverain  des  Noirs ,  Mença-Solei- 
inan,  fils  de  Mença-H ouça  [et  roi  de  Melli].  Le  prince  nègre  vou- 
lut lui  en  rendre  l'équivalent  et  réunit  divers  produits  de  son 


dtnàstib  asaiaioB. —  abou-salem.  343- 

pays,  tous  extrêmement  rares  et  curieux.  Abou-'l^H^ceo  mourut 
daQsI'iQtervalle,  etroffrande  qui  lui  était  destinée  n'alla  pas  plus 
loin  que  Oualaten^  ville  située  sur  l'extrême  fronlière  du  pays 
des  Noirs.  La  mort  de  Mença-Solèiman  ,  qui  eut  lieu  vers  la 
même  époque,  empêcha  la  caravane  de  continuer  sa  route.  Une 
guerre  civile  éclata  alors  dans  le  royaume  de  Melli  :  plusieurs 
princes  tentèrent  de  s'emparer  du  trône  et  se  tuèrent  les  uns  le» 
autres.  Le  désordre  ne  prit  fin  qu'à  l'avènement  de  Monça-Djata^. 
En  examinant  Tétat  du  royaume ,  ce  prince  découvrit  que  le 
présent  expédié  au  sultan  du  Maghreb  était  encoi'e  à  Oualaten, 
et  donna  aussitôt  l'ordre  de  le  faire  parvenir  à  sa  destination. 
Il  y  ajouta  une  girafTe,  quadrupède  d'une  forme  bixarre,  d'une . 
taille  colossale  et  réunissant  en  lui  seul  les  caractères  distinc tifs 
de  plusieurs  animaux  de  différentes  espèces. 

Ce  présent  arriva  à  Fez  dans  le  mois  de  Safer  762  (déc.<-j.an v. 
4360-4).  Le  jour  de  son  entrée  à  la  ville  fut  une  véritable  fête  : 
pendant  que  le  sultan  allait  s'asseoir  dans  le  Kiosque-d'Or,  d'où 
il  avait  l'habitude  de  passer  ses  troupes  en  revue,  les  crieun 
publics  invitèrent  tout  le  monde  à  se  rendre  dans  la  plaine,  en 
dehors  de  la  ville.  L'on  s'y  précipita  en  foule  de  tous  les  côtés 
et ,  bientôt ,  ce  vaste  local  fut  tellement  encombré  que  plu- 
sieurs individus  durent  monter  sur  les  épaules  de  leurs  voi- 
sins» Le  désir  de  voir  la'giraffe  et  d'en  admirer  la  forme  étrange 
avait  attiré  toute  cette  multitude.  Les  poètes  profitèrent  d'une 
si  belle  occasion  pour  réciter  au  sullan  des  éloges  et  des  compli* 
ments  dans  lesquels  ils  eurent  soin  de  décrire  ce  singulier 
spectacle.  Les  envoyés  nègres  se  présentèrent  devant  AJbou-Sa« 
lem  pour  lui  exposer  l'objet  de  leur  mission  et,  tout  en  lui  don- 
nant l'assurance  la  plus  formelle  de  l'amitié  que  leur  souverain 
lui  portait,  ils  le  prièrent  d'excuser  le  retard  qu'on  avait  mis 
dans  l'envoi  du  présent ,  retard  causé  par  la  guerre  civile 
qui    avait  désolé    l'empire.    Ils  décrivirent   aussi  en  termes 


1  Dans  la  notice  des  souverains  nègres,  tome  u,  p.  Iti.  notre  aïk* 
teur  donne  à  ce  prince  le  nom  de  Mari-Djata. 


344  BISTOIiB    DBS     MBBftïfeS. 

pompettx  la  grandeur  de  I^ur  siiliàn  et  la  hante  paissance  de 
leur  nation.  Peodant  que  l'interprète  expliquait  lenr  discours, 
ils  faisaient  résonner  les  cordes  de  leurs  arcs  en  signe  d'appro- 
balioni  selon  Tusage  de  leur  pays.  Pour  saluer  le  sullan,  ils  se 
jetèrent  de  la  poussière  sur  la  tète,  ainsi  qoecela  se  pratique  en- 
vers les  sottTerains  de  leur  pays  barbare.  La  réception  finie, 
Aboo-Salem  se  remit  il  cbe?al  et  l'assemblée  se  dispersa.  La  nou- 
velle de  cette  ambassade  se  répandit  promptement  partout.  Les 
envoyés  furent  hébergés  aux  frais  du  saltan,  et,  comme  ce 
prince  mourut  avant  leur  départ,  ce  fut  le  régent  de  l'empire 
qui  leur  fit  les  cadeaux  d'usage  et  les  congédia.  Ils  prirent  la 
route  de  Maroc  et  passèrent  ensuite  chez  les  Doui-Hassan,  arabes 
makiliens  dont  le  territoire  s'étend  depuis  ^e  Sons  jusqu'à  la 
frontière  du  pays  des  Noirs.  En  quittant  les  Doui-Hassan  ils  se 
rendirent  auprès  de  leur  sultan. 


U  SOLTAll  S'B«PAHB    DE   TLiaCBlf  BT  T  LAISSE   COaUB   SOCTEHAllV 

* 

ABOO-ztAll,    tBTlT'FILS   D'ABOU-TACHEFtE.      -^  lES   PRIVCES 
BAESIDBS  SONT  BEIITOTÉS   DANS   LBOB    PATS. 


En  760  (1 359),  année  dans  laquelle  le  sultan  Âboo -Salem  de- 
vint souverain  du  Maghreb,  le  Derft  avait  pour  gouverneurAbd- 
Allah-tbn-Moslem-ez^Zerdali ,  ami  des  Abd-el-Ouadites  et  partisan 
dévoué  de  leur  famille  royale.  Entré  au  service  d'Abou-'l-Hacen 
après  la  chute  de  Tlemcen,  cet  officier  fut  nommé  ensuite  gouver- 
neurdu  Derft  par  Aboo-Einan.La  trahison  qui  livra  au  sultan 
Abou-Einan  son  frère  Abou-'l-PadI ,  lequel  s'était  mis  en  révolte 
dans  la  montagne  d'Ibn-Hamtdi,  fut  ourdie  et  conduile  par  Ibn- 
Moslem.  Lors  de  l'avènement  d'Abou-Salem,  qui  portaitèson  frère 
Abou-'l-Fadl  une  viveaffeclion,  surtout  depuis  leor  dépoctatipn 
en  Espagne,  Ibn-Moslem  craignit  la  vengeance  du  nouveau  sul- 
tan et,  s'étant  assuré  le  concours  des  Arabes  makilîens,  il  se 
transporta,  avec  sa  famille  et  ses  (résors,  à  travers  le  Désert 
jusqu'à  Tlemcen*  Il  y  arriva  vers  la  fin  de  Pan  760  et  trouva  un 


DTNaST»  MÊRITCIDI. —  JkBOU- SALEM.  346 

accueil  très-honorable  anprès  d'Abou-<Haminou.  A  l'instant 
même,  il  fut  élevé  an  vizirnt  par  ce  sultan,  qui  était  bien  aise 
.d'avoir  l'appui  d'un  homme  aussi  puissent,  et,  dès*Iors,  il  dé- 
ploya un  grand  zèle  pour  le  service  du  prince  qui  lui  avait  confié 
l*admrnistration  *  de  l'empire. 

Les  Arabes  makiliens,  voyant  la  haute  position  qu'Ibn-Moslem 
avait  atteint,  et  craignantd'étre  puni»  par  Abou-Salem,  à  cause 
de  leurs  fréquentes  révoltes  contre  le  gouvernement  mérinidc, 
quittèrent  tous  leur  territoire,  sur  l'invitation  de  ce  ministre,  et 
allèrent  se  rallier  aux  Abd-el-Ouadites  de  Tiemcen.  Abou-Salem 
exigea  d'Ab'ou-Hammou  l'extradition  d'Ibn-MosIem  et ,  voyant 
sa  demande  repoussée,  il  se  rappela  que  les  Makii  étaient  ses 
sujets,  habitants  de  son  empire,  et  insista  sur  leur  renvoi.  Ne 
pouvant  obtenir  aucune  satisfaction  du  sultan  abd-el-ouadite, 
il  prit  la  résolution  de  lui  faire  la  guerre  et  alla  camper  en  dehors 
delPez,  après  avoir  fait  ouvrir  le  bureau  des  enrôlements  et  an- 
noncer une  expédition  contre  Tiemcen.  Pendant  qu'il  équipait 
[les  divers  corps  qu'il  avait  sous  la  main] ,  plusieurs  de  ses  vizirs 
se  rendirent  dans  les  provinces  marocaines,  afin  d'y  lever  des 
troupes.  Au  mois  de  Djomada761  (avril  4360),  il  se  mit  en  mar- 
che avec  tous  les  contingents  de  ses  états. 

Abou-Hammou,  prévoyant  le  danger,  avait  rassemblé  les  for* 
ces  de  son  empire  et  les  partisans  que  la  dynastie  abd-el-ouadite 
avait  conservés  parmi  les  Arabes  et  les  Zenata.  Ses  alliés  arabes 
étaient  lesBeni-Amer  et  toutes  les  tribus  makiliennes,  h  l'excep- 
tion des  Àmarna,  dont  le  chef,  Ez-Zobeïr-)bn-Talha,  avait  em- 
'  brassé  le  parti  du  souverain  mérinide.  Suivi  de  toutes  ces  trou* 
pes,  Âbou-Hammou  évacua  Tiemcen ,  où  Abou-Salem  fit  son 
entrée,  le  3  Bedjeb  (21  mai  4360),  et  traversa  le  Désert  pour  se 
rendre  dans  le  territoire  du  Maghreb.  Arrivé  à  Guerctf ,  ville  ap- 
partenant h  Ouenzemmar*lbn-Ar!f ,  il  la  ruina  de  fond  en  comble 
pour  se  venger  de  ce  chef  dont  la  famille  s'était  dévouée  aux  Méri- 


I  II  faut  supprimer  dans  le  mot  el-hal  du  texte  arabe  Vélif  qui 
précède  le  lam  final. 


346  BISTOIRB  DES   BBRBBtBS: 

nides.  Ensaite  il  alla  dévaster  le  territoire  d*Ootati  et  Toeavre  de 
destruction  accomplie,  il  rentra  dansTAngad. 

A  la  nouvelle  des  ravages  qui  se  commettaient  sur  la  frontière 
du  Maghreb,  Abou-Salem  s'empressa  de  quitter  Tiemcen  afin  d'y 
mettre  un  terme,  et  il  y  laissa  en  qualité  de  gouvemear  l'émir 
Abou-Z}an<-Mobammed,  filsd'Othman  et  petit-fils  du  sultan  Aboa- 
Tachefin.  Ce  prince  avait  été  élevé  i  la  cour  de  FeB  où,  depuis 
son  enfance,  il  vécut  entouré  des  soins  les  plus  tendres.  On  le 
désignait  ordinairement  par  le  sobriquet  d'El-Gobbi  *.  Le  sultan 
Vayant  alors  installé  dans  le  palais  de  Tiemcen,  nommé  El- 
Casr-el-Cadtm  (  le  Vieux-Château  ) ,  mit*  à  ses  ordres  les 
troupes  Ben^tiennes  tirées  de  la  partie  orientale  du  Maghreb 
central  et  lui  donna  pour  vizirs  son  cousin  maternel,  Omar-Ibn- 
Mohammed-lbn-Ibrahim-Ibn-Megguen  et  Satd-Ibn-Mouça-Ibo- 
Ali,  fils  d'un  ancien  vizir  mérinide.  Il  plaça  dix  charges  d'or  et 
d^argent*  à  la  disposition  de  son  protégé  auquel  il  remit  aussi  les 
insignes  de  la  souveraineté. 

Ce  fut  il  cette  époque  qu'il  rendit  la  ville  de  Gonstantine  au 
prince  hafside,  Abou-'l-Abbas,  pour  le  récompenser  d'avoir 
partagé  ses  fatigues  et  ses  dangers.  Il  donna,  en  même  temps, 
au  prince  hafside,  Abou-Abd- Allah,  la  permission  d'aller  repren- 
dre possession  de  Bougie,  ville  qui  était  alors  au  pouvoir  d'Abou- 
Isbac-Ibrahim,  sultan  de  Tunis  et  oncle  de  ces  deux  princes. 
Après  les  avoir  revêtus  de  robes  d'honneur  et  fourni  à  chacun 
d'eux  plusieurs  montures  et  deux  charges  d'argent,  il  adressa  à 
Mansour-Ibn-el-Haddj-Khalouf,  officier  mérinide  qui  ôomman- 
daità  Gonstantine,  une  lettre  par  laquelle  il  lui  ordonna  de  re« 
mettre  cette  forteresse  à  l'émir  Ahon-'l-Abbas.  En  congédiant 
ces  princes,  il  reprit  le  chemin  du  Maghreb.  Arrivé  à  la  fron- 
tière de  ce  pays,  il  en  expulsa  l'ennemi  et,  dans  le  mois  de  Chfl* 
ban  (juin-juillet  4360),  il  rentra  à  Fez. 


'  Voy.  t.  ni,^p.  443.  Ici  les  manuscrits  portent  El-Feta, 
t,  *'Dans  le  texte  arabe,  le  «  du  mot  |0^|;<3Jt  doit  être  supprimé. 


DYNASTIE  M&RllIIDB. —  ABOU-SALE».  347 

BîeDtAi  après  son  retour,  il  vît  arriver  Vém'iv  Abou-Zîaa  qui, 
ayant  quitté  Tlemceu  précipitamment  à  l'approche  d'Abou- 
Hammou,  s'était  jeté  dans  le  Oaancherich  où  ses  troupes  furent 
ensuite  battues  et  dispersées  par  les.Abd'cl-Ouadites.  Abou- 
Hammou  recouvra  son  royaume  el  obtint  do  sultan  Abou-Salem 
des  conditions  de  paix  très- favorables. 


■ORT  DI7   SULTAN   ABOU-SAJLBM.   OMAa-lBN-*ABD*ALLAa    PBOCLAMB 

ET  DBPOSB   SCCCESSIVBMBNT   PLUSIBOBS   8CLTAITS. 


Nous  allons  raconter  Phistoire  du  prédicateur  Abou-Abd- 
Allah  [-Mohammed] -Ibn-Merzouc  qui  était  parvenu  à  exercer  sur 
l'esprit  du  sultan  uneinfluencesans  bornes.  Ses  ancêtres  avaient 
habité  le  rt6a^  *  du  cheikh  Abou-Medyen  [Bou-Mcdîn],  et  Tun 
de  ses  aïeux,  gardien  du  tombeau  et  de  la  mosquée  de  ce  saint 
personnage,  transmit  cette  dignité  ë  ses  descendants.  Mohammed 
graud-'père*  du  sujet  de  cette  notice,  mourut  en  odeur  de  sainteté 
et  fut  enterré  dan^  le  Yieux-Châleau  [El-Casv^el-Cadîm]  par 
l'ordre  de  Yaghmoracen,  qui  vonlut  avoir  près  de  lui  le  tombeau 
d'un  tel  homme,  aGn  que  cela  lui  portât  bonheur.  Ahmed,  (ils 
du  précédent,  se  rendit  en  Orient  et,  jusqu'à  sa  mort,  il  habita 
tantôt  la  Mecque  et  tantôt  Medine.  Son  fils,  Abou-Abd-Allah- 
Mohammed  [le  prédicateur],  passa,  ses  premières  années  en  Hidjaz 
et  en  Egypte  ;  puis,  quand  il  eut  fait  quelques  études  et  appris  la 
jurisprudence  sous  les  professeurs  de  l'époque,  il  vint  se  fixer 
en  Maghreb.  Le  sultan  Abou-M-Hacen,  ayant  bâti  la  mosquée 
d'EUObbad ,  choisit  Abou-Abd-Allah-[Ibn-Merzouc]  pour  y 
remplir  les  fonctions  de  prédicateur,  tant  il  se  plaisait  à  enten- 
dre les  discours  {khotba)  que  ce  docteur  prononçait  du  haut  de  la 


^  Le  tombeau,  la  mosquée  et  le  zaouia  (v.  1. 1,  p.  85)  de  Boa^ 
Medfnest  située  à  £l-Obbad,  dans  le  voisinage  de  Tlemcen. 


*  Le  trisaHeul^  selon  le  texte  arabe. 


348  HISTOIBE   DIS   BBRBÈftBS. 

chaire.  En  effet,  ses  sertnoiid  renfermaient  des  allusions  très- 
flatteuses  pour  le  sultan  el  de  belles  prières  pour  sa  prospérité. 
Ibn-Merzoac  gagna  de  celte  manière,  l^amitié  du  prince  el  se  vit 
accorder  la  place  d'honneur  aux  audiences  publiques.  Toutes  les 
fois  qu*Abou-'l-Hacen  assistait  à  la  prière  dans  n'importe  quelle 
mosquée  du  Maghreb,  ce  fut  toujours  Ibn-Merzouc  qui  prononça 
\ek/iotba.  Il  lui  arriva  même  d'être  envoyé  aux  cours  étrangères 
comme  représentant  du  sultan.  Après  la  déroute  deCairouan,  if 
se  sauva  en  Maghreb  et  s'installa  dans  le  ribat  d'El-Obbad, 
séjour  de  ses  ancêtres.  Pour  éviter  des  longueurs,  nous  passerons 
sous  silence  les  aventures  qui  lui  arrivèrent  pendant  son 
voyage. 

Quand  Abou-'l-Hacen  se  fit  débarquer  à  Alger  après  avoir 
échappé  au  naufrage,  Abou-Saîd,  souverain  de  Tlemcen,  dé- 
cida Ibn-Merzouc  à  se  rendre  auprès  de  ce  monarque  afin  de 
négocier  un  traité  de  paix.  Abou-Thabet  [frère  d'Abou-Satd]  et 
tous  les  chefs  abd-el-ouadi les  condamnèrent  cette  démarche  et 
envoyèrent  Sogheir-Ibn-Ameràla  poursuite  de  l'ambassadeur. 
Bamené  prisonnier  et  mis  au  cachot,  Ibn-Merzouc  en  fut  relire 
pour  être  déporté  en  Espagne.  Il  entra  alors  au  service  d'Abou- 
i-Haddjadj,  sultan  de  Grenade,  et  devint  prédicateur  de  la  cour, 
honneur  qu'il  devait  à  là  réputation,  assez  mal  fondée,  d'être 
l'homme  le  plus  capable  de  prêcher  en  la  présence  d'un  souve- 
rain. Pendant  son  séjour  à  Grenade,  il  cultiva  l'amitié  d^Abou- 
Salem  qui  y  vivait  alors  en  proscrit;  et,  chaque  fois  que  ce  prince 
avait  une  demande  h  faire,  il  l'appuyait  vivement  auprès  d^Abou- 
'1-Haddjadj.  Quand  Abou-Salem  débarqua  chez  les  Ghomara, 
Ibn«-Merzouc  trayailla  avec  beaucoup  de  succès  à  lui  gagner  des 
amis  parmi  les  chefs  mérinides  et  les  vizirs  de  l'empire  ;  aussi, 
ce  prince,  étant  parvenu  au  trône,  récompensa  avec  empresse- 
ment les  services  que  le  prédicateur  lui  avait  toujours  rendus  et 
rattachement  qu'il  lui  avait  montré,  ainsi  qu'à  son  père  Abou- 
'1-Hacen. 

Devenu  l'ami  du  suUan,  son  conseiller  intime,  le  compagnon 
de  ses  loisirs  et  le  mattre  de  son  esprit,  Ibn-Merzouc  attira  sur 
lui  tous  les  regards  cl  vit  courber  devant  lui  toutes  les  têtes* 


DTNASTIB   MtRlNlDB.    —    ABOU-SALBH.  349 

Les  vîxirs  et  les  hommes  les  plus  illustres  par  leur  naissance  loi 
faisaient  la  cour  ;  les  généraux  et  les  émirs  assiégeaient  sa  porte 
depuis  le  malin  jusqu'au  soir.  Bien  qu'il  tint  en  main  les  rênes 
de  Télat,  il  évitait,  autant  que  possible,  de  faire  acte  d'autorité 
par  crainte  des  conséquences  fâcheuses  que  cela  pourrait  avoir 
pour  lui-même.  Quand  des  plaignants  venaient  lui  exposer  leurs 
griefs,  il  les  renvoyait  toujours  aux  fonctionnaires  du  palais 
[chargés  d'expédier  les  afiairei  de  celle  nature].  Malgré  tonte 
sa  prudence,  il  encourut  la  haine  des  gi^nds  officiers  de  la  cour 
en  se  permettant  de  censurer  leur  conduite  et,  non-seulement  il 
s'attira  leur  inimitié,  mais  il  Ws  indisposa  contre  le  sultan  qui 
le  protégeait.  Les  personnages  revêtus  de  hauts  commandements 
voyaient  avec  indignation  l'influence  extraordinaire  que  cet 
homme  était  parvenu  à  exercer  ;  les  vizirs  contemplaient  avec 
jalousie  la  prééminence  qu'il  tenait  de  la  faveur  du  sultan; 
tous ,  ils  n'attendaient  qu'une  occasion  afin  de  renverser  le 
trdne  et,  pendant  ce  temps,  l'esprit  de  mécontentement  se  pro- 
pageait parmi  les  autres  classes  de  la  population. 

Dans  le  mois  de  Djomada760  (avril-mai43D9],entlieuIamort 
du  vizir  Âbd-Allah-ibn-Âli,  dont  l'immense  fortune  avait  excité 
la  cupidité  d'Âbou-Salem  aussitôt  que  ce  prince  fut  monté  sur  le 
trône.  Omar-lbn-Abd-Âllah,  fils  du  défunt,  se  voyant  exposée 
perdre  ce  riche  héritage,  en  offrit  la  moitié  à  Ibn-Merzouo  pour 
avoir  sa  protection.  Le  marché  fut  conclu  au  moment  même  où 
Ton  avait  décidé  le  sultan  à  priver  Omar  de  sa  place  et  de  ses 
biens.  Ibn-Merzouc  conjura  le  danger,  obtint  pour  son  protégé 
un  emploi  plus  élevé  qu'auparavant  et  décida  le  sultan  à  en 
épouser  la  sœur.  Toules  les  fois  que  ce  monarque  quittait  la 
capitale  pour  faire  une  course  dans  les  provinces,  Omar-lbn- 
Abd-Allah  fut  chargé  du  commandement  de  la  Tille-Neuve.  Pour 
neutraliser  l'animosité  de  Masoud-lbn-Maçaï,  vizir  de  l'empire, 
et  pour  gagner  son  amilié,  Omar  en  épousa  la  fille. 

Dans  le  mois  de  Ghâban  762  (juin-juillet  1361),  Omar-Ibn- 
Abd-Allah  fut  envoyé  en  mission  à  la  cour  de  Tiemcen.  Ses  en- 
nemis répandirent  alors  le  bruit  qu'il  tramait  un  complot  avec 
le  souverain  de  cette  ville,  et  iJs  le  compromirent  au  point  que 


.  * 


350  DISTOIRE    DES     BBr^ÈHES. 

le  sultan  fat  presque  décide  à  lui  ôter  la  vie.  Défendu  avec  cha« 
leur  par  Ibn-Merzouc,  il  échappa  an  sort  qu^on  lui  destinait  ; 
mais,  depuis  lors,  il  conserva  au  fond  du  cœur  un  vif  ressenti- 
mept  contre  son  maître   et  prit  la  résolution  de  le  détrôner 
aussitôt  que  l'occasion  se  présenterait.  Au  commencement  du 
mois  de  Dou-'l-Câda*  (  commencement   de  septembre)  bien- 
tôt  après  son  retour  de  Tiemcen  ,  il    reprit  le  commande* 
ment  du  siège  de  l'empire,  le  sultan  étant  allé  s'établir  dans 
la  citadelle  de  Fez,  où  il  avait  fait  construire,  à  côté  du  pa- 
lais, une  salle  magnifique  parfaitement  bien  disposée  pour  ad- 
mettre la  brise  du  matin  et  du  soir.  Voyant  alors  tous  les  cœurs 
fortement  indisposés  contre  le  gouvernement  à  cause  de  la  faveur 
excessive  dont  jouissait  Ibn-Merzouc,  Omar  forma  le  projet  de 
«'emparer  du  pouvoir  et  décida  Garcia*lbn-AntouD  y  caYd  de  la 
milice  chrétienne,  aie  seconder  dans  cette  tentative.  La  veille 
du  mardi,  17  du  mois  de  Dou-'l-Câda76S  (19  septembre  4 361), 
les  conjurés  se  transportèrent  au  logement  que  Tacheftn,  fils 
d'Abou-'l-Hacen  ,  occupait  dans  la  Ville-Neuve  ,  revêtirent  ce 
pauvre  idiot*  de  l'habillement  impérial,  le  firent  monter  achevai 
et  leconduisirent,  entouré  des  insignes  de  la  royauté,!  jusqu'à  la 
salle  d'audience.  L'ayant  placé  sur  le  trône,  ils  forcèrent  Ibn-ez- 
Zerca,  chef  du  corps  d'archers  et  commandant  de  la  garnison, 
à  prêter  le  serment  de  fidélité  au  nouveau  souverain.  Aussitôt 
après,   ils  proclamèrent,    au  son  de  tambours ,  la  déchéance 
d'Abou-Salem  et,  s'étant  rendus  au  trésor,  ils  se  mirent  è  distri- 
buer de  l'argent  aux  troupes  sans  prendre  la  peine  de  compterce 
qu'ils  donnaient.  Les  soldats  de  la  milice  qui  occups^ient  la  Ville- 
Neuve,  s'attroupèrent  autour  d^eux  et,  après  avoir  pris  de  force 
la    solde  qui    leur  revenait ,  i)s  allèrent   piller  les  magasins 
d'effets  et  d'approvisionnements  militaires  ,  situés  en  dehors  de 
la  ville ,  et  y  mirent  ensuite  le  feu  pour  empêcher  ce  vol  d'être 
découvert. 


•  Voy.  page  de  869  ce  volume. 


DTMASTIB   HfiRINIDE.  —  ABGU^-SALBH.  354 

Le  suUan,  qui  se  tenait  dans  la  citadelle  selon  son  habitude, 
monta  à  cheval  le  lendemain  malin,  convoqua  ses  officiers,  ras- 
sembla les  troupes  tirées  des  tribus,  et,  s*étant  dirigé  vers  la 
Ville-Neuve,  il  en  fit  le  tour  sans  pouvoir  y  pénétrer.  La  résis- 
tance de  cette  place  importante  l'ayant  mis  dans  la  nécessité  d'en 
faire  le  siège,  il  alla  camper  sur  le  Kodia^t-el-Araïs  et  ordonna 
au  peuple  de  prendre  les  armes  et  de  venir  se  rallier  autour  de 
son  drapeau.  Vers  le  midi^  à  l'heure  de  la  sieste,  il  mit  pied  à 
terre  devant  sa  tente,  mais  aussitôt,  il  vit  ses  partisans  quitter 
le  camp  par  bandes  et  entrer  dans  la  Ville-Neuve,  sans  qu'il 
pût  les  retenir.  Abandonné  ensuite  par  ses  familiers  et  par  ses 
intimes ,  qui  passèrent  tous  aux  insurgés,  il  s'entoura  d'une 
petite  troupe  de  cavaliers  et  s'enfuit  k  cheval.  Le  vizir  Masoud- 
Ibn-Rahhou-ibn-Maçaï,  partit  avec  lui ,  ainsi  que  le  vizir  Solei- 
man-Ibn-Dawoud  et  le  caïd  Soleiman-Ibn-Ounsar ,  c6mmandant 
du  corps  d'affranchis  et  chef  de  la  milice  qui  gardait  la  porte 
du  palais.  Ibn-Merzouc,  qui  avait  obtenu  la  permission  de  rentrer 
chez  lui  ,  profita  de  cette  occasion  pour  s'en  aller.  Quand 
la  nuit  fut  venue,  l'escorte  du  sultan  se  dispersa,  à  la  faveur  de 
l'obscurité,  et  les  deux  vizirs  reprirent  la  route  de  la  Ville- 
Neuve.  Aussitôt  arrivés,  ils  furent  arrêtés  et  emprisonnés  sépa^ 
rément,  par  l'ordre  d'Omar-Ibn-Abd-AlIah  et  de  son  complice, 
Garcia-lbn-Antoun.  Ali-Ibn-Mehdi-Ibn-Irztguen  fut  envoyée  la 
poursuite  du  sultan  et  le  trouva  endormi  dans  une  cdban.e  de 
berger,  près  de  la  rivière  Ouergha,  où  il  s'était  réfugié  après 
avoir  jeté  ses  habits  royaux  pour  mieux  échapper  aux  regards. 
L'ayant  placé  sur  un  mulet,  il  le  ramena  vers  la  ville  et  dépécha 
un  courrierà  Omar-Ibn^Abd-Allah  pour  lui  en  annoncer  la  nou- 
velle. Ce  ministre  donna  aussitôt  l'ordre  h  Choaïb-Ibn-Meimouû 
et  à  Feth-Allah-Ibn-Amer-Ibn-Feth-Allah  d'aller  h  la  rencontre 
du  prisonpier  et  de  lui  couper  la  téte%  Ils  le  trouvèrent  auprès 
de  Khandac-el-Casab  {fessé  aux  roseaux)^  derrière  le  Kodia-t- 
el-Araïs,  et  le  firent  décapiter  par  un  soldat  de  la  milice  chré- 
tienne.  Sa  tête  fut  mise  dans  un  panier  et  déposée  aux  pieds  du 
vizir  et  des  cheikhs  mérinides. 

Omar-lbn*Abd«Allah  prit  alors  le  gouvernement  de  l'empire 


352  OISTOIEB    DES    BEHBBHSS. 

et,  pour  tromper  le  peuple,  il  leur  offrit  un  semblant  de  sultan 
dans  la  personne  du  faible  Tachefin. 


KORT     D^IBM-ANTOUN,     CAÎD     DB     Là     TBOCPB     CHBÉTIENKE. 
BtVOLTB   DB   TIBTA-IBN-BAHBOU   ET   DBS   CHEFS   MÊRIHIDBS. 


Omar-lbn-Abd-Allah  ayant  fait  prisonniers  les  deux  vizirs, 
mit  Soleimao-Ibn-Dawoud  aux  arrêts  dans  la  maison  de  Garcia- 
Ibn-Ântoun,  caïd  de  la  milice  chrétienne,  et  garda  chez  lui  Hd- 
soud-lbn-Maçaï  auquel  il  voulut  épargner  toute  espèce  de  mau- 
vais traitement.  H  avait  de  boos  molifs  pour  en  agir  ainsi  :  Ibn- 
Maçaf  était  son  beau-père  et  avait  assez  d'enfants,  de  frères  et 
de  parents  pour  former  une  bande  doul  le  secours  pourrait  être 
très-utile. 

Soleiman-lbn-Ounsar,  qui  avait  aussi  abandonné  le  sultan, 
entra,  la  même  nuit,  dans  la  Yille-Neuve  et  se  rendit  chez  son 
ami.  Garcia-Ibn-Ântoun,  qui  avait  l'habitude  de  lui  faire  boire 
du  vin.  Daus  un  entretien  avec  son  hôte,  il  raconta  ses  griefs  et 
convint  avec  lui  de  tuer  le  vizir  Omar-lbn-Abd- Allah  et  de  le 
remplacer  par  SoIeiman-lbn-Dawoud,  homme  avancé  en  Age  et 
habitué  au  commandement.  Omar  fut  averti  de  leurs  intentions 
et,  se  voyant  tout-è-fait  dépourvu  de  l'appui  que  peut  donner 
une  nombreuse  famille,  il  alla  trouver  Ibrahim-el-Batrouhi,  com- 
mandant de  la  troupe  andalousienne  qui  formait  le  cortège  îm* 
périal,  et  lui  exposa  sa  position.  Ayant  reçu  de  cet  officier  Tas» 
surance  qu'il  combattrait  jusqu'à  la  mort  pour  le  défendre,  il 
porta  les  mêmes  plaintes  à  Yahya-lbn-Bahhou,  l'un  des  princi*- 
paux  cheikhs  mérinides  et  membre  très-influent  du  grand 
conseil.  Ce  chef  lui  donna  raison  et  prit  l'engagement  de 
faire  mourir  Ibn-Anloun  et  les  autres  conjorés.  Celui-ci,  de 
.  son  côté,  dressa  avec  Ibn-Ounsar  le  plan  qu'ils  devaient  saivre 
et,  s'étant  rendu  avec  lui  au  palais,  de  très^bonne  heure,  il  y  fit 
entrer  un  peloton  de  la  milice  chrétienne,  afin  d'avoir  main- 
forte  en  cas  de  besoin.  Les  chefs  mérinides  se  présentèrent  è  l'au- 


DTHàSTII  KÉRINIDI. —  TlCHSFtff.  353 

dienee  royale,  selon  l'usage,  et  goûtèrent  du  repas  qu'on  leur  fit 
servir.  Alors,  Omar-Ibn-Abd-AUah  invita  Ibn-Antoun  à  venir 
parler  avec  Yahya-lbn-Aahhou ,  après  avoir  eu  la  précaution 
d^ntrodaire  dans  la  salle  El-Batrouhi  et  la  garde  andalousienne. 
Ibn-Rahhou  ouvrit  la  conférence  et  invita  le  caïd  Garcia-Ibn*An- 
toun  à  transférer  Soleiman-lbn-'Dawoud  dans  la  prison  de 
l'état.  Le  chef  chrétien  s'y  refusa  en  ajoutant,  d'un  ton  sarcas- 
tique,  qu'il  serait  disposé  à  le  faire  quand  on  aujrait  soumis  Ibn- 
Maçaï  è  un  traitement  semblable.  Omar-Ibn-Abd-Allah  donna 
sur  le  champ  l'ordre  d'arrêter  le  caïd  audacieux,  mais  celui-ci 
lui  rit  au  nez  et  lira  son  poignard  pour  se  défendre.  Les  mérini- 
des  se  jetèrent  aussitôt  sur  lui  et  le  tuèrent,  ainsi  que  tons  les 
soldats  chrétiens  qui  se  trouvaient  dans  le  palais.  Cette  exécution 
ne  put  s'accomplir  qu'à  la  suite  d'un  conQit  acharné.  Le  reste  de 
la  troupe  chrétienne  se  réfugia  dans  le  Melah,  camp  où  on  l'avait 
installée  et  qui  était  dans  le  voisinage  de  la  Ville-Neuve.  La  po- 
pulace se  mit  alors  àcrierqu'lbn-Antou'n  avait  tenté  d'assassiner 
le  vizir,  et  elle  massacra  tous  les  soldats  chrétiens  qu'elle  ren- 
contra dans  les  rues.  Ensuite  elle  se  porta  vers  le  Melah  afitf  d'en 
exterminer  le  reste,  mais  les  Mérinides  étant  montés  à. cheval, 
vinrent  prendre  la  défense  de  leur  milice  et  lui  éviter  la  dis- 
grâce d'être  vaincue  par  la  canaille.  Dans  cette  affaire  les  chré- 
tient  perdirent  presque  tous  leurs  effets  et  leur  argent,  mais  ils  se 
vengèrent  en  égorgeant  une  foule  de  pillards  et  de  mauvais  su- 
jets qui  s'étaient  enivrés  dans  le  Melah. 

Omar  s'empara  de  la  maison  du  caïd  et  envoya  Ibn-Oudrar  en 
prison  où  il  le  fît  mourir  la  même  nuit.  Il  mit  Soleiman-ibn- 
Dawoud  aut  arrêts  dans  une  maison  particulière  et,  secondé  par 
Yahya-Ibn-Rahhou,  qu'il  avait  pris  pour  conseiller,  il  étendit  sa 
domination  non-seulement  sur  les  vizirs,  mais  sur  Tempire,  et 
s'attira  les  hommages  empressés  des  chefs  mérinides.  Ibn-Rah- 
hon  voulut  absolument  faire  mourir  tous  les  familiers  du  sultan 
Abou-Salem  ,  contre  lesquels  il  nourrissait  une  haine  profonde  ; 
mais  Omar  s'y  refusa  dans  l'espoir  de  pouvoir  utiliser  Ibn-Maçaï. 
Sa  partialité  pour  cet  homme  devint  tellement  évidente  que  .l'a- 
mour-propre  d'ibn  Rahhou  et  do  tous  les  chefs  mérinides  en  fut 

T.  IV.  23 


354  HI8T0IRI  M8  nnnÊMiB. 

blessé.  S'apercevaDt  qu'ils  ourdissaiaii  quelque  trame  contra 
lui,  Omar  acheta  rallianœ  et  Pappui  d'Amer-Ibn-MohanHued 
[chef  des  HiotataJ  en  partageant  avec  lai  le  royaume  de  Maghreb. 
Il  lui  fit  passer,  en  même  temps,  le  prince  Abou^i^-Padl,  ils^ 
d'Âbou-Salem  ;  se  ménageant  ainsi  un  moyen  de  salut  dans  lé  cas 
où  les  Ménnidesenlreprendraient lesiégedela  Yilt^Neuve,  ainsi 
qu^ils  en  avaient  formé  le  projet. 

Les  cheikhs  mérinides,  s'aperçurent  bientôt  qn'Abou-i-Padl 
n^était  plus  dans  la  citadelle  où,  jusqu'alors,  on  l'avait  retena 
sous  bonne  garde,  et  ils  firent  h  Omar  de  vifs  reproches  ;  mais 
celui-ci  rompit  ouvertement  avec  eux,  sans  vouloir  leur  donner 
la  moindre  satisfaction.  S^étant alors eofermédans  la  Yille-Neuve, 
il  les  empêcha  d'y  pénétrer  et,  par  ce  Irait  de  hardiesse,  il  les 
exaspéra  à  un  tel  degré  qu'ils  allèrent  trouver  leur  chef,  lbn« 
Rahhou,  et  revinrent  pour  camper  en  face  de  la  porte  d'EI-Po- 
touh.  Ils  amenèrent  avec  eux  Abd-eUUaltm,  fils  du  sultan  Ahou- 
Ali.  Nous  raconterons  plus  loin  ce  qu'ils  firent  de  ce  prince. 

Omar-Ibn-Abd*Allah  rendit  alors  la  liberté  à  Hasoud-Ibn«^ 
Maçaï  et  le  laissa  partir  pour  Maroc,  après  lui  avoir  imposé  Vobli* 
gation  de  venir  combattre  les  Mérinides  s'ils  mettaient  le  siège 
devant  la  Ville-Neuve. 


ABD-BL-HALtv,    FILS   DU    SULTAN    ABOU-ALI,  ARRIVE   DE   TtEttCIN. 

SIEGE    OB    LA    VILLE- MEUVE. 


Le  sultan  Abou-'l-Hacen,  après  avoir  fait  mourir  son  frère, 
Abou- Ali,  ainsi  qu'il  en  avait  le  droit,  se  chargea,  par  devoir, 
d'élever  les  enfants  et  d  entretenir  la  famille  de  ce  prince  malheu- 
reux. Il  combla  ces  jeunes  gens  de  bienfaits,  les  traitant,  sons  tous 
les  rapports  comme  ses  propres  fils,  et  il  en  maria  Ali-Abou- 
Ifelloucen  avec  sa  fille  bien-aimée  Tahadrît.  Lors  du  désas- 
tre de  Cairouan,  celui-ci  abandonna  son  beau-pèro,  passé  aux 
Arabes  et  revinl  à  leur   têle  pour   l'attaquer  dans  cette  ville  et 


BTlflSTIV   ■tMlfIDI«  -—  TACBBFilf .  3ft& 

dans  Tunis.  Ayant  ensaite'qnilté  l'Ifrtkjfa,  il  trouva  une  honora- 
ble réception  à  la  cour  d'Aboa-Satd-Othman,  souverain  de  Tleoi 
€eo  ;  mais,  au  moment  où  il  allait  se  rendre  en  Espagne,  il  fui 
livré  par  son  hôte  aux  agents  d^  Aboa-Einan.  Ce  monarque  l^en- 
leraia  dans  une  de  ses  pvisons  et,  l'ayant  ensuite  fait  amener 
devant  lui,  il  l^aocabla  de  reproches  à  cause  de  sa  trahison  en- 
vers* ie  sallan  Abou-'UHacen;  deux  jours  plus  tard ,  il  l'-en* 
voya    à  la   mort.  Ceci  eut  lieu  en  l'an  751  (1350*4). 

Aussitôt  qo'Abou-'l-Hacen  eut  rendu  le  dernier  soupir,  ses 
fils  allèrent  trouver  le  sultan  Aboo-Einan^  qui,  devenu  oiattre  du 
sort  de  ces  princes,  les  déporta  en  Espagne  ,  ainsi  que  les  Gis  de 
Témir  Abou-Ali.  Ceux-<;i  se  nommèrent  Abd-el-Haltm ,  Abd-cl- 
Moumen,El-HansouretEn-Nacer.  Leur  neveu  Satd,  filsd*Abou- 
Ztan,  y  fut  envoyé  avec  eux*  Ibn-el-Ahmer,  sultan  de  P  Andalou- 
sie^ les  prit  sous  sa  protection  et,  quand  ie  monarque  africain  lui 
fit  demander,  plus  tard,  leur  extradition  ainsi  que  celle  de  son 
frère  [Abou-'l-PadI],  il  refusa  de  les  lui  livrer»  De  là  surgir 
entre  les  deux  cours  la  mésintelligence  dont  nous  avons 
parlé. 

Quand  le  sultan  Abou  Salem  fitconduireàBonda  tous  lesmem* 
hres  de  sa  famiUe  dont  il  craignait  l'influence,  Tun  deces  princes, 
Abd-er*Rahman,  fils  d'Abou-lfelloucen^  effectua  son  évasion  et 
alla  trouver  ses  oncles  à  Grenade.  Abou-Salem  redoutait  toujours 
la  considération  dont  ils  jouissaient  ;  il  se  méfiait  également 
de  tous  ses  autres  parents,  et,  sur  une  simple  accusation  dirigée 
contre  son  pupille,  Mohammed ,  fils  de  sa  sœur  Tahadrît  et  d'A- 
bou-ifellpucen,  il  tua  ce  jeune  homme  qui  s'était  réfugié  on  Ire 
les  bras  de  sa  mère.  » 

A  l'époque  où  Abou-Âbd- Allah,  fils  d'Abou-1-Haddjadj  et  sul- 
tan de  de  l'Andalousie,  se  réfugia  en  Maghre1>  après  avoir  perdu 
le  trône,  Abou-Salem,  qui  s'était  empressé  de  Taccueilir,  crut 
^ienir  entre  ses  mains  le  sort  do  ses  parents  qui  se  trouvaient  à 
Grenade.  Dans  une  dépêche  adressée  au  raïs  Mohammed-lbn- 
Ismail,  qui  venait  d'usurper  le  pouvoir  et  de  faire  mourir  les 
enfants  d'Abou-'l-Haddjadj .  il  demanda  rcmprisonoement  des 
princes  mérinides,  en  promettant  d'empêcher  les  tentatives  que 


356  HITOIRB   DBS   BBUtRBS. 

le  monarque  déchu  *  pourrait  diriger  contre  l'Andalousie.  Le 
raïs  consentit  à  cette  proposition  et  enferma  les  pnnces. 

Le  roi  [de  Castille]  s'étant  alors  brouillé  avec  le  raïs,  envahit 
l'Andalousie,  enleva  aux  musulmans  un  grand  nombre  de  forte- 
resses et  invita  Abou-Salem  à  lui  envoyer  Ibn  -  el  -  Ahmer  ; 
puis,  sur  le  refus  du  monarque  africain,  qui  voulait  rester 
fidèle  à  son  engagement,  il  tourna  ses  armes  contre  les  places  for- 
tes que  le  gouvernement  mérinide  possédait  en  Espagne.  Abou* 
Salem  dut  céder  pour  ne  pas  risquer  ses  états  :  il  fournit  à  son 
\i6ie  un  équipage  royal,  le  combla  de  dons  et  le  fit  conduire  à 
Geuta,  où  le  navire  qui  l'avait  amené  venait  d'être  disposé  pour 
le  recevoir.  Allai -Ibn- Mohammed  fut  chargé  d'embarquer 
rillustre  voyageur  et  de  l'accompagner  à  la  cour  du  roi  chrétien. 

Le  raïs  était  dans  son  sultanat  de  Grenade  quand  il  apprit 
cette  nouvelle  et,  se  rappelant  qu'Ahou-Hammou  ,  sultan  de 
Tiemcen,  lui  avait  souvent  fait  demander  les  fils  d'Abou-1- 
Ali,  afin  de  les  avoir  sous  la  main  quand  il  voudrait  susciter  des 
difiicultés  au  sultan  Abou-Salem,  il  s'empi^essa  de  mettre  en  li- 
berté et  d'envoyer  en  Afrique  Témir  Abd-eUHaltm,  l'émir  Abd- 
el Moumen,  frère  de  celui-ci,  et  leur  neveu  Abd-er-Rahraan  , 
fils  d*AboU'lfelloucen.  Ces  princes  débarquèrent  à  Honein  peu  de 
temps  avant  la  mort  d'Abou-Salero.  Le  souverain  de  Tiemcen 
les  reçut  avec  une  bienveillance  extrême  et  reconnut  Abd-el- 
Halîm  pour  sultan  du  Maghreb  en  lui  donnant  pour  vizir 
Mohammed-cs-SobéYè,  fils  de  Mouça-Ibn-lbrahtm,  qui  avait 
abandonné  le  parti  d'Omar-lbn-Abd-AUah.  Arrivé  dans  la  capi- 
tale abd-el-ouadite  en  même  temf^s  que  les  trois  princes  mérini* 
des,  Ibn-Sobéïà  leur  apprit  la  mort  d'Abou-Salem.  présenta  ses 
hommages  à  l'émir  Abd-el-Halîm  et  l'engagea  fortement  k  par-  . 
tir  avec  lui  pour  le  Maghreb.  Plusieurs  envoyés  vinrent  alors  de  la 
part  des  Mérinîdes  et  invitèrent  ce  prince  à  se  rendre  au  milieu 
d'eux.  !l  y  consentit  avec  empressement  et,    après  avoir  reçu  , 


'  Dans  le  texte  arabe,  il  faut  lire  el-makkloué  à   la   place  dW 
kkaloité. 


DYNASTIE  MARINIDB.  -—   rACHtPtN.  357 

d'Âboa*-Haiiimou  un  équipage  royal,  iUemiten  route.  Les  voya- 
geurs étaient  encore  en  marche  quand  ils  rencontrèrent  Mobam- 
med-Ibn-Zegdan,  Tun  des  Beni-Âli,  chefs  des  Oungacen.  Cette 
tribu  avait  continué  à  habiter  Debdou,  sur  la  frontière  du  Ma- 
ghreb, depuis  inoccupation  de  ce  pays  par  les  Beni-Merîn.  Ibn- 
Zegdan  prêta  le  serment  de  fidélité  au  nouveau  sultan  et  décida 
son  peuple  à  en  faire  autant.  Alors,  Abd-eUHalîm  se  porta  en 
avant  à  grandes  journées. 

Nousavons  déjà  dit  que  Yabya-Ibn-Bahhou  et  les  cheikhs  méri* 
Dides,  se  voyant  repousséd- par  Omar -Ibn-Abd-Allah,  avaient 
dressé  leur  camp  en  face  de  la  porte  de  Fotouh.  De  là  ils  expé- 
'dièrent  à  Tlemcen  une  députation  chargée  de  leur  amener  Âbd- 
el«-HaUm.  Ces  envoyés  le  rencontrèrent  à  Tèza  et  revinrent  avec 
lui.  Les  Beni-Merin  s'avancèrent  tous  jusqu'au  Sebou  pour  le  re- 
cevoir et,  le  samedi,?  Moharrem  763  (8  nov.  1861),  ils  campè- 
rent sur  le  Kodia-t -el-Araïs  et  commencèrent  le  siège  de  la  Ville^  * 
Neuve.  Pendant  sept  jours,  ils  attaquèrent  les  remparts  depuis 
le  matin  jusqu'au  soir,  et  une  foule  de  dépulations  entrèrent  au 
camp  pour  offrir  au  sultan  Abd-eUHalim  les  hommages  des  diver- 
ses villes  du  Maghreb.  De  nombreux  renforts  y  arrivèrent  aussi 
de  toutes  parts.  Le  samedi  suivant,  Omar-ibn-Abj -Allah  opéra 
une  sortie  à  la  tète  des  milices  musulmanes  et  chrétiennes  qui  for- 
maient l'avant-garde  de  l'armée  du  sultan  Abou-Omar[-Tache- 
ftn].  Ce  corps  d'archers  et  de  hallebardiers  marcha  en  avant, 
pendant  que  l'arrière-garde,  sous  les  ordres  immédiats  du 
sultan ,  resta  en  ordre  de  bataille.  Après  avoir  lancé  quel- 
ques volées  de  flèches,  les  troupes  de  Tachefin  simulèrent  une 
retraite  vers  la  ville,  afin  d'attirer  leurs  adversaires  à  la  portée 
des  archers  qui  garnissaient  les  remparts.  Les  Mérinides 
s'étant  avancés  à  la  poursuite, 'virent  leur  centre  accablé  d'une 
grêle  de  flèches  et,  ne  pouvant  soutenir  une  charge  vigoureuse 
qu'Omar  dirigea  ensuite  contre  eux,  ils  prirent  la  fuite  dans 
le  plus  grand  désordre.  Les  Mérinides  se  dispersèrent  alors 
pour  regagner  leurs  foyers  :  Yahya-lbn-Bahhou  s'enfuit  à 
Maroc  avec  Mobarek^Ibn-ibrahîm,  cheikh  des  Rholt,  pendant 
qu'Abd-cl-Halîm  et  ses  frères    rentraient  à   Tèza.    Le  sang- 


338  HISTOIBB  DBS   BBBBÈUS. 

froid  et  la  bravoure  déployés  par  ces  prinoes  rempErénfi 
d'admiration  toutes  les  personnes  qui  assistèrent  k  cette  ba- 
taille. 

Omar-lbn-Aibd-Âllah  évita  de  le  poursuivre  et  attendit  l'arri- 
vée de  Mohammed,  fils  d'Âbou-ÂbdFer-Bahman. 


■OHinHBD,    FILS    DB   L^BHIB    ABOD-ABD-BB-tABIIAll,    AMIVB   A 
Lk    VILL8*irBUTB.  —  OMAa   U    FicTT  PSeCLAIBa  6ULSAH    KT    U 

TIBirr  BK  TUTBLU. 


Les  Beni-Hertn,  s'étant  ligués  contre  Omar-Ibo-Abd-Allab 
aussitôt  qu'il  rompit  avec  eux,  le  blâmèrent  hautement  d*avoir 
inauguré  comme  sultan  Abou-Omar[-TacheflD],  prince  auquel 
manquait  une  des  conditions  que  la  loi  et  Pusage  exigent  dans 
un  khalife,  savoir^  la  faculté  de  la  raison.  Omar  lui-même 
s'aperfut  qu'il  j  avait  commis  une  faute,  et  se  mit  à  chercher  un 
autre  membre  de  la  famille  auquel  il  pourrait  transférer  la  dignité 
du  kbalifat.  Son  choix  se  fixa  sur  [Abou-Ztan-JMohammed,  fils  de- 
l'émir  Abou-Abd-er-Bahman  et  petit-fils  du  sultan  Abou-'l-Ha- 
cen.  Ce  prince  avait  effectué  son  évasion  de  Bonda,  bientdt  après 
l'avènement  d'Abou-Salem  et  avait  trouvé  un  excellent  accueil  à 
la  cour  du  roi  [de  Castille].  Omar  lui  envoya  d'abord  l'eunuque 
affranchi  Y  Atic,  pour  l'engager  k  venir  le  trouver  sans  délai;  ensuite 
il  donna  une  semblable  coosoiission  k  Othman-IbiHeUTasmln; 
puis  à  Er-Baïs-el-Abkem  [U  cheffimei^]^  membre  delà  famille 
des  Ahmer  [souverains  de  l'Andalousie].  Il  s'adressa  aussi  à 
Vex-sultan,  Ibn-eUAhmer,  qui  avait  trouvé,  depuis  peu  de 
temps,  un  asile  dans  les  états  du  roi  chrétien,  et  le  fit  prier  d'ob- 
tenir de  ce  monarque  le  prompt  renvoi  du  prince  m  érinide. 
lbn-el*Ahmer ,  qui  n'était  plus  alors  en  bons  termes  avec 
le  roi,  et  qui  cherchait  une  occasion  pour  le  quitter,  répon- 


^  Voy.  ci^devant,  page  326. 


dthastib  unnioB. -—ABou-rtAif-iioHAMKED.  359 

dit  au  vitir  qu'il  se  chargerait  de  oelte  affaire,  mais  à  la  condition 
de  recevoir  pour  luî-mâme  la  ville  de  Honda.  Omar  lui  expédia 
sur  lechaiDp  un  acte  portant  la  cession  de  cette  place  forte  et 
aigné  par  les  chefs  mérinides  et  les  cherîfs  qui  formaient  son  con- 
seil. A  la  réception  de  cQtte  pièce,  Ibn-el-Abiner  alla  trouver  le  rci 
et  le  pria  de  renvoyer  Mohammed,  fils  d'Abou-Abd«er-Rahman  en 
Afrique  où.sa  présence  était  réclamée  par  tous  les  Mérinides.  Le 
roi  y  consentit  et,  dans  le  mois  de  Moharrem  763  (novemb.1361) 
il  permit  à  ce  prince  de  quitter  Séville  ,  après  lui  avoir  imposé 
certaiDBS  conditions  dont  Pacte  fut  aussi lAt  dressé  et  signé. 

Omar  ayant  appris  par  un  courrier  que  Mohammed  venait 
d'arriver  à  Ceuta,  où  Satd*Ibn-Othman,  parent  de  ce  vizir,  était 
allé  pour  l'attendre,  déposa  le  sultan  Abou-Omar[-Tachefîn],  le 
renvoya  dans  l'appartement  des  femmes  d'où  il  avait  été  tiré  et  fit 
porter  à  Abou-Ztan-Mohaoïmed  les  insignes  de  la  souveraineté i 
les  tentes  impériales  et  l'acte  d'hommage  et  fidélité.  Un  déta- 
chement de  troupes  qu'il  envoya  au-devant  du  nouveau  sul* 
tan,  le  rencontra  è  Tanger  et  le  conduisit  promptement  à  la  ca- 
pitale. Yers  le  milieu  du  mois  de  Safer  [décembre],  ce  prince 
étant  venu  dresser  son  camp  à  Kodia-  t-el-AraYs,  le  vizir  alla  le 
même  jour  lui  présenter  ses  hommages  et  fit  placer  9a  tente  au-, 
près  de  celle  de  son  maître.  Quatre  jours  plus  tard,  il  le  conduisit 
au  palais  et  l'établit  sur  le  trône,  mais  il  se  garda  bien  de  lui  lais- 
ser la  moindre  autorité.  Bientôt  après,  il  eut  à  soutenir  une  lutte 
contre  les  fils  d' Abou-AIi  * . 


LES   FRftRBS   DU   SULTAN   ABI>-BL-IUi4h   BSSUTBMT    UNE    DIPAITB 
A  MEQUINBZ   et   SB    RENDBNT   AYBC   ]LU1    A   StDJaMBSSA. 

Abd-el-Haltm  apprit  h  Tèza  que  Mohammed,  fils  d'Abou- 


*  Lisez  Abi^Àli  dans  le  texte  arabe. 


360  HISTOIftB  DB8  BBBBiUS. 

Abd-er-BahinaD,  a  irait  qaittëCeata  pour  se  rendre  à  Fez,  et  ré- 
solut de  lui  barrer  le  chemin.  Son  frère,  Âbd-el-Moumen  et  bot» 
neveu,  Abd-er-Rabman,  auxquels  il  confia  l'exécution  de  oe  pro- 
jet, se  rendirent  à  Mequinez  (Miknaçajf  mais  ils  n*osèrent  pas 
risquer  un  combat.  Quand  Mohammed  fut  entré  dans  la  Yille^ 
Neuve,  ils  commencèrent  à  ravager  les  contrées  voisines  et  mi- 
rent le  viiir  Omar  dans  la  nécessité  de  marcher  contre  eux.  Il 
sortit  avec  tout  Pappareil  de  la  guerre  et  alla  bivaquer  sur  le 
Ouadi-'a-Nedja,  d'oii  il  partit,  le  lendemain,  pour  Mequinez. 
Arrivé,  par  une  marche  très<rapide,  dans  le  territoire  de  cette 
ville,  il  livra  bataille  aux  troupes  d'Abd-el-Moumen  et  d'Abd- 
er-Rahman  qui  s'étaient  avancées  à  sa  rencontre  et,  après  une 
courte  résistance;  il  les  força  à  se  replier  sur  Tèza,  auprès  du 
sultan  Abd-el-Haltm.  S'étant  alors  campé  dans  la  banlieue  de 
Mequinez,  il  me  chargea  de  porter  au  sultan  Mohammed  la  nou- 
velle de  cette  victoire.  Tout  le  monde  en  ressentit  une  joie  extré-^ 
me  et  le  sultan  se  félicita  hautement  d'un  événement  qui  leraffer- 
missaitt  sur  le  trône. 

Quand  Abd-eUMoumen  eut  rejoint  son  frère,  Abd-el«Halim,  à 
Tèza,  les  troupes  de  celui-ci  passèrent  au  sultan  de  Fez.  Abd-el^' 
Hallm  partît  aussitôt  pour  Sidjilmessa,  emmenant  avec  lui  ses 
frères,  son  vizir  Es-Sobéïft  et  les  Arabes  makiliens  qui  lui  étaient 
restés  fidèles.  Gomme  les  habitants  de  celte  ville  l'avaient 
reconnu  pour  leur  sou verain^,  il  n'eut  pas  de  diflb;ulté  à  s'y  éta-^ 
blir  et  à  prendre  les  allures  de  la  royauté. 


ASER-lBK-MOBAHnBD  BT  MASOUD-IBN-MAÇAÏ    ARRIYBHT   DE  MAROC* 

CBLUI-Ct    BST    NOHHfi   TIZIR    BT   AlIBR    OBTlBIfT    LB   GOIfTEB- 

IfEHBNT    DES    PROYl^fCBS    KAROGAIKBS. 


Le  sultan  Abou-Sôlem,  étant  monté  sur  le  trône  du  Maghreb^ 
avait  confié  le  gouvernement  de  Maroc  et  la  perception  des  im- 
pôts chez  les  Jifasmouda  à  Mohammed-IbnrAbi-'l-Olâ-Ibn-Abi-^ 
Talha,  membre  d'une  famille  d'administrateurs.  Bien  que  cet  offi.-^ 


DYNASTIE  HftEnaDB.  —  AJlOU-ziAlf-IIOlIAVaKD.  364 

oier  rempltt  aveo  une  grande  habileté  les  fonctions  de  sa  place, 
il  montra  tant  de  haine  envers  les  gens  au  service  d'Amer- 
Ibn-Mohammed  que  celui-ci  en  fut  indigné.  Il  avait  même  dé- 
noncé au  snltan,  plusieurs  fois,  la  conduite  de  ce  chef  ,  mais  ses 
plaintes  étaient  demeurées  sans  réponse.  A  peine  Amer  eot*il 
appris  la  mort  d'^bou-Salem  et  l'avènement  de  son  ami,  Omar- 
Ibn-Abd-Allah,  à  la  régence,  qu'il  alla  saisir  Ibn«Abi-'l-01ft  dans 
sa  maison,  le  tratna  en  prison  et  le  (it  mourir  dans  des  tour- 
ments. Devenu  ainsi  tout-puisaant  à  Maroc,  il  se  fit  envoyer  par 
Omar  le  prince  Abou-'l-Fadl,  fiU  du  sultan  Abou-Salem,  afin  de 
le  mettre  en  avant  [comme  drapeau]  dans  le  cas  oit  il  serait 
obligé  de  marcher  au  secours  de  Fez,  ville  dont  les  Mérintdes 
devaient  probablement  entreprendre  le  siège.  Quelque  temps 
après,  le  marne  vizir  lui  envoya  Masoud[*Ibn-Rahhou]-Ibn- 
Haçaï. 

Quand  les  Mérinides  commencèrent  le  siège  de  la  Yille-Neave, 
Amer  rassembla  les  milices  et  les  contingents  des  tribus,  se  mit 
il  leur  tête  avec  Abou-'l-Fadi  et,  s'étant  dirigé  sur  Anfa,  il  alla 
camper  auprès  de  lOmm-Bebià.  Après  la  défaite  des  Mérinides 
sous  les  murs  delà  Yille-Neuve,  il  vit  arriver  [en  fugitif]  Yahya- 
Ibn-Bahhou,  et  bien  qu'il  lui  portât  une  sincère  amitié,  il  le  reçut 
avec  froideur  afin  de  ménager  la  susceptibilité  d  Omar-Ibn-Abd- 
Allah  et  de  Masoud-Ibn-Haçaï  qui  se  trouvait  alors  avec  lui.  Il 
évita  pour  cette  raison  de  présenter  le  réfugié  à  l'assemblée 
des  chefs  et  se  borna  à  le  faire  passer  dans  la  montagne  [des  Hin- 
tata].  Ibn-Rahhou  partit,  le  cœur  ulcéré  de  ce  manque  d'égards, 
et  alla  trouver  le  sultan  Abd-el-Halîm  à  Sidjilmessa.  Quel- 
que temps  après,  il  perdit  la  vie  dans  un  combat  que  ce  iponar- 
que  livra  aux  Arabes. 

La  défaite  d'Abd-eUMoumen  et  l'évacuation  de  Tèza  par  Abd- 
el-Haltm,  qui  était  parti  pour  Sidjilmessa,  rendit  Omar-Ibn- 
Abd-Allah  maître  de  l'empire.  Débarrassé  de  ses  adversaires,  il 
reprit  les  démarches  qu'il  avait  déjà  faites  dans  le  but  de  s'as- 
surer l'appui  de  Masoud-Ibn*Rahhou[-Ibn-Maçaï],  à  la  famille 
duquel  il  venait  de  s'allier  par  un  mariage  et  dont  les  nombreux 
frères  et  parents  pouvaient  lui  être  d'un  bon  secours.  Par  ces 
moHfs  il  le  fit  nommer  vizir,  à  la  grande  satisfaction  des  Méri- 


308  aisioiu  DBS  bimiub. 

iHdes,  dont  il  s'était  empressé  de  coDcilier  la  bienveillance  et  d'oa- 
bUer  l'bosiiUté. 

Amer-Ibn-Mohamined  taisait  ses  préparatils  pour  aller  déli- 
Yrer  le.  sultan  qnand  Hasoad  vint  le  trouver,  ils  se  rendirent  en- 
sentie  à  la  ooor  ,  où  ce  prince  les  aeoœillit  avec  ude  bonté  ex» 
tnèm;  Masoodfut  installé  dans  la  place  de  visir,  sur  la  reconir 
nnndaiîon  d'Omar-Ibn-Abd-AIlah ,  lequel  espérait  gagner  de 
cette  manière ,  un  OfBfti  aussi  dévoué  que  puissant  Omar  forma , 
an  méiae  temps  ,  une  aHîance  avec  Amer-lbn-Mohamed  ,  et  hn 
céda  le  gouvernement  de  tonte  la  partie  dn  Maghreb  située  au-deik 
de  l*Omm«Rebift«  Pour  répondre  aux  souhaits  de  ce  chef ,  il 
assigna  le  commandement  de  Maroc  au  prince  Abou-'l-FadL 
Amer  ooniracta  alors  une  alliance  ave  la  famille  royale  en  épou- 
sant la  veuve  du  sultan  Abou-'l-Hacen,  fille  dn  sultan  Abou- 
Tahya-Abou-Bekr.  Ce  furent  ses  amis  qui  décidèrent  Tentou- 
rage  de  la  princesse  à  faciliter  cette  union  par  leur  approbation. 
Dans  le  mois  de  Djomada  763  [mars-avril  4362),  Amer  rentra  k 
Maroc  avec  une  suite  nombreuse,  de^grandes  richesses  et  un  train 
magnifique. 

Omar  commença  alors  les  préparatifs  d'une  expédition  contre 
Sîdjilmessa,  d'où  il  voulait  expulser  Abd-el-Halîm  et  son 
frère. 


IXrtmnOlV  n'oaAB-IBN-ABD-AIXAH  COimB   SWJILIIBSSA. 


Quand  Abd-el*Haltm  et  ses  frères  furent  arrivés  à  Sidjilmessa, 
les  Arabes  makilîens  vinrent  en  masse,  avec  leurs  troupeaux, 
pour  exiger  la-  concession  des  impôts  fournis  par  les  contrées 
[qui  dépendent  de  cette  ville].  Après  s^élre  distribué  Texploita- 
lion  de  ces  territoires,  ils  donnèrent  des  étages  comme  garants 
de  leur  obéissance,  et  se  rallièrent  autour  du  souverain  dont  ils 
avaient  extorqué  jusqu^à  la  jouissance  des  revenus  provenant 
tous  des  domaines  royaux.  Alors,  sur  les  instances  de  Yahya-Ibn- 
Rahhou  et  des  autres  cheikhs  mcrinides  qui  se  trouvaient  dans 


DTlf A8TII  MÉUlflOf .  --"  AB01I*etiJI*M0HAUfB9 .  3A3 

la  ville,  Abd-^-Halfm  prit  k  résolutton  de  faire  une  expédition 
en  Maghreb. 

Pour  étouffer  ri  neendîe  qni  menaçait  d'éelatefi  ie  vixir  Omar- 
ibn*Abd-Allali  se  décida  à  marcher  snr  Sidjitmeftsa,  et,  voniant 
rassembler  une  armée,  il  fit  ennonoer  nne  distribution  d'argent 
aux  hommes  de  bonne  volonté.  Après  avoir  passé  une  revue  et 
eompiété  l'équipement  des  guerriers  qu'il  était  parvenu  à  réooir 
et  auxquels  il  paya  d'avanee  la  solde  et  Im  gratification,  il  qottta 
les  environs  de  Fez  dans  le  mois  de  Ghiiban  763  (mai-jnin  4362) 
et  se  mit  en  marche  pour  sa  destination.  Aveclui  partit  son 
principal  soutien,  Masoud-Ibn-Haçaï. 

Le  sultan  Abd-el-Haltm  s'étant  porté  à  la  rèoeontre  de  son 
adversaire,  les  deux  armées  se  trouvèrent  en  présence  k  Taftzour 
tet,  localité  située  auprès  du  col  de  la  montagne  par  lequel  on 
passe  pour  se  rendre  du  tell  maghrébin  dans  le  Désert.  On  était 
sur  le  point  d^engager  le  combat  quand  les  chefs  arabes  offrirent 
leormédicçtifinet  firent  des  démarches  afin  d'effectuer  un  arran-* 
geraent.  Après  qnelques  jours  de  pourpariers,  il  fut  convenu , 
grâce  aux  efforts  de  Ifasoud ,  qu'Abd^l*HaUm  garderait 
Sidjihnessa,  son  héritage  paternel,  et  que  les  deux  partis  s'en 
retourneraient  dans  leurs  états  respectifs.  Au  mois  de  ramadan 
(juin-juillet) , Omar  et  le  visir  Masoud  rentrèrent  à  la  TiUe-*Neuva  . 
et  reçurent  de  leur  souverain  l'accueil  le  plus  bienveillant  et  le 
plus  honorable. 

Le  vîzir  Uohammed-Ibn-SobéTa  abandonna  la  cause  4'Abd-el- 
Baltm  et  alla  trouver  le  sultan  Mohammed  et  le  vizir  Omar.  Ce- 
tni«ci  le  reçut  avec  empressement  et  le  nomma  son  lieutenant 
dans  le  vizirat.  Dès-lors,  les  deux  sultans  se  tinrent  chacun 
chez  soi,^  s'occupèrent  à  consolider  leur  autorité. 


ABD-KL-HOCSBIV     EST  PAOCLAVe   SULTIK  PAR    LES   ABABBS.    -— 
ABD-Bi-HALtu   PART  POUR   L'ORIERT. 


Après  avoir  conclu  ce  traité  de  paix  avec  le  vizir  Omar,  le 


—  —    a 


364  mSTOlRB   DBS   BBIBÈIBS. 

sultan  Abd-d-Haltm  rentra  dans  Sidjîlmessa  et  y  fixa  son  séjouri. 
A  cette  époque,  les  Arabes  Doui-Mansour ,  branche  de  la  tribu 
des  Makii,  formaient  deux  grandes  familles,  les  Ablaf  et  les  Aulad- 
Hocein.  Or^  depuis  l'entrée  de  ce  peuple  en  Maghreb,  les  Ahiaf 
avaient  leur  résidence  à  Sidjilmessa,  ville  qui,  à  elle  seule,  leur 
valait  autant  que  toutes  les  contrées  parcourues  par  leur  tribut 
Nous  avons  déjà  fait  observer  que  les  Aulad^Hocein  étaient  bien 
disposés  pour  le  vizir  Omar  ;  circonstance  qui  mérita  aux  Ahlaf 
la  préférence  d'Abd-el-Haltm.  La  jalousie  des  Aulad-Hocein  en 
fut  éveillée  ;  l'inimitié  qui  avait  régné  entre  les  deux  peuplades 
éclata  de  nouveaux  et  les  porta  à  se  faire  la  guerre.  Abd-el-Mou» 
men  fut  envoyé  par  son  frère,  Abd-el-Haltm,  pour  les  amènera 
un  racommodemeni,  mais,  à  peine  eut-il  paru  chez  les  Aulad* 
bocein,  qu'ils  le  proclamèrent  sultan,  malgré  toutes  ses  remon- 
trances. 

Au  mois  de  Safer  764  (nov.-déc.  4362},ils  marchèrent  sur  Si- 
djilmessa, et  Abd-el-Baltm  sortit  à  la  tête  de  ses  partisans,  les 
Ahlaf, pour  leur  livrer  bataille.  Les  deux  troupes  s'arrêtèrent  quel* 
que  temps,  entravèrent  leurs  chameaux,  puis  elles  engagèrent  un 
combat  qui  se  termina  par  la  déroute  des  Ahlaf.  Yahya-lbn-Rah- 
hou,  grand  cheikh  des  Mérinides,  perdit  la  vie  dans  cette  rencon- 
tre. Les  Hocein  prirent  possession  de  Sidjilmessa  et  contraigni- 
rent Abd-el-Halîm  h  se  démettre  du  pouvoir  en  faveur  de  son 
frère. 

Tombé  du  trêne,  Abd-el-Halim  partit  pour  l'Orient  afin 
d'accomplir  le  pèlerinage  de  la  Mecque  et,  en  disant  adieu  à  son 
frère,  il  reçut  de  lui  tout  ce  dont  il  pourrait  avoir  besoin  pen- 
dant ce  long  voyage.  Ayant  traversé  le  Désert  jusqu'à  Melli,  il.se 
joignit  à  une  caravane  de  pèlerins  qui  se  rendaient  de  cette  ville 
au  Caire.  Arrivé  dans  la  capitale  de  l'Egypte,  il  se  fit)  connaître 
à  l'émir  Ilbogha-el*Khasseki,  qui  tenait  alors  en  tutelle  le  sou- 
verain de  ce  pays,  et  il  trouva  auprès  de  lui  uue  réception  digne 


^  Le  traducteur  n'ose  pas  assurer  qu'il  ait  bien  compris  le  texte 
arabe  de  ce  passage. 


DTNASTR   HÉRIMIDE.  ABOD-ziAN-HOHAMMBD«  36B 

de  son  rang  et  de  sa  naissance.  Quatid  il  eut  rempli  le  devoir  du 
pèlerinage,  il  reprit  le  chemin  du  Maghreb,  mais  il  mourut  au- 
près l^Âlexaudrie,  Tan  768  (4366-7)  et  laissa  Abd-^l-Moumen 
en  possession  de  Sidjilmessa. 

IBN-MAÇAY   s'BIPARI   de   SIDJILHBSSA.   —  ABD-KL*HOU«BN   SB 

BÉFD61B   DANS   MAROC. 


Quand  la  désunion  se  fut  mise  entre  les  fils  du  sultan  Abou- 
Ali  et  qu'Abd-el-Moumen  eut  déposé  son  frère,  le  vizir  Omar 
conçut  encore  l'espoir  de  les  vaincre,  et  bientôt  il  «e  vit  favori- 
sé par  les  Ahiaf,  partisans  de  Tex-sultan  et  ennemis  jurés  des 
Aulad-Ahlaf.  Dans  le  mois  de  Rebiâ  764  (janv.-fév.  4362-3),  il 
plaça  son  principal  soutien ,  Masoud-lbn-Maçaï,  à  la  tête  d'un 
corps  de  troupes  et  l'envoya  contre  Sidjilmessa.  Les  Ablaf  vin- 
rent se  joindre  à  ce  chef,  suivis  de  leurs  tentes  et  de  leurs  trou- 
peaux. L'armée  combinée  marcha  rapidement  sur  Sidjilmessa  et 
opéra  sa  jonction  avec  un  parti  considérable  des  Hocein  qui  avait 
abandonné  le  sultan  Abd-el-Moumen.  Amer-lbn-Mohammed  en- 
voya alors  un  messager  h  ce  prince  qui  était  encore  dans  la 
ville  et,  Tayaut  attiré  à  Maroc,  il  le  mit  aux  arrâls  et  le  relégua 
dans  la  maison  qu'il  avait  sur  le  mont  Hintata.  Le  vizir  Masoùd 
occupa  Sidjilmessa,  après  avoir   renversé  Tantorité  des  enfants 
d'Abou-Ali  et  détruisit  le  principe  de  désunion  qui  avait  affligé 
Pempire.  Rentré  en  Maghreb  deux  mois  après  son  départ  de  ce 
pays  ,  il  ne  cessa  d'habiter  la  ville  de  Fez  jusqu'à  l'époque  où    il 
rompit  avec  le  vizir  Omar-Ibn-Abd-Aliah  et  ralluma  la  guerre 

civile. 


AHBR-IBN-MOHAMIIBD   SB   HBT   EN  RÉVOLTE.  —  SON  EXEMPLE 
EST   SUIVI   PAR    MASDUD-IBN-MAÇAÏ. 

Amer^Ibn  Mohammed,  était  devenu  gouverneur  de  la  ville  de 


366  HUTOtBl  MS   BKKBlm. 

Maroc  et  des  prorinces  qai  eo  dépendent,  aind  que  delà  partie 
occidenlale  des  montages  masmoadieDoea  ,  fit  ehoix  d'Ahott- 
'l«Fadl,  fila    da  aoltan  Abou-Salem  ,  pour  y    représenter  la 
royauté;  puis,  lui  ayant  dooné  desviiirs  et  des  secrétaires,  il 
forma  de  ces  localités  un  état,  pour  ainsi  dire,  indépendant.  Ceux 
d'entre  les  grands  officiers  mérinides  qui  abandonnaient  le  gou- 
verneinent[établi  à  Fez]  étaient  toujours  assurés  de   trouver 
auprès  de  lui  asile  et  protection.  Les  nombreux  réfugiés  dont  il 
se  vit  bientôt  entouré  lui  conseillèrent  de  remplacer  Abou--'l- 
Fadlpar^Abd-el-Moumen,  prince  beaucoup  plus  digne  de  consi- 
dération par  son  origine,  par  les  hauts  comn)(^ndementsquUl  avait 
exercés  et  par  l'intérêt  que  lui  portèrent  les  Mérinides.  En  con- 
séquence de  leurs  représentations,  il  appela  ce  prince  auprès  de 
lui  et,  pour  ne  pas  éveiller  les  soupçons  d'Omar-Ibn-Abd-Allab,  il 
fitentendrek  celui-ci  qu'il  voulait  lui  rendre  un  bon   service 
et  tendre  un  piège  au  prince  mérinide.  Malgré  cette  déclaration, 
Omar  en  ressentit  une  vive  inquiétude. 

Parmi  les  grands  personnages  qui  se  réfugièrent  à  Maroc, 
un  des  derniers  qui  arrivèrent  fut  Es-Sobéïa-lbn«Mouça-Ibn- 
Ibrahtm,    ex-vizir  d'Abd-el-Haltm.  A    cette  nouvelle.    Omar 
cessa  de    dissimuler  ses    intentions  et  résolut  d'équiper  une 
armée   afin   d'attaquer    son  rival.  Pendant  qu'il  se   laissait 
entraîner  à  la  méfiance  envers  tous  les  fonctionnaires  sous 
ses  ordres  ,  une  lettre  lui   tomba    entre  les  mains  ,  adressée 
par  Masoud-Ibn-Maçaï  au    régent  des  pcovinces  marocaines 
et  renfermant  des  offres  de  service  et  d'un  dévouement  sans 
bornes.   Omar  fit  aussitôt  emprisonner  le  porteur  du  billet. 
Masoud  en  fut  très-mécontent  et,  prêtant  l'oreille  aux  conseils 
et  aux   promesses  des    chefs  mérinides    qui    formaient   son 
entourage,    il  résolut  d'arracher  le   pouvoir   au  vizir.    Pour 
mieux  déguiser  ses  intentions,  il  fit  dresser  ses  tentes  à  ëz- 
Zîtoun,  près  de  Fez,   eu  prétextant  le  désir  de  jouir  de  l'air  du 
printemps  et  de  l'aspect  de  la  campagne.  Ceci  eut  lieu  dans  le 
moisdeRedjeb  763  (avril-mai  4363).  Ses  amis  vinrent  alors 
camper  à  côté  de  lui  et,  quand  ils  y  furent  tous  rassemblés,  il  prit 
résolument  son  parti  et  se   déclara  contre  le  gouvernement. 


1>T!IAST1B  MtUlflDB.*-^  ABOU^stlN-llODAMlfBD.  369 

S'étant  alors  mis  en  marche,  il  effecioasa  jonction  afvec  plnaieors 
de  ses  partisans  mérinides  qui  étaient  venus  camper  à  Onadi-'n* 
Nedja,  ainsi  que  cela  avait  été  convenu,  et,  les  ayantconduita  à 
Hequinez,  il  écrivit  au  prince  Âbd^r-^Rahman,  fils  d'Ali^Aboa* 
Ifelloucen,  en  le  priant  de  venir  ^et  recevoir  des  insiH^  le 
serment  de  fidélité. 
Abd-er^Rahoian  se  trouvait  alors  aux  environs  de  Tedla  ou  il 

était  allé  pour  susciter  une  insurrection,  après  avoir  quittéson 
frère,  Abd*el-Moumen,  au  moment  oh  ils  s'éloignèrent  de  Sîdjil- 
messa.  Amer,  gouverneur  de  Maroc  venait  d'envoyer  un  corps 
de  troupes  contre  lui  et  l'avait  forcé  à  se  réfugierau  milieu  des 
Beni-Oungaoen.  A*'la  réception  delà  nouvelle  que  lui  envoyè- 
rent Ibn-Maçaï  et  sea  partisans,  Abd-er-Rahman  alla  les  trouver 
et  s'en  fit  proclamer  sultan. 

Omar  ayant  alors  donné  à  son  sullan  ,  Mohammei*lbn-Abd- 
er*Aahnian,  rautorisation  de  se  mettre  en  campagne,  lui  forma 
un  camp  à  Kodia*t-el-Araïs  et,  quand  il  eut  soldé  et  équipé  une 
année,  il  le  fit  marcher  jusqu'à  Ouadi^'n-Nedja.  Attaqué  auprès 
de  cette  rivière,  et  pendant  la  nuit,  par  les  troupes  d'Ibn*Maçaï, 
il  tint  ferme  jusqu'au  jour  et  força  enfin  ses  adversaires  à  pren- 
dre la  fuite.  Les  insurgés  se  dispersèrent  de  tous  côtés  pendant 
que  le  vainqueur  les  poursuivait  avec  acharnement,  et  ib  appri- 
rent, à  leurs  dépens,  que  la  population  de  l'empire  était  dévouée, 
plus  qu'ils  ne  l'avaient  pensé,  au  sultan  et  à  son  vizir.  Ibn-Ma- 
çaT  chercha  un  refuge  dans  Tedla,  pendant  que  l'émir  Abd-er- 
Rahman  se  rendait  chez  les  Beni-Oungacen.  Omar  ramena  son 
sultan  à  la  capitale  et  regagna  la  confiance  des  chefs  mérinides  en 
leur  accordant  une  amnistie. 

Abon-Bekr-Ibn-Hammama  fit  alors  proclamer,  dans  les  terri- 
toires soumis  h  son  commandement  la  souveraineté  d'Abd-er- 
Rahman,  fils  d'Abou-Ifelloucen.  Mouça-Ibn-Séïd-en-Nas,  gendre 
d'Ibn-Bammaroa  et  membre  de  la  famille  des  Beni-Ali  qui  habite 
la  montagne  de  Debdou,  dans  le  pays  des  Oiingacen,  prôta  aussi 
le  serment  dé  fidélité  à  ce  prince.  La  tribu  [d'Ibn-Hammama]  ne 
partageant  aucunement  les  sentiments  de  son  chef,  passa  du 
côté  d'Omar,  le  vizir  de  Fez,  et  le  décida  h  s'emparer  du  pays 


388  BiSTOiu  M9  mitui. 

dUbn-Hammaina  et  à  emporter  d'assaut  Iklouan,  château  o&te 
chef  faisait  sa  résidence.  Ibu-Hammama  s^enfuit  avec  son  gen- 
dre, après  avoir  averti  leur  sultan  ,  Abd*er-Rahman,  qu'il  ne 
devait  plus  compter  sur  leur  appui,  et  il  ne  tarda  pas  à  faire  sa 
soumission  au  souverain  de  Fec. 

Abandonné  par  ses  principaux  soutiens,  Abd-er»Rahman s'en- 
fuît à  Tlemcen  et  trouva  une  honorable  réception  auprès  du  sul- 
tan* Abou-Hammou.  Son  vizir,  Masoud-Ibn-Maçaï,  se  réfugia 
dans  le  Debdou  et  obtint  un  asile  auprès  de  Mohammed-Ibn- 
Zegdan,  émir  et  seigneur  de  cette  forte  position  ;  puis,  ayant 
formé  le  projet  de  réparer  ce  dernier  échec,  il  s'entendit  avec 
son  hôte  et  fit  inviter  Témir  Abd-er-Bahman  à  quitter  Tlem- 
cen et  è  rester  avec  lui  en  attendant^  l'occasion  de  péné- 
trer d^ns  le  Maghreb.  Comme  Abou-Hammou  désapprouva  ce 
projet,  Abd-er-Rahman  s*évada  de  chez  lui  et  alla  rejoindre 
Ibn«Haçaï  et  ses  autres  partisans.  Ceux-ci  le  reconnurent  de  nou* 
veau  pour  leur  souverain  et  firent  avec  lui  une  incursion  dans  le 
territoire  de  Tèza.  Ils  entreprirent  même  de  combattre  le  vizir 
Omar-Ibn-Abd-Allah,  qui  venait  d'arriver  dans  celle  ville  avec 
.un  corps  d'armée,  mais  ils  essuyèrent  encore  une  défaite  et  du- 
rent s'enfuir  à  la  débandade  jusqu'au  Debdou. 

Ouenzemmar-Ibn-Arlf,  l'ami  dévoué  de  la  dynastie  mérinide, 
entreprit  alors  de  faire  cesser  ces  tentatives  d'insurrection  et, 
d'après  ses  conseils,  Abd-or-Rahman  se  rendit  à  Ghassaçaet 
s'embarqua  pour  l'Espagne,  avec  Ibn-Maçaî,  au  commencement 
de  l'an  76i7  (  sept.-oct.  4365  ).  Le  vizir  Omar  repartit  pour 
Fez,  avec  l'intention  d'organiser  une  expédition  contre  Maroc. 


EXPÉDITION    nu    VIZIR    ET    DR    SON    SULTAN    CONTRE    UAROC. 


Omar  ,    s'élant  ainsi    débarrassé  de  Masoud-Ibn-Maçaï  et 


^  Dans  le  texte  arabe  il  faut  probablement  lire  ^Ji:>j  VJojJ  ,'ex 
pression  qui  parait  être  l'équivalent  do  A-îL-w^^j-^ui^AJ. 


DYlfASTUS   «ÉRllflDB.    —    ABD-BL-Aztz.  369 

d'Abd-er-Rahman,  tourna  ses  regards  vers  Maroc,  ou  Âmer-lbn- 
Mohammed  avait  établi  son  indépendance,  et  prit  la  résolution  de 
Aener  une  armée  contre  ce  chef.  Ayant  fait  annoncer  son  projet, 
it  dépensa  beaucoup  d^argeht  pour  la  solde  et  l'équipement  d'un 
corps  de  troupes^  et,  dans  le  mois  de  Redjeb  767  (mars-avril 
4366),  quand  tous  ses  préparatifs  furent  terminés  ,  il  se  mit  en 
route  pour  Maroc.  A  cette  nouvelle,  Amer  emmena  son  sultan, 
Aboa-4-Fadl,  dans  la  montagne  [des  flintala]  et  s'y  retrancha 
avec  lui.  Il  tira  en  même  temps  Abd-el*Moumen  de  la  maison 
où  on  le  retenait  et,  l'ayant  entouré  des  insignes  de  la  souverai- 
neté, il  le  plaça  sur  un  trône  vis-à-vis  de  celui  où  siégeait  Abou- 
'1-PadI.  Il  parvint  ainsi  à  persuader  au  jeune  prince  que  le 
peuple  [de  Fez]  l'avait  reconnu  pour  souverain  et  que  son 
autorité  était  solidement  établie,  tandisque  le  but  réel  de  cette 
manœuvre  était  de  gagner  l'adhésion  des  Mérinides  qu'il  savait 
être  très-bien  disposés  pour  Abd-cUMoumen.  Cette  démonstra- 
tion inspira  tant  d'elTroi  à  Omar  qu'il  changea  de  ton  et  envoya 
une  lettre  très-grâcieuse  à  celui  qu'iLétait  venu  combattre.  Has- 
soun,  fils  d'Ali-es-Sobaïhi,  fit  alors  des  démarches  afin  de  réta- 
blir la  paix  entre  les  deux  adversaires,  et  décida  Omar  à  répar- 
tir pour  Fez,  après  lui  avoir  faitagréer  toutes  les  conditions  pro- 
posées par  Amer.  Celui-ci  séquestra  encore  le  prince  Abd-el- 
Moumen  et  rétablit  l'ordre  de  choses  qui  avait  existé  aupara- 
vant. 


HORT  su   SULTAN   MOHAMMBD,     FILS   1>'a1I0U*ABD-BK-1ABMAN,  6T 
AYftNBHBNT   B'ABD-BL-AzIz,    FILS   Dif   SULTAN   A30U-'l-HACBN. 


Ce  fut  une  chose  vraiment  extraordinaire  que  la  manière  dont 
le  vizir  Omar  dominait  son  sultan  :  il  le  tenait  éloigné  des  affai- 
res comme  un  enfant  sans  intelligence;  il  se  faisait  instruire  de 
toutes  ses  démarches  par  les  espions  dont  il  Tavail  entouré,  et 
parmi  lesquels  se  trouvaient  des  personnes  appartenant  à  la  fa* 
mille  et  même  au  harem  de  ce  malheureux  prince.  Bien  des  fois, 
T.  IV.  '     24 


370  niSlOIRB    DES  BIRBIBES. 

le  sultan  géDiissait  de  sa  triste  position  ;  i|  s'en  plaignait  mémo 
à  ses  compagnons  de  table  et  de  lit  \  puis  enfin  il  forma  le  pro- 
jet de  faire  assassiner  le  vizir.  Un  des  esclaves  attachés  è  soa 
service  devait  6ter  la  vie  à  cet  insolent  ministre,  mais  le  secret 
fut  découvert  par  ui^  femme  du  harem  et  communiqué  par 
elle  au  vizir  qui  Pavait  subornée.  Pour  conjurer  le  danger 
qui  le  menaçait,  Omar  prit  un  parti  extrême  :  il  avait  déjà 
porté  son  audace  au  point  d'entrer  cl)oz  le  sultan  à  toute  bearop 
soit  que  ce  prince  se  trouvât  dans  le  harem  ,  soit  qu^il  s'amusât 
avec  ses  intimes  *;  donc,  cette  fois-ci,  il  pénétra  avec  ses  gardes 
dans  la  salle  où  le  sultan  était  à  boire,  fit  mettre  à  la  porte  tous 
les  convives  et  ordonna  à  ses  gens  d'étrangler  leur  souverain. 
€e  forfait  accompli,  on  jeta  le  corps  dans  un  des  puits  du  Jardin 
des  (ia^elles.  Le  vizir  fil  alors  venir  les  grands  officiers  de  Tem- 
|)ire  et  leur  montra  le  puits,  en  déclarant  que  son  maître  y  était 
4ombé  dans  un  moment  d'ivresse.  Ceci  sa  passa  au  commence- 
ment de  Tan  768  (scpt-oct.4366].  Aussitôt  après,  il  se  fit  amener 
l'émir  Abd-el-Aztz,  fils  du  sultan  Abou-  'l-Hacen,  qu'il  retenait  jus- 
qu'alors sous  bonne  garde,  à  Fez,  dans  unecharabre  de  la  citadelle. 
Grâce  à  l'excellente  éducation  qu'il  avait  reçue,  Abd-el-Aztz  s'était 
montré  digne  de  régner  ;  aussi»  le  sultan  Mohammed  avait  cher- 
ché, par  jalousie,  è  le  faire  mourir.  Arrivé  au  palais,  il  monta 
sur  le  trAne  ;  les  portes  de  la  salle  s'ouvrirent ,  et  les  Méri- 
nides  de  toutes  les  classes  s'y  précipitèrent  afin  de  lui  baiser  la 
main  et  de  lui  prêter  le  serment  de  "fidélité. 

Après  l'inauguration,  le  vizir  s'empressa  d'organiser  une  nou- 
velle expédition  contre  Maroc,  et,  ayant^ouvert  les  bureaux  d'en- 
rôlement, il  se  mit  à  distribuer  de  l'argent  aux  volontaires  k  en 
former  ainsi  une  armée.  Quand  il  eut  passé  ces  troupes  et  revue, 
il  quitta  Fez  avec  son  sultan,  au  mois  de  Châban  (avril-mai 
4367) ,  et'se  porta  vers   Maroc  h  grandes  journées.  Amer<- 


'  A  la  place  de  iu^j  ,  un  des  manuscrits  porte  ai^.  C'est  par 
conjecture  seulement  que  le  traducteur  a  essayé  de  rendre  ce  mot 
et  celui  qui  le  précède. 


Ibn  -  Mohammed  venait  de  $e  retirer  dans  la  montagne  des 
Hintata  oii  il  tenait  auprès  de  lui  les  émirs  Abou-'l-Padl , 
fils  du  sultan  Abou- Salem,  et  Abd-'eNlIoumen,  fils  du 
«ultanAbou-Ali.  Ayant  relèclié  celui-ci,  il  le  fit  encore  asaeoif 
sur  on  trAue,  vis^-vis  de  son  cousin,  et  Tentoura  des  làsîgnes  de 
la  royauté  ;  en  on  mot,  il  joua  avec  lui  la  même  comédie  qu'au* 
paravent.  On  parvint  alors  k  négocier  une  paix  entre  Amer  et 
Omar%  lequel  ramena  son  sultan  à  Fes  dans  le  mois  de  Ghoual 
(juin  4367). 


XB  SOLTAM   ABD-BL-AZiz  FAIT  aOUBlB  0UAR-»N*ABP*ALIAH  BT 

TBBIfD  L«   BAUT  COHMANDBUSBT. 


Omar  fit  dès  lors  peser  sa  domination  sur  le  sultan  Abd«el- 
Aztz  :  il  le  relégua  dans  le  palais ,  l'empêcha  de  {aire  le  ipoiqdre 
4icte  d'autorité  et  défendit  au  peuple  de  lui  soumettre  leurs  récla* 
mations.  Abd-tsl-Azîz  avait  toutefois  dans  sa  mère  unegardjenne 
affectionnée  et  dévouée.  Après  avoir  usurpé  tout  le  pouvoir^  le 
vizir  désira  s'allier  à  la  famille  royale  en  épousant  une  fille  du 
sultan  Abou  «Einan  ,  et  l'on  assure  qu'une  des  conditions  du  ma- 
riage portait  que  le  frère  de  cette  princesse  serait  placé  sur  le 
trône.    Le  sultan  fut  averti  de  cette  intrigue  et  il  apprit ,  en 
même  temps  ,  que  le  vizir  était  bien  décidé  h  Ui  Ater  la  vie« 
Ce  fut   précisément  à  ce  moment  qu'Omar  l'invita  à  quitter  le 
vpalais  et  à  prendre  uu  logement  dans  la  citadelle.  Frappé  de  <cetie 
'Coincidence  ^  il  résolut  de  tout  risquer  plutôtq  ue  d'y  consentir  : 
s'étant  décidé  pour  des  mesures  violentes,  il  cacha  plusieurs 
hommes  dans  les  cabinets  aliénant  à  sa  chambre  et  fit  inviter  le 
vizir  à  venir  tenir  conseil  avec  lui ,  comme  d'ordinaire.  Aussitôt 
-que  le  ministre  s'y  présenta  ,  les  eunuques  de  service  fermèrent 
•la  porte  à  clef  et  le  sultan  se  mit  à  l^accablcr  de  reproches.  Dans 


'■  "  "^^ 


*  Il  faut  corriger  le  texte  arabe  et  sublituer^  à  j^U 


372  HKfOIIB    DBS    BBBBÈRBS. 

le  même  inAtanl,  les  assassins  s^éiancèrent  des  cabinets  et  bâchè- 
rent leur  victime  à  eoaps  de  sabre.  Il  eut  beau  appeler  à  son  se- 
cours les  familiers  qu^il  avait  stationnés  à  la  portée  de  sa  voix  : 
quand  ils  eurent  enfoncé  la  porte  ,  ils  le  trouvèrent  étendu  sur  lo 
earpe«u«t  couvert  de  sang.  A  ce  spectacle  ,  ils  prirent  la  fuite  et 
sortirent  du  palais.  Le  sultan  passa  alors  dans  la  safle  d'audience 
et ,  s'étant  assis  sur  le  tràne  ,  il  fit  venir  les  officiers  attachés 
à  sa  personne  et  choisit  pour  vizir  Omar-lbn-Masoud-Ibn-Mendtl- 
Ibn-Hammama,  lemérinide,  Choaïb-lbn-Meimonn>lbn  Ouédrar, 
le  hachemide  ,  et  Yahya-lbn-Meimoan-Âmsmoud  ,  client  de  la 
famille  royale.  De  cette  manière  ,  vers  le  milieu  du  mois  de 
Dou-1-CAda  ,  768  (juillet  1367)  Pautoritédu  sultan  fut  définiti- 
vement établie. 

Le  (ils  du  vizir  Omar  ,  son  frère  ,  son  oncle  ,  ses  autres  pa- 
rents et  ses  domestiques  furent  jetés  en  prison  et  exécutés  quel- 
ques nm'tspTustard.  Ainsi  fut  anéantie  la  puissance  de  cette  famil- 
le. Pour  rassurer  les  esprits  ,  le  sultan  fit  proclamer  amnistie, 
permit  aux  fugitifs  de  rentrer  dans  la  ville  et  les  traita  avec  une 
grande  indulgence.  t)uelques  jours  après,  il  ordonna  rarreslali<fn 
de  Sdieiman-Ibn-Dawond  et  de  Mohammed-es-SobéYa  qu'on  lui 
aveit  dénoncés  comme  amis  d'Omar.  Ces  deux  officiers  restèrent 
en  détention  josqu'bta  mort  du  sultan.  Avec  eux  il  emprisonna 
AlIal-lbn-Mohammed  et  le  chértf  Abou-M-Cacem  ,  dont  il  s'était 
méfié  parce  qu'ils  avaient  fréquenté  le  vizir  ,  mais  il  les  relâcha 
plus  tard  sur  la  prière  dMhn-el-Khattb  ;  vizir  d'Ibn-el-Ahmer^ 
YoulanI  ensuite  s'attribuer  rentier  exercice  de  la  puissance  souve- 
raine, il  défendit  k  ses  officiers  et  à  ses  courtisans  de  se  mêler  en 
aucune  façon  des  affaires  du  gouvernement ,  à  moins  d'avoir  obte* 
nu  de  lui  une  autorisation  spéciale.  Quelques  mois  après  rétablis- 
sement de  son  autorité  ,  eut  lieu  la  mort  du  vizir  Ghoaïb-Ibn- 
Meimoun  et  ensuite  celle  do  Yahya-Ibn-^Meimoun.  Nous  revien- 
drons sur  cette  afiaire. 


^  Dans  le  texte  arabe  H  faut  probablement  lire  eua  acsahoma  {et  H 
les  bannit)  ^  à  la  place  de  oua  acsaho  [et  il  le  bannit). 


DYNASTIE  MfiRIMlDB. —  ABD-BL»AZ)z.  373 


li'ÉVIR    ABOU-'l-FADL    S^BMPABB    du   pouvoir    a   MAROC.    LB 
SULTAN   MARCBR  CONTRE   LUI  ET  LE  FAIT  METTRE  A  MORT> 


Aussitôt  qu'Âbou-'l-Fadl  ,  Gis  da  âultan  Aboa^-Saiem,  e'ui' 
apprit  que  le  sultan  Abd-el-Aztz  s'était  défait  du  vizir  doQt  H* 
subissait  la  tutelle ,  il  prêta  Toreille  aux  conseils  de  ses  intimes 
et  résolut  de  traiter  sou  propre  vizir  ,  Amer-lbn-Mohammed  , 
delà  même  manière  et  pour  la  même  raison.  Amer  devina  les 
intentions  du  prince  et,  sons  prétexte  d'une   indisposition  ,  îl 
resta  chez  lui  jusqu'i  ce  qu'il,  obtint  l'aniorisation  de  se  rendre  • 
au  château  qu'il  avait  sur  la  montagne  où  ,  disait-il ,  ses  femmes 
et  ses  parents  pourraient  le  soigner.  S'4tant  mis  en  route  aveo 
tous  ses  gens,  il  ne  laissa  plus  à  Abou*'UFadl  l'espoir  de  l'attein*< 
d^e.  Quelques  nuits  après  son  départ,  le  prince  s^'enivra  et, 
d'après  les  conseils  de  ses  serviteurs  ,  il  fit  appeler,  la  oommanr 
dant  de  la  milice  chrétienne  et  lui  ordonna  de  se  transporter  à  la. 
prison  de  la  citadelle  de  Maroc  et  d'ôter  la  vie  au-  prince  Abd^- 
Moumen.  L'officier  obéit  et  lui  apporta  la  tâtede  sa- victime. 

Amer  fut  saisi  d'épouvante  en  apprenant  cette  nouvelle  ;  il 
remercia  Dieu  de  l'avoir  sauvé  da  danger  et,  sur  le  champ,  il 
(It  porter  au  sultan  Abd-el-Aztz  une  déclaration  de  fidélité  et 
d'obéissance,  il  l'engagea  ,  en  même  temps,  d'attaquer  Abou- 
'l-Fadl  et  de  s'emparer  de  Maroc  ;  lui  promettant  une  coopéra- 
tion active  dans  celte  entreprise.  Le  sultan  commença  aussitôt 
les  préparatifs  d'une  expédition  et,  en  ran769  (1367-8),  quand 
il  eut  levé  et  soldé  une  armée,  il  partit  de  Fez. 

Abou  -'1-Fadl,  étant  devenu  maître  absolu  de  Maroc  en  se  dé- 
barrassant d'Abd-ef-Moumen,  prit  pour  vizir  le  nommé  Talha 
et  coniia  le  paraphe  impérial  à  Mohammed- el-Kinani,  fils  de  Mo- 
hammed-lbn-Mendil.  Pour  conseiller  il  choisit  Mobarek-lbn- 
Ibrahtm-lbn-AtYa,  de  la  tribu  des  Kholt.  Quelque  temps  après, 
il  ôta  la  vie  à  Talha  contre  lequel  il  s'était  laissé  indisposer  par 
les  insinuations  d'El-Kinani.  Parti  ensuite  de  Maroc  avecl'in- 


374  BlfltOlBI   NSI  BBMBSUfl. 

lealioD  d'assiéger  le  lieu  où  Amer  s'était  enfermé,  il  apprit  que 
loi-méme,  allait  être  attaqué  par  le  sultan    Abd-el-Azti.  A 
cette  nouvelle^  il  décampa  et  se  rendh  dans  la  province  de 
Tedia,  afin  de  prendre  position  snr  la  montagnedes  BeBi7Djaber. 
Ce  lieu  de  refuge  ne  le  garantit  pas  contre  les  armes  du  sultan 
qui,  s'étant  détourné  de  sa  marche  sur  Maroc,  vint  le  bloquer 
et  le  réduire  enfin  à  la  nécessité  de  risquer  une  bataille.  Au  mo- 
riient  oè  le  combat  allait  s'engager,  une  partie  des  Beni^Djaber, 
dont  le  sultan  avait  acheté  la  trahison,  abandonna  Aboii-'l-Fadl 
et  amena  par  cette  défection  la  déroute  du  reste  de  l'armée. 
Parmi  les  nombreux  prisonniers  qui  tombèrent  entre  les  mains 
du  sultan  so  trouva  Mobarek-Ibn-Ibrahtm,  lequel  resta  en  cap- 
ti^rilé  jusqu'à  l'époque  eù  Amer  fut  mis  à  mort.  Par  l'ordre 
dtt  sultan,  il  subit  alors  le  même  sort  que  le  chef  hitatiea. 
BI-Kinanî  échappa  h  toutes  les  recherches  et  parvint  à  se  ré- 
faigier  auprès  d'Amer.  Quant  h  l'émir  Abou-'i-FadI,  il  chercha 
un  asile  au  milieu  des  Zanaga  qui  se  tenaient  en  arrière  de  Tedla, 
mais  il  fut  trahi  pureeux-mémes  dont  il  avait  espéré  la  protec- 
tion :  séduits  par  l'appftt  d'une  forte  somme  d'argent  que  les 
Beni^Djaber  leur  offrirent  au  nom  du  sultan,  ils  livrèrent  leur 
k6te  au  visir  Yahja-Ibn-Meimoun.  Conduit  par  ce  ministre  au- 
près du  sultan,  le  prisonnier  en  eut  à  subir  les  reproches  les 
plus  amers  ;  alors  on  le  relégua,  dans  une  tente  située  &  côté 
de  celle  qu'ocôupait  le  souverain  et,  quand  la  nuit  fut  venue  ,  ou 
l'étrangla.  Ceci  eut  lieu  en  Ramadan  769  (avril-mai  1368). 

Amer,  auquel  te  sultan  fit  parvenir  ces  nouvelles  dans  t'es* 
poir  de  l'amener  ila  soumission,  repoussa  tout  espèce  d'accom- 
modement et  dressa  l'étendard  de  la  révolte. 


CBOTB    Bt   MOBT   DU  VIZIB   TABTA'lBl«*MBIBIOlIR-UHf*ABSHOUD» 

Yabya-Ibo-Meimoun,  grand  officier  de  Pempire,  avait  été 
élevé  h  la  cour  du  sultan  Abou-'l-Hacen.  Ainsi  que  son  père, 
Heimoun,  il  se  vit  toujours  en  bntte  à  la  haine  de  son  oncle  Allai. 


OYNASTIB  MIKINIDE.  ABO*IL-AZiz.  375 

Quaml  Abou-Einan  usurpa  le  trône  de  son  pèro,  Yahyà  eAtra 
aa  service  de  Pempire,  et,  tant  que  régna  ce  prince,  il  jduiî  dé 
toute  sa  confiance.  Devenu  gouverneur  de  Bougie,  il  garda  ce 
commandement  jusqu'à  son  arrestation  par  les  partisans  dâ 
gouvernement  hafside  ,  quand  cette  viUe  fût  enlevée  aux 
Mérinides.  Amené  à  Tunis,  il  y  resta  prisonnier  ;  puis  ayant 
elbtenti  son  renvoi  en  Maghreb  pendant  la  régence  d^Omar* 
ibn-Abd-Allah,  il  gagna  la  faveur  de  ce  îniiûstre  et  reçut  de  lui 
un  haut  emploi.  Nommé  vizir  par  le  sultan  Abd-eUAztz,  il 
montra  beaucoup  do  fermeté  et  d^énergie  dans  cette  charge, 
inais  ses  ennemis  le  trouvèrent  inexorable  dans  ses  haines  ei 
dans  ses  vengeances.  Son  oncle  Allai  ayant  éié  remis  en  liberté 
par  Tordre  du  sultan,  réussit  à  capter  la  bienveîlianco  du  prince 
et  h  se  faire  donner  un  emploi  qui  le  rapprochait  de  lui.  Profitant 
alors  de  sa  posirion,  il  essaya  d'indisposer  le  monarque  contre 
Yahya  qui,  disait-it,  s'était  emparé  dé  toute  l'autorité  et  avait 
formé  le  projet  de  placer  sur  le  trône  un  a  utre  membre  de  la  fa- 
mille royale.  Il  ajouta  que  ce  ministre  avait  fait  entrer  dans  le 
complot  tous  les  officœrs  de  la  milice  chrétienne.  A  cette  époque, 
une  indisposition  forçait  Yahya  de  gaHer  la  maison.  Le  sultan 
remarqua  son  absence  et  fut  informé  que  les  chefs  de  la  milice 
chrétienDe  et  une  foule  d'autres  personnages  se  pressaient  à  la 
porte  du  vizir  pour  lui  rendre  visite.  Yoy«nnldans  cette  circons- 
tance la  confirmation  de  ses  craintes,  il  donna  à  quelques  servi- 
teurs du  palais  l'ordre  de  traîner  Yahya  en  prison,  et,  le  lende- 
main, il  le  (it  conduire  h  la  place  d'exécution  et  tuer  à  coups  de 
lance.  Tous  les  membres  de  la  famille  royale  et  tous  les  officiers 

pela  milice  que  l'on  soupçonnait  d'avoir  trempé  dans  la  conspi- 
ration furent  exécutés  en  môme  temps,  par  l'ordre  du  souve- 
rain* 

LB   SULTAN    ASSIÈGE   AMBR-IBN'IIOHAIIMED   DANS    LA   MONTAGNE 
DES   BINTATA   ET  LB   PAIT  PRlSONNIfift, 


Après  s'être  débarrassé  d'Abou-'l-Fadl  ,  le  sultan  confia  lo 


376  HI8T0IIIB  DBS   BIlBftftBS* 

> 

gouveroemeni  de  Maroc  à  un  client  de  la  famille  royale  nommé 
Âli-Ibn-Mohammed  Ibn-AUdjana,  en  lai  recommandant  de  tenir 
Amer  étroitement  bloqué  et  de  le  contraindre  ainsi  à  faire  acte  de 
soumission.  Rentré  ensuite  à  Fez',  il  forma  le  projet  de  marcher 
contre  Tlemcen,  mais,  au  moment  où  il  réunissait  une  armée  pour 
cet  objet ,  il  apprit  qo'lbn-Addjana  s^était  dirigé  conire  Amer 
et,  qu'après  l'avoir  tenu  bloqué  pendant  plusieurs  jours  ,  îl 
venait  d'être  attaqué  et  fait  prisonnier  par  son  adversaire ,  ainsi 
qu'une  grande  partie  de  ses  troupes.  Outré  de  colère  à  celte  nou- 
velle inattendue,  il  prit  la  résolution  de  se  mettre  à  la  tête  desHéri-i 
nides,|de  réunir  tous  les  peuples  du  Maghreb,  et  de  iparcher  contre 
le  chef  insoumis.  Pendant  que  ses  gens  parcouraient  les  provin- 
ces pour  y  lever  des  troupes  ,  il  se  tenait  campé  en  dehors  de  la 
ville  et  faisait  des  largesses  aux  soldats.  Ayant  enfin  passé  en 
revue  l'armée  qu'il  venait  de  rassembler,  il  choisit  pour  yizic 
Abou-Bekr-Ibn-Ghazi-Ibn-Yahya-lbn-el-Kas ,  personnage  dans 
lecJQel  il  croyait  reconnaître  les  indices  d'une  grande  habileté  et 
d'un  véritable  talent  pour  le  commandement. 

En  l'an  770  (1 368-9),  il  leva  son  camp  et,  arrivé  à  Maroc,  il 
alla  cerner  la  montagne  où  Amer  s'était  fortifié.  Ce  chef  avait^ 
alors  proclamé  sultan  le  nommé  Tachefin,  prince  de  la  famille 
royale  et  descendant  d'Abd-el-Hack  par  Abou-Thabet-Yacoub- 
Ibn-Abd-Allah.  U  venait  aussi  de  recevoir  un  appui  très-réel 
par  l'arrivée  d'Ali-Ibn-Omar-Ibn-OuîghIan,  cheikh  des  Beni- 
Ourladjin,  chef  mérinide  et  membre  influent  du  graod  conseil. 
Il  rallia  aussi  à  sa  cause  un  grand  nombre  de  soldats  qui  avaient 
abandonné  les  drapeaux  du  sultan,  les  uns  à  cause  de  sa  sévé- 
rité, les  autres  par  dégoût  du  service  et  d'autres  encore  dans 
l'espoir  de  gagner  davantage  auprès  d'Amer,  leur  parent.  Dieu 
retint,  toutefois,  la  main  du  chef  hintalien  et  l'empêcha  de  ré- 
pandre sur  ses  partisans  une  seule  goutte  des  tréso^rs  dont  il 
l'avait  rendu  mattre. 

Comme  le  blocus  se  prolongea,  le  sultan  fit  construire  des  lo- 
gements pour  ses  troupes  qui,  du  reste,  ne  cessaient  d'attaquer 
journellement  les  positions  occupées  par  l'ennemi.  De  cette  ma- 
nière, on  parvint  graduellement  à.  s'emparer  des  forts  par  les- 


9YNA8TIB    MfiRmiDB.  ABD -BL-Aziz.  377 

quels  Amer  avait  cherché  h  se  couvrir,  et  l'on  atteignit  le  sommet 
du  mont  Tamskrout.  Peadant  qu'Abou-Bekr-lbD-Ghazi  se  signa- 
lait par  son  habileté,  Amer  avait  poussé  Vavarice  au  point  de 
dégoûter  ses  propres  partisans.  Bientôt  la  mésintelligence  survint 
entre  lui  et  Ali-lbn-Omar,  lequel  finit  par  solliciter  secrètement 
sa  grâce  et  passa  aux  assiégeants  aussitôt  qu'il  eût  obtenu  du 
sultan  l'assurance  que  ses  jours  seraient  respectés.  Fares-Ibn- 
Abd-el-Aztz,  ayant  eu  à  se  plaindre  de  la  sévérité  de  son  oncle 
Amer,  et,  indigné  de  se  voir  placer  sons  les  ordres  d'Abou- 
Bekr,  fils  d'Amer,  envoya  prévenir  le  sultan  qu'il  allait  recon- 
naître son  autorité.  Aussitôt  qu'il  reçut  de  ce  monarque  des 
lettres  de  grâce,  il  suscita  nne  révolte  contre  Amer  et  décida 
les  tribus  de  la  montagne  à  faire  leur  soumission.  L'armée  im- 
périale profita  de  cette  occasion  pour  se  porter  en  avant  et  elle 
atteignit  enfin  la  cime  de  la  montagne  où  les  Insurgés  s'étaient 
retranchés.  Amer,  se  voyant  prêt  de  succomber,  conseilla  à  son 
fils  de  passer  du  côté  du  sultan  et^de  faire  un  semblant  de  sou- 
mission. Le  transfuge  obtint  son  pardon  et  se  vit  enrôlé  dans 
la  suite  du  souverain. 

Amer  abandonna  alors  ses  partisans  et  tâcha  de  s'échapper 
vers  le  Sous,  mais, obligé  de  s'engager  dans  les  neiges  qui ,  pendant 
plusieurs  jours,  s'étaient  amoncelées  sur  la  montagne,  il  perdit 
une  partie  de  son  harem,  avec  toutes  ses  montures,  et  ne  conserva 
plus  aucun  espoir  de  se  sauver.  Forcé  de  revenir  sur  ses  pas,  il 
alla  se  cacher  dans  une  caverne  que  lui  indiquèrent  les  mêmes 
guides  auxquels  il  avait  donné  de  l'argent  pour  se  faire  con- 
duire a  travers  la  montagne,  jusqu'au  désert  de  Sous.  Pendant 
.  qu'il  y  attendait  la  cessation  des  neiges,  il  fut  découvert  par 
quelques  Berbères  et  conduit  devant  le  sultan.  Aux  reproches 
dont  ce  prince  Taccabla  il  répondit  avec  humilité,  en  offrant  sa 
soumission  et  en  demandant  pardon  du  crime  dont  il  s'avouait 
coupable.  Tratnéensuite  vers  une  tente  qu'on  avait  dressée  pour 
sa  réception,  derrière  le  pavillon  du  sultan,  il  y  resta 'sous 
bonne  garde.  Le  même  jour,  on  fit  prisonnier  Mohammed-lbn- 
el-Kinani. 

Les  châteaux  eties  maisons  d'Amer  furent  livrcsau  pillage;  ses 


378  HISTOIRB   DBS    BBBBBftBS. 

armes,  ses  dëpâts  de  grains  et  de  vivres,  ses  meubles,  une  masse 
de  richesses  dont  personne  de  cet  endroit  n^avait  eu  l'idée,  tom- 
bèrent entre  les  mains  du  vainqueur.  La  réduction  de  la  montagne 
et  des  châteaux  qui  la  couronnaient  fut  effectuée  pendant  le  mois 
de  Ramadan  774  (avril  4  370).  Le  siège  en  avait  duré  une  année 
entière. 

Devenu  maître  de  ces  régions,  le  sultan  donna  le  commande- 
ment des  Hintata  h  Fares-Ibn-Âbd-el-Âztz-Ibn-Mohammed- 
Ibn-Ali,  et  partit  pour  Fez  ;  oii  il  arriva  vers  la  &n  de  Rama- 
dan. Une  foule  immense  sortit  à  sa  rencontre  et  vit  le  triste 
spectacle  d'Amer  et  de  son  sultan  Tachefin  couverts  de  baillons, 
portés  chacun  sur  i)n  chameau  et  livrés  ainsi  au  mépris  public. 
Ce  fut  là  une  grave  leçon  pour  tous  ceux  qui  en  étaient  les  té- 
moins. Après  la  fête  de  la  rupture  du  jeûne,  le  sultan  se  Gt  ame- 
ner Amer  et,  lui  ayant  reproché  ses  méfaits,  il  produisit  une  lettre 
écrite  par  le  prisonnier  au  sultan  Abou-Hammou  et  renfermant 
une  demande  de  secours  contre  le  souverain  mérinide.  L'authen- 
ticité de  celte  pièce  ayant  été  établie  par  la  déclaration  de  lé- 
moins,  le  sultan  donna  l'ordre  d'en  mettre  l'auteur  à  la  tor- 
ture. On  le  frappa  à  coups  de  fouet  jusqu'à  ce  que  sa  chair  s'en 
allât  en  lambeaux  ;  on  lui  fustigea  les  bras  et  les  jambes  au  point 
de  les  faire  gonfler;  enfîn,  ce  malheureux  périt  entre  les  mains 
de  ses  bourreaux.  Alors  on  introduisit  El-Kinani  auquel  on  Ci 
subir  le  même  sort  ;  Tachefin  fut  traîné  à  la  place  d'exécution  et 
tuéàcoups  de  lance;  Mobarek-ibn-Ibrahim  subit  un  long  em- 
prisonnement, puis  on  l'envoya  rejoindre  ceux  qui  avaient  déjà 
succombé.  C'est  ainsi  qu'à  chaque  chose  il  y  a  un  terme. 

Débarrassé  maintenant  de  tous  ses  adversaires,  le  sultan 
Abd-el-Azîz  put  en(in  s'occuper  de  l'expédition  contre  Tiemcen. 

BBPBISB    d'aLGÊCIRAS. 

Nous  avons  mentionné  que  le  roi  chrétien  Alphonse  [XI,  roi 
de  Léon  et  de  Castille]  s'était  emparé  d'Algéciras,  l'an  743 
(4344)  et,  qu'après  avoir  atteint  à  une  grande  puissance,  il 


DTNASTIiaÉRlNIDB.  ABD-EL-Aztz.  37Ô 

mourut  de  la  peste,  l^an  754  (1350),  sons  les  mars  du  Gibral- 
tar, forteresse  dont  il  avait  entrepris  le  siège.  Dieu  débarrassa 
ainsi  les  mtisulmaos  d'un  ennemi  acharné.  Son  fils  Pedro  [Pierre- 
/e-(7nie/]  lui  succéda  dans  le  commandement  des  Galiciens  [el 
des  Castillans].  Le  nouveau  roi  montra  une  ieWe  animosité 
contre  ses  frères  que  le  comte  [Henri  de  Transtamare] ,  fils  de 
son  père  par  une  concubine  nommée  Éléonore  Gusman,  s'enluil 
chez  le  comte  de  Barcelone  [roi  d'Aragon].  Accueilli  par  ce  mo- 
marque  avec  les  plus  grands  égards,  il  rallia  autour  de  lui  plu* 
sieurs  grands  de  cet  empire  et  plusieurs  de  leurs  comtes,  surtout 
le  Marquis  ,  fils  de  sa  tante  ^  Pierre,  roi  de  Gaslille^  fit  de- 
mander au  comté  de  Barcelone  l'extradition  du  fugitif  et^  sur 
le  refus  de  ce  prince,  trop  généreux  pour  trahir  les  droits  do 
l'hospitalité,  il  lui  déclara  là  guerre.  Pendant  la  longue  suite 
d'hostilités  qui  en  résulta,  Pierre  enleva  plusieurs  forteresses  à 
son  adversaire  et  en  parcourut  les  états  h  la  tête  de  son  armée. 
A  plusieurs  reprises,  il  mille  siège  devant  Valence,  capitale  de 
l'Andalousie  orientale  :  ses  troupes  s'acharnaient  contre  cette 
place  forte  et  sa  flotte  couvrait  la  mer  dont  elle  est  baignée,  il 
accabla  par  sa  cruauté  la  natioti  chrétienne  [espagnole]  et,  par 
sa  tyrannie,  il  devint  si  odieux  à  ses  sujets  qu'ils  s'insurgèrent 
contre  lui  et  marchèrent  sur  Gordoue,  après  avoir  fait  venir  le 
comte  [de  Transtamare]  pour  les  commander.  La  révolte  de  Sé- 
ville  fit  sentir  à  Pierre  que  tous  les  chrétiens  favorisaient  son 
frère.  Forcé  de  quitter  ses  états,  iL  passa  en  France,  royaume 
situé  au  nord  de  la  Galice,  et,  en  l'an  767  (1 366)  il  se  présenta 
devant  EUFens  Ghales  [le  prince  des  Galles],  souverain  de  ce 
pays  et  seigneur  de  l^Angleterre  K  Sur  sa  prière,  le  prince  ras- 
sembla des  troupes  pour  le  soutenir  et,  l'ayant  aidé  h  reconqué- 
rir son  royaume,  il  rentra  en  France. 

*  Don  Ferdinand,  infant  d'Aragon  et  marquis  de  Tortose,  flis  de 
Don  Alphonse  IV,  roi  d'Aragon,  et  d'Ëléonore,  infante  de  Castille, 
et  sœur  de  Don  Alphonse  XI,  roi  de  Castille  et  de  Léon. 

^  Le  Prince  noir,  qui  tenait  sa  cour  à  Bordeaux.  L'exactitude  de 
tous  ces  renseignements  est  incontestable  et  fait  bcauc.up  d'hon- 
neur à  rhîstorien  musulman. 


380  HI8T0IRB  r>M  BBEBtRBS. 

Qaelqae  temps  après,  les  chrétiens  reprirent  les  armes  contre 
Pierre  et  aidèrent  le  comte  h  loi  enlever  ses  états  et  à  le  repous- 
ser vers  la  frontière  musulmane.  Ibn-el-Ahmer,  dont  Pierre  im- 
plora l'appui,  s'empressa  de  mettre  h  profil  une  si  belle  occa- 
sion de  faire  la  guerre  sainte,  et  porta  le  ravage  dans  le  pays  des 
chrétiens.  Après  avoir  détruit  plusieurs  de  leurs  forteresses  et 
de  leurs  villes,  telles  qu'Obéda,  Jaën  et  d'autres  métropoles,  îl^ 
ramena  ses  troupes  h  Grenade.  La  guerre  continua  entre  Pierre 
et  son  frère  jusqu'à  ce  que  celui-ci  parvint  à  vaincre  son  adver-. 
saire  et  à  lui  ôler  la  vie. 

Pendant  cette  période  de  troubles,  les  chrétiens  avaient  né- 
gligé l'entretien  des  forteresses  qui  couvraient  leur  pays  du  côté 
de  la  frontière  musulmane;  aussi  les  vrais  croyants  conçurent-ils 
l'espoir  de  recouvrer  la  ville  d'Âlgéciras  qui,  naguère,  faisait  par- 
tie de  leur  empire.  Le  souverain  du  Maghreb  ne  pouvait  pas  enlre- 
prendre,  en  personne  ,  une  pareille  conquête,  ayant  été  obligé 
d'employer  tous  ses  moyens  afin  de  comprimer  l'^insurrectioa 
d'Aboi\;-'I-Padl  et  d'Amer- Ibn-Mohammed  ;  mais  il  (il  prier  Ibn- 
el-Ahraer  de  mener  une  armée  contre  Algéciras,  en  lui  promettant 
de  pourvoir  à  la  solde  de  ce  corps  et  de  lui  fournir  une  flotte.  Il 
ajouta  qu'il  désirait  se  réserver  tous  les  mérites  spirituels  d'une 
entreprise  aussi  sainte.  Cette  condition  ayant  été  acceptée, 
il  fit  passer  à  Ibn-el-Ahmer  plusieurs  charges  d'argent  et 
donna  l'ordre  d'équiper  la  flotte  de  Ceuta.  Ces  navires  mirent 
bientôt  à  la  voile  et  allèrent  bloquer  le  port  d'Algéciras.  Ibn- 
ehAhmer  solda  ses  troupes,  organisa  son  armée  et,  s'étant 
procuré  des  machines  de  siège,  il  investit  la  forteresse.  A  peme 
quelques  jours  se  furent-ils  écoulés  que  la  garnison  chrétienne 
perdit  tout  espoir  d'être  secourue  ;  reconnaissant  que  sa  perte 
était  inévitable,  elle  demanda  une  capitulation  et  l'obtint  k  des 
conditions  si  avantageuses  qu'elle  s'empressa  d'évacuer  la  ville. 
Les  vainqueurs  y  remplacèrent  aussitôt  les  doctrines  de  l'infidé- 
lité et  de  l'idolâtrie  par  les  emblèmes  et  les  rites  de  l'islamisme, 
et  Dieu  enregistra  la  récompense  de  cette  bonne  action  en  faveur 
de  ceux  qui  y  avait  travaillé  d'un  cœur  sincère. 

La  ville  d'Algéciras  rentra  au  pouvoir  des  vrais  croyants  l'an 


DYNASTIE  MtRlNIDI.—  ABD-BL-AZÎZ.  384 

770(4368).  Iba-el-Âhmer  y  insUlla  un  de  ses  officiers  comme 
gouverneur  ;  puis,  craignant  de  la  voir  retomber  au  pouvoir  des 
chrétiens,  il  la  fit  détruire,  entre  les  années  780  et  790,  Au 
matin,  on  la  trouva  renversée,  comme-  si  elle n^ avait  pas  été  ha^ 
buée  la  veille*. 


PRISE   DE    TLBMCBN   PAR   LE   SULTAIV.    —   FUITE   DU   SULTAN 

ABOU-HAUnOU. 


Les  Arabes  de  la  tribu  d*El*Makil  habitaient  le  désert  du  Ma* 
ghreb,  depuis  le  Sous  jusqu^au  Dera  etàTafilell;  puis,  delà 
jusqu'au  Molouïa  et  au  Za.  LesBeni-Maosour,  peuplade  formant 
une  de  leurs  subdivisions, et  composée  do  deux  branches,  les 
Aulad-Hocein  et  les  Âhiaf,  habitaient  le  territoire  mérinide 
et  subissaient,  en  peuple  vaincu,  la  domination  de  cet  empire. 
Lors  des  troubles  qui  eurent  lieu  en  Maghreb  après  le  rétablis- 
sement des  Abd-el'Ouadites  h  Tlemcen  par  leur  sultan  Abou- 
Hammou,  les  Makiliens  commencèrent  à  ravager  ce  pays  et  à  le 
désoler  par  leurs  brigandages.  Quand  l'empire  mérinide  se  re- 
leva de  sa  chute,  les  Beni-Mansour  passèrent  aux  Beni-Abd-el- 
Ooad,  obtinrent  la  concession  d'un  territoire  dans  les  états  de 
cette  famille  et  y  fixèrent  leur  séjour.  Ceci  eut  lieu  à  l'époque 
où  Abd'Allah-lbn-Moslem,  gouverneur  du  Derâ,  abandonna  je 
service  du  gouvernement  mérinide  pour  remplir  les  fonctions 
de  vîzir  auprès  d'Abou-Hammou.  En  l'an 766  (4364-5),  celui-ci 
envahit  le  Maghreb,  dévasta  le  territoire  de  Debdou  et  s'attira 
la  haine  de  Mohammed-Ibn-Zegdan,  seigneur  de  cette  partie  de 
la  frontière  *. 


1  Coran,  sourate  10,  verset  25. 

^  La  suite  de  ce  passage  n'est  pas  intelligible  ;  le  texte  arabe 
varie  dans  tous  les  manuscrits  ,  sans  présentiT,  en  aucun,  un  f  ens 
raisonnable. 


38S  VISTOItB    DBS     BKBBÈUS. 

Après  la  mort  d'Âbd-Allah-lbn-Moslemy  plusieurs  messages 
passèrent  entré  le  sultan  Abou-Hammou  et  le  sultan  Abd-el« 
Aztz,  qui  venait  de  prendre  en  mains  Texercice  du  pouyoir.  Dans 
oette  correspondance  la  courmërinide  cherchait  à  décider  le  goa- 
vernement  de  Tiemcen  à  ne  plus  accueillir  les  Makil,  parce 
qu'elle  craignaitPaugmentation  de  forces  que  Pappui  de  cette  tribu 
donnait  aux  Abd-el-ouadites.  Abou-Hammou  ne  voulut  pas  y  con- 
sentir,sachant  combien  la  coopération  de  ces  réfugiés  lui  serait  né- 
cessaire pour  téniren  échecles  Zogbba  et  les  autres  tribus.  Le  ton 
de  ces  communications  devint  tellement  aigre  que  le  sultan  Abd- 
el-Aztz  perdit  patience  et,  en  l'an  770  (4368-9),  il  conçut  la  peu* 
sée  de  faire  une  expédition  contre  Tiemcen.  Mohammed-ibn- 
Zegdan  le  poussa  fortement  à  entreprendre  la  conquête  de  cette 
ville,  mais  la  révolte  d'Amer-Ibn-Mohammed  entrava  l'exécution 
de  ce  projet. 

Rentré  à  Fez  après  avoir  conduit  une  expédition  à  Maroc  et 
renversé  le  pouvoir  d'Amer,  le  sultan  reçut  la  visite  d'Abou- 
Bekr-ibo-Arîf,  chef  de  la  famille  des  Beni-Malek  et  émir  des 
Soueid.  Cet  arabe  y  arriva  avec  tous  ses  nomades  aGn  d^obtenir 
l'assistance  du  gouvernement  mérinide  contre  Abou-Hammou, 
«  qui,  disait-il,  se  platlà  nuire  aux  Beni-Malekà  cause  du  dévoue* 
»  ment  bien  connu  qu'ils  ont  toujours  montré  envers  le  souve- 
»  rain  du  Maghreb  ;  il  relient  même  en  captivité  mon  frère'Amcr 
»  et  plusieurs  autres  de  nos  chefs.  » 

Avec  lbn-Ar(f  se  présenta  une  députation  chargée  par  les  ha- 
bitants d'Alger  de  présenter  au  sultan  un  acte  par  lequel  ils  re*^ 
connaissaient  son  autorité  et  de  le  prier  de  marcher  contre  Abou- 
Hammou  afin  de  les  délivrer  de  la  gueule  du  lion.  Ouenzem-* 
mar-lbn-Arlf  et  Mohammed-lbn-Zegdan,  dont  les  conseils  furent 
recherchés  par  le  sulUn  en  [celte  occasion,  s«  Grent  forts  de 
rendre,  à  eux  seuls,  ce  service  aux  habitants  d'Alger.. Le  sultan 
prit  toutefois  la  résolution  de  marcher  en  personne  sur  Tiem- 
cen, et  envoya  des  agents  dans  les  provinces  marocaines  pour 
y  lever  des  troupes.  Le  40  du  mois  de  Dou-'l-Hidd]a  de  l'an 
774  (  7  juillet  4370  )^,  ces  divers  corps  se  trouvèrent  réunis 
a  la  capitale  et  reçurent,  avec  leur  solde,  tous  les  objets  dont  ils 


DYHASTIB  MÉRIIflDB.  —  ABD-BL-Az!z.  383 

avaient  besoin.  Après  avoir  accompli  le  sacrifice  d'obligatioD  on 
ce  jour  solennel  et  passé  Tarmée  eq  revue,  le  sultan  la  conduisit 
/  à  Tèza,  sur  la  roule  de  Tiemcen. 

À  la  nouvelle  de  son  approche,  Âbou-Hammou  rassembla  sous 
les  murs  de  sa  capitsle  tous  les  Zenata  des  conjrées  orientale^ 
qui  reconnaissaient  son  autorité,  ainsi  que  les  Beni-Amer,  ara* 
bes  de  la  grande  tribu  des  Zoghba.  Après  y  avoir  dressé  son 
camp,  il  fit  la  revue  de  ses  troupes  et,  comptant  sur  la  fidélité 
des  Arabes  makiliens,  il  sa  décida  à  marcher  au-devant  des  Mé- 
rinides.  Bnce  moment,  il  apprit  que  les  Âhlaf  et  les  Obeid- 
Allah  avaient  été  gagnés  par  Ouenzemmar,  l'ami  des  Mérinides, 
«t  s'étaient  laissés  conduire  vers  le  désert  [d*Angad]  par  le$ 
émissaires  de  ce  chef  et  qu'ils  allaient  joindre  lebultan.  Effrayé 
par  cette  défection,  il  leva  son  camp  et  se  dirigea  vers  EUBarha 
avec  le  reste  de  ses  troupes  et  avec  ses  partisans  fidèles,  les  Béni- 
Amer.  Arrivé  dans  cette  ville,  il  se  détourna  vers  Mindas  d'où  i| 
déboucha  dans  le  pays  des  Dialem  et  alla  s'arrêter  chez  les  Au- 
lad-Seba-Ibn-Yahya  ,  après  avoir  traversé  le  territoire  des 
Bîah. 

Abd-el-Aztz  envoya  en  avant  son  vizir,  Abou-Bekr-Ibn-Ghazi, 
afin  d'occuper  Tiemcen  et,  ayant  enfin  quitté  Tèza,  il  fit  lui- 
même  son  entrée  à  Tiemcen  le  40  de  Moharrem  772  (7  août 
4370).  Une  foule  immense  assista  h  ce  spectacle.  Alors  il  confia 
À  son  vizir  Ibn-Ghazi  le  commandement  des  Mérinides,  des  mi- 
lices, des  Arabes  makiliens,  des  Arabes  soueidiens ,  et  lui  or- 
donna de  marcher  h  la  poursuite  des  Abd-el-ouadites.  Il  lui 
adjoignit  Ouenzemmar  comme  conseiller  et  directeur  muni  de 
pleins  pouvoirs.  Ce  fut  vers  la  fin  de  Moharrem  que  l'armée 
mérinide  partit  de  Tiemcen. 

A  cette  époque,  j'étais  en  mission*  à  la  courd'Abou-Hammou. 
Le  voyant  sur  le  point  dlabandonner  Tiemcen,  je  pris  congé  de 
lui  et  me  dirigeai  vers  Honein  d'où  je  me  proposai  de  passer  en 


^  Notre  auteur  était  alors  bien  réellement  au  service  d'Abou- 
Ilammou  ;  voy.  t.  i,  p.  xlyi. 


384  HlSTOIllB    DES   BiRBERSd. 

m 

Espagne.  Il  arriva  cependant  que  de  misérables  intrigants  me 
calomnièrent  auprès  du  sultan  Âbd-el-Âziz,  en  ni^accusant  de 
vouloir  emporter  dans  ce  pays  une  forte  somme  d^argent.  Une 
troupe  de  soldats  envoyée  par  ce  prince  vint  m'arréter  et  me 
conduire  auprès  de  lui.  Je  le  trouvai  au  Ouadi-'z-Zttoun  d'où  il 
allait  se  rendre  à  Tiemcen.  M'ayant  fait  amener  devant  lui,  il 
m'interrogea  lui-même  et  reconnut,  à  mes  réponses,  que  ces  dé- 
lateurs l'avaient  trompé.  lime  revêtit  alors  d'une  robe  d'hon- 
neur, me  fit  cadeau  d'une  monture,  et,  après  avoir  envoyé  son 
vizir  h  la  poursuite  d'Abou-Hammou,  il  me  chargea  de  passer 
diez  les  Rtah  et  de  faire  mes  eiïortfi  pour  les  amener  à  la  sou- 
mission, en  les  détachant  du  part/  d'Abd-el-ouadite.  Je  parvins 
à  joindre  le   vizir  h  El-Bat'ha  et,  l'ayant  accompagné  jusqu'à 
rOureg,  rivière  qui    traverse  le  territoire  des  Attaf,  je  pris 
congé  do  lui  et  me  rendis  à  ma  destination.  M'étant  abouché  avec 
les  Rtah,  je  les  décidai  à  retirer  leur  appui  à  Abou-Hammou  et  à 
reconnaître  l'autorité  du  sultan  mérinide.  Vers  la  même  époque, 
Abou-Ztan  sortit  du  pays  des  Hocein,  de  la  localité  où  il  avait 
l'habitude  d'allumer  la  révolte  ^  et  passa  chez  les  Aulad-Mo^ 
hammed-lbn-Ati-IbnSebâ,  grande  famille  des  Douaouida.  Quanta 
Abou-Hammou^  il  quitta  Biskera  et  se  rendit  à  Ed-Doucen  où  il 
resta  quelque  temps.  Le  vizir  et  Ouenzemmar  se  mirentalors  en 
marche,  sous  la  conduite  d'une  bande  des  Douaouida  que  je  leur 
avais  envoyée,  et  s'avancèrent  jusqu'à  Ed-Doucen,  ville  près  de 
laquelle  Abou-Hammou  était  campé  avec  ses  troupes  zenatiens 
et  ceHes    de  ses  alliés  ,  les  Beni-Amer.    Lq  vizir  arriva  à  la 
tête  d'une  foule  d'Arabes  makiliens,  d'Arabes  zoghbiens  et  de 
Rtahides.   A  l'instant  même,  il  força   le  sultan  abd-el-ouadite 
d'abandonner  son  camp  et  ses  trésors.  Tout  fut  livré  au  pillage 
ainsi  que  les  bagages  et  les  troupeaux  des  Arabes  qui  l'avaient 
accompagné.  Abou-Hammou  prit  la  fuite  à  travers  mille  périls 
et  atteignit  le  pays  des  Mozab,  où  il  parvint  à  rallier  ses  fils  et  ses 
gens  qui  s'étaient  dispersés  de  tous  càlës  dans  le  Désert.  Le  vizir 


'Il  fautprohablement  lire  A^y». 


DTlfASTIB  BfÉRlNIDS. —  AUD-^L^Aztz.  3S5 

Testa  quelques  jours  à  Ed-Soucen  et  y  reçut  un  riche  cadeau  que 
lui  envoya  Ibn-Mozai.  Ayant  alors  repris  la  route  du  Maghreb, 
il  dévasta,  en  passant,  les  bourgades  que  les  Beni-Âmer  possé-^ 
daient  dans  le  Désert  et  en  chassa  les  habitants  jusqu'à  dans  ces 
solitudes  éloignées  bix  l'on  meurt  de  soif.  Il  rentra  k  Tiemcen  au 
mois  de  Rebift  second  (oct.-nov.  1374).  Ce  fut  moi  qui  présentai 
au  sultan  les  Bouaouida  et  leur  chef,  Abou-I)}nar-lbn*Âit«ibn- 
Ahmed.  Le  prince  se  souvint  des  bons  services  que  son  père 
[Abou- 1-Hacen]  avait  reçus  de  cet  émir  et  PaccueiNit  avec  une 
bonté  extrême  ;  il  lui.  donna  un  beau  cheval  et  fit  présent  d'une 
.  robe  d'honneur  à  lui  et  tous  ses  compagnons.  Les  Douaouida  re- 
partirent alors  pour  leur  pays.  Abd-el-Azlz  installa  des  gouver- 
neurs dans  les  villes  qu'il  avait  conquises  et  confia  à  ses  propres 
officiers  Tadministralion  des  contrées  qu'il  venait  de  soumettre- 
D'après  ses  ordres,  ie  vizir  Omar,  fils  de  Hasoud-Ibn-Mendtl- 
Ibn-Hammama,  prit  le  commandement  de  plusieurs  escadrons 
et  alla  bloquer  la  localité  où  Hamza-Ibn-Ali-lbn-lftached,  membre 
delà  famille  de  Thabet-lbn*Mendil,  s'était  retranché. 

Ce  jeune  homme  avait  été  élevé  à  la  cour  des  Mérinides,  où  il 
passa  ses  premières  années  ,  entouré  d'égards  et  comblé  de 
bontés.  Ayant  enfin  pris  en  dégoût  la  position  qu'il  occupait  chez 
eux,  il  s^enfuitdans  le  pays  des  Maghraoua,  séjour  de  ses  aïeux 
et,  s'étant  réfugié  dans  la  montagne  des  Beni-Bou-Satd,  il  se 
mit  sous  la  protection  de  celte  tribu  et  obtint  la  promesse  qu'elle 
ledéfendraitjusqu'àlamort.  Le  vizir  Omar-1bn*Masoud<  chargé 
par  le  sultan  d^étouffer  cette  insurrection,  attaqua  les  Beni-Bou- 
Sa}d  ei  les  contraignit  à  se  réfugier  sur  la  cime  de  leur  monta- 
gne. Il  établit  alors  son  quartier-général  à  El-Khamts,  sur  le 
Ohélif,  et  les  tint  étroitement|bloqués.  Plusieurs  renforts  lui  étant 
arrivés  de  l'armée  de  Tlemcen,  il  les  organisa  en  corps  détachés 
et  leur  assigna  des  postes  où  ils  devaient  rester  afin  de  mieux 
contenir  l'ennemi.  Pendant  ce  temps ,  le  sultan  s'empara  des 
provinces  et  des  villes  du  pays  ;  il  y  établit  de  nouveaux  gonver- 


^  Voy.  tome  m,  page  325. 

T.  IV.  23 


r 


386  BlgTOIBI  DIS   BBSinUSS. 

aears  et  fiait  par  soumettre  tout  le  Maghreb  central ,' abû  que 
l'avaient  fait  les  sultans  ses  prédécesseurs. 


U  «AOHtBB  CSNTRIL  S'AGITS.— ABOD-ziAR  «SVIBRT  A  TtlBRI, 
BT  L88  ABABB8,  SOCS  LA  COHOUITB  D'aBOUwHABWOD,  «ARCBBUT 
SOI    TLBMCBll.    —  LB    SULTAN    L8S    DfiVAlT  BT   BAFFUMIT   SON 

ACTOBITÉ  DARS  CB  PATS. 


Après  le  catastrophe  d'Ed-Doucen,  le  sultan  Âbou-Bammou 
se  jeta  dans  les  profondeurs  du  Désert  avec  les  Beni-Amer  et  ses 
autres  partisans;  s'éloignaut  ainsi  des  bourgades  que  ses  alliés 
[les  Beni-Amer]  possédaient  au  sud  du  mont  Rached*  Le  vixir 
Ibn-GbaBÎ  et  Ouenzemmar-lbn-Arîf  revinrent  alors  sur  leurs 
pas,  suivis  des  Zoghba  et  des  MakiU 

Aussitôt  que  le  sultan  Abd-el-Azh  se  fut  établi  dans  TIemcen, 
les  Arabes  sollicitèrent  l'autorisation  d^occuper  les  territoires 
dont  ils  avaient  naguère  arraché  la  concession  à  la  faiblesse 
d'Abou«-Hammou.  Fier  de  sa  puissance  et  jaloux  de  sa  dignité, 
Abd-eUAztz  repoussa  cette  demande  et  se  fit  ainsi  beaucoup 
d'ennemis.  Dès  ce  moment,  les  Arabes  souhaitèrent  le  succès 
d'Abou-Hammou  comme  le  seul  moyen  qui  pourrait  les  faire  at- 
teindre au  but  de  leurs  désirs,  La  victoire  sans  pareille  que  le 
souverain  de  Fez  venait  de  remporter  sur  celui  de  TIemcen  leur 
fit  perdre  cette  espérance,  maisRahhon,  fils  de  Mansour-Ibn-Ya* 
coub  et  commandant  des  Rharadjmakiliens, de  la  branche  d'Obeid- 
Allah,  prit  la  résolution  de  s'insui^er  contre  le  gouvernement 
mérinide.  Aussi,  quand  les  Arabes  se  furent  retirés  dans  leurs 
quartiers  d'hiver,  il  alla  joindre  ses  troupes  aux  bandes  des 
Benî-Amer  qui  étaient  restées  avec  Abou-Hammou,  et  mit  en- 
core ce  prince  en  état  d'insulter  les  territoires  oii  le  vainqueur 
avait  établi  sa  domination.  Conduits  par  ce  chef,  les  Arabes  en- 
vahirent les  états  du  sultan  et,  dans  le  mois  de  Redjeb  772 
(janv.-fév.  4371),  ils  bloquèrent  la  ville  d'Oudjda.  A  l'appro- 
che d'une  armée  envoyée  de  TIemcen,  ils  prirent  la  fuite  et,  dans 


DTIfASTlB  HfiftlNlDE.    ABD-BL-AZÎZ.  387 

leur  monvemerii  de  retraite,  ils  dévastèrent  le  territoire  d'EU 
Bat'ba.  Le  vizir  [Ibn-Gbazi],  qui  s'était  mis  à  leur  poursuite,  les 
rejeta  dans  le  Désert. 

Sur  oes  eolrefaites,  les  partisans  de  Hamza-IbB*Ali-4biH 
Rached  étaient  devenus  [audacieux  comoie]  des  aigles,  après 
s'être  montrés  [faibles  t)omme]  des  milans  :  pendant  que  le  vizir 
{Omar*Ibn-Masoud]  les  tenaient  bloqués,  ils  descendirent  au  Ghé^ 
iif,  surprirent  son  camp  a  la  faveur  de  la  nuit,  mirent  ses  trou- 
pes en'dèrouteei  le  forcèrent  à  s^enfuir  jusqu'à  £l-Bat'ha« 

Les  Hosein,  qui  s'attendaient  toujours  à  être  châtiés  par  le 
sultan  à  cause  de  leur  insubordination  envers  tous  les  gouverne- 
rnents  et  de  leur  promptitude  h  soutenir  tousles  rebelles  qui  pas- 
saient chez  eux,  apprirent  cette  nouvelle  [avec  plaisir]  et  envo^ 
yèrent  chercher  Âbou-ZIan.  Cet  émir,  pour  lequel  ils  s'étaient 
tléjà  soulevés,  demeurait  alors  au  milieu  des  Donaouida,  chez  la 
famille  des  Âulad-Yahya-lbn-Ali-Ibn-SebA.  L'ayant  mis  à  leur 
tête  ,  ils  firent  une  irruption  dans  la  province  de  Hédéa  et  blo- 
quèrent la  garnison  que  le  sultan  avait  établie  dans  cette  ville. 
Aussitôt ,  le  feu  de  l'insurrection  s'alluma  dans  tout  le  Maghreb 
central.  Cet  état  de  choses  se  prolongea  jusqu'à  Tan  773 
(1374-2)  /quand  le  sultan  réussit  à  détacher^  Babhou-Ibn^Man- 
sour  du  parti  d'Abou-Hammou,  en  lui  donnant  une  forte  somme 
<l'argent  et  toutes  les  plaines  dont  il  désirait  obtenir  la  jouissance. 
A  l'égard  des  autres  Arabes,  Abd-el-Aztz  se  conduisit  delà  même 
manière,  au  risque  d'accroître  leur  avidité  et  leurs  exigences.  Il 
forma  alors  le  projet  de  les  appuyer  par  un  corps  d*armée  et  de 
les  employer  à  rétablir  la  tranquillité  partout,  en  expulsant  du 
pays  les  chefs  des  insurgés.  Gomme  la  conduite  de  son  vizir 
[Omar*Ibn*Masoud]  envers  [Hamza-Ibn-Ali]  le  maghraouien 
lui  paraissait  SQspecte,  il  le  fit  arrêter  par  un  de  ses  o£Sciers, 
qui  le  chargea  de  fers  et  le  conduisit  à  la  prison  de  Fez. 


'  Lisez,  dans  le  texte  arabe,  JllU.1.  Le  traducteur  ne  s'arrêtera 
plus  a  signaler  les  fautes  d'impression  déjà  indiquées  dans  Verrata 
ajouté  au  texte  arabe. 


388  HISTOIRE    DES   BBEBÈRfiS. 

L'armée  que  Ib  sultan  venait  d'organiser  partit  de  Tiemcciiy 
au  mois  de  Bedjeb  773  (janv.-fév.  4372),  sons  la  conduite 
d'Abou-Bekr-Ibo-Ghazi,  qui  avait  l'ordre  de  châtier  les  auteurs 
des  dernières  révoltes.  Elle  atlaqna  avec  un  grand  acharnement 
les  partisans  de  Hamza-Ibn-Ali,  lequel  s'était  retranché  dans  la 
montagne  des  Beni-Bou-Saîd,  sa  retraite  ordinaire,  et  Ht  éprou- 
ver à  ces  insurgés  des  pertes  considérables.  Aussi,  finirent*ils 
par  craindre  les  suites  de  leur  rébellion  et,  après  avoir  chargé 
leurs  cheikhs  de  porter  leur  soumission  au  vizir,  ils  avertirent 
Hamza  de  ne  plus  compter  sur  eux.  Ibn-Ghazi  accorda  aux  in- 
surgés les  conditions  les  plus  favorables. 

Hamza.se  rendit  alors  chez  les  Hoseiu  pour  y  trouver  Abou- 
Ztan  ;  m<iis,  bientôt  après,  il  s'en  retourna  dans  la  plaine  du 
€helif  et  tâcha  de  surprendrcMa  garnison  de  Timzought  dans  une 
attaque  de  nuit.  Ces  troupes  tinrent  ferme,  mirent  en  déroute 
!es  assaillants  et  firent  prisonnier  Hamza-Jbn-Ali.  La  vizir,  au-; 
quel  on  le  conduisit,  s'empressa  d'en  avertirle  sultan  et,  d'après 
les  ordres  de  ce  prince,  il  fit  décapiter  le  rebelle  et  tous  ses  par- 
tisans. Leurs  tâtes  furent  envoyées  au  sultan  et  leurs  cadavres 
furent  mis  en  croix  sur  les  murs  de  Miltana. 

A  la  suite  de  celte  victoire,  le  vizir  marcha  contre  les  Hosein 
et  les  cerna  dans  leur  montagne,  à  Titeri.  Soutenu  par  toutes  les 
tribus  zoghbienneS;  [h  l'exception  des  Béni- Amer],  il  tint  Ten- 
nemi  étroitement  bloqué  pendant  un  temps  considérable  et  l'at- 
taqua vigoureusement.  Je  me  trouvai  alors  dans  le  Zab,  et  là,  je 
reçus  du  sultan  l'ordre  de  faire  prendre  les  armes  aux  Rîah  et  de 
mener  tous  ces  guerriers  au  camp  du  vizir.  D'après  mes  instruc- 
tions, je  rassemblai  les  diverses  fractions  de  cette  tribu  cl  j'allai 
bloquer  la  montagne,  du  côté  du  Désert,  en  occupant  une  posi- 
tion qui  touchait  au  territoire  des  Bîah.  Les  Hosein  éprouvè- 
rent enfin  tant  de  misère  que,  dans  le  mois  de  Moharrem  774 
(juillet  4372),  ils  perdirent  courage  et  s'enfuirent  de  tous  côtés, 


I  Dans  le  texte  arabe,  les  manuscrits  portent  avlaj^  ;  il  faut,  sans 
doutC;  lirec;AJu^. 


DYNASTIE   IffiRlNlDE.    — AKD-EL-AZIZ,  389 

en  abandonnant  leur  montagne.  Âbou^Ztan  réussit  à  se  jeter  dans 
Oiiargia.  Le  vizir] s^enopara  de  la  forteresse,  qu'ils  venaient 
d'évacuer,  et  la  livra  au  pillage.  Il  contraignit  même  les  Hosein 
h  fournir  des  otages  et  à  payer  sur  le  champ  une  forte  contribu- 
tion. 

Dans  cet  intervalle,  Abou*Hammon  profita  de  Tabsence  des 
troupes  mérinides  et  fît  une  irruption  dans  le  territoire  de  Tlem- 
cen.  Jl  eut  cependant  la  maladresse  d^ndisposer  son  allié,  Kha- 
led4bn*Amer,  émir  des  Beni-Âmer,  en  lui  préférant  pour  com- 
mander celte  tribu  zoghbienne,  Abd-Âllah-Ibn-Asker,  qui  n'a- 
vait été  que  le  lieutenant  de  ce  chef.  Indigné  d'un  tel  passe- 
droit,  Khaled  ouvrit  des  intelligences  avec  Abd-el*Aztz  et,  sur 
la  réception  d'une  somme  d'argent,  il  quitta  le  parti  d'Abou- 
Hammou  et  se  rallia  aax  Mérinides.  J)ans  le  mois  de  Dou-'i-Gâda 
773  (mai-juin  4373),  le  sultan  envoya  contre  Abou-Hammou 
un  corps  d'armée  composé  de  Bent-Amer  et  d'Aulad-Yahmor, 
tribu  makilienne.  Le  commandement  de  cette  colonne  fut  donné 
à  Mohammed-lbn-Othman,  parent  du  vizir  Ibn-Ghazi.  Abou* 
Hammou  osa  risquer  une  bataille,  et  vit  la  défaite  de  ses  parti- 
sans, la  prise  de  son  camp  et  la  ruine  de  ses  alliés,  les  Arabes 
nomades,  qui  perdirent  tout,  tentes  et  bagages.  Ses  trésors,  son 
fils  et  son  harem  tombèrent  entre  les  mains  des  vainqueurs.  Le 
sultan,  h  qui  on  envoya  ces  prisonniers,  les  fit  conduire  à  Fez  et 
les  logea  dans  ses  palais.  Atïa-Ibn-Afouça,  seigneur  de  Cbelif  et 
client  d'Abon-Hsftnmou,  fut  pris  aussi,  mais  il  obtint  sa  grftce  et 
entra  au  service  du  gouvernement  mérinide.  Abd-Allah-Ibn- 

Sogheir  [chef  des  Beni-Amer],  h  Ia]merci  duquel  Abou-Hammou 
vint  alors  se  mettre,  fut  touché  de  compassion  {et  lui  fournit  des 
guides  pour  le  conduire  à  Ttgourarîn,  dans  le  pays  du  Sud.  Le 
monarque  abd-el-ouadite  resta  pendant  quelque  temps  dans 
cette  ville.  Le  revers  qui  avait  ruiné]  ses  espérances  lui  arriva 
quelques  jours  avant  la  conquête  de  Tlteri. 

Le  sultan  mérinide,  ayant  ainsi  consolidé  sa  puissance,  se  vit 
mattre  du  Maghreb  central.  Après  avoir  chassé  de  ce  pays  les 
meneurs  de  tant  de  révoltes,  il  fitVespecterson  autorité  aux  Ara- 
bes, dont  les  uns  se   soumirent   de  bon  gré  cl  les  autres  par 


390  BISTOIHE'    DBS     BERBÈfiBS. 

crainte.  Le  vieir  AlKHi-Bekr-lbii-<rhazi  étant  de  retour  Je  la 
frontière  orientale  [du  Maghreb  centrai]  lui  présenta  une  foule 
de  chefs  arabes  qu'il  avait  amenés  avec  lui,  Abd-et-Âztx  accueil- 
lit ces  visiteurs  avec  beaucoup  de  prévenance  et  leur  fit  de  ri- 
ches cadeaux;  il  monta  même  à  cheval  pour  aller  au-devant  du 
vizir.  Tous  ces  chefs  lui  fournirent  des  6tages  et  prirent  renga- 
gement de  lever  une  armée  afin  d'expulser  Abou-Hammou  de 
Ttgourartn.  Ik  partirent,  comblés  des  bontés  que  le  sultan  leur 
avait  prodiguées  et,  rentrés  dans  leurs  quartiers  d'hiver,  ils  or- 
ganisèrent une  expédition  contre  cette  ville. 

« 

U     VIZia    IBH-EL-KBATÎa     QOITTB     LA    COUa     n'OH-CL-ASMIt, 
SnCITBDK  ni  L'ARDALOUSIS,    BT  SB   BftFUGIB  A  TLBMCBlf,  AUTlfeS 

DU  SULTAN  ABD-BL-AZh^ 


Mohammed-lbn-el-Rhattb  était  natif  de  Locha  (£oa?a),  ville 
située  à  une  journée  de  Grenade,  dans  la  plaine  qui  s*étend 
autour  de  la  capitale  et  qui  porte  le  nom  d*El-Merdj  (la prairie). 
Loxa  s'élève  sur  le  bord  du  Ghendjtl  ou  GhentI  [Xenil),  rivière 
qui  traverse  cette  plaine,  en  se  dirigeant  du  sud  vers  le 
nord.  Au  nombre  des  vizirs  de  cet  empire  on  comptait  plusieurs 
aïeux  d'Ibn-el-Khattb,  Son  père,  Abd-AUah,  se  transporta  à 
Grenade  pour  entrer  an  service  du  souverain,  prince  de  la  fa- 
mille des  Ahmer,  et  il  devint  surintendant  des  magasins  de  vi- 
vres. Lui-même,  il  passa  ses  premières  années  dans  cette  capi- 
tale et  fit  ses  études  sous  les  professeurs  les  plus  distingués. 
Devenu  le  disciple  favori  du  célèbre  médecin,  Yahya-Ibn-Hodeil, 
il  cultiva  les  sciences  philosophiques  et  acquit  de  grandes  con- 
naissances en  médecine*  Entraîné  par  le  goût  des  belles-lettres, 
îl  suivit  les  leçons  des  hommes  les  plus  habiles  et  puisa  copieu- 


*  El-Haccari  a  reproduit  ce  chapitre  dans  sa  vie  d'Ibn-el-Khatlb 
(i:H;«9l-e<f-d^n). 


DYMA8T1B   MfiKimOB.  -*->  AB»»BL-AZiz.  39f 

setneni  dé  (ont  ce  qu'il  y  avait  de  meilleur  dans  la  poésie  et  dans 
la  prose  des  auteurs  arabes.  Toùt-à-coup  il  se  montra  grand 
poète,  épistolc^faphe  de  pfèiïiier  rang,  et,  dans  ces  deux  parties, 
il  demeura  sans  rival.  Los  vers  qu'il  composa  en  Thonnettr 
du  souverain  régbant,  Âbou-'l-Haddjadj,  prince  de  la  famille 
des  Ahmer,  se  répandirent  dans  tout  le  royaume  et  jus- 
qu'aux pays  les  plus  éloignés.  Pour  le  récompenser,  le  sultan  le 
prit  à  son  service  et  le  (il  ehtrer  au  nombre  des  écrivains  qui 
travaillaient  dans  le  bureau  du  palais  sous  la  direction  dlbn-el- 
Djeïab. 

Abou-^'1-Hacen-IbB^eUDjeîab  fut  regardé  comme  le  coryphée 
de  tous  les  poètes,  prosateurs  et  philologues  de  l'Espagne  et  d^ 
l'Afrique.  A  l'instar  de  ses  aîeuk,  il  remplit  les  fonctions  de  àe- 
crétaire*auprès  des  sultans  de  (ïrenade  ;  étant  entré  au  service  de 
l'état  lors  déjà  déposition  de  Mohammed  [III]  et  de  l'assassinat 
du  touti-puissant  vîztr,  Mohammed-Ibn-el-Haklm.  Devenu  alors 
chef  du  secrétariat  impérial,  il  conserva  cette  place  jusqu'en  l'an 
74& (4348-9),  oh  il  fut  emporté  par  l'épidémie  qui  régnait  à 
cette  époque. 

Le  sultan  AboQ^'UHaddjftdj  choisit  alors  Hohammed-Ibn«^l-^ 
Khattb  pour  remplir  la  place  vacante  et  lui  accorda  en  mém^ 
temps  les  titres  et  tes  privilèges  du-vizirat.  Dansl'exeroice  de  ses 
hautes  fonctions;  Ibn-^1-Kbaltt>  déploya  une  grande  habilité  et, 
dans  les  lettres  émanées  de  son  bureau  et  adressées  aux  prince» 
voisins,  souverains  de  l'Afrique ,  il  déploya  un  talent  vraiment 
admirable.  Le  sultan  lui  témoifçna  une  bienveillance  sans  exem** 
pie  et  l'autorisa  secrètement  à  désigner  les  candidats  aux  emplois 
administratifs  et  à  faire  avec  ces  personnes  les  conditions  les 
plus  avantageuses  pour  lui-même.  De  celte  manière,  Ibn-el- 
Khatib  ramassa  une  fortune  considérable.  Envoyé  par  son  sou- 
verain h  la  cour  d'Abou-Einan,  afin  d'offrir  des  compliments 
de  condoléance^  à  ce  prince  qui  venait  de  perdre  son  père,  le- 


f  La  correction  conjecturale  indiquée   dans  Verrata  de  l'éditio>i> 
du  texte  arabe,  est  confirmée  par  El-Maccari. 


399r  BISrOlRE   DES  BBBBfcRB&é 

sultan  Aboa-'UHaceo  ,  il  remplit  parfaitemeot  sa  missiao* 
En  Tan  755  (1354),  Abou-'l-Haddljadj  mourut  assassioé*  IL 
était  allé  à  la  mosqué  le  |Our  de  la  rupture  du  jeûne,  pour  assis- 
ter à  la  prière,  et,  au  moment  où  il  faisait  ses  prosternements , 
un  homme  de  la  basse  classe  se  précipita  sur  lui  et  le  tua  d'un 
eoup  de  poignard.  Les  chrétiens  qui  formaient  la  garde  du  sul- 
tan abattirent  ce  misérable  avec  leurs  sabres  et  le  taillèrent 
en  mille  morceaux.  L'on  proclama  aussitôt  la  souveraineté  de 
Mohammed  [V]  ,    fils  d'Abou-1-Haddjadj. 

L'affranchi  Ridouan  qui,  h  cotte  époque,  était  tout-puissant,  en 
sa  double  qualité  de  général  en  chef  et  de  tuteur  des  jeunes 
princes  delà  famille  royale,  parvint  à  dominer  Tesprit  du  sul^ 
tan  et  à  gouverner  Tempire.  Il  prit  Ibn-el-Khattb  pour  lieute- 
nant etTadmit  au  partage  réel  du  pouvoir  ;  mais,  tout  en  lui 
laissant  la  dignité  du  vizirat,  il  lui  enleva  le  secrétariat,  place  à 
laquelle  il  désigna  une  autre  personne.  Dès*lors,  Tempire  entra 
dans  un  état  do  prospérité  et  jpuit  d'une  bonne  administration.. 

Quelque  temps  après,  Ibn-eIrKhattb  reçut  l'ordre  de  se  ren- 
dre auprès  d'Abou-Einan  et  de  solliciter  Tappui  de  ce  monarque 
contre  le  roi  chrétien.  Ce  fut  encore  là  une  répétition  des  mêmes 
demandes  que  les  rois  de  Grenade  avaient  l'habitude  d'adresser 
aux.  aïeux  du  princo  mérinide.  Quand  il  se  présenta  à  l'audience 
royale,  il  prit  le  pas  sur  les  vizirs  et  légistes  dont  se  composait 
la  députation  et,  s'adressant  directement  à  Abou-Einan,  il  de- 
manda la  permission  de  reciter  une  pièce  de  vers  avant  d'entrer 
en  conférence.  Le  sultan  y  consentit  et  l'ambassadeur  commença 
ainsi,  en  se  tenant  debout  : 

Vicaire  de  Dieu  !  puisse  le  Destin  augmenter  ta  gloire,  tant 
que  ta  lune  brillera  dans  l'jobscuriîé. 

Puisse  la  main  de  la  Providence  éloigner  de  toi  ces  dangers 
que  la  force  des  hommes  ne  saurait  repousser. 

Dans  nos  afflictions^  ton  aspect  est  pour  nous  la  lune  qui 
dissipe  les  ténèbres^  et,  aux  époques  de  disette,  ta  main  rem* 
place  la  pluie  [et  verse  l^abondance] . 

Privé  de  ton  secours,  le  peuple  de  VEspagnen^  aurait  conservé 
ni  kabitation  ni  territoire. 


STNASTli   HtRINIDV.  — f  ABD-^BL-AZtz.  393 

Entjtnmot,  ce  pays  n^a  qu^un  besoin  :  la  protection  de  ta 
majesté. 

Ceux  qui  ont  des  obligations  envers  toi  n'ont  jamais  été  in- 
grats; ils  n'ont  pas  nié  tes  bienfaits. 

Maintenant  qu'ils  craignent  pour  leur  existence,  ils  m'ont 
envoyé  vers  toi  et  ils  attendent. 

Le  sultan  trouva  ces  vers  si  beaux  qu'il  dit  au  poète  :  a  Tu 
V  oe  t'en  retourneras  pas  chez  eux  sans  que  tous  leurs  souhaits 
2>  ne  soient  accomplis.  Je  le  donne  la  permission  de  t'asseoir.  i» 
Ensuite,  il  combla  de  dons  les  membres  de  cette  ambassade -et, 
avant  de  les  congédier,  il  accorda  toutes  leurs  demandes.  Un  de 
mes  anciens  profe.sseurs,  le  cadi  et  cherif  Abou-*l-Cacem,  qui 
avait  fait  partie  de  cette  députation,  m'a  dit,  en  parlant  de  cette 
audience  :  Ce  fut  la  première  fois  que  l'on  vit  un  ambassadeur 
»  atteindre  le  but  de  sa  mission  avant  d'avoir  salué  le  sultan  au- 
t  quel  il  fut  envoyé.  » 

Bidouan  et  Ibn-el-Rhatîb  avaient  gouverné  l'Andalousie  pen- 
dant cinq  ans  qnand  le    raïs  [Âbou-Abd-Allah-] Mohammed, 
cousin  paternel  du  sultan  ei,  comme  lui,  petit-fils  du  raïs  Abou- 
Satd[-Feredj]  conçut  le  projet  de  renverser  lenr  pouvoir  et,  pro- 
fitant de  l'absence  du  souverain,  qui  venait  de  se  rendre  à  sa 
.   maison  de  campagne,  il  escalada  les  murs  de  la  résidence  impé- 
riale nommée  i4/-£ramra  {la  rouge,  l'Alhambra),  surprit  Ri- 
douan  h  la  faveur  delà  nuit  et  lui  ôta  la  vie.  Aussitôt  après,  il 
plaça  sur  le  trône  Ismafl,  fils  du  sultan  Abou-'l-Uaddjadj;  ayant 
préféré  ce  prince  parce  qu'il  en  avait  épousé  la  sœur-germaine. 
Jusqu'alors,  on  avait  tenu  Ismail  enfermé  dansl'Alhamra;  le  raCs 
le  fit  sortir  du  lieu  où  on  le  retenait  et,  l'ayant  proclamé  sultan, 
il  entreprit  de  gouverner  Tempiie  au*  nom  du  nouveau  sou- 
Terain. 

Le  sultan  Mohammed,  qui  se  trouvait  alors  dans  sa  campagne, 
entendit  le  bruit  des  tambours  et,  soupçonnant  quelque  trahison, 
il  monta  à  cheval,  courut  à  Guadix  et  s'en  assura  la  possession  '. 


Voy.  page  332  de  ce  volume. 


394  HISTOIRE   DIS    UUfeSCS. 

Bosttite  Jl  s'empressa  de  faire  avertir  le  sullan  [ménoide], 
Abon-Salem,  de  ce  qui  était  arrivé.  Ce  prince  venait  de  monter 
sur  lo  trftoe  de  ses  aïeux  quand  il  reçut  cette  nouvelle.  Pendant 
le  règne  de  son  frère,  Abou-Eiuan^  il  avait  demeuré  en  Espagne 
auprès  de  la  famille  royale  de  Grenade. 

Le  raïSy  devenu  ainsi  régent  de  l'empire,  jeta  le  vizir  Ibn-el- 
Kbattb  dans  le  fond  d'une  prison   et  le  tint  étroitement  gardé. 

Le  khatib  Ibn-Herzoue  qui,  pendant  son  séjour  en  Espagne, 
s'étaitattdché  parles  liens  de  lamitié  à  ibn-el-Kbattb,  exerçait 
alors  une  grande  influence  sur  Tesprit  du  sultan  Abou-Salem. 
Voulant  sauver  son  ami,  il  représenta  k  ce  monarque  qu'ea  fai- 
sant venir  de  Guadix  le  snllan  déchu,  le  gouvernement  maghré- 
bin aurait  le  moyen  de  tenir  en  échec  celui  de  l'Andalousie  et 
d'ôter  aux  membres  de  la  famille  royale  mérinide  qui  s'étaient 
réfugtéSi  en  ce  pays,  tout  espoir  d'envahir  le  Maghreb.  Abou- 
Salem  approuva  ce  conseil  et,  après  avoir  obtenu  du  gouverne* 
mont  andalousienla  promesse  qu'aucun  obstacle  ne  serait  apporté 
au  départ  de  Tex-soltani  il  fit  choix  d'un  de  ses  familiers,  le 
chérif  Abou-'l-Cacem  de  Tiemcen,  et  lui  donna  l'ordre  d'aller  à 
Guadix  et  de'  lui  amener  le  prince  qui  s'y  était  réfugié.  Cet  en* 
voyé  emporta  aussi  une  lettre  dans  laquelle  on  sollicitait  la  mise 
en  liberté  d'Ibn-el-Khattb.  L'ex-ministre  obtint  la  permission 
de  quitter  la  prison  et,  s'étant  joint  à  la  suite  du  chertf ,  &t  toute 
avec  lui  jusqu'à  Fez.. 

Abou-Salem  apprit  avec  un  plaisir  extrême  l'arrivée  d'Ibn-ei- 
Âhmer  [Mohammpd  Y]  ;  il  sortit  avec  un  cortège  magnifique  afin  de 
le  recevoir  plus  dignement,  et  le  fit  monter  sur  un  trAne  que  l'on 
avait  dressé  vis-à'vis  du  sien.  Ibn-eUKhattb  récita  alors  le  poëme 
que  nous  avons  déjà  reproduit,  poëme  dans  lequel  il  implorait 
le  monarque  africain  de  ^eu^  porter  secours.  Ce  fut  |vraiment  là 
un  jour  de  fête.  Le  sultan  promit  de  soutenir  son  hôte  et,  en  at- 
tendant le  moment  d'agir,  il  le  combla  d'honnenrs  et  l'installa 
dans  un  palais  magnifique.  En  môme  temps,  il  pourvut  abondam- 
ment aux  besoins  de  toutes  les  personnes  qui  formaient  la  suite 
du  monarque  espagnol. 

L'ex-vizir,  Ibn-eURhatib,  mena  pendant  queluue  temps  une 


DTMASTIB  «SnmiDB. ABD-SL-AZiz,  305 

vie  tràa-agréab)e»  en  jouissaQl  de  la  pension  et  des  coiicessio^s 
que  le  suhan  mérinide  lui  avaii  accordées;  puis^  il  deoaanda  Tau- 
torisation  de  parcourir  les  provinces  marocaines  et  de  visiter  les 
monuments  que  les  anciens  rois  y  avaient  laissés.  Il  partit^  ^fn« 
portant  avec  lui  des  lettres  par  lesquelles  on  invita  les  administra- 
teurs des  provinces  à  lui  faire  des  cadeaux.  Grâce  àPempresse^ 
ment  de  ces  fonctionnaires,  il  ramassa  une  fortune  considérable. 
En  revenant,  il  passa  par  Salé  et,  étant  entré  dans  le  cimetière 
des  rois  [mérinides],  à  Chala,  il  s^arrèta  auprès  du  tombeau 
qui  renfermait  le  corps  d*Abou-*UHacen,  et  récita  une  élégie 
dans  laquelle  il  déplora  la  mort  de  ce  sultan  et  invoqua  sa  proieo^ 
tien,  afin  de  pouvoir  rentrer  en  possession  de  sa  campagne  près 
de  Cordoue.  Cette  pièce  commence  ainsi  : 

Bien  que  sa  demeure  soii  éloignée  e^  que  son  habitation  soit 
à  une  grande  distance  de  nous,  le  souvenir  de  ses  hauts  faits 
ramène  son  image  devant  nos  yeux^ 

Partageons  nos  heures  entre  la  jalousie-  et  la  douleur;  [en* 
vions]  cette  terre  qui  renferme  ses  cendres  ;  \regardons\  ce 
qui  reste  de  lui  [et  versons  des  larmes]. 

Le  sultan  Ahou-Salem  ayant  eu  connaissance  de  cette  pièce, 
intercéda  auprès  du  gouvernement  andalousien  en  faveur  de 
Tauteur  et  lui  Gt  rendre  ses  terres.  Tant  que  le  sultan  déchu 
resta  en  Afrique,  Ibn-el-Khattb  se  tint  àTécart  et  ne  quitta  pas 
la  ville  de  Salé.  £n  l'an  763  (4362),  Mohammed-Ibn-el-Ahmer 
rentra  en  possession  du  trône  et  envoya  chercher  sa  famille, 
qu'il  avait  laissée  à  Fez.  Omar-lbn-Abd-Allah  qui,  à  cette  épo- 
que, était  régent  de  l'empire  mérinide,  fit  venir  Ibn-el-Khaltb 
de  Salé  et  le  chargea  de  conduire  en  Espagnoles  femmes  et  les 
enfants  du  souverain  andalousien.  Ce  prince  accueillit  son  an- 
cien ministre  avec  un  vif  plaisir  et  le  rétablit  dans  la  posi- 
tion qu'il  avait  occupée  sous  l'administration  de  Ridouan.    * 

[Le  prince  mérinide,]  0thman-Ibtf«Yahya-1bn-0mar^  com- 
mandant des  volontaires  de  la  foi  [au  service  des  souverains  de 
Grenade],  se  trouvait  alors  à  la  cour  du  roi  chrétien,  où  il  s^é- 
tait  rendu  avec  son  père  ,  Tahya ,  afin  d'échapper  aux  mauvais 
dessins  que  le  raïs^  usurpateur  du  trône  de  Grenade,  avait  for- 


396  HISTOIBB   DBS   BBBBBRES. 

mes  contre  eux.  De  là  Yahya  s'était  rendu  en  Afrique,  mais  soir 
fils  avait  continué  à  rester  chez  Tennemi.  Quand  le  sultan  Mo- 
hammed [V]  se  réfugia  chez  les  chrétiens  [en  quittant  le  Maghreb,] 
il  reprit  Olhman^à  son  service  ;  puis,  ayant  perdu  Pespoir  de  re- 
couvrer son  royaume  avec  Taide  du  roi  de  Castille,  il  quitta  la 
cour  de  ce  prince  et  se  dirigea,  avec  Othman,  vers  la  frontière 
de  r Andalousie.  S*étant  alors  adressé  à  Omar-lbn-Abd- Allah,  il 
le  pria  de  lui  céder  une  des  places  fortes  que  les  Mérinides  pos- 
sédaient encore  en  Espagne,  voulant  s'y  installer,  en  attendant 
l'occasion  de  reconquérir  le  royaume  de  Grenade.  Pour  obtenir 
cette  faveur  il  eut  recours  h  mon  appui;  et,  comme  une  ferme 
amitié,  fondée  sur  des  obligations  mutuelles,  régnait  entre  mot 
et  Omar,  je  décidai  ce  ministre  à  lui  remettre  la  forteresse  de 
Ronda.  J'avais  indiqué  cette  ville,  parce  qu'elle  avait  toujours 
appartenu  aux  aïeux  du  sultan  Mohammed,  comme  un  héritage 
de  famille.  Ce  prince  s'y  établit  avec  Othman,qui  tenait  alors 
la  première  place[dans 'son  intimité.  Ce  fut  de  là  qu'ils  sortirent 
pour  s'emparer  de  Malaga  :  aussi,  peut-on  dire  que  Ronda  fut  le 
marchepied  au  moyen  duquel  le  sultan  remonta  sur  le  trône. 
Après  la  prise  de  Mataga,  il  se  rendit  maître  de  Grenade,  capi- 
tale de  l'empire. 

Dès-lors,  Othman-Ibn-Yahya  tint  la  première  place  à  la  cour 
et,  jouissant  au  plus  haut  degré  de  la  confiance  de  son  maître,  il 
le  gouverna  à  sa  fantaisie.  Aussi,  quand  Ibn*eUKhattb  eut  ra- 
mené à  Grenade  la  famille  du  sultan,  et  repris  sa  place  dans  l'ad- 
ministration de  l'empire,  avec  le  privilège  de  voir  ses  conseils 
toujours  agréés  par  le  souverain,  il  conçut  une  jalousie  profonde 
contre  Othman  et  s'indigna  de  la  confiance  que  le  sultan  témoi- 
gnait à  ce  chef.  Craignant  la  présence  de  tous  ces  princes  méri- 
nides comme  dangereuse  pour  l'état,  il  fit  partager  ses  appré- 
hensionsà  son  maître*, qui  prilaussitôtdes  mesures deprécaution» 

Dans  le  mois  de  Ramadan  764  (juin-juillet  4363),  Othman, 


'  Dans  l'ouvrage  d'El-Maccari,  on  Ht  o^^t  »'j'.?  «^  '*"  A*  ^'^^ 
le  danger. 


DYNASTIB  MËRINIDB. ARD-EL-Aziz.  397 

^soo  père  et  ses  frères  furent  mis^  en  prison  et,  quelque  temps 
après,  on  les  expulsa  du  pays. 

S'étantainsi  débarrassé  de  ses  rivaux,  Ibn-eUKhatib  demeura 
seul  maître  de  l'esprit  du  sullan  et  se  fit  confier  le  gouvernement 
de  l'empire.  Il  eut  môme  l'adresse  de  semer  la  mésintelli- 
geuce  entre  le  souverain  et  tous  ceux  qui  Tentouraient,  tant  les 
amis  du  prince  que  ses  compagnons  de  table^.  Resté  seul  arbitre 
de  l'administration,  il  s'attira  tous  les  regards  ;  sa  faveur  devint 
l'objet  de  toutes  les  espérances  ;  les  grands  et  les  petits  se  pres- 
saient à  sa  porte,  pendant  que  les  familiers  du  j^rince  dévoraient 
leur  jalousie  et  leur  dépit,  ils  eurent  beau  employer  contre  lui 
tous  les  genres  de  calomnie  et  d'intrigue,  le  sullan  resta  sourcl  à 
leurs  insinuations.  Ibn-el-Khattb  fut  enfin  averli  des  trames 
qu'on  ourdissait  contre  lui,  et,  cédant  à  ses  appréhensions,  il  se 
disposa  à  quitter  la  cour. 

Le  sultan  Abd-eUAzîz  lui  était  redevable  d'un  grand  service  : 
de  l'arrestation  de  son  oncle,  Âbd-er-Rahman-Ibn^Âbi-lfellop- 
cen,  prince  auquel  on  avait  donné  le  commandement  des  volon- 
taires de  la  foi  qui  étaient  aii  service  du  gouvernement  grenadin. 
Abd-er-Bahman  avait  parcouru  le  Maghreb  dans  l'espoir  de 
s'emparer  du  trône  ;  de  tous  côtés  il  avait  allumé  le  feu  delà  ré- 
volte, quand  le  vizir  Omar-Ibn-Abd-Aliah,  régent  de  l'empire, 
l'attaqua  vigoureusement  et  le  contraignit  h  passer  en  Espagne 
etd'yemmenersonvizirMasoud-Ibn-Maçaï.  En  Tan  767(1 365-6j. 
ils  arrivèrent  chez  le  sullan,  le  même  qui  avait  été  déposé, 
et  trouvèrent  une  honorable  réception  è  la  cour  de  Grenade. 
Ali-lbn-Bedr-éd*Dln  ,  commandant  des  volontaires  de  la  foi, 
étant  mort  sur  ces  entrefaites  ,  on  fit  choix  d'Abd-er-Rah« 
man  pour  le  remplacer.  Le  sultan  Abd-el-Aztz  s'étant  enfin  rendu 
maîtie  de  son  propre  royaume  en  ôlant  la  vie  au  vizir  Omar- 


'  Dans  lejexte  d'El-Macccari,  on  lit  ix^  à  la  place  de  aJUj.  En 
adoptant  cette  leçon,  qui  est  probablement  la  bonne,  il  faut  tra- 
duire ainsi  :  il  plaça  fcs  fils  au  nombre  desjamis  'eC  des  intimes  du 
prince. 


398  KISTOIRB   D£jt    BBftltllSlES. 

lbii«Abd-Altah,  futlrès^incpiiei  de  oetle  nomination  ois'allcmlit 
à  voir  son  autorité  ébranlée  par  les  trames  dn  saltan  de  Grenade. 
Ayant  alors  eu  connaissance  de  certaines  proclamations  qu' Abd- 
er^Rahman  avait  (ait  répandre  parmi  les  Mérinides,  il  céda  èses 
appréhensions  et  envoya  au  ministre  espagnol  un  agent  secret 
chargé  d*6btenir  Temprisonnement  du  prince  etdu  vizir.  Ibn« 
eWKhatib  auquel  on  promit  en  retour  de  ce  service  «ne  pe- 
sition  très-éievée  h  la  cour  de  Pes,  se  fit  donner  par  l'envoyé  on 
écrit  h  cet  effet,  et  alors  il  décida  son  souverain  k  mettre  les  ré« 
fugiés  en  prison.  La  pièce  dont  nous  parlons  fui  rédigée  par 
Abou-Yahya-Ibn-Abi*Medyen,  secrétaire  [  du  sultan  méri« 
nide]. 

Pendant  le  cocrs  de  tous  ces  événements,  Ibn-eURhattb  foi  en 
proie  aux  pluft  graves  inquiétudes;  effrayé  par  les  renseigne*^ 
ments  qui  lut  étaient  parvenus  au  sujet  des  calomnies  et  des  in« 
irigues  des  courtisans,  il  crut  s'apercevoir  que  le  sultan  com- 
mençait à  y  ajouter  foi,  qu'on  Tavait  même  indisposé  contre  lui; 
aussi,  pril-il  la  résolution  de  quitter  l'Andalousie  et  de  passer 
en  Afrique.  S'élant  fait  donner  la  commission  d'inspecter  les 
forteresses  qui  couvraient  la  frontière  occidentale  de  l'empire, 
il  partit  h  la  tôle  d'un  détachement  de  cavalerie  qu'il  avait  à  son 
service^  et  se  rendit  à  sadestination^  avec  son  fils  Ali,  lequel  était 
tout-a*fait  dévoué  an  sultan.  Arrivé  auprès  de  Gibraltar,  port 
de  passage  entre  l'Espagne  et  l'Afrique,  il  envoya  son  passeport 
an  gouverneur  de  la  place.  Ces  ofBcier,  qui  avait  déjà  reçu  des 
instrudiona  du  sultan  Abd-el-Aziz,  sortit  au-devant  de  l'illus- 
tre visiteur  et  le  fit  partir  pour  Geuta  dans  un  navire  que  l'on 
apprêta  sur  le  champ.  Arrivé  dans  cette  forteresse  africaine, 
lbn-el*Khatîb  reçut  de  tous  les  fonctionnaires  les  honneurs 
d'usage  et  se  vit  comblé  d'égards.  Ayant  alors  pris  la  route  de 
TIemcen,  il  y  trouva  le  sultan  mérinide.  Ceci  eut  lieu  en  l'an 
773  (1371 -2).  Toute  la  cour  se  mit  en  mouvement  a  la  nouvelle 
de  son  approche  ;  le  sultan  fit  monter  à  cheval  ses  principaux 


■  La  bonne  leçon  est  t^xAxi, 


DTKASTIE  MÊRINIBE.  —  ABb-BL-Azlz.  399 

officiers  et  les  envoya  au-devant  do  lui  ;  il  l'accueillit  ensuite 
avec  une.  bienveillance  parfaite  ;  il  pourvut  à  sa  sûreté  et  il  son 
bien-être;  le  traitant  avec  les  mêmes  faveurs  et  les  mêmes  hon- 
neurs que  l'on  accorde  aux  membres  de  la  famille  royale.  A  peine 
les  premières  salutations  passées,  le  sultan  fit  partir  pour  t^E»^ 
pagne  son  secrétaire,  Abou-Yahya  -Ibn-Abi*Medyen,  afin  d'obte^ 
nir  du  sultan  andalousien  la  permission  d'emmener  en  Afrique  les 
femmes  et  les  enfants  d'Ibn-el-Khattb.  Cet  envoyé  revint  avec 
toute  la  famille,  que  l'on  avait  rassuré  complètement  et  comblée 
d'honneurs. 

Dès-lors,  les  courtisans  du  sultan  de  Grenade  ne  purent  plus 
contenir  leur  jalousie,  et  ils  s'empressèrent  de  le  mettre  sur  les 
traces  des  moindres  peccadilles  dont  le  fugitif  s'était  rendu  cou- 
pable. Le  monarque  laissa  enfin  percer  les  sentiments  qu'il  avait 
cachés  depuis  longtemps  ,  et  se  mit  à  récapituler  Mes  traits  de 
présomption  et  les  défauts  qu'il  avait  remarqués  dans  son  vizir. 
Quelques  ennemis  d'lbn-el-Khat!b  saisirent  cette  occasion  pour 
lui  attribuer  certains  discours  qui  sentaient  le  matérialisme,  et 
Abou-'l-Hacen-lbn-Abi-'l-Hacen,  cadi  de  Grenade,  auquel  on 
soumit  ces  écrits,  les  trouva  si  pernicieux  que,  par  un  acte  for- 
mel, il  eo  déclara  l'auteur  un  infidèle.  Ce  fut  alors  que  le  sultan 
se  tourna  tout-à-fait  contre  son  ancien  ministre  ;  il  chargea  le 
même  cadi  de  se  rendre  auprès  du  sultan  Abd-el- Azîz  et  d'exiger 
le  châtiment  du  réfugié,  coiiformémantà  cette  déclaration  juri* 
dique  et  aux  prescriptions  de  la  loi  divine.  Le  sultan  du  Maghreb 
était  trop  généreux  pour  trahir  les  droits  de  l'hospitalité 
et,  en  réponse  au  cadi,  il  se  borna  à  dire  :  a  Puisque  vous  con- 
»  naissiez  ses  crimes,  pourquoi  ne  l'avez-vous  pas  puni  pendant 
»  qu'il  était  chez  vous  ?  Quant  h  moi,  je  d<^clare  que,  tant  qu'il 
»  sera  sous  ma  protection,  personne  ne  devra  le  tracasser  è  pro- 
»  pos  de  cet  affaire.  »  Il  combla  ensuite  de  { ensions  et  de  con* 
cessions  non-seulement  lbn-el-Khat!b  et  ses  enfants,  mais  aussi 
tous  les  Andalousiens  qui  l'avaient  accompagné  en  Afrique. 


*  Il  faut  probablement  lire  ^Uâj^l^ 


400   ^  HISTOIRE  DBS   BKBRÈftBS. 

En  Tan  774  [4372),  lors  de  la  mort  d'Abd-el-Azti;,  les  Méri- 
nides  quittèrent  Tlemcen  poar  rentrer  en  Maghreb,  et  Ibn^l- 
Khattb  s'y  rendit  aussi,  dans  la  suite  du  vizir,  Abou-Bekr-lbn- 
Ghazi,  devenu  maintenant  régent  de  l'empire.  Arrivé  à  Fez,  il 
acheta  plusieurs  terres,  bâtit  des  maisons  superbes  et  planta  de 
beaux  jardins.  Les  pensions  qu'il  tenait  du  feu  sultan  lui  atti- 
rèrent enfin  la  haine  du  régeut,  ainsi  que  nous  le  raconterons 
plus  tard. 


MORT   OC   SULTAK   AÉD-BL-Aztz   BT    AVÊNBMBNT   DE   SON   FILS    ES- 

SaId.  JBB-GHAZI    S'bHPARE    DE    TOUTE    L'aUTORITB.  LES 

aiÊRlNIDBS    RENTBElfT   BN    MAGHREB. 


Dans  sa  première  jeunesse,  Abd-el-Aztz  avait  tellement 
souffert  d'atrophie,  accompagnée  d'une  fièvre  intermittente,  que 
le  sultan  Abou-Satem  s'abstint  de  l'en\oyerà  Ronda  avec  les 
autres  princes  delà  famille  royale.  Parvenu  à  l'âge  de  puberté, 
il  recouvra  la  santé  ;  mais,  pendant  son  séjour  h  Tlemcen,  il  eut 
une  rechute  et  devint  excessivement  maigre.  Après  avoir  conso- 
lidé sa  puissance  par  l'heureux  succès  de  cette  campagne,  il 
éprouva  plusieurs  accès  de  son  ancienne  maladie  ;  mais,  pour  ne 
pas  alarmer  ses  troupes,  il  supporta  ses  douleurs  avec  patience 
et  les  cacha  à  la  connaissance  du  public.  Pendant  ce  temps,  son 
armée  était  campée  en  dehors  de  la  ville  et  s'apprêtait  à  partir 
pour  le  Maghreb.  Eudn,  la  veille  du  2'i  de  Rehtâ  second,  774 
(23  oct.  4372),  il  fil  ses  derniers  adieux  à  sa  famille  et  cessa  de 
vivre.  Le  vizir  [Ibn-Ghazi]  ayant  été  prévenu  de  ce  grave  évé- 
nement par  les  eunuques  du  palais,  prit  sur  son  épaule  Moham- 
med-es-Saîd,  fils  du  sultan  décédé  et,  après  avoir  annoncé  au^ 
troupes  la  perte  douloureuse  qu'elles  venaient  de  faire,  il  leur 
présenta  cet  enfant  comme  leur  souverain.  Tout  le  monde  fondit 
en  larmes  et  se  pressa  autour  du  jeune  prince  afin  de  lui  baiser 
la  main  et  de  lui  donner  l'assurance  d'un  dévouement  parfait. 
On  le  conduisit  ensuite  au  camp.  Le  vizir  fit  alors  placerle  corps 
d'Abd-cl-Azîz  sur  une   bière  et  le  transporta  à  la  tente  impé- 


DTKASTIB    HÉRINIOB.  —  BS-SAÎD  II.  401 

riala.  Peudani  toute  la  nuit  l*armée  resta  sous  sous  les  ar- 
mes et,  au  leudemain,  elle  reçut  l'ordre  de  partir.  Les  Méri- 
nides  sortirent  [de  la  ville]  par  baudes  et  ,  s^étant  rassem- 
Mes  dans  le  camp,  ils  prirent,  au  surlendemain,  la  route  du  Ma-, 
ghreb.  Après  s*étre  arrêtée  à  Tèza ,  Tarmée  continua  sa  marche 
jusqu'à  Fez. 

Quand  le  nouveau  sultan  fut  arrivé  dans  la  capitale,  il  tint  une 
séance  publique  au  palais  afin  de  recevoir  du  peuple  le  serment 
de  fidélité  et  d'accueillir  les  dépulations  des  grandes  villes  qui 
venaient,  selon  l'usage,  lui  présenter  les  hommages  de  leurs 
concitoyens.  Comme  il  était  trop  jeune  pour  s'occuper  d'affaires, 
le  vizir  Abou-Bekr-Ibn-Ghazi  le  relégua  dans  le  palais  et  prit 
en  main  l'administration  de  l'empire.  Il  envoya  de  nouveaux 
commandants  dans  les  provinces,  présida  aux  séances  du  grand 
conseil*  et  s'occupa  a  gouverner  le  Maghreb  do  sa  propre  autorité. 


ABOD-UAMaiOlJ    HEPBEND   POSSESSION    DB    TLEMCEN    ET   DU 

HAGHREB   CENTRAL. 


Ouand  les  Mérinides  se  furent  arrêtés  à  Tèza,  après  avoir 
quitté  Tiemcen,  leurs  cheikhs  tinrent  conseil  et  désignèrent 
comme  gouverneur  de  la  capitalequ'ils  venaient  de  quitter  l'émir 
Ibrahtm,  fils  du  sultan  abd-eUouadite,  Abou-Tachefîn.  Ce  prince 
avait  été  élevé  à  la  cour  de  Fez  depuis  la  mort  de  son  père,  et, 
comme  il  s'était  dévoué  aux  Mérinides,  il  obtint  Cacilement  sa 
nomination  h  ce'  haut  commandement.  Rahhou-Ibn-Mansour, 
émir  des  Obeid-Allah ,  tribu  makilienne.  partit  avec  lui  pour 
l'emmener  à  sa  destination  et  s'y  fit  escorter  par  toutes  les  trou-^ 
pes  maghraoniennes  qui  se  trouvaient  alors  en  Maghreb.  Ces 
guerriers  avaient  reçu  l'autorisation  de  rentrer  dans  le  territoire 
du  Chelif,  autrefois  siège  de  leur  empire,  et  ils  se  mirent  en 


1  Dans  le  texte  arabe,  il  faut  probablement  lire  J^aaâJI. 
T.  IV.  26 


402  HISTOIRE    DES   BBRBfiRSS. 

marchesous  la  conduite  d*Ali  etde  Rahmouo,  tous  les  deux  fils  de 
HarouD-Ibn-MendlI-lbn-Abd-er-Rahman,  aux  ordres  desquels  les 
Mérinides  les  avaient  placés. 

Sur  ces  entrefaites,  un  ancien  client  d'Abou-Hammou,  nom- 
mé Àtïa-Ibn-Mouça,  qui  était  entré  au  service  d'Abd-el-Aztz  et 
en  était  même  devenu  Tami  intime,  sortit  du  palais  en  appre- 
nant la  mort  du  souverain  mérinide,  et  alla  se  cacher  dans  la 
ville  [de  Tlemcen].  Aussitôt  que  Tarméc  mérinide  eut  levé  son 
camp  et  quitté  les  environs  de  Tlemcen,  Atïa  se  montra  au  peu- 
ple et  les  invita  à  rétablir  la  souveraineté  d^Abou-Hammou . 
Ayant  rallié  autour  do  lui  tous  les  partisans  que  ce  sultan  avait 
conservés  parmi  les  habitants  de  la  ville,  il  rassembla  encore 
une  foule  de  gens  du  peuplé  et  força  les  hommes  de  la   haute 
classe  à  prêter  le  serment  de  fi<lélit^  envers  leur  ancien  maître. 
Aussi,  quand  Ibrahim,  filsd'Abou-Tachefin,  s-y  présenta  avec 
Rahhou-Ibn-Mansour  et  les  Obcid-Allah.il  trouva  une  (elle  résis- 
tance qu'il  dut  s'en  éloigner  et  rentrer  en  Maghreb. 

Abou-Hammou  se  tenait  encore  dans  son  lieu  de  retraite,  à  Tt- 
gourarîn,  quand  il  apprit  la  nouvelle  de  ces  événements  par  un 
courrier  que  ses  partisans,  les  Aulad-Yaghmor,  branche  des 
Obeid-Allah,lui  avaient  expédié.  Son  Gis,  Aboq-Tachefîn,  qui  se 
tenait  alors  au  milieu  des  nomades  de  la  iribu  des  Beni-Amer, 
en  fut  également  averti  et  courut  en  toute  hâte  à  Tlemcen.  Il  y 
fît  son  entrée  à  Ih  tête  de  la  bande  des  Abd-el-ou«tdites  qui  lui 
était  restée  fidèle,  et  rassembla  bientôt  les  autres  fractions  de 
cette  tribu  que  s^étaient  enfuies  dans  les  contrées  voisines.  Le 
sultan  Abou-Hammou  y  arriva  bientôt  apfvS,  et,  dans  le  mois 
deDjomada774  (nov.-déc.  1372)  il  rentra  dans  sa  capitale, 
qu^il  avait  perdu  Tespoir  de  recouvrer.  Après  avoir  donné  ses 
premiers  soins  au  rétablissement  de  son  autorité,  il  fit  arrêter  et 
exécuter  plusieurs  courtisans  qi  l'avaient  desservi  pendant  son 
absence  et  dont  il  avait  appris  la  trahison.  Lorsqu'il  eut  relevé 
l'empire  abd-el-ouadile,  il  marcha  contre  les  Maghraoua,  alliés 
des  Mérinides,  et,  à  la  suite  des  alternatives  d'une  longue  guerre, 
il  soumit  leur  territoire,  le  pays  du  Chelif .  Rahmoun,  fils  de  Ha- 
roun,  perdit  la  vie  dans  une  de  ces  batailles.  Ce  fut  ainsi  que 


DTNASTIB  MËRINIDE. —  BS-SaId  II.  403 

i 

t^atttoritédes  Hérinides  fut  anéantie  dans  les  campagnes  et  dans 
les  villes  du  Maghreb  central. 

Le  vizir  Abou-Bekr-Ibn-Ghazi  forma  alors  le  projet  d*ane 
expédition  cont^e  Âbou-Hammoo,  mais  il  en  fut  détourné  par 
l'embarras  que  lui  créa  la  révolte  deVémir  Abd-er-Rahman  dans 
le  pays  des  Botouïa . 


ABD-BR-RAHMAN,  FILS  d'aBOU-IFBLLOUCBN ,  DÉBARQUB  EN  MAGBRBB 
BT    RALLIE    A    SA    CAUSE    LA   TRIBO    DBS   BOTOCÎA. 


Dans  le  mois  de  Djomada  763  (mars-avrii  1362),  Mohammed 
[Y]  Ibn-el-Ahmer,  Tex-sultan  de  l'Andalousie,  quitta  Ronda 
poar  reprendre  possession  du  royaume  de  Grenade.  Lq' laïs 
usurpateur  s'enfuit  chez  le  roi  chrétien,  [Pierre^e-Crael] ,  et  fui 
mis  à  mort  par  ce  prince,  qui  voulut  donner,  de  cette  manière, 
un  témoignage  de  sa  haute  considération  pour  [Mohammed  V], 
qui  s'était  déjà  mis  sous  sa  protection  après  avoir  perdu  son 
royaume. 

Quand  [Mohammed  Y]  fut  rétabli  sur  le  trône,  Ibn-el-Khattb, 
qui  avait  rempli  auprès  de  lui  et  de  son  père,  les  fonctions  de  se- 
crétaire d'état,  reparut  h  la  cour  et  y  trouva  l'accueil  le  plus 
bienveillant.  Admis  dans  Tintimité  du  souverain,  il  fui  aussitôt 
nommé  au  vizirat,  et,  se  voyant  en  possession  de  toute  la  con-* 
fiance  de  son  mattre,  il  le  dirigea  à  son  gré  et  gouverna  l'em- 
pire. 

Malgré  sa  haute  fortune,  il  tournait  toujours  ses  regards  vers 
le  Maghreb ,  dans  la  prévision  de  quelque  désastre  qui  pourrait 
détruire  sa  puissance  et  le  mettre  dans  la  nécessité  d'aller  s'éta- 
blir  dans  ce  pays.  Aussi,  ne  cessait-il  jamais  d'entretenir  les 
bonnes  grâces  des  souverains  mérinides  et  de  montrer  un  grand 
empressement  à  leur  rendre  des  services.  L'on  sait  que  les  fils 
du  sultan  Abou-'l-Hacen  nourrissaient  une  jalousie  extrême 
contre  leurs  cousins,  les  fils  du  sultan  Abou^Ali,  tant  ils  crai- 
gnaient de  les  voir  arriver  au  pouvoir.  Or  ,  Ibn-el-Rhàtib  avait 


4Q4  OlSTOiU  DES    BBMfeBCS. 

mooiré  heaucoup  de  bienveillaooe  k  Téinir  Abd-^fir^-RahmoD 
[fils  d'Âbou-Ifelloucen  et  petit  fils  d'Abou-Âli],  qui  était  passé 
en  Espagne  ;  il  Pavait  pris  pour  ami,  et,  voulant  lui  faire  une  po* 
sition,  il  a  ^ait  décidé  le  sultan  è  le  nommer  commandant  des  Yo« 
lontaires  de  la  foi,  corps  zenalien  dont  le  dernier  chef  apparte^ 
naitàla  famille  d'Abou-1-Hacen.  Dans  cet  emploi,  Abd«er-ftab- 
man  donna  de  nombreuses  preuves  d'une  haute  capacité.  Abd-el- 
Aztz,  s'ctant  rendu  maître  du  pouvoir,  fut  convaincu  qu'Ibn-el- 
Khattb  ferait  tout  pour  mériter  sa  bienveillance,  et  lui  fit  deman- 
der secrèteioent  Temprisonnemont  d'Abd-er-Rahman  et  du 
vizir  Masoud-Ibn-Maçaï.  Le  ministre  espagnol  s'y  prit  avec  tant 
d'adresse  qu'il  détermina  son  sultan  h  donner  lui-même  Pordre  de 
leur  arrestation.  Ce  ne  fut  qu'après  la  mort  d'Abd-^el-Azii  qu'on 
leur  rendit  la  liberté. 

Ibn-el-Kbatfby  ayant  enfin  reconnu  que  rinQoence  dont  il 
jouissait  auprès  du  sultan  commençait  h  baisser,  quitta  la  cour 
en  Tan  m  (4370-1)  et  chercha  un  asile  dans  le  Maghreb,  paya 
dont  le  avUan,  Abd-eUAztz,  lui  devait  de  grandes  obligationa* 
Ce  monarque  accueillit  le  réfugié  avec  bonté  et  le  reçut  cooune 
un  ami,  ou  plutôt  comme  un  parent.  Il  obtint  même  d'IbnHil-Ah« 
mer  [Mohammed  Y]  que  la  famille  de  son  protégé  lui  fût  envoyée. 

8'étant  ainsi  établi  auprès  du  sultan  mérinide,  Ibn-eM^hattb 
voulut  rendre  à  son  ancien  maHre  haine  pour  haine,  et,  dans  cette 
pensée,  il  encouragea  Abd^el-Aztz  h  tenter  la  conquête  de  Vkn^ 
dalousie.  Il  obtint  enfin  la  promesse  que  cette  entreprise  aurait 
lieu  aussitôt  que  la  cour  et  l'armée  quitteraient  Tiemcen  pourren- 
trer  en  Maghreb.  Ibn-el^Ahmer  eut  connaissance  du  danger  qui 
le  menaçait ,  et ,  pour  le  conjurer  ,  il  envoya  au  sultan  mérinide 
un  cadeau  d'un  valeur  inouia.  On  y  voyait  un  ohoiz  de  plus  riches 
étoffes  et  de  plus  beaux  meubles  que  les  fabriques  espagnoles 
étaient  capables  de  produire;  on  y  remarquait  aussi  plusieurs  mu* 
leta  de  l'espèce  vigoureuse  que  l'on  élève  dans  ce  pays  et  une 
bande  de  jeunes  esclaves  chrétiens  des  deux  sexes.  L'ambassa-* 
deuriohargé  de  présenter  cette  offrande  au  sultan  lui  demanda, 
en  même  temps,  l'extradition  d'ibn-el-Kbattb  ;  mais  sa  récla* 
mation  fut  repousséo  avec  hauteur. 


OTNaSTIB  MfitlMIDB. ES-^SaId  II.  405 

Après  la  mort  d'Abd-el-^Âzic,  sod  vizir,  Ibn-Ghazi,  qui  était 
devenu  lout  puissant  et  auquel  lbn*el-Rhaltb  s^était  attaché, 
opposa  ûD  refus  formel  h  une  seconde  demande  de  la  même  na^ 
ture  et  répondit  de  la  manière  la  plus  insultante  aux  instances 
de  l'ambassadeur.  Quand  cet  agent  fut  de  retour,  Ibn-el- 
Abmer  s'attendit  h  être  attaqué  par  les  Hérinides,  et,  dans  cette 
prévision»  il  mit  en  liberté  l'émir  Âbd-6r-Bahman-Ibn<^Abi4fel* 
loucet),  l'embarqua  pour  le  Maghreb  et  alla  lui-même  mettre 
le  siège  devant  Gibraltar. 

Dans  .le  mois  de  Dou-l--Câda  774  (avril-mai  4373) ,  Abd-er^ 
Rahman  débarqua  sur  la  côte  du  pays  des  Botoula  ot^  accompa- 
gné de  soti  vizir,  Masoud«Ibn*Maçâï,  il  se  présenta  aut  tribcts, 
de  cette  localité,  s'en  fit  reconnaître  pour  sultan  et  reçut  d'elles 
l'engagement  de  combattre  potlr  lui  jusqu'à  la  mort.  A  la  récep-^ 
tion  de  celte  nouvelle,  le  vizir  Ibn-Ghazi  ordonnée  Son  cousin, 
Mohammed-ibn-Othman,  d'aller  prondre  le  commandement  de 
Ceuta,  forteresse  contre  laquelle  il  craignait  qu'lbn*eUAhraer  ne 
dirigeât  ses  attaques.  Lui-même ,  il  quitta  Fez  à  la  iête  d'une 
argaée  et  porta  avec  lui  des  machines  de  guerre,  afin  d'assiéger 
la  ville  des  Botouïa  où  Abd-er-Rahman  s'était' fortifié.  Après 
avoir  attaqué  cette  place  pendant  plusieurs  jours,  il  se  retira  sur 
Tèza  d'où  il  repartit  pour  Fez.  Abd*er-Bahman  prit  alors  pos-* 
session  de  Tèza.  Arrivé  à  Fez,  le  vzir  réunit  le  conseil  d'état 
et  lui  soumit  le  projet  d'une  expédition  contre  Tèza,  afin  d'eo 
chasser  l'ennemi.  Ce  fut  alors  qu'on  vint  lui  annobcer  qu'Abôu- 
'l-Abbas ,   fils  du  sultan  Abou-Salem  ^    s'était  fait  proclan(ler 
sultan. 


ABOU-'L-ABBÂS-AniKED  ,     FILS    d'aBOU-SALKHI,    EST   PBOCLAnÉ     SULTAN 

ET    S'BUPARE    du  trône. 


Mohammed*- fbn'Othman  alla  s'établir  dans  Geuta  avec  la 
mission  de  mettre  cette  forteresse  à  l'abri  des  surprises  et  de 
repousser  les  tentativesqu'lbn-el-Abmcr  pourrait  diriger  contre 


406  HISTOIRE   DBS  BBRBBRXS. 

elle.  Depuis  quelque  temps,  ce  monarque  tenait  Gibraltar  étroîie- 
ment  bloqué,  et  il  l'avait  réduit  jusqu'à  la  dernière  eitrémité 
quand,  à  la  suite  d'une  correspondance  épistolaire  dans  laquelle 
il  faisait  des  reproches  à  Ibn-Othman,  qui  s'excusait  de  son  mieux, 
il  obtint  de  cet  officier  l'aveu  qu*ibn*6haxi  s'était  conduit  de  la 
manière  la  plus  inconvenante  dans  .ses  rapports  avec  la  cour  de 
Grenade.  Profilant  alors  de  ses  avantages,  il  lui  fit  proposer  de 
reconnattre  pour  souverain  un  fils  du  feu  sultan  Abou-Salem^ 
qui  se  trouvait  alors  détenue  Tanger  avec  plusieurs  autres  pria* 
ces  du  sang  royal  :  a  Établissez-le  comme  sultan,  lui  disait-il, 
»  dans  cette  communication,  donnez  ainsi  aux  musulmans  un 
B  chef  qui  ait  le  pouvoir  de  les  gouverner,  un  chef  qui  soit 
A  capable  de  parcourir  leur  pays  *  à  la  tête  d'une  armée  afin  de 
»  le  protéger.  Il  ne  faut  pas  les  laisser  sans  guide  et  sans  gar- 
»  dieu,  ni  les  tenir  soumis 'à  un  enfant  dont  la  souveraineté  ne 
»  saurait  être  valide  devant  la  loi,  à  cause  de  son  extrême  jeu- 
»  nesse.  Prenez  le  fils  d'Abou-Salem  pour  votre  sultan  et  réta- 
»  blissez4e  dans  les  droits  qu'il  tient  de  son  père.  Je  vous  sou- 
»  tiendrai  dans  cette  entreprise,  h  la  condition,, qu'une  fois  l'af- 
»  faire  engagée,  la  garnison  mérinide  évacuera  Gibraltar  et  me 
B  laissera  occuper  cette  forteresse.  Vous  m'enverrez  les  autres 
1^  princes  du  sang  qu'on  retient  prisonniers  h  Tanger  ;  je  les 
jt  garderai  chez  moi.  Vous  m'enverrez  aussi  Ibn-el-Khattb, 
B  quand  vous  serez  mattre  de  sa  personne.  » 

Ahmed-er-Boaïni,  l'agent  chargé  de  cette  négociation,  réussit 
à  obtenir  le  consentement  de  Hohammed-lbn-Othman  aux  de- 
mandes  d'Ibn-el-Ahmer.  Il  était  receveur  des  contributions  à 
Ceula  ;  sa  mère  avait  épousé  Abou-'I-Hacen  la  nuit  même  où  ce 
monarque  revint  en  Afrique  après  avoir  perdu  ses  femmes  au 
siège  de  Tarifa  ;  mais  elle  fut  renvoyée  k  sa  famille  aussitôt  que 


>  En  marge  d'un  des  manuscrits  on  trouve  la  leçon  a  (|  Xjb.Ls>» 
qui  doit  être  préférée  à  celle  du  texte. 


s  La  leçon  ua^^^  se  trouve  dans  un  de  nos  manuscrits. 


DYNASTIE   MÉRiNlDB.  —   BS-SAÎD  H.  407 

les  autres  femmes  du  sultan  lui  furent  arrivées  de  Fez.  Élevé 
dans  l^idée  que  cette  alliance  Tavalt  rendu  pupille  du  sultan,  Er- 
Roaïni  porta  la  vanité  jusqu'au  point  de  croire  qu'il  faisait  par- 
tie des  princes  du  sang,  nés  d'Abou-^-Hacen,  et,  se  voyant  alors* 
employé  comme  intermédiaire  entre  Ibn-Othman  et  le  souverain 
deGrenade,  il  espéra  obtenir  un  haut  commandement  dans  le 
Maghreb. 

  la  suite  de  cette  négociation,  Mohammed-'Ibn-Othman  monta 
achevai,  se  rendit  à  Tanger  et,  étant  allé  à  la  prison  où  Ton  rete- 
nait les  princes  du  sang,  il  en  fit  sortir  Âbou-'ï-Âbbas* Ahmed, 
fils  du  sultan  Abou-Salem,  le  proclama  sultan  et  décida  le  peuple 
è  jurer  fidélité  au  nouveau  souverain,  il  envoya  ensuite  aux  ha-*: 
bitants  de  Geuta  l'ordre  d'expédier  au  même  prince  un  acte 
d'hommage  et  d^obéissaoce.  La  garnison  de  Gibraltar  à  laquelle 
il  adressa  une  invitation  semblable,  donna  aussi  son  adhésion  à 
la  cause  d'Abou-'I-Abbas.  Alors,  le  même  officier  fit  prévenir  les 
habitants  de  cette  forteresse  que  son  souverain  avait  consenti  à 
les  laisser  rentrer  sous  l'autorité  d'Ibn-el-Ahmer.  Ce  prince,  qui 
s'était  retiré  à  Malaga  aprèsavoir  levéle  blocus  de  Gibraltar,  vint 
alors  et  prit  possession  de  la  place.  De  celte  façon,  les  Mérinides 
perdirent  la  seule  partie  do  l'Bspagne  qui  leur  était  restée.  Ibn-el- 
Ahmer  fit  alors  un  beau  présent  au  sultan  Abou-'l-Abbaset  lui 
envoya  de  plus  une  somme  d'argent  pour  subvenir  aux  frais  de 
la  guerre.  H  lut  fournit  aussi  un  détachement  des  volontaires  de 
la  foi. 

Nous  devons  faire  observer  que  Mohammed -Ibn-Othman, 
avant  de  quitter  Fez  et  de  prendre  congé  de  son  cousin,  le  vizir, 
lui  avait  conseillé  de  laisser  au  peuple  mérinide  le  choix  d'un 
imam  (  souverain  )  autour  duquel  toute  la  nation  pouvait  se 
rallier.  Us  avaient  même  délibéré  sur  ce  sujet  ;  mais  ils  s'étaient 
séparés  sans  pouvoir  en  venir  à  une  décision.  Après  avoir  livré 
Gibraltar,  Ibn-Otbman  essaya  de  justifier  sa  conduite  en  pré- 
tendant, dans  une  dépêche,  adressée  au  vizir,  qu'il  s'était  con-; 
formé  à  la  décision  prise  alors  et  qu'il  avait  agi  d'après  les 
instructions  de  ce  ministre.  Nous  devons  avouer  que  le  résvUat 
de  leurs  délibérations  à  cette  époque  est  resté  toujours  ui^mis- 
tère.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  vizir  tâcha  de  se  disculper  aux  yeux  du 


408  HISTOIRE    DBS     BIBBfiRM. 

public  en  (iëmeotanl  la  déclBration  d'Ibo-Olbinan  ;  il  (enta  même 
d'obtenir  de  celui-ci  l'abandon  de  l'entreprise  dans  laquelle  it 
s'était  engagé  et  la  réintégraiion  d'Abou-'l-Âbbas  dans  la  prison 
où  Ton  retenait  les  autres  prince  du  sang,  Ibn-Othman  repoussa 
cette  proposition  en  déclarant  que  la  nomination  du  nouveau 
souverain  avait  obtenu  l'approbation  de  fout  le  monde  ot  que 
citait  une  affaire  déjà  arrangée  et  terminée. 

Pendant  que  le  vizir  lbn*6hazi  cherchait  h  sortir  de  son  em- 
barras, il  apprit  qu'on  venait  d'envoyer  eu  Espagne  tous  les 
princes  que  l'on  détenait  à  Tanger  et  qu'ils  se  trouvaient  déjà  au 
pouvoir  dibn-el-Ahm'er.  Cédant  au  chagrin  qui  l'accablait,  it 
rompit  tout«à-fait  avec  Ibn-Otbman,  rejeta  le  sultan  que  celui-ci 
avait  fait  nommer  et  marcha  sur  Tèza.  Son  intention  était  d'en 
finir*  d'abordavecTémir  Abd-er-Rahman  et  de  tourner  ensuite 
sesarmes contre  les  insurgés  de  Ceuta.  Ayant  mis  le  siège*  devant 
Tèza,  il  y  tenait  Abd*er-Babman  étroitement  bloqué,  quand  Mo* 
bammed«-Ibn-Othman  profita  de  son  éloignemont  pour  tenter  t* 
conquête  du  Maghreb.  Il  avait  déjà  obtenu  d'Ibn^el- Ahmer  l'a|v- 
pui  d'une  armée  andalousienne,  marchant  sous  le  drapeau  de  ce 
sultan  et  commandée  par  Youçof-Ibn-Soltïiman-Ibn-Othman'^' 
lbn-Abi-1-Olâ,  officier  supérieur  du  corps  des  volontaires  de  h 
foi.  Il  avait  reçu  de  plus  un  détachement  d'archers  andalousiens, 
fort  d'environ  sept  cents  hommes.  Ibn-el-Ahmer  envoya  en 
mémo  temps  un  messager  à  Pémir  Abd-er-Rahman  pour  le  déci- 
der à  former  une  alliance  avec  le  sultan  Abou  ^'1-Abbas  et  à 
prendre  part  avec  lui  au  siège  de  Fez.  Par  suite  de  cet  arrange-^ 
ment,  Abou-'l-Abbas  devait  monter  sur  le  trône  do  ses  aïeux 
pendant  qu'Abd-er-Rahnian  irait  prendra  possession  de  la  pro- 
vince [do  Sidjilmessa]  où  son  grand-père  avait  régné. 

Mohammed-Ibn-Othman  partit  alors  pour  Fez  avec  son  Isultan 
dans  l'espoir  de  pouvoir  y  pénétrer  avant  le  retour  du  vizir. 


^  Il  faut  rejeter  la  leçon  proposée  dans  la  note  d;i  texte  arabe. 
^  Dans  le  teste  arabe  il  faut  sans  doute  Vte  J>^ 


DYNASTIE  VEltlNlDB. BS-SAÎD  11.  409 

Son  armée  était  déjà  parvenue  à  Casr-Âbd-el-Kertm  quand  ibn- 
Ghazi  eut  connaissance  du  projet,  leva  le  siège  de  Tèza  et  revint 
oamper  à  Rodia-t-el-Araïs^  auprès  de  la  capitale.  Averti  ensuite 
que  le  sultan  Abou-^l-Abbas  était  arrivé  à  Zerhoun,  il  marcha 
contre  lui  et  tâcha  de  le  chasser  du  haut  de  la  colline  où  il  s'était 
posté.Gettetentativen'eut  point  de  succès;  les  troupes  du  vizir 
reculèrent  en  désordre  ;  son  arrière-garde  fut  mise  en  déroute  et 
son  camp  tomba  au  pouvoir  de  Tennemi.  Obligé  do  prendre 
la  fuite,  il  alla  se  jeter  dans  la  Yille-Neuve  et  appela  à  son  se -^ 
cours  les  Aulad-Hocein.  D'après  ses  instructions,  celte  tribu 
arabe  devait  camper  à  Ez-Zltoun,  près  de  Fez  ,  et  attendre  jus- 
qu'à ce  quMl  pût  sortir  de  la  ville,  avec  ses  troupes,  et  aller 
les  joindre;  mais  l'émir  Abd-er-Eahman,  ayant  quitté  Tèza,  à  la 
tête  de  ses  Arabes,  les  Ahiaf,  rejeta  les  Hocein  dans  le  Désert  et 
vint  se  poster  en  vue  de  l'armée  arabe-zenatienne  qui  soutenait  le 
sultan  Abou«'l-Abbas.  Les  partisans  des  deux  princes  Grent alors 
venir  l'ami  et  conseiller  de  leur  famille,  Ouenzemmar-Ibn-Arif, 
qui  habitait  toujours  le  Casr-Morada,  château  qu'il  s'était  faitbâlir 
sur  le  Molouïa.  Quand  ils  l'eurent  mis  au  courant  de  leurs  arran^- 
gements  secrets,  il  leur  recommanda  de  rester  unis  et  d'agir  aveo 
ensemble;  puis,  dans  une  autre  réunion,  tenue  à  Ouadi-'n-NedJ9, 
il  leur  fit  jurer  de  combiner  leurs  efforts  contre  l'ennemi  com- 
mun et  d'assiéger  la  Yille-Neuve  ,  place  dout  la  chute  devait 
nécessairement  les  rendre  maîtres  de  la  personne  du  vizir. 

Dans  le  mois  de  Dou-'UCâda  775  (avril  mai  \  374),  ils  allèrent 
prendre  position  sur  le  Kodia-t-el-Araïs,  et  le  vizir  sortit  pour 
leur  livrer  bataille.  Le  combat  s'engagea  vivement  et  dura  pen- 
dant quelque  temps  ;  mais  enfin  l'armée  combinée,  soutenue  par 
sa  réserve,  marcha^en  avant,  culbuta  Tennemi  et  força  le  vizir 
à  rentrer  dans  la  ville:  ce  fut  même  à  grand'peine  qu'il  réussit 
à  s'échapper.  Le  sultan  Abou-'l-Abbas  établit  alors  son  camp  sur 
le  Kodia  ;  l'émir  Abd-er-Hahman  prit  position  visa  vis  de  lui,  et 
ils  travaillèrent  ensemble  h  entourer  la  Ville-Neuve  d'une  circon- 
vallation .  Par  des  alertes  souvent  renouvelées  ,  par  des  assauts  et 
d'autres  démonstrations  hostiles,  ils  tinrent  les  assiégés  dans  des 
alarmes    continuelles.  Ayant    alors    reou    d'Ibn-el-Ahmer    un 


« 


410  BiSTOIRB    DBS     BmfeRBS. 

renfort  de  troupes  andalousiennes,  ils  serrèrent  la  place  de  très* 
près  et  firent  dévaster  les  fermes  qu'lbn-el-Khatib  possédait  aux 
environs  de  Fez. 

Au  commencement  de  l'an  776  (juin  4374),  Mohammed-ibn* 
Otfaman  fit  inviter  secrètement  son  cousin, le  vizir  Âbou-Bekr-ibo- 
Ghazi,  h  rendre  la  ville  et  à  reconnaître  le  nouveau  sultan;  il  lui  fit 
aussi  observer  qu'il  ne  pourrait  soutenir  le  siège  plus  longtemps, 
qu'il  devait  avoir  perdu  l'espoir  d^étre  secouru  et  que  l'argent 
lui  manquait.  Ces  observations  décidèrent  le  vicir  à  se  rendre. 

L'émir  Âbd-er-Rahman  demanda  alors  aux  Mérinides  la  re- 
mise des  provinces  marocaines  en  échange  de  Sidjilmessa.  Ils  y 
consentirent  à  contre-cœur,  ne  pouvant  faire  autrement;  mais  ils 
conservèrent  Fespoir  d'annuler  cet  arrangement  par  quelque 
tour  d'adresse. 

Le  vizir  Ibn-Ghazi  sortit  de  la  ville,  se  présenta  devant  Abou- 
i-Abbas,  et,  l'ayant  reconnu  pour  son  souverain,  il  demanda  le 
pardon  qu'on  lui  avait  promis  et  la  permission  de  quitter  le  vizi- 
rat.  Le  sultan  agréa  celte  prière  et,  le  septième  jour  du  mois 
de  Moharrem  (20  juin  1 374),  il  fit  son  entrée  dans  la  Ville- 
Neuve.  Ce  même  jour,  l'émir  Abd-er-Bahman  partit  avec  Ali- 
Ibn-Omar-Ibn  Outghian,  cheikh  mérinide,  et  le  vizir  Ibn-Maçaî, 
afin  de  prendre  possession  de  Maroc.  Quelque  temps  après,  ce 
même  vizir  s'enfuit  à  Fez,  selon  l'engagement  qu'il  avait  pris  avec 
le  sultan  Abou-'l-Abbas et ,  s'élanl  fait  transporter  en  Espagne, 
il  fixa  son  séjour  dans  les  états  d'Ibn-el-Ahmer. 

Devenu  matlre  du  Maghreb,  le  sultan  Abou-'l-Abbas  prit  pour 
vizir  Hohammed-lbn-Othmdn-lbn-el-Kas  et  lui  laissa  tous  les 
soins  de  l'administration.  Ce  ministre  acquit  bientôt  une  grande 
influence  sur  l'esprit  de  son  matlre.  La  présidence  du  conseil  fut 
donnée  à  Soleiman-lbn-Dawoud  qui,  après  avoir  été  mis  en 
liberté  par  l'ordre  d'Ibn-Ghazi  et  en  être  devenu  le  confident  et 
l'homme  d'exécution,  avait  passé  aux  assiégeants  dans  le  moment 
où  ses  services  auraient  été  très-  utiles  à  son  patron.  Il  s'attacha 
au  sultan  Abou-'l-Abbas  qui,  ayant  alors  pris  des  mains  de  Mo- 
hammed-lbn-Olhman  les  rênes  du  pouvoir,  lui  accorda  la  prési- 
dence du  conseil  et  du  corps  des  cheikhs  mérinides. 


DTRASTIB  MlfiRiniDB.    —  ABOU-*L-ABBA8.  44  I 

La  meilleure  inlelligence  s^établit  alors  entre  le  gouvernemenl 
mérinide  et  celui  de  l'Andalousie  ;  Ibn-el-Ahmer,  ayant  mainte- 
nant sous  la  maiatous  les  princes  du  sang  mérinide,  devint  l'ar- 
bitre suprême  des  affaires  du  Maghreb. 

Quand  l'émir  Abd-er-Rahman  fut  arrivé  à  Maroc ,  les  Méri* 
nides  cherchèrent  à  éluder  les  conditions  du  traité  qu'on  avait 
fait  avec  lui,  relativement  à  cette  ville  et  aux  provinces  qui  en 
dépendent;  ils  soutenaient  que  ce  prince  était  lié  par  le  traité 
fait  antérieurement  et  qu'il  pouvait  s'en  aller  et  prendre 
possession  du  royaume  de  son  aïeul.  Ils  ajoutèrent  que  leur  con« 
sentement  ë  laisser  échanger  ce  royaume  contre  les  états  maro- 
cains leur  avait  été  arraché  par  la  force  des  circonstances.  Ils 
voulurent  même  entreprendre  une  campagne  contre  lui  ;  mais  ils 
y  renoncèrent  et,  en  l'an  776  (4374-5),  ils  signèrent  avec  ce 
prince  un  traité  de  paix  par  lequel  la  ville  d'Azemmor  devait 
marquer  le  point  de  séparation  entre  le  royaume  de^Fez  et  celui 
de  Maroc.  Baâsoun-Ibn-Ali-es-Sobeihi  reçut  alors  le  comman- 
dement de  cette  place  frontière  et  le  conserva  jusqu'à  sa  mort. 


MORT  D'lBlf-BL-KBATfB. 


Vers  le  commencement  de  l'an  776  (juin  4  374),  le  sultan  Abou- 
'1-Abbas  devint  maître  de  la  Ville-Neuve,  siège  de  l'empire,  et 
se  laissa  gouverner  par  son  vizir,  Mohammed-Ibn-Othman,  le- 
quel avait  pour  lieutenant  Soleiman-Ibn-Dawoud  ,  cheikh  des 
Beni-Asker,  arabes  nomades.  Proclamé  sultan  à  Tanger,  il  avait 
pris  envers  Ibn-el-Ahmer  l'engagement  de  .lui  livrer  Ibn-el-Kha- 
tlb^  ministre  transfuge  qui  avait  poussé  Abd-el-Azîz  à  tenter  la 
conquête  de  l'Andalousie. 

Après  avoir  quitté  Tanger,  le  sultan]  Abou-'l-Abbas  eut  une 
rencontre  avec  les  troupes  d'Abou-Bekr-Jbn-Ghazi  sous  les  murs 
de  la  Ville-Neuve  qu'il  avait  forcées  h  s'abriter  derrière  l^jurs 
remparts  et  à  soutenir  un  siège.  Ibn-el-Khatib  comprit  alors 
l'étendue  du  péril  qui  le  menaçait  et  s'enferma  dans  la  ville  avec 


412  HISTOIRE   DBS  BIIBBUS. 

le  vîiir.  Le  sultan  ayant  obtenu  possession  de  la  place ,  laissa 
Ibn-el'Khatfb  tranquille  pendant  quelques  jours  ;  puis,  il  le  fit 
arrêter  d'après  ïe^  conseils  de  Soleiman-lbU'Dawoud.  Ce  minis- 
tre portait  au  prisonnier  une  haine  mortelle  :  quand  Ibn-el- 
Ahmer  s'était  réfugié  en  Afrique,  il  avait  obtenu  de  ce  prince  la 
promesse  formelle  qu'aussitôt  rétabli  sur  le  trône,  il  le  nomme- 
rait commandant  des  volontaires  delà  foi;  étant  arrivé  plus 
tard  à  la  cour  de  Grenade  pour  y  remplir  une  mission  dont 
Omar-Ibn-Abd-Allah  l^avait  chargé,  il  demanda  Taccomplisse- 
ment  de  cet  engagement.  Ibn-el-Rhatîb  en  détourna  le  sultan;  lui 
ayant  représenté  que  cette  place  ne  pouvait  être  remplie  que  par 
un  descendant  d'Abd-el-Hack,  vu  que,  de  toutes  les  familles  ze- 
natiennes,  celle  de  ce  princp  était  la  plus  illustre.  Soleiman  rentra 
en  Afrique  le  cœur  aigri  par  ce  désappointement  et  brûlant  d'in- 
dignation contre  Ibn-el-Khattb.  Nommé  ensuite  gouverneur  de 
Gibraltar^  il  eut  à  tenir  une  correspondance  avec  ce  ministre  et, 
dans  ses  lettres,  il  ne  craignit  pas  de  lui  exprimer  le  fond  de  sa 
pensée.  Ibn-el-Kbatib,  de  son  côté,  y  répondit  de  la  façon  la 
moins  obligeante. 

Ibn-el-Ahmer  ayant  appris  l'arrestation  de  son  ancien  minis- 
tre, chargea  Abou-Abd-Allah-Ibn-Zemrok,  successeur  de  celui- 
ci,  d'aller  voir  le  sultan  Abou-'l-Abbas  et  d'exiger  la  punition 
du  transfuge.  Sur  la  demande  de  cet  envoyé,  le  sultan  mérinide 
fit  comparaître  Ibn-el-Khatib  devant  une  commission  composée 
de  grands  ofliciers  de  l'empire  et  de  plusieurs  conseillers  de 
i'élat.  Accusé  d'avoir  inséré  dans  quelques-uns  de  ses  écritscer- 
laines  propositions  mal  sonnantes,  le  prisonnier  eut  à  subir, 
d'abord  une  réprimande,  et  ensuite  la  question,  peine  qui  lui 
fut  appliquée  séance-tenanle  ;  puis,  il  fut  ramené  en  prison.  La 
cour  délibéra  alors  sur  le  point  de  savoir  si  lesdites  propositions, 
déjà  condamnées  par  un  jugement,  devaient  entraîner  la  peine 
capitale.  Quelques  jurisconsultes  de  l'assemblée  opinèrent  pour 
la  mort,  et  fournirent  ainsi  à  Soleiman- Ibn*Dawoud  l'occasion 
de  se  venger.  Par  ses  ordres  secrets  ,  quelques  misérables  qn  'îl 
avait  àsonservice,  ramassèrent,  de  nuit,  une  bande  de  la  populace  i 
emmenèrent    avec  eux    les  envoyés  espagnols,  forcèrent  les 


DTNASTIB   MÉRIHIDB.    —    ABOU-^'l-ABBAS.  443 

portes  delà  prison  et  étranglèrent  ibn-el-Rbattb.  Le  lendemain , 
on  l'enterra  dans  le  cimetière  de  la  porte  de  Mahrouc,  et  le  aur* 
lendemain,  on  découvrit  que  le  corps  avait  été  arraché  du  tom- 
beau afin  d'être  brûlé  sur  un  bûcher  :  il  était  couché  sur  le  bord 
de  la  fosse  ,  les  cheveux  en  avaient  été  consumés  et  la  peau  de 
la  figure  était  noircie  par  l'action  du  feu.  On  l'enterra  de  non-  ' 
veau,  et  ainsi  finirent  les  épreuves  d'Ibn-el-Khattb.  Le  public  en 
fut  indigné  et  n'hésita  pas  à  attribuer  cette  scandaleuse  profana- 
tion à  Soleiman,  à  ses  domestiques  et  aux  employée  de  son  admi- 
nistration* 
'     Pendant  les  jours  de  son  emprisonnement,  le  malheureux  Ibo- 

el-Khatib  (que  Dieu  liii  pardonne  ses  péchés  I  )  s'attendait  à  la 
mort  ;  il  eut  toutefois  la  force  de  rassembler  ses  pensées  et  de  com- 
poser plusieurs  élégies  sur  le  triste  sort  qu'on  lui  réservait.  Dans 
une  de  ces  pièces  il  s'exprimait  ainsi  : 

Bien  que  noz^  soyons  près  du  séjour  [terrestre] ,  nous  en 
sommes  maintenant  éloignés  I  arrivés  au  heu  de  rendez-^oUs 
[le  tombeau],  nous  gardons  le  silence  [pour  toujours]. 

Nos  soupirs  se  sont  arrêtés  tout-à'COiXp,  ainsi  ques^arréie 
la  récitation  de  la  prière  quand  on  a  prononcé  le  Konout^ 

Puissants  naguères,  nous  ne  sommes  plus  qu'ossements  ;  au^ 
trefois  nous  damnions  des  festins  ,  maintenant  noua  sommes  le 
festin  [des  vers]. 

Nous  étions  les  soleils  de  la  gloire;  mais  à  présent  ces  so^ 
leils  ont  disparu,  et  tout  l'horizon  nous  déplore^. 

Combien  de  fois  la  lance  n^a-^t-elle  pas  abattu  le  porteur 
d^épéel  combien  de  fois  le  malheur  n'a-t^il  pas  terrassé^^ 
l'homme  heureux! 


I  Le  Konout,  c'est  la  formule  inna  leka  canitoun  (nous  vout  sQmmes 
dévoués);  on  U  prononce  à  la  fin  de  la  prière  qui  se  fait  au  levQr  de 
l'aurore. 

*  Dans  le  texte  arabe,  il  faut  probablera^nt  lire  «::;v<>-Ui,  leçon 
qui  se  trouve  ^ans  un  des  manuscrits  et  dans  l'histoire  d'Ibn-ei^ 
Kbatlb. 

9  Dans  te  mot  ^«X^,  il  faut  supprimer  le  point  du  d 


41  i  HI6T0IEB   DBS   BBRBfcRBS. 

Combien  de  fois  a-t-on  enseveli  dans  un  haillon  l'homme 
dont  les  habits  remplissaient  plusieurs  malles  I 

Dis  à  nos  ennemis  :  Ibn^el-Khatib  est  parti  !  il  n'est  plus  ! 
et  qui  ne  mourra  donc  pas  ? 

Dis  à  ceux  qui  s'en  réjouissent  :  Réjouissez-vous  si  vous 
êtes  immortels*  ' 


soleimah-ibr-dawoud  sb  bbhd  en  aiidalousib  et  t  ebstb 

jusqu'à  sa  mort. 


SoIeimaD-Ibn-Dawoud  avait  senti  les  atteintes  de  l'adversité 
et  subi  les  vicissitudes  de  la  fortune;  aussi,  avait-il  toujours  la 
pensée  de  s'enfuir  en  Espagne  a6n  de  vivre  auprès  des  membres 
de  sa  tribu  qui  faisaient  partie  des  volontaires  de  la  foi.  En  Tan 
764  (4  359-60),  quand  le  sultan  Ibn-el«Ahmer  arriva  à  Fez,  après 
avoir  été  détrôné,  et  qu'il  sollicita  la  protection  du  sultan  Âbou- 
Salem,  Soleiman  profita  de  cette  occasion  pour  obtenir  du  mo- 
narque déchu  la  promesse  d'être  attaché  à  sa  personne  et  d'être 
nommé  plus  tard  au  commandement  des  volontaires.   Ibn-el- 
Abmer  étant  remonté  sur  le  trône  de  l'Andalousie,  Soleiman 
parut  à  Grenade,  l'an  766,  chargé  ostensiblement  d'une  mission 
par  le  vizir  Omar-Ibn-Abd-Allah  ;  mais  le  véritable  but  de  son 
▼oyage  était  de  réclamer  l'exécution  de  la  promesse  dont  nous 
venons  de  parler.  Ibn-el^Rhattb  s'y  opposa  et  fit  comprendre  au 
sultan  que  le  commandement  du  corps  des  volontaires  devait 
toujours  appartenir  à  un  prince  du  sang,  descendu  d'Abd-el- 
Hack,  vu  que  les  membres  de  cette  famille  formaient  un  parti 
très*puissanten  Andalousie.  Soleiman,  voyant  son  espoir  frustré, 
revint  auprès  de  celui  qui  l'avait  envoyé  en  Espagne  ;  mais  il 
garda  toujours  une  profonde  rancune  contre  Ibn-el-Rha(tb. 

Sous  le  règne d'Abd-el-Aztz,  il  tomba  en  disgrâce  et  resta  en 
prison  jusqu'à  la  mort  de  ce  souverain.  Il  dut  sa  liberté  au  ré- 
gent de  l'empire,  Abou-Bekr-lbn-Ghazi,  qui  espérait  se  mainte- 
nir au  pouvoir  avec  l'appui  d'un  personnage  aussi  influent.  Lors 


DTIfASTlB    MÉRINIDB.  — *    ABOU-'L-ÀDBAS.  445 

cIq  siège  de  la  Yille-Neuvo,  Soleiman  abandonna  son  patron, 
passa  dans  le  camp  du  sultan  Abou*'l-Âbbas,  et,  par  cette  défec- 
tion,  eotratna  la  reddition  de  la  place. 

Au  commencement  de  Tan  776  (juin-juillet  1374).  Abou-'l- 
Abhas  occupa  la  Ville  Neuve  et,  s'étant  établi  sur  le  trône,  il 
éleva  Soleiman  au  rang  de  conseiller  d'état  et  le  chargea  d'aider 
le  vizir  Mohammed-Ibn-Othman,  h  soutenir  le  fardeau  de  Tad- 
ministration.  Bien  que,  dans  cette  position,  Soleiman  Ht  toujours 
prévaloir  ses  avis  dans  le  conseil,  il  n'en  chercha  pas  moins  Poe- 
casion  de  se  rendre  en  Espagne.  Pour  effectuer  son  projet,  il  se 
mil  à  cultiver  la  faveur  du  sultan  Ibn-eI*Ahmer,  et,  sachant  com* 
bien  ce  prince  détestait  Ibn-el-Khatib,  il  poussa  le  vizir,  Moham- 
med-Ibn-Othman,  à  ordonner  la  mort  de  ce  ministre. 

Après  avoir  travaillé  avec  zèle  pour  les  intérêts  d'Ibn-el*Ah-> 
mer,  il  obtint,  en  l'an  778  (1376-7),  une  mission  pour  la  cour 
de  Grenade.  Dans  ce  voyage,  il  (il  route  avec  Ouenzemmar*Ibn- 
Arîf.  Le  sultan  leur  accorda  les  honneurs  dus  h  leur  rang  et  les 
traita  avec  la  plus  haute  distinction.  A  peine  les  deux  envoyés 
eurent-ils  entamé  l^aiTaire  dont  ils  étaient  chargés,  queOuenzem« 
mar  se  fit  donner  un  ordre  écrit  de  la  main  du  sultan,  ordre  par 
lequel  tous  les  capitaines  de  la  flotte  devaient  faciliter  le  passage 
du  porteur  en  Afrique.  Il  sortit  alors,  sons  le  prétexte  d'aller  k 
la  chasse^  et,  s'étant  rendu  h  Malaga,  il  présenta  celte  pièce  au 
commandant  de  la  flotte.  Conduit  à  Centa  par  cet  oflScier,  il  s'en 
alla  chez  lui.  Quant  à  Soleiman,  il  prit  le  parti  de  rester  avec  Ibn- 
el-Ahmer,  dont  il  devint  bientôt  l'ami  et  le  conseiller.  Pendant 
le  reste  de  sa  vie,  il  conserva  la  confiance  de  ce  prince.  Sa  mort 
eut  lieu  en  l'an  781  (1379-80). 


LB    TlZia   IBN-GHAZl   BST   DÉPOBTÉ    ▲   MAÏOBQCB.    —    RENTBlft    BIf 
VAGBBBB,    IL    SB   UBT  BN    RfiVOLTB    ET   TROUVB   LA  MORT. 


AboU'Bokr-Ibn-Ghazi,  se  voyant  étroitement  bloqué  dans  la 
Ville-Neuve,   reconnut,  après  avoir  épuisé  ses  trésors  et  même 


446  HISTOIRE    DBS   BBRBftRBS. 

ceux  de  son  sultan,  qu'il  ne  pouvait  échapper  h  ses  eDQemis. 
Dans  cette  position  critique,  il  accueillit  les  conseils  que  Moham- 
med-Ibn-Olhman  lui  faisait  parvenir  du  camp  des  assiégeants  et 
consentit  à  rendre  la  place  moyennant  la  vie  sauve.  S^étant  alors 
présenté  devant  le  sultan  Âbou-U-Abbas,  il  obtint  une  sauve- 
garde signée  de  la  main  de  ce  prince.  Rentré  ensuite  à  Fea,  il  alla 
s'installer  chez  lui.  Le  sultan  [Mohammed-es-Said]  qu'il  avait 
placé  sur  le  trône  et  qu'il  venait  de  livrer  au  vizir  Mohammed* 
Ibn-Othman,  fut  mis  en  détention,  sous  bonne  garde,  et,  quel- 
que temps  après,  on  l'envoya  joindre  les  autres  princes  du  sang 
qn'lbn-el-Ahmer  retenait  à  Grrena de.  Le  sultan  Abou-'l-Abbas, 
devenu  maître  du  trône  et  de  la  capitale,  fit  aussitôt  acte  d'auto- 
rité en  expédiant  ses  ordres  dans  toutes  les  parties  de  l'empire. 

Bien  qu'Ibn-Ghazi  évitât  de  se  montrer  en  public,  toutes  les 
espérances  étaient  fixées  sur  lui,  et  les  courtisans  eux-mdmes  se 
pressaient  à  sa  porte.  Ces  démonstrations  éveillèrent  les  appré- 
hensions des  ministres  ,  au  point  qu'ils  travaillèrent  l'esprit  de 
leur  maître  contre  l'ex-viiir  et,  vers  la  fin  de  l'an  776  (1374-»5), 
ils  obtinrent  de  lui  l'ordre  de  conduire  à  Gbassaça  cet  homme 
dangereux  et  de  l'embarquer  de  là  pour  Haïorque. 

Ibn-Ghazi  passa  quelques  mois  dans  cet  île  ;  puis  il  parvint 
à  fléchir  le  vizir,  Mohammed-lbn«Othman,  auquel  il  adressa  plu- 
sieurs lettres,  et  se  fit  donner  l'autorisation  de  rentrer  en  Ha- 
ghreb  et  de  se  fixer  Ghassaça.  Au  commencement  de  l'an  777,  il 
débarqua  à  ce  port  dont  on  lui  avait»  donné  le  commandement  et, 
cédant  aux  inspirations  de  son  génie  ambitieux^  il  ne  cacha  plus 
la  jalousie  qu'il  portait  à  son  cousin  le  ministre  de  Pempire. 
S'étant  adresséau  sultan  Ibn-el-Abmer,  il  chercha  à  se  le  con- 
cilier par  de  riches  présents  et,  pour  détourner  les  soupçons 
d'lbn-Othman,il  exprima  à  ce  vizir  le  désir  d'être  rappelé  h 
Fez.  Bien  que  Ouenzemmar-Ibn^Arif  eût  donné  une  espèce  d'ap- 
pui à  cette  demande,  Ibn-Othman  y  refusa  son  consentement  et 
parvint  même  à  indisposer  le  sultan  contre  celui  qui  l'avait  faite. 
Ayant  alors  obtenu  la  révocation  des  concessions  qu'lbn-Gliari 
devait  à  la  bonté  du  prince,  il  rassembla  les  contingents  arabe^ 
en  l'an  779  (4377-8)  et  marcha  contre  lui. 


DTNASTIK   MÊEINIDB.    —    ABOU-'L-ABBAS*  447 

Ibo-Ghazi,  de  soo  c6té,  s'empressa  de  lever  des  troupes  par- 
mi les  tribus  arabes  ;  il  distribua  tout  soo  argent  aux  Ahlaf, 
fraction  de  latribu  des  Maktl,  et,  les  ayant  réunis  autour  de  son 
<lrapeau,  il  sortit  de  Ghassaça.  Après  leur  avoir  soufflé  Tesprit 
de  la  révolte,  il  leur  fit  reconnaître  pour  souverain  un  homme 
qu'il  avait  choisi  parmi  les  Arabes  nouvellement  venus  dans 
le  pays  et  qui  prétendait  être  le  fiU  du  sultan  Abou  -  4  - 
Hacen. 

A  cette  nouvelle,  le  sultan  Abou-'l-Abbas  partit  à  la  télé  d'une 
armée  et  prit  position  a  Tèza.  L'aspect  des  troupes  mérinidos  et 
des  corps  de  milice  suffit  pour  faire  prendre  la  fuite  aux  Arabes, 
et  Ibn-Ghazi  ne  put  échapper  qu'à  grand'peine  aux  gens  qni 
^'étaient  mis  à  sa  poursuite.  Ouenzemmar-Ibn-Arîf  le  décida 
enfin  à  sortir  du  sentier  delà  révolte  et  à  s'humilier  devant  la 
puissance  de  l'empire  ;  il  Je  conduisit  auprès  du  sultan  qui  en- 
voya le  prisonnier  à  Fer,  sous  escorte. 

< L'avant-garde  de  l'armée  mérinide  poussa  jusqu'au  Molouïa 
et  inspira  une  telle  frayeur  au  souverain  de  Tlemceu  qu'il  dé- 
pêcha plusieurs  de  ses  parents  et  de  ses  courtisans  au  camp  du 
sultan.  Celte  députation  employa  tantde flatteries,  lantd'adresse, 
^our  calmer  le  prince  mérinide,  qu'elle  obtint  de  lui  un  Iraité  de 
paix  signé  de  sa  main. 

Abou-'l-Abbas  envoya  alors  des  agents  du  fisc  dans  toutes  ses 
provinces  et  recueillit  ainsi  des  impôts  à  souhait.  Rentré  dans 
sa  capitale,  il  donna  l'ordre  défaire  mourir  Ibn-Ghazi.  Ce  mal- 
heureux fut  poignardé  dans  la  prison  où  on  le  retenait  et  four- 
•iiit,  par  sa  triste  fin,  un  nouvel  exemple  des  vicissitudes  de  ta 
fortune. 

Après  avoir  établi  son  autorité  dans  toutes  les  parties  de  l'em- 
pire, le  sultan  Abou-'l-Abbas  conclut  un  traité  de  paix  et  d'ami- 
lié  avec  l'émir  Abd-er-Rahman,  souverain  de  Maroc.  Depuis 
lors,  ces  princes,  ainsi  qu'Ibn-el-Ahmer,  sullan  de  l'Andalousie, 
ont  continué  à  s'envoyer  régulièrement  des  présents,  les  uns  aux 
autres  ;  la  tranquillité  n'a  pas  cessé  de  régner  dans  le  Maghreb 
et ,  jusqu'au  moment  où  nous  avons,  fait  la  révision  de  cet 
ouvrage,   c'est-à-dire,   vers  la   fin  de  Tan  781   (mars-a^ril 

T.  4V,  27 


448  BISTOIBB   DES   tBEB&BBS. 

a 

4360)  \  tout  le  monde  y  vit  dans  le  bonhear,  avec  Tassarance 
d'uD  avenir  heureux. 


LÀ     GUCBBB    ËCLATB     ENTBB     ABD-BB  -  BABÏAN  ,     SOCYBBAIlf    DB 

BABOC,    ET  AIOC-VaBBAS,    SLLTAN  DR   FEZ.  ABD-EB-BAOHAN 

s'ebpabb    d'azemvob  dokt   il  TUB  LB  GOOTEBREUB,   BASSOUN- 

IBN-ALI. 


Âli-ibn-Omar,  cheikh  des  Beni-Outghian,  fraction  de  la  tribu 
des  Ourladjen,  avait  embrassé  le  parti  de  Pémir  Abd-er-Rah- 
man  h  Pépoquc  oii  ce  prince  arriva  d'Espagne  et  s^cmpara  de 
Tèza.  Il  assista  avec  lui  au  siège  de  la  Yitle-Neuvo  et  Taccompa- 
,  {^na  ensuite  à  Maroc.  Devenu  alors  le  conseiller'  intime  de  son 
mattrc  et  le  premier  officier  de  l'empire,  il  chercha  h  se  venger 
d'un  anr^ien  ennemi,  Khalod-Ibn-lbrahtm-el-Melzari  «,  cheikh 
des  Haha,  tribus  masnioudicnncs  établies  entre  Maroc  et  la  pro- 
vince de  Sous. 

Quand  le  vizir  Ibn-Ghazi  s'empara  du  pouvoir,  après  la  mort 
du  sultan  Abd-el-Azîz,  Ali-lbn-Omar  lui  refusa  obéissance  et  se 
relira  dans  le  Sous.  Pendant  qu'il  traversait  le  territoire  de  Kha- 
led-lbn-lbrahîm,  il  fut  attaqué  par  ce  chef  et  perdit  plusieurs 
bétcs  do  somme,  ainsi  qu'une  grande  partie  de  ses  bagages.  Il 
eut  (oulefcis  le  bonheur  daltoindre  le  lieu  d'asile  qu'il  s'était  mé- 
nagé dans  colle  province  cl,  dcs-lors,  il  nourrit  une  haine  pro- 
fonde contre  Khalcd.  Quand  Abd  er-Rahman  quitta  l'Espagne  et 
pénétra  aux  environs  de  Tèza  ,  Alilbn-Omar  résolut  d'embras- 
ser le  parti  de  cet  émir  :  il  appela  auprès  de  lui  les  cheikhs  des 


*  Quelques  années  plus  tard  notre  auteur  ajouta  plusieurs  chapi- 
tres à  son  ouvrage.  Ces  additions  portent  la  date  de  796  (1393-4) 
Klies  se  trouvent  dans  notre  édition  du  texte  arabe  et  de  la  traduc- 
tion. 

^  L'orthographe  de  ce  nom  est  incertaine. 


k. 


DYNASTIE    MtRIKIDE.; —    ABOU-^L-ABBAS.  ^ 

tribus  makilienncs,  se  rendit  avec  eux  au  milieu  de  ces  nomades 
et,  pendant  le  temps  quMI  y  resta  ,  il  travailla  dans  les  inté- 
rêts du  prince  dont  il  s'était  déclaré  le  partisan.  Ensuite^  il  alla 
joindre  son  nouveau  maître  ,  qui  assistait  alors  le  sultan  Abou- 
'i^Abbas  è  faire  le  siège  de  la  Yille^Neuve.  Vers  le  commence- 
ment de  Tan  776  (juin  4374),  cette  place  tomba  au  pouvoir  du 
sultan,  et,  par  suite  des  arrangements  que  les  deux  princes 
avaient  faits,  Témir  Abd-er-Rahman  partit  pour  Maroc.  Ali-lba- 
Omar  Taccompagna  et,  à  leur  arrivée  dans  cette  capitale,  il  de- 
manda l'autorisation  d'ôter  la  vie  h  Khaled  -Ibn-Ibrahim,  Sur  le 
refus  de  Témir,  il  éprouva  un  vif  mécontentement,  mais,  sa- 
chant dissimuler,  il  ne  laissa  rien  paraître  de  ses  véritables  sen- 
timents. Quelques  jours  plus  tard,  il  se  rendit  dans  la  montagne 
des  Oqrtka  pour  y  arranger  quelques  affaires  administratives  et, 
profitant  de  celte  pccasion,  il  donna  à  son  petit-fils,  Amer-ibn- 
Hobammed,  Tordre  d'assassiner  Khaled.  Peu  de  temps  après, 
Amer  rencontra  ce  chef  aux  environs  do  Maroc  et,  l'ayant  tué,  i( 
s'enfuit  h  Ourtka,  auprès  de  son  grand-père.  L'émir  Abd-er-Rah- 
man  employa  les  voies  de  la  douceur  pour  ramener  les  deux  fu- 
gitifs et,  après  avoir.envoyé  plusieurs  messages  très- rassurants, 
il  monta  lui-même  à  cheval  et  alla  les  chercher.  Ali-Ibn-Omar, 
auquel  il  rendit  son  amitié,  quitta  la  montagne  avec  lui  et  revint 
h  Maroc.  Pendant  quelques  jours,  il  resta  auprès  du  souverain; 
puis,  cédant  à  ses  appréhensions,  il  sortit  de  la  ville  et  se  réfugia 
dans  Azeromor. 

Hassoun-Ibn-Ali-es-Sobeihi,  commandant  de  cette  forteresse, 
céda  aux  instances  d'Ibn-Omar  et  fit  avec  lui  une  irruption  dans  le 
territoire  des  Sanhadja,  région  qui  compte  au  nombre  des  pro- 
vinces marocaines.  L'émir  Abd-er-Rahman  donna  à  son  cousin, 
Abd-el-Rerim,  l'un  des  grands  officiers  de  l'empire,  l'ordre  de 
repousser  les  envahisseurs.  Ce  fonctionnaire  appartenait  à  la  fa- 
mille royale,  son  pèt^  Ëïça  étant  fils  de  Soleiman,  fils  de  Hanspur, 
fils  d'Abou  -Mélek  -  Abd  -  el  -  Ouahed,  fils  de  Yacoub  ,  ftls 
d'Abd-el-Hack.  Accompagné  de  Mansour ,  affranchi  de  l'émir 
Abd-er-Rahman,  il  marcha  contre  Ali-Ibn-Omar  et  le  rejeta  dans 
Azemmor,  après  avoir  disperse  les  banJes  el  saisi  les  tentes  et 


4S0  HISTOIRE   DBS   BERBÊKSS. 

les  bagages  de  ce  perlurbaieur.  Ali-lbn-Omar  parlit  alors  pour 
la  cour  de  Fez  avec  Hassoun-es-Sobeibi. 

Pendant  ces  derniers  événements,  un  traité  de  paix  s'était  né- 
gocié entre  les  sultans  de  Maroc  et  de  Fez;  ce  qui  obligea  Âli-Ibn- 
Omar  h  rester  dans  celte  dernière  ville  et  permit  à  Hassoun  de  re- 
partir pour  Azemraor.  Un  peu  plus  tard,  ce  traité  fut  rompu. 

L*émir  Abd-er-Rahman  avait  alors  à  son  service  deux  frères 
appartenante  la  famille  de  Mohammed -Ibn-Yacoub-Ibn -Hassan  • 
es-Sobeihi,  lesquels  se  nommaient,  Taîné,  Ali  et,  le  cadet,  Ahmed. 
Ces  deux  hommes  se  complaisaient  dans  les  actes  de  violence  et 
de  brigandage.  Aliassaj^sinason  cousin,  Ali-Ibn-Yacoub-lbn  Ali- 
Ibn-Hassan.  Mouça,  frère  de  oo  dernier,  obtint  du  sultan  Tauto- 
risalion  de  se  venger  et  tua  le  meurtrier.  ^Ahmed  fut  outré  de 
colère  en  apprenant  la  mort  de  son  frère  cl  résolut  d'ôter  la  vie  à 
Mouça.  Instruit  du  dan;^er  qui  le  menaçait,  celui-ti  courut  se  ré- 
fugier auprès  de  Yacoub-lbn  Mouça-Ibn-Séïd-en-Nas ,  grand 
chef  des  Beni-Ouangacon  et  hoau-frère  de  l'émir  Abd-er-Rahman; 
puis,  au  bout  dequelques  jours,  il  s'enfuilh  Azemmor.  La  guerre 
ayant  éclaté  de  nouveau,  rémir  Abd-er-Rahman  marcha  sur 
cette  ville,  l'emporta  d'assautol  la  livra  au  pillage,  après  en  avoir 
tué  le  gouverneur,  tlassoun-Ifen-Ali,  qui  avait  essayé  en  vain  de 
lui  résister. 

A  la  nouvelle  de  cet  événement,  le  sultan  Abou-1-Abbas  quitta 
Fezetconduisit  son  armée  jusqu'à  Salé.  Delà,  il  se  mit  à  la  pour- 
suite d' Abd-er-Rahman  qui  avait  rebroussé  chemin  pour  attein- 
dre Maroc,  et,  s'étant  porté  dans  la  plaine  d^Aguelmtm,  aux  en- 
virons  de  cette  ville,  il  y  resta  environ  trois  mois  et  livra  plu- 
sieurs combats  aux  troupes  de  son  adversaire.  On  entra  nioiçs  en 
pourparlers  et  la  paix  se  rétablit.  D'après  le  traité  qui  fut  dressé 
à  cette  occasion,  les  deux  empires  [de  Fez  et  de  Maroc]  devaient 
conserver  les  mômes  limites  qu'auparavant. 

Le  souverain  de  Fez  étant  rentré  dans  «es  états,  chargea  Et- 
Hacen-lbn-Yahya-Ibn-Hassoun  d'aller  prendre  le  commande- 
ment d'Azeninior.  Eî-Hacen  appartenait  à  la  tribu  sanhadjienne 
qui  occupait  les  environs  de  cette  forteresse.  Depuis  l'établisse- 
în,'nl  de  l'ernpire  des  Mériiiiiles,  ?a  famille  avait  toujours  été  à 


CYNASTIB   MÉRINIDB.  AROU-'L*ABBÀS.  421 

leur  service.  Son  père,  Yahya,  fut  employé  par  le  sultan  Abou-'l- 
Hacen  comme  percepteur  d'impôts  àÂzemmor  et  ailleurs  ;  il  mou- 
rut à  Tunis,  dans  Texercice  de  ses  fonctions,  è  l'époque  où  Abou- 
'1-Hacen  occupait  cette  capitale.  Ses  enfants,  dont  il  laissa  plu- 
sieurs, obtinrent  tous  des  emplois  semblables  au  sien.  Son  fils, 
£l-Hacen,  celui  dont  nous  venons  de  parler,  embrassa  le  service, 
militaire  et  remplit  plusieurs  commandements  analogues  au  mé- 
tier qu'il  avait  adopté.  Quand  Abou-'l-Abbas  fut  proclamé  à 
Tanger,  EUHacen,  qui  était  alors  gouverneur  d'El-Casr-el-Kebîr, 
s^empressa  de  reconnaître  l'autorité  du  nouveau  sultan  ;  il  mar- 
cha  même  sous  ses  ordres  et  assista  h  la  prise  de  la  capitale. 
Chargé  ensuite  d'autres  commandements  militaires,  il  finit  par 
obtenir  celui  d'Azemmor. 

Parlons  à  présent  delà  famille  des  S)beih.  Hassan,  l'aïeul  de 
cette  maison,  appartenait  à  la  tribu  des  Sobeih,  fraction  des 
Soaeid.  Quand  Abd-Allah-Ibn<-Kendouz,  chef  des  Beni-Gommi, 
tribu  abd-el-ouadite,  quitta  Tunis  et  se  rendit  h  Tendjedâ  *  « 
auprès  de  Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack,  il  avait  pour  gardien  de  ses 
chameaux  le  Hassan  dont  nous  venons  de  mentionner  le  nom. 
Ayant  obtenu  du  gouvernement  riiérinide  la  concession  d'un  ter- 
ritoire dans  une  des  provinces  marocaines,  à  la  charge  de  soi- 
gner les  chameaux  que  le  sultan  faisait  entretenir  par  les  peupla- 
des pasteurs  du  Maghreb,  il  rassembla  en  un  seul  troupeau  tous 
ces  animaux  qui,  jusqu'alors,  se  trouvaient  éparpillés  dans  diver- 
ses tribus,  et  les  contia  a  la  garde  de  ses  propres  chameliers. 
Hassan,  qui  était  à  la  léie  do  ce  corps  de  serviteurs,  eut  dès  lors 
l'occasion  de  causer  avec  le  sultan  au  sujet  de  ces  bêles  de  somme 
etde  le  tenir  au  courant  de  leur  état.  Cela  lui  procura  l'avantage 
d'être  connu  du  souverain  et  d'arriver  à  la  fortune.  Il, devint 
trésor iche  et  mourut  dans  une  extrême  vieillesse.  Ses  enfants 
furent  élevés  à  la  cour,  au  milieu  des  grandeurs,  et  passèrent 
ensuite  par  diverses  charges,  tout  en  conservant  la  garde  de^ 


•Localité  dos  environs  do  la  ville  de  Maroc.  —  Voy.  sur  Ic: 
Beni-Gommi,  t.  m,  p.  49'2. 


493  HISTOIRE   DES   BERBEEES> 

troupeaux  da  sultan.  Jusqu'à  nos  jours,  les  membi^s  de  cette  fch- 
mille  se  sont  partagés  le  mdme  emploi ,  comme  un  héritage, 
et  ont  rempli  plusieurs  autres  fonctions  au  service  du  gou^ 
vemement  mérinide.  Hassan  eut  (rois  fils  ' ,  Ali ,  Tacoub 
et  Talfaa ,  aïeux  des  branches  de  la  famille  Sobeih.  Leurs 
descendants  exefceftit  encore  la  surintendance  des  tribus  pas- 
teurs, h  Tinstar  de  leurs  ancêtres ,  et  conservent  toujours  le 
droit  de  garder  les  chameaux  dont  le  sultan  se  sert  pour  le 
transport  de  ses  bagages.  Ils  sont  maintenant  très-nombreux  et 
jouissent  d'une  grande  considération  à  cause  de  la  haute  posHioft 
qu'ils  occupentdans  Tempire. 


El   GtJBtSB   tCLATB     POUB   LA    SBCOHDB     FOIS   BHTBB    LES    SOCtERAIllS 
DE   FEZ    BT   DE    BABOC.  -^-  SIÈGE    DB  MABOC    BT  BftTABLlSSEMBlIT 

'  DE   LA   PAIX. 


Le  sultan  Âbou-*I-Abbas  repartit  pour  Fez  après  avoir  conclu 
un  nouveau  traité  de  paix  avec  Abd-er-Rahman,  mais,  comme 
cet  émir  demanda  ensuite  la  cession  des  provinces  sanhadjiennes 
et  dokkaliennes,  il  se  trouva  obligé  d'envoyer  au-devant  de  lut 
EI-Bacen-lbn-Yahya,  gouverneur  d*Azemmor  et  des  lieux  voi- 
sins. Cet  officier  devait  s'opposer  aux  tentatives  que  Véunv  pour- 
rait diriger  contre  ces  deux  contrées .  mais,  étant  mal  disposé 
pour  le  gouvernement  de  Fez,  il  eut  à  peine  rencontré  son  adver- 
saire qu'il  prit  rengagement  de  le  seconder  et  de  lui  livrer  les 
territoires  qu'il  aurait  dû  proléger.  Abd-er-Bahman  ayant  aug- 
menté sa  puissance  de  cette  manière,  résolut  d'entamer  des  hos- 
tilités contre  le  sultan  de  Fez  et,  pour  avoir  un  prétexte  de  faire 
la  guerre,  il  exigea  que  l'Omm-Rebiâ  formât  désormais  la  ligne 
de  séparatiojfi  entre  les  deux  empires.  Comme  cette  demande  fut 
repoussée  avec  indignation,  il  quitta  M«rocà  la  tête  d'une  armée 


^  Lisez  oJjjJl  dans  le  texte  arabe. 


DTNASTIB  HÉftlMIDB. —  ADOU-'L-ABBAS.  423 

elS6  fit  remettre  la  villo  d'Azemmor  par  El-Uaceo-lbn-Yahya* 
Alors,  d'après  ses  ordres,  rafTranchi  Mansour  alla  prendre  pos- 
session d'Ânfa  et  imposer  une  forte  contribution  sur  le  gouver- 
neur, lecadi  et  bs  principaux  habitants  de  la  ville.  A  celle  nou- 
velle, le  sultan  Abou-'l-Âbbas  sortit  de  Fez  et  conduisit  son 
armée  à  Salé.  Mansour  se  hâta  d  évacuer  Anfa  et  d^opérer  sa 
jonction  avec  Abd-er-Rahman,  qui  ne  tarda  pas  aussi  à  quitter 
Azemmor  afin  de  se  replier  sur  Maroc.  Le  sultan  de  Fez  continua 
sa  poursuite  et,  arrivé  au  Cantera-t->el-Ouadi  [pont^^ela  rivière), 
endroit  situé  près  de  Maroc,  à  la  distance  d'une  portée  de  flèoboi 
il  s'y  arrêta  pendant  cinq  mois  et  tint  la  ville  assiégée. 

Le  sultan  Ibn-el-Ahmer  eut  connaissance  de  ces  événements 
el  chargea  son  conseiller  intime,  le  vizir  Abou^'l-Cacem-'lbn-el^ 
Hakim-er-Rondi,  d'aller  mettre  un  terme  aux  hostilités.  Les 
deux  rivaux  donnèrent  alors  leur  adhésion  h  uu  traité  de  paix 
dont  un  des  articles  portait  que  le  sultan  de  Fez  emmènerai^ 
comme  otages  les  princes  Hafod  et  EUHacen,  tous  deux  fils  do 
Témir  Abd-er-Rahman. 

Quand  Abou-4-Abbas  fut  rentré  h  Salé ,  un  grand  nombre  de 
Mérinides  et  d'autres  personnages  marquants  vinrent  le  joindre, 
après  avoir  abandonné  le  service  de  son  adversaire;  Parmi  ces 
transfuges  on  remarqua  Ahmcdlbn-Mohammed-ibn-Yacoub-es- 
Sobeihi,  lequel,  ayant  rencontré  en  roule  Dja-el-Khaber,  affran- 
chi de  l'émir  Abd-er-Rahman,  l'avait  contraint  à  l'accompagner. 

On  y  vit  aussi  Yacoub-Ibn-Séïd-en-Nas,  chef  des  Oungacen, 
Abou-Rekr-Ibn-Rahhou,  petit-fils  d'£l-Hacen-Ibn-Ali-Ibn-Abi- 
Talac,  Mohammed-Ibn-Masoud-el-Idrici  et  Zlan,  fils  d'AIi^lbn- 
Oiuar-el-Outaci.  Le  sultan,  qui  était  encore  à  Salé,  accueillit  tous 
ces  chefs  avec  de  grands  égards  et  s'en  retourna  alors  à  Fez. 

ALI  -fBN-ZfiKÉRÏA ,     CHEF    DES    UESEOURA  ,     SE     MET    EN    RBTQ^TB 

CONTRE     l'émir     ABD  -  ER-RAOlIAIf     ET     ASSASSINE      L'aFFRANCHI 

I9ANSOUR.  —  [siège    de   UAROC   et   mort   d' ABD-ER-RAHMAN.] 


Le  sultan  rentra  dans  sa  capitale,  après  avoir  pu  reconrattre, 


m 

KU  RISTOIBB    DES   BERBÈRES. 

a«x  défections  qui  veQaient  d'avoir  lieu,  que  le  royaume  de  Ma-* 
roc  devait  bientôt  succomber,  et,  l'émir  Abd-er-Rahman,  se  vo- 
yant abandonné  par  ses  principaux  soutiens,  cessa  de  compter 
sur  la  fidélité  *  de  ses  troupes  et  se  retraucha  dans  la  ville.  Il  en- 
toura la  citadelle  d'une  muraille  et  de  plusieurs  fossés,  trahis- 
sant ainsi  l'affaiblissement  de  sa  puissance.  Âli-Ibn*ZékérYa, 
grand  cheikh  des  Beskoura,  lequel  avait  embrassé  la  cause 
de  l'émir  lorsque  ce  prince  eut' pris  possession  de  Maroc,  cher- 
cha alors  à  so  raccommoder  avec  le  sultan  de  Fez,  let  parvint  2t 
faire  agréer  sa  soumission.  L'affranchi  Mansour,  auquel  Àbd*er- 
Rahman  donna  l'ordre  d^aller  voir  ce  chef  et  de  le  ramener 
par  la  douceur,  tomba  dans  une  embuscade  dressée  par  celui- 
même  auprès  duquel  il  so  rendait,  et  perdit  la  vie.  Sa  tête  fut 
envoyée  au  sultan  de  Fez  ,  qui  se  mit  aussitôt  en  campagne  et 
marcha  sur  Maroc.  L'émir  Abd-er-Rahman  s'enferma  dans  la  ci- 
tadelle, qu'il  avait  isolée  de  la  ville  par  des  muraille^  et  un  fossé. 
Le  sultan,  ayant  occupé  Maroc,  posta  des  troupes  autour  delà 
citadelle,  dressa  des  machines  de  siège  et  fit  élever  un  mqr  entre 
cette  forteresse  et  la  ville.  Tous  les  jours,  pendatlt  l'espace  de 
sept  mois,  il  dirigea  des  attaques  contre  la  place.  Ahmed-lbn- 
Mohammed-es-Sobeihi,  ofiicier  auquel  il  avait  confié  la  garde 
d*une  position  qui  commandait  la  citadelle,  forma  alors  le  projet 
d'assassiner  le  sultan,  mais  il  fut  dénoncé  et  mis  en  prison. 

Abou-'l-Abbas  ayant  enfin  reçu  des  renforts  tirés  de  toutes  les 
provinces,  et  le  secours  d'un  corps  de  troupes  envoyé  par  Ibn* 
el-Ahmer,  pressa  le  siège  avec  tant  de  vigueur,  que  les  partisans 
de  l'émir  en  furent  altérés,  et,  voyant  leurs  vivres  s'épuiser,  ils 
reculèrent  devant  la  perspective  d^une  mort  certaine  et  aban- 
donnèrent la  citadelle.  Parmi  eux  se  trouva  le  vizir  Nahhou-lbn« 
el-Elm,  descendant  de  ce  Mohammed-Ibn-Omar  qui  avait  gou- 
verné les  Hcskoiira  et  les  Masmouda  sous  les  règnes  d'Abou-'U 
Hacen  et  d'Abou-Einan.  Le  sultan,  étant  convaincuquecechef  ne 
serait  pas  venu  le  trouver  sans  y  être  poussé  par  la  crainte  d'un 


*  U  faut  prol)ablemeDt  lire  J^yt>^!  à  la  plaee  de  à^.y^S^ 


DTNASnB   MÉRINIDB.  -«-   ABOtJ*'L-ABBAS.  i25 

danger  îimniDeDi,  le  fil  arrêter  [et  emprisonner.  Enfin,  tout  le 
monde  s'empressa  d'abandonner  Témir,  et  I*on  descendit  du  haut 
de  la  muraille  pour  se  rendre  auprès  da  sultan. 

Pendant  la  nuit,  Témir  exhorta  ses  fils,  Abou-Amer  et  Selîm , 
de  mourir  les  armes  à  la  main^;  et,  au  point  du  jour,  il»  se  trou- 
vèrent seuls  dans  la  forteresse.  Le  sultan  s'avança  alors  à  cheval, 
en  grand  pompe,  et  donna  aux  tronpes  de  l'avant»garde  Tordre 
de  monter  à  l'assaut»  L'émir  et  ses  fils  se  précipitèrent  au-devant 
de  l'ennemi  qui  avait  déjà  pénétré  dans  l'Asarak  *  ,  placo  ouverte 
entourée  de  palais,  et  ils  combattirent  bravement  jusqu'à  ce 
qu'ils  trouvassent  la  mort.  Ils  succombèrent  sous  les  coups  d'Ali- 
Ibn-Idrts  et  de  ZtaD-Ibn*Omar-el-Outaci,  homme  qui,  pendant 
longtemps,  avait  vécu  de  leur  bonté  et  qui  s'était  montré  bien  fier 
de  les  avoir  pour  mattres.  Son  nom  est  devenu  le  synonyme  do 
l'ingratitude,  mais  Dieu  ne  lésera  qui  que  ce  soit,  pas  môme 
pour  le  poids  d^un  atome  K  La  prise  de  la  citadelle  eut  lieu  le 
dernier  jour  du  mois  de  Djomada  second  784  (11  sept.  1382).  Le 
sultan  ayant  vaincu  ses  ennemis,  chassé  ses  riviyix  et  réduit  tout 
le  Maghreb  sous  son  autorité,  reprit  la  route  de  Fc2. 


UN   FILS   DO    SULTAN   ABOl)-ALI    ENVAHIT   LB   HAGHBBB  A  LA    TfiTB 

DBS   ABABBS.  ABOD -TACHBPtN,    FILS  D'aBOU-BAHMOU,   EN   FAIT 

DB   HÊIIB.  — ABOU-HAMMOU    SUIT  LEUR    BX8HPLE. 


Les  Aulad-Hocein,  arabes  makiliens,  avaient  méconnu  l'auto- 
rité du  sultan  quelque  temps  avant  son  expédition  contre  Maroc^ 
et  leur  cheikh,  YouçoMbn-Ali-lbn-Ghanem,  s'était  plu  à  témoi- 
gner, par  des  actes  d'hostilité,  la  haine  qu'il  portait  à  Mohammed- 
Ibn-Othman ,  régent  de  l'empire.  Chassé  des  environs  de  SidjiU 


« 


'  Dans  le  dialecte  des  Berbères  masmoudiens,  ce  mot  signifie  large^ 
et  vaste,  Voy.  t.  n,  p;  339.» 

^Coran^  sourate  I,  verset 


i2fr 


HISTOIRB   DBS   BERBÈRES. 


messa  par  les  troupes  que  ce  vizir  avait  envoyé  contre  lui  ^ 
Touçouf  se  jeta  dans  le  Désert,  après  avoir  vu  dévaster  ses  pro  • 
priétés. 

Il  y  était  encore  quand  Témir  Âbd-er-^Rahman,  se  voyant  blo-- 
qaédans^la  ville  de  Maroc,  chargea  son  cousin,  Abou-4*AchaYr- 
Ibn-Mansour,  d'aller  le  trouver  et  le  décider  à  envahir  le  Ha** 
ghreb;  espérant  que  cette  démonstration  forcerait  le  sultan  k 
lever  le  siège.  Cet  envoyé  se  rendit  auprès  de  Youçof  et  le  con- 
duisit à^Tiemcen,  afin  d'obtenir  la  coopération  d'Abou**Hammou, 
entre  lequel  et  l'émir  Abd-er-Rahman  un  traité  avait  déjà  été 
conclu  àcet  eCet.  Le  souverain  abd-el-ouadite  mit  à  leur  dispo- 
sition un  corps  do  troupes  commandé  par  son  fils,  Abou-Tacho- 
ftn,  et  il  les  suivit  bientôt  après,  avec  le  reste  de  l'armée.  En 
traversant  les  tribus  arabes,  Abou-Tachefin  et  Abou-'l-Achaïr 
les  emmenèrent  avec  eux  et,  s'étant  précipités  sur  les  environs 
deMiknaça\  ils  y  répandirentla  dévastation. 

Au  moment  de  partir  pour  Maroc,  le  sultan  Abou-'l-Abbas 
avait  établi  dans  Fez,  en  qualité  de  lieutenant,  AU-lbn»Mehdi- 
el-Askeri,  et  misa  ses  ordres  un  des  corps  de  la  milice.  Cet  oQi- 
cieri  ayant  été  informé  de  Pirruption  des  Arabes,  sollicita  les  bons 
offices  de  Ouenzemmar-Ibn-Arîf,  cheikh  des  Soueid,  lequel  de- 
meurait alors  dans  le  voisinage  du  Molouïa  avec  sa  tribu.  Patron 
et  ami  de  la  dynastie  mérinid'e,  Ouenzemmar  employa  toute  son 
influence  auprès  des  Arabes  makiliens  et  parvint  à  détacher  de 
leur  coalition  les  Amarna  et  les  Monebbat,  autrement  dits  les 
Ahlaf.  Ces  tribus  allèrent  joindre  l'armée  d'Ali-lbn-Mehdi  et  l'ai- 
dèrent à  chasser  l'ennemi  du  territoire  de  Miknaça  et  à  lui  ôter 
l'espoir  de  pénétrer  plus  avant  dans  le  pays.  S'étant  alors 
arrêtés,  ils  donnèrent  au  sultan  Abou-Hammou  le  temps 
de  se  diriger  contre  Tèza  pour  y  mettre  le  siège.  Il  passa  sept 
jours  sous  les  murs  de  cette  place,  et  il  venait  de  renverser 


^  Nous  avons  déjà  fait  remarquer  quUl  s'agit  ici  de  la  Miknaça  dn 
Tèza,  située  à  16  ou  17  licucs  Est  de  Fez.  La  Miknaça  de  Zerhoun, 
nommé  Mequinez  par  les  Européens,  est  à  10  lieues  Ouest  de  Fez. 


DTHaSTIB  MÉBmiDB.  —  ABOU-*L<^ÀBBAS .  427 

le  palais  da  sultan  et  la  tnosqaée  impériale  appelée  Casr^Tazrout, 
quand  il  apprit,  à  ne  pas  en  douter,  que  Maroc  avait  succombé  et 
que  l'émir  Abd-er-Hahman  venaitd'étre  tué.  Aoetle  nouvelle,  il  se 
hâta  de  quitter  le  pays  ;  Abou-I-Achaïr  et  -Abou-Tachefîn  le  sui^ 
Tirent  avec  les  Aulad-Hocein,  vivement  poursuivis  par  les  Ahlaf. 
En  se  retirant,  il  traversa  le  territoire  des  Botouïa*  afin  de  rentrer 
h  Tlemcen  et,  en  passant,  il  y  détruisit  le  Gasr-Morada,  cbâteaa 
appartenant  à  Ouenzemmar.  Lesultan  Aboo-'UAbbas  revint  à  Fez 
après  avoir  achevé  la  conquête  de  Maroc* 


LA  tILLB  DE  TIBaCET9  EST    PBI8E   ET   DËVASTfiB   PAB   IB   SULTAN 

MÊRIiNIDB. 


Lesultan,  ayant  appris  l'irruption  des  Arabes  et  la  conduite 
d'Abou-Haramott,  n'en  persista  pas  moins  à  presser  le  siège  de 
Maroc,  mais  il  conserva  un  vif  ressentiment  contre  le  souverain 
abd-eUouadite  qui  avait  rompu  ta  paix  sans  aucun  motif  légi- 
time. Rentré  à  Fez,  il  prit  quelques  jours  de  repos  et,  s'étant  dé- 
cidé à  marcher  sur  Tlemcen,  Use  mit  à  la  télé  de  l'armée,  selon 
Tusagè  de  ses  aïeux,  et  la  mena  jusqu'à  Taoùrirt.  Abou-Hammou 
éprouva  un  embarras  extrême  à  la  réception  de  cette  nouvelle  :  il 
prit  d^abord  la  résolution  de  soutenir  un  siège  et,  d'après  ses  or- 
dres, les  habitants  delà  ville  s'apprêtèrent  à  faire  une  vigoureuse 
résistance;  mais,  peu  de  temps  après,  il  quitta  sa  capitale  pen- 
dant la  nuit,  emmenant  avec  lui  ses  fils,  ses  femmes  et  ses  prin- 
cipaux serviteurs,  afin  de  camper  sur  le  bord  du  Sefcîfi  Au  len- 
demain, les  habitants  accoururent  auprès  de  lui,  suivis  de  leurs 
femmes  et  de  leurs  enfants,  et  l'implorèrent  de  ne  pas  les  laisser 
2t  la  merci  des  troupes  maghrébines.  Sans  se  laisser  émouvoir  par 
leurs  prières,  il  persista  dans  son  projet  de  se  rendre  à  £l-Bat'ha. 


^  A  la  place  de  iS!^,  il  faut  probablement  lire  ^>^  et  traduire 
ainsi  :  il  travema  le  Molouia. 


428  BISTOIRB   DBS    BBRBÈ&BS. 

De  là  il  passa  dans  le  pays  des  Maghraona  et,  s'étant  arrêté  chez 
les  Beoi«-bou-Saîd,  tribu  qui  demeure  près  du  Ghelif,  il  déposa 
sa  famille  et  les  plus  jeunes  de  ses  enfants  dans  le  château  de 
Tadjhammoumt.  Le  sultan  Abou»'l-Âbbas  prit  possession  de 
Tlemcen  et,  après  y  être  resté  quelques  jours,  il  iit  abattre  les 
murailles  de  la  ville  et  ruiner  les  palais  du  souverain.  En  don- 
nant Tordre  de  détruire  ces  monuments,  il  avait  cédé  aux  ins- 
lances  de  Ouenzemmar,  qui  voulut  se  venger  de  la  ruine  de  Taz- 
routet  de  son  château  de  Morada.  Il  se  mit  alors  à  la  poursuite 
d'Abou-Hammou,  et  il  venait  de  faire  halte  à  une  journée  seu- 
lement de  Tlemcen  quand  il  apprit  que  son  cousin  Mouça,  fils 
d'Abou-Einan,  avait  traversé  le  Détroit  et  s^était  rendu  matlre 
de  Fez,  Pendant  qi^il  se  hâtait  à  rentrer  en  en  Maghreb,  Abou- 
Hammou  revint  à  Tlemcen. 


MOUÇA  ,    FILS   D'aBOU-EINàN  ,    QUITTE    l'ANOALOUSIB  ,     DÉBARQUE 

BN   HAGREB   ET   S'eUPABB   DE  LA   CAPITALE.    IL  FAIT  PRISON* 

NIER    SON   COUSIN    ADOU-Y-ABBAS    ET   L^ENYOIB  EN   ESPAGNE. 


Nous  avons  déjà  fait  observer  que  Mohammed-lbn-cI-Ahmer, 
le  [même]  sultan  [qui,  après  avoir  été]  déposé,  [monta  une  se- 
conde foia  sur  le  trône  de  Grenade],  exerçait  une  grande  in- 
fluence sur  les  conseils  d'Abou-'l-Abbas,  sultan  du  Maghreb. 
Plusieurs  circonstance»  avaient  contribué  à  lui  procurer  cet  avan> 
tage  :  ce  fut  lui  qui  porta  Mohammed-Ibn-Othman  à  proclamer 
la  souveraineté  d'Abou-1-Abbos,  alors  prisonnier  à  Tanger;  par 
l'envoi  de  troupes  et  d^argent,  il  avait  mis  ce  prince  en  état  de 
réduire  la  Ville-Neuve  et  de  se  rendre  maître  de  l'empire,  et 
enfin,  il  gardait  auprès  de  lui  plusieurs  princes  mérinides  qu'il 
pouvait,  au  besoin,  lâcher  sur  le  Maghreb;  moyen  efficace  de  tenir 
en  respect  le  gouvernementdecepays.  Ces  princes  avaient  été  dé- 
tenus à  Tanger  avec  Abou-'l«Âbbas  et  ils  étaient  tous  petits-fils 
du  sultan  Abou-'l-Hacen.  H  y  avait  les  fils  d'Abou-Einan,  ceux 
d'Abou-Salcm,  ceux  d'El-Fadl,ccux  d'Abou-Amer,  ceuxd'Abou- 


DYNASTIE  MÊRINIDB. —  ABOXI-'L-ABBAS.  429 

Abd-er-Rahman  et  d'autres  encore.  Pendant  leur  captivité,  ils  s'ë- 
iaient  promis  mutuellement  que  celui  d'entre  eux  auquel  Dieu 
accorderait  Tempire,  mettrait  les  autres  en  liberté  et  les  ferait 
passer  en  Espagne.  Abou-'l-Abbas,  étant  parvenu  au  trône,  rem«- 
plitcet  engagement  en  les  envoyant  au  sultan  Ibn-el-Ahmer.  Ce 
monarque  les  logea  dans  TAlhamra,  palais  du  gouvernement  an- 
dalousien  ;  il  les  combla  de  dons,  leur  fournit  des  chevaux  et  leur 
assigna  de  fortes  pensions.  Aussi,  y  menèrent«ils  une  vie  heu- 
reuse, à  l'ombre  de  la  protection  impériale.  Mohammed-Ibn-Oth- 
man,  grand  vizir  de  l'empire  [d'Abou-'l-Abbas],  comprit  parfai- 
tement que  cet  état  de  choses  l'obligerait  h  montrer  une  extrême 
déférence  aux  volontés  d'Ibn-el-Ahmer  ;  il  seconda  en  tous  points 
les  vues  de  ce  monarque  et  le  laissa  diriger  à  son  gré  le  gouver^ 
nement  du  Maghreb.  Les  grands  officiers  mérinides  et  les  chefs 
arabes  avaient  tous  les  yeux  fixés  sur  le  souverain  d'outre-mer, 
et  le  Maghreb  semblait  être  devenu  une  province  de  l'empire  de 
Grenade.  L'influence  d'Ibn-el-Ahmer  était  arrivée  à  un  tel  point, 
qu'au  moment  de  l'expédition  contre  Tiemcen,  les  chefs  mérini- 
des  lui  envoyèrent  des  adresses  en  le  priant  de  veiller  sur  les 
destinées  de  leur  pays. 

Lors  de  cette  expédition,  Mohammed-Ibn-Othman  avait  laissé 
à  Fez,  comme  lieutenant,  le  nommé  Mohammed-Ibn-Hacen,  an- 
cien partisan  des  Almohades  [Hafsides]de  Bougie,  qu'il  avait  pris 
pour  seciétaire  et  comblé  de  bienfaits. 

Après  la  prise  de  Tiemcen,  lesMérinidos  écrivirent  à  Ibn-el- 
Ahmer  pour  lui  annoncer  le  triomphe  de  leurs  armes,  et  ils  con- 
fièrent leur  lettre  à  une  démon  de  perversité  qu'on  avait  accueilli 
h  la  cour.  Cet  homme  se  nommait  Abd-el-Ouahed;  son  père,  Mo- 
hammed, était  fils  du  Mizouar  Obbou-Ibn-Cacem.  Égaré  par  l'am- 
bition, Abd-el-Ouahed  aspiraitaux  grandeurs,  sans  y  avoir  aucun 
droit,  et,  pour  y  arriver,  il  guettait  toutes  les  occasions  afin  de 
compromettre  la  prospérité  de  l'empire. 

Bien  qu'Ibn-el-Ahmer  dominât  sur  le  gouvernement  mérinide, 
il  eut  de  temps  en  temps,  divers  motifs  de  mécontentement  : 
tantôt,  on  n'avait  pas  eu  é<^ard  à  son  intercession  [en  faveur  de 
CCI  tains  pcrsonnaeos  qui  avaient  (Micouru  la  disgrâce  du^souve- 


430  niSTOIUE    DBS     BBRBkRIS. 

raÎD  maghrébin] ,  tanlôt,  on  agissait  en  opposition  directe  è  sa 
volonté,  parce  qu^on  ne  pouvait  pas  faire  autrement.  Il  était,  par 
conséquent,  assez  mal  disposé  pour  Abou-'l-Abbas,  quand  Abd« 
el-Oualied  vint  lui  annoncer  la  prise  de  Tlemcen.  Cet  intrigant 
profita  de  sa  mission  pour  raconter  que  les  grands  de  Tempire 
étaient  mécontents,  et  qu'ils  remplaceraient  volontiers  leur 
sultan  par  un  autre,  s^ils  trouvaient  le  moyen  de  le  faire.  U 
ajouta  encore  plusieurs  renseignements,  les  uns  avex  vraisem- 
blables, les  autres  indignes  de  foi.  Faisant  ensuite  obser- 
ver que  le  Maghreb  était  dégarni  de  troupes,  il  déclara  sa- 
voir, avec  certitude,  que'  la  capitale  n^avail  point  d'autre  gar- 
dien qu'un  homme  de  bureau,  un  citadin,  nullement  capable  d'y 
organiser  une  résistance  sérieuse.  Le  monarque  espagnol  saisit 
aussitôt  l'occasion  qu'il  attendait  et  (it  passer  en  Maghreb  l'un 
des  petitS'fiis  [d'Abou-l-Hacen]  qu'il  retenait  à  Grenade  ;  sa- 
voir, le  prince  Mouça,  fils  du  sultan  Abou-£inan.  Pour  vizir,  il 
lui  donna  Hasoud-Ibn-Bahhou-Ibn-Maçaï,  personnage  qui  avait 
rempli  les  fonctions  de  ministre  d'état  en  Maghreb  et  dont  la 
famille,  les  Béni  Foudoud,  s'était  attachée  aux  Mérinides. 

A  l'époque  où  Abou-Bekr-Ibn-Ghazi  dirigeait  les  affaires  du 
Maghreb,  Masoud  avait  été  désigné  pour  remplir  les  fonctions  de 
vizir  auprès  de  l'émir  Abd-er-Rahman,  qui  allait  y  débarquer. 
Il  resta  au  service  de  ce  prince  jusqu'à  l'occupation  delà  Ville- 
Neuve  par  Abou  -  'UAbbas  et  Taccompagna  ensi)ite  à  Maroc. 
Arrivé  dans  cetle  capitale,  il  obtint  de  son  maître  la  permission 
de  rentrer  en  Espagne.  S'étant  alors  rendu  a  Fez,  il  eut  plusieurs 
entrevues  avec  les  autorités  mérinides  et  parvint  a  s'y  faire  de 
nombreux  am'n^  ;  ensuite,  il  fit  ses  visites  d'adieu  et  partit  avec 
Pespoir  que  la  faveur  d'Ibn-el-Ahmcr  ne  lui  manquerait  pas.  En 
jeffeA,  ce  monarque  l'accueillit  avec  bonté,  lui  accorda  une  pen- 
sion cl  Tadmil  au  nombre  de  ses  familiers. 

Mnsoud-lbn-Maçaï  ne  cessa  d'y  mener  une  vie  heureuse  jus- 
qu'au moment  où  le  sultan  l'envoya  en  Afrique  avec  le  prince 
Mouça.  La  flotte  andalousicnnc  les  transporta,  eux  et  un  corps 
do  troupes,  a  Coûta,  ville  forte  dont  on  avait  gagné  les  notables 
cl  les  membres  du  conseil  municipal,  La  proclamation  de  Mouça 


DTNASTIB   MÉRimOB.  -—  MOUÇA.  43i 

n'y  éprouva  aucune  difficulté  ;  on  t'admit  dans  la  ville  et  on  lui 
amena  comme  prisonnier  Rahhou-lbn-ez  -Zaïm-el*Hekdoudi , 
gonverneur  da  la  place.  Ceci  se  passa  au  commencement  du  mois 
deSafer786  (fin  de  mars  4384).  Le  nouveau  sultan  y  fit  aussi- 
tôt reconnaître  Tautorité  d'Ibn-el-Abmer  ,  livra  la  ville  aux 
agents  de  ce  prinoe  et  partit  pour  Fez.  A*  la  suite  d'une 
marche  très-rapide^  il  arriva  dans  cette  capitale  et,  se  voyant 
soutenu  par  la  populace,  il  bloqua  la  Ville-Neuve,  siège  du  gou- 
vernement. Mohammed-Ibn-Hacen,  qui  y  commandait  comme 
lieutenant  du  vizir  Ibn-Othraan,  éprouva  une  telle  frayeur  qu'il  se 
hftta  de  rendre  la  place.  Le  sultan  Mouça  ne  lui  en  sut  cependant 
aucun  gré  ,  car ,  è  peine  s'y  fut-il  installé,  qu'il  jeta  cetliomme. 
en  prison.  La  Ville-Neuve  fut  prise  le  20  de  Rebiâ  premier  (786 
44  mai  4384).  On  accourut  alors  de  tous  les  côtés  pour  offrir 
ses  hommages  au  nouveau  souverain. 

Abou*'l-Abbas  était  encore  dans  la  province  de  Tlemcen  quand 
il  apprit  le  débarquement  de  Mouça  à  Cenla.  Il  donna  aussitôt 
l'ordre  à  Ali-Ibn-Mansour,  drogman  de  la  milice  chrétienne,  de 
prendre  un  détachement  de  ce  corps  et  d'aller  tenir  garnison  dans 
la  Ville-Neuve.  Quand  cette  troupe  fut  parvenue  h  Tèza,  elle  n'alla 
pas  plus  loin,  car  on  vint  lui  annoncer  la  prise  de  la  forteresse 
où  elle  devait  se  rendre.  Le  sultan  Abou-'l-Abbas  était  parti  en 
toute  hâte  pour  se  rendre  à  Fez,  et,  arrivé  à  Taourîrt,  il  fut 
averti  que  sa  capitale  se  trouvait  au  pouvoir  de  Mouça.  Il  poussa 
toutefois  en  avant,  jusqu'au  Molouïa  et,  après  avoir  balancé 
quelque  temps  entre  les  deux  partis  qui  lui  restaient  à  prendre  : 
soit  d'aller  à  Sidjilmessa  avec  ses  alliés  arabes,  soit  de  continuer 
sa  marche  vers  le  Maghreb,  il  Hnit  par  s'en  tenir  à  sa  dernière 
résolution.  Arrivée  Tèza,  il  y  passa  quatre  jours  et  de  là,  il  se 
rendit  à  £r*Rokn.  Pendant  sa  marche  ,  les  grands  chefs  qui 
l'accompagnaient  tinrent  conseil  ensemble  et  ,  s'étant  accordés 
sur  la  nécessité  d'embrasser  la  cause  de  son  cousin,  le  sultan 
Mouça,  qui  éCait  alors  en  possession  de  la  capitale,  ils  s'en  allè- 
rent par  bandes  du  côté  de  Fez,  le  malin  môme  où  leur  mattre 
devait  quitter  Er-Rokn.  Se  voyant  ainsi  délaissé  ,  Abou-'l- 
Abbas  ropiTrtitpour  Tôzo,  nprcs  avoir  vu  brûler  son  camp,  piller 


13S  HISTOIRB  DUS   BBEBBftB^. 

ses  teoies  et  ses  trésors.  La  nuit  suivante,  il  entra  dans  Tèia^ 
forteresse  qui  avait  alors  pour  gouverneur  Taffrânchi  Dja-el« 
Khaber,  client  du  feu  sultan  Âbou-'l-Hacen.  Quant  à  Mohammed-* 
Ibn-Othman,  il  se  retira  auprès  de  Ouenzemmar-Ibn-Arlf  et  des 
émirs  makiliens. 

De  Tèza  le  sultan  Abou*1-Âbbas  écrivit  à  Houça  pour  lui  rap* 
peler  l^engagement  d^autrefois,  et  cet  émir,  qui  avait  promis  à 
Ibn-el-Abmer  de  lui  envoyer  son  rival  aussitôt  qu'il  Tauraît  eo 
son  pouvoir,  répondit  à  la  lettre  en  priant  Abou-'l*Abbas  de 
venir  le  trouver.  Le  sultan  se  mit  en  route,  accompagné  de  Zé- 
kérTa-Ibn-Yahva-lbn-SoIeiman,  de  Mohammed-lbn-Soleiman- 
Ibn-Dawoud-lbn-Arab  et  de  plusieurs  autres  chefs  des  Beni-As- 
ker,  tribu  qui  habitait  cette  localité.  El-Abbas-Ibn-Omar-el- 
OusnaH  se  mit  aussi  de  la  bande.  Quand  ils  furent  arrivés  au 
zaouta  de  Ghadir-el-Hams,  près  de  Fez,  Abou-1-Abbas  se  ren« 
dit  prisonnier  et  fut  chargé  de  fers.  On  l'envoya  en  Espagne  sous 
la  garde  d'Omar-Ibn-Rabhoo,  frère  du  vizir  Masoud-lbn-Hah- 
hou-lbn-Maçaï.  Il  eut  toutefois  la  permission  d'emmener  son  fils 
Abou-FareS)  mais  on  retint  ses  autres  ^enfants  à  Fez.  Embarqué 
à  Ceuta,  il  fut  dirigé  sur  Grenade  pour  être  livré  au  sultan  Ibn- 
ol'Ahmer^  qui  se  tenait  alors  dans  PAlhamra.  Ce  monarque  fit 
débarrasser  le  prisonnier  de  ses  liens  et,  l'ayant  placé  sous  la 
surveillance  de  quelques  officiers,  il  lui  assigna  une  forte  pen-. 
tion:  Nous  raconterons  plus  loin  comment  Abou-^l-Abbas  recou- 
vra la  liberté  et  ce  qui  lui  arriva. 


DISGRACE    BT   IQORT    DV    T1ZIR    BOHAliaiED-lBN-OTaflJklf. 


Mohammcd>Ibn-Othman  appartenait  à  la  famille  desBeni-'l- 
Kas,  et  à  la  tribu  d'Ourladjen.  Quand  les  Béni -Abd-el-Hack  [les 
Mérinides]  eurent  établi  leur  domination  dans  le  Uaghreb,  la  mai- 
son d'El  -Kas  leur  fournit  quoiqucs  vizirs ,  mais  elle  se  vil  enfin 


DTNASTIB  HtiBlNIOB.    "-*   MOCÇA.  433 

centratnie  de  passer  en  Espagne  ,  en  conséquence  de  la  riTalité 
qui  s  était  déclarée  entre  elle  et  les  deux  autres  familles  viziriea-^ 
nés ,  les  Hachem  et  les  Foudoud.  Dans  ce  pays  encore ,  la  fa* 
xnîlle  des  Beni-'l-Kas  eut,  avec  les  Beni-ldris  et  les  Beni-Abd- 
Allab,  des  contestations  qui  occasionnèrent  la  mort  de  plu- 
sienrsde  ses  membres. 

Ghazi-lbn*el-Kas  passa  sa  jeunesse  à  la  cour  des  Mérinides, 
pendant  les  règnes  d'Abou-Said  et  d'Abou^l-Hacen.  L'étude  et 
le  travail  ayant  développé  les  beaux  talents  dont  la  nature  l'avait 
^oué,  il  fut  nommé  par  Aboa^'l-Hacen  successeur  du  vizir 
Yahya-lbn-Talha-Ibn-Mohalli  ,  qui  venait  de  mourir.  Pendant 
plusieurs  années  Gbazi  exerça  les  hautes  fonctions  dont  on  l'avait 
revêtu  et,  en  Tan  744  [1340-4),  iUssista,  avec  son  mattre,  à  la 
•catastrophe  de  Tarifa  et  y  perdit  la  vie  en  combattant  les  infi- 
dèles. 

Abou*Bekr-Ibn-Ghaziy  fils  du  précédent,  fut  élevé  par  les 
soins  et  sous  les  yeux  du  gouvernement  mériaide.  La  concubine 
dont  il  naquit,  entra,  après  la  mort  de  son  père,  au  service  de 
son  cousin,  le  vizir  Mohammed-lbn-Othman[-lbn-el-Kas],  per- 
sonnage doni  nous  aurons  bientôt  à  parler.  La  jeunesse  d'Ibn* 
Ghazi  se  passa  dans^  Ih  maison  d*lbn-Othman,  dont  il  était,  du 
reste,  le  supérieur  par  le  rang  qu'avaient  tenu  son  père  et  son 
aïeul.  Parvenu  à  l'âge  de  la  raison,  il  déploya  tant  de  belles  qua-< 
lités  qu'il  s'attira  les  regards  de  plusieurs  princes  et  obtint  des 
«emplois  qui  l'habituèrent  à  l'exercice  du  pouvoir  ;  ensuite  il  de- 
vint vizir  d'Abd-el-Aziz,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  ailleurs.  Dans 
cette  haute  position,  il  se  fit  seconder  {)ar  son  cousin,  Ibn-Oth- 
man,  et  montra  comme  administrateur  une  habileté  de  premier 
ordre.  Après  la  mort  d'Abd-el-Azîz,  il  plaça  sur  le  trône  le  prince 
E3-Saîd,  fils  du  monarque  décédé.  Cet  enfant  était  encore  si 
jeune  qu'il  n'avait  pas  perdu  ses  premières  dents.  Nous  avons 
raconté  ce  qui  s'ensuivit  :  la  ruine  de  sa  puissance,  le  siège  qu'il 
eut  à  soutenir  dans  la  Ville-Neuvo  et  le  triomphe  d'Abou-'l- 
Abbas.  Ce  sultan  choisit  Mohammed-Ibn-Othman  pour  vizir,  Im 
laissa  tous  les  soins  de  l'administration  et  s'abandonna  aux  plai- 
sirs. 

T.  IV.  28 


I 


434  HtSTOIRB  DBS    BBBBÈRBS. 

Mohammed-Ibn-OthiDan  gouverna  i'ëiat,  tant  bien  que  mal^ 
jusqu'à  Tépoque  où  le  prince  Mouça  s'empara  de  là  capitale. 
Abandonné  alors  par  lesMérinides,  ainsi  que  son  sultan,  il  revint 
à  Tèza  avec  ce  monarque,  qu'il  quitta  ensuite  afin  d'aller  cher- 
cher la  protection  de  Oueazemmar-lbn-Artf.  Ce  chef,  qui  se  te- 
nait alors  dans  le  voisinage  de  Tèza,  Taccueillit  avec  dureté  et 
lui  tourna  le  dos.  Se  rappelant  alors  Tamitié  qu'Ahmed-lbn- 
Obbou,  chef  des  Arabes-Monebbat,  lui  avait  souvent  témoignée^ 
Ibn-Othman  courut  le  trouver.  Ibn-Obbou  qui  se  trouvait  avec 
ses  nomades  dans  le  pays  situé  au  sud  de  Tèza,  trompa  le  réfugié 
en  lui  offrant  sa  protection  et  en  faisant  prévenir  le  nouveau  sul- 
tan de  son  arrivée  dans  la  tribu.  Un  détachement  de  troupes, 
accompagné  du  Mizouar ,  Abd-el-Ouahed-Ibn-Obbou-lbn-Mo* 
hammed-Ibn-Gacem,  de  Zerouc-lbn-Toucrttet  et  de  Taffranchi 
£l*Hacen-Ibn-Aouafou,  fut  envoyé  à  la  recherche  de  l'ex-vizir 
et,  Tayant  reçu  des  Monebbat,  qui  s'étaient  empressas  de  le 
livrer,  il  le  ramena  h  la  capitale.  Aussitôt  que  ce  malheureux  y 
fut  arrivé,  on  le  promena  avec  ignominie  à  travers  les  rues  de 
Fez  ;  ensuite,  on  le  retint  en  prison  pendant  quelques  jours, 
puis,  on  le  mil  à  la  torture  afin  de  lui  arracher  ses  tréscrs.  Après 
avoir  subi  la  confiscation  de  tous  ses  biens,  Mohammed-Ibn- 
Othmoo  fut  égorgé  dans  le  lieu  où  ses  ennemis  Pavaient 
enfermé. 


EXPÉDITION    D'iBN-aïAÇAÏ    CONTRE   BL*nACBlf-lDN- Sn-If  ACER    QUI  S^ÊTAIT 
MIS  EN  RÊTOLTB  DANS  LE  PATS  DBS  GBOVABA. 


Le  sultan  Mouçj,  étant  parvenu  au  trône  du  Uaghreb,  eut  à 
subir  la  domination  de  son  vizir,  Afasoud-Ibn-Maçaï.  Ce  fut  alurs 
qu'eurent  lieu  la  déportation  du  sultan  Abou-'UAbbd3  en  Espa- 
gne, lexéculion  du  vizir  Mohanimed-lbn-Olhman,  et  la  disper- 
sion des  parents  cl  des  amis  de  ce  minisire,  qui  furent  obligés 
de  se  cacher  dans  les  profondeurs  [pour  ainsi  dire]  de  la  terre. 
El-Abbas-Ibn-Micdad,  neveu  d'IbnOlhman,  sVnfuit  à  Tunis  où 


mriVASTIB  BRINIDE. HODÇÀ.  435 

il  trouva  EUHacen,  fils  d'En-Nacer  et  potit-fils  du  suitau  Abou- 
Ati,  qui  ëtaii  arri véde  l'Audalousie  avec  l*espoir  de  s'emparer  du 
royaume  [de  Sidjilmessa,  qui  avait  appartenu  à  sooaieul]^ 

D'après  Pavis  d^bo-Hicdad,  ce  prince  prit  la  résolution  do 
passer  en  Maghreb  et  d'entreprendre  la  conquête  de  ce  pays. 
Ayant  quitté  Tunis  avec  son  conseiller,  il  affronta  les  fatigues  et 
les  dangers  d'un  voyage  à  travers  le  Désert  et  atteignit  en&n 
la  montagne  des  Ghomara.  Accueilli  avec  empressement  par  les 
habitants  d'Es-Safiha,  il  les  rallia  à  sa  cause,  s'en  fit  proclamer 
sultan  du  Maghreb  et  donna  le  titre  de  vizir  à  Ibn-Mfcdad. 

Cette  nouvelle  étant  parvenue  à  Fez ,  obligea  Masoud-Ibn* 
Maçaï d^envoyer  contrôles  insurgés  son  frère,  Mehdi-Ibn-MaçaX* 
Pendant  plusieurs  jours,  cet  officier  bloqua  la  montagne  d'Es- 
Saflha  sans  pouvoir  la  soumettre.  Alors,  le  vizir  lui-même  quitta 
la  capitale  à  la  tête  d'une  armée  afin  de  hâter  la  réduction  de  cette 
localité  ;  mais,  avant  d'y  arriver,  il  apprit  la  mort,  du  sultan 
qu'il  avait  laissé  à  Fez  et  se  vit  obligé  de  rebrousser  chemin. 


DU  SULTAN  HODÇA  BT  AVÈNEMENT  A'sL -MONTA CEA,  FILS 
DU  SULTAN  ABOU-'L-ABBAS. 


Devenu  sultan  du  Maghreb,  Houça  supporta  avec  impatience 
la  domination  d'Ibn-Maçaï  et  fit  même  entendre  à  quelques-uns  )de 
ses  intimes  qu'ils  lui  rendraient  un  grand  service  en  le  débarras- 
santd'un  vizir  qui  le  tenait  ainsi  en  tutelle.  C'était  ordinairemeot 
avec  son  secrétaire  et  confident,  Mohammed-lbn* Mohammed- 
Ibn-Abi-Amr,fil3  du  secrétaire  de  son  père,  qu'il  s'entretenait 
à  ce  sujet.  Il  avait  aussi  plusieurs  compagnons  de  table  qu'il  met- 
tait au  courant  de  presque  toutes  ses  affaires;  parmi  eux  se  trou« 
vait  El-Abbas-lbn-Omar-lbn-Othman-eUOusnafi,  dont  la  mère 
avait  épouse  le  vizir  et  qui,  lui-même,  avait  été  élevé  par  ce  mi- 
nistre. El-Âbbas  rapporta  à  son  beau-père  tout  ce  qui  se  disait  de 
lui  dans  la  société  intime  du  sultan  et  finit  par  lui  inspirer  une 
frayeur  extrême, 


436  HISTOIRE   DES     BBKBÈRBS. 

Le  vizir  ne  chercha  plus  alors  qu'un  prétexte  de  s'éloigner  do 
Fez  et  il  profita  de  la  révolte  d'El-Hacen-lbn-en-Nacer  dans  le 
pays  des  Ghomara  pour  se  mettre  encaoapagne  et  quitter  la  ca- 
pitale. Au  moment  de  partir  il  y  laissa,  en  qualité  de  lieutenant, 
son  frère,  YaYch-lbn-Rahhou-Ibn-MaçaY.  Parvenu  h  *  El-Casr-el- 
Kebir,  il  apprit  la  mort  de  Mouça,  événement  qui  eut  lieu  dans  le 
jnois  de  Djomada  second  (786  juillet-août  4384).  Ce  monarque 
fut  emporté  par  une  maladie  de  vingt-quatre  heures;  aussi,  le  pu- 
blic ne  manqua-t'il  pas  d'attribuer  sa  mort  à  un  empoisonnement. 
Yaïch,  que  Ton  accusait  de  ce  forfait,  s'empressa  de  placer  sur  le 
tr6ne  le  prince  El-Montecer,  fils  du  sultan  Abou-*l-Abbas  et  ne- 
veu du  sultan  décédé.  Le  vizir  Ibn-Maçaï  quitta  précipitamment 
El-Casret,  rentrée  Fez,  il  ordonna  la  mort  d'Es-Sobéîa-Mo- 
hammed-lbn-Mouça-Ibn-ibrahim,  membre  du  corps  des  vizirs, 
qu^il  avait  fait  mettre  en  prison,  sous  le  règne  de  Mouça.  Nous 
avons  déjà  parlé  d'Es-Sobéïà  et  de  sa  famille.  Pendant  quelque 
temps  encore,  lbn*Maçaï  continua  à  gouverner  Tempire. 


LB  PRINCE  EL-OUATHFX-MOnAVflED,    FILS  D'aBOU-'L-FàDL  ET   PETrr-PILS 
\   '   ^  dUbOU-VHaCEN,    ARBIVB    d'BSPAGKE    et    SB    FAIT    PROCLAMER 

StLTAN  A    FEZ. 


Le  vizir  Ibn-Maçaï,  aussitôt  qu'il  s'était  aperçu  des  mavaises 
intentions  du  sultan  Mouça  à  son  égard,  avait  envoyé  en  Espa- 
gne son  fils  Yahya  et  le  Mizouar-Abd-el-Ouahed  afin  d'engager 
Ibn-el-Ahmerà  renvoyer  en  Maghreb  le  prince  Abou-'l-Abba)&, 
qu'il  s'était  proposé  de  rétablir  sur  le  trône.  Le  monarque  es- 
pagnol consentit  à  leur  deooande,  tira  Tes-sultan  du  lieu  où  on 
le  retenait  prisonnier  et  le  conduisit  a  Gibraltar  afin  de  le  faire 
passer  en  Afrique.  La  mort  du  sultan  Mouça,  événement  qui  ar- 


'  Dans  le  toxt  ^  arabe,  il  faut  insérer  le  mot  Ha  avant  cl-casr. 


DYNASTIE    HfiRINIDB.    EL-HONTBGER.  437 

riva  sur  ces  entrefaites^  amena  le  vizir  à  changer  d'avis  et  k  faire 
prier  Ibn-el-Ahmer,  par  une  voie  secrète,  de  ramener  Abou-'l- 
Abbas  à  Grenade  et  de  lui  envoyer  El-Ooathec-Hohammed,  fils 
d'Aboa<*1-Fadl  et  petit-fils  dii  sultan  Abou-'l«-Hacen.  De  tous  Us 
princes  mérinides  quibneUAhmer  gardait  auprès  de  lui,  celui- 
là  lui  paraissait  le  plus  facile  b*cooduire  et  à  tenir  en  tutelle. 
En  conséquence  de  cette  prière,  Abou*'l*Abbas  fut  ramené  à 
l'Alkamra  et  le  prince  EUOuathec  fut  envoyé  à  Gibraltar. 

Trois  grands  officiers  de  l-empire  abandonnèrent,  vers  cette 
époque,  le  parti  du  vizir  Masoud-Ibn-Maçaï,  et  se  rendirent  à 
Geuta,  afin  de  passer  en  Espagne  :  ils  se  nommaient  Yaïch-Ibn- 
Ali-lbn-Fares-el-Yabani ,  Siyour-lbn-Tahyaten-Ibn-Omar-el - 
Oungaçni  et  Mohammed-es-Sobeïhi.  S'étant  présentés  à  la  cour 
de  Grenade  en  se  donnant  pour  émissaires  du  vizir ,  ils  se  firent 
remettre  le  prince  El-Ouathec  et  remmenèrent  en  Maghreb  avec 
eux.  Arrivés  à  Zerhoun,  montagne  qui  domine  Mequinez,  ils 
montèrent  auprès  des  tribus  qui  habitaient  celle  localité,  et  s^y 
étant  fortifiés,  ils  levèrent  l'étendard  de  la  révolte.  Ayant  ras- 
semblé autour  d^eux  une  foule  d'individos,  tous  aussi  mal  dis- 
posés pour  Ibn-Vaçaï  qu'eux-mêmes,  ils  prirent  l'engagement 
de  combiner  leurs  efforts  et  d'agir  avec  ensemble  contre  leur  en- 
nemi. Parmi  les  nouveaux  venus  se  trouvèrent  Talha-Ibn-ez- 
Zobeir-el-Ourtadjeni ,  *  Mohammed-et-Toimeci ,  membre  de  la 
famille  d'Abou-t-Talac,  et Fareh-Ibn-'Mehdi,  affranchi  d'origine 
chrétienne  qui  avait  passé  du  service  des  BenirZtan,  souverains 
de  Tiemcen,  dans  celui  du  sultan  [Monça]. 

Es-Sobeïhi  eut  à  peine  mené  El-^Ouathec  en  Maghreb  qu'i 
traita  ses  compagnons  avec  beaucoup  de  hauteur  et  prit  envers 
eux  le  ton  d'un  mahre,  parce  qu'il  était  militaire  et  qu'il  appar- 
tenait à  l'un  des  corps  de  milice  que  l'empire  avait  à  son  service. 
Les  fonctionnaires  civils  qui'  l'accompagnèrent  en  furent  si  indi- 
gnés, qu'ils  allèrent  tous  déclarer  à  El-Oualhec  leur  ferme  résolu- 
tion de  ne  plus  avoir  le  moindre  rapport  avec  un  homme  aussi 


Ici  le  texte  arabe  ajoute  le  nom  de  Styour-lbn-Tayaten, 


438  mSTOlAB   MS  BSEBftBBS» 

insolent.  Encouragés  par  le  prince,  qui  leur  laissa  voir  la  part 
qu'il  prenait  h  leurs  sentiments^  ils  se  jetèrent  sur  Es-Sobelht^ 
qui  se  trouvait  alors  à  la  porte  de  la  tente  impériale,  et  lui  6fà- 
rentla  vie.  Taïch^I-Yabani,  l'un  des  grands  chefs  mérinîdes, 
fui  le  principal  acteur  de  cette  affaire.  Le  sort  d*Es-Sobeîbi  peut 
servir  de  leçon  à  bien  du  monde  ;  il  succomba  sans  être  pleurjé  ni 
sur  la  terre  ni  dans  le  ciel. 

Il  nous  faut,  maintenant  dire  quelques  mots  de  Zerrouc-Ibn- 
Toucrttet  et  de  Moharnooed-ibn-Touçof-Ibn-Âllal.  Zerrouc , 
affranchi  de  la  famille  Ali*Ibn-Ztan,  cheikhs  des  Onngacen,  était 
ua  des  grands  oiEciers  de  Pempire  mérinide  et  avait  exercé  ua 
haut  commandement  dans  la  milice.  Ayant  ab^^ndonné  le  service 
du  sultan  Houça,  il  se  rendit ,  avec  Mohammed- Ibn-Youçoi, 
au  milieu  des  Aulad-Hoccin,  arabes  makiliens  qui  étaient  en 
pleine  révolte ,  et  trouva  un  bon  accueil  auprès  de  leur 
chef ,  Youçof*  -  Ibn- Ali-  Ibn-Ghanem  ^  avec  lequel  il  s'était 
déjà  lié  par  les  relations  de  bon  voisinage.  Youçof  «-Ibn- 
Allal,  père  de  Mohammed,  était  un  des  protégés  d'Aboii-l- 
Hacen  ;  ce  monarque  ayant  eu  soin  de  son  éducation.  Zerrouc  et 
Mohammed  avaient  une  telle  aversion  pour  le  vizir  lbn-Maça¥, 
qu*ils  rentrèrent  en  Maghreb  pour  se  joindre  au.  parti  d'EU 
Ouathec,  aussitôt  que  ce  prince  fut  débarqué.  Celle  démarche 
leur  valut  une  réception  très-honorable  et  leur  nomination  aux 
charges  qu'ils  avaient  déjà  remplies. 

Le  vizir  vint  alors  se  poster  vis-à-vis  des  insurgés  qui  occu- 
paient la  montagne  deHaghtIa  et,  pendant  quelques  jours,  il  leur 
livra  une  série  de  comlxats  ,,  tout  en  employant  des  moyens  se- 
crets pour  gagner  leurs  chefs.  Une  armée  qu'il  envoya  du  c6t<^ 
de  Mequinez,  mit  le  siège  devant  cette  ville  et  contraignit  le  gou* 
verneur ,  Abd-el-Hack-lbn-el-Hacen-Ibn-Youçof-el-Ourtadjem, 
à  se  rendre.  Alors  une  correspondance  s'établit  entre  El^Ouathee 


^  Dans  letcxte  arabe  il  faut  lire  y^*»iy.  à  la  place  de  i^^y^ 


DTMASTIB  MBSIHIDE.  —  BL-OUàTBBC.  439 

et  ses  partisans  d'une  part,  et  le  vizir  de  Tautre.  11  s'agissait  de 
faire  reconnaître  l'autorité  d'EI-Ouathec  et  de  renvoyer  en  Espa- 
gne ce  fantôme  de  sultan,  El-]^ontecer,  qui  pourrait  alors  rester 
auprès  de  son  père,  Abou-'l-Abbas.  Cetle  négociation  ayant  eu  un 
résultat  parfaitement  satisfaisant,  El-Ouathec  et  ses  partisans 
allèrent  joindre  le  vizir  et  campèrent  auprès  de  lui.  Yaïct>Ibn- 
Âli  [à  qui  cet  arrangement  ne  convenait  pas]  les  quitta  tous  et 
s'en  alla. 

Après  avoir  conduit  £l-Ouathec  au  siège  du  gouvernement» 
Ibn-Maçaï  lui  prêta  le  serment  de  fidélité,  aussitôt  qu'il  eut 
obtenu  pour  lui-même  et  pour  ses  amis,  tous  les  avantages  qu'ils 
pouvaient  souhaiter  .^L'inauguration  du  nouveau  sultan  eut  lieu 
dans  le  mois  de  Choual788  (oct.-nov.  4386).  El-Montecer  fut 
renvoyé  en  Espagne  où  il  trouva  son  père  Abou-'l-Abbas.  Alors 
le  vizir  fit  arrêter  plusieurs  des  chefs  qui  avaient  soutenu  El- 
Ouathec;  il  ôta  la  vie  au  Mizouar- Abd-el-Ouahed  ;  il  emprisonna 
Fareh-lbn-Mehdi  et  fit  mettre  à  la  torture  Dja-el-Khaber  et  d'au- 
tres encore.  Ensuite  il  ordonna  l'arrestation  de  tous  les  fa*- 
miliers  du  sultan  Houça  qui  avaient  tramé  sa  perte,  et  en  fit  mou- 
rir quelques-uns.  Il  emprisonna  aussi  .une  partie  de  là  milice 
andalousienne  qu'Ibn-el-Ahmer  avait  envoyée  en  Maghreb  pour 
soutenir  EUOuathec  ;  les  officiers  d'origine  chrétienne  qui  com- 
mandaient ce  corps  furent  mis  aussi  en  arrestation.  Mohammed- 
Ibn-Abi-Âmr,  secrétaire  du  sultan  Mouça^  fut  arrêté  à  son  retour 
d'une  mission  auprès  d'Ibn-el-Ahmer,  et  ne  recouvra  la  liberté 
qu'en  sacrifiant  toutes  ses  richesses. 

A  la  suite  de  ces  actes  de  rigueur  ,  Masoud-Ibn-HaçaTenvoya 
Idrîs-Ibn-Mouça-el-Yûbani  auprès  d'E)-Hacen-lbn-en-Nacer,  le 
même  qui  avait  soulevé  les  Ghomara  du  mont  Sattha  et  qui  était 
resté  au  milieu  d'eux.  Cet  agent  usa  de  tant  d'adresse  qu'il  par- 
vint h  circonvenir  le  prince  trop  crédule  et  à  l'emmener  à  Fez, 
en  lui  faisant  accroire  qu^il  allait  le  pla.cor  sur  le  trône.  Le  >izir 
retint  ce  jeune  homme  prisonnier  pendant  quelques  jours  et  lo 
renvoya  en  Andalousie. 


A40  HISTOIKB   Dft   BItmift. 


»5-liAÇ«kï   SE    BtOUlLLB     AYBG     LB     SULTAN     IBIf-BL-*ABIIIR.   — 

aboc^Vabbas  Débarque  a  cbuta  afin  db  RitONQuftRiR 

LE   TBÔHB. 


Le  vizir  Ibn-Maçaï  étant  parvenu  à  fortifier  son  autorité  par 
rioanguratioii  d^El-Oualhec  et  à  mettre  fin  aux  (roubles  qui 
avaient  affligé  Tempire,  dirigea  son  attention  vers  les  provinces 
que  les  Mérinides  avaient  perdues  et  chercha  le  moyen  de  let 
recouvrer.  Il  s'occupa  d'abord  de  Cegta,  forteresse  que  le  sultan 
Mouça,  lors  de  son  arrivée  d'Espagne,  avait  livrée  au  sultan  ibn- 
el-Ahmer.  Dans  l'espoir  d'obtenir  la  remise  de  cette  place  en  pre- 
nant les  voies  de  la  douceur,  il  envoya  un  agent  à  la  oour  de 
Grenade.  Ibn-el-Ahmer  ne  put  maîtriser  s»  colère  quand  cet  am- 
bassadeur le  pria  de  rendre  la  forteresse  au  gouvernement  du 
Maghreb,  et  il  déclara  de  la  manière  la  plus  formelle  qu'il  n'y 
consentirait  jamais.  Ce  fut  ainsi  que  la  mésintelligence  se  mi^ 
entre  les  deux  cours^ 

Ibn-Maçaï  expédia  aassildt  un  corps  de  troupes  contre  Geuta  et 
le  fit  accompagner  par  El-Abbas-Ibn-Omar-Ibo-OthmaB-el- 
Ousnafi  ,  par  Tahya-Ibn-Allal*Ibn<-Amsmoud  et  par  le  rms  Mo- 
hammed, ù\b  de  Mobammed-el-Abkem.  Le  rou  appartenait  à 
'a  famille  royale  de  Grenade ,  étant  descendu  du  sultan  [Me- 
hammed-]es«Cheikh,  ancêtre  de  cette  dynastie  et  fondateur  de 
l'empire  andalousien.  Le  vizir  écrivit  en  même  temps  au  roi  de 
la  famille  alphonsienne  qui  gouvernait  Séville  et  la  Galice,  le 
priant  da  lui  envoyer  Mohammed-eUAbkem  et  Mohammed  Ibn- 
Ismail,  cousins  d'Ibn-el-Ahmçr,  afin  de  les  lancer  sur  les  états- 
de  ce  monarque.  ^ 

L'armée  du  vizir  emporta  Ceutade  vive  fçrce  et,  è  la  suite  d'ua 
long  combatdans  les  rues  de  la  ville,  elle  força  la  garnison  anda- 
lousienne  à  se  réfugier  dans  la  citadelle.  Ibn-eUAhmer ,  qui  se 
tenait  alors  dans  Malaga,  remarqua  les  feux  d'alarme  que  les 
assiégés  avaient  allumés  et,  sur  le  champ,  il  embarqua  un  corps 


DYNASTIE  HfiRINlDB.  —  BL-(H2ATBBC.  444 

de  troupes  et  l'envoya  à  kur  secours.  Ayant  ensuite  fait  venir 
de  l'Albamra  le  sultan  Abou-4-Abba8,  il  lui  fournit  un  navire 
pour  le  transporter  en  Afrique.  Arrivé  à  la  citadelle  de  Ceuta, 
}e  premier  du  mois  de  Safer  7«9  (22  février  4387),  Abouti- 
Abbas  monta,  le  lendemain,  sur  le  rempart  et  somma  les  Méri- 
nides  de  reconnaître  son  autorité.  Le  désordre  se  mit  aussitôt 
dans  Tarmée  du  vizir  ;  tojit  le  monde  se  dispersa  et  laissa  tom-^ 
ber  le  camp  au  pouvoir  des  assiégés.  Les  fuyards  retinrent  par 
bandes  et  se  mirent  aux  ordres  de  leur  ancien  sultan,  mais  les 
Arabes  et  leurs  chefs  se  retirèrent  à  Tanger.  Abou-'l-Abbas  prit 
alors  possession  de  la  ville  de  Ceuta  et,  bien  qu'Ibn-el-Ahmer 
Peut  fait  inviter  k  la  lui  rendre,  il  n'en  persista  pas  moins  à  la 
garder  '. 


LE  SULTATT   AB00-'L«ABBAS   MARCHE  SUR    FEZ.  —  L'ABUAB   DU 

VIZIR   BST   MISB   EN    DÉROUTE. 


Quand  Abou-U-Abbas  eut  établi  son  autorité  dans  Ceuta  ,  il 
prit  la  résolution  de  marcher  sur  Fez  aGn  de  reconquérir  son  ro- 
yaume. Ibn-el-Ahmer  Tencouragea  dans  cette  tentative,  en  lui 
promettant  de  le  bien  appuyer.  Il  était  d'autant  plus  intéressé  au 
succès  de  son  protégé  qu'il  avait  découvert  un  complot  ourdi 
contre  lui-même  par  les  intrigues  d'Ibn-Maçaï.  Ce  vizir  avait 
gagné  quelques  individus  que  le  sultan  andalousien  admettait 
dans  son  intimité  et  les  avait  engagés  à  tuer  leur  souverain  et  à 
placer  le  rai'5  El-^Abkem  sur  le  trâne  de  Grenade.  L^on  dit  que 
ces  traîtres  étaient  Youçof-Ibn-Masoud,  de  Valence,  et  Moham- 
med, fils  du  vizir  Abou-'l-Cacem-Ibn-el-Haktm,  de  Bouda.  Le 
sultan  eut  connaissance  de  la  conspiration  pendant  qu'il  se  tenait 


^  Le  texte  arabe  ajoute  ici  un  passafl;e  qui  signifie,  et  il  l'avais 
chargé  des  affaires  des  hôtes  qui  arrivaient.  On  ne  comprend  pas  pour* 
quoi  Tauteur  a  inséré  ces  mois  ici. 


442  BISTOIBB   DBS   BBBBfcBBft. 

à  Gibraltar  pour  veiller  aa  progrès  du  sultan  Abou-'UAbba». 
Les  conjurés  et  leurs  parents  furent  tous  mis  è  mort.  Selon  ua 
autre  rapport,  ce  complot  n^était  qu'une  fable  imaginée  par  Kba- 
«ledy affranchi  et  ministre  du  sultan  qui,  se  voyant  gêné  par 
l'influence  de  ces  hommes,  avait  imaginé  ce  moyen  pour  s'en  àé* 
barrasser.  Quoi  qu'il  en  fut,  le  sultan  laissa  éclater  une  viveindi- 
gnation  contre  Ibn -Ha  çaï  et  pressa  ie  départ  d'Abou-'l-Abbas 
en  l'exhortant  d'aller  reprendre  son  royaume. 

Le  sultan  mérinidc  se  hâta  de  suivre  ce  conseil  et,  après  avoir 
établi  dans  Coûta  comme  son  lieutenant  Rahhou-lbn-ez-Zaïm-eU 
Mokdoudi,  ancien  gouverneur  de  cette  place  forte,  il  alla  mettre 
le  siège  devant  Tanger ,  ville  où  Saleh-Ibn-Hammou-eUYabani 
commandait  au  nom  d'El-Oualhec  et  dont  la  garnison  avait  pour 
chef  le  raïs  El-Abkcm.  Après  avoir  assiégé  la  place  pendant 
quelques  jours  sans  pouvoir  la  réduire  ,  il  y  laissa  un  corps  de 
troupes  en  observation  et  marcha  sur  Aztla.  Cette  ville  reconnut 
aussitôt  son  autorité  et  lui  ouvrit  ses  portes. 

Ibn-Maçaï  •  se  mit  alors  à  la  tétede  l'armée  et  marcha  sur  At tla , 
après  avoir  installé  son  frère  Yaïch  dans  la  capitale  avec  les 
pouvoirs  de  lieutenant-général.  Quand  son  avant-garde  parut  en 
vue  d'AztIa,  le  sultan  Abou-'l-Abbas  s'éloigna  précipitamment 
afin  de  se  réfugier  sur  le  montSaflba.  Il  y  fu^bientôt  bloqué  par 
les  troupes  du  vizir  et  par  le  corps  d'archers  andalousiens  que 
ce  ministre  avait  fait  venir  de  Tanger.  Pendant  l'espace  de  deux 
mois  il  eut  à  soutenir  un  siège  très-rigoureux  ;  mais  alors,  il 
éprouva  un  changement  do  fortune,  amené  par  une  nouvelle 
complication  d'événements. 

Depuis  longtemps,  Youço[-lbn*Ali-lbn-Ghanem,  cheikh  des 
Âulad-Hocein,  arabes  makiliens,  avait  méconnu  l'autorité  du 
vizir  et  s'était  prononcé  en  faveur  d'Abou-'l-Abbas.  Il  avait 
mémo  écrit  au  sultan  Ibn-el-Ahmer  pour  obtenir  le  renvoi  de  son 
ancien  souverain  en  Afrique.  Ayant  maintenant  appris  qu'Abou- 
'l->Abbas  marchait  sur  Fez  après  avoir  occupé  Ceuta,  il  rassembla 


»  Le  texte  arabe  porte  Ibn-Fares 


DYNASTIE  HERINIDB. —  IL-OOATHEC.  443 

ses  Arabes,  pénéira  avec  eux  dans  le  Maghreb  et  prit  posilioo 
entre  Fez  et  Miknaça  ^  Delà  il  lança  ses  cavaliers  dans  les  plaw 
Des  voisines,  afin  d*y  répandre  la  dévastation  et  de  forcer  les  cul- 
tivateurs è  se  réfugier  dans  les  places  fortes. 

D'un  autre  côté,  Ouenzemmar-lbn-Arlf,  ami  sincère  delà  dy- 
nastie roérinide,  avait  continué  à  correspondre  avec  le  sultan 
Abou-'l-Abbas,  auquel  il  était  toujours  resté  fidèle,  et  il  ne  cessa 
d'écrire  ë  Ibn-el-Ahmer  en  faveur  de  ce  prince*  Tout-à-coup,  il 
yit  arriver  chez  lui,  aux  environs  de  Tèza,  Abou-Fares,  fiU 
d'Ahou-'l-Abbas,  et  Siyour-lbn-Tayaten-lbn-Omar.  Ces  envo- 
yés loi  dépeignirent  si  vivement  la  dangereuse  position  da  leur 
sultan,  toujours  bloqué  dans  le  Saflhaque,  sur  le  champ,  il  fit 
proclamer  la  souveraineté  de  son  ancien  maitre  et  se  rendît  à 
Tèza  avec  Abou-Fares.  Soleiman-lbn-Bouhîat-el-Foudoudi,  pa- 
rent du  vizir  Ibn-Maçaï  et  gouverneur  de  cette  ville,  fit  aussitôt 
sa  soumission  au  jeune  prince  et  lui  livra  la  place.  Pour  lui  don- 
ner, un  témoignage  de  3a  haute  satisfaction ,  Abou-Fares  le  prit 
pour  vizir  et  partit  ensuite  pour  Sofrouï  avec  Ouenzemmar,  afin 
de  se  joindre  aux  Arabes  makiliens  et  d'entreprendre  avec  eux 
le  siège  de  Fez. 

Yers  la  même  époque,  un  corps  de  troupes ,  sous  les  ordre» 
d'Él-Abbas-lbn-el-Micdad,  fils  de  la  sœur  du  feu  vizir,  Moham- 
med-Ibn-Olhman,  se  présenta  devant  Ouergha  au  nom  du  sultan 
Abou-'lAbbas,  et  trancha  la  tète  au  gouverneur  Mohammed-Ibn- 
ed-Demâa. 

A  l'aspect  des  révoltes  qui  éclatèrent  ainsi  de  toute  part, 
Yaïch-lbn-Maçaï  expédia  uu  courrier  au  camp  de  Saffha,  pour 
en  avertir  son  frère,  le  vizir.  Les  troupes,  ayant  suce  qui  venait 
d'arriver ,  abandonnèrent  leurs  positions  et  prirent  en  toute 
hâte  la  route  de  Fez.  Le  sultan  se  mit  à  leur  poursuite  et, 
après  avoir  reçu  la  soumission  de  Dja-el«Khaber,  gouverneur 
de  Mequinez  et  affranchi  de  l'émir  Abd  *  er  -  Rahman,  il  opéra  sa 


La  ville  de  M(?qiiincz. 


444  HtBIOll^B    DBS  BBRBBRBS. 

jonction  avec  les   nomades  que  Yoaçof-lbn-*  Ali- Ibn*  Ghaneo^ 
s'ëtaît  empressé  de  lai  amener,  el^marcba  sur  Fez. 

'  Aboa^ares  venait  de  quitter  Tèia  pour  se  rendre  è  Sofrouï, 
où  il  espérait  trouver  son  père,  le  sultan ^  quand  il  rencontra  k 
fieni-BeblouI  un  corps  d'armée  commandé  par  Ibn-Maçaï.  Ce 
vizirn'hésita  pas  d'engager  un  combat  dont  le  succès  lui  parais- 
sait assuré  ;  mais,  à  peine  eut-il  fait  ses  dispositions  pour  l'atta- 
que, qu'il  se  vit  abandonner  par  ses  troupes  qui  passèrent  toutes 
du  câté  de  son  adversaire.  Il  prit  aussitôt  la  fuite  et  rentra  dans 
la  Ville-Neuve  où  il  espérait  trouver  un  asile.  Le  sultan  Abou- 
'1-Abbas  fut  bientôt  averti  de  cet  événement  et  quitta  Mequinei 
a6n  de  marcher  sur  la  capitale.  Parvenu  au  Ouadi*'n-Nedja,  il 
opéra  sa  jonction  avec  son  fils,  Abou-Fares,  qui  était  venu  à  sa 
rencontre  et,  le  lendemain,  il  parut  avec  son  armée  sous  les 
murs  de  la  Yille-Neuve.  Le  vizir  qui  s'y  était  déjà  enfermé 
avec  ses  partissms  et  ses  créatures,  retenait  alors  auprès  de  lui 
Taghmoracen*lbn-Mohammed  et  plusieurs  otages  qu'il  s'était 
fait  donner  par  les  cbefs  mérinides  avant  de  marcher  contre 
Aztla. 


LBS   PARTISANS  DU   SULTAN   ABOU-'^L-ABBAS    BfiTABLISSBNT   SON 

AUTORITÉ   A   MAROC. 


Le  vizir  ibn-Maçaï  avait  confié  le  gouvernement  de  Maroc  et 
des  provinces  masmoudiennes  à  son  (rère  Omar.  Tout  ce  pays 
était  parfaitement  soumis  quand  la  nouvelle  s'y  répandit  de  la 
prise  de  Ceuta  par  Abou-'l-Abbas.  Les  partisans  que  ce  monar- 
que conservait  encore  dans  ces  contrées  s'apprêtèrent  aussitôt  2k 
y  rétablir  son  autorité,  et  Ali-lbn-Zékérïa,  chef  des  Heskoura, 
la  fit  reconnattre  h  tous  les  gens  de  sa  montagne.  Le  vizir  était 
encore  occupé  à  bloquer  le  sultan  dans  la  montagne  deSafihaet 
avait  môme  fait  demander  des  renforts  au  gouverneur  de  Maroc, 
quand  l'insurrection  éclata.  Makhlouf-Ibn  -  Soleimao,  gouver- 
neur de  la  région  qui  sépare  le  Sous  des  provinces  marocaines, 


DYNASTIE  VRIIf IDB .  BL^OUATHEC.  44S 

s^empressa  de  lui  amener  quelques  troupes,  mais  les  autres  gou- 
verneurs so  tinrent  dans  l'inactlou  et  finirent  par  abandonner 
leurs  postes. 

AboU'Thabet,  petit-fils  d'Ali-lbu-Omar,  se  rendit  alors  à  la 
montagne  des  Beskoura,  avec  Youçof-lbn-Yacoub-es-Sobeïhi, 
afin  d'obtenir  l'appui  d'Ali-Ibn-Zékérïa.  Ils  allèrent  ensuite  atta- 
quer Omar-lbn-Rahhou-lbn-Maçaï  dans  Maroc  et,  à  la  suite  d'un 
combat  assez  court,  ils  s'emparèrent  de  la  ville.  Abou-Tbabet 
s^installa  dan^  la  citadelle,  y  fit  emprisonner  Omar  et  envoya  au 
sultan  une  dépécbe  renfermant  cette  bonne  nouvelle.  Abou-'l- 
Abbas  ,  à  qui  cette  communication  arriva  au  moment  où  il  quit- 
tait Mequinez  pour  marcher  sur  Fez,  transmit  à  Abou-Thabet 
Tordre  de  lui  amener  les  troupes  marocaines;  ayant  jugé  que 
leur  concours  lui  serait  nécessaire  pour  faire  le  siège  de  la  Ville- 
Neuve.  Abou-Thabet  établit  un  de  ses  cousins  dans  la  citadelle 
de  Maroc  en  qualité  de  lieutenant  et  partit  pour  Fez  avec  Tarmée 
qu'il  avait  rassemblée.  Il  trouva  le  sultan  sous  les  roqrs  de 
la  Ville-Neuve  et- resta  avec  lui  jusqu'à  la  chute  de  cette  place 
forte. 


BL-HONTECSB,    FILS   DU   SULTAN   AB017»'L-ABBAS,    BST   NOMIIÉ 

GOCTBBNBUR   DB   MABOC. 


Rentré  en  Maghreb  avec  l'espoir  d'y  rétablir  son  autorité,  le 
sultan  Abou -'1- Abbas  embarqua  son  fils,  Mohammed-el-Monle* 
cer,  pour  Salé  et  lui  adjoignit  en  qualité  de  vizir  Abd-el-Hack- 
Ibn-el-Hacen-Ibn-Youçof.  Le  jeune  prince,  étant  arrivé  à  sa  des- 
tination, eut  l'adresse  d'attirer  chez  lui  Zerrouc-lbn-Toucrîret 
qui,  ayant  appris  que  le  sultan  assiégeait  la  Ville-Neuve,  avait 
quitté  le  Dokkala  pour  rentrer  [en  Maghreb].  Zerroucfut  chargé 
de  fera,  conduit  auprès  du  sultan  et  mis  h  tnort  dans  la  prison 
0(1  ce  monarque  l'avait  fait  enfermer.  Quelque  temps  après,  El- 
^Monlecer  reçut  de  son  père  l'ordre  d'aller  prendre  le  gouverne- 
ment de  Maroc  et,  s'élant  rendu  à  cette  ville,  il  somma  le  com- 


416  BIST01BB    DBS    BBRBBH18. 

loandant  do  la  ciladelle  de  lui  livrer  la  place.  Cet  officier,  «qui 
agissait  comme  lieutenant  d'Âbou-Thabet,  répondit  que  le  prince 
pourrait  y  entrer,  mais  sans  être  accompagné  par  aucun  indi- 
vidu de  sa  suite.  Ali-Ibn-Abd-el-Âziz,  cheikh  des  Hintata  et  con- 
fident du  lieutenant,  fit  alors  avertir,  par  une  voie  secrète,  le 
vizir  Abd-el-Back,  que  l^on  avait  le  projet  delui  6ter  la  vie  avant 
de  remettre  la  citadelle  au  prince.  Le  vizir  partit,  sur  le  champ, 
avec  son  maître,  et,  s*étant  jeté  dans  la  montagne  des  Ueskoara, 
il  expédia  au  sultan  une  dépêche  dans  laquelle  il  raconta  ce  qui 
venait  de  se  passer.  Abou-'UAbbas  en  fut  vivement  contrarié  et, 
ne  voulant  pius  se  fier  à  Abou-Thabet,  il  lui  enjoignit  d'écrire 
au  gouverneur  de  Maroc,  Tordre  de  mettre  EUMontecer  en  pos- 
session de  la  citadelle.  Ayant  ensuite  prononcé  la  destitution  du 
vizir  Abd-eUHack  et  son  rappel  à  Fez,  il  fit  choix  de  Saîd-Ibn- 
Abdonn  pour  le  remplacer.  Satd  partit  sur  le  champ,  muni  de  la 
lettre  d' Abou-Thabet  et,  Tayant  remise,  jl  se  fit  livrer  la  cita- 
delle et  y  établit  le  fils  du  sultan.  Amer,  le  lieutenant  d'Abou- 
Thabet,  et  tous  ses  partisans  furent  arrêtés  par  les  gens  d'Ël- 
Montecer  et  mis  à  la  torture  jusq^'à  ce  qu'ils  eussent  livré  toutes 
leurs  richesses. 


PRISE   DB   LA    YILLB-NBUVB  ET   MORT   J)'lBIf-aiÇAÎ 


Aussitôt  que  le  sultan  eut  pris  position  sous  les  murs  de  la 
Yille-Neuve  ,  les  membres  do  sa  tribu,  [les  Beni-Meriu]  et  ses 
dépendants  accoururent  auprès  do  lui.  F^o  vizir  Masoud-lbn- 
Maçaï  fut  tellement  indigné  de  la  défection  des  Mérinides,que, 
sans  l'intervention  jde  Yaghmoracen-Ibn-Mohammed,  il  aurait 
àié  la  vie  à  tous  les  enfants  que  ces  chefs  lui  avaient  remis 
comme  gages  de  leur  fidélité.  Réduit  jusqu'à  la  dernière  extré- 
mité, après  avoir  soutenu  un  slëgo  de  trois  mois,  il  demanda 
une  capitulation  ai/  sultan  qui  lui  envoya*  Ouenzemmar-lbn- 
Arlf  et  Hohammed-Ibn-Youçof^lbu-Allal,  chargés  de  négocier  la 
reddition  delà  place.  Comrae  conditions  du  traite,  Ibn-Maç^ï 


DTRASTIB  MSINIDE.—  IBOC-^L'-ABBAS.  44? 

obtint  ^assurance  qu'aucun  mal  no  serait  fait  ni  à  lui,  ni  à  ses 
partisans  ;  quUl  conserverait  le  titre  de  vizir  et  qu'il  aurait  la 
permiston  d'emmener  en  Espagne  son  sultan  El^Ouatbec.  Les 
deux  commissaires  d'Abou-'l-Abbas  promirent,  sur  la  foi  du 
serment,  que  ces  conditions  seraient  respectées. 

Le  cinq  Ramadan  789  (21  sept.  4387)  le  sultan  rentra  en  pos- 
session de  la  Ville-Nieuve,  trois  ans  et  quatre  mois  après  son  dë- 
trônement.  A  l'instant  même,  El-Ouatheo  fut  arrêté  et  emmené 
à  la  prisoi?  de  Tanger  où  il  fut  mis  à  mort.  Deux  jours  après 
l'occupation  do  la  ville,  le  sultan  proGta  du  raffermissement  de 
son  autorité  pour  faire  arrêter  et  mettre  à  la  torture  Masoud-Ibn- 
Maçaï  ainsi  que  les  frères  et  les  partisans  do  ce  vizir.  Ces  malheu- 
reux succombèrent  tous  dans  les  supplices.  Maâoud  fut  traité 
avec  une  cruauté  inouie  :  comme  il  avait  donné  l'ordre  de  sac^ 
cager  les  habitations  des  Hérinides  qui  l'avaient  abandonné,  il 
reçut  vingt  coups  de  fouet  sur  l'emplacement  de  chaque  maison 
qu'il  avait  fait  abattre;  de  sorte  que  ce  traitement  dépassa  toutes 
les  borner*  Ensuite,  le  sultan  ordonna  de  lui  couper  les  mains  et 
les  pieds,  mais  le  malheureux  vizir  rendit  le  dernier  soupir  au 
moment  où  le  second  de  ses  qualres  membres  lui  fut  abattu. 


MODAXUBD-IBN-' ALLAI    EST   IfOMSlfi  VIZIB. 


Youçof-lbn-Allal,  père  de  l'hommo  d'état  dont  nous  allons 
^esquisser  l'histoire,  sortit  dy  corps  de  jeunes  gens  que  les  sultans 
mérinides  faisaient  éleyer  à  leur  cour.  Il  passa  ses  premières 
années  dans  le  palais  d'Ahou-'l-HaceD;  et  tant  que  h  fortune 
favorisa  son  protecteur,  il  monta  graduellement  aux  plus  hautes 
dignités  de  Tétat.  Gouverneur  du  Derâ,  il  amassa  do  grandes 
richesses,  et,  comme  son  caractère  le  portait  vers  la  magnifi- 
cence, il  mena  un  train  do  vio  digne  d'un  souverain.  Le  sultan 
Abou-Binan  lui  confia  l'intendance  de  sa  cuisine,  do  sa  table  et 
de  la  maison  des  hôtes.  Maintenu  dans  cet  einploi  par  Abou- 
Salcm,  frère  d'Abou-Einau,  Youçof-lbn-Allal  y  resta  quelque 


448  nKTOIRB   DB9  BIRBfelUKS. 

temps;  il  passa  ensuite  au  gouvernement  de  Sidjtlmessa,  oà  il 
éprouva  tant  de  difficultés  dans  radministratioa  des  tribus 
arabes  que  le  sultan  se  vit  obligé  de  )e  destituer.  H  mourut  à 
Fez,  laissant  plusieurs  enfants  qui  furent  tous  élevés  à  Pombre 
delà  bonté  impériale. 

Quand  Abou-1-Âbbas  monta  sur  le  trône,  Mohammed,  fils  de 
Youçof-Ibo-Allal,  laissa  paratlre  de  si  belles  dispositions  qu'il 
obtint  du  sultan  l'intendance  de  la  table  royale  et  de  la  maison 
des  hôtes,  emploi  que  son  père  avait  déjà  rempli  :  dans  la  suite, 
îl  devint  le  confident  et  compagnon  du  souverain.  La  déposition 
d'Abou-4-Abbas  ayant  rendu  le  vizir  Ibn-MaçaY  tout  puissant, 
Mohammed-lbn-Allal  se  trouva  dans  un  graud  embarras  :  depuis 
longtemps,  il  avait  eu  en  Yaïch,  frère  du  vizir,  un  ennemi  qu^il 
détestait,  et  maintenant,  il  se  vit  obligé  de  plier  devant  leur  auto- 
rité. Aussi,  quand  le  feu  de  la'révolte  éclata  en  Maghreb  et  que  les 
Arabes  makiliens  recommencèrent  leurs  courses  dans  le  terri- 
toire de  Tempire,  il  s'empressa  do  fuir  le  danger  auquel  il  se 
voyait  exposé  ,  se  rendit  au  milieu  de  ces  nomades  avec  Zer<» 
rouc-lbn-Toucritet ,  et  y  resta  sous  la  protection  de  Youçof- 
Ibn-Ali-lbn-Gbanem,  cheikk  des  Aulad -Hoccin.  Quand  Ël- 
Ouathec  arriva  d'Espagne  et  se  porta  avec  ses  partisans  jusqu*à 
la  montagne  de  Zerboun  avecTintention  de  combattre  Ibn-Maçaï, 
les  deux  réfugiés  accoururent  auprès  de  ce  prince  et  reconnurent 
son  autorité  ;  se  justifiant  ainsi  de  l'hostilité  qu'ils  avaient  mon- 
Crée  au  gouvernement  cl  h  laquelle  ils  avaient  été  poussés  par  1^ 
haine  d'Ibn-Maçaï.  A  peine  y  furent  ils  arrivés  que  ce  ministre 
se  reconcilia  avec  £l-Ouathec  et  le  conduisit  à  Fez.  Zerronc  et 
Ibn-AUal  ne  purent  se  dispenser  de  suivre  le  prince  et  retom- 
bèrent ainsi  au  pouvoir  de  leur  ennemi.  Le  vizir  oublia  toutefois 
ses  griefs  contre  eux  et  les  rétablit  dans  leurs  anciens  emplois. 

Quand  Mohammed  Ibn -Allai  apprit  qu'Abou-'l-Abbas  avait 
débarqué  à  Ceuta,  il  en  ressentit  une  vive  émotion  et,  se  rap- 
pelant la  bienveillance  qucce  prince  lui  avait  toujours  témoignée 
ainsi  que  la  haine  que  les  frères  Maçaï  lui  avaient  montrée,  il 
prit  hardiment  ^on  parti  et  se  rendit  h  Ceuta.  Le  sultan  le  vit 
arriver  avec  plaisir,  le  reçut  très-hoiiorablcment  cl  lui  confia  la 


DYNASTIE  XfiRtNJDC. ABOU-^-ABBAt.  %h9 

drrcotîon  dos  affaires  politiques.  Quelques  jours  après  Vinvesr 
tissement  de  la  Ville-Neuve,  Iba-Allal  se  vit  revâlu  du  vivirM. 
Dans  celte  charge  împorlànte,  il  déploya  uee  grande  habileté. 
Après  la  prise  de  la  Ville-NeQV4),  l'ordre  se  rétablit  dausTeiii- 
pire  et  Mohammed-lbn-AJlal  continua  à  remplir  ses  hautes  fonc- 
iioas  de  la  mamère  la  plassatlsfaisaole.  Nous  aiAroas  à  repacler 
«de  ce  ministre: 


HOBAUaieil,    FILS   DU    SULTAN  AHD-EL-nALtif,    S'BMPARB    BB 

siiuilhessa. 


Dans  notre  histoire  du  suUan  Abd-el'^Halim,  sarnommé  Hallt 
•et  fils  du  sultan  Abou-Alt  ^  nous  avons  mentionné  que  lesMérini- 
des  le  proclamèrent  souverain  et  marchèrent  avec  lui,  l'an  763 
(1361  j,  contre  la  Ville-Neuve, forteresse  dans  laquelle  Omar-Ibn- 
Abd-Allah  s^élait enfermé  avec  son  sultan,  Abou«Oi9ar-[TacheftD]y 
filsd'Abou-'l-Hacen.  A  la  suite  d'une  sortieopéréepar  la  garnison, 
les  Mérinides  se  dispersèrent  de  tous  côtés  et ,  pendant  que  le 
sultan  Abd-el-Halîm  courut  se  réfugier  dans  Tèza,  son  frère, 
Abd-eUMoumen,  et  son  neveu,  Abd-er-Rahroan-Ibn-Abi-Ifel- 
loucen,  se  dirigèrent  vers  Miknaça  (Wèj^utnez). 

Comme  les  Mérinides  refusaient  de  reconnaître  Abou-Omar 
pour  leur  sullan,  vu  que  son  état  d'imbécililé  le  rendait  incapable 
de  régner,  le  vizir  Omar*lbn-Abd -Allah  prit  le  parti  de  le,  rem- 
placer par  Mohammed,  fils  d'Abou-Abd^r-iRahman  etpetit^ls 
d'Abou-'l-Hacen.  Ayant  fait  venir  ce  prince  de  Séville,  il  le  pro- 
clama sullan  et  sortit  aussitôt  après,  à  la  taie  deTarmée,  afia 
d'empêcher  Abd-el-Moumen  et  Abd-er-Bahman  d'occuper  Me- 


*  Voy.  p«ige  354  de  ce  volume. 


490  OISTOIRB   DES   BEIBBSIS. 

qninez.  Pans  la  rencontre  qui  eut  lieu^  les  troupes  de  ces  princes» 
furent  mises  en  déroute  ;  aussi  se  virent-ils  obligés  de  rentrer  a 
Tèza,  auprès  d'Abd-el~HaUm.  De  là,  ils  se  transportèrent  tous 
les  trois  à  Sidjilraessa  et  y  fixèrent  leur  séjour  ;  Abd-el*Haltn 
conservant  toujours  le  titre  et  l'autorité  de  sultan. 

Quelque  temps  après,  une  querelle  éclata  entre  les  Aulad* 
Hocein  et  les  Ahiaf,  tribus  arabes  makiliennes,  et  Abd*el-Mou- 
men  passa  au  milieu  d'eux  dans  Tespoir  d'effectuer  un  raccomo- 
dement;  mais,  aussitôt  qu'il  s'y  présenta,  les  Hocein  le  proclamè- 
rent sultan  malgré  ses  remontrances.  Abd-el-Halîm  marcha 
contre  les  insurgés  h  la  tête  des  Ahlaf  et  leur  livra  une 
bataille  qui  amena  la  défaite  de  ses  troupes  et  la  mort  de  ses 
principaux  partisans.  Dans  cette  journée,  Yabya-lbn-Rahhou- 
Ibn-Tacheftn-Ibn-Môti,  cheikh  des  Tirbîghtn  et  grand  officier  de 
l'empire  mérinide,  perdit  la  vie.  Abd-el-Moumen  fit  alors  son 
entrée  dans  la  ville  de  Sidjilmessa,  prit  en  main  l'autorité  souve- 
raine et  donna  à  son  frère»  Abd-el-Haltm ,  l'autorisation  de  se 
rendre  en  Orient  afin  de  faire  le  pèlerinage  de  la  Mecque.  Ce 
prince  partit  pour  le  Caire,  en  prenant  la  route  que  l08  pèlerins 
de  Tekrour  ^  ont  l'habitude  de  suivre  à  travers  le  Désert.  Arrivé 
dans  la  capitale  da  l'Egypte,  il  trouva  un  honorable  accueil  au- 
près d'ilbogha-el-Khasseki  ,  officier  qui  gouvernait  alors  au  nom 
du  sultan  El-Achref-Chàban-Ibn-Hocein,  petil-fîls  d'En-Nacer- 
Mohammed  et  l'arrière  petit-fils  de  Galaoun.  Outre  les  dons  et 
les  rations  qu'il  obtint  pour  lui-même  et  pour  les  gens  de  sa 
suite,  l'émir  égyptien  lui  fournit,  à  titre  de  provision  de  voyage, 
une  grande  quantité  de  vivres,  de  vaisselle  et  de  bétes  de  som- 
me, tant  chevaux  que  chameaux.  Après  avoir  accompli  le  pèle- 
rinage, il  revint  au  Caire  où  il  reçut  encore  un  grand  approvi- 
sionnement pour  son  voyage  enMaghreb,  etmourulàTeroudja]*, 


'  Tekrofir,  le  pays  des  Nègres. 

•  Voy.  l'index  géographique,  en  tête  du  prenf>ier  volume» 


DYNASTIE    HfiRlKIDE.  —    AHOU-^L-ABBAS.  45) 

tm  l'an  767  (1365-6).  Les  persoDDes  attachées  à  son  service  ra- 
menèrent en  Maghreb  ses  femmes  et  ses  enfants.  Son  fils,  Mo- 
hammed, dont  nous  avons  maintenant  à  parler^  était  alors  un 
enfanta  la  mamelle. 

Mohammed  ,  fils  du  sultan  Abd-el-HaUm  ,  passa  sa  jeunesse 
loin  de  sa  famille,  h  cause  de  la  jalousie  qui  animait  les  fils 
du  suhan  Afaou -'l-Hacen  contre  leurs  cousins,  les  fils 
d'Abou-Àli.  Il  vivait  tantôt  chez  un  souverain  ,  tantôt  chez  un 
autre  ;  mais,  le  plus  souvent,  il  habitait  Ttemcen,  sous  la  pro- 
tection d*Abou-Hammou,  l'abd-el-ouadite.  Ce  monarque  eut  de 
lui  un  soin  tout  particulier;  car  il  espérait  Renvoyer  plus  tard 
en  Maghreb  [comme  prétendant  au  trône  de  ce  pays,]  ce  qui 
devait  empêcher  les  Mérinides  d-aitaquer  le  royaume  de  Tlem- 
cen. 

En  l'an  789  (1387),  lors  de  l'insurrection  des  Arabes  maki- 
liens  contre  le  vizir  Masoud-Ibn-Maçaï,  le  sultan  Abou-Hammou 
s'empressa  de  faire  passer  son  protégé  au  milieu  de  ces  tribus, 
afin  de  leur  donner  un  prétexte  d'envahir  le  Maghreb  et  d'effec- 
tuer, s'ils  le  pouvaient,  le  démembrement  de  cet  empire.  Mo- 
hammed s'arrêta  chez  les  Ahiaf,  peuplade  dont  le  territoire  était 
irès-rapproché  de  Sidjilmessa  et  dont  les  liaisons  avec  les  ha- 
bitants de  cette  ville  étaient  des  plus  suivies.  Ali-lbn-lbrahtm- 
Ibn-Obbou^Ibn-Maçaï  commandait  alors  h  Sidjilmessa  au  nom  de 
son  parent,  le  vizir.  Celui-ci,  se  voyant  étroitement  bloqué  dans  la 
Ville-Neuve  par  le  sultan  Abou-'l-Abbas,  envoya  des  émissaires 
auprès  des  Ahiaf  et  recommanda  à  son  cousin  Ali  d'engager  les 
gens  de  cette  tribu  à  proclamer  le  prince  Mohammed  et  à  l'éta- 
blir comme  sultan  dans  Sidjilmessa.  Il  espérait  qu'à  la  suite 
de  cet  arrangement,  Mohammed  envahirait  le  Maghreb  et  force- 
rait le  sultan  Abou-'l-Abbas  à  lever  le  siège  de  la  Yille-Neuvc, 
dont  la  garnison  était  aux  abois.  On  suivit  ce  conseil,  et  Ali-Ibn- 
Ibrahîm,  qui  avait  admis  le  prince  Mohammed  dans  Sidjilmessa, 
entreprit  de  lui  servir  de  vizir. 

Après  la  prise  de  la  Ville-Neuve  et  la  mortd'Ibn-Maçaï,  de  ses 
frères  et  de  ses  parents,  une  mésintelligence  éclata  entre  le  vizir 
Aii-Ibn-lbrahim  et  le  sultan  Mohammed.  Il  en  résulta  que  celui- 


452  BISTOIRC   DES   BEBBfeBKS. 

ci  abdDdooDa  Sidjilmessa  et  reoira  à  Tlemceo.  où  la  protection 
d'Abou-Hammou  ne  devait  pas  loi  manquer.  Dès  lors,  Ali-Ibn- 
Ibrahtm  fut  en  proie  à  des  inquiétudes  toujours  croissables,  et  il 
finit  par  se  rendre  au  piilieu  des  Arabes  plutôt  que  de  rester  dans 
une  ville  qu'il  n'osait  plus  gouverner.  Ayant  obtenu  une  es- 
corte d'une  de  ces  tribus,  il  prit  la  route  do  TIemoen  où  il  espé- 
rait obtenir  un  asile,  auprès  d'Abou-Hammou.  Après  la  mort  de 
ce  sultan,  il  partit  pour  Tunis,  où  il  se  trouva,  Tan  706  (1 393-i), 
l6rs  de  la  mort  du  sultan  bafside,  Abou-'l-Abbas. 

iQuand  Abou-Hammou  perdit  la  vie,  Mohammed,  fils  d'Abd- 
el<*Halfm,  se  rendit  aussi  à  Tunis  ;  puis,  après  la  mortd'Abou-'l'- 
Abbas  [le  hafside]|  il  partit  pour  l'Orient  afin  d'y  voyager,  d'y 
faire  la  guerre  et  de  se  tenir  éloigné  de  sa  pairie. 


■ORT   D'iBIf-ABl-AMB  BT  DB   lABACAT-IBN-HASSOUN. 


LesuUan  Abou-'UAbbas,  étant  remonté  sur  le  Irône,  tourna 
son  attention  vers  la  conduite  passée  des  officiers  de  l'empire, 
afin  d'en  reconnaître  ceux  dont  il  devait  se  méGer.  Parmi  les 
l^ns  de  sa  cour  il  remarqua  particulièrement  Mobammed-lbn- 
Abi-Jimr,  un  de  ses  familiers  d'autrefois,  auquel  il  avait  départi 
sa  faveur  et  accordé  le  premier  rang  parmi  le  courtisans.  Nous 
avons  déjà  parlé  de  cet  bomme  d'état. 

•  LesultanMouça,  étant  devenu  mailre  de  l'empire,  ressentit 
pour  Ibn-Abi-Amr  les  mêmes  sentiments  de  bienveillance 
que  son  père,  Abou-Einan,  avait  montrés  envers  le  père  de  ce 
même  individu.  Il  le  choisit  pour  confident  et,  voulant  l'élever 
au-dessuB  de  tous  Mes  autres  officiers  du  royaume,  tl  le  nomma 
secrétaire,  chargé,  comme  son  père  avant  lui,  d'apposer  le  pa- 
raphe impérial  aux  écrits  émanant  du  souverain.  Dans  toutes 


^  Lisez joUw  à  la  place  de^U^ 


CTNAST12  VtBlIlIDS.  ABOU-'L-ABBAS.  45S 

ie3  affaires  importantes,  Mouça  avait  recoars  ë  l'avis  dece  minis- 
tre, et  il  s^en  laissait  influencer  au  point  de  rendre  tous  les  grands 
fonctionnaires  jaloux  de  son  favori.  Quand  le  vizir  Masoud- 
Ibn-MaçaY  apprit  que  le  sultan  Mouça  en  voulait  à  sa  vie,  il  dé- 
couvrit on  même  temps  qu'Ibn-Abi-Amr  était  la  personne  qui  le 
desservait  auprès  du  prince.  Ce  même  Ibn-Âbi-Âmr,  devenu  le 
favori  du  sultan  Mouça,  se  rappela  les  moindres  offenses  qu'il 
avait  reçues  des  intimes  de  [Tex-sultan]  Ahmed [-Âbou-'l- 
Abbas]  et,  pour  se  venger,  il  poussa  son  maitre  à  leur  donner  la 
mort.  Offensé  de  quelques  observations  que  le  cadi,  Abou-Ishac- 
el-Iznaceni,  s'était  permis  de  faire  dans  une  partie  de  plaisir  où 
le  sultan  se  trouvait  avec  ses  intimes,  il  essaja  de  perdre  ce  ma- 
gistrat dans  l'esprit  du  sultan  et  réussit  à  le  faire  fustiger  de  la 
manière  la  plus  indigne.  Envoyé  en  Anda|QUsie  pour  y  remplir 
une  mission,  il  eut  souvenj;  l'occasion  de  passer  aupfès  de  la  mai^ 
son  oii  Abou-'UAbbas  était  détenu  ;  quelquefois  même  il  Ip  rea- 
contraity  mais  il  se  gardait  biep  de)e  saluer  ou  de  lui  (^moigner 
le  respect  qu'on  doit  à  un  prince.  Ce  fut  là  un  trait  qu'Abou'U 
Abbhs  n'gublia  p^s  ;  aussi,  quand  il  en  eut  fini  ayec  ibn-MaçaY. 
il  ordonna  l'arrestation  du  courtisan  ipgra^  et,  quelques  j,our8 
après,  il  le  fit  mourir  à'coups  de  fouet.  La  famille  du  supplicié,  à 
laquelle  on  envoya  le  corps,  s'occupait  à  le  jiransportç^  au  cim^- 
iière  quand  09  vint,  par  Tordre  du  sultan,  le  tirçr  de  la  bière, 
le  traîner  par  les  pieds,  au  moyen  d'une  corde,  à  travers  tous  les 
quartiers  de  la  ville  et  le  pter  enfin  sur  on  tas  de  décombres. 

Quelque  temps  après,  on  emprisonna  Haracat-lbp-Hassonn  f 
homme  qui,  dans  la  carrière  de  la  trahison,  savftit  prendre 
toutes  les  allures.  Quand  Abou-'l-Abbas  vint  débarquer  9  Ceuta. 
les  Arabes  niakilieos^  qui  s'étaient  insurgés  contre  le  gouveriiçr 
menideFeZ;  allèrent  trouver  Baracat  è  Tedia  ,çt  le  forcèrent  .^ 
reconnaîtra  rautorité  d^  ce  monaque  et  à -les  ^QÇOJJ^p^^^^r  ^- 
près  de  lui.  Le  sultan  avait  été  instruit  du  mauvais  yçalp.ir  de 
cet  oQicier,  mais  il  dissimula  son  mécontentemeot  jusqu'il  œ 
'  qu'il  .eût  rafEern;ii  sa  piûssançe  p,ar  I9  prise  de  la  Vill^-fi^ç^ye .; 
%alors,  il  ordonna  Tarrcstation  du  traître  et  le  fit  ijQO^rif  daiiji 
les  tortures.  ^., 


4^54^  IHSXOIRB    DBS   SCHBtEEff. 


BtVOLTB   D^ALI-1B?I-ZÉ:kÉRÏA    DA?(S    L4    MONTAGNE    DBS    HBSKOUftA. 

SA    UORT. 


Ali-Ibn-Zékérïa,  cheikh  des  Heskoura,  auquel  Âbou^'l*Abba& 
envoya  ^invitation  de  venir  k  son  secours  au  moment  d'entre- 
prendre le  siège  de  la  Ville-Neuve,  ressentit  trop  vivement  les 
obligations  qu^il  devait  au  prince  pour  s^y  refuser  :  il  rassemblâ- 
tes gens  de  sa  tribu,  ainsi  que  les  troupes  masmoudiennes,  et 
alla  prendre  part  au  siège.  Le  sultan  lui  témoigna  sa  reconnais- 
sance en  Ini  accordant  le  commandement  de  toutes  les  tribus 
masmoudiennes,  charge  que  le  gouvernement  avait  Phabilude  de 
oonGer  au  grand  cheikh  des  Heskoura.  Quelque  temps  après,  un 
chef  masmoudien,  nommé  Mohammed -lbn-Youçof-el-Metzan\ 
vint  à  la  cour  et,  comme  sa  sœur  avait  épousé  le  vizir  Moham- 
med-lbn-Ibrah}m-lbn«Allal,  il  se  fit  donner  par  le  sultan  Tem- 
.ploidonl  on  avait  revêtu  Ibn-Zékérïa.  Celui-ci  en  fut  si  indigné 
qu'ayant  trouvé  un  prince  de  la  famille  royale,  il  le  proclama  sul- 
tan et  leva  l'étendard  de  la  révolte.  Abou*'l-Abbas  envoya  une 
armée  contre  lui  sous  la  conduite  de  Mohammed -Ibo-Youçof  et  de 
Saleh-Ibn-Hammou-eUYabani.  Il  transmit,  eu  même  temps,  à 
Omar-lhn-Abd-'cl-Moumen,  gouverneur  du  Derà,  l'ordre  de  se 
mettre  à  la  tête  des  troupes  de  cette  province  afin  d'attaquer 
le  rebelle  du  côté  du  midi.  Ali-Ibn-Zékérïa,  se  voyant  bloqué 
dans  sa  montagne,  après  avoir  essuyé  plusieurs  défaites,  passa 
dans  la  montagne  voisine ,  et  demanda  la  protection  d'fbrahtm- 
Ihn-Amran-es-Sanagui  (/r  sanhadjien).  Ce  chef ,.  craignant  Tes 
conséquences  d'une  révolte  qui  l'exposerait  h  être  vaincu,  écouta 
les  représentations  deMohammed-Ibn-Touçofet,  séduit  par  Tar^* 
gent  de  ce  ministre,  il  lui  livra  son  hôte.  On  conduisit  le  prison- 
nier à  Fez  où  il  fit  son  entrée  enla  présence  d'une  foule  immense. 
Après  la  mort  du  sultan  Abou«-'l-Abbas,  les  personnes  chargées 
de  gouverner  le  Maghreb  eurent  une  telle  crainte  de  l'influence 
qu'Ali-lbn-Zékérïa  exerçait  encore  qu'elles  le  firent  mourir  dans 
la  prison  où  on  le  tenait  enfermé. 


BTNASTIB   HâRllflDE.    —    AB0U-'L-ABBA9.  455 


âBOU-TACBBFÎR   SB    BÉTOLTB   CONTRE    SON   PËRB  ,    ABOO-HAMIOU, 
ET   DBVANDB    l'APPUI   d'aBOU-'L-ABBAS.  —  1IAR€HB   DE   l'ARXtK 

HÊRINIOB  BT  SORT  D^ABOU-HAMMOU. 


Vers  la  6n  de  Tan  788  (janvier  4387),  le  prince  Âbou-Ta« 
cheftn  emprisonna  son  père,  Àbou-Hammou,  h  Oran,  et  marcha 
contre  ses  frères,  El-^Montecer,  Âbou-Zian  et  Omaïr,  qui  avaient 
joui  de  toute  la  faveur  paternelle  à  son  détriment.  Pendant  plu- 
sieurs jours,  il  les  tint  bloqués  dans  la  montagne  de  Ttterl^  ou 
ils  s'étaient  mis  sous  la  protection  des  Hosein  ;  puis,  réfléchis- 
sant aux  dangers  dont  il  serait  menacé  tant  que  son  père  resterait 
en  vie,  il  ordonna  h  son  fils,  Abou-Zian,  de  se  rendre  à  Oran  et 
défaire  mourir  le  prisonnier.  Abou-Ztan  partit  à  la  tétad^une 
bande  de  familiers  qu'Abou-Tachefin  tenait  auprès  de  lui  et  au 
nombre  desquels  se  trouvèrent  Mouça,  (ils  du  vizir  Aibran^lbn- 
Monça,  et  Abd-Allah-Ibn-Djaber^el-Khoraçani.  Arrivé  k  Tlem* 
cen,  il  Ata  la  vie  à  plusieurs  fils  d'Abou-Hammon  et,  de  là,  il  se 
rendit  à  Oran  avec  sa  troupe  afin  d^en  faire  autant  à  leur  père. 
Celui-ci,  les  ayant  entendus  [à  sa  porte],  monta  sur  la  terrasse 
du  château  où  on  le  retenait,  appela  les  habitants  de  la  ville  à  son 
secours  et  descendit  au  milieu  d'eux  à  l'aide  de  la  corde  de  son 
turban,  dont  il  attacha  un  desbouts  autour  de  son  corps^  Touto  la 
population  de  la  ville  vint  alors  à  son  aide  et. le  plaça  de  nquveau 
sur  le  trône.  Ibn-Khazrout,  prédicateur  de  la  grande  mosquée,  fut 
le  principal  meneur  de  ce  mouvement.  AboU'Zfan,  ayant  man- 
qué son  coup,  s'enfuit  à  Tlemcen  et,  se  voyant  poursuivi  par  son 
ateul,  il  quitta  C€|tte  ville  et  courut  rejoindre  son  pèi*e.  Abou- 
Hammou  reprit  possession  de  Tlemcen  et,  bien  qu'il  n'y  trouvât 


'  Voy.  tome  ni.  p.  -183.  t 


i^  msrOKB    DBS    BIEBtftES. 

quis  des  maisons  en  ruines  et  des  forlificalioiis  démantelées,  if  y 
organisa  de  nouveau  une  cour  et  une  administration.  A  la  nou- 
velle de  cet  événement ,  .Âboa«Tacbefk)  quitta  précipitamment 
les  environs  de  Titeri,  serendit  en  toute  hâte  à  Tlemcen  et  força 
son  père  k  se  réfugier  dans  le  minaret  de  la  grande  mos- 
quée. L'ayant  décidé  à  se  rendre,  il  lui  permit  de  partir  pour  PO- 
rient  afin  d^accomplir  le  pèlerinage,  et  le  (it  embarquer,  sous 
bonne  garde,  dans  un  navire  qui  allait  partir  pour  Alexandrie 
avec  quelques  négociants  chrétiens.  Quand  ce  vaisseau  fut  par- 
venu à  la  hauteur  de  Bougie,  Aboa-Hammou  gagna  les  chrétiens, 
obtînt  sa  liberté  et,  s^étant  faU  accorder  par  le  gouverneur  do 
Bougie  un  permis  de  débarquer,  il  se  rendit  a  Alger  ei  prit  k  son 
service  les  Arabes  de  cette  province  Ne  pouvant  â'abord  ré- 
duire TlemceBi  il  entra  dans  le  Désert  et  revînt  du  côté  de  i'Oc- 
eident  pour  attaquer  la  ville,  il  mit  alors  en  déroute  l'armée  de 
son  fila  et,  dans  le  mois  de  Bedjeb  790  (juillet-aoftt,  1388), 
rentra  en  possession  de  sa  capitale.  Abou-Tachefîn  se  réfugia  aa 
milieu  des  Soueid,  qui  se  trouvaient  alors  dans  )eUrs  quartiers 
d'hiVer.  Nous  avons  tracé  ici  une  simple  esquisse  de  ces  événe-^ 
aientâ,  les  ayant  déjà  racontés  en  détail^ . 

Abou-Tâcbefîn,  accompagné  de  Mohammed-Ibn-Arjf,  cheikb 
des  Soueid,  se  rendit  auprès  du  sultan  Abou  '1-Abbas  dans  Tes- 
poirde  ramener  la  fortuiie  avec  l'appui  de  ce  monarque.  Le  sul- 
tan lui  fit  de  belles  promesses,  sans  se  presser  de  les  remplir,  e^ 
le  vizir  Mohammed- Ibn-Allal  imita  l'exemple  de  son  maître,  bierr 
qu'il  eftt  juré  au  prince  abd-el-ouaditede  lui  tenir  parole. 

Sur  ces  entrefaites ,  Abou-Hammou  s'était  adressé  au  sultan' 
Ibn-el-Ahmer,  dont  il  connaissait  la  haute  influence  auprès  du 
gouvernement  mérinidè,  et  le  pria  d'employer  son  inierventioc^ 
afin  d'empdcber  Abou-'l-Abbas  d'appuyer  Abou-Tacbefin.  Le 
sultan  espagnol  laissé  de  côté  toute  autre  affaire  pour  no  s'oocu- 
pét  que  de  celle-ci,  à  cause  defe  grande  importance  qu'il  y  atla- 


l^oy.tomenr,  page  484  etsuiv. 


DYNASTIE   MtRlNlDB.  —   ABOU-^^L-ABfeAS.  457 

chait,  ot  il  invita  le  sultan  mérinide  k  lui  onvoyer  le  réfugié. 
Abou-'l-Abbas  répondii  que  cela  ne  dépeDdait  plus  de  lui,  puis-* 
que  son  fils,  Aboa*Fares,  venait  de  prendre  Abou-Tacheftn  sou» 
S9  protection.  Le  vizir  traîna  en  longueur  cette  négociation,  jus- 
qu'à ce  qu'il  eût  mari  ses  plans  et  décidé  le  sultan  mérinide  a 
remplir  ses  engagements  envers  Abou-Tacbefîo.  Alors  il  se  mit  à 
la  léte  d'une  armée  el  partit  pour  Tèza,  avec  l'émir  Aboo-Fares, 
afin  d'appuyer  les  mouvements  de  leur  protégé.  Le  sultan  Abott- 
HâmmoU  évacua  aussitôt  Tlemcen  ,  rassembla  ses  alités ,  les 
Obeid-Allah  et  alla  se  retrancher  dans  la  montagne  des  Ghaïran,^ 
derrière  le  Beni-Ournîd,  autre  montagne  qui  domine  Tlemcen* 
Le  vizir  et  Abou-Tacbeffn  en  furent  informés  par  leurs  espions 
el  partirent  de  Tèza  afin  de  surprendre  Abou-Hammou  et  ses 
Arabes.  Conduits  par  Soleiman-Ibn-Nadji,  chef  des  Ahlaf,  ib 
prirent  le  chemin  qui  traverse  le  Désert  et  tombèrent  à  l'impro- 
visle  sur  lesKharndj  qui  étaient  cdm{)és  aEl-Ghaïran  avec  Abou^ 
Hammdu.  Ces  Arabes  prirent  la  fuite  après  une  courte  résistance; 
Abou-Hammou  voulut  les  suivre,  mais  son  cheval  s'abattit  et  it 
fut  lui-même  atteint  parles  gens  d'Abou-Tachefin  et  tué  à  coups 
de  laiïce.  On  porta  sa  tête  au  vizir  età  l'émir  Abou-Tachefiu,  qui 
l'envoyèrent  au  sultan.  Omaïr,  fils  d'Abou-Hammou ,  fut  fait 
prisonnier  ot,  sans  l'opposition  des  Mérinides,  il  aurait  été  tué 
sur  le  champ  par  Abou-Tacheffn  ;  cependant,  ils  le  livrèrent  à 
son  frère  quelques  jours  plus  tard,  et  celui-ci  le  fit  égorger. 

Vers  la  fin  de  l'an  791  (nov  -déc.  4389),  quand  Abou-Tache* 
ftn  entra  dans  Tlemcen,  le  vizir  resta  campé  avec  ses  Mérinides 
en  dehors  de  la  ville  pour  y  attendre  Texéculiondes  engagements 
que  ce  princeavait  pris,  et,  quand  il  eut  reçu  de  lui  la  sommed^ar-* 
gent  stipulée  dans  le  traité,  il  repartit  pour  le  Maghreb.  Abou- 
Tachefîn  s'établit  dans  Tlemcen  en  qualité  de  vassal  du  sultan 
Abou-'l-Abbas  et,  par  son  ordre,  on  fit  la  prière  au  nom  de  ce 
souverain  dans  toutes  les  mosquées  de  l'empire  abd-cl-ouadite- 
Depuis  lors,  il  envoya  chaque  année  à  ce  monarque  une  somm^ 
considérable  à  litre  de  tribut ,  aibsi  que  cela  avait  été  convenu. 

A  l'cpoquc  ou  Tlemcen  retomba  au  pouvoir  d'Abou-Hammou^ 
émir  Abou-Zîan,  fils  de  ce  prince  ,  obtint  de  lui  le  gouvernement 


468  HISTOIRB     DES  BBBBBRBS. 

d'Alger.  Quand  il  apprit  ia  mort  de  son  père,  il  passa  chez  les 
Hoseio  pour  leur  demander  les  moyens  de  se  venger.  Une  dépa- 
iation  des  Beni-Amer,tribuzoghbienne,  étant  alors  venue  lui  pro- 
poser la  conquête  de  Tiemcen ,  il  partit  avec  elle,  obtint  l'appui 
de  leur  chef,  Bl-Masoud-Ibn-Soghaïr,  et  marcha  contre  cette 
ville.  Au  mois  de  Redjeb  79S  (juin-juill.  4390),  ils  y  mirent  le 
siège,  maiSy  àl'expiration  de  quelques  jours,  les  Arabes  se  lais- 
sèrent corrompre  par  Pargent  d'Abou-  Tachefin  ei  décampèrent. 
Abou-Tacheftn  dirigea  alors  une  attaque  contre  Abou-Ztan  et  le 
força  à  prendre  la  fuite.  Ceci  se  passa  dans  le  mois  de  Ghàban 
(juillet-août)  de  la  même  année. 

Abou-Ztan  se  jeta  dans  le  Désert,  rallia  à  sa  cause  les  Arabes 
makiliens  et,  dans  le  mois  de  Choual  (sept.-oct.  4390),  il  repa- 
rut sous  les  murs  de  Tiemcen  dont  il  recommença  le  siège. 
Averti  ensuite  qu'une  armée  mérinide  s'avançait  pour  dégager 
Abou-Tacheftn,  lequel  avait  envoyé  son  fils  en  Maghreb  afin 
d'obtenir  des  secours,  et,  sachant  que  ces  troupes  étaient  déjà 
arrivées  h  Taourtrl,  il  quitta  ses  positions  et  rentra  dans  le  Dé- 
sert. Quelque  temps  après,  il  prit  la  résolution  d'aller  solliciter 
l'appui  des  Mérinides.  Abou-'l-Abbas  ,  souverain  du  Maghreb, 
l'accueillit  très-honorablement,  mais,  tout  en  lui  promettant  de 
l'aider  y  il  le  retint  auprès  de  lui  jusqu'à  la  mort  d'Abou-Ta- 
chefîn. 


MORT   d'aBOU-TàCHBfIn.    —   LB   SOUTBRAHI  nu  MAGHflBB  PBBND 

POSSESSION  DB  TLBVCBN^ 


*  L'auteur  reproduit  textuellement  un  chapitre  qu'il  a  déjà  donné 
et  donton  trouvera  la  traduction  dans  le  tome  m,  p.  489,  490. 


LES  MÊRIKIDKS   VOLONTAIRES    DE   LA   FOI.  459 


HOKT  D^AB0U-'L-ABBA8,   SULTAN  DU   MAGHREB. — ABOU-zIaN, 
FILS   d'ABOU-HAMHOU  ,     DETIENT   HaItRE   DE    TLEICEN     ET  DU 

■AGHRB3  CENTRALE 


HISTOIRE     DBS     PRINCES     DE     LA     FAUILLE     d'aBD-EL-HACK    QUI 

COVMANDËRENT  LES   VOLONTAIRES   DE   LA    FOI  EN   ANDALOUSIE. 

CBS    CHEFS    PARTAGÈRENT    LE    POUVOIR     AVEC     LE    SOUVERAIN    DE 
GRENADE    ET   EURENT  A   EUX  SEULS   LA  CONDUITE  DBS  EXPÉDITIONS 

CONTRE    LES   CHRÉTIENS*. 


Après  la  chute  de  la  dynaslie  fondée  par  Abd-el-Houmen  el 
l'élablisseuQent  de  la  famille  El-Ahmer  sur  le  trône  de  Grenade, 
TAndalousie  tomba  dans  la  décadence  et  n'eut  presque  plus  de 
troupes  pour  la  défendre.  Elle  aurait  bientôt  succombé  sans  l'in- 
tervention delà  providence  divine,  qui  inspira  aux  tribus  zena- 


*  Ici,  dans  le  texte  arabe,  notre  auteur  reproduit  textuellement 
le  dernier  chapitre  de  Thistoire  de  la  dynastie  abd-eI*ouadite. 
Comme  nous  en  avons  déjà  donné  la  traduction  dans  notre  troi- 
sième  volume,  pages  490,  491 ,  nous  y  renvoyons  le  lecteur. 

'  L'auteur  raconte  dans  ce  chapitre,  et  d'une  manière  très-vague, 
une  série  de  faits  dont  il  donne  les  détails  dans  les  chapitres  sui' 
vantSr 


460  HISTOiafi    DBS     BEKBÈRE9. 

tiennes  la  passion  de  la  goerro  sainte,  à  ces  tribus  qui  se  sont 
transmis,  l'une  à  Tautre,  le  sceptre  de  la  domination  et  qui  ont 
reçu  en  partage  les  royaumes  du  Maghreb.  Dans  cette  noble 
cause,  les  Beni-Merin,  habitants  du  Maghreb-el-Acsa,  se  sont  par- 
ticulièrement distingués  ;  les  occasions  ne  leur  ont  jamais  man- 
qué, vu  la  proximité  des  côtes  du  Maghreb  et  de  l'Espagne, 
aiusi  que  le  grand  nombre  de  ports  où  l'on  peut  s'embarquer  afin 
de  traverser  le  Détroit.  Depuis  les  temps  les  plus  anciens,  ce 
canal  avait  servi  de  voie  de  communication  entre  les  deux 
continents. 

Les  Mérinides  venaient  de  conquérir  le  royaume  du  Maghreb 
quand  les  musulmans  espagnols,  affaiblis  parleurs  malheurs  et 
par  les  empiétements  du  roi  chrétien,  se  virent  obligés  de  reçu- 
1er  vers  le  bord  de  la  mer.  Le  vainqueur  s'était  emparé  d'El- 
Frontièra  [le  territoire  de  Xérès  de  la  Profitera)  et  même  d'une 
partie  des  contrées  situées  en  deçà  de  cetCe  limite,  pendant  que 
les  enfants  du  Comte,  seigneurs  de  Barcelone  et  de  Catalogne, 
avaient  conquisTEspagne  orientale.  Le  triste  sort  deCordoue  et 
de  ses  sœurs,  Séville  et  Valence,  avait  été  annoncé  dans  toutes 
les  parties  du  monde.  A  la  fin,  les  musulmans  cédèrent  à  l'indi- 

ë 

gnation  et  ne  demandèrent  qu'un  seul  bonheur,  celui  de  consa- 
crer leurs  jours  et  leurs  richesses  à  la  guerre  sainte*  En  Afrique, 
le  premier  à  débuter  dans  cette  carrière  fut  l'émir  hafside,  Abou* 
ZékérYa,  souverain  le  plus  puissant  de  l'époque ,  seul  prince  sur 
lequel  on  pouvait  compter  pour  ramener  les  triomphes  de  l'isla- 
misme. Quand  les  habitants  de-  l'Espagne  eurent  reconnu  la  sou- 
veraineté de  ce  monarque  et  envoyé  à  Tunis  une  députation  de 
cheikhs,  chargé  de  lui  offrir  foi  ^t  hommage,  il  employa,  pour 
les  secourir,  une  grande  partie  de  sa  cavalerie  et  de  ses  trésors. 
Yacoub,  fils  d'Abd-el-Hack,  avait  longtemps  nourri  l'espoir 
d'assister  à  la  guerre  sainte  ;  il  avait  même  supplié  son  frère, 
Abou-Yahya,  de  le  laisser  passer  en  Espagne  ,  mais  celui-ci  lui 
fut  trop  attaché  pour  le  permettre  do  s'expatrier.  D'après  ses 
ordres,  Âbou-Ali-Ibn-Khalas,  gouverneur  de  Ceuta,  mit  tant 
d'obstacles  à  l'embarquement  de  Yacoub  qu'il  l'obligea  h  ne 
{)lus  y   penser.    Devenu  souverain    du  Maghreb   par  la  mort 


LES   MfiRlMDBS  VOLONTAIRES   VE   LA    FOI.  461 

de  son  frère,  Abou-Yahya  ,  le  sultan  Yaçoub-Ibn-Abd-el- 
Hack  fut  obligé  de  veiller  à  ses  propres  intérêts  et  de  renon- 
cer aux  mérites  de  la  guerre  sainte  :  Tinfluence  de  ses  neveux, 
fils  d4drts-Ibn-Abd-el-Uack,  et  la  jalousie  qui  les  animait  contre 
ses  propres  enfants  lui  donnèrent  de  trop  justes  motiis  d'appré- 
hension. Aussi,  quand  Amer,  fils  dldrîs,  lui  demanda  la  per- 
mission d'aller  faire  ia  guerre  sainte  en  Espagne,  il  la  lui  accorda 
avec  un  grand  empressement.  Il  plaça  même  sous  les  ordres  de 
ce  prince  un  corps  de  volontaires  zenatiens  composé  de  plus  de 
trois  mille  hommes,  et  le  laissa  traverser  le  Détroit  avec  son 
cousin Rahhou,  fils  d*Abd-Allab,  GIsd'Abd-el-Hack. 

Débarqués  en  Espagne,  Tan  661  (4262-3)*,  ces  guerriers  dé- 
ployèrent une  grande  bravoure  contre  les  infidèles  et  se  couvri- 
rent de  gloire  ;  mais,  ensuite,  Amer  rentra  en  Magbreb.  Plusieurs 
membres  collatéraux  de  ia  famille  royale  [qui]  s'étaient  mis  en 
révolte  [contre  leur  sultan,  durent  ensuite  passer  en  Espagne], 
et  inspirèrent  aux  pr;nces  zenatiens  l'envie  de  les  imiter.  Dans 
le  Maghreb  centrai ,  Abd-el-Mélek ,  fils  de  Yaghmoracen- 
Ibu-Zian,  Aïd,  fils  de  Mendtl-lbn-Abd-er-Rahman,  Zîan ,  fils 
de  Mohammhd-lbn-Abd-el-Caouï,  etquelqbes  autres  fils  de  rois, 
prirent  ensemble  rengagement  de  traverser  le  Détroit  et  de  se 
dévouer  à  la  guerre  sainte.  Us  s'y  rendirent  elTectivement,  Tan 
676  (4277*8),  et  emmenèrent  avec  eux  tous  les  hommes  de  leurs 
tribus  respectives  dont  ils  pouvaient  disposer.  De  cette  manière, 
TEspagne  se  remplit  de  princes  et  de  grands  chefs  zenatiens. 
Parmi  les  premiers  on  remarquait  les  fils  d'Eïça-lbn-Yahya- 
Ibn-Ousnaf-Ibn-Obbou-Ibn-Abi-Bekr'lbn-Hainmama  et  Solei- 
man-lbn-Ibrabtm  ,  guerriers  qui  se  firent  une  haute  renommée 
en  combattant  les  chrétiens. 

Mouça-lbn-Rahhou,  soutenu  par  les  Beni-Abd-Âllah-Ibn-Abd- 
el-Hack,  avait  supporté  un  siège  contre  le  sultan  dans  le  château 
d'Aloudanet,  après  avoir  capitulé,  il  se  rendit  h  Tlemcen.^Parmi 


'  Voy.  p.  48  Ce  ce  vulumc. 


462  HISTOIBE   DIS   BERBERES. 

les  nombreuses  branches  de  la  famille  mérinido,  les  fils  d'Abd- 
Allah-Ibn-Abd-el-Hack  et  d'Idrts- Ibn^Abd-eî  Hack  faisaient 
bande  à  pari  ;  et  cela  par  la  raison  qu'Ahd-Allah  et  Idrtsnaqui-» 
rent  de  la  môme  mère,  Sot-en-Niça.  Mohammed,  fils dldrîs,  se 
révolta  a  l'exemple  de  son  cousin, Yacoub  Ibn-Abd- Allah,  et  ,s*é- 
tant  enfermé  dans  Casr-Ketama,  l'an  663  (1264-5)^  il'y  soutint 
un  siège  contre  le  sultan^  qui  lui  accorda,  toutefois,  une  capitu- 
lation honorable.  Quant  à  Yacoub,  il  persista  dans  l'insoumis- 
sion et  continua  ë  courir  de  lieu  en  lieu  jusqu^à  ce  qu'il  fût  tué, 
Tan  668  ;(  1269-70  ) ,  aux  environs  de  Salé  ,  par  Talha-lbn- 
Uohalli,  allié  du  sullan.  Ce  fut  à  l 'époque  où  le  sultan  dési- 
gna son  fils,  Abou-Malek,  comme  hérificr  du  trône  que  ces 
membres  de  la  famille  royale  prirent  le  parti  de  s'in- 
surger. Hohammed-lbn-Idrts  occupa  le  château  d'Aloudan , 
et  Mouça-lbn-Bahhou-Ibn-Abd-Allah,  soutenu  par  ses  cousins, 
les  fils  d'Abou-ETad-]bn-Abd-el*Hack,  se  retrancha  dans  les 
montagnes  des  Ghomara.  En  Tan  670  (1271-2),  le  sultan  les 
contraignit  à  capituler  et  les  déporta  en  Espagne.  Ce  fut  alors, 
pendant  qu'ils  soutenaient  si  bien  la  guerre  contre  les  infidèles, 
que  les  princes  zenatiens  de  Tlemcen  aspirèrent  Vpartagcr  leur 
gloire. 

En  Tan  670,  [Mouça-lbn-Rahhou]  quitta  cette  ville  et  se  ren- 
dit en  Espagne  où  le  sultan-lbn-el-Ahmer  lui  donna  le  comman- 
dement des  volontaires  de  la  foi  ;  ayant  reconnu  en  lui  un  homme 
digne  d'en  être  le  chef,  tant  par  sa  naissance  que  par  sa  bravoure. 
Après  y  avoir  fait  un  court  séjour,  [Mouça]  rentra  en  Maghreb. 
Son  frère,  Abd-el-Hack  le  remplaça  avec  l'autorisation  du  sultan 
espagnol,  mais,  quelque  temps  après,  il  quitta  le  service,  dans 
un  moment  de  mauvaise  humeur,  et  se  rendit  à  Tlemcen.  Ibra- 
hfm-Ibn-Eïça-Ibn-Yahya-lhn-Ousnaf  fut  alors  nommé  comman- 
dant des  volontaires  de  la  foi. 


'  Ou  bien,  en  l'an  600  ;  voy.  p.  4s  do  ce  volume. 


LBS   MÉBllVIDIS    TOLORTAIBBS   hE   LA  FOI.  462 


BI5T0IHE  DE  MOUÇÀ-IBN-RAHBOU,   PREMIER  CHEF  DBS  VOLONTAIRES 

DE  LA    FOI.  — ^  IL  FUT  REMPLACÉ    PAR  SON  FRÈRE  <,   ABD-BL«BACE 

LEQUEL    EUT   POUR   SUCCESSEUR    SON    FILS    DAMMOU. 


Après  la  morl  du  sultan  [de  Grenade,  Mohammed  I-]Ibn-eI- 
Ahmer,  surnommé  le  Cheikh,  son  (ils  el  successeur  [Mohammed 
11]  !bn-eUAhmer,  surnommé  le  Fakih  {légiste)  envoya  une  dépur 
talion  en  Maghreb  afin  d*inviter  le  gouvernement  ihérînide  à 
porter  secours  aux  musulmans  de  l'Espagne.  Le  sultan  Yacoub- 
Ibn-Abd-el-Hack  s^empressa  d'accueillir  cette  prière  et,  en  Pan 
673  (4 275) 'il  passa  le  Détroit  pour  la  première  fois.  Dans  une 
bataille  sanglante,  il  écrasa  les  troupes  chrétiennes ,  tua  leur 
chef,  Don  Nuno  [de  Lara]  et  porta  ses  armes  victorieuses  dans 
toute  ^Andalousie.  Ibn-el-Ahmer  regretta  alors  la  démarche 
quMI  venait  de  faire  ;  il  commençait  à  craindre  que  les  suites  lui 
en  fussent  funestes  et  que  le  sultan  mérinide  le  traitât  de  la 
même  manière  que  Youoof-Ibn-Tacheffn  et  les  Almoravides 
avaient  traité  Ibn-Abbad.  A  côté  de  lui,  une  dynastie  rivale  fon- 
dée par  ses  parents,  les  Beni-Chekîlola,  régnait  sur  Guadiz,  Ha- 
laga  el  Gomarès,  pendant  que  dcu\  chefs  andalousiens,  Abou- 
Atdrîl  '  el  Ibn*ed-Delil{i  faisaient  des  incursions  dans  le  ter- 
ritoire musulman.  Aidés  par  les  chrétiens,  ces  révoltés  mirent  le 
siège  devant  Grenade  dont  ils  avaient  ravagé  les  environs,  mais, 
voyant  que  Yacoub-lbn-Abd-eUHack  avait  consolidé  sa  puis- 
sance en  Espagne,  ils  firent  alliance  avec  lui. 


'  Dans  le  texte  arabe,  remplacez  ibnih  par  akhih. 
*  En  Tan  674  Voy.  ci-devant,  p.  77. 
^  Voy.  p.  89  de  ce  vol.  L'orthographe  de  co  nom  est  inrerlainp. 


464  DISTOIRB    DES    BERURIS. 

Ibn-el-Ahmer  vilavcc  elTroi  celte  coalition  et,  pour  se  garan- 
tir contre  les  tentatives  du  sultan,  il  résolut  de  lui  opposer  Pua 
ou  l'autre  des  princes  mérinides  que  Ton  gardait  à  la  cour  de 
Grenade.  A  cette  époque,  il  y  avait  les  fils  de  Rihhou-Ibn- 
Abd-Allah  ,  les  fils  dUdris-lbn-Abd-AlIah  et  les  Gis  dldrîs- 
]bn-Abd-el-Hack ,  descendus  tousde  la  même  aïeule,  Sot- 
en-Niça  [Tune  des  femines  d'Abd  *el-Hack].  Avec  eux  se 
trouvèrent  les  Gis  d' Abou  -  Eïad  -  Ibn  -  Abd  -  el  -  Hack  ,  qui , 
épouvantés  par  la  froideur  que  le  sultan  leur  avait  témoi- 
gnée ,  s'étaient  réfugiés  en  Espague.  Ils  quittèrent  le  Ma- 
ghreb sous  le  prétexte  d'assister  h  la  guerre  contre  les  inGdèles« 
mais  en  réalité,  ils  n'avaient  d'autre  désir  qued'éviter  le  voisinage 
d'un  homme  aussi  puissant.  Chaque  fois  que  le  sultan  Abou- 
Youçof-Yacoub  soupçonnailla  Gdélitéd'un  prinbedesa famille,  il 
l'envoyait  en  Andalousie  :  aussi  s'en  trouva-t-il  auprès  d'Ibo-el- 
Ahmer  toute  une  bande:  on  y  voyait  les  Gis  d'Abd-el-Hack, 
ceux  d'Ousnaf,  de  Nezoul  et  de  Tacbefln-lbu-Môli,  chef  des 
Tirbightn  ,  fraction  des  Béni -Mohammed.  On  y  remarquait 
aussi  les  fils  de  Mohalli ,  oncles  maternels  du  sultan  Abou- 
Youçof. 

C'étaitordinairementà  l'un  ou  à  l'autre  deccs  prii^ces  qu'Ibn* 
el-Ahmer  confiait  le  commandement  des  Zenata,  volontaires  de 
la  foi,  surtout  quand  il  s'agissait  d'envahir  le  territoire  chrétien. 
Il  commença,  l'an  673  (1274-5),  par  y  nommer  Mouça-lbn- 
Rahhou;  ensuite,  quand  celui-ci  rentra  en  Maghreb,  il  en  cboi- 
sitle  frère,  Abd-el-Hack,  pour  le  remplacer.  Abd-el-Hack  rentra 
aussi  en  Maghreb  et  eut  pour  successeur  Ibrahim-Ibn-Eïça. 
Quelque  temps  après,  Mouça-lbn-Rahhou  passa  encore  en  Espa- 
gne avec  son  frère  et  obtint,  pour  la  seconde  fois,  le  commande- 
ment des  volontaires  de  la  foi.  A  cette  occasion,  Ibn-el-Ahmer 
lui  délégua  des  pouvoirs  extraordinaires, dans  la  pensée  que  l'on 
serait  obligé  de  repousser  par  les  armes  le  sultan  mérinide, 
Abou-Youçof.  Dans  la  suite,  cet  emploi  fut  rempli  alternative- 
ment par  eux  et  par  leurs  cousins  ;  mais,  avant  que  cet  arrange- 
ment fiH  définitivement  adopté,  le  sultan  faisait  remplir  Id  place 
vacante  par  un  autre  chef.  Ce  fui  ainsi  qu'à  l'occasion  dune  ex- 


IIS  MBRITllDES   yOLp!(T41RES   DE    LA    FOI.  i65 

pédilioD  en  pays  ennemi ,  il  nomma  Ali,  fils  d'Âbou-Eïad^lbn- 
Al)d-el-Hacky  chef  du  corps  des  volontaires  et,  une  autre  fois, 
en  l*an679  (4280-4),  il  en  confia  le  commandement  à  Tachefin^- 
Ibn-Môti.  Cet  officier  marcha  au-devant  du  roi  chrétien  et, 
l'ayant  rencontré  au  pied  du  château  de  Moclin^  il  remporta  sur 
lui  la  victoire. 

Plus  tard,  Ibn-el-Ahmer  eut  à  combattra  le  sultan  Abou-You- 
çof  et,  dans  une  de  ses  expéditions,  il  plaça  toutes  les  troupes 
zenatiennes  sous  les  ordres  de  Yala-Mbn-Abi-Eïad.  Une  bataille 
s'ensuivit  dans  laquelle  les  Mérinides  furent  mis  en  déroute,  et 
Mendil,  filsde  leur  sultan,  tomba  au  pouvoir  des  vainqueurs. 
Après  la  mort  d'Abou-Youçof^Yacoub,  son  fils  et  successeur, 
Abou-Yacoub  Youçof,  fit  la  paix  avec  le  sultan  andalousien  et 
procura  ainsi  la  liberté  de  son  frère. 

Le  commandement  des  volontaires  revint  ensuite  à  Houça«lbn- 
Rahhou  ^  qui  le  conserva  jusqu'à  sa  mort.  Abd-el-Hack,  frère  et 
successeur  de  Mouça,  remporta  plusieurs  victoires  sur  les  enne- 
mis de  l'islamisme  et  garda  cet  emploi  tant  qu'il  vécut^.  Mort  en 
l'an  699  (4299-4300),  il  fut  remplacé  par  son  fils  Hammou.  Ce 
haut  emploi  passa  plus  tard  de  la  famille  de  Mouça-Ibn-Rahhou 
dans  celle  de  son  parent,  Abou-'l-Olà  ;  puis,  dans  une  autre  fa- 
mille. Hammou  lui-même  se  vit  placer  sous  les  ordres  de  son 
successeur,  Othman-lbn-Abi^'1-Olâ. 

Quant  à  lbrahim-lbn*Eïça-el-Ousnafi,  il  rentra  en  Maghreb  et 
alla  trouver  le  sultan  Abou-Yacoub-Youçof  ;  mais,  quelque  temps 
après,  il  fut  mis  à  mort  par  l'ordre  de  ce  prince,  qui  faisait  alors 
le  siège  de  Tlemcen.  A  cette  époque,  Ibrahîm  était  devenu  vieux 


*  Il  faut  lire  (jjAiill.—  Voy.  Ferreras,  t.  iv,  p.  317. 

*  Dans  le  texte  arabe  lisez  (^^. 

'  C'est  à  tort  qu'on  a  imprimé  dans  le  texte  diVdhey^j   (j^  o^*  H 
faut  supprimer  l'un  des  ^o. 

*  Dans  l'édition  imprimée  du  texte  arabe,  p.  515,  ligne  10,  il  y  a 
une  phrase  répétée  qu'il  faut  supprimer. 

T.  IV.  30 


466  HISTOIHB   DBS    BERBÈHES. 

et  aveugle.  Yaia-Ibn-Abi-Eïad  mourut  en  687  (4288)  ;  Môtt 
Ibn-Tacbeflo  eu  689  et  Talha-Ibn-Hohalli  en  686. 


HISTOIBB     D'ABD-BL-HA€K-IBN-OTHHlff  ,    COHMAMDAKT    DES 

V0L09ITAIBES  DB    LA   FOI. 


Abd-eUHack,  l'un  des  princes  les  plus  illustres  de  la  famille 
mérinide,  était  petit-fils  de  Mohammed,  fils  et  second  successeur 
deVémir  Abd-el-Hack  [fondateur  de  la  dynastie].  Son  père, 
Olhman ,  fils  de  Mohammed ,  mourut  en  Espagne ,  Pan  679 
(1280-4),  pendant  qu'il  faisait  une  expédition  contre  les  chré* 
tiens.  Abd-el-Hack  fut  élevé  sous  les  yeux  du  sultan  Touçof. 
S'étant  ensuite  concerté  avec  \p  vizir  Rahbou-Ibn*Yacoub-el-- 
Outaci,  il  sp  mit  en  révolte  contre  le  sultan  Abou-V-Rebià  *  et 
dut  s'enfuir  à  Tlemcen,  d'où  il  se  rendit  en  Espagne.  Abou- 
'1-Djoîouch  ,  fils  du  sultan  Mohammed-el-Fakih ,  gouvernait 
aloi s  l'Andalousie,  etHammou,  filsd'Abd-el-Hack-Ibn-Rahhou, 
commandait  les  volontaires  zenatiens.  Emprisonné  par  le  gou- 
vernement^ andalousien  sur  la  demande  du  sultan  mérinide, 
Abou-Satd' ,  l'émir  Abd-el-Back  effectua  son  évasion  et  passa 
chez    les  chrétiens. 

Abou-'l-Ouélid,  fils  durais  Abou-Satd,  s'étant  mis  en  ré- 
volte, à  Malaga,  prit  le  titre  de  sultan  et  alla  mettre  le 
siège  devant  Grenade.  Plusieurs  combats  se  livrèrent  sous 
les  murs  de  la  ville  et ,  dans  une  do  ces  rencontres,  Ham- 
mou,  fils  d'Abd-el*Back-Ibn-Rahhou  [et  commandant  des 
volontaires  de  la   foi  ]  ,   tomba  entre  les  mains   des  assié- 


*  Voy,  p.  186  de  ce  volume.. 

*  C'e$t  à  tort  que  le  texte  arabe  povle  A bou-^-Abbat»: 


LES    UeaiNlDBS    VOLONTAIBBS    1»    LA  FOU  4S7 

géants  et  fut  conduit  devant  Aboa-'l-Oaélîd.  £l-Abb«s*Ibn«> 
Rahhoa,  qui  se  trouvait  alors  auprès  d'Âbou-'KOuëltd  ,  ne 
voulut  pas  souiTrii-  que  Hainmou,  Gis  de  sou  frère,  restât 
prisonnier  et  le  (it  remettre  en  liberté.  Hammou  revint  an* 
près  du  sultan,  [Abou-'l-Djoiouch],  mais  le  fait  de  son  ren^ 
voi  par  Tennemi  éveilla  les  soupçons  de  ce  prince,  quî 
rappela  Abd-el-Back-lbn-Olhman  du  pays  des  chrétiens  et  luî 
donna  le  commandement  des  volontaires.  Bientôt  après,  Abou- 
'1-Ouéltd  obtint  possession  do  Grenade  et  signa  un  traité  par  le- 
quel Abou-i-Djoïouch  eut  l'autorisation  d'aller  prendre  le  gou- 
vernement de  Guadix.  Abd-eUHack-Ibn-Otbman  s'y  rendit  avec 
Abou- UDjoYouoh,  mais,  à  la  suite  d'une  altercation  qui  survmt 
entre  eux,  il  passa  de  nouveau  à  la  cour  du  roi  chrétien.  Plus  lard, 
il  débarqua  au  port  de  Ceula  et  déploya  la  plus  grande  bravoure  ^ 
au  service  de  Yahya-lbn-Abi-Taleb-el-Azefi,  qui  avait  à  sou- 
tenir un  siège  contrôle  sultan  [mérinide],Abou-Satd.  Quand 
la  paix  fut  rétablie  entre  les  deux  partis  et  que  le  sultan  se  fut 
retiré,  Abd-el-Hack-Ibn-Olhman  prit  la  route  de  l'Ifrîkïa.  Ar- 
rivé à  Bougie  l'an  719  (<3<9),  il  y  trouva  le  gouverneur,  Abou- 
Abd-er-Rahman-Ibn-Ghamr  ,  chambellan  *  du  sultan  hafside , 
Abcu-Yahya[-lbn-el-Lihyani].  Cet  officier  le  reçut  avec  de  grands 
égards,  lui  fournit  des  vivres  en  abondance  et,  pour  surcroît 
d'honneur,  il  lui  permit  de  camper  à  £r-Bécha,  près  de  la 
ville.  Il  lui  donna  aussi  cent  cinquante  chevaux,  pour  lui  et 
pour  ses  gens,  ad  moment  de  les  laisser  partir  pour  Tunis. 
Arrivé  dans  cette  capitale,  Abd-eUHack  fut  accueilli  par  le  sul- 
tan avec  les  témoignages  les  plus  empressés  de  bienveilhince 
et  d'amitié,  faveur  qu'il  devait  en  grande  partie  à  la  troupe  de 
guerriers  qui  avait  suivi  sa  fortune  et  dont  les  services  pou- 
vaient être  d'une  grande  utilité  au  gouvernement  mérinide. 

En  l'an  727(4326-7),  le  sultan  hafside  rappela  de  Bougiû  Mo- 
hammed Ibn-Séïd-en-Nas  pour  lui  confier  les  fondions  de  cham- 
bellan. Devenu  très-puissant,  ce  ministre  se  rendit  presqu'ina- 


t 


Lisez  u^j>.Ur-  j^  dans  le  texte  arabe. 


468  BISTOIEE  DES   BBBBÈAES. 

bordable  et,  oo  oertaio  jour,  il  refusa  sa'  porte  à  l'émir  Àbd-eN 
Hack-lbu-Othman.  Indigoé  de  cette  insulte  ,  le  prince  mérinide 
persuada  au  prince  Abou-Fares  de  quitter  la  capitale  et  de  se 
mettre  en  réiolte  contre  son  frère,  le  sultan.  Dans  l'histoire  des 
HafsideSi  nous  avons  raconté  les  conséquences  de  cette  équipée*  : 
Abou-Fares  y  perdit  la  vie,  et  Abd-el-Hack  se  rendit  à  Tlemcen. 
Deux  années  plus  tard,  il  rentra  en  IfrikYa  avec  Tarmée  abd-el* 
ouadite  que  le  sultan  Abou-Tachefin  envoya  contre  le  souverain 
de  Tunis. 

Vers  la  fin  de  la  même  année,  quand  les  Abd-eUouadites  t  eu- 
rent repris  la  route  de  Tlemcen,  notre  seigneur,  le  sultan  Abou- 
Yahya«Abou«Bekr,  rentra  dans  Tunis.  lbn«Abi-Amran,  le  prince 
hafside  qui  s'était  établi  daos  cette  capitale  en  qualité  de  sultan, 
alla  se  réfugier  au  milieu  des  Arabes  nomades.  Ibn-Rezztn,  ne- 
veu d'Abd-el-Hack-Ibn-Othman  fut  fait  prisonnier  et  tué  à 
coups  de  lance,  ainsi  qu'une  petite  troupe  de  ses  partisans. 
Abd*d-Hack  lui-même  rentra  à  Tlemcen  où  il  passa  le  reste  de 
sa  vie,  honoré  de  la  faveur  du  sultan  Abon-Tacheftn,  et  comblé 
de  ses  bienfaits.  Il  mourut  avec  lui  le  jour  de  la  prise  de  Tlem- 
cen parles  troupes  du  sultan  mérinide,  Abou-'l-Hacen.  Cet  évé- 
nement eut  lieu  en  l'an  737  (4337).  Avec  eux  succombèrent,  à 
la  porte  du  palais,  Othman  et  Masoud,  (ils  d'Abou-Tacbeftn , 
M ouça-lbn*Ali ,  son  chambellan,  et  Abou-Thabet,  neveu  d'Abd- 
el-Hack.  Leurs  corps  ,  privés  de  télés,  restèrent  exposés  devant 
le  palais. 


aiBTOlBB    D'OTHVAN-IBN-ABI*'l-OLA  ,     COMMANDANT    DES 

VOLOMTAIBBS   DB    LA    FOI.       . 

Idrts  et  Abd* Allah ,  tous  les  deux  fils  d'Abd-el-Hack  et  de 


»  Voy.  t.  n,  p.  470 

*  Lisez  Abd-el-Ouad  à  la  place  d' Abd-el 'na4:k ^  dd^ns  le  texte 
arabe. 


LES   MËRIKIOBS    VOLOKTA»£S   DB    LA  FOI.  469 

Sot-en-Niça  ,  laissèrent  plusieurs  enfants,  qui  formèrent  ensem- 
ble loute  une  bande  et  qui  jouirent  d'une  haute  considération 
parmi  les  autres  Mérinides.  Idrîs  ,  aïeul  de  la  famille  des  Béni- 
Idrls  ,  mourut  avec  son  père ,  Abd-el-Hack ,  dans  la  journée  de 
Tafertast* .  Son  frère,  Abd- Allah,  éfait  mort  quelque  temps  aupa- 
ravant, laissant  trois  fils,  Yacoub ,Rahhou  et  Idrîs,  qui  devin- 
rent les  souclies  d'autant  de  familles. 

En  Pan 649  (4  Soi  -2) ,  Yacoub  ,  fils  d'Abd-Allah  ,  reçut  d'Abou- 
Yahya ,  fils  d'Abd-el-Hack ,  le  gouvernement  de  Salé ,  ville  dont 
les  Mérinides  venaient  de  faire  la  conquête;  puis,  en  l'an  658 
(4  260) ,  il  répudia  Tautorité  de  son  oncle  Yacoub -Ibn-Abd-êl- 
Hack  et  garda  la  place  pour  lui-même.  Elle  tomba  ensuite  au  pou- 
voir des  chrétiens,  ainsi  que  nous  Tavons  raconté  ailleurs  *,  et 
fut  reprise  par  le  sultan  Yacoub.  Le  rebelle  se  réfugia  dans  Alou- 
dan ,  château  du  pays  des  Ghomara. 

Amer  et  Mohammed,  fils  d'Idrîs,  imitèrent  la  conduite  de 
leur  cousin,  Yacoub -Ibn-Abd- Allah,  et  s'emparèrent  d*El-Casr- 
el-Kebîr.  Us  avaient  réuni  sous  leurs  drapeaux  tous  les  descen- 
dants deSot-en-Niça,  quand  le  sultan  marcha  contre  eux  ,  les 
rejeta  dans  les  montagnes  des  Ghomara  et  les  y  tint  bloqués 
jusqu'à  ce  qu'ils  fissent  leur  soumission.  Le  vainqueur  leur 
pardonna  à  tous  et,  en  Tan  660  (1261-2),  il  mit  Amer  à  la  tdte 
d'une  expédition  qui  partait  pour  l'Espagne.  Rahhoa,fil8  d'Abd- 
Allah  et  cousin  d'Amer,  traversa  le  Détroit  avec  lui.  Mohammed, 
fils  d'Amer,  rentra  [en  Maghreb]  et  s'enfuit,  l'an  680  (1281-2),  à 
Tiemcen,  d'où  il  repartit  pour  TEspagne.  En  l'an  669  (1970-4), 
ces  princes,  soutenus  par  [leurs  parents]  les  fils  d'Abou-Eïad- 
Ibn-Abd-el-Hack,  se  révoltèrent  contre  le  sultan,  Yacoub-Ibn- 
Abd-el-Hack,  et  soutinrent  un  siège  dans  Aloudan.  Contraints  à 
se  rendre,  ils  eurent  de  ce  monarque  la  permission  d'aller  à 
Tiemcen.  Les  descendants  de  Sot-en-Niça  et  les  fils  d'Abou- 
Eïad  partirent  alors  tous  et  allèrent  s'élablir    en    Espagne. 


I  Page  30  de  ce  volume. 
*  Page  46  de  ce  volume. 


ilO  HISrOlEE    DES  BERBliRE9. 

Plas  loin,  noas  aurons  h  raconter  le  relonrd'Âmer  ot  de  Mohano* 
med  en  Maghreb  el  ce  qui  leur  arriva  dans  ce  pays. 

Tacoub,  fils  d- Abd-Allab,  mourut  Van  668,  sans  être  revenu 
de  son  égaremeni  et  àe  ses  idées  de  révolte  :  il  fut  tué  k  Gha- 
boula,  près  de  Ribat-el-Falh,  par  Talha-Ibn-Moballi.  Ses  GI& 
continuèrent  à  habiter  le  Maghreb  et  l'un,  Aboa-Thabet,  gou- 
verna le  Sous  pendant  le  règne  du  sultan  Youçof-lbn-Yaoonb. 
En  Tan  699  (1299-1300),  il  châtia  les  Zegna  et,  depuis  lors, 
il  resta  en  Maghreb,  lui  et  ses  enfants. 

Aboti-4-Olft  et  Rahhou,  cousins  du  précédent  et  fils  d*Abd- 
Allab-Ibn-Abd^el-Hack,  furent  les  souches  des  deur  nouvelle» 
branches  de  la  famille.  Rahhou  passa  en  Espagne  avec  ses  cou- 
sins, Amer  et  Mohammed,  fils  dldrîs.  En  Tan  669  (1 270-4],  soj> 
fils,  Mouça  I  se  rendit  [en  Espagne]  avec  les  filsd\\bou-£ïad  et 
les  descendants  de  Sot-%n-Niça.  Plus  lard,  il  revint  à  la  place 
qu'il  avait  occupée  dans  l'empire  mérinide  ;  puis,  en  Tan  675 
(4276-7)  il  s'enfuit  à  Tiemcen  avec  son  fils.  Ensuite  il  alla  se 
fixer  en  Espagne.  Les  fils  d'Abou-'l-Olà  s'y  transportèrent 
en  l'an  685  (4286),  avec  leurs  parents,  les  fils  d'Abou-Yabyd- 
Ibn-^Abd-el-Hack  ,  et  les  fils  d'Othmao  -Ibn^-Nezoul.  S'étant  tous 
établis  en  ce  pays,  ils  reconnurent  pour  chef  leur  frère  aîné 
Abd-Allah.  Celui-ci  fut  un  des  chefs  auquel  le  sultan  anda- 
lousien  donna  le  commandement  des  Zenata,  guerriers  da  la  foi, 
avant  que  cet  emploi  fût  définitivement  constitué  [comme  apa- 
nage des  princes  mérinides].  Il  resta  en  place  jusqu'à  l'an  693 
(429i),  quand  il  trouva  le  martyre  en  combattant  les  chrétiens. 

Othman-lbn-Abi-'l-Olâ  ,  frère  d'Abd- Allah,  reçut  d'îbn-el- 
Ahmer  [Mohammed  III]  «prince  que  l'on  détrôna,  le  commande- 
ment d'un  détachement  des  volontaires  chargés  de  garder  Ma- 
)aga  et  la  région  qui  s'étend  a  l'occident  do  cette  ville  [la  Ghar^ 
bïa  de  Malaga).  Il  se  vit  placer,  en  même  temps,  sous  les  ordres 
du  ra;iê  Abou-Satd-Feredj  ;  fils  d'IsmdtMbn«Youçof-lbn-Nacer 
et  cousin  du  sultan.  En  l'an  705  (4305-6),  le  raïs  surprit  la 
ville  de  Coûta  et  fit  ainsi  éclater  une  guerre  entre  le  Maghreb  el 
l'Andalousie.  La  cour  de  Grenade  reconnut  Othman  pour  souve- 
mn  du  Maghreb  et  le  fit  passer  chez  les  Ghomara.   S'étaol 


LES  IBRIRIDBS   YOLOIITAIRBS  DB    LA   FOI.  471 

fait  proclamer  sultan  par  cette  peuplade,  il  alla  s'emparer 
d'ÂstIa,  d*EUAraYcb,  puis  d'El-Casr-eUKebtr.  Nous  avons  déjà 
raconté  l'histoire  de  cette  affaire*  et  mentionné  qu'Olbman  fut 
vaincu,  en  708  (1308-9)  par  le  sultan  Abon-V-Hebiâ.  Il  rentra 
alors  en  Espagne. 

Abou-^l*OuélM ,  fils  du  rats  A:  ou-Saïd  ,  ayant  formé  le  pro- 
jet d'enlever  le  trône  à  Abou-'l-Djoïoucb ,  sultan  de  Grenade, 
s'adressa  secrètement  à  Othmao*ba-AbI-'I'OI&,  qui  commandait 
encore  les  volontaires  postés  à  Malaga  et,  s'étant  assuré  le  con* 
cours  de  ce  chef,  il  marcha  sur  Grenade,  l'an  7H  (1314-R). 
Après  avoir  accompli  son  dessein  et  obtenu  possession  de  la  pa. 
pitale ,  il  remplaça  l'émir  Abd-el-Hack-Ibn-Othtnan ,  chef  des 
volontaires  cenatiens,  par  Othman*Ibn-Abi-'l-Olâ.  Abd-eUHack 
suivit  Abou-'l-Djoïouch  à  Guadix  ,etHammou-Ibn-Abd'el*Hack- 
Ibn-Rahhou ,  qui  avait  aussi  commandé  les  volontaires  ,  s'y  ren- 
dit avec  eux. 

Othman  conserva  pendant  très-longtemps  la  haute  position 
dans  laquelle  Abou-'l-Ouélîd  l'avait  placé  et  il  s'y  fit  un  si  belle 
renommée  que  le  sultan  du  Maghreb  en  ressentit  une  jalousie 
extrême.  Aussi,  en  l'an  718  (1318-9) ,  quand  les  musulmans 
de  l'Andalousie  invoquèrent  son  appui  contre  les  chrétiens,  il  ré- 
pondit qu'il  irait  très* volontiers  à  leur  secours  si,  jusqu'à  son 
retour  en  Maghreb  ,  on  tenait  emprisonné  l'émir  Othman. 
Cette  condition  fut  déclarée  inexécutable.  Quand  le  roi  chré- 
tien mit^e  siège  devant  Grenade,  Othman  et  ses  fils  montrèrent 
une  bravoure  qui  assura  aux  musulmans  une  victoire  bien 
au-dessus  de  leurs  espérances.  Ils  continuèrent  h  soutenir 
heureusement  la  cause  du  gouvernement  andalousien  et  des 
musulmans  jusqu'à  l'an  725  (  1324-5),  quand  Abou-'l-Ouéltd 
fut  assassiné  par  quelques  chefs,  membres  de  sa  propre 
famille.  Othman,  que  l'on  soupçonna  d'avoir  pris  part  à  cette 
trahison,  plaça  aussitôt  sur  le  trône  Mohammed ,  fils  du  feu 


> Page  161  de  ce  volume. 


472  DtSTOlBB    DBS   EBRBBRES. 

• 

sultan,  qui  n'avait  pas  encore  atteint  Tàge  de  puberté.  Mobam- 
nied-Ibu-eUMahrouc,  client  et  vizir  d'Ibn^el-Ahroer,  s'appliqua 
à  gagner  l'esprit  du  nouveau  sultan  et  laissa  les  rênes  de  Tem- 
pire  entre  les  mains  d'Otbman. 

Ayant  maintenant  le  pouvoir  d'agir  à  son  gré,Othman  domina 
les  ministres ,  leur  enleva  une  grande  partie  de  leur  autorité  et 
consacra  presque  tous  les  revenus  de  l'état  à  la  solde  et  l'entre* 
tien  des  volontaires.  Ibn-Mahrouc  soupçonna  enQn  ce  chef  de 
vouloir  usurper  le  trône  et  tftcba,  par  tous  les  moyens,  de  l'en 
empêcher.  Ses  efforts  augmentèrent  l'opiniâtreté  de  son  collègue 
et  ajoutèrent  à  la  mauvaise  intelligence  qui  régnait  entre  eux. 
Othman,  ne  pouvant  plus  contenir  son  mécontentement ,  alla 
camper  dans  la  plaine  de' Grenade,  rallia  les  volontaires  zena- 
tiens  autour  de  son  drapeau  et  força  le  vizir  et  tous  les  autres 
ministres  à  s'enfermer  dans  l'Âlhamra.  Pendant  que  le  naïb^ 
faisait,  chaque  jour  des  nouvelles  démarches  aQn  d'effectuer  un 
raccommodement,  le  vizir  forma  le  projet  de  susciter  à  son  ad- 
versaire un  ^ival  capable  de  lui  disputer  le  pouvoir  et  de  Ten- 
traver  dans  ses  tentatives  contre  l'état.  Othman  avait  auprès  de 
lut  son  gendre  Yahya,  fils  [d'Omar  et  petit^fils]  de  Babbou-Ibn* 
Abd-Âllah-Ibn-Âbd-el*Hack.  Le  vizir  attira  ce  personnage  au 
palais  et  le  nomma  commandant  des  volontaires.  Othman  se  vit 
bientôt  abandonné  par  ses  troupes  et  ne  trouva  plus  au  camp 
que  ses  fils,  ses  parents  et  les  gens  de  sa  maison.  Danscetle 
position,  il  consentit  à  faire  ta  paix  et  à  se  rendre  en  Maghreb. 
Ayant  alors  envoyé  quelques-uns  de  ses  intimes  auprès  du  sul- 
tan Abou-Said,  pour  l'avertir  de  son  intention,  il  quitta  la  plaine 
de  Grenade,  Tan  72S  (4327-8),  à  la  tête  de  mille  cavaliers,  dit- 
on,  dont  les  uns  étaient  ses  parents,  les  autres  ses  clients  et  ses 
domestiques.  Il  prit  la  route  d'Almeria,  où  il  avait  l'intention  de 
s'embarquer;  mais,  arrivé  aux  environs  d'Andous  *  ,  il  reçut 


I  Peut-être  le  lieutenant  (naib)  du  vizir. 

'  Variante  :  Adres,  Gela  ne  peut  pas  être  Andujar,  qui  était  loin 
de  la  route  suivie  par  Othman. 


LES   MfiRlNIDES   VOLONTAIRES   DE    LA    FOI.  473 

la  vistto  des  chefs  qui  y  cominaoclaient  et  avec  lesquels  il  en- 
tretenait des  iutelli^euces,  puis,  au  moment  où  ils  lui  adressaient 
les  compliments  d'usage,  il  profila  de  leur  imprévoyance  pour 
monter  à  cheval  et  s  emparer  de  la  ville.  Quand  il  y  eut  installé 
son  harem  et  déposé  ses  trésors,  il  fit  venir  de  Salobrena  un 
fils  du  rais  Abou-Satd  ,  nommé  Mohammed  et,  l'ayant  reconnu 
pour  sultan,  il  se  mit  à  faire  des  courses  dans  le  territoire  de 
Grenade.  Yahya-Ibn[-Omar*Ibn-]Bahhou  rassembla  tout  ce 
qu'il  pouvait  de  cavaliers  zenatiens  et  sortit  pour  arrêter  oes 
incursions,  qui  se  renouvelaient  depuis  le  matin  jusqu'au  soir. 
La  guerre  aurait  pu  durer  pendant  des  années  *  si  le  sultan  de 
Grenade,  Mohammed  [IV]-Ibn-el-Ahmer ,  n'eût  pasôtéla  vie  à 
son  vizir,  ibn*  eUMahrouc  et  rappelé  Olhman-Ibn-Âbi- 1-OlÂ*  Par 
le  traité  qui  fut  dressé  à  cette  occasion,  le  prince  Mohammed, 
[fils  du  raïs  Âbou-Saîd  et]  oucle  du  sultan,  devait  être  déporté 
en  Maghreb,  et  Othman  devait  rentrer  à  Grenade  pour  repren- 
dre le  commandement  des  volontaires  de  la  foi.  Ceci  se  passa  en 
l'an  729  (1338-9).  Othman  recouvra  de  cette  manière  sa  haute 
position  dans  l'empire  et  mourut  quelque  temps  après. 


HISTOIRE  D'aBOU-THABET  ,    FILS   I>'OTHMAII-IBH*ABI-'L*OLA    ET 
COMMANDANT  DBS   VOLONTAIRES   DE   LA   FOI. 


Après  la  mortd'Othman-lbn-Abi-'l-Olà,  cheikh  des  volontai- 
res de  la  foi  et  coryphée  des  princes  zenatiens ,  son  fils ,  Abou* 
Thabet-Amer',  le  remplaça  comme  chef  de  la  famille  et  obtint 
du  sultan  Abou-Abd-Allah[-Mohammed  IV] ,  Q^ls  d'Abou-'l-Ouélîd, 


^  A  la  place  de  (^^aâim  ,  ji  faut  probablement  lire  (j^aajUi  et  tra- 
duire :  tf  La  guerre  avait  duré  deux  ans  quand  le  sultan  de  Grenade 
6ta  la  vie  etc.  » 


474  UISTOIRB  DES    B£RBERBS. 

le  commandement  des  volontaires.  Son  esprit  vif,  sa  fermeié, 
sa  bravoure  et  le  nombre  de  ses  dépendants  lai  méritèrent  une* 
considération  estraorditiaire  ;  aussi,  les  troupes  sous  ses  ordres 
déployèrent-elles  une  audace  qui  les  rendit  redoutables  mémo 
au  gouvernement  andalousien,  dont  elles  avaient  plus  d'une  fois 
constaté  la  faiblesse*. 

Le  sultan  Mohammed  [IV]  était  trop  fier  pour  subir  la  domi* 
nation  de  qui  que  ce  fut  ;  il  voulut  être  le  seul  maître  et  direo-* 
teur,  iant  dans  les  petites  affaires  que  dans  les  grandes,  aussi,  ne 
manqua*t-il  jamais  de  traiter  avec  mépris  les  conseils  que  les 
chefs  de  ce  corps  voulaient  lui  imposer,  et  se  plut-il  à  froisser 
leur  amour-propre  toutes  les  fois  que  Poccasion  s'en  présenta: 
En  Tan  732(1334-2),  il  se  rendit  auprès  du  sultan  Âbou-'l- 
Hacen  afin  d'obtenir  son  appui  contre  le  roi  chrétien  et  de  le  dé- 
cider k  faire  passer  en  Espagne,  le  plus  tôt  possible,  un  corps  de 
troupes  sous  les  ordres  de  son  (ils,  Abou-Halek  ;  un  tel  secours 
lui  paraissant  nécessaire  pour  assurer  le  succès  du  siège  qu'il 
allait  mettre  devant  Gibraltar. 

Les  officiers  du  corps  des  volontaires  s'imaginèrent  que  cette 
démarche  était  le  commencement  d'une  trame  dont  ils  devaient 
être  les  victimes  ;  aussi  prirent-ils  la  résolution  d'assassiner 
leur  souverain.  Ils  firent  même  entrer  dans  le  complot  plusieurs 
clients  de  ce  prince  lesquels,  depuis  quelque  temps ,  attendaient 
une  occasion  pour  renverser  le  gouvernement. 

Gibraltar  fut  pris,  ainsi  que  nous|ravons  raconté  ailleurs  *  et 
peu  de  temps  après^  le  roi  chrétien  vint  y  mettre  le  siège.  Le 
sultan  'de  Grenade  se  rendit  alors  à  la  tente'  de  ce  monarque  et,  à 
force  de  sollicitations,  il  le  décida  à  décamper.  En  l'an  733 
(1333),  aussitôt  que  l'ennemi  se  fut  éloigné,  les  divers  corps 
de  l'armée  musulmane  s'en  allèrent,  chacun  de  son  côté,  et  le 


I  A  la  lettre  :  dont  Us  avaient  mordu  le  boi$.  On  mord  un  morceau 
da  bois  pour  reconnaître  s'il  est  dur  ou  mou. 

•  Page  217  de  ce  volume. 

'  Pour  xiju  lisez  aa^  (sa  tente).  Voy.  Ferreras,  t.  v,  p,  67. 


L€S   HÊainiDES    VOLONTAIRBS   DE    LA   FOI.  475 

sultan  lai-méme  partit  pour  Grenade.  Ayant  alors  appris  que  les 
chefs  des  volontaires  s'étaient  mis  en  embuscade  sur  son  pas- 
sage, il  envoya  chercher  un  navire  de  la  flotte  aGn  de  s*y  embar- 
quer pour  Halaga.  Les  conspirateurs,  avertis  à  temps  de  son  in- 
tention, coururent  au-devant  de  lui  et,  Payant  rencontré  sur  le 
chemin  qui  longe  la  côte  d'Estepona  ,  ils  se  mirent  à  lui  repro- 
cher la  conduite  de  son  favori,  Âccm,  affranchi  d'origine  chré- 
tienne.  Pendant  qu'il  cherchait  à  disculper  son  serviteur,  les 
traîtres  se  jetèrent  sur  celui-ci  et  le  tuèrent  à  coups  de  lance. 
Provoqué  par  cet  outrage,  il  en  exprima  toute  son  indignation,  et 
aussitôt  un  autre  coup  de  lance  le  précipita  de  son  cheval  et  l'éten- 
dit  mort  à  côté  d'Acem.  Les  assassins  Grent  alors  venir  le  prince 
[Abou-4-Haddjadj-]Youçof,  frère  de  leur  victime,  lui  prêtèrent 
]e  serment  de  fidélité  et  le  conduisirent  à  Grenade  ;  mais  le  crime 
qu'ils  avaient  commis  les  exposa,  dès-lors,  h  la  méfiance  du 
nouveau  souverain.  ^ 

Le  sultan  Abou-4-Hacen\  après  avoir  achevé  la  conquête  de 
Tlemccn,  prit  la  résolution  do  faire  la  guerre  aux  chrétiens  et 
fit  proposer  au  sultan  Youçof  de  combiner  leurs  efforts  afin  de 
chasser  les  infidèles  de  l'Andalousie.  Youçof  y  donna  son  entière 
approbation  et  fit  aussitôt  emprisonner  Abou-Thabet ,  ainsi 
qu'fdrîs,  Mansour  et  Sultan,  frères  de  ce  chef.  Soleiman,  un  au- 
tre de  ces  frères ,  effectua  son  évasion ,  alla  trouver  le  roi  chré- 
tien et,  plus  tard,  dans  la  journée  de  Tarifa ,  il  se  distingua  par 
son  acharnement  à  combattre  les  musulmans. 

Abou-Thabet  et  ses  frères  restèrent  en  prison  plusieurs  jours; 
déportés  ensuite  en  Urîkïa  par  l'ordre  du  sultan,  ils  débarquè- 
rent à  Tunis  et  altèrent  se  présenter  devant  noire  seigneur, 
Abou-Yahya.  Ce  prince  venait  de  recevoir  d'Abou-'l-Hacen 
l'invitation  de  prendre  toutes  les  mesures  nécessaires  pour  em- 
pêcher ces  hommes  dangereux  de  passer  en  Maghreb  tant  que  le 
souverain  de  ce  pays  serait  occupé  à  combattre  les  chrétiens  en 
Espagne;  aussi,  les  fit-il  enchaîner  sur  le  champ  et  livrer  à  la 
garde .  d'Abou-Mohammed-Ibn-Tafragutn,  qui  avait  l'ordre  de 
les  conduire  à  la  cour  du  souverain  maghrébin.  Il  adressa  en 
même  temps  une  lettre  à  Abou^^'l-Haccn  dans  laquelle  il  le  pria 


476  QISTOIBB   DES    BBRBÊRBS. 

de  traiter  les  prisonniers  avec  indulgence*  •  Ce  monarque  y  ré- 
^  pondit  en  leur  faisant  un  honorable  accueil,  mais,  en  Pan  743 
(1342-3),  pendant  qu^il  se  tenait  à  Ceuta  afin  de  mieux  surveil- 
ler le  siège  d'Algéciras,  il  fit  enfermer  ces  princes  dans  la  prison 
de  Mequinez,  en  conséquence  de  certains  rapports  peu  favorables 
qui  lui  étaient  parvenus  à  leur  sujet.  Dans  la  suite ,  son  fils, 
Abou-Einan,  qui  avait  usurpé  le  trdne  et  mis  en  déroute  les 
troupes  de  son  neveu  Hansour,  fils  d'Abou-Malek,  entreprit 
le  siège  de  la  Yille-Neuve  et  se  fit  amener  les  prisonniers.  Leur 
rendre  la  liberté,  les  combler  de  dons  et  de  faveurs,  ri^  ne  lui 
coûta  pour  se  les  attacher  ;  il  prit  même  Abou-Thabet  pour  con- 
seiller et  ami. 

Idris  communiqua  alors'k  son  frère  Abou-Thabet  un  projet 
qui  devait  entraîner  la  chute  de  la  Ville-Neuve  et,  pour  l'exé- 
cuter, il  passa  aux  assiégés.  Parvenu  à  gagner  leur  confiance  , 
il  suscita  une  révolte  dans  la  place  et  mit  la  garnison  dans  la  né- 
cessité de  se  rendre  ë  discrétion.  Le  sultan  Abou- 1-Einan,  ayant 
ainsi  obtenu  possession  de  la  capitale,  donna  le  gouvernement 
de  Ceuta  et  du  Rif  à  Témir  Abou-Thabet,  afin  que  ce  chef  pût 
mieux  surveiller  l'Espagne,  pays  où  il  avait  naguère  exercé  un 
haut  commandement  ;  il  plaça  même  à  sa  disposition  les  trésors 
et  les  troupes  de  Tempire  mérinide.  Abou-Thabet  prît  congé  de 
son  protecteur  et  se  disposait  h  partir  quand  il  fut  atteint  de  la 
peste  qui  désolait  l'Afrique  en  l'an  749  (1348-9).  Il  mourut  dans 
le  camp  où^  il  s'était  tenu  pendant  le  siège  de  la  Ville-Neuve  et 
d'oti  il  voyait,  en  face  de  lui,  le  camp  du  sultan. 

Ses  frères  allèrent  habiter  le  Maghreb -el-,Acsa.  sous  la 
protection  d'Abou-Einan,  mais  Idrîs  s'évada  plus  tard,  passa  en 
Espagne  et  obtint  le  commandement  des  volontaires  de 
la  foi.  Dans  un  des  chapitres  suivants  nous  raconterons  son 
histoire. 


'  Voy.  page  238  de  ce  volume. 
*  Page  275  de  ce  volume. 


LES   XfiRIlflDBS    VOLONTAIRES    DB    LÀ    FOI.  477 


HISTOIRE    DE  YAHTA-IBN-OMAR-IBN-RAHHOU,    CHEF  QUI  COMMAKOA 
DEUX  FOIS  LB   CORPS   DES   YOLOlfTAlBES    BN    ANDALOUSIE. 


RahhoQ[,  l'aïeul  de  Yahya-Ibn-Omar,]  était  le  fils  aine  d'Abd- 
Allah-lbo-Abd-el-Hack.  Il  eut  plusieurs  enfants  qui  laissèrent 
chacun  une  nombreuse  postérité.  Ils  se  nommaient  Mouça,  Abd- 
eUHack,  Ël-Abbas ,  Omar ,  Mohammed  ,  Ali  et  Youçof.  Ces 
princes  quittèrent  Tlemcen  et  passèrent  en  Andalousie  avec  les 
autres  descendants  de  Sot*en-Niça  ;  mais  Omar  y  resta ,  devint 
père  de  famille  et  ne  les  rejoignit  que  bien  plus  tard.  Mouça  rem* 
plaça  Ibrabîm^Ibn-Eïça-el-Ousnafi  dans  le  commandement  des 
volontaires  de  la  foi,  puis,  en  Pan  705  (  1305-6) ,  il  se  rendit  à 
Geuta  avec  le  raa  Abou-Saïd  et  Othman-Ibn-Abi-1-Olâ.  Dans 
cette  forteresse  il  eut  sous  ses  ordres  le  détachement  du  corps' 
des  volontaires  qui  en  formait  la  garnison.  Rentré  en  Espagne, 
il  n'y  resta  que  peu  de  temps  avant  de  repasser  en  Maghreb,  où  il 
trouva  un  honorable  accueil  auprès  du  sultan  Abou-Saîd.  Plus 
tard  il  se  rendit  encore  en  Espagne. 

Othman-Ibn-Abi-'l-Olâ,  ayant  obtenu  le  commandement  des 
volontaires,  céda  aux  sentiments  de  jalousie  qui  animent  les 
hommes  puissants  l'un  contre  l'autre,  et  déporta  en  Ifrikïa  tous 
les  membres  de  la  famille  Rabhou.  Notre  seigneur,  le  sultan 
Abou-Yahya[-Abou-Bekr] ,  leur  (it  un  bon  accueil,  les  attacha 
au  service  de  l'empire  et  les  employa  avec  avantage  dans  ses 
expéditions  militaires.  Omar,  fils  de  Rahhou,  mourut  dans  le 
Djertd  et  son  tombeau  se  voit  encore  à  Bechri,  dans  le  pays  des 
Nefzaoua.  Son  fils.  Yahya,  laissa  ses  frères  sous  les  drapeaux  du 
sultan  Abou-Yahya-Abou-Bekr  et  embrassa  le  parti  d'ibn-Abi- 
Amran.  Ensuite  il  passa  dans  le  pays  dos  Zouaoua,  resta  quel- 
que temps  au  milieu  des  Beni-Iraten  et  se  rendit  enfin  en  An- 
dalousie où  il  reprit,  parmi  les  volontaires  de  sa  tribu,  le  haut 
rangqui  lui  appartenait.  Othman-Ibn-Abi-'l-Olà  épousa  alors  la 
fille  de  ce  chef,  auquel  il  venait  d'accorder  toute  sa  confiance. 


478  nisTOiHB   des    derbèrbs. 

En  l'au  727  (1 32C-7}  Othmao  se  brouilla  avec  Ibn  -el-Mahroucy 
vizir  dusuhao  (le  Grenade  et,  étant  allé  camper  dans  la  plaine  de 
cette  capitale,  il  rallia  autour  de  lui  tous  les  volontaires  de  la 
foi.  Ibn-el-Mahrouc  parvint  alors  à  détacher  Yahya,  filsd'Omar- 
Ibn-Rahhou,  du  parti  d'Othman  et,  l'ayant  attiré  à  Grenade  ,  il 
le  fît  nommer  par  le  sultan  commandant  des  volontaires.  Ces 
guerriers  se  rendirent,  par  bandes,  auprès  de  leur  nouveau  chef, 
et  quittèrent  Olhman,  qui  partit  alors  pour  Âlmeria  et  se  con- 
duisit de  la  manière  que  nous  avons  racontée  ailleurs  '.  Y'ahya- 
Ibn-Omar  garda  le  commandement  jusqu'à  la  chute  d'Ibn-eUMah* 
roue.  Le  sultan,  ayant  ôté  ta  vie  h  ce  vfzir,  rappela  Olhman ,  le 
plaça  de  nouveau  a  la  tête  des  volontaires  et  ordonna  à  Yahya- 
Ibn-Omar  daller  prendre  le  commandement  d'un  détachement 
du  même  corps  qui  tenait  garnison  à  Guadix.  Au  bout  de  quel- 
que temps,  Yahya  revint  [à  Grenade]  et  reprit  la  place  qu*il 
avait  occupée  d'abord,  parmi  les  guerriers  de  sa  tribu.  Othman* 
Ibn-Abi-'UOlâ  rendit  alors  son  amitié  à  Rahbou,  et  Abou-Tha- 
het,  nis  d'Othman  et  d'une  fille*  do  Mouça-lbnRahhou,  obtint 
beaucoup  d'influence  par  l'appui  de  ses  oncles  maternels. 

Après  la  mort  d'Othman,  son  fils  Abou-Thabet  prit  une  part 
active  à  l'assassinat  du  sultan  [Mohammed  iV]  et  fut  arrêté  et 
déporté  en  Ifrlkïa  avec  ses  complices,  par  l'ordre  d'Abou-'i- 
Haddjadj,  frère  de  leur  victime. 

La  puissance  de  cette  famille  s'étant  ainsi  écroulée,  le  sultan 
plaça  Yahya-Ibn-Omar  h  la  tête  des  volontaires  et  eut  souvent 
l'occasion  d'apprécier  les  grands  services  de  ce  chef.  En  l'an 
7S5  (4354),  Abou-'UHaddjadj  fut  assassiné  dans  hMosalla^,  au 
moment  où  il  se  baissait  pour  accomplir  le  dernier  des  proster- 
Déments  qui  font  partie  de  la  prière.  Il  mourut  d'un  coup  de  poî- 


*  Voy.  ci-devant,  pag«  472. 

*  Posr  x«J^  lisez  ^.«1 
»  Voy.  t.  J  p  S'^î. 


LES   UÉRlKlb£S   VOLONTAIRES   DB    LA    FOI.  479 

gnard  que  lui  porta  uq  des  nègres  atlachës  h  son  écurie  et  dont 
Tesprit  s'était  dérangé.  Cet  homme  que  Ton  prétend  avoir  été 
poussé  au  crime  par  d'autres  personnes  ,  fut  sabré  *  sur  place. 

Ridouan,  affranchi  d'origine  chrétienne,  qui  avait  servi  le  père 
et  Ponde  du  sultan  eo  qualité  de  chambellan,  Qt  aussitôt  inau* 
gurer  le  prince  Mohammed,  fils  d'Âbou-'l-Haddjadj.  Ayant 
alors  relégué  le  nouveau  sultan  dans  le  palais,  il  s'assura  Texer- 
cice  du  pouvoir  en  le  partageant  avec  Yahya-lbn-Omar  dont 
Tappui  lui  était  devenu  indispensable.  Il  jouit  de  sa  haute  puis- 
sance jusqu'à  l'époque  où  le  raïs  Mohammed,  fils  d'ismaîl,  fils  do 
Mohammed,  fils  du  raïs  Abou-Satd,  s'empara  de  l'Alhamra  et 
proclama  souverain  IsmatI,  fils  d'Abou-'UHaddjadj  et  frère  du 
sultan  régnant.  Pour  exécuter  ce  coup  de  main,  les  conjurés 
avaient  profité  de  l'absence  du  sultan  Mohammed  qui  se  trouvait 
alors  à  la  campagne,  dans  sa  maison  de  plaisance.  Ayant  surpris 
l'Alhamra,  ils  tuèrent  le  tout  puissant  vizir,  Hidouan,  et  placè- 
rent Ismail  sur  le  trône.  On  convoqua  ensuite  toutes  les  classes 
de  la  population  afin  de  leur  faire  prêter  le  serment  de  fidélité 
au  nouveau  sultan.  Yahya-lbn-Omars'y  présenta  le  lendemain, 
an  moment  où  l'on  croyait  qu'il  ne  viendrait  pas  et  qu'on  allait 
l'avoir  ponr  ennemi.  Il  prit  alors  l'engagement  de  servir  le  sul- 
tan IsmatI  en  sujet  fidèle  et  rentra  ensuite  chez  lui. 

Quelques  jours  après,  les  meneurs  de  cett?  révolution  donné* 
rcut  le  commandement  des  volontaires  à  Idrîs-lbn-Othman»]bn- 
Abi-'l-Olâ,  qui  venait  d'arriver  de  la  province  do  Barcelone  , 
région  qui  fait  partie  du  territoire  de  l'ennemi.  Yahya<-Ibn- 
Omar,  ayant  été  averti  qu'on  voulait  l'arrêter,  rassembla  tous 
ses  gens,  monta  à  cheval  et  partit  avec  eux  pour  la  Galice 
(Castille)^  pays  appartenant  aux  chrétiens.  Idrîs  se  mit  a  leur 
poursuite,  les  atteignit  et  leur  livra  une  bataille  qui  dura  toute 
une  matinée  et  qui  se  termina  par  la  déroute  de  ses  troupes. 
Arrivé  chez  les  chrétiens,  Yahya  leur  confia  son  fils,  Abou- 
Saîd-Othman,  et  partit  pour  le  Maghreb  afin  de  rejoindre  l'ex- 


*  Pour  \jju^  il  faut  lire  \^. 


480  BISTOin&   DES    BERBËRES. 

sultan,  Mohammed,  fils  d'Abou-i-Haddjadj.  Ce  fut  eu  Tan  764 
(1359-60)  <}u*il  se  présenta  à  la  cour  d*Âbou-Salem  et  entra  du 
service  de  ce  prince,  duquel  il  devint  bientôt  le  conseiller  intime. 
Son  fils,  Abou-Said,  persuada  alors  au  roi  de  Castille  d'envoyer 
chercher  le  monarque  détrôné^  afin  de  te  mettre  à  la  tête  d*une 
armée  et  de  le  faire  passer  en  Andalousie,  dont  le  gouvernement 
venait  de  rompre  la  paix  qu'il  avait  conclue  avec  les  chrétiens. 
En  l'an  762  (t361)>,  Abou-Salem  donna  à  Yahjaibn-Omar  l'au- 
torisation d'accompagner  en  Espagne  l'ex-  roi  de  Grenade. 
Abou-Satd  vint  au-devant  des  voyageurs  et  aida  son  père, 
Yahya,  à  rétablir  eq  Andalousie  l'autorité  de  leur  sultan.  Pen- 
dant cette  campagne,  Yahya  et  son  fils  déployèrent  une  bra- 
voure extraordinaire. 
Redevenu  maître  de  Grenade  ,  en  lan  763,  Uohammed,  fils 

d'Abou*'l-Haddjadj,  rendit  à  l'émir  Yahya-lbn-Omarle  com- 
mandement des  volontaires,  et  lui  accorda  des  pouvoirs  plus 
étendus  qu'auparavant  ;  il  en  prit  [Othman,  le  fils  d'Abou-Said], 
pour  conseiller  et  ami*  Ces  hautes  faveurs  excitèrent  à  uti 
tel  degré  la  jalousie  du  vizir,  Ibn-eUKhattb,  qu'il  essaya  de 
perdre  le  père  et  le  fils  dans  l'esprit  du  sultan.  En  l'an  764 
(4362-3),.  ce  monarque  les  fit  enfermer  dans  la  prison  d'état, 
mais,  deux  ans  après,  il  permit  à  Yahya  de  se  rendre  à  Almeria 
et  de  s'y  embarquer  pour  Alexandrie.  Le  proscrit  revint  en  Ma- 
ghreb, où  il  fut  accueilli  avec  le  plus  grand  empressement  par  le 
régent,  Mohammed-Ibn-Abd-Allah,  et  il  y  passa  le  reste  de  sa 
vie,  entouré  d*honneurs.  11  mourut  en  782  (1380-1). 

Abou-Satd-Othoian,  ayant  enfin  reçu  du  sultan  de  Grenade 
la  permission  de  se  rendre  en  Ifrikïa,  débarqua  à  Bougie,  l'an 
767  (1365-6)  et  alla  se  mettre  au  service  d'Abou«-'l<Abbas,  petit- 
fils  du  sultan  hafside,  Abou-Yahva-Abou-Bekr.  Il  assista  à  la 
prise  de  Tunis  et ,  dans  celte  campagne,  il  déploya  une  telle 
bravoure  que  le  sultan  lui  accorda  une  pension  et  plusieurs  fiefs; 


^  Le  texte  arabe  porte  763.  Cette  date  est  faùfsc,   car  le  sultan 
merinide  Abou-Salem  mourut  vers  la  fin  de  l'année  précédente. 


LES  VÊRIHIBIM  yOLONTlIRBB   DB   LÀ   TOI.  48f 

il  le  prit  même  pour  conseiller  et  ami  intime.  Aujourd'hui  encore, 
oe  chef  se  montre  au  premier  rang  à  la  cour  et  au  champ 
de  bataille.  Ses  frères  sont  restés  en  Andalousie  où,  grâce  à  leurs 
noDabrem  domestii|ues  et  clients,  ils  jouissent  d'une  haute consi-* 
dératîon.  Le  suUan  de  ce  paya  est  lont-à-fait  revenu  de  la  mé- 
fiance qu^il  leur  avait  montra  et  les  traite  maintenant  en 
amis. 


HISTOIRE    D'iimtf^,    FILS    D'OT^IlfAN-iBN-ABl-'L^OLA    ET 
COUHANDÂNT   DBS   YOLGNTAIRBS  DB    LA   FOI. 


Abou-Thabet,  fils  d'Othman-lbn-Abi-1-Olà  ,  mourut  en  Pau 
780  (<  349-50)*,  et  ses  frères  restèrent  au  service  d'Abou- 
Ëinan,  sultan  du  Maghreb.  Us  continuèrent  à  jouir  des  fitsfs  et 
des  pensions  que  ce  monarque  leur  avait  accordés,  mais,  de  tous 
ces  princes,  Idrts  fut  le  seul  qui  exerça  sur  la  foule  cette  influence 
qui  distingue  les  hommes  habitués  au  commandement.  En  758 
(1557),  Ab&ij-Einan  entreprit  une  expédition  contre  Conslan- 
tine  et  pénétra  dans  Pifrtkïa;  mais  les  chefs  de  son  armée,  effra- 
yés parla  perspective  d'une  longue  série  de  combats,  ourdirent 
un  complot  pour  détourner  leur  maître  de  ses  projets  de  con- 
quête et  donnèrent  à  leurs  subordonnés  la  permission  de  partir 
pour  le  Maghreb.  Le  sultan,  voyant  son  camp  presque  dégarni, 
et  averti,  dit^on,  que,  dans  un  conseil  tenu  par  ses  oQiciers,  il 
avait  été  question  de  le  déposer  et  de  placer  Idris-Ibn-Oroar  sur 
le  trône,  prit  le  parti  de  rebrousser  chemin  et  de  renlrcx  dans 
son  pays.  Idris  fut  averti  parle  public  do  ce  qui  venait  de  se 
passer  et  jugea  prudent  de  s'évader  du  camp,  pendant  la  nuit, 
et  de  chercher  un  refuge  à  ^^nis.  Accueilli  dans  cette  capitale 
^aveclaplus  haute  distinction,  il  obtint  d'Abou-Mohammed-Ibn- 
Tafraguîn,  chambellan  et  régent  de  l'empire ,  qu'un  navire  fût 

1  Ou  en  749.  Voy.  ci-devant,  p.  470. 

T.  IV.  31  . 


482  HISTOIRE   DBS   BiRBimiS. 

apprêté  pour  le  trsinsporier  en  Espagne.  S'y  étanl  embarqué 
avec  toute  sa  suite,  il  alla  trouver  le  fils  du  Confite,  seigneur  /Je 
Barcelone.  Pendant  quelque  temps,  il  resta  auprès  de  ce  prince, 
puis,  en  l'an  760(1359),  après  la  mort  du  chambellan,  Ridooan, 
premier  ministre  du  gouvernement  andaiousien  ,  il  se  rendit  à 
Grenade,  ville  où  il  avait  passé  sa  jeunesse  et  où  il  trouva  une 
honorable  réception. 

Ismatl,  filsd'Abou-'l-Haddjadj,  et  son  cousin,  le  ratf  Moham- 
med, fils  d'Ismatl-Ibn  Hohammed-lbn-«r-l}at>Abi-Satd, appri- 
rent avec  un  plaisir  extrême  l'arrivée  d*un  homme  capable 
d'exercer  le  commandement  des  volontaires  et  d'y  remplacer 
Yahya-Ibn-Omar,  chef  dont  ils  soupçonnaient  la  fidélité  et  qui 
leur  paraissait  disposé  à  favoriser  le  sultan  déchu.  En  Pan  16i 
(1 359<*60),  Yahya  se  réfugia  sur  le  territoire  chrétien  et  Idris  fut 
misà'la  tête  des  volontaires.  Dans  cette  position  élevée,  il  fit 
preuve  d'une  grande  habileté  et  obtint,  à  la  cour,  le  m^me 
rang  que  son  père  et  son  frère  avaient  déjà  occupé. 

Le  rau Moliammod  tua  ensuite  son  cousin,  le  sultan  Ismaîl,  et 
s'empara  dutrdoe,  mais,  deux  années  plus  tard,  il  fut  cha&séde 
Grenade  par  l'ex-sullanAbon-Abd-Allah-Mohammed.  Ce  prince 
avait  quilté  le  pays  des  chrétiens ,  fort  mécontent  des  procédés 
de  leur  roi  à  son  égard,  et  était  allé  s'établir  dans  Ronda  ,  ville 
qu'Omar-lbn-Abd-Allah,  régent  duMagbreb,  venait  de  lui  faire 
remettre.  Ce  fut  de  là  qu'il  marcha  contre  l'usurpateur,  qui  se 
retira  en  Castille,  avec  ses  partisans,  et  cbercha  la  protection 
du  roi  chrétien.  Ce  prince  les  fit  mourir  tous  pour  les  punir  de 
la  mort  de  Ridouan  et  du  sultan  Ismaîl.  Idits  et  la  troupe  de 
volontaires  qui  avaient  accompagné  le  rai*  dans  sa  fuite  fu- 
rent enfermés  dans  la  prison  de  Séville. 

En  l'an  766  (1364-5),  un  musulman  attaché  au  service  du 
roi  chrétien  entreprit  de  faciliter  l'évasion  d'idrîs  et  tint  un 
cheval  toujours  prêt  vis-à-vis  de  la  prison.  Idrîs  brisa  ses  fers, 
perça  le  mur  de  sa  cellule,  mit  le  pied  à  l'étrieret,  bien  qu'il  fût 
poursuivi  de  près,  atteignit  le  territoire  musulman.  Accueilli 
de  la  manière  la  plus  gracieuse  par  le  sultan  Mohammed,  fils 
d'Abou-'l-Haddjadj,  il  obtint'l'aulorisalionde  se  rendre  àCeuta. 


LES   HtimiDES   TOLOlfTAlRBS   DB   LA  FOI.  iB3 

Ire  vizir  Omar-Ibn-Âbd-Allah ,  régent  du  Maghreb,  craignit  à 
un  tel  point  l'influence  de  ce  chef  qu*it  le  fit  aussitôt  arrêter  par 
le  gouverneur  de  Ceuta  et  conduire  à  la  prisen  de  M«quinez. 
Transféré  ensuite  dans  le  Ghour  (cachot)  de  Fez,  par  1 -ordre  du 
sultan  Abd-el-Aztt,  Idrîs  y  mourut  étranglé  l'an  779  (4368-9). 


«ISTOIHB  d'aU-IBN-:BBI>R-ED'>DÎR  ,  COHHANDAIIT  DES  T0L9IITAIIIBS 

>DB   LA   VOI. 


^ous  avons  dit  que  Mouça,  fils  de  Rahhou,  passa  en  Espagne, 
avec  les  autres  descendants  de  Sot^en-Niça.  Parmi  eux  se  trouvè- 
rent Mobammed-lbn-Idrts-lbn-Abd-el-Hack  et  son  frère  Amer. 
€eci  eut  lieu  en  Pan  669  (1270-4).  Mouça  rentra  en  Maghreb,  se 
réfugia  dans  Tiemcen  et  passa  encore  en  Espagne.  Nommé  au 
commandement  des  volontaires  de  la  foi,  il  conserva  cei  emploi 
jusqu'à  sa  mort.  En  l'au  679  (4  280-4  ),  U  maria  sa  fille  au  sultan 
mérinide,  Youçot-Ibo-Yacoub,  et  la  fit  escorter  eu  grande  pompe 
à  la  cour  de  ce  souverain,  lient  plusieurs  fils  dont  les  deux  atnés 
se  nommaient  Mohammed  et  on  les  distinguait  par  les  surnoms  de 
Djemal-ed^Din  (beauté  de  la  religion)  ei  de  Bedr-ed-Dîn  {pleine 
lune  dfi  la  religion).  Ils  reçurent  ces  titres  d'un^  chérif  de  la 
Mecque  qui  était  venu  en  Occident  et  qui  les  désigna  ainsi,  selon 
l'usage  des  orientaux.  Les  princes  de  la  famille  royale  des  Merîn 
avaient  toujours  un  profond  respect  pour  les  descendants  du 
Prophète  et,  dans  toutes  les  occasions,  ils  reeherchaient  les  priè- 
res et  les  bénédictions  de  ces  saints  personnages.  Les  deux  en- 
fants de  Mouça  venaient  seulement  de  naître  quand  leur  père  le 
pria  de  les  bénir  et  de  leur  'frotter  les  gencives  avec  des  dates 
mâchées,  selon  la  coutume  du  Prophète.  Le  chérif  y  donna  son 
«consentement  et,  en  rendant  les  enfants,  il  dit  au  père  :  a  Reçois 
»  la  beauté  de  la  religion  ,  reçois  la  pleine  lune  de  la  religion.  » 
Mouça  accepta  ces    surnoms  ;    étant  parfaitement    convaincu 


484  HiSTOlBB   BBS   BBRBBHBS. 

qu*ilfi  porteraient  bonheur  à  ses  fils.  Depuis  lors,  ec'sdeusciv- 
faats  fureul  gf^nérnlement  conous,  Tua,  par  rappellation  de 
DjemaUed-Dîn,  ci  l'autre  par  celle  de  Bedr-ed-Din.  Quaod  ils 
eureot  atteint  l'âge  viril,  leur  père  les  associa  avec  lui  au  com- 
iwandautdos  volontaires. 

Après  la  mort  de  Mouça-lbn-Rahhou,  le  corps  des  volontaires 
passa  sous  les  ordres  de  son  frère  Abd-el-Hack}  dont  le  (ils 
obtint  ensuite  ce  haut  comoiandemenl.  En  l'an  703  '(4303-i), 
Djemal-ed-Din  passa  chez  le  roi  chrétien  et,  s'élani  embarqué  à 
Gartliagène,  il  alla  trouver  le  sultan  Youçof-Ibn-Yacoub  qui  fai- 
sait alors  le  siège  de  Tiemcen.  Le  jour  même  de  la  mort  de 
YouçoI.soti  nisi  Ahou-Salem,  prince  fdible et  incapable,  essaya 
de  monter  sur  le  trône,  mais  ,  ayant  vu  qu'Abou-Thabel,  petit- 
fils  du  feu  sultan,  s'était  emparé  du  pouvoir,  il  prit  la  fuite, 
dans  la  soirée,  et  emmena  a vcA;  lui  son  parent,  Djemal-ed>Dfn, 
et  ses  oncles,  El-Abbas,  Eiça  et  Ali,  fils  de  Rahhou-lhn-Abd- 
Allah.  Pendant  qu'ils  se  dirigeaient  vers  Medîouna,  ils  furent  ar- 
rêtés par  les  gens  envoyés  h  leur  poursuite  cl  ramonés  au  camp. 
Le  sultan  Abou-Thabet  fit  aussitôt  mourir  son  oncle,  Abou-Sa- 
lem  elDjernaUed^Din,  mais  il  fil  grAre  aux  autres  prisonniers. 
El'-Abbas  passa  en  Espagne  et  se  distingua  dans  la  guerre  contre 
les  chrétiens.  Quant  à  Bedr-ed-Dîn,  il  resta  toujours  en  Anda- 
lousie, au  milieu  de  ses  gens,  et  conserva,  jusqu'à  sa  mort,  Ic'S 
honneurs  et  le  grade  militaire  auxquels  sa  naissance  lui  donnait 
droit. 

Son  fils  et  successeur,  Ali,  ^e  fil  remarquer  par  sa  fierté  et 
ambition.  A  diverses  reprises,  il  reçut  du  gouvernement  gre- 
nadin le  commandement  des  troupes  zenaticnnes  qui  tenaient 
garnison  sur  les  fronlTères  de  Pempire,  loin  de  la  capitale.  Ce 
fut  ainsi,  quVi  Pinslar  d^nutres  membres  de  sa  famille,  il  com- 
manda dans  les  villes  de  Malaga,  d'Almcria  et  de  Guadix. 

Le  chef  <lu  corps  des  volontaires  était  toujours  un  homme 
d'épée  et  remplissait  des  fonctions  purement  militaires.  Profi- 
tant de  la  faiblesse  du  sultan,  If^quel  avait  très-souvent  besoin  de 
ces  guerriers,  soil  pour  combattre  le  roi  chrétien,  soil  pour 
résister  aux  tentatives  du  souverain  de  Maghreb  contre  l'An- 


Les   MÊRINIDBS    VOLOKTAtRBS    M   LA    FOI.  488 

dalousie,  il  parlageaiiiav^c  iai  les  rorenus  àe  Tempirc  afin  de 
solder  et  d'enlrelenir  les  troupes  sous  ses  ordres.  Le  sol* 
tan,  constamment  expo^  aux  coups  de  deux  «nnemis, 
avait  besoin  d'être  soutenu  par  cet  officier  et  dut  se  résigner 
à  toutes  ses  exigences.  Les  troubles  qui  éclatèrent,  vers  le 
milieu  de  ce  siècle,  entre  les  chrétiens  de  PEspagne,  neutralisé^ 
rent  la  puissance  du  roi  de  Gastille  et  le  mirent  dans  l'impossi* 
bilité  de  faire  aucune  démonstration  hostile  contre  VAndaloasie; 
d'un  autre  côté,  les  Mérinides,  depuis  la  mort  du  sultan  Abou- 
1-Haccn,  semblaient  avoir  oublié  jusqu'au  souvenir  des  victoi- 
res qu'ils  avaient  remportées  sur  leurs  voisins  et  rivaux.  Aussî,^ 
en  l'an  764  (1362-3)  le  souverain  de  l'Andalousie  crut  avoir 
trouvé  le  moment  opportun  pour  supprimer  la  place  de  comman- 
dant des  volontaires  et,  d'après  les  conseils  du  vizir,  Ibn-el-Kha- 
tib,  qui  voulait  se  débarrasser  d'un  compétiteur  redoutable,  il 
emprisonna  Yahya*-Ibn-Omar  et  les  fils  cle  ce  chef.  Il  plaça  en- 
suite les  volontaires  sous  les  ordres  de  l'émir  Youcof,  son  fils  'et 
successeur  désigné,  et  enleva  aux  princes  mérinides  les  comman- 
dements qu'ils  exerçaient  dans  ce  corps.  Ayant  ensuite  reconnu 
qu^en  se  privant  do  l'appui  d'une  famille  dont  tous  les  membres 
étaient  animés  d'un  même  esprit  et  ne  formaient,  pour  ainsi  dire, 
qu'un  seul  corps,  il  avait  perdu  son  meilleur  moyen  de  défense^ 
il  re-çint  sur  sa  première  idée  ,  et  il  déclara  son  favori ,  Ali-  Ibo- 
Bedr-ed-Dîn  ,  chef  des  volontaires  de  la  foi. 

A  l'époque  où  Ridouan  fut  assassiné  ,  Ali  commandait  le  déta- 
chement de  ce  corps  qui  tenait  garnison  à  Guadix  et ,  celte  mémo 
nuit,  il  accueillit  chez  lui  et  soutint  fidèlement  le  sultan  son  maitre^ 
qui  s'était  échappé  aux  révoltés.  En  l'an  761  (1359-60) ,  quand 
ce  monarque  passa  en  Maghreb,  il  l'accompagna  <i  la  cour  d'Abou- 
Salem  et,  plus  tard,  il  rentra  avec  lui  en  Espagne.  Par  ces  témoi- 
gnages de  dévouement  il  plaça  le  sultan  sous  des  obligations  qui  ne 
s'oublièrent  jamais  :  devenu  l'ami  du  souverain,  le  compagnon  do 
ses  heures  de  loisir,  Ali,  fils  de  Bedr-ed-Dîn«  s'attira  lès  regards  du 
maître  quand  il  s'agit  de  trouver  un  homme  digne  du  commander 
le  corps  des  volontaires.  Ses  anciens  services  et  l'attachement 
inébranlable  qu'il  avait  montré  au  sultan  dans  les  jours  de  l'ad- 


A8&  H18T011I     DIS   BBaBlEBS. 

varsité  ,  lat  méritèrent  bien  one  position  que  ses  aïeux  avaieni 
déjà  rentplie.  Dans  i'exercice  de  ces  hautes  fonctions,  auxquelles 
il  fut  nommé  en  Pan  767  (4  965-6) ,  il  déploya  une  grande  ha- 
bileté, et  mourut  en  office,  Tannée  suivante. 


ttlSTOIRf    B^ABD-BR-lAHUAN  ,     COMMAIIDAIIT  DES    VOLORTAIBBS 
BT   FILS   H'aLI-ABOU-ICBLLOUCBN,    FILS    DU   SULTAN  ABOU-ALI. 


Les  fils  du  sultan  Abour-Ali  avaient  fixé  leur  séjour  en  Espa- 
gne, mais,  ensuite,  ils  rentrèrent  en  Maghreb  avec  Tespoir  d'en 
devenir  les  maîtres.  Nous  avons  déjë  raconté  les  suites  de  celte 
tentative.  Âbd-er-Rahman,  petit-fils  du  même  sultan,  s'embar- 
qua au  port  de  Ghassaça,  Tan  766(4364-5),  avec  son  compa- 
gnon d'exil,  le  vizir  Hasoud4bn-Rahhou-Ibn-Maçaï ,  et  quitta 
le  Mashreb  à  la  suite  d'une  convention  faite  avec  le  vizir  Omar- 
Ibn-ÂDd-Allah,  régent  de  l'empire.  Débarqué  à  Almuôecar,  où 
le  sultan  andalousien  se  trouvait  campé  avec  son  armée,  il  en 
fut  accueilli  de  la  manière  la  plus  gracieuse  et  reçut  tous  les  hon- 
neurs dignes  dosa  haute  naissance.  Les  dons  les  plus  amples, 
l'autorisation  d'entrer  dans  le  corps  des  volontaires,  rien  ne 
ne  fut  négligé  pour  être  agréable  à  son  vizir,  aux  gens  de  sa 
suite  et  à  lui-môme. 

En  l'an  768  (4366-6),  brs  de  la  mort  d'Ali,  fils  de  Bedr-ed- 
Dtn,  il  obtint  du  sultan  le  commandement  en  ohef  des  volontaires. 
Ce  choix  fut  motivé  par  la  bravoure  que  le  prince  mérinide  avait 
déployée  en  toute  occasion,  et  par  la  proche  parenté  qui  existait 
entre  lui  et  te  souverain  duMas^hreb.  Cette  dernière  condition 
paraissait  ahors  essentietle  quand  il  s^agissait  de  nommer  à  ce 
haut  emploi  ;  les  descendants  d'Abd-Allah-Ibn-Abd-el-Hackne 
pouvaient  plus  y  prétendre,  le  trône  du  Maghreb  ayant  appar- 
tenu si  longtemps  à  la  branche  collatérale  de  In  famille  et  le  sou^ 
verain  de  ce  pays  ne  leur  étant  qu'un  parent  fort  éloigné.  Le 
sultan  fit  choix  d'Abd-er-Rahman  pour  ces  raisons,  le  combla 


LC8  VÊRIRIDBS    VOLOMTAIHSS    DK   LA   FOI.  487 

d'hoDoeurs  et  lui  assigna  une  place  dans  le  conseil  des  vizirs,  pri- 
vilège que  l'on  accordait,  du  reste,  à  chacpie  commandant  des 
volontaires. 

Abd-el-Aztz,  sultan  du  Maghreb,  apprit  cette  nomination  avec 
un  déplaisir  extrême  ;  s^étant  imaginé  qu^elle  avait  pour  but 
d'accrottre  l'influence  d*Abd-er-Rahman  et  de  le  mettre  en  posi- 
tion d^asplrer  au  trône  du  Maghreb.  A  cette  époque,  le  vizir, 
Ibn-el-Khattb,  entretenait  une  correspondance  secrète  avec  là 
cour  de  Fez  ;  croyant  se  ménager  ainsi  ua  asile  dans  te  Maghreb 
si  on  le  forçait  h  quitter  l'Espagne.  D'après  les  instructions 
d'Abd-el-Aztz,  il  travailla  à  la  perte  d'Abd-er-Rahman  et  for- 
gea des  lettres  au  nom  de  ce  chef  et  du  vizir  Masoud-Ibn-Maçaï, 
par  lesquelles  les  officiers  zenatienset  plusieurs  intimes  du  palais 
furent  invités  à  se  qjévoUer  contre  ie  souverain  de  Grenade.  Ce 
monarque  fit  comparaître  devant  lui  Abd-er-Rahman  et  le  vizir 
Masoud,  leur  montra  les  lettres  comme  preuves  du  crime  dont  on 
les  accusait  et  donna  l'ordre  de  les  enfermer  dans  la  prison, 
d'état.  Ceci  se  passa  en  l'an  770   (1368-9). 

Ibn-el-Khatib  gagna  de  cette  manière  la  faveur  du  sultan  roé- 
rinide  et,  quelque  temps  après,  il  s'enfuit  de  Grenade  et  se  ren- 
dit il  la  cour  de  ce  monarque.  Le  sultan  andaiousien  reconnut 
alors  la  trame  dont  Abd-er-Rahman  et  Masoud  faillirent  devenir 
les  victimes.   Après  la  mort  d'Âbd-eU  Aztz,  il  se  brouilla  avec 
Abou-Bekr-Ibn  Ghazi,  régent  de  l'empire  mérinidc,   et,  voyant 
avec  peine  que  ce  royaume  musulman  était  devenu  la  proie  do 
factieux  et  d'intrigants,  il  rendit  la  liberté  aux  deux  prisonniers 
et  leur  fournit  les  moyens  de  passer  en  Maghreb.   Abd-er-R.ih- 
man  débarqua  au  porl  de  Ghassaea  et  se  fit  proclamer  souverain 
par  les  Botouïa.  Nous  avons  raconté  ailleurs  ce  qui  passa  alors 
entre  lut  et  Ibn-Ghazi.  Il  finit  par  se  mettre  en   possession  do 
Maroc;  partageant  ainsi  les  provinces  du  Maghreb  avec  le  sultan 
Abou-1-Abbas-Ahmed  ,  fils  d'Abou-Salem.  L'Ornm-Rebià  sert 
maintenant  à  séparer  les  deux  empires. 

Le  souverain  do  l'Andalousie  vient  de  supprimer  la  place  dé- 
commandant Qn  chef  des  volontaires  de  la  foi  ;  il  a  pris  ce  corps 
sous  SCS    ordres  immédiats   et    s'occupe   perbounellement    de. 


488 


IfISTOIRE   DIS   BfiBBBHES. 


tous  les  (lélails.  Aux  princes  mérinides  qui  en  {aisaient  partie  il 

a  accordé  uoe  augmenialion  d^honncurs  et  rien  de  plus.  Tel  est 

élat  où  se  Irouvenl  les  choses  aujourd'hui ,  c^est-à-dire ,  en  l'an 

^  783(t  384-2).  Louons  Dieu  dans  toutes  les  circonstances  delà 

vie  I 

Fin  de  l'histoire  des  dynasties  musulmanes  qui  ont  régné  en^ 
Maghreb;  ouvrage  composé  par  Ouéli-^d^Dîn-Abou-Zeid-Abd- 
er-Rahman-Ibn-Khaldoun  ,  originaire  du  Hadramout  [  en, 
Arabie],  puis,  de Séoitle,  docteur  du  rite  malekile. 

Louangt  à  Dieu,  souverain  de  l' Univers  ! 


APPENDICE 


Mwm 


i. 

NOTES  SUR   LA   LANGUE,   LA  LirrÉRATURE 
ET  LES  ORIGINES  IHI  PEUPLE  BERBÈRE'. 


Les  Arabes  qi>i  onlevèrent  l'Afrique  sepleatrionale  à  la^  domi- 
nation byzantine  étaient  tous  à  la  solde  du  khalifat  et  formaient 
des  oorps  d'armée  soumis  au^L  règlements  de  la  discipline  et  de 
Phiérarchio  militaires.  Tout  en  conservant  leur  organisation  par 
tnbusi  ils  se  mirent  en  marche  sans  se  faire  suivre  par  leurs  fa- 
milles et  leurs  troupeaux  ;  renonçant  ainsi  au  plus  ancien  usage 
de  la  race  sémitique.  La  conquête  leur  procura  des  femmes  et 
des  terres;  la  vie  de  garnison  les  façonna  aux  habitudes  d'une 
civilisation  plus  avancée,  et  un  long  séjour  dans  les  villes  chan- 
gea ces  soldats  en  citadins. 

Dès  lors,  la  domination  arabe,  basée  sur  une  occupation  pure- 
ment militaire,  n^out  plus  la  force  de  se  soutenir  ;  affaiblie  par 
les  conflits  qui  eurent  lieu  entre  les  grands  chefs  et  par  les  révol- 
tes continuelles  des  indigènes,  elle  succomba  sous  les  coups  de 
la  dynastie  fattmidequi,  soutenue  parles  Berbères  ketamiens, 
s*empara  du  trône  de  Cairouan. 

Après  le  départ  des  Fatimides,  qui  allèrent  établir  en  Egypte 
ie  siège  de  leur  empire,  la  famille  de  Zîri,  chef  auquel  ils  avaient 


*  M.  De  Sacy,  M  Quatremère,  M.  De  Hammer  et  presque  tous  les 
autres  orientalistes  de  l'Europe  écrivent  ^0r6er  au  masculin,  et  Ber- 
bère au  féminin.  Dans  cette  traduction  \c  mot  Berbère  s'emploie 
tant  pour  le  masculin,  que  pour  le  féminin;  circonstance  qu'il  no 
faut  pas  attribuer  à  la  volonté  du  traducteur. 


490  niSTOIRB  DBS    BERBÈRES. 

confié  le  gouvernement  de  l'Afrique  septentrionale,  fonda  en  ce 
paya  une  dynastie  purement  berbère. 

Vers  le  milieu  du  onzième  siècle  de  notre  ère,  EUMoëzz-lbn- 
Badts,  quatrième  descendant  de  Zîri,  régna  sur  l'ffrikïa,  c'est-à- 
dire,  sur  les  pays  de  Tripoli  et  de  Tunis^  Ël-Gaïd,  filsdeHamraad 
et. arrière  petit-fils  do  Ziri,  gouverna;  au  nom  des  Fatemides, 
les  provinces  de  Constantine  et  de  Maghreb  central*.  Dans  la  ré- 
gion au  delà  du  Molouïa,  les  tribus  elles  villes  obéissaient  à  des 
chefs  berbères  qui  devaient  bientôt  succomber  devant  l'invasioD 
des  Almoravides. 

A  cette  époque,  toutes  les  plaines  de  l'Afrique  septentrionale 
étaient  occupées  par  des  Berbères  nomades,  ainsi  que  cela  avait 
eu  lieu  depuis  plusieurs  siècles;  les  villes  renfermaient  une  po- 
pulation partie  berbère,  partie  arabe;  I  islamisme  s'était  répan- 
du dans  toutes  les  tribus  et,  bien  qu'3  la  grande  majorité  du  peu*- 
ple  parlât  berbère,  la  langue  arabe',  soutenue  par  le  Coran,  de- 
meura celle  de  la  religion,  de  l'enseignement  et  de  la  cour. 

£l-Moëzz  venait  de  renoncer  aun  doctrines  héritiques  profes- 
sées par  lesFatemides;il  avait  répudié  Pautorité  de  cette  famille 
et  dressé,  dans  Cairouan,  le  trône  d'un  empire  berbère,  d'un  état 
indépendant.  Se  voyant  favorisé  par  la  fortune,  il  espérait  éten- 
dre sa  domination  sur  toutes  les  contrées  voismes,  quand  il  vit  sa 
puissance  ébranlée  par  un  ennemi  dont  il  croyait  n'avoir  jamais 
à  redouter  les  attaques.  , 

En  l'an  277  (890-4  de  J.  C),  la  secte  des  Carmates,  branche 
de  celle  des  Ismaïliens,  fit  son  apparitionaux  environs  de  Koufa, 
ville  sit^uée  au  nord  de  l'Arabie  et  dans  le  voisinage  de  l'Euphrate. 
Elle  enseigna  la  doctrine  exposée  dans  le  second  volume  de  cet 
ouvrage^el,  huit  années  plus  tard,  elle  se  trouva  assez  forte  pour 
la  propager  par  les  armes.  Une  victoire  remportée  sur  les  trou- 
pes du  khalife  abbacide,  El-Moladcd,  ouvrit  la  Syrie  à  ces  sec- 
taires; en  l'an  317,  ils  massacrèrent  à  la  Mecque  plus  de  vingt 

>  Voy.  t.  u.  p.  18. 

-  T.  Il,  p.  43  et  suivantes. 

3  Patïc  505. 


APPENDICE.  49  i 

mîlie  pèlerins  el  comblèrent  de  cadavres  le  puits  sacré  de  Zem- 
zem.  £n  l'an  360,  ils  occupèrent  la  ville  de  Damas  et,  pendani 
cette  longue  guerre,  ils  couvrirent  de  sang  et  de  ruines  plusieurs 
provinces  du  khajifat.  Les  musulmans  orthodoxes  furent  surtout 
l'objet  de  leur  haine  et  se  virent  traités  sans  miséricorde. 

ParoM  les  tribus  de  l'Arabie,  plusieurs  de  celles  qui  descen- 
daient de  Caïs-Ghaïlan*  embrassèrent  le  parti  des  Carmates,  plu- 
tôt par  l'appât  du  pillage  et  par  l'amour  du  désordre  que  par 
conviction  religieuse.  Les  Béni  Soleim,  qui  campaient  habitu- 
ellement aux  environs  de  Médine,  en  furent  les  premiers  à 
soutenir  les  Garmales  du  Bahrein.  Cette  tribu,  une  des  plus 
nobles  de  l'Arabie,  descendait  de  Maad,  fils  d'Aduan  et  apparte- 
nait, par  conséquent,  à  la  même  souche  qui  avait  produit  la  tribu 
de  Coreich,  celle  dont  Mahomet  faisait  partie. 

Les  Carmates  se  rendirent  aussi  incommodes  à  leurs  voisins 
et  coreligionnaires,  les  Fatemides  de  l'Egypte^  qu'aux  Abbacides 
del'Irac  etdela  Syrie.  Repoussés  par  les  troupes  du  khalife  fa- 
temide,El-Aziz,  ils  se  retirèrent  du  côté  du  Golfe  persique  et  aban- 
donnèrent leurs  alliés,  les  Arabes  nomades.  A  la  suite  de  cette 
défaite,  les  Soleim,  lesHilal  et  les  Djochem  firent  leur  soumission 
et  durent  se  transporter  dans  la  haute  Egypte  afin  de  s'ins- 
taller dans  le  territoire  situé  entre  le  Nil  et  la  Mer  Rouge.  Ils  y  de- 
meurèrent près  de  cinquante  ans  ;  alors  le  gouvernement  du  Caire 
leur  permit  de  passer  le  fleuve  et  les  envoya  porter  le  ravage  dans 
les  états  du  prince  Ztride  qui  avait  méconnu  l'autorité  de 
l'empire  Catemide. 

Ibn-Khaldoun  nous  fait  connaître  les  suites  fâcheuses  de  cette 
invasion  :  la  puissance  des  Zîrtdes  presqu'anéanlie  ;  les  campa- 
gnes et  les  villes  de  l'Ifrîkïa  et  du  Maghreb  livrées  comme  une 
proie  aux  Arabes  nomades  ;  l'agriculture  ruinée,  le  commerce 
détruit,  et  tout  le  pays  exposé,  pendant  plusieurs  siècles,  aux 
raziasetaupillage.Les  Almoravides,  les  Almohades,  les  Merinî- 
des,les  Abd-el-Ouadites,  toutes  les  dynasties  berbères  s'efforcè- 

.'  Ce  nom  est  souvent  écrit  ainsi  dans  les  manuscrits  arabes,  mais 
e'est  Aïlan  qu'il  faut  lire. 


492  niSTomK  des  berbères. 

rent  de  mcUre  uo  terme  à  ces  désordres  et,  bien  qu'ils  réupsiretit  a 
coDlenir  les  Arabes  pendanl quelque  temps,  ceux-ci  ne  naanquèrenl 
jamais  de  recommencer  leurs  brigandages,  chaque  fois  que  l'occa- 
aibn  se  présentsait.  Cet  état  da  choses  durait  encore  h  l'époque 
où  notre  auteur  écrivait  son  histoire. 

Après  avoir  enlevé  à  ia  dynastie  Ziride  et  aux  Sanhadja, 
presque  toutes  les  villes  de  l'Ifrîkïa,  les  Arabes  nomades,  dit 
Ibn-Khaldoun,  s'y  installèrent  en  maîtres  et  accablèrent  leurs 
nouveaux  sujets  de  la  tyrannie  de  leur  administration. 
S'étant  fait  expulser  des  villes  par  les  habitants  indignés,  ils 
occupèrent  tout  le  pays  ouvert,  et  là,  jusqu'à  nos  jours,  ils  ont 
continué  à  molester  les  populations  agricoles,  à  dévaliser  les  vo- 
yageurs et  h  tourmenter  leurs  voisins  par  leur  rapine  et  leur 
brigandage. 

Dans  le  récit  des  guerres  qui  suivirent  cette  grande  invasion, 
à  peine  trouva«t-on  quelques  indications  au  sujet  de  la  population 
arabe  qui  descendait  des  anciens  conquérants;  on  pourrait  même 
supposer  qu'elle  n  existait  plus  si  Ël-Bekri.  qui  compoia  sa  des- 
cription historique  et  géographique  de  l'Afrique  peu  d'années 
après  c?s  événements,  n'eût  indiqué,  comme  une  chosedigne  de 
remarque,  les  localités  qui  possédaient  encore  des  habitants 
arabes. 

Los  Arabes  nomades  s'étant  emparé  du  pays  plat,  contraignis 
rent  les  Berbères  à  se  retirer,  les  uns  dans  les  montagnes,  les 
autres  vers  les  contrées  occidentales  du  Maghreb.  Dès  lors  seu- 
lement, c'est-à-dire  vers  le  milieu  du  onzième  siècle  de  J.  C. 
l'Afrique  septentrionale  posséda  des  nomades  arabes.  «  Les 
»  premiers  conquérants  musulmans,  dit  Ibn-Khaldoun,  ne  s'y 
»  établirent  point  comme  habitants  de  tentes  ;  pour  rester  mat- 
»  très  du  pays  ils  durent  se  tenir  dans  les  villes.  Ce  ne  fut 
»  qu'au  milieu  cinquième  siècle  de  l'hëgireque  les  Arabes  no- 
I)  mades  y  parurent  pour  ia  première  fois  et  s'y  dispersèrent  par 
D  tribus  afin  d'allei  camper  dans  toutes  les  parties  de  cette  vaste 
»  région.  »  Répétons  encore  qu'avant  cette  époque  les  plaines 
de  l'Afrique  septentrionale  appartenaient  exclusivement  aux  no- 
mades de  la  race  berbère. 


APPRNDIOB.  4&3 

« 

Si,  dans  cetle  esquisse,  doiis  devions  nous  occuper  des  Arabes 
de  l'Afrique  septentrionale,  nous  iiurions  à  sigildier  les  modifi- 
fications  que  leur  langue  a  subies,  tant  dans  la  partie  grammati- 
cale que  dans  le  vocabulaire;  nous  aurions  môme  à  préciser  Vé^ 
poque  et  les  causes  du  grand  changement  opéré  dans  la  conju- 
gaison du  verbe,  changement  qui  s'est  fan  d'après  un  même  prin- 
cipe en  Arabie,  en  Egypte  et  en  Syrie.  Nous  pouvons  seulement 
énoncer  un  fait,  trôs-^naturcl  du  reste,  c'est  que  dans  la  langue 
arabe  de  la  Mauritanie,  on  reconnaît  un  assez  gtand  nombre  de 
mots  et  de  formes  appartenant  è  la  langue  berbère. 

Selon  les  anciens  historiens  et  géograpbesr arabes,  iapopuIa«« 
lion  de  l'Afrique  seplentionale,  au  premier  siècle  de  l'hégire,  se 
composait  do  Roum,  d'Afarec  et  de  Berber,  Par  le  mot  Roum 
(Romains),  les  conquérants  musulmans  désignaient  les  chrétiens 
d'origine  étrangère,  c'est-à-dire,  les  colons  de  race  latine  et  les 
troupes  de  l'empire  byzantin;  aux  indigènes  românisés,  qui  tous 
professaient  lu  christianisme,  ils  donnèrent  le  nom  d^Afarec 
(Africains),  mot  dont  le  singulier  est  Afriki]  aux  peuplades  que 
les  Roum  appelaient  Barbari,  les  Barbares,  ils  appliquèrent 
la  dénomination  de  Berber,  mol  dont  le  pluriel,  en  Arabe,  prend 
les  formes  de  Beraber  el  de  Berabra.  Ce  fut  à  ta  population 
latine  qu'ils  empruntèrent  le  terme  Berber,  Les  Romains  avaient 
reçu  ce  mot  des  Grecs,  qui  l'avaient  probablement  tiré  du  sans- 
crit. Dans  cette  ancienne  langue,  souche  du  persan,  du  grec,  du 
latin  et  des  langues  germaniques,  le  mot  Warivara  signifie  un 
proscrit  y  un  homme  vil,  un  burbare.  S'il  faut  en  croire 
Hérodote* ,  les  anciens  Egyptiens  donnaient  le  nom  de 
Barbaroi  à  tons  ceux  qui  ne  parlaient  pas  leur  langue.  Quoi 
qu'il  en  soit,  les  écrits  de  Saint-Augustin  et  de  ses  correspondants 
nous  montrent  que  le  terme  barbari  était  employé  par  la  popu- 
lation latine  de  l'Afrique  pour  désigner  les  peuplades  indigènes 
qui  repoussaient  l'autorité  de  remj)iro  el  les  doctrines  du  chris- 
tianisme. 


*  Livre  ii,  1S8. 


494  HISTOIBB    DBS    BBRBBRES. 

Si  l'on  demande  aux  lexicographes  et  aux  philologues  arabes 
la  dérivation  du  mol  berber,  ils  répondent  qu'il  est  formé  du 
verbe  berbera^  qui  signifie  parler  d^une  manière  ininielligibUj 
murmurer,  pousser  des  cris  de  colère,  ou  bien  de  berbera^  mot 
qui  signiGc  beaucoup  de  bruil  et  de  mouvement.  Sachant  que  les 
Arabes  étaient  aussi  habiles  que  les  Grecs  pour  trouver,  dans 
leur  propre  langue,  la  dérivation  des  mots^étrangers,  nous  n'at- 
tachons aucune  importance  à  leur  explication  de  ce  nom  ;  nous 
ferons  seulement  observer  qu'ils  ne  le  considéraient  pas  comme 
appartenant  à  la  langue  berbère.  En  cela,  du  moins,  ils  avaient 
raison  ;  jamais  les  Berbères  ne  se  désignent  par  ce  mot,  qui  est 
très-rarement  employé  aujourd'hui,  même  par  les  Arabes.  D'Her-^ 
belot  prétend  que  Berber  dérive  de  Ber  Beratkom  «  qui  dit-il, 
«  signifie  deux  choses,  ou  bien  votre  pays  est  fort  désert,  ou 
«  bien  votre  pays  est  un  pays  de  blé,  »  Ces  deux  explications 
sont  également  absurdes  :  l'auteur  de  la  Bibliothèque  orientale 
avait  eu^concaissance  de  la  légende  d'ifricos,  (voyez  tome  I,  page 
468  de  celle  traduction,  )  mais  il  ne  s'était  pas  rendu  compte 
des  mots  ma  akthera  berberatakom,  phrase  que  le  moindre  ara- 
bisant de  nos  jours  saurait  très  bien  rendre  par  les  mots 
quel  jargon  est  le  vôtre  !  Quelques  écrivains  disent  que  Berber 
est  un  mot  composé  :  les  deux  grandes  familles  de  ceite  race 
descendaient,  dit-on,  Tune  de  Berr,  fils  de  Caïs,  et  l'autre  de 
P^rr,  fils  de  Canaan,  donc,  pour  désigner  tout  le  peuple,  on 
n'avait  qu'à  combiner  les  noms  de  ses  aïeux  en  un  seul  mot. 
Cette  dérivation  ne  cède  pas  eu  bizarrerie  h  oelie  d'un  savant 
européen  qui  nous  assure  que  Berber  est  composé  du  mot 
syriac  bar  {fils)el  du  mot  arabe  ber  (?)  (désert  (?))i  donc,  il 
signifie  fils  du  désert.  C'est  aller  un  peu  loin  pour  chercher  Ja 
solution  d'une  question  bien  simple.  M.  de  Saiul-Martin  ne  s'est 
pas  laissé  fourvoyer;  il  avait  très-bien  compris  que  les  Berber 
des  Arabes  étaient  les  Barbari  des  Latins. 

Passons  au  mol  Cabilc,  qui  sert  encore  d  désigner  une  partie  de 
la  race  berbère.  Pour  exprimer  l'idée  de  tribu,  de  peuplade  no- 
made, les  Arabes  emploient  \emoiCiibila^  et,  au  pluriel  CabaiL 
Pendant  les  quatre  siècles  qui  snivirenl  la  conquête  de  l'Afrique 


APPENDICE.  495 

s0pleDlrion<)Io  par  les  musulmans,  tous-  les  nomades  apparte- 
naient à  la  race  berbère  ;  aussi,  dans  les  ouvrages  historiques  et 
géographiques  qui  traitent  de  cette  époque,  le  mot  cabita  veut 
dire  tribu  berbère.  Les  Aiabes  nomades,  arrivés  en  Afrique, 
étaient  aussi  organisés  en  (ribus  [cabaït]  ;  mais,  voyant  employer 
ce  terme  pour  désigner  une  race  qu'ils  méprisaient,  ils  appli- 
quèrent à  leurs  propres  tribus  le  nom  d'drcA,    {J^j^  qui  signifie 
maison,  pavillon,  tente.  Les  historiens  Arabes  respectent  trop 
leur  langue  pour  se  servir  du  mot  drch  avec  le  sens  de  tribu; 
ils  s'en  tiennent  au  terme  consacré  et  disent  également  cabatl  el- 
Arab  [tribus  des  Arabes),  et  cabaïlel-Berber  (tribus  des  Berbè- 
res), Dans  les  provinces  d'Alger  et  d'Orau,  le  mol  cabila  sert 
à  désigner  les  Berbères,  et  ceux-ci  l'ont  accepté  ;  dans  la  provin- 
ce de  Gonstantine  on  emploie  le  mot  arabe  chaouta  [bergers),  ou 
bien  le  mot  Zenaiïa  [Zenatiens],  en  parlant  de  ce  peuple  ;  dans  les 
provinces  méridionales  de  l'empire  marocain,  les  Berbères  s'ap* 
pellent    chelouh,   mot  dérivé  du    nom   berbère  achlouh,   au 
pluriel  ichlah,  qui  signifie  tente  de  poil  de  chameau.  Us  donnent 
au  dialecte  qu'ils  parlent  le  nom  de  chelha,  mot  provenant  di?  la 
même  racine  que  le  précédent  et,  lorsqu'ils  veulent  s'exprimer 
avec  élégance,  ils  ledésignent  par  le  nom  tamazight  ou  tamazîrt» 
Ce  mot  est  du  genre  féminin  ;  la  forme  masculine  amazigh,  ama- 
zir,  signifie  noble,  homme  libre,  berbtr,  Akat  amazigh,  mots 
cités  et  mal  traduits  par  Léon  l'Africain,  veulent  dire  le  pa^js 
berbère.  Ce  mot  amazigh  n'est  pas  connu  en  Algérie;  on  trouve, 
il  est  vrai   chez  les  Touaregsaf72tt/ar  ou  amajagh,  et,  au  pluriel, 
imoujaran,  qui  signifie  hommclibre,  touareg',   mais  ce  mot  est 
dérivé  du  verbe  augar  (  surpasser). 

Les  peuplades  qui  forment  la  race  berbère  se  rencontrent  dans 
presque  toutes  les  parties  dtj  l'Afrique  septentrionale;  on  les 
trouve  depuis  la  Méditerranée  jusqu'au  Niger  et  depuis  l'Atlan- 
tique jusqu'aux  oasis  égyptiens.  Les  unes  habileat  les  montagnes 
et  cultivent  les  jardins  qui  entourent  leurs  villages,  ou  bien  ils 
s'adonnent  h  Texercicedes  arts  utiles;  les  autres demourent  dans 
les  plaines  et  s'occupent  de  l'af^riculturo  et  de  l'éducation  des 
troupeaux  ;  d'aulrc<s  so  tiennent  dans  les  bouri^ades  situées  entre 


V 


496  HISTOIRE   DBS    BIRB&KES. 

le  Tell  et  le  grand  Désert,  où  ils  s^ôccupent  de  commerce  ;  quel- 
ques branches  de  la  grande  famille  touarègue  passent  leur  temps 
à  piller  les  caravanes,  à  escorter  les  voyageurs  et  a  combattre 
les  Arabes  ou  les  Nègres,  leurs  voisins.  On  a  remarqué  qu'en  Al- 
gérie les  Berbères  occupent  les  montagnes  et/ les  Arabes  les  plai- 
nes ;  en  Tunisie  et  en  Maroc  le  même  fait  a  lieu^  excepté  dans  les 
provinces  méridionales  de  ce  dernier  royaume,  on  les  Ghelouh 
hahîteAt  le  pays  plat. 

Toutes  ces  peuplades  parlent  des  dialectes  d'une  même  langue, 
dialectes  tellement  différents  qu'on  est  d'abord  tenté  de  les  re- 
garder comme  des  langues  distinctes.  Dans  le  quatrième  siècle  de 
notre  ère  cet  état  de  choses  avait  déjà  frappé  l'attention  d'Am- 
mien  Marcellin,  dont  les  paroles  :  dissonas  culiu  et  sermonum 
varietatenationes  plurimas^  rappellent  le  passai^e  d'un  historien 
andalousien  qui  fleurissait  dans  le  Ireizièmo  siècle  :  Les  dia^ 
leetes  des  Berbères^  dit  AIi-lbn-Saîd,/>eu(;€n<  être  ramenés  à 
quelques  souches  uniques  (osoul  ouahida),  mais^  telle  est  la 
variété  de  leurs  ramifications  (forouâ)  quelles  diverses  ti*i^ 
bus]  ne  peuvent  s'entendre  entre  elles  qu'à  l*aide  d'interprètes*. 
L'illustre  Saint-Augustin  y  voyait  plus  clair  que  l'Historien  ro- 
main et  le  polygraphe  arabe  ;  ses  paroles  :  in  Africd  barbare 
gentes  in  una  Unguâ  plurimas  novimus^^  démontrent  qu'il  avait 
reconnu  un  fait  important  et  bien  difficile  à  saisir.  En  eflet,la 
langue  berbère  se  partage  en  un  grand  nombre  do  dialectes  ; 
chaque  tribu,  chaque  localité  a  le  s^ien.  De  province  en  province, 
de  montagne  en  montagne,  de  village  en  village,  le  langage  varie 
à  un  tel  point  que  souvent  deux  peuplades  voisines  no  s'en- 
tendent pas.  L'habitant  du  Jurjnra  ne  com^  rend  pas  le  berbère 
des  Beni-Mozab  ;  ceux-ci  auraient  de  la  peine  h  s'entretenir  avec 
des  Chelouh,  et  un  Masmoudien  de  l'Atlas  marocain  serait  (rès- 
embarasfié  si  un  Berbère  de  la  plaine  de  Haha  lui  adressait  la  pa* 
rôle.  Enfin,  les  Berbères  du  Tell  ne  comprennent  rien  afu  langage 


*  xx.x,  B. 

ê 

'  Abulfcdae  Historia  antoislamica,  p.  178. 
3  De  CivUate  Dei,  xvi,  6. 


APPRMMCI.  497 

des  Touaregs  «  De  prime  abord,  oes  dtaleeieB  paraissenl  avoir  si 
peu  de  rapports,  les  Qas  avec  les  autres,  que  Von  est  tenté  de  les 
regarder  comme  des  langues  loul-à-fait  distinctes  ;  mais,  si  Von 
oompare  ensemble  deux  de  ces  idiomes,  même  les  plus  discor- 
dants, on  y  découvre  la  même  ^construction  grammaticale,  le 
même  système  de  conjogaisoo  et  beaucoup  de  ressemblance  dans 
les  vocabulaires.  On  y  reconoatf  cpielques  différences  dans  les 
pronoms,  dans  les  acceptions  des  verbes,  daas  les  adverbes,  lés 
prépositions  et  les  conjonctions,  ainsi  que  dans  la  prcmonciation 
de  certaines  lettres.  Chez  une  tribu,  on  trouve  des  mots  berbè- 
res remplacés  par  des  mots  arabes  ;  cbez  un  autre  on  remarque 
plusieurs  mots  berbères  qui  ne  s'emploient  pas  aiHeurs.  Celui 
qui  voudrait  étudier  l'ensemble  de  la  langue  doit  cb^cSier  d'a^- 
bord  les  caractères  distincti£s  de  chaque  dialecte,  afin  de  les 
mettre  à  l'écart  et  d'examiner  ce  qui  reste  ;  alors,  il  apercevra 
que  tous  ces  dialectes  proviennent  d'une  même  souche  et  qu'il 
n'y  a  point  entré  eux  de  différences  fondamentales.  Quand  on 
se  rappelle  que  la  plupart  des  tribus  berbères  ont  remplacé  par 
des  mots  arabes  un  bon  tiers  de  ceux  qui  formaient  leur  ^focabu- 
laire  primitif;  — que  tel  mot  berbère  est  inconnu  dans  une  peu- 
plade et  s'emploie'  chez  celle  de  la  montagne  voisina  ;  — -  que  la 
la  forme  féminine  d'un  nom  se  trouve  en  Gabilie,  par  exemple, 
tandis  que  le  masculin  ne  se  rencontre  que  ohez  les  Cbelouh;  — 
que  certains  termes  usités  jadis  dans  le  Tell  n'existent  plus  que 
dans  le  Sabra;  que,  de  tribu  en  tribu,  les  lettres  se  permutent, 
le  thêta  remplace  le  t.  Je  ts^  le  d,  eiviee  versa;  le  ch  permute 
aves  le  dj  eile  z;*^  qu'il  y  a  plusieurs  autres  irrégularités  de 
cette  nature  ;  —  quand  on  a  bien  cœpris  ces  faits,  on  peut  s'en- 
gager avec  une  certaine  confiance  dans  le  chaos  des  dialectes 
berbères. 

On  a  admis  comme  règle  générale  que  plos  deux  tribus  sont 
voisines,  plus  leurs  dialectes  se  ressemblent:  mais  on  trouve  des 
peuplades  établies  à  trè^-peii  de  distance  l'une  de  l'autre  et  qui 
ne  s'entendent  pas.  D'autres  tribus,  séparées  par. une  vaste  éien. 
due  de  pays,  parlent  le  même  idiome.  Âinsi^  la  zenalta  des  envi- 
rons de  Tuggurt  ne  diffère  pas  beaucoup  de  la  2«na^  a  marocaine. 

T.  IV.  32. 


498  HISTOIRI    DBS  BBftBBRBS. 

Presque  tous  ces  dialectes  ont  subi  de  graves  altérations  par 
l'inlroductioD  de  l'élémc.nl  arabe.  L'empressement  des  Berbères 
à  changer  leur  vocabulaire  en  accueillant  les  mots  de  la  langue 
sacrée  n'a  rien  qui  doive  nous  surprendre;  mais,  qu'ils  aieni 
porté  cet  engouement  au  point  de  renoncer  à  leur  idiome  pour 
adopter  celui  d'une  autre  race  est  un  fait  qui  pourrait  nous  éton- 
ner si  nous  n'en  avions  pas  d'exemples  en  Europe.  Dans  la  région 
située  entre  Constanline.  Sélif ,  la  mer  et  la  frontière  tunisienne, 
une  grande  partie  de  la  population  est  d'opigine  ketamienne,  et 
cependant  elle  ne  parle  plus  que  l'arabe.  D'un  antre  côté,  la 
langue  touarègue  a  été  profondement  altérée  par  l'introduction 
de  mots  nègres  ;  on  remarque,  surtout,  dans  le  dialecte  d'Agadez 
beaucoup  de^ermes  qui  semblent  appartenir  à  la  langue  Haoussa. 

Par  des  recherches  plus  approfçndies  on  parviendra,  sans 
doute,  à  constater  les  caractères  dislinctifs  de  tous  ces  dialectes, 
à  faire  ressortir  les  points  de  ressemblance  plus  ou  moins  nom- 
breux qui  existent  entre  eux,  et  h  les  classer  alors  par  familles. 
Jusqu'à  présent  on  n'a  pas  les  moyens  pour  tracer  l'arbre  glos- 
sologique  de  la  race  berbère  ;  tout  au  plus  si  l'on  est  parvenu  à 
fixer  les  traits  qui  se  reproduisent  dans  toutes  les  ramifications 
de  cette  langue.  Faute  de  renseignements  suffisants,  on  n'ose  pas 
déclarer  que  cet  arbre  forme  deux  grandes  branches  qui  corres- 
pondent aux  deux  principales  nations  dont  se  compose  la  race 
berbère ,  selon  les  généalogistes  musulmans  ;  à  plus  forte 
raison  faut-il  renoncer,  pour  quelques  temps,  à  l'espoir  d'y  re- 
connattre  les  diverses  ramifications  que  'les  mêmes  auteurs  s'ac- 
cordent à  compter  sur  chaque  branche.  On  n'est  pas  encorepar- 
venu  à  remarquer  une  ressemblance  de  famille  entre  Içs  dialectes 
des  Azdadja,  des  Masmouda,  des  Auréba,  des  Adjtça,  des 
Ketama  et  desSanhadja.  tribus  qui  forment,  dit-on,  la  descen- 
dance des  Bernés;  on  ne  peut  non  plus  indiquer  les  traits  qui 
caractérisent  ces  dialectes  et  qui  les  distinguent  de  ceux  des 
Âddaça ,  des  Nofouça,  des  Darîça  et  des  Louata,  tribus  que 
Pon  fait  descendre  de  Madghis  Ël-Abter. 

Pouvons- nous  maintenant  essayer  d'identifier  la  langue  ber- 
bère avec  la  langue  numide? 


i 

I 


APPETfDlGB.  499 

Avant  de  répondre  h  celte  question  ,  il  faut  savoir ,  d'une 
manière  précise ,  la  signification  attachée  à  ces  mots  langue  ntt* 
mide.  Depuis  quelques  années  seulement ,  on  les  emploie  pour 
désigner  la  laogue^ des  autocthones  de  l'Afrique  septentrionale; 
la  langue  des  Gétules,  des  Libyens  et  des  Numides  ;  celle  de 
Pirmils  et  d'Igmazen,  de  Tacfarinas,  deBocchns  et  de  Jugurtha; 
pourvu,  toutefois,  qu^  celui-ci  n'eût  pas  le  punique  pour  langue 
maternelle.  On  admet  donc  que,  sous  la  domination  carthagi- 
noise et  sous  celle  des  Romains,  les  indigènes  de  ce  pays,  les 
Barbares,  quf,  selon  Ptolomée,  formaient  plus  &e  cent  trente 
peuples  distincts,  parlaient  une  môme  langue.  Bien  que  cette 
supposition  paraisse  très-hasardée,  on  aurait  tort  de  la  repous-> 
ser  :  de  nos  jours  encore,  le  même  fait  se  montre  jusqu'à  In  der- 
nière évidence,  et  rien  dans  les  annales  de  l'Afrique  ne  donne  lieu 
à  croire  que,  pendant  les  derniers  temps  de  la  domination  by- 
zantine, l'ancienne  population  ttumide*ait  été  remplacée  par  des 
tribus  d'une  autre  race.  La  seule  difficulté  qui  se  pi^ésente  à 
l'ethnographe  et  qui,  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances, 
n'admet  pas  d'une  solution  immédiate,  c'est  ie  moyen  d'établir 
■une  comparaison  entre  cette  ancienne  langue  et  celle  dont  les  dia- 
lectes se  parlent  encore  chez  les  diverses  peuplades  berbères.  Que 
nous  resle-t*-il  de  cette  langue  numide?  Ou  en  sont  les  monu- 
ments? quelques  pierres  portant  des  inscriptions  que  l'oo  est  à 
peiné  parvenu  à  lire  et  dont  une  seirte  est  accompagnée  d'une  tra* 
duction  punicpe  ;  des  noms  delocalité,  et  plusieurs  noms  propres 
dont  quelques-uns  commencent  par  la  syllabe  ma^ou  mis.  Quant 
à  l'inscriplion  bilingue,  elle  n'offre  rien  de  concluant  ;  déchiffrée 
par  Gesenius  en  premier  lieu,  revue  par  M.  de  Saulr.y,  qui  rec* 
tifia  plusieurs  erreurs  commises  par  son  devancier,  elle  ren- 
ferme encore  deux  lettres  sur  la  valeur  desquelles  on  n'est  pas 
d'accord.  En  coroparantcett^inscription  avec  l'alphabet  <i/bnar, 
usité  maintenant  chez  les  Touareg,  on  est  même  obligé  de  croire 
^ue  plusieurs  autres  lettres  n'ont  pas  les  valeurs  que  les  savants 
de  l'Europe  leur  ont  assignées.  Dans  cette  épitaphe,  composée  en 
grande  partie  de  noms  propres,  trois  moti^ seulement  paraissent 
être  des  formes  verbales  ;  malhourcusement,  le  premier  est  à 


SM  HISTOIBE   DM  BmiHES. 

iBoUié  eSacë,  ei  las  deux  antres  appartieaaeat  h  des  racines  ra- 
coDOuea  jusqu'à  présent  en  langae  berbère* 

Quant  aux  noms  propres,  tels  que  Sasiinisâm,  Misagmei^ 
Micipsa,  Masiniha^  Massiva^  Muteizêl^  Jtfaa^oAa,  etc. ,  dont  la 
première  syllabe  est  un  de  ces  mots  qui,  en  berÛref  signifient  fiU^ 
ou  pinlôt  fils  d^lui,  on  pourrait  les  regarder  comme  appartenant 
à  oetle  langue  ;  roçis  alors  il  faut  siip|)Oserqiiele  mot  dont  la  syl* 
labe  mas  ou  mis  est  suivie  représente  le  nom  porté  par  la  mère 
de  rindividu  ainsi  désigné»  Autremeoti  on  ne  saurait  expliquer 
pourquoi  le  fil^de  Gula  se  nommait  MassinissB  [le  fils  d'/ita), 
pourquoi  trois  (ils  de  ce  dernier  roi  étaient  désignés  par  les 
noms  de  MisageneSy  Mioipsa  et  Masgaba;  pourquoi  enfin  le  fils 
de  Jugurtha  portait  le  nom  de  MasirUka^ 

S'il  nous  était  même  parvenu  des  écrits  en  langue  numidoi 
nos  recherches  ne  pourraient  guère  aboutir  k  un  résultat  satis* 
faisant  qu'à  la  suite  d'une  longue  ftérie  d'études.  Prenons  les 
évangiles,  traduites  par  Ulpfailas  en  langue  gothique,  et  compa- 
rons-les avec  l'allemand  d'aujourd'hui;  on  aurait  d'abord  beau* 
coup  de  peine  à  reconnaître  la  parenté  de  ces  deux  idiomes. 
Bapprochons  cette  même  traduction  avec  celle  des  évangiles  ea 
anglo-saxon ,  nous  y  trouverons  une  différence  tout  aussi  marquée, 
cU,  cependant,  nous  avons  la  certitude  que  ces  trob  langues  pro- 
viennent d'une  même  souche.  Pour  établir  une  comparaison 
entre  le  berbère  et  le  numide,  nous  n'avons  pas  même  un  tout 
petit  vocabulaire  de  cette  dernière  langue  :  nous  n'en  possédons 
absolument  rien.  Encore,  s'il  existait  un  vocabulaire,  à  quoi  cela 
pourrait^il  servir  dans  la  recherche  de  la  vérité  ?  Nous  trouvons 
en  français  et  en  anglais  un  grand  nombre  de  mots  parfaitement 
identiques  ;  devons-nous  conclure  qu'en  France  et  en  Angleterre 
le  peuple  parle  la  même  langue  ?  Voici  un  vocabulaire  touareçi; 
renfermant  quelques  mots  usuels  : 

3Iech^        en  français     Dieu,     en  berbère  erbi. 


A  lis, 

« 

— 

hommCy 

— 

ergaz. 

Amanokal^ 

— 

sultan, 

— 

aguelid. 

Amnès, 

— 

chameau , 

— 

alrom* 

Echeh\, 

— 

arbre. 

— 

tasttta. 

Eguclnicm^ 

— 

fleuve. 

— 

«c*A 

^FPBRDICI. 


504 


Takçt,  en   français,      fleur,  eu  berbère,   adjeddigue. 

Arom  f     )         I  ville  ou        i i  ttmdint^ 

AgadèSj  i  '/^oy*,  î        '  temzirt, 

A  riaspection  de  cette  liste  on  est  porté  h  regarder  le  touareg 
comcne  toui-à-faii  diflércat  du  berbère.  Mais  en  voici  un  autre 
vocabulaire  : 

7a/buit/,  en  français  ^  soleil  y   en  berbère  tafoukl. 


titm. 

— 

éloiU, 

-^ 

itri. 

Azenkotf 

— 

ffaaeUôj 

— 

tazenkot. 

Imogran^ 

•^ 

grand. 

— 

imogran. 

Imellalj 

— 

blanc. 

— 

imellel. 

Izi, 

— 

mouche. 

..^ 

xzt. 

Tethent, 

«MM 

sely 

—, 

lisent. 

Fouda, 



soif, 

— 

fod. 

Adar, 



pied, 

— 

adar. 

Afouty 



main, 

— 

afous. 

A  quoi  donc  servent  des  vocabulaires  incomplets  ? 

Les  renset^iemenis  el  traditions  fournis  par  les  historiens  el 
généetogues,  tant  arabesque  berbères,  méritent  toutefois  d'être 
pris  en  considération  ;.  les  indications  de  Gorippus  dans  son 
Johanmiée  ne  doivent  pas  dire  négligées^;  aussi,  quand  noas 
aurons  k  examiner  les  pièces  qui  concernent  les  origines  4)erbè* 
res,  nous  oe  manquerons  pas  de  nous  y  arrêter.  Mais,  avant 
d'entamer  ce  sujet ,  il  ne  sera  pas  inutile  de  faire  quelqaes 
observations  sur  la  grammaire  de  la  langue  dont  se  servent  les 
Berbères  el  de  présenter  au  leoteur  quelques  morceaux  de  leur 
littérature. 


ou   DIALieTB    GmLHA. 


Le,chelha  est  le  seul  dialecte  de  la  langue  berbère  qui  possède 
une  littérature- écrite.  L'aipbabet  se  compose  de  trente-deux  let- 


609  HISTOIRE     DES     BBMÊMS. 

tF6S,  doat  viogi-huit  sont  identiques  avec  celles  qui  formeni  Tal- 
pbabei  arabe.  Les  quatre  lettres  supplémeoCaires  sont  : 

z     '*'* 

j  j  Le  même  son,  représenté  par  le  même  sigae,  se  re- 
trouve en  persan.  Cette  lettre  et  ta  précédente  se 
rencontrent  très-rarement. 

OP  zk  Cette  lettre  est  un  z  emphatique  qui  se  prononce  du 
gosier.  Dans  quelques  autres  dialectes  elle  se  rem- 
place par  le  z  ordinaire. 

if)  ou  /^  o C^est  le  g  dur  des  mots  gala^  gandole^. 

Le  M  ^  L  représenté  quelquefois  par  le  c;»  ;,  a  le  même  son 
que  le  thêta  des  Grecs  et  \e  th  dur  des  mots  anglais  thin,  think. 
ie  dh  s  j  qui  s'écrit  assez  souvent  ^ ,  sans  point,  est  le  delta  des 
GrecSy  le  th  doux  des  Anglais,  comme  dans  les  mots  Mt>,  the, 
thêse. 

On  trouve  la  lettre  aïn  ^  en  chelha  et  dans  tous  les  idiomes 
berbères  du  Tell;  elle  se  présente  surtout  dans  des  mots  em- 
pruntés à  Tarabe  «  mais  ou  la  rencontre  aussi  dans  plusieurs  mots 
qui  n*appartienn0nt  pas  k  cette  langue.  L'alphabet  touareg  n*a 
aucun  signe  poui;  représenter  cette  lettre.  Le  b  se  trouve  dans. un 
grand  nombre  de  mots  purement  berbères.  Le  Ah  j^  se  renoonire 
aussi  dans  quelques  mpts  berbères.  Ainsi  que  dans  l'arabe  ,  le 
gh^n  ^  est  Vr  grasseyé  des  Parisiens  et  des  Provençaux! 

Dans  la  prononciation  et  dans  récriture  surtout,  plusieurs 
lettres  du  dialecte  chelha  se  remplacent  par  '.d^autres.  Voici  la 
liste  de  ces  permutations  qni ,  très-souvent,  défigurent  Tortho- 
graphe  même  des  mots  empruntés  à  Tarabe. 

t    ii:^,  thx^,  d^,dh^  tt  ^,  s'emploient  les  uns  pour  les  autres. 


d    Je,  tt  \,^ 
kh  j-,    gh  j 


**c, 

k    J 

kht, 

V 

^A  j, 

gdur^ 

V 

c     ti. 

A     J, 

»■     i£ 

"»    |.t 

«     W 

APPENDICE.  503 

s'emploient  les  uos  pour  l'es  autres. 


DU   NOIF. 


Il  y  a  trois  classes  de  noms  :  les  noms  propres,  comme  Bihi, 
Aghennadj^  Amentag  ;  les  noms  appellatifs ,  comme  ergaz 
(homme),  aguellid {roi],  taset ta  {arbre),  temzîrt  {pays);  et  les 
noms  abstraits,  comme  temdoukelt  {amitié),  temlelt  {blan-^ 
cheur),  touatta  {venue),  temezriout,  {la  vue).  Du  mot  ergaz 
{homme),  dérive  le  mot  terougza  {humanité,  virilitéy  Les  noms 
de  cette  dernière  classe  se  forment  de  plusieurs  manières,  dont  la 
plus  usitée  est  celle  qui  ajoute  la  syllabe  toua^s  au  commence- 
ment de  la  racine  verbale  et  la  lettre  a  ^  àla  fin  :  exem.  touakda 
{crainte) ,  formé  de  akad  {craindre);  touafka  {don),  formé 
d^efka  {donner)\  touakchema  {entrée,  arrivée) ,  formé  d^ekchem 
{entrer),  touarça,{descente)  ,  formé  d'ers  {descendre);  tewazra 
\commencement) ,  formé  dHzaour  {être  le  premier).  Les  noms 
abstraits  sont  très-nombreux  ;  chaque  racine  pouvant  en  four- 
nir un.  On  a  déjà  reconnu  plus  de  vingt  manières  de  former  les 
noms  abstraits. 


DBS    GENRES. 


Les  noms  et  les  verbes  de  tous  les  idiomes  berbères  ont  deux 
genreSi  le  masculin  et  le  féminin.  Presque  tous  les  noms  mascu- 
lins commencent  par  une  des  voyelles  a,  e,  t,  o,  ou.  Les  noms 
féminins  commencent  par  la  syllabe  té  ou  ti  (en  zouaoua,  thé, 
thi),  et  se  terminent  très-souvent  par  un  ^  (M  en  zouaoua).  Les 


50i  mSTO»B   MS  BIIBfcBBS. 

btlres  qui  servenl  à  désigner  les  georw  semblent  représentes 
l'ancien  article  défini  qni  aurait  perdu  toute  sa  valeur  détermi» 
native.  C'est  ainsi  que  Tarticle  arabe  el  s'incorpore  aux  noms 
arabes  berbérisés  et  ne  conserve  plus  son.  influence  :  le  mot 
labhar,  en  arabe,  el-bahr  {ta  fner),  signifie  également  la  mer 
et  une  mer  ;  loct,  en  arabe,  el-wact,  peut  se  rendre  pac  le  tempi. 
ou  par  un  temp$.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'article  défini  n'existe  pas 
en  berbère  moderne.  Le  mot  yan  [ur{\^  au  Céminin  yat  [une),  sert 
en  chelha ,  d'article  indéfini  ;  ixoan  [uri\  et  iijoat  [unt)^  remplis- 
sent cette  fonction  en  dialecte  xouaoaa. 

Les  noms  masculins  se  mettent  au  féminin  par  la  substitution^ 
de  la  s  vllabe  ié  ou  thé  à  la  voyelle  initiale  et  par  l'addition  d'un. 
I  à  la  nn  du  mot.  Parmi  les  exceptions  que  subit  cette  règle  on 
remarque  ergaz[homme)^  dont  le  féminin  est  tamettouioM  Ma- 
mtitoui. 

Dan$  un  grand  nombre  de  substantifs  féminins  dont  la  forme 
masculine  ^n'existe  pas,  on  remarque  l'absence  du  t  final. 

Le  nom  diminutif  se  forme  du  nom  masculin  de  la  même  ma* 
nière  que  le  nom  féminm. 

Pour  naturaliser  des  noms  arabes  du  genre  féminin  ,  les  Ber- 
bères leur  ajoutent  un  t  ou  th  au  commencement  et  la  même  let- 
tre ^  la  fin  ;  exem.  médina  [ville)^  en  berbère  temdint  ou  ihem- 
dint.  Les  noms  masculins,  arabes  conservent  ordinairement  l'ar- 
ticle /  quand  on  les  admet  en  langue  berbère.  ^ 

DKS  NOMBRBS. 

t 

• 

En  berbère,  les  noms  et  lies  verbes  ont  deux  nombres,  le  sin^ 
gulier  et  le  pluriel.  Le  nom  masculin  singulier  se  met  au  pluriel 
par  la  conversion  de  la  voyelle  initiale  en  i  et  par  Taddition  d'un 
n  final  précédé  d'une  voyelle;  exem.  ergai^{hQmme) ^  pluriel 
irgazen;  aguellld  [rot)  ,  pluriel  ijrue/^i<ton. 

Telle  est  la  règle  générale,  mais  beaucoup  de  noms  forment 
leur  pluriel  d'après  un  autre  système  !  ainsi,  si  la  dernière  syl*- 
labe  est  un  ou  oq  un  t  long,  suivi  d'une  consonne,  cette  voyeUe 
peut  se  changer  en  a.  En  ce  cas,  la  terminaison  en  n  ne  a'em^- 


ploio  pas;  exeni'.  dghiwl  (dne),  pluriel  ighial  ;  amchich  [chai) y 
pluriel  imchaeh  ;  acerdoun  [tnulet) ,  pluriel  icerdan.  Si  la  s^U 
hho pénultième  renferniB  uue  voyelle  longue,  cette  voyelle  peut 
se  changer  en  ou  et  celle  de  la  syllabe  finale  en  a  ;  exera.  agadir 
[escarpement),  pluriel  igaudar  ;  afarez  [jiiune  d'œufjj  pluriel 
ifouraz  ;  aghanîm  {roseau)^  pluriel  ighounum. 

Il  y  a  des  pluriels  dont  les  racines  diffèrent  de  celles  des  noms 
singuliers  qui  leur  correspondent  :  exem.  tamettout  [femme)j 
pluriel  toulaouin  (à  la  lettre  :  petits  cceurs). 

La  plupart  des  noms  féminins  se  mettent  au  pluriel  par  la  con- 
version du  t  final  enl'une  des  syllabes  an^  en  «m,  oun.  On  trouve 
cependant  des  pluriels  qui  conservent  ce  t  malgré  l'adjonction 
(fe  la  syllabe  de.pluralité.  Quelquefois  aussi  la  voyelle  de  la  syl- 
labe préfixe  se  remplace  par  ua  autre  et  le  t  final  disparaît  ou 
se  change  en  a;  exem.  taddart  [village) ^  p\uTieltauddar]  ta-- 
mourt  [pays)  y  pluriel  timoura  ;  tabourt  (porté) ^  pluriel  tiboura. 
Le  nom  fémini  o  qui  commence  par  ta  et  se  termine  par  a  peut  se 
mettre  au  pluriel  par  la  conversion  du  premier  a  en  i  et  dvk 
second  en  ioun;  exem.  talefça  [vipère)^  pluriel  Hlefcioun; 
tamella  [tourterelle) ,  pluriel  timellioun. 

Dans  les  divevs  dialectes  berbères  dont  nous  avons  pris  con- 
naUsance  toutes  ees  règles  s'appliquent  d'unis  manière  presque 
générale. 

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DBS   CAS.. 

Il  y  a  êix^  cas  ;  le  nominatif,  le  génitif,  h  datif,  l*accusaiif ,  le 
vocatif  et  le  cas  absolu.  Ce  dernier  est  celui  du  nom  qui  uo  subite 
L'influenee  d'aucun  agent. 

DicLmAisoif  mi  nom  ^hasculih  m  cbelha. 

Singulier.  Pluriel. 

Nom.  ourgaz(rAomme).  ouïrgazen. 

Gén.    ouërgaz,  ouërgazen, 


506  HISTOIRE  DBft    BBtBtntBS. 

Dat»  îërgaz  et  irgaz,  lërgazen  et  îrgazeo. 

Ace.  aourgaz  et  argaz,  aourgazen  et  argazeo, 

Voc.  aïergaa.  aïirgazen, 

Abs.  ergaz.  irgazen. 


DÉGLIlfAISON    DU   NOM    MASCULIN   EN    ZOUÀOUA. 

Singulier.  Pluriel. 

Nom.  ourgaz,  irgazen, 

Gén.    ou-ourgaz  ef  bourgaz,  iôrgazen  c^  guirgazen,     > 

Dat.    ïourgaz,  ïourgazen, 

Ace.    argaz,  irgazen, 

Voc.    aiërgaz,  aiërgazen, 

Abs.    ergaz.  irgazen. 

Les  noms  féminins,  ne  prenant  pas  les  signes  dcscas,sedécU; 
nent  au  moyen  de  prépositions. 

Quand  un  nom  régit  un  autre  au  génitif,  ce  rapport  peut  s'éta- 
blir de  deux  jpanières  ;  exem. 

Tiguimmi  ouërgar  i     n^  maison  de  nomme). 

Tiguimmi  n'ouergaz  \     ^ 

mTX  \    (un  cheval  de  selle). 

Ce  on  ou  n  est  l'équivalent  de  la  préposition  de. 

Signalons  ici  un  autre  genre  d'annexion  qui  a  lieu  surtout  avec 
les  antécédents  :  baba  {père) ,  imma  [mère] ,  enU  {fils) ,  illi 
{fille),  et  qui  ressemble  au  génitif  pléonastique  de  la  langue 
syriaque;   exem. 

Babas  ouëfroukh  {le  père  de  lui,  du  jeune  homme), 

Illis  ouguellîd  {la  fille  de  lui,  du  roi), 

Immis  ouërgaz  {la  mère  de  lui,  de  l'homme), 

Emis  ouamghar  {le  fils  de  lui,  du  vieillard)  ; 
c^ost-à-dire  :  le  père  du  jeune  homme,  la  filledu  roi,  la  mère  de 


^PBRDICE.  507 

l'homme^  h  fils  du'vieillard.  Od  retrouve  la  même  consinictioa 
enzouaoua. 


DBS    ADJECTIFS. 


Les  adjectifs  dériveoi  du  verbe.  Ils  ont  généralemeDt  la  forme 
delà  troisième persoDne*du singulier,  ou  bieu  celle  du  participe. 
Les  adjectifs  empruntés  à  Parabe  s'adaptent  au  dialecte  chelha 
en  recevant  un  d  initial,  pour  le  geni'e  masculin,  et  un  t,  tant 
initial  que  final,  pour  le  féminin  ;  exem.  dâdjib  {merveilleux^) 
féminin  tâdjîbt.  En  chelba  et  en  mozabi  les  adjectifs  se  mettent 
au  pluriel  par  Paddition  du  sufiixe  In,  en. 

L'adjectif  berbère  ne  fournit  aucune  forme  dérivée  qui  puisse 
exprimer  le  comparatif  ou  le  superlatif.  Pour  énoncer,  en  chelha, 
l'idée  de  supériorité  on  emploie  le  verbe  youf  [il  est  mieux^  il 
surpasse)^  touf  {elle  est  mieiKc)  ;  ou  bien  on  se  sert  des  mots 
oggar  en  {plus  dé) ,  felta  {sur),  fou  (en  arabe  fouc,  au-dessus 
de),  etc. 

C'est  ainsi  que  l'on  dit  : 

Yat  tacerdouQt  touf  fi's  {une  mule  vaut  mieux  qu'un  cheval); 

Ghouad  youf  aghouan  {ceci  vaut  mieux  que  cela)  ; 

Nekki  d'amocran  oggar  en-nek  (je  suis  plus  grand  que  toi)  ; 

Yan  ergaz  iggouthen  achedd  fell^  {un  homme  beaucoup  plus 
fort  que  lui)  ; 

Aghouad  yakhechen  fou  ghouan  (  celui-ci  e&t  pire  que 
celui-là). 


DES   NCMÉRATIFS. 


On  verra  par  le  tableau  suivant  qu'au  moins  trois  des  dix 
premiers  nombres  appartiennent  5  la  souche  sémitique. 


608 


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APPBNDICB. 


513 


T.    IV. 


33. 


SI  4  OTSTOIBS  BIS   BBMStSS. 

Le  pronom  affix^  de  U  troisième  personne  a  deux  fona» 
iljétîacles^  Tuae  pour Taccusatif  :  f,  th  au  singulier,  tenon  thm 
a«  pUiriel;  l'autre  pour  le  génitif  et  le  datif  :  s  au  singulier  «t 
4€ftatt  plurid.  Le  pronom  misa  Taccusalif  ou  au  datif  suit  immé- 
diatenaeni  TaorisCe  du  verbe  qui  le  régit  ;  exera. 

Err}gh-ek  {je  t'ai  vu)  ;  I(ka-s  (t7  lui  a  dQnnë\. 

Mais^  lorsque  le  vorbe  est  précédé  delà  particule  négative  ûur^ 
ou  d'une  des  particules  ai,  o^mi,  qui  .servent ,  Tune  à  former  le 
présent  et  l'auirts  te  futui*  ^  on  doit  placer  le  pronom  entre  le 
verbe  et  la  syllabe  préfixe  ;  oxem.  Our-ek-exrîgh  {je  nt  t'ai  pas 
vu);  Ad-ek^izra  {H  te  voit);  Ai^ek-nezra  {nous  le  verronti). 

Quand  la  phrase  est  interrogalivc  ou  que  le  verbe  ost  vir- 
tuellement au  modo  subjonctif.  Je  même  fait  a  lieu. 

Dans  les  poèmes  écrits  on  dielha,  le  pronom  aOixe  se  place 
quâquefois  avant  Tour. 

En chelha,  les  pronoms  démonstratifs  acf,  ed^  on,  «?i,  etli^ 
peuvent  se  placer  immédiatement  après  le  nom  auquel  ils  se  rap- 
portent; exem.  iccmeg-ad  {cet  esclave)  ;  tafout-oHi  [celle  tu- 
mtère)  ;  ghelmcdîut-au  {dans  celte  ville)  ;  leuézîr^aa  (co  vizir 
là). 

nV    VERSB* 

Dans  tous  les  diakctcs  berbères,  le  verbe  se  conjugue  de  la 
mémo  manière.  Une  partie  des  inflexions  dpnnées  à  la  racine  du 
verbe  berbère  pour  exprimer  les  personnes  s'accorde  avec  les 
inflexions  analogues  du  verbe  mis  au  présent,  en  hébreu,  «n 
arabe  littéral  et  en  arabe  vulgaire.  Nous  indiquerons  ici  ces  in- 
flexions et  nous  représenterons  la  racine  du  verbe  par  un  trait. 
Berbère.     Hébreu.  Arabe  littéral.  Arabe  vttls;aîre. 


*VV«   »J^>1   W.                A< 

■  V.'«^«'\<U.        .»■«■ 

iTU    tlt^^Wt'CII.        JTX 

ff 'WWVr      V  MIgUI 

2^  pers.  sing.  /  —  dh^ 

<— , 

i-, 

t—. 

3*  p.  sing.  m.  i  —  , 

• 

«  — , 

m 

• 

3«  p.  sing.  f .   /  —  , 

t  —  . 

.  «  — ; 

^^, 

4**»[iers.  plur.  n  — , 

«»  — ? 

n—. 

»       —    <>«, 

2^  p.  pi.  masc.  /  —  om, 

/  — ow, 

t  — Oîai, 

t  —  c». 

3«  p.  plur.  l  t  —  efJit^ 

t  —  nehf 

/  —  ueh^ 

APPKia>ICB 


Slâ 


PARADIGME  DO  VERBE. 


S1N«ULIER. 


PLUUBL. 


FaU. 


Sker. 


FaiUe,  (mase.) 
Faiie9.  (fém.) 


Aortote. 


rai  fait,  jV/aiV. 
7tiii«  ./at'r,  etc. 


72  a  fait. 
Elle  a  fait. 


Sker-egb. 
Te-sker-edh. 


le-sker. 
Te^kér. 


Nimsavonê  fait. 

Vous  avez  fait 
(masc.) 

Vous  avez  fait 
(fém.) 

Ils  ont  fait. 

Elles  ont  fait. 


Sker-th. 
Sker-emt. 

==!r= — ■■ 

Ne-sker. 
Te-sker-em. 

Te-sker-^mt. 

Sker-en. 
Sker-^nt 


Présent  «u  butoir. 


Je  fais,  je  ferai. 
Tu  fais,  tu  feras 
il  fait,  il  fera. 


j-m-x. 


Ade-sker-cgh.' 
At-te-dker-«db 
Ad-ie-aker. 


Neus  faisane  etc, 
V^us  faites. 
Us  fonf. 


Ao-ne-sker. 

AMe-^ker-em. 

Ad-sker-€ri« 


3e  fertti. 


Fotar. 

Ara-sker^gh.  i  iVou^  fè 


rans. 


i 


Ara-ne-aker. 


Se  ferai. 


Putnr  Oainposé. 

Ara-d-sker-   i  Nous  ferons, 
egh. 


Ara-d'iie-sker. 


■^^— ^"^ 


Par<l«t|^, 


Dérivé  de  l'ao- 
riste. 

Dérivé  du  pré- 
sent . 

Dérivé  du  fu- 
tur. 

Dérivé  du  fu- 
tur composé. 


faisant. 


le-sker-an. 
(masc.) 

Ad-i-sker-an . 
(masc.) 

Ar-i-sker-an. 
(masc.) 

Ara-d-i-sker- 
an.  (masc.) 


Te-sker-an. 
(fém.) 

At-ïe-skcr-an. 
(fém) 

Ar*te-sker-an 

(féoi.) 

Ara-te-sker-afi 
(fém.) 


t      516  aiSTOlBB    DB8    BBRBfiBBS. 


FORMES  DÉRIVÉES  DU  VEPBE  PRIMITIF. 


La  sylL  65  ou  %e,  placée  avant  la  racine  du  verbei  le  rendtransitif. 

—  am  ou  en         —         le  .rend  réciproque  ou  réfléchi  J 

—  it  ou  tsa         —         le  rend  fréquentatif  ou  passif. 

—  im  on  em       —         le  rend  fréquent  ou  réciproque 


Par  le  redoublement  de  la  seconde  lettre  radicale  on  forme 
aussi  le  verbe  d'habitude  ou  de  fréquence. 

Ainsi  que  dans  les  langues  sémitiques,  les  formes  temporelles 
*du  verbe  n^ezpriment  pas  toujours  le  temps  de  Inaction  d^une 
^manière  bien  précise. 

Le  verbe  qui  est  régi  par  un  autre  se  met  au  présent  et  doit  se 
traduire  par  le  subjonctif  ou  par  TinGnitif.  Le  subjonctif  s'ex* 
prime  aussi  par  l'aoriste  précédé  de  la  lettre  a. 

Quand  il  faut  exprimer  avec  la  négation  le  présent  ou  le  futur 
du  verbe  primitif,  on  remplace  ce  verbe  par  la  forme  verbale 
qui  en  dérive  et  qui  sert  à  désigner  l'idée  de  fréquence  ou  d'ha- 
bitude. 

Dans  la  plupart  des  verbes  berbères  la  troisième  personne 
masculine  du  singulier  de  Paoriste  se  compose  de  deux  syllabes, 
dont  la  première  commence  par  un  t,  signe  de  cbtte  personne. 
Si  nous  supprimons  cette  lettre  et  la  voyelle  faible  de  la  seconde 
syllabe,  il  nous  reste  ordinairement  une  racine  de  trois  lettres  ; 
cxem. 

jSié0>j>  iskcr  {il  a  fait)  ;  racine  5,  A*,  r,  JC*»  ; 
JCs»     inker  (t7  se  leva)  ;  racine  n,  fe,  r,  Sj  ; 
f^^{j    yaoui  [il  apporta);  racine  a,  ou,  t,  ^^^1; 

j{j       yarra  {il  rendit)  ;     racine  o,  r,  r,^i. 

La  seconde  radicale  est  quelquefois  la  même  que  la  pre^ 
mière  ;  exem. 

^jso     iddou     {il  alla)  ]  iocin(^,  c/,  o?i,  ^^  ; 
^^y^    issen       {il  sut)  ;   racine  5,  «,  ?i,  i^***  ; 


APPENDICE.  517 

On  trouvo  aussi  des  verbes  qui  ont  la  seconde  radicale  redou- 
blée ;exein. 

JLc     imoggar  (il  fut  grand)  :  racine  m,  y,  r:  JLt  ; 
jJH^  ihammel  {il  aima)  ;  racine  A,  m,  /,  Jl^. 

Chacune  des  trois  lettres  radicales  peut  être  une  voyeHe  ; 
exem. 

Jj,^  iouzel  [il  courut)  ;  racine  o:f ;  z,  /,  Jjj  ; 
i^^  ifoud  {il  eut  soif)]  racine  f,  ou,  d,  :»y^  ; 
LJL>     ilça  (t7  s'habilla)  ;  racine  l,  p,  a,    UJ. 

Dans  un  petit  nombre  de  racines  une  voyelle  de  prolongation 
suit  la  première  ou  la  seconde  radicale;  exem. 

fj:>y*^  içouden  {il  monta  à  cheval)  ;  racine  p,d,n,  ^à>^jm;. 
ij^yéS^.  ikçoudb  (i7  craignit)  ;  racine  fc,  *,  d4,  ^jà^étS*, 

Il  y  a  quelques  racines  quadrilitères,  exem. 

Jkp^  js^  idarghal  {il  fut  aveugle)  ;  racine  d,  r,  gh^L  J^:>. 

Les  verbes  dont  une  des  radicales  est  une  voyelle  se  conju- 
guent irrégulièrement  :  tantôt  cette  voyelle  se  change  en  une 
autre  et  tantôt  elle  disparait.  Dansâtes  verbes  de  cette  classe,  les 
voyelles  normales  qui  accompagnent  les  signes  des  personnes  se 
remplacent  quelquefois  par  d'autres  voyelles.  On  commence 
ë  entrevoir  la  règle  g<Snérilede  ces  permutations  ;  mais,  jusqu'à 
présent  on  n'a  pas  pu  la  formuler  d'une  manière  précise. 

L'adverbe  ed  {ici)  peut  se  placer  à  la  fin  de  toutes  les  person^ 
nés  de  l'aoriste  et  de  l'impératif.  Il  ajoute  au  sens  du  verbe  une 
idée  de  localité  se  rapportant  au  lieu  où  se  trouve  la  personne 
qui  parle  ou  celle  dont  on  parle;  exem.  oughal-ed  {il  est  revenu 
tci),  ekchem-ed(enfre3tct).  Oughal  sans  ed,  signifie  il  s^en  est 
retourné;  &ecAem sans  e(i signifie fntr«2 ou  entrez-là. 

Celte  particule  précède  le  verbe  toutes  les  fois  que  Ja  phrase 
éprouve  une  des  modifications  qui  obb'gent  les  pronoms  adixes  à 
se  placer  devant  le  verbe  qui  les  régit  (voy.  p.  514)  ;  exem.  our 
brjgh  cd  ïoughalOe  ne  veux  pas  qu'il  vienne). 

En  chclha  le  verbe  tV/a  {exister^  cire)  se  conjugue  ainsi  ; 


54S 


S»TOtRB   DES   BEHBKBIS.. 


▲aJIISTS. 


SÎDgatier. 

Ellîgh,  yétaiSf  jesuiSy 
telltt,  tu  étaUf  ete,  y 
îUa,  il  était, 
tolla,  elleétaiit^ 


Nella^  nau$  itionSt 
tellam,  wut  étiez, 
illa»,  iU  étaient^ 
illant,  etUs  étaient. 


PatSBIfT» 


Adigguîgh,  je  suis, 
aitegatt,  tu  es, 
adigg»,  il  ett^ 
aitigga,  elle  ett^ 


Adinegga,  nom  scmmes^ 
addiggam,  vous  éteSy 
addigan,  tV^  eont^ 
adîggani^  elles  aofif . 


patTtatT. 


]g«,  il  fut. 


IgaD»  iU  furent^ 


wrufc. 


Arittigb,  je  serai , 
artillit,  tu  seras, 
arilla,  Usera, 


ArncIIa,  nous  strons^ 
artellcm,  vous  serez^ 
arillan,  ils  seront^ 


PAKTieiPB». 


2. 
3: 


Illan  (fnasc.sinff.) 
tfMn&(fém*  sing.) 
itkinen ,  {maso,  plur.) 
tgan  {masc.  sing.) 
adigai»  ma^c.  sing-,) 


étant, 


APPEMDKIB. 


549 


Eft  dialecte  zooftoua  te  m^me  \crbe  se  eaDjoguo  de  la  m^teière 
suivante  : 


AOKISTS. 


SiDgdtîcr. 

Emgh,/'e7aû, 
thcllidb,  tu  étais, 
tlb,  il  était, 
idhfClleé'aù^ 


Plttîiel. 

Nelta,  nous  étions  r 
tbollam,  vous  étiezy 
ellao,  ils  étaient  r 
oihai  y  elles  étaient^ 


FDTCR. 


Adiligb,  je  serais 
attlidby  tu  seraSy 
adi¥)i,  il  sera ^ 


Annili,  nous  serons^    . 
alilim,  vous  serez, 
adilÎD,  ils  seront, 
adilinl,  elles  ser oui, 


PftÈ^ERT. 


Aklh*,  je  JittV 
aklak,  tues, 
albaVa,  il  est  y 


Aktagb,  mussoniniisSf 
aklakoQn,  vùUs  êtes  y 
athnaïa,  ils  sont. 


L^équivdlont  du  verl>e  avoir  manque  dai>s  plusieurs  dialectes, 
berbères.  Pour  exprimer  l'idée  de  possession  ou  emploie  une- 
tournure  anologue  h  celle  des  Arabes  et  on  dit,  on  cbelha  ; 

Dar-Î  (chez  moi,  c*e8l-ë-dire  j'ai), 

dar-ek,  chez  toi, 

dar-es,  chez  lui, 

dar^negb,  chez  nouSj 

dar-koD^  chez  vous, 

dar-*sen,  chez  euœ, 

dar-sent,  chez  elles. 


520  HISTOIRE   N8    RBABËBES. 

En  zouaoua,  en  mozabi,  en  touareg  et  chez  les  Beni-Henacer- 
on  substitue  la  préposition  ghour  ou  rour  (mot  purement  ber* 
bèrej,  au  mot  dar  (qui  est  un  emprunt  fait  à  la  langue  arabe). 

Les  Zouaoua  ont  un  verbe  qui  sigaitie  posséder  et  qui  se  con- 
jugue ainsi  : 

satgh,  y'at;at>y  ^ 
the  sattb,  tu  avais, 
&MO  isM^  il  avait  etc., 
éyf^:>\  ad'sâough,  j'ai, 
]oyxm3\  atsftoutt,  tu  a^«| 
Le  verbe ycM  sâou  paraît  être  une  altération  du  verbe  arabe . 
^^  ouapda,   %^  ièçàa,  qui  signi^e  contenir. 

Il  existait  probablement  en  berbère  une  voix  passive  qui  se. 
distinguait  de  Tactive  par  les  voyelles.  En  voici  quelques  indica- 
tions, signalées  par  H.  Newman  : 
Deligh,  j'ai  couvert,  B'ih^h,  j'ai  été  couvert, 

darregh ,  j'ot  nui,  dirregh ,  j^ai  été  lésé, 

youfa,  j'ai  trouvé,  yafa,  •/  a  été  trouvé, 

itouT,  il  cacha,  itir,  il  fut  caché* 

Dans  les  divers  dialectes  de  la  langue  usuelle  il  règne  une  telle, 
confusion  que  le  même  verbe  s'emploie   tantôt   avec  le  sens 
actif  et  tantôt  avec  le  sens  passif  ;  exem. 

Oulaënnegh  lahdîd-agh  iskern  {nos  cœurs  en  fer  font,  c'esi-i^ 
dire  sont  changés  en  fer). 

L'ancien  passif  vocalisé  sera  donc  tombé  en  désuétude  ,  ainsi, 
que  cela  a  eu  lieu  pour  le  passif  du  verbe  arabe. 


PE^   ADTERBJPS    Et  D'AUTRES   PABTIGULES. 

Les  adverbes,  les  prépositions,  les  conjonctions  et  les  inter- 
jections sont  très-nombreux  en  berbère  et  varient  selon  les 
dialectes. 

Les  prépositions  se  placent  avant  les  noms  qu41s  régissent, 
mais,  en  chelha,  agh  [dans)  se  met  quelquefois  après  le  nom  ; 
...  exem,  liguirarai-uck-agh  [dans  ta  mniion). 


APPENDICE.  S24 

Ed  chelha ,  en  zouaoua  et  dans  quelques  autres  dialeetes  la 
particule  d  sert  de  conjonction  copulative;  exem.  ez-zeman 
d'el-mefacil  {le  temps  et  les  saisons)  ;  aghras  d'oçomniM  adas 
iskarn  {larouie  et  le  froid  ont  eu  de  l^  effet  sur  lui).  Elle  s'emploie^ 
aussi  comme  copule  pour  réunir  le  sujet  et  l'attribut  d'une  pro« 
position;  exem.  adrar  agui  d'amezian(ce^^e  montagne  estpetiis}.  ' 

En  zouaoua  et  en  quelques  autres  dialectes,  le  verbe  ,  précédé 
de  la  particule  négative  our^  est  suivie  de  la  particule  ara; 
exem.  our  issen  ara  [il  ne  sait  pas).  En  mozabi  on  dirait:  our 
issen  iche.  Ce  dernier  mot  est  arabe  et^signifie  chose  (chéi).  En 
chelha,  la  négation  s'exprime  plus  simplement;  on  dit  :  our  issen 
{Une  sait  pas). 


On  voit  par  cette  esquisse  grammaticale  que  la  langue  berbère 
et  les^langues  sémitiques  ont  plusitiurs  points  de  ressemblance  : 
4^  les  racines  des  verbes  sont  généralement  trilitères;  2^  les  in- 
flexions du  verbe  ont  une  grande  ressemblance  avec  celles  du 
vçrbe  sémitique  ;  3^  les  verbes  dérivés  se  forment  par  l'adjonc- 
tion de  certaines  lettres  au  verbe  primitif;  4^  la  seconde  ei 
la  troisième  personne  du  verbe  ont  deux  genres  ;  5<>  les  pro- 
noms affixes  n'ont  pas  la  même  forme  que  les  pronoms  isolés  ; 
6^  dans  les  verbes  qui  comptent  une  des  voyelles  a  t,  i  ^,  o^,  au 
nombre  do  leurs  radicales ,  il  y  a  permutation,  et  quelquefois 
même  suppression  ,  de  la  voyelle  ;  1^  les  temps  du  verbe 
manquent  de  précision  ;  8^  les  pluriels  des  noms  forment  deux 
classes  :  les  pluriels  réguliers  et  les  pluriels  irréguliers  ou  rom- 
pue; ajoutons  que  la  tournure  et  la  construction  de  la  phrase 
berbère  sont  presqu'identiques  avec  celles  de  la  phrase  arabe. 
Le  berbère  se  dislingue  des  langues  sémitiques  :  i^  par  son 
vocabulaire  ;  i^  par  l'avantage  de  posséder  une  forme  de  pro- 
nom qui  représente  le  datif  de  la  troisième  personne  ;  4<^  par  la 
mobilité  des  pronoms  affixes,  lesquels  se  placent  quelquefois 
avant  le  verbe  qui  les  régit 


&a  msToniB  Des  DemrÈRBS» 

Dans  les  langues  indo -germaniques ,  on  trouve  des  raotoes. 
muUilitèreSy  des  verbes  dérivés  qui  se  formeiU  au  moyen  d& 
prépositions  et  de  noms  composés  de  deux  ou  de  plusiews^autres- 
BonAs.  Rien  de  cela  n'existe  en  l)erbère.  Cette  langœ  diOere  es- 
seniieUeiBônl  du  copte  et  de  la  langue  haoussa,  par  la  eonjugat- 
*soo^  la  déclinoisonct  le  vocabatatre. 


Avant  de  présenior  au  lecteur  les  extraits  qne  nous  avofi»^ 
tirés  de  livres  manuscrits  j6crits  ou  dialecte  chelha,  nous  indique- 
roDS  ici  les  travaux  qui  ont  été  faits  en  Europe  et  on  Anoérique 
»ur  la  langue  berbère.  C'est  à  un  article  inséré  par  M.  d'Avezac^ 
dans  le  tome  XIV  de  la  S*  série  du  Journal  de  la  Société  de 
Géographie,  que  rtous  devons  Tindication  de  plusieurs  ouvrages 
eités  dans  cette  notice. 

Jones.  Diàsertatio  do  lingua  sliilhense;  h  la  fin  de  l'ouvrage 
de  Chamberlayne,  iniitulé  Oratio  dominiûa  in  diversas  linguat 
vetsa.  Ift-i^j  Amsterdam,  4715.  —  Ce  recueil  renferme  cent 
cinquante  versions  de  l'Oraison  dominicalo  en  diverses  langues* 
il  se  termine  par  plusieurs  dissertations  dont  celle  de  Zachariah 
Jones  mérite  encore  l'attention  des  personnes  qui  s'occupent  de 
la  langue  berbère. 

Peyiomiel ,  savant^  aussi  distingué  comme  voyageur  que 
comme  naturaliste,  nous  fournit  un  vocabulaire  do  onze  mots 
appartenant  au  dialecte  des  Chaouïa  du  mont  Auras,  en  disant^ 
avec  une  naïveté  parfaite,  qu'il  les  avait  appris  pour  pouvoir 
»  les  comparer  à  l'ancien  punique,  s'il  reste  encore  quelque 
»  notion  de  ce  langage.»  Inutile  do  dire  que  ces  mots  sont  ber- 
bères, que  nous  avons  maintenant  quelques  notions  du  punique 
et  que  les  deux  langues  ne  se  ressemblent  pas. 

SAau;,  donne  un  vocabulaire  de  la  langue  chaouïa,  composé 
d'environ  cent  vingt  mots  et  pbrasesT  Cette  liste  ronfernie  queU 


« 
qnes  erreurs;  ette  se  trouve  dans  le  récit  de  ses  voyages  eoi^ 
Barbarie  et  au  Levant. 

Gldss.  Vocabntaire  de  la  langue  parlée  par  les  anciens  habi- 
tants des  tics  Canaries;  dans  l'ouvrage  intitulé  Hisîory  oftbe 
Camry  islands;  ini-4® ,  Londres  4764.  Il  n'es!  pas  encore 
promue  que  les  mots  de  ces  listes  appariienne»!  à  la  langue 
berbère. 

Boest,  Vocabulaire  d^mviron  cent  trente  mots  berbères  ,  in- 
séré dans  sa  Description  du  Maroc.  Cet  ouvrage,  écrit  cd 
danois  et  imprimé  à  Copenhague  en  1779,  fut  traduitfen  aile* 
mand  deux  années  plus  tard.  On  y  trouve  quelques  bons  rensei-^ 
gnements,  mais  on  doit  convenir  que  hauteur  n^avait  pas  une 
connaissance  profonde  de  la  langue  arabe,  quoi  qu^en  disent  ses^ 
biographes ,  que  ses  indications  ne  sont  pas  toujours  sûres  et 
que  ses  cartes,  portant  les  noms  de  lieux  transcrits,  ou  plutôt 
défigurés,  en  caraclères  arabes,  sont  irès«mauvaises* 

Chénter.  Vocabulaire  citelba,  dans  le  tome  Ht  ée  ses  Recher^ 
e^easvr  les  Maures.  Paris,  4787»  Cette  liste  renferme  unequa*- 
raotaine  de  mots,  dont  plusieurs  sont  incorrectement  écril!s. 
Hormi  quelques  faits  d'observation,  t ouvrage  de  Gliénier  ne  mé- 
rite aucune  considération. 

Barbe,  Vocabulaire  cabile^  dans  les  Nouvelles  Annules  de» 
Voyages.  Paris,  4830.  Cet  ouvrage  ne  se  trouve  pas  à  Alger. 

Homemann.  Dans  le  journal  de  son  voyage  depuis  le  Caire 
jusqu'à  Horzouk,  on  trouve  un  vocabulaire  du  dialecte  employer 
à  Syouab  (l'oasis  de  Jupiter  Ammon).  Une  grande  partie  des 
noms  renfermés  dans  cette  liste  se  retrouvent  dans  le  dictionnaire 
eabilô  de  M.  Brosselard. 

Marsden.  Observations  sur  la  langue  de  Syouah,  ajoutées  aa 
i^oyage  de  Hornemann.  Ces  observations  ont  peu  de'valeur. 

Venture  de  Paradis.  Extraits  de  son  dictionnaire  insérés  par 
M.  Langlès  dans  la  traduction  française  du  voyage  de  Borne* 


524  HISTOIRB    DBS  BBB6ÊRBS. 

■ 

mann.  De  tous  les  travaux  do  M.  Langlèscelai*ci  est  le  moins  fautif. 

VaUr  et  Adelung.  Notice  de  la  langue  berbère,  insérée  dans  le 
troisième  volume  du  Milhridates.  4  vol.  in-8<».  Berlin,  4842, 
4819.  Cet  ouvrage  ,  écrit  en  allemand,  renferme  des  notions  gé« 
nérales  au  sujet  de  loutes  les  langues  connues  et  offre  la  prière 
dominicale  dans  près  de  cinq  cents  langues,  idiàmes  et  dialectes. 
L'esquisse  de  la  langue  berbère  n'est  pas  exemple  d'erreurs, 
mais  elle  se  lit  encore  avec  profit. 

Jackson.  Vocabulaire  berbère,  dans  sa  Description  du  Maroc,, 
en  Anglais.  Chez  cet  auteur,  l'instruction  et  l'esprit  d^observar' 
tion  se  remplaçaient  par  une  grande  confiance  dans  son  propre 
mérite.  On  ne  peut  guère  attacher  beaucoup  d'importance  à  ses 
renseignements. 

Ali^Bey  (pseudonyme  de  l'espagnol  Badid  y  LebCich).  Dans  le 
récit  de  ses  voyages  on  trouve  une  liste  d'environ  cent  trente- 
niots  appartenant  au  dialecte  chelha. 

Le  capitaine  £yon^.  Son  voyage  au  Fezzan  renferme  on  ample 
vocabulaire  du  dialecte  berbère  de  Socna,  oasis  située  entre  le 
Fetzan  et  Tripoli.  Un  certain  nombre  de  ces  mots  se  trouvent 
dans  le  dictionnaire  Brosselard,  et  plusieurs  autres  existent  dans 
le  dialecte  chelha.  Cette  liste  est  très-intéressante  et  mérite  bien 
la  place  qu'elle  occupe  dans  un  des  meilleurs  ouvrages  que  nous 
possédons  sur  le  Fezzan  et  les  Touaregs.  Ce  volume  pianque  à  la. 
Bibliothèque  d'Alger. 

Scholtz,  Observations  sur  la  langue  de  Syouah,  dans  les  Nou-- 
velles  Annales  des  Voyages ^  t.  xx. 

Minutoli.  Vocabulaire  Syouah ,  inséré  dans  son  voyage  aa 
temple  de  Jupiter  Âmmoo.  Cet  ouvrage,  écrit  en  allemand  et  pu- 
blié à  Berlin  en  4824,  ne  se  trouve  pas  à  Alger. 

Ukert.  Remarques  sur  les  Berbères  et  les  Tibbos,  en  alle- 
mand. Weimar,  1826. 

Caillaud.  Vocabulaire  siouah,  dans  le  Voyage  à  Méroé  et  au. 
fleuve  blanc,  Paris,  1826.. 


ÂPPBNBICR.  526 

Boccacio»  Numeroruro  séries  ab  1  ad  46,  sicut  àCaDariig  di» 
cuniur.  Dans  les  Mémoires  de  l* Académie  de  Lisbonne,  t.  xi, 
3*  partie. 

Nous  n'avons  pas  pu  nous  procurer  ces  irois  ouvrages. 

Muller.  Vocabulaire  de  la  langue  des  habitants  d'Âudjela. 
dans  Touvragc  de  Pacho  sur  la  Cyrénaique,  Paris,  1827. 

Shaler,  Vocabulaire  des  langues  africaines,  AdiUsV Esquisse  de 
Vétat  d* Alger,  <  830.  Traduit  de  TAnglais.  L'auteur  y  reproduit 
les  vocabulaires  deShaw,  de  Chénier,  une' partie  de  celui  de 
Hornemann,  celui  d'Ali-Bey,  et  une  liste  d'environ  deux  cent 
cinquante  mots  des  dialectes  chelha  et  mozabi,  recueillis  par 
J.  F.  Schultzc.  On  y  remarque  plusieurs  fautes. 

Hodgson,  Esquisse  grammaticale  de  la  langue  berbère  dans 
les  Transactions  of  the  American philosophical Society .  Vol.  4; 
Philadelphie,  1831.  En  1828  et  1829,  M.  W.  B.  Hodgson,  an- 
cien consul  des  Étals -Uuis  à  Alger,  rédigea  quatre  lettres  sur  la 
langue  berbère  et  les  adressa  au  président  de  la  Société  philoso^ 
phique  américaine.  Ces  pièces,  accompagnées  d'une  esquisse  de 
la  grammaire  berbère,  parurent  bientôt  après  dans  les  Tran-* 
sactions  de  ce  corps  savant.  Les  lettres  renferment  des  considé- 
rations et  des  élymologies  peut-être  trop  hasardées;  l'esquisse, 
qui  remplit  huit  pages,  donne  une  idée  peu  complète  de  la  con- 
jugaison et  de  la  déclinaison.  À  la  suite  de  cette  dernière  pièce, 
on  trouve  une  chanson  et  un  conte  en  langue  cabile.  Nous  y 
avons  remarqué  plusieurs  inexactitudes. 

Société  biblique.  Treize  chapitres  de  l'évangile  de  Saint-Luc, 
traduits  en  langue  berbère.  Londres,  1833.  Ce  petit  volume  est 
du  format  in-8o  et  renferme  64  pages.  Le  texte,  écrit  en  carac- 
tères arabes,  est  accompagné  des  points  voyelles.  Pour  repré 
senter  le  ts  des  Zouaoua  ,  on  a  employé  un  sîn  arabo/avec  deux 
points  ;  le  ihétay  nu  th  dur  des  Anglais,  est  indiqué  par  une  es- 
pèce de  O  renversé,  avec  un  point  au  milieu  de  la  boucle  qui 
forme  la  tétc  de  la  lettre.  Ces  caractères  rendent  le  texte  tout-à- 
fait  illisible  pour  les  indigènes  et  doivent,  sans  doute,  leur  nais- 


y 


S26  HISTOIRE    DIS   B^IIBÉRBS. 

iMmceiila  fantaisie  derédîteur  européen.  Le  ficeond  stirtout  a 
«me  forme  qui  répugneà  l'écriture  arabe  ;  e*est  un  caractère  im- 
possible. La  (radiiclion  berbère  a  été  faite  par  un  homme  qui  ne 
comprenait  pas  bien  le  texte  arabe  des  évangiles  qu'on  lui  avait 
mis  entre  les  mains  ;  aussi,  a-t-il  fait  une  foule  do  bévues  et  de 
contre-sens.  Â  la  An  du  volume  se  trouve  le  chapitre  zii  écrit  en 
caractères  purement  arabes. 

Vewman.  Analyse  de  la  traduction  berbère  de  saint  Luc  et  es- 
quisse do  la  grammaire  berbère,  publiées  à  Bristol  dans  le  recueil 
iniiiulé  Tfi3  west  of  England  lUeranj  and  scieniific  journal. 
L'auteur  de  ce  petit  traité,  ayant  dirigé  son  attention  sur  la  tra* 
duclion  berbère  des  douze  chapitres  de  saint  Luc  dont  nous 
venons  de  faire  mention,  parvint,  sans  aucun  secours,  à  dé- 
hrouiUer  le  système  grammatical  de  cette  langue  et  h  reconnaître 
que  le  traducteur  musulman  avait  commis  plusieurs  bévues. 
Quand  oa  considère  les  difficultés  qu'il  fallait  surmonter  dans 
l'accomplissement  de  celte  tâche,  on  ne  saurait  asses  admirer 
la  patience  et  la  sagacité  de  M.  Newman. 

Grœberg  de  Hemsœ.  Remarques  sur  la  langue  des  Àmazîrghs, 
<Ians  le /ourr]a/o/*//i6  royal  asiatic  Society ^  1836.  Cet  auteur 
a  publié  des  ouvrages  en  français,  en  italien,  en  anglais  et  en 
suédois.  Ces  écrits  renferment  tant  do  suppositions  hasardées, 
tant  de  faits  controuvés.  qu'on  ne  saurait  s'en  servir  qu'avecune 
extrême  précaution. 

Delaporte  fils.  Vocabulaire  berbère,  dans  le  Nouveau  jûurnal 
^asiatique  d'avril,  4836.  Cette  liste,  imprimée  à  deux  colonnes, 
remplit  vingt-deux  pages  du  journal.  Nous  y  a\*ons  remarqué 
un  certain  nombre  d'erreurs-  •    - 

Prichard.  Vocabulaire  chelha  et  berbère,  dans  le  second  vo- 
lume de  ses  Rescarches  oh  the  physical  history  of  Mankind. 
Celle  liste,  renfermant  à  peu  près  cent  vingt  mois  ,  est  bien  loin 
d'avoir  toute  la  correction  désirable. 

Ajoutons  h  cette  série  d'auteurs  les  noms  suivants  ; 

Anonyme  (Samudn).  Essai  sur  la  langue  dus  Bcni-Mozab,  pa- 


AFPBlfBICS. 


SSÎ? 


Uié  par  morceatix,  dans  Irois  numéros  du  Moniteur  algérien  de 
1840.  PiÀoe  assez  remarquable,  qui^  h  iiéfacit  d^autres  rensei- 
gui^mefits,  suQlraii  à  Caire  recosmaitrc  Téiroito  pareotéqui  règne 
entre  cet  i<lion)e  et  les  autres  <lialecieâ  berbères. 

Venture  de  Paradis.  Grammaire  et  dictionnaire  de  la  langue 
berbère;  ouvrage  posthume,  revu,  par  P.^Âméilée  Jaubert,  pair 
de  France,  conseiller  d'État,  membre  de  l'Institut,  professeur  de 
turo,  et  publie  par  la  Société  de  géographie,  iB-4<^  -  Paris,  4  8i4« 
Ce  dictionnaire  est  fort  incomplet.  Les  mots  dont  il  se  compose 
appartiennent^  tes  uns  au  dialecte  xouaoua,  les  autres  au  dialecte 
«helha,  circonstance  que  Tauteur  a  négligé  d'indiquer.  On  y  re^ 
marque  plusieurs  erreurs.  La  grammaire  n'est  qu'une  esquisse 
4rès-imparfaite  et  renferme  des  notions  soiivent  fausses.  L'au* 
ieur  commence  par  déclarer  que  la  langue -berbère  ne  possède* 
aticuu  terme  abstrait;  or,  il  est  constant  que^  dans  les  dialectes 
cbelba  et  zouaoua  réunis,  il  y  a  plus  de  vingt  manières  de  coa» 
vertir  la  racine  du  verbe  en  un  nom  abstrait.  Selon  Venture  ,  ie 
d  mobile  est  une  lettre  euphonique  qui  se  place  après  la  première 
personne  du  verbe.  Cette  particule  a  une  signification  ;  elle  se 
pjace après  toutes  les  personnes  du  verbe;  quelquefois  même 
elle  précède  le  verbe.  L'auteur  se  trompe  dans  la  conjugaisom 
et  dans  la  déclinaison.  £n   parlant  des  lettres  de  Talpliabet, 
il  p4*étend  que  tous  les  mots  oà  entre  un  h  ne  sont  p^s  origi- 
nairement l>erbères  ;  il  en  dit  autant  du  iv/i;  ces  deux  observa- 
tions ne  sont  pas  exactes.  Il  dit  que  les  Berbères  n'ont  aucune 
conjonction  poiir  lier  les  parties  du  discours;  ils  en  ont  plusieurs 
dont  nous  pouvons  indiquer  df''  et  oula.  No  Os  y  remarquons 
encore  plusieurs  fautes  de  diverses  natures.  On  devait  s'attendre 
à  trouver  la  rectificaiion  d'une  partie  de  ces  erreurs  dans  l'aver- 
tissement placé  par  M.  Jaubert  en  tète  du  volume  ;  malheureu- 
sement, cette  pièce  aurait  elle-même  besoin  de  rectifications  et 
4' éclaircissements.  Nous  ne  pouvons  pas  comprendre  ce  que  l'au- 
teur de  cet  écrit  ait  voulu  dire  quand  il  nous  assure  que  «  l'on 
B  remarque  dans  le  borbère  la    présence,    inconnue  dans  les 
i>  idiomes  asiatiques,  derarliclc  indéfini  /6,  /a,  /^^.»  Il  ajoute 
que  «  la  déclinaison  dos  verbes  a  lieu  comT^  en  hébreu  et  en 


528  HISTOIITE    UR8    BEDBÈRRS. 

»  arabe,  au  moyen  de  particules  préfixes.  /)  Un  professeur  de 
turc  aurait  dû  savoir  ce  que  cVst  que  Tarticle  indéfini  et  qu'en 
«rabe,  la  déclinaison  se.  fait  par  des  voyelles  ou  par  des 
syllabes  ajoutées  à  la  fin  du  mot.  En  somme,  ce  volume  ne 
peut  se  recommander  que  par  une  biogaphie  de  Venture,  écrite 
avec  beaucoup  de  tact  et  de  jugement  par  M.  Jomard,  membre  de 
rinstitut. 

Newman,  Grammaire  de  la  langue  berbère ,  en  anglais,  pu- 
bliée dans  le  6^  volume  du  journal  allemand  intitulé  Zettschrift 
fur  kunde  des  Morgenlandes ;  in-8o ,  Bonn,  4845.  La  société 
biblique  d'Angleterre  s'étant  procuré  une  traduction  berbère  du 
texte  arabe  des  quatre  évangiles  et  delà  Genèse,  la  communiqua 
à  M.  Newman  qui  avaitdéjà  fait  un  travail  très  remarquable  sur 
la  langue  berbère.  Voy.  ci-devant,  page  526.  Aorès  avoir  exa- 
miné et  analysé  le  texte  de  cette  traduction,  qui  ofTrail  un  grand 
nombre  d'inexactitudes,  M.  Newman  rédigea,  en  forme  de  gram- 
maire, les  résultats  de  ses  observations.  Ce  traité  remplit  90 
pages  et  renferme  une  foule  d'indications  dignes  d'une  sérieuse 
attention.   * 

Le  môme  savant  publia  en  4844,  dans  le  4"  volume  des  Re-^ 
searches  de  Prichard,  voy.  ci-dev.  p  526,  un  petit  traité  renfer* 
maot  un  résumé  de  ses  études  et  intitulé  ;  On  the  structure  of 
the  Bercer  language.  Dans  cette  notice,  l'auteur  a  condensa 
une  série  de  faits  et  observations  philologiques  dont  on  doit  pres- 
que toujours  rcconnattre  la  justesse.  On  y  remarque  aussi  la 
réunion,  bien  rare,  d*un  profond  savoir  el  d'un  bon  jugement. 

Brosselard  Dictionnaire  français-berbère,  ouvrage  composé 
par  l'ordre  du  Ministre  de  la  Guerre  ;  1  vol.  in-8<>de  656  pages  ; 
Paris,  4844.  Ce  volume,  imprimé  avec  luxe,  offre  une  partie 
considérable  des  mots  de  la  langue  française  expliqués  en  cabile 
de  Bougie.  Le  dialecte  de  cette  localité  renferme  beaucoup  plus 
de  mots  arabes  que  celui  des  tribus  zouaoua  qui  habitent  la 
montagne  voisine  ,  le  Djurdjera  :  plusieurs  termes  berbères, 
dont  ce  dictionnaire  n'offre  que  les  équivalents  arabes ,  s'em- 
ploient encore  chez  ces  peuplades.  Tous  les  philologues  regret- 


ATPBICDtCl.  529 

imX  virement  que  U  seconde  partie,  rédigée  par  )e&  soins  de 
M.  Brosselard  et  renfermant  tes  mots  de  la  langue  berbère  ex- 
pliqués en  français,  ne  soit  pas  encore  publiée* 

Hodgson.  Notes  ou  Northern  Africa^  un  vol.  in -8";  New-York, 
4S4I.  Ce  petit  volume  n'est  pas  sans  mérite  :  il  renferme  plu- 
sieurs vocabulaires  berbères  et  une  liste  de  mots  appartenant  à 
la  langue  touaregne.  Cette  dernière  pièce  a  suffi  pour  démontrer 
que  les  Touareg  parient  un  dialecte  du  berbère. 

Richards<m  et  Newman.  Cahier  in-folio,  de  24  pages,  publié, 
apparemment, parle  gtiuvernsme.il  britannique,  Poreign  Office. 
On  y  trouve  le  troisième  chapitre  de  l'évangile  de  saint  Mathieu, 
en  dialecte  berbère  de  Ghadaras,  accompagné  d'une  traduction 
latine  par  H.  Newman;  idem  en  oabile  algérien,  et,  de  plus,  un 
vocabulaire  en  arabe  ghadamsien  et  touareg;  Le  cahier  se 
termine  paru»  vocabulaire  ghaderasîen,  semblable  au  précé- 
dent. Un  autre  cahier  in-folio  de  4  6  pages  et  portant  le  n^  II,  ren  • 
ferme  un  vocabulaire  arabe,  gbademsien  et  touareg.  Ces  listes 
sont  lithographiéeS  d'après  la  mauvaise  écriture  d'un  tateb  de  la 
force  ordinaire,  c'est-à-dire,  d'un  écolier  peu  instruit. 

Richardson  et  Bar  th.  On  trouve  dans  les  ouvrages  du  premier 
voyageur,  intitulés  Travels  in  the  great  désert  of  Sahara^  2  vol. 
in-8^,  Londres,  1848,  et  Miseitm  to  central  Africa^i  vol.  in-80; 
1853,  beaucoup  de  notions  curieuses  sur  les  Touaregs.  Dans 
le  recueil  intitulé  Barths  und  Overwegs  Untersuchungen  et 
publié  en  allemand  par  les  soins  du  docteur  Gumprecht ,  à 
Berlin,  4852,  on  trouve  plusieurs  lettres  de  M.  Barth  ren- 
fermant des  notices  sur  les  Touaregs,,  et  le  récit  de  son 
voyage  à  la  ville  d'Agadez  ,  capitale  du  royaume  d'Âhîr. 
Le  même  ouvrage  nous  offre  plusieurs  autres  communications  du 
même  voyageur,  au  sujet  des  langues  parlées  par  les  tribus  qui 
habitent  les  régions  méridionales  du  Sahara. 

Brosse/arc?.  Grammaire  de  la  langue  berbère,  inédite. 
DelaporlCy  père.  Grammaire  de  la  langue  berbère  (chelha), 


T.  lY. 


34 


g3Q  BISTOIM  B»8  MMttW. 

m»nu<=cril  appartonanl  à  la  Bibliothèque  impéf  laU.  Cet  ouvrage 
riTast^utlfait  achevé  et  aurait  besoin  d'être  revu  et  cor- 

rigé  en  [plusieurs  endroils. 

Delaporte,  père.  Spécimen  de  la  langue  berbère  :  «ncahier  de 
isTagTs  in-ioUo,  lithographie.  Cette  brochure  renferme  de« 
diaWuos  en  langue  chelha  et  une  légende  versifiée  qu.  est    »ns 
idit.le  Jleur  morceau  de  '^ 'j^^'^^^^^r^^^^ 
leur  lui  donne  le  litre  de  Saby  ou  le  dévouem^  fhal.  Ces  ter- 
es     n  caractères  arabea,  sont  accompagnés  d'une  transcnpfon 
:  'leure    européennes,  d'une  traduction  littérale  et  d'une  se- 
conde traduction  dont  le  style  nous  parait  trop  d.ffus. 

GesHn,  ancien  élève  de  l'École  de  Grignan,  mort  h  Laghouat 
en  i«  n  856,  s'était  beaucoup  occupé  des  d.ver«  d.alectes 
"res  Les 'résultats  de  ses  rechen^hes  rèmp«s»eoipl-e«« 
cahiers  encore  inédits.  Nous  indiquerons  .c.  le  contenu  d  une 

^"Ï;et::;tfordTr;^^^^^  habitée  par  .es.Touaregs  ;  notice 
des  tSs  Loregues .  de  leurs  mœurs  et  de  leurs  usages. 

''Ki  de  grammaire  du  dialecte  des  Imoujaran-Kal-Aér. 

„j«  An  navs  d'Auadès.  435  pages. 

^Upt.  »«e  e».,.eprié„  .,Ké,.W  ^.Touareg. 

U,',,  e.  .»Wi  <!■«».  «»<»  •<•  ■"»"  "PP"^""'  ■"  ''"'•"•  * 
Soraou-Touareg. 

60  Notice  sur  les  Bcni-Mo«ab  et  sur  leur  pays. 

Lorammairedudialecte  berbère  -P  f  .^^^^ 'f^f^^t^d^^ 
branche  de  la  tribu  des  Beni-Menacer,  q«.  hab.te  Tazert-Tamel 
lai,  village  à  une  journée  de  marche  de  M.lîana. 

7.  Éléments  de  la  grammaire  moxabi. 
.   8«  Vocabulaire  français-moiabi,  36  pag^- 

9.  Dictionnaire  du  dialecte  des  Aïl.Ferah.  ^0  Pje^' 

40.  Analyse  radicale  des  mots  delà  langue  berbère.  Cetra^a.l 


AfTBKBIGB.  331 

oÏÏre  beaucoup  à  reprendre  el  laisse  beaucoup  à  désirer.  85  pages. 
4 1o  Esquisse  de  la  conatruetion  grammaticale  de  la  langut; 
Haoussa. 

Il  existe  probablement  d'autres  écrits  du  même  auteur.  Ceux 
(fuenous  venons  d'indiquer  doivent  se  trouver  à  Paris ,  soit  au 
Ministère  de  la  Guerre,  soit  à  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belies^Lettres. 

De  Neveu,  colonel  d'état-major,  chef  du  Bureau  politique  des 
aiFaires  arabes,  à  Alger,  a  recueilli  un  grand  nombre  de  notions 
précieuses  sur  les  Touaregs,  leur  pays ,  leur  langue  et  leur 
écriture. 

M.  Hanoteau,  capitaine  du  génie,  premier  adjoint  au  Bu- 
reau politique.  Grammaire  du  dialecte  zouaoua  ;  travail  encore 
iiiédit,auquel  on  assignera  la  première  place  parmi  les  ouvrages 
qui  traitent  de  la  grammaire  berbère. 

Parlons  maintenant  des  ouvrages  composés  par  des  Berbères. 

Vers  ran744(127  deThégire),  un  prétendu  prophète,  nommé 
Saleh-lbn-Tartf,  commença  s^es  prédications  chez  les  Berghouata. 
Il  leur  enseigna  un  nouveau  genre  d'islamisme  et  composa  pour 
leur  usage  un  Coran  en  langue  berbère.  Le  célèbre  géographe 
Abou-Obeid-el-Bekri ,  nous  fournit  quelques  indications  sur  le 
contenu  de  oe  livre  dont  il  cite  deux  ou  trois  passages  assez  re- 
marquables; malheureusement  il  s^est  borné  à  nous  les  donner 
tiaduits  en  arabe.  H  nous  fait  toutefois  connaître  une  partie  des 
modifications  que  Saieh  avait  apportées  aux  pratiques  du  rite 
orthodoxe,  et  il  a  eu  la  bonne  idée  de  nous  conserver  quelques- 
unes  des  paroles  que  les  Bergouata  employaient  dans  la  prière. 
La  formule  au  nom  de  Dieu  s'exprimait  par  les  mots  A  bism  en 
Yacos  dont  la  première  lettre  est  une  interjection;  6f  m  (au 
nom)  est  arabe;  en  signifie  de  ;  Yacos  ^jmSIj  t  ou  peut-être 
Bacos  QMiSLt  est  un  mot  inconnu  en  berbère;  serait-ce  Bacchus, 
divinité  dont  le  culte  s'était  très-répandu  en  Afrique  ?  La  for- 
mule berbère  ,  moggar  Yacos  signifie,'  Yacos  est  grand  et 
répond  aux  mots  arabes  Allah  Mer.  Une  troisième  formule, 


I 

I 


L 


5321  nisTomK  Ms  Bmftus. 

ihen  Yacos,  est  réqiiiTdiMt  A^AUùh  tvakid  {Dieu  $st  unique)  ; 
ihen  se  retrouve  encore  en  berbère  sous  les  formes  tti;afi  et  yatt 
qui  sigoifienl  un.  Une  dernière  formule,  ourd-^m  Taeos^  signi- 
fie il  n'y  a  pas  de  semblable  à  Dieu  ;  our^  c*ef>t  la  particule  né- 
gative berbère,  d  est  la  copule  qui  lie  l'attribut  au  sujet  ;  am 
veut  ^ite  semblable.  Les  Berghouata  desceudaietit  probablement 
des  anciens  J?acua<éf  ;  comme  eux«  ils  habitaient  le  Temsna  , 
région  qui  forme  la  partie  centrale  du  royaume  actuel  de  Maroc. 
Ces  sectaires  étaient  toujours  en  guerre  avec  les  musulmans 
jusqu^au  cinquième  siècle  de  Phégire,  quaod  ils  succombèrent 
aux  attaques  des  Almoravides. 

En  Tan  925  (313  deThégire],  un  autre  faux  prophète,  qui 
so4iommait  Hamtm,  commença  ses  prédications  dans  le  Rîf  ma- 
rocain, aux  environs  de  Tetouan,  et  composa  pour  l'usage  de 
ses  sectateurs  un  Coran  en  langue  berbère.  EUBekri  nous  donne 
la  traduction  arabe  d^un  court  fragment  de  ce  livre,  flamfm  fut 
tué  en  Tan  927  ou  928.  tl  est  probable  que  son  coran  et  celui 
de  Saieh  n^existent  plus. 

Vers  le  commencement  du  sixième  siècle  de  rhégire,  un  im- 
posteur, nommé  Mohdmmed«Ibn-Abd«»Allah  et  sfurnommé  Ibn- 
Toumeri  (mot  qui  paratt  être  le  dimifttitif  berbère  d'Omar),  se 
donna  pour  le  Mehdi  (voy.  1. 1,  introd. ,  p.  xxyn,  et  t.  ii,  p.  501 
et  1 64  )  et  réussit  à  fonder  chex  les  tribnà  sdmi'-bai'bnres  de  l'Atlas 
marocain  une  secte  dont  les  membres,  intitulés  al-mowahhedht, 
c^est-à-dire  almohades  ou  unitaires,  parvinrent,  en  quelques 
années,  à  subjuguer  toute  l'Afrique  septentrionale  et  presque 
toute  l'Espagne  musulmane.  Cet  homme  appartenait  &  la  tribu 
desHergha,  branche  de  la  grande  tribu  berbère  des  Masmouda/ 
Ayant  étudié  en  Orient  la  théologie  dogmatique  et  scolastiqne,  il 
composa  plusieurs  traités  religieux  dont  il  nomma  l'Un  le  Jlor-  • 
chida  [la  directrice)  ^  l'autre  le  Tauhid  {la  profession  de  Vunité 
de  Dieu)  et  un  troisième  Aazsô  ma  yotlab  {la  chose  la  plus  pré-  J 

cieuse  que  /'on  puisse  rechercher).  Un  volume,  renfermant  la 
collection  de  ces  traités  et  écrit  cinquante-cinq  ans  après  la  mort 
de  l'auteur,  se  trouve,  depuis  quelques  années,  dans  la  Biblio- 


ATPVIIJIICB.  533 

thèque  iropérialo.  La  leciore  lie  cos  pièces  démontre  qulbn-Tou-* 
mert  avait  ocquîs  île  grandes  connaissaBces  dan&  la  partie  dog- 
*  maiique  del'islamisoie.  Il  s'exprimait  en  berbère  avec  une  rare 
élégance  et,  lorsqu'il  eut  commencé  à  répandre  ses  doctrines 
cbez  les  tribus  de  TAilas ,  il  rédigea  pour  lear  jisage  une  tradac- 
tion  du  Coran  eo  langue  berbèpe  et  une  traduction  de  ses  deux 
principaux  traités,  le  Morchida^t,  le  Tauhld.pt^us  ses  instruc- 
tions aux  q^phJtes,  il  disait  ;  ce  Celui  qui  n'apprend  pas  par 
9  cœur  le  T($uhid  n'e^t  pas  un  uniXaire  [almohcuie) ,  mais  un  inG- 
»  dèle  ;  on  ne  doit  pas  prendra  cet  homme  pour  chef  de  la  prière 
»  ni  manger  les  animaux  qu'il  aura  égorgés.  »  a  Aussi,  dit  Tau- 
»  teur  du  Cartas,  ce  traité  servit  de  coran  aux  tribus  masmou- 
0  diennes,  peuplades  aussi  ignorantes  en  religion  qu'en  aOaires 
»  mondaines.  »  L'empire  fondé  par  les  Almohades  fut  renversé 
par  lesMérinides,  qui  travaillèrent  à  extirper  les  doctrines  de 
ces  sectaires.  Malgré  tous  leurs  efforts,  ils  ne  purent  jamais  sub- 
juguer complètement  les  Hasmouda  de  l'Atlas  ;  aussi,  nous  cst-il 
permis  do  supposer  que  quelquf)^*  uns  de  ces  montagnards,  ayani 
conservé  leur  indépendance  jusqu'à  ce  jour,  aient  gardé  encore 
les  doctrines  et  les  écrits  d'Ibn-Toumert.  Quand  les  Européens- 
pourront  pénétrer  dans  les  montagnes  au  sud  -est  de  la  ville  di 
Maroc,  un  voyageur  intelligent  en  rapportera  ,  peut-être,  dei 
traités  de  la  religion  almohade  en  langue  berbère. 

Ibn-Khaldoun  nous  fournit  un  grand  nombre  de  renseigne* 
ments  tirés  des  ouvrages  dont  les  auteurs  étaient  de  race  ber- 
bère. Il  parle  très-souvent  des  historien:»,  des  savants  et  des 
généalogistes  de  ce  peuple  ;  il  nous  donne  même  quelques  extraits 
de  leurs  écrits,  mais  il  néglige  de  mentionner  en  quelle  langue 
ces  livres  furent  rédigés.  Nous  sommes  très-disposé  à  croire 
que  tous  ces  traités  étaient  en  arabe  fIbn*Khaldoun  nous  apprend 
que  les  Berbère»,  inspirés  par  un  amour-propre  mal  entendu,  cher- 
chaient tous  à*  se  donner  une  origine  noble,  en  se  représentant 
comme  les  descendants  de  l*une  ou  de  l'autre  des  anciennes  tribus 
de  l'Arabie.  Ajoutons  que  pour  appuyer  leurs  prétentions,  ils  fa- 
briquèrent des  poèmes  (en  mauvais  arabe)  et,  dans  le  mémo  but,. 


53i  HISTOlRr  DES  niBERCS. 

Hs  se  forgèrent  des  généalogies.  Comme  ces  pièces  s'adressaieni 
évidemment  aux  Arabes,  qui  étaient  lenrs  matires,  d'abord  par 
la  force  des  armes,  ensuite  par  l'influence  de  la  religion,  par  la - 
civilisation  et  par  Tinstruction,  il  est  naturel  de  supposer  quMles 
élaient  écrites  dans  la  langue  du  peuple  rainqueur.  D'ailleurs 
nous  ne  pensons  pas  que  notre  auteur  ait  [possédé  assez  de  ber- 
bère pour  comprendre  des  livres  composés  en  cette  tangue  :  nous 
voyons  par  son  autobiographie  qu'il  n'était  pas  homflie  à  nous 
cacher  ses  connaissances  et  qu'il  i>'aurait  pas  manqué  de  dire, 
en  citant  les  écrits  des  auteurs  berbères  :  «t  Voilà  des  renseigne^ 
»  ments  que  j'ai  trouvés  dans  leurs  livres  et  que  j'ai  traduits  en 
»  arabe.  » 

Dans  le  siècle  actuel,  deux  traductions  du  Coran  en  dialecte 
chelha  parurent  dans  le  Sous  marocain.  Ou  nous  assure  que  le 
gouvernement  de  ce  pays  fit  brûler  ces  volumes  et  décapiter 
leurs  auteurs. 

Nous  allons  indiquer  le  contenu  dé  tous  les  manuscrits  berbè- 
res dont  nous  avons  eu  occasion  de  prendre  connaissance. 

I. 

Manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale  de  Parts  ;  io-folio,  nu^ 
méro  d'entrée  :  R.  G.  4807.  Il  porte  le  titre  A^Essai  sur  lu 
langue  berbère  et  renferme  les  pièces  suivantes  ; 

4^  Un  traité  de  grammaire  berbère  rédigé  par  tf  Delaporte 
père{voy.  ci-devant,  page  629); 

2<>  Un  vocabulaire  berbère-français  (par  Venture).  Cett«  liste 
de  mots  a  été  publiée  par  la  Société  de  géographie  (Voy. ci-de- 
vant, page  5Î7)  ; 

3<>  Trente-quatre  dialogues  en  berbère  et  en  français,  suivis 
de  deux  appendices.  M.  Delaporte  a  publié  un  extrait  de  ces  dia- 
logues avec  le  poème  do  Saby    (Voy.  ci-devant,    page  530). 

4^  Poème  de  Saby,  texte,  transcription  et  traduction  ; 

5^»  Seize  lettres  en  langue  berbère  (dialecte  chelha)  ,  textev. 
transcription  et  traduction  ;. 


jippsRDici.  535 

6*  Autre  série  de  dialogues  berbères,  en  brouillon  ; 

7o  Une  vingtaine  de  fables  avec  la  transcription  en  caractères 
européens  ; 

*  80  Transcription ,  en  caractères  européens  ,  d'une  pièce  inti- 
tulée TemchaHoutj  c'est-à-dire  divertissement ,  et  de  quelques 
autres  morceaux  ; 

9o  Le  TemcKahouty  en  caractères  arabes  ; 

tOo  Les  douze  premiers  chapitres  de  Tévangilc  de  saint  Luc, 
fournis  par  M.  W»  6.  Hodgson  (Voy.  ci-devant,  page  525), 
On  y  trouve  \e  texte,  la  transcription  et  la  traduction  de  ces 
chapitres,,  qui  sont  en  dialecte  zouaooa; 

14®  Collection  of  Berber  songs  and  taies  with  theirliteral 
translation^madeby  W.  B;  Hodgson,  in  the  year  4829.  (Becueil 
de  chansons  et  de  contes  berbères ,  avec  une  traduction 
littérale  en  langue  anglaise;  fait  a  Alger  en  4829  ,  par 
M.  Hodgsoo«) 


U. 


Manuscrit  de  là  Bibliothèque  impériale,  numéro  d'*entrée  :  R. 
C.  48(y4  ;  un  volume  in-folio  d^environ  550  pages.  Ce  manus- 
crit ,  d^uue  écriture  moderne,  renferme  plusieurs  contes  dans  le 
genre  de  ceux  des  Stillô  et  une  nuits.  Le  texte  bQrbère,  accom- 
pagné d'une  mauvaise  traduction  interlinéaire  en  arabe  maro- 
cain, est  suivi  d'une  transcription  en  caractères  européens  et 
d^uiie  traduction  française  par  M.  Dlstaporte. 

Ces  histoires  sont  presque  toutes  d'aune  invraisemblance  rebu- 
tante; le  style  en  est  plat,  vulgaire,  décousu,  tel  en6n  qu'on  ne 
saurait  le  pardonner  qu'à  un  paysan  grossier  et  sans  instruction. 
Nous  avons  choisi  le  plus  raisonnable  de  ces  récits  pour  l'insérer 
dans  cet  appetidice,  mais  nous  devons  déclarer  qufil  est  bien 
loin  d'avoir  la  franche  allure  et  l'agrément  de  ceux  qui  compo- 
sent les  Mille  et  une  nuits.  Ainsi  que  dans  tous  les  manuscrits 
berbères,  l'orthographe  de  ce  volume  est  très-fautive ,  souvent 
même,  elle  est  d'une  absurdité  incroyable. 


536  H18T01IB   DBS   BBBBEBE8. 

111. 

Hamiscritdela  Bibliothèqne impériale,  numéro  d'entrée  4802, 
Un  volnme  in-folio  de  plus  de  400  pages,  renfermant  deux  traités 
dont  le  premier,  intitulé  ^Jd^A-  {eMaud),  d^un  mot  arabe  cpii  si- 
gnifie l'abrmvoirj  offre  une  exposition  des  devoirs  du  musul- 
man ;  la  seconde,  porte  aussi  un  titre  arabe  Bahr-^d^-Domoué 
[ia  mer  de  larmes)^  et  a  pour  sujet  la  morale  et  la  dévotion. 

Le  Haud,  composé  par  Mohamn>ed*ou-Ali -ou-Ibrafalm-ou« 
Souci-ou-Zali  (Mohammed,  fils  d'Ali,  fils  d'ibrahtm,  natif  de  la 
province  de  Sous  et  membre  de  la  tribu  des  Houzal,)  a  pour 
base  les  doctrines  de  Pimam  Halek,  telles  que  nous  les  présente 
'  le  Mokhtacer  (abrégé  de  jurisprudence)  de  Sidi-Khalfl.  L'auteur 
dit  : 

Sidi'-KhalU  adiwîn  lacwal  iachehertaïn^ 
GkalkHflb  el'tnokktacer  net  tan  attibaghi . 

C.-à-d.  :  Sidi-Khallla  rapporte  des  sentences  authentiques,    ^ 
Dans  le  livre  EUMokhtecer  ;  c'est  lui  que  j'ai  suivi. 
Pour  donner  une  forme  rby  thmiqoe  à  son  oirvrage,  l'aoteur  1*9 
rédigé  en  courtes  phrases  qu'il  termine  ordinairement  par  un  i 
paragogique.  Jusqu'à  présent  noua  ne  sommes  pas  parvenue 
scander  ces  vers,  ou  lignes,  qui  paraissent  avoir,  cependant, 
une  marche  et  une  accentuation  assez  régulières.  Cet  ouvrage  se 
compose  d'nn  grand  nombre  de  chapitres  ;  nous  n'en  indique^ 
rons  que  les  premiers,  ce  qui  suffira  pour  donner  un  idée  do 
reste  : 

i^j^^^yXi  ç^UI      LeBab  ne-tauMéj  chapitre  sur  I»  doc- 

Irine  de  l'unité  de  Dieu  ; 
(ki-»'y  vW      le  Bab  ne  -  waman ,  chapitre  sur  les 

eaux  qui  peuvent  servir  à  la  purifi- 
cation ; 
^  S    Mw^i**  v^— ^      Le  Bab  ma  yonghçal  ffu'inceraf  sur  le» 
C3t^^MN^  vêtements  qui  doivenl^étre  bvéa;. 


A 

••1 


AmvcDicB .  ft37 

y^àyh  vW     Le  Bab  ne*^Uivoéou ,  sur  la  purifica-^ 

(ioo; 
J^^  vW      Le  Bab  ne-U-ghoeel^  sur  rablutioo  ; 
oJULj  c^liJ      Le  Bab  ne-U^oucat  ne  taxella,  sur  les 

heures  île  la  prière  ; 
ylJsJj  çjIaJ     xe  Bab  ne-l-adan,  -sur  Vappel  è  la 

prière  ; 
j^UJ^I  ^^;Uô  vW      £a  Ba6  ne-setr  el-aoura,  sur  Voblîga- 

tioD  de  cacher. les  parties  honteuses  ; 
^■M^^^^>  V W     i:^ jBa6 nMo3/i(,  sur U  prière. 

A  la  fin  (}e  Touvrage  Tauleur  nous  apprend  qull  termina  son 
travail  en  Tan  1 124  dePhégire  (1709-40  de  J.  C).  Yoici  ses  par 
rôles  :  a  Ne^wahed  (mdcherin  tiguen  ne-mia  d-ifodhiy  c'est-ik« 
dire  :  en  l'un  et  vingt  gui  suivent  le  cent  et  mille.  Le  mot  tiguen 
est  probablement  le  participe  féminin  du  verbe  igga  [ajouter). 

Le  Bahr  ed^Domouâ^  ouvrage  du  même  auteur,  est  écrit  en 
prose  rimée,  chaque  ligne  se  terminant  ordinairement  par  Vi  pa- 
ragogique.  Il  renferme  plusieurs  chapitres  dont  voici  la  liste  : 

*r>»  iiX^j^^  V^      Le  Bab  ne-tawacen  ne^rabbi ,  chapitre 

de  I9  connaissance  de  Dieu  ; 
J"*^^  VM^     Le  Bab  ne-^^hira,  chapitre  de  Vautre 

monde; 
<^  {j^Jt^  V^      Le  Bab  ne  tawacen  n^en-nabi ,  chapitre 

de  la  connaissance  du  Prophète  ; 
(^àJ^  if>\ji^  V^      ^  ^^^  ^  gharae  ne^H^djenneti  1  cha- 
pitre du  chemin  do  paradis  ; 
oijUj  vW      ^  ^^^  ne-toubetf  chapitre  du  repentir; 
jOs^^  vUJ      ^  ^oh  ne^'l'Odau^  chapitre  de  Pennemi 

de  l'homme; 
c;»^  c^bJ      Le  Bab  ne^'l-mout^  chapitre  de  la  mort; 
.^1  yxi^"^  vW     ^  Babne^'l  akhbar  el-akhira^  chapitre 

des  nouvelles  de  l'autre  vie. 

Ce  traité  remplit  les  84  dernières  pages  du  volume.  Le  même 
copiste  qui  a  transcrit  et  traduit  en  patois  arabe  le  num6ro4804. 


538  HISTOIRE  DIS  BtftBfttES. 

a  ioscrii  entre  les  lignes  da  texte  berbère,  tant  da  Hwad  que  du 
Bahr  ed-Domoud^  une  espèce  de  traduction  en  arabe,  langue 
qu'il  connaissait  d'une  manière  très-imparfaite.  Il  paraît  avoir 
exécuté  ce  travail  pour  H»  Delaporte.  Plus  loin,  le  lecteur  trou- 
vera un  extrait  de  cet  ouvrage. 


IV. 


Manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale,  numéro  d'entrée  R. 
C.  4803.  Un  volume  in-i^  écrit  en  l'an  1498  de  Thégire,  et 
renfermant  les  mêmes  ouvrages  que  le  numéro  4802.  Ce  manus- 
crit, dont  toutes  les  pages  attestent  la  plus  grande  indifférence 
des  étudiants  marocains  pour  la  propreté,  semble  être  l'original 
du  manuscrit  4802.  Il  est  vrai  que  l'orthographe  de  celui-ci  est 
plus  satisfaisante,  mais  cette  amélioration  provient,  sans  doute, 
du  copiste  qui  travaillait  pour  M.  Delaporte. 


V. 


Manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale,  numéro  d'entrée  fi. 
G.  4804.  Un  volume  in-4*,  renfermant  : 

I.Un  traité  en  style  cadencé  de  102  pages,  survies  devoirs^ 
du  musulman;  composé  par  le  CId  Ibrahfm^Ibn-Abd^Àllah-es- 
Sinhadji.  sous  la  dictée  de  son  professeur,  leCid  Ali-lbn-Moham- 
med-lbn-Wicédan 


2o  Le  HutÀdde  Hohammed-Ibn-Ali  ;  voy.  num.  m 
3o  Le  Bahr^ed^Domoud  du  même  auteur. 


VI. 

Manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale,  numéro  d'entrée  R. 
G.  4805.  Petit  volume  in  4^  de  63  pages,  très-mal  écrit  et  ren* 
fermant  le  poème  arabe  composé  par  El-Boucîri  en  l'honneur  du 
Prophète,  et  intitulé  le  Borda.  Ghaque  vers  de  ce  poème  est  suivi 
d'une  glose  en  langue  berbère  cbel ha. 


APPERDICf»  539 


VIL 


Manuscrit  de  ia  Bibliothèque  impériale,  numéro  d'entrée  R. 
C.  4806.  Copie  de  Touvrage  précédent  avec  une  espèce  de  tra« 
duction  interlinéa ire  en  patois  arabe.  Ce  volume  est  de  la  même 
main  que  les  numéros  4801 ,  4802. 

VIIK 

Manuscrit  appartenant  à  M.  de  Gayangos.  Un  volume  grand 
in-folio,  de  430  pages  ,  renfermant  le  Haud  et  le  Bahr  ed^Pa- 
moud  de  Mohammed,  il Is  d'Ali,  BU  d'Ibrahim ,  soucien,  houza- 
lien. 

IX. 

Il  existe  h  Alger  un  assez  beau  manuscrit  du  Haud  et  du  Bahr 
ed'Domouâ.  Je  l'ai  eu  entre  tes  mains  assez  de  temps  pour  en  re- 
connaître le  contenu  • 

Ces  ouvrages  ont  été  composés  vers  le  commencement  du  der- 
nier siècle  de  notre  ère.  Écrits  dans  un  jargon  moitié  arabe, 
moitié  berbère,  défigurés  par  des  fautes  d'orthographe  les  plus 
bizarres,  ils  nous  donnent  une  idée  très^défavorable  de  la  litté- 
rature et  de  l'instruction  du  peuple  cbelha.  Les  manuscrits  du 
Hatul  et  du  Bahr  ed^Domouâ  offrent  les  plus  singulières  varian- 
tes d'orthographe  qu'on  puisse  imaginer  et  fournissent,  dans 
chaque  ligne,  la  preuve  de  rignorance  des  copistes,  qui,  évidem- 
ment, ne  savaient  pas  décomposer  en  mots  isolés  les  phrases  de 
leur  propre  langue. 

TEXTES  EN   LANGUE   BERBÈRE. 

Le  manuscrit  désigné  par  le  numéro  n  renferme  le  texte  chelha 
du  conte  que  nous  reproduisons  ici.  Pour  mettre  le  lecteur  à 
même  d'apprécier  la  différence  qui  existe  çntre  les  dialecte» 
berbères,  nous  donnons  le  commencement  de  la  même  pièce  tra- 
duite en  zouaoua. 


540 


HISTOIIB  DES   BSMBRBS. 


ZOUAOCÀ. 


nia  youeo  d'aguellid,  ghoUrès 
Était  un  roi,      chez-lai 

thalatha    H-ouzera  :    ifkaïas 
trois  Yizirs  :      doona-loi 

Rohhi   sB'ifad'cl  mal  attas; 
Dieu    beauté  et  richesses  beaucr 

la  -  mani   our  iss&i  ara  araou- 
mais       il    D'arait  pas  enfant 

ïa.     Ibbod  ghier  themourth 
de-lui  .11  partît  pour  un    pays 

ibâden  ,     ikchemts  ,  youfa 
lointain,  il  entra-en-iui|  il  trouva 

youen  ei-tadjer  itsouassen  di 
un       marchand      connu    dans 

thamourlenni.lïbded  et-tadjer, 
ville-cette .    Se-leva  le  march<*. 

ifkaïas,  iouguelUd,  eUyacout^ 
il  donna-lui,    an  roi,      rubis 

ou  ^t'djouher  adh  -  idrimen 
et         perles  etdirhems 

attas.     Yefràh   lïs     ogueK 
beaucoup.  Se-réjouitde-Iui     le 

\îd     nizhQ.        tfi     ibgha 
roi  beaucoup.    Quand  vo.ulut 


CHELHA. 


nia     yan  oguelltd  dates 
Était    un         roi       chez-Iui 

krad     ^l-omera  ;         ifkas 
trois  vizirs  :        donna-lui 

Rahbi  ifolki    ouala  -  '1  -  mal 
Dieu      beauté      et      richesses 

iggbuthen  ;     oua  -  lakin    our 
beaucoup  ;  maïs        pas 

dares    taroua.  Iftou    si-yat 
cbez-ltti  enfant.  Il  partit  pour  un 

temzîrt     yaggougan  ,  ikcham 
pays         lointain  ;       il  entra 

seres,   yafen     yan  eî^tadjêr 
dans-lui,il  trouva    un  marchand 

Dellan      aïlibdaren     gh(i- 
lui  (que)        Ton  célébrait  dan$ 

H-medinei  ^n.  ^nVeteUiadjer 
ville«cetie .    Se-leva  le  marcb^ 

ihdou  ioguetltd  gha  H^yacout 
il  donna    au  roi    de     rubis 

d'/-(/;ouAerd'e/-ma/iggouiheû. 
et  perles    et  argent  beaucoup. 

Ifrah   seres  oguellld  béhér». 
Se-réjouit  de  lui  le  roi  beaucoup 


appkhi^ics. 


544 


ZOIIAOUA. 

oguelUd         adiotg, 
le  roi       qu'il  partit  (partir) 

innaïas  :        Âsedtdi        gheir 
ildit-i-lui:VîeQ8aYec-inoi  vers 

ih-medînetiou.       Inoaïas    et- 
la-yiUe-jnJeDoe.       Dit-à-lui  le 

tadjer:    Iskerl    ai-oguellîd 
marchand  ;  Soit  fait  I  6    roi 

n'ed'dounit*    Irouh     dits 
da  monde.    Il  partit  avec -lui, 

îbbouï      arfaouïs      yak 
il  emmena  enfans-siens      et 

àhe^rozkh  )    cor  idji  ara  ; 
richesses-de-lui  ;  il  ne  laissa  pas; 

îzenz       aïlas        tl  -  Ml , 
il-vendit  sapropriéié,    le  tout, 

idhfar     agoellid.     Segmi 
il  '  suivit       le  roi.        Quand 

ebboddhen    ghe|r  the-mtfct^ntfX 
ils-arrivèrent     à         la-ville 

oguellid,       ifkaïas      oguellid 
dU'foi,      donna-lui    le  roi 

akkham  ilha  \  yougbal  d'e/- 
une maison  belle;  il-de^int    le 

OûzIroguelUd. 
vizir      du  roi. 


CHBLBA. 

AYlligt^    ira      iftou      oguellîd 
Lorsque  voulut  partir     le  roi , 

innaïas  :       Ghoixr       moun 
il-dit-à-lnir  Seuletn'  accompagne 

dîdi    se«-7-mecftfieM*noti. 
avec  moi  dans  la  ville-mienne. 

Innaïas    et-tadjer  :  Khiart  1 
Dit-à-lui  le  marchand  :    bien  I 

ai-aguellid  nW-(/oiinll.  Imoun 
6  roi  du  monde.  Il  accompagna 

dïts,     irhalj         yaoui 
avec-lui,  il  partit,  il  emmena 

terouaùs    dVts  oualal-ma/ens 
fils-siens  avec-luietrich.-sienn; 

our    ifal    yal:   izenza    koul 
ne    laissa  rien  ;    il  vendit   tout 

êl-melkaiens  imoun 

les-biens-de-lui,  il  accompagna 

d'ougueUid.  Aïllîgh      elkemeii 
avec  le  roi.  Quand  ils  arrivèrent 


se-'/-m«dln0l 
dans-la-ville 


n'oguelltd , 
du  roi, 


ifkas   oguellîd    yat    tiguimmi 
donna-lui  le  roi  une      maison 

ifolktn  ;  iga  l^ouzîr  n'oguellfd. 
belle  ;  Il  devint  le  vizir  du  roi. 


I 


542  R1ST0IRB    DBS  BBBBBBES. 

SUITB   BH  DIÀIBCTB   CHBLHA* 

lazia  dares  foghou6//t    dare»  zouarnia 

Il  fût  cher  aaprès-de-lai  plas-que-ceax  chez^^luKc  -àHl.)les  premiers 

krad  Uauxara.  Aichdcou    iggoulh     dares      el-mal^      iga 
trois     vizirs.       Gomme       abondait  chez-lai  les  richesses,  il  fat 

argaz       tgan      djéïd,       Ar  yauas,       isker   ogaelltd  yat 
on  homme    élant    généreux.     Sur  un-jour,         fil       le  roi    une 

9 

nêzhet;    imeAooiiaren    fellas    el-ouzara  elli  s-krad; 

fête  ;  se-concertèrent  contre-lui  les  vizirs  qai  au  (nomb.)  de  troi  s; 

ran  atlîâ[;7otin  f  oguelltd.  Aïlligh 

ils  voulareni  qu'ils  l'éloignèrent  (réloigner)  du  roi.      Quand 

iggauren    d'ouguelltdi  icaouat  yan     gotoen,    inna  :  AgueUtd! 
ils-furent-assis  avec  loroi^  parla    un    d'enire-eux,  il  dit  :    6  roi  l 

tilta    yat  el-bint  dar  yan  oguelltd  ne  Tork,         atfolki 
elle-existe  une  fille   chez    un       roi  .  des  Tores  ,    elle-est-belle 

zoun    aïour;    oua-lakln  our         stidtaoui  ghair 

comme  la-lune  ;       mais       ne    la-pourra-amener   personne-qoe 

el'ouzir  d^^-el-djôdld  elli     d}k        imoun.    Innaïas  oguellfd  : 
le-vizir   le  nouveau    qui  avec-tof  est-venu-avec.  Pit-à-lai  le  roi  : 

Ghair,  atteftout     sers.     Innaïas  :  Khxart  ! 

(je  ne  veui^  rien  d*)aotre  qne-tu-ailles  vers-elle.  Il  dit-à-lui  :     Bien  I 

Enker  el^outir  elli   d-imoun  d'oguellîd  ,    isker      Yâouin 
Se -leva  le  vizir     qui    était-venu  avec  le  roi,     il-fit  les  provisions 

n'-omoddou    yaggougan    béhéra.     Ilian     igharacen      galcen 
de  voyage  lointain    beaucoup.  Etaient    les-routes    en-elies 


APPBRDiCB'  543 

idjoui  d^iccaddhâen    d'izem.  Iftou     P-^ouzir  okoun     aïoar 
boae     ek  brigands^    et  lion .  S'en-alla  lo  vizir  eoYîron    an*mois 

d'  netia    gh-ogharas.  Aïlligh  elkain  lemdini^  ikchaoci    dîs, 
et  lui    en  chemin.    Qaaad    il  vint   à  la  ville^  il  ectra   en-elle, 

iftou     dar     oguelUd ,     ilkamet,  ifkas  teirat 

il -alla     chez       le  roi,       il-Tiot-à-lui,  il  doona-à-lui  la  lettre 

n*ogaetMd.     Ifrah    seras    oguelltd  ;   iggauz  dares. 

du  roi.    Se  réjouit  de  oela     le  roi  ;  descendit  (le  vizir)  chez-lui. 

Aïlligh    iga    krad      ooussan,       ihdou     yas     lehdit     ifolkin 
Quand    était    trois   jours  (passes),  il-donna  à-lui  un-présent    beau 

béhéra.     Innaïas  oguelltd  :  Ira  oguellîd    illi  astîli  ? 

beacoup.  Dit-à-lui  le  roi  :  veut-il  le-roi  ma-Ûllep'-qu'il-répodse? 

lonaïas  :     Our    sinegh  ;  koulloi^chi  ilia    gué     iehratens. 
Il-dit-à*lui  :  point-ne    sais;    toute  chose  est    dans   lettre- de-Iuî. 

Innaïas  oguelltd  :     Enker^  ^V ,  ekchem    Jar-illi,       inïas  : 
Dit-à  lui    le  roi  :    Lève-toi,  vas,      entre  cbez-ma-fille,  dis-à-eile  : 

Babam      ifkakam       ioguelltd  el-flani.     Enker     eZ-ou^lr, 
Votre-père a-donné-vous    au  roi       un-tel.      Se  leva    le   yizir 

iftou.     Aïlligh     ilkem     Ictcser     n'  el^bint,       ibod      guts. 
s'en-alla.    Quand il-arriva  au-chÂteau  de  la-fille,    il  s'arrêta    là. 

Iftou    yan    icemeg,  ikcham    dar,  el^bint,    innaias  :  Ha 
Partit     un     esclave,    entra       chez   la-fiHe,    lui-dit  :     Voici 

^l-ouzîr  ellî    yam    inna     babam.     Yocbkad  el-bint^  iahtal 
le  vizir  dont  à-vous  a-parlé  père-voire.  Entra  la-fille ,  se-prépara 

fellas.     El'bint  dts     amraouat    le-bnat  foikintu 

pour 'lui.    La*fille  (étaient)  avec-ellc  des -femmes  jeunes     belles 


544  HI8T0IRB    DM     IIRBÊRES. 

20uti  aïour  ;     telçâ     U-bint^      ellis      n'ogaeUtd  n'  Tork, 
eomme  U  lane  ;  »'hftbiHâ  taille,  Blle^e-lai    du  roi     des  Turcs» 

oafagh  d'0/-yac6ttl  d^el^jôuhêr^    teggaouer     tezzouml 
(âTec)  or      et   mbîs     et    perles,       elle-s'assit      aa  -^  milieu 

n*a/-6^na^    elH,     tesers    el-yntout,  d^eZ-J/ouAcr,  d'ouragh 
des  filles  celles-là  ;  elle  plaça  des  rubis,  ci  des  perles     et  d'-  or 

gué  -  j^oi/damnis,     tesref      seres.     Aïlligh    fellas     ikcham, 
eu-devaû(-d'elle,  elle-entoya  verd-lui .  Quand  sttr-elle    il  eatra, 

tezzert,  iziert  tggaouer    H  -  g&ddamms  ^ 

elle- regarda-le,     il-regarda-la,  il-s'assit       deTaut-d'eile , 

teûuaïas  :  Ktïn  aîgau  H-ouzir  D^oguelltd  t  klïu    adiochekan 
elle-lui-di  i  :    toi  étant  (es)  le  Tizit     du  roi  ?    toi    étant  (tu  es)  venu 

adtr         -taouH  's-etares?      De-uetta     îzdar 

pour      qtte-tu-m'emmènes       chez- lui?      Mais-lui       baissa 

elIenSy      our^içacual    seres.     Tenoaïas  :     Aci    gh*  el-mal 
yeux-de-lui,   non-paria    yers*elle.  fille-dit-à-lui  :  Prends  des  rich«* 

d*0/-yacou^  d^ouragh  ;       ha     *l  -  hetiat  ;       ten      trtt , 

et  des  rubis     et  d'or  ;     voici     des-fiUes;  celles-que  tu  -  veux  , 

aouît.         Our  as  -  idjaouah   ouala   içaoual     seres. 
emmène  -les.       Non  à-eile  il  répondit  et  non    parla       vers-elle. 

Tegher    icemeg    en-babas,     tennaïas    it-tadjer  :  Effough- 
Elle-appela  esclave  de  son-père,  elle-dit-à-lui,  au  marchand  :  Sors- 

gutgt.         Tenna    icemeg  :  Sir,   ini    ibaba  :     argaz-ad 
de-devant-moi.  Elle-dit  à  l'esclave  :  va,  dis  au  père  .qu^homme-ce 

iga  adordour,      iga  azzenzzoum  igltli,        Enker,       imoun 
est    sourd,         est  muet     muet.    Il-se-leva,  il  accompagna 


A1>PBND1CB.  fttô 

4*  icemeg.     Aïligh  ilkemen    aguellîd,  innaïas   iccmeg  :  Ergaz— 
avec  l'esclave.  Quand  ils  vinrent   au  roi,  dit-à-Iui  l'esclave  :  Homme 

^d  iga  glili,  iga  adordour  our  aïssefled  ;     teoDaîas      lalia  ,: 
cet  est  muet,  est    sourd    point  n'entend;  elle-dit-à-lui  la  maîtresse  : 

Aci    ouregh    d*  eMjouher  d' el'^ûcout^   taoatt   yat  el^hint 
Prends       or       et       perles     et       rubis,    emmène  une    fille 

elli       trit     '  gue  1  ^  IcAaterenk  ;      our     içaoual  ;     hati 
'  celle-qne  lu  veux  selon  la  volonté-d^toi;  poir.t-ne  parla  ;   le  voici, 

aouîghted  s'    (^arek.     Innaïas    oguellid  :     Makb 

je  -  Tai  -  ameoé-ici  vers  chez-toi,  Dit-à-Jui       le  roi  :      Pourquoi 

aïltigh  our      trit      gbaïad  t^lli  yak     tinua      illi  ?      Innaïas 
donc  non  tu-as-voulu  de-cela  que  à  toi  elle-a-dit  ma  ûlle?  Drt-à-lui 

7-oti2îr  :  Nekki,  aguellîd,    illa     darx     H-yacout  ouata    l- 
le  vizir  :      Moi ,       ô  roi,     il  y  a  chez-moi  des  rubis    et       des 

djouher  ouala  ouregh  otiala  tiraghartu  ifolknîo     bëhéra , 
perles         et       de  Tor     et     des  femmes  belles    l>eaacoup  ; 

our        ikkassi  yat  ;  gheir      aguellid     nekki 

non    à  moi  manque         rien  ;       seulement    le  roi       à  moi 

ifkaï  teira^eos     d^el-hedïetem  aouigheklidj* 

'    adonné-à-moi     lettre-de-lui  etprésent-de*lui  j'ai  apporté  à  toi 

igh     trît     adfi  tefekt       kca,  guis 

€ela  ici  ;  si  tu-veux  à-moi  (que)  tu-donncs  quelque-chose,  en  cela 

el'-kheir^   imma  nekki  our  'douchekîgli  adaoutgh 

.    (sera)    le  bien,  mais     moi    non  je-suis-venu  pour-que-j'emporte 

ikhfins  haita  yat  ;  el-khater 

pour  ma  tête  (mol-m^me)  même  (la  moindre)  chose  ;       la  volonté 

T.  IV.  35 


546  HISTOIRE  DBS    BBRBERSS. 

n»oguellîd    aïzouaren  koulou     chi     dari.      Innaïaè      oguelltd 
du  roi    est  précédent  à  toute  chose  chez-moi.  Dit-à-!ui    le  roi 

ne-tork  :  Zoiin'    kîïn  aïllegan  e/-oazir  n-oguellîd  1  Imoufà 
des  Turcs  :  Comme  toi  doit-étre   Je  vizir    d'UQ-roi  !  Il  partit  avec 

dis,     ekchemen     yal  tiguimmi        guîs  yat 

avec-lui,  ils-entrèrentune  maison         dans  laquellfe    (était)  une 

oAanou       guîs  gheir         ikhfaouen  elli  ibbi 

chambre  dans  lequel  (rien)  exceptéides-têles  qu'   il -avait-coupée  s 

n-irgazen     elli  xiiekhatebsin  ellîs 

aux-homroes    qui  avaient-demande -en-mariage    la  fille-de-lui 

u-'oguellîd  :  Igh  acen      teuna     U-bint  :   istram    ^niel-bintl 
du  roi  :        Si  à-eux       disait  la-fiile  :  Voulez-vous  une     fille  ? 

innanès  :  Nra  ;  igh  acenlenna  :     Islrem 

ils-direut-à-elle  :    Nous-voulons  ;  si  à-eux-elle-disait  :  Voulez-vous 

el^mdl?  accnt,  içaoualen       seres,  aiserf 

de  l'argent  ?  il   prirent-!e,      ils-parlùrent  vers-elle,    elle-envoyait 

es-babas  alennaïas  :  Ebbi  iklif    o-ghouan  ! 

à  père-d'elle  qu'elle  dise  à  lui  (pour  lui  dire):  Coupe  la  tête  àcelui-làî 

inghtl     gh  el'hin,   Innaïas  oguellîd  :  Koullou  ^hoMxd  nekkl 
il-coupa-la  à  l'instant.  Dit-à-lui      le  roi  :    Tous       ceux-là  moi 

yaten  inghan  ;   guillenad    aïPagh    teskeit    ^hi-kedda,         our 
eux     ai-tué  ;  maintenant       que  tu-as-fait  comme-ainsi  (que)  pas 

tegguit    zoun     ghouîn  ;     efkighak     illai  ,         aoutt.      Ilhou 
tu  es  comme  ceux-là;  je-donne-à-toi  ma-fiUe,  ç;mmène-là.  Se  mit 

oguellîd  ^ritahtal  a'iserf  illîs , 

le  roi  il  Ot  (à  faire)  des-préparatifs  pour  qu'il-renvoie  fille-de«lui 


iPP£Nfiic«.  547 

esker  lehaouaïdj   folkÎDÎn  ;   inoa  l'ouzir  :  Eoker      ahtal 
iUÛt  des-habits  magnifiques;  il- dit  aa  vizir  :  Lève  toi  fais-prépara- 

iinoddout.     Ifkas     oguellîd  gh-icemegan     ouala    tîwîwîu 
tifs     de-route.    Donna-jui  le  roi    des  esclaves         et    négresses 

oualaH-mal  iggoulhen  d'e/-ma;Âa//a^  Iftou    l-ouzir  ;   aïlligh 
et    argent  beaucoup     et  des  troupes.  Partit    le    vizir  ;   quand 

ilkem  ioguellid,      ifrak     seres   oguelliJens  ;  izoggaz 

iUvint    au-roi,   se-réjouit  sur-lui     roi-de-Iui  ^     il-tit-reposer 

l-erahall  \       ifkacen  cl-kheir        aïlligh         ichadd, 

la-troupe,iI-donna-à-elles  des  richesses  jusqu'à-ce-que  (cela)  sura- 

Ilhou    oguellîd    esker  tt^maghra    ifolkin  ;  aïlligh 

boudait.  Se  mit  le  roi     il-flt  (à  faire]    une  fête         belle  ;    quand 

■ 

icada  temaghra,  isreflemhall^  iggaour  oguellîd  ^h-el-medineleiks 
eut-fîni  la-fôle,  il  congédia  la  troupe,'  resta    le-roi  dans  ville-de-lui; 

yafen    el^bint^      ellis      n'oguellîd ,    zoun      aïour   gho'folki; 
trouva    la-fille,  fiUe-de-lui    du-roi,      comme  une-lune  en  beauié; 

tâdjebei      béhéra,         laazoïi  dures,  Aïlligh 

elle-plul-à-lui   beaucoup,   elle-fut-chère  auprès-de-lui.   Quand 

azuja       krad  et^ouzera  ghaian  elli         isker  l-ouzir 

regardèrent  les-trois  vizirs       à-ce    que  fit  (avait  fait)  le  vizir 

elli  addiouÎD  el-oint,  ihobbet     oguellîd  oggar 

qui  amenant  (avait  amené)  la-ÛIle  (et  que)  aimait-le    le  roi      plus 

en    ^i-kelli  izouareu,  emckaouren  fellas 

que    comme  les  (vizirs)  précédents,  ils-se-concertèrent  contre-lui 

ar-sigguilen     madas    iskarn         aïnguiri  (?)        d'ouguellîd 
pour  chercher    ce  que    ils- feraient  pour-le-détacher       du  roi 


5i8  HISTOIRE    DIS    BBRBÉRBS. 

gh'  el^khalerens.  Agueilid  ilian  dare$    sin         iferkhaa 
dans  Tesprit-de-lui.  Le  roi     éuii  clicz-hii  deux  jeuoesgensf pages) 

aras         teterrachen        igh       ira       aïgao,  zoud 

pour-lui  ils*faisaient-lc-Iit  quand  il  voulait  dormir,  ils  étaient  comme 

icemg^n     ariteggaour    yan     dar  ikhfens,    yan 

des  serviieurs  afin-que-se-tinl  Tun  auprès-de  la-tète-de-lui,  l'autre 

dar  idhareos,         ar  fellas  lennachachen 

auprès  di*s-pieds-de-Iui,  poursur-lui  ils  éventaient  (pour  Téventer) 

estazifen         arkJgh  aïgan  gbozal. 

avec  mouchoirs  jusqu^à  ce  que  dormant  (s'endormit)  pendant  le  jour. 

Koul    as  ifloun  el-ouzéra     's-krad  aïlligh  roeggarn 

Chaque  jour  allèrent  les  vizirs  .  les  trois  aûn  qu'ils-rencontrèrent 

iferkhan  elli  ettilUn  d'ouguellfd         igh 
(de  rencontrer]       les -pages    qui  étaient  avcc-le-roi       quand 

ira       aïgan.    Ennancen    el'ouzera  :        Igh       ira    oguelltd 
il'Voulait  dormir.  Dirent-à-eux  les-vizirs  :  Quand  voudra    le  roi 

aïgan    tennamès  :        El-ouzir    elli        diouin         ^        ilUs 
dormir  dites-a-lui:         Ce  vizir    qai     amenant  (a-amené)  la-fille 

lî'oguelltii  ar-ikcham  '^-c^ares,       ar-dîs       'içaoual 

du  roi    entre         chezelie,   pour    avec-elle  il-parle  (parler) 

koul     as.  Efkenaccn  acantar  n'ouregh  ;  ennancen  : 

chaque*  jour.  Us  donnèrent-à-eux  un-quinlal        d'or  ;    ils-répon- 

Khiart  I  Eftoun  iferkhan.  Aïlliîgh  ikebam  oguelltd 
dirent-à>eux  :  Bien  !  Partirent  les  pages.  Quand  ful-entré    le-roi 

aïgan  ghimA*e//t         isker 

pour  dormant  (dormir)  comme      il-faisait     (d'habitude) 


APPENDICE.  527 

ckchernn      dures.  AguelUd    ighli   siggui       7-/eracAne», 
ils-cntrèrent     chez.  lai.  Le  roi    monta     sur  le-lit«âe-Iai 

aïgao;     yan       gutsen     içaoual ,   iona  ighouan  yodaîo  : 
pour-dormir;  Tun  d'enlre-eux  parla,    il-dil    à  i'an  l'aatré  (à  l'aut.) 

Stezrtt  eC-omir  elli  adfouia  illîs  'n-oguellid  ?  arikcham 

AS'ta-YU  le  vizir  qui  amenant  (amena)  la  fille  du  roi  ?      il-entre 

ar      dareSy      içaouat      seres      koul      as  I      Innaïas 
jusqu'à    chez-elle,  il-parle  avec-élle  chaque  jour  !      Dit-à-Iui 

ighouan  yadnîn  :     Ghassad  keili     tizrit  I     cahl 

Vm\       autre  :  C'est-aujourd'hui  (que)    tu    (P)  as  yu  !    avant 

ghassad      eikcham        dures;         amedokelehs  eïga. 
aujourd'hui    il  est  entré  chez -elle;  il  ramant*d'ellesoit(doit'être}. 

Aguelltd  arisoQed,     orta  (?)    aïgao.         Enker  ogueUld     gha 
Le  roi    entendit,  pas-encore  dormant.    SeMeva      le  roi       à 

'l-l^n,     igher      el-ouzir.  Yochkad  ar-cfares  ; 

l'instant,  appela    le^ vizir.    Il-entra  jusqu'à-chez^lui  ; 

innaïas  :  Ghîkadd  atteguti  I  Ingiitt  ; 

il  (le  soi)  loi  dit':     G'est-ainsi         que-tu-es  l      ll-le  tua  ; 

indem  fellais,      imdhetlet      ghtn,       our-asidaoïti 

il-sc^repentit  sur-lui  ,  il-enterra-le    sur-place,  non*qu'    apportât 

r 

yan  H'okhhar    aïlligh 

quelqu'un     (afin  que  personne  ne  portasse)    la-nouvelle     qu' 

immout.     Yeggaour  ogueliid,  our-ikcham  '   iar    A^el-hinVr 
il-fot-mort.       Resta         lc-roi>     point-n'entra  chez         la-fille; 

Ikçoud  attaouï  7-a&Â6arcns    aïlligh     imn>out 

il-craignit     de-lui-apporter  ia-nouvclle-dc-lui    que         fut-mort 


550  nfSTOiRE   Des   berbères. 

el'0uzit\     ùchkou  idzza  dàrès.         Igga 

Ic-vizir,    parce-qn   il  (lo  vizir)  était-cher  chez-elfe.      Resta 

oguellîd      ar       ïed  ;     yafen  iferkhan  arte/âian 

ie-roi  jusqu'à  la-nuit;  trouvant  (il  trouva)  les-pages  (qui)   jouaient 

s^ouregh  ;     içaoual  yan  gulcen,   inoa  :  Ogaellid     ingba 
avec  de  l'or  ;       parla    l'un    d'enXj    il--dit  :    Le-roi        a-tué 

'l-oueziTy  gheir       neskarkes  fetlas ,  meshm  l 

le-vizir.  mais  nous-avons-menti  sur-lui,  le  malheureux  (vizir)  ! 

mammou  nra  ghîad  ed  ouregh  ?  ma-ra  seres 

pourquoi  avons-nous -voulu    ce  l'or  (cet  or)  ?       qu'      en 

nesker?     Ogoellîd     ibbod     araçen,         isofled       aïlligh 
férons-oous?  Le-roi    s'arrêta    près-d'eux    il-écoutait  pendant  qu' 

açaoualen  f       ikcbam    fellacen,       innaïaceii  :       Madawen 
ils-parlaient  ;    il  entra    sur-eux  ,     il-dit-à-eux  :     Quî-à-vous 

ifkan   ouregh-ad  ?  Innanes  :  El-ouzeranek 

a-donné    or     -    ce  (cet  or)?  lls-dircnt-à-lni  :  Les-vizirs-de-toi 

s'  krad        cnsen         ennanegh  aoual      ell*      ak 

(les)  trois    d'entre^-cux    ont-^it-à- nous    la-parole     qu^    à-loi 

nenna,  aïlligh  tenghît  e/-ou2ir  elli  idtouîn 

nous-avons-dit,       quand  tu-ss-tué  le-vizir    qui  amenant  (amena) 

ellîs,       n'oguelltd.  Enker  oguellid,     inghiten     ghîen  ; 
fille-de-lui,         du-roi.    Se-leva    le-roi,     il-tua-Ies    sur->place; 

yeggaour.     ar        sabah  içref       s  -  el-ouzera.  Aïlligh 

il-resta    jusqu'au  matin,    ii-Rl-chercher  pour-les-vizirs.  Quand 

douchkan^     ebbi       kouJ       igensen   ikhfaouencen    gha-'/-Afn. 
i4s*ontr(>rent,il-coupa  (à)  chacun  d'eux        t<^ies-d'eux    à    l'instant^ 


APPElfDICB.  554 

Ikchem    dar^el-bint^     ithou    ar-ïolla  ;       tennaïas    el'-bint  : 
Il-entra    chez*la-fille,  il-se-mit  à-plearer;   elle-dil-à-lui  la-flile  : 

Maki-yaghan  aïllîgh  ar-tellat  aï-agueilid  ?  yak 

Qa^eslrce-qui-te-nuisant  (lenuit)pour-quetu-pleures6  roi?     à-tof 

ourak    immout    yan     zegh-(iarek  ?     Innaïas  :        Ëoghîgh 
pas-à-toi  est-mort  quelqu'un  de  cbez-toi  ?  11-dit-à-elIe  :    J'ai- tué 

7-ouezir  e//î  kem  iddiouen.  El*b%nt    elli      isellan 

le-vizir    qui  vous  amenant  (a  amenée).  La-fiUe   qui    entendant 

eîmmout    el-ouzir  tebbi    houl^-ma  telsa 

(entendit)  que-fut-mort  le-vizir     coupa  tout-ce-dontelle-était-ha- 

gh'  inserafens  ;         têlhou        artella  ,  our 

billée    des    eflfets-d'elle  ;  elle-se-mit  elle-pleura  (à-pleurer),  point 

tesbory        our      techetta        ouala    'rtessa     ghied 
elle-eut -patience,  point  elle-mangea  et-non   elle-but     de-nuit 

oula         zal.  Tenna      ïoguellîd  :     Loukoun    our 

et-non  (de)  jour.  Elle -dit       au-roi  :        Si-c'était  ne-que 

d*  l'Ouzir-an  ,   tenghît, 

de    vizir  -  ce  (si  ce  n'était  ce  vizir)  tu-as-tué-le   (que  lu  as  tué), 

our  adh'     tezrat     gbtn  I    Innaïas  :       Makh  ?       Tennaïas  : 
point  moi  tu-verrais  ici  I  ll-dit-à-elle  :  Comment  ?  Elle-dit-à-lui  : 

Baba  yengha     irgazen  oggar  en  mta   el-ouzara   'n- 
(Mon)  p(ère      a -tué  dcs-hommcs  plus    de  cent      vizirs  de 

iguellidan   elli  ya^/66an  ;       koullou     zerighten  ;     our 

rois         qui  (me)  demandaient  ;      tous       j'ai-vu-les  ;    point 

iddjoud       nekki         aïzran     zoun     d'aghouan       abadan. 
jamais  (?)     moi         ai-je-vu  comme     de-cclui-là       jamais 


552  mSTOlRB   DBS     BBRBÈBI9. 

Aiàotiedas      'l-akhbar      ghemkelli    izoaaren.     llhom 
EUe^répéta-à-loi    la-noavelle        comme       dessus.        Se-mit 

ougaelltd    yahzen  fellas.  TekemmeUt  el  kisset. 

le-roî   il-s^attrista  (à  s'atirister)  sur-lui.  Elle-esUfini  Tbisteire. 


Noas  donnons  ici  les  deux  premiers    chapitres   du    Bahr- 
ed-Domouâ  - 


^     f^yXJUà^^     JU^,    \j\ 


Inna     icemeg     idafen  igan, 
A  dit  le-serviteur  faible  étant  (qui  est), 


(Xy^^y  U^  kJî^^**^' 


Imeikîn  igao         bou-donoubi, 
Pauvre    étant,    plein-de-péchés, 


^^  ylSÎ  Je  ^  *x^ 


Mohammed-ben-Ali  igan  osouci, 
Mohammed  Qls  d^Ali  étant  de  Sons, 


4^  tyu4^:>l  J\j^ 


Aouzali,      adas    ydfou  ilahi  : 

Rouzalien,      à-lui  que -pardonne  Dieu  : 

Bismi         'Ilahi         es-ie(]ftgh  aoual  iwaltidi 

Au  nom  do  Dieu  que^ja-commence  un-discours      qui.  .   .  •  .  (V) 

Es  -  sàlatou    oua-selam  aleika  a-nMi  Ahmedif 
La  bénédiction    et-Ic-saiul    sur-toi  ô  Prophète  louable  « 


IPPERDICC  5â3 

Nettan     de    kra  yourou  ouala  'z-zoudjat 

(sur)    lui        ei  ceux  qu'    il-a-engendrés       ei  (ses)    épouses 

oua  'l-ashabi, 

et  (ses)       compagnons, 

]ym^  OfUMjl   (jM|^Âé>  ^jmJuuuo^ 

D'et-ta6éïnnès         gho    gharas  ar    acef 

Et  leurs-successeurs     dans  la  (bonne)    voie         jusqu^au  jour 

n*el''djeza* 
de  la  rétribution. 

Guigen     aïdénegh  adren  ^l-mohibbînn'el'kotbi 

Souvent    de-nons     ont-demande  lesamîs     des-livres 

CSi^^yi^^  iS^^  tr^'  Uàx:^^ 


N'  el'fnauoiAddha        irazzamen  imezguoo 

De  bons-conseils       qui  attacheraient    les  oreilles  (l'attention) 

ihîou  d'el-kelbi. 

et  rendront  la  vie  au  cœur. 


Se^n-nadhm        oo-tamazight  enni         folktn 

(qui  seront)  en-vers         en    berber  (langage)      qui  (est)      beau 

igan     Vddjobi 
qm  est  la  merveille  (du  monde). 

Ennan  :  Hefûkih     oken     aïllan  ghoualtdi 

llfi-4ireDt  :  le  docteur    seul      est     (capable)  d'une  telle  (tâche): 


554  niSTOIRB   DBS   BEBBËRES. 

Teskert  d'el-ahkam      B^es^cherà  ;     adek     idjazza 

Tu  auras  agi     selon  les  maximes     de  la  loi  ;    que  te  récompense 

ilahi  ! 

Dieu  !  .  • 

Âfitma  I     el-maouadha  tebderem  nekkfa 

Frères  !  les  conseils  (que)  yous  mentionnez,        moi  (je  les  prends^ 

arguîgui. 
sur  moi. 


Oualakin         er^edjiou  gha   ro&ii  d'e^-cAet^A 

Mais  (mon)    espérance  (est)  dans  le  Seigneur  et  (dans)  le  cheikh 

aîcemdi. 
(qui)  est  parfait (c.-à-d.  Mohammed). 


Er^redjenou  oulinou  aibelleghi 

L'espoir- de-moi,  de-mon-cœur  (est  qu'ilj  me  fasse  atteindre 


le-maksodi. 
mon  but . 


Jl)^  (jj;*x533^^!  \i!fjjmjx^  *Xi 


Caddama^h    ar-serek        el-Baril         iouellîk        idderntn 
Nous  avançons  au-devanl-toi,  6  Créateur  1  toi  que  Ton      implore 

gho  zali. 
de  jour. 


APPENCICE.  555 

Oula  nd    our-te^Aa/e/en  ;       adiï    terzemt     Vebouab^ 

Et  (de)  nuit  sans-ôtrc  -négligent;  à  moi  ouvre  les  portes(de  ta  faveur), 

Tegait  serr,  a-Moulana  !     gho    walinou 

Place    (ton)  inspiration  (?)      ô    Seigneur  !      dans  ma  parole 

de-l-ca/6ioou; 
et  mon-cœur; 

Enni'tezza^  gha  M-ca/i  iwats  izgharan 

Laquelle  restera  dans  le-cœur      (et)     /ui-apportera  les  promesses 
••  • 

ifollodjou, 
accomplies, 

^j^  ^^j^j\  uM='3•^i  (•ï*^^^' 

AriteAdam  l-ebouatil      arisserid  ed^donoubiy 
(El)  détruira       l'erreur  (et)      lavera     les  péchés, 

Aritkekial     H-djonoud    ibiis  aricAereeifadi  ; 

(Et)  chassera     les  troupes  de  Satan  (et  les)  mettra  en  déroute  ; 

^^1  s!)*yjûjj  UJ^U  JUJ^^ 

Oua  *n  el-islam         a^Moulana^       rerenghodek         an 
Et,     de  Fislamisme     ô  Seigneur  !  nous  olï^ons  ici  à  toi    cet 

touba 
(acte  de)  repentir. 


556  HISTOIRE    RBS    BERBEIIBS. 

f54^{  J!^>I  yy^s  (jx^  „jS3 

Tegueit    el^alamina  douinweo  ouala 

Mets  toutes  les  créatures  (d'accord)  avec  toi  ainsi  que 


^l-acoual^  aïilahi  / 
(leurs]  par 3les^  6  Dieu  ! 


jjA^I  Ui^U  v;;>3«X4> 


TeAdout  ya  Moulana,  afétinîn       es-souahi. 

Tu  (le- )  dirigeras  ô  Seigneur,    afin  qu'ils  parlent  la  rériié . 

Aweffec      ie/id/icou    da  '/'cau/inou 
Fais  accorder  (nos)  actions  avec  (nos)  paroles  (cela  n'est) 

ourigui. 

pas  pour  toi  (difficile). 

L'eau/    6/a     a/ii/,         nedji      a    rabbi ,         'x-gutci. 
Parole    sans     actes,    déliyre-moi,  ô  Seigneur  décela. 

É^^^'^T,^'  (:X*^  tê^  ^^^  oOjiû:? 

Tene/jfet,     ya  Afou/ana  s'kra,        negh  ien/iien,  our     kra 
Tu  as  prodigué,  ô  Seigneur,  des  choses  à  nou^  utiles  ,  tien    dans 


gutci. 

elles  (nous  a  profité). 


^^u*l^Xj^  Jl^^iM^Xà»  ^-«MN  ^t 


llleu  icemanegh,     guici  Mla         kra 

Ëtant  (il)  nous  entend,    en  lui  est    la  chose        (la  gràco) 


APPENDICE.  557 

ne/6ert. 
(que)  nous  reTÔtissions . 

Takhetemtt  yaMoulena,  fellaoagh     ^sel-kheir 

Imprime  ion  sceau,  ô  Seigneur,      sur  nous    avee  le  bien 

ouata  U-mohibbînî, 
et  aussi  (sur)  les  amis, 


^U.il  j*^  ^.^^  ^3  iJiT»^^   (j^^-*^ 


ift 


Ouâ/a  imoslemin  adjmaîn  otiata        H-oualidaïn    yauma 
Et  (sur)  les  musulmans  tous    et  sur  (mes)    parents         au  jour 


'Uhiçahi. 
du  jugement. 


^t    lyuJ^^J    JA^il    ^^^OJI 


Bahr  ed-Domouâ  adguigh  e/»it(a6edinott  eïkéi' 

(Le  tilre  de)  La  Mer  des  larmes  j'ai  placé  (sur)     livre-ce- mien    (?) 

jt^XJ^  (^^^:>;l  ix«|;l;j)  |;ÂXaJu 

Yan  £      /e^ro^an  irer         emetta 

Quiconque  (se  met)  dans  cette  lecture       rendra  des  larmes, 

izdi  nit       amdani, 

(les)  augmentera  vraiment  exprès. 


Coubelt  .  ouala  U--alemin    koulloieUj      à      ouahdaho  / 
Accueille-le,  ainsi  que  les  savants    tous,       6  toi  qui  ea  l'unique  l 

Lekerm* dXàà  teguit,  ya  rabbi  !  ghel-ftAeir  gui     -    cemegui; 
Grâce   cetle    fais,  ôSeigneur!  avec  le  bien  envers  (ton)  serviteur; 


558  HISTOIRE   DBS  BBRBkRES. 

Lebab  en  tawaçoa      ne-^rabbi,     agh ,  bedigh^ 

Le  chapitre  de  la  conoaissance  de  Dieu,     par  (lui)  je  commence  , 

aouni  guts  ! 

mon  secours  (est)  en  loi  ! 

^^\  ^^t*X5t  Ui^U  (j-Jl»y 

Âouïsi     guis,  â  Moulanay  atidaouigh,  aïilahi  I 

Aide-moi  en  cela,  6  Seigneur,  afin  que  je  i^accomplisse,  à  monDien! 

^U  U-My  c;wJw  cxâJ.  ^j\Sij\ 


Aigan  6/-  djennet    n'ed-dounît  tawaçna         n-ilahi. 

C'est    le-paradis    dans  ce  monde  (que)  la  connaissance  de  Dieu. 

3 


Oua  netta  our     aïssen  zoun  ;  our  iga  dounit  adi. 

£t  lui,  il       ne  connaît  (pas  de)  semblable;  il  n'est  pas  de  ce  monde. 

j^Joî  (j^Xii-l  (jMéJ  ùJ^\   cih'v^ 

Ouin         itran      imned,  issen     ikhfens     afedi 

Qui<;pnque      veut    regarder  sait         sa  tôte  (lui)  que 

Our    guis  ;  aïssen  oual     ilidkhalkeu     mamink     iga. 
(Dieu)n'est  pasenlui;  sali    celai  qui  Ta  créé     comment  il  est. 

Mekenn  iga  'l-makhlouc         han     (?)  el-mokhlikens    our 
Gomment        la  créature    peut-il  voir  (?)  son  créateur,      point 

ligui     (?) 
il  ne  lui  ressemble  (**) 


APPENDICE. 


559 


(^wytl^  y}^S]    (^yJAXj   ifJui    p«3sjîj 


Ben^Âdem  iga  kou  n-nacsan^      iga     koutou     bou-'l-àibi. 
L'homme  est  touto  imperfection,  il  est    tout        plein  de  défauts. 

El^Khalekens  our         guis     en^nacsan  ouala  illa  'l-aïbù 
Son-créateur  point  (n'est)  en  lui  imperfection  et  point  n'est  défaut. 

El-aousaf  cl-koullou  folkinin  agh  (b)  îlla  (a)   ilahi. 
Les  qualités      toutes     belles    sont  (a)  dans  (b)  Dieu, 

^^*>ijU-l  ^ljU«J  Ua^l  ^  ^OUJ  Jl 

Iga  *l'Cadim     el-bakl,       ihya,  içfaou'  içofledi. 

11  est  l'éternel,  l'immortel,  il  donne  la  Tie,  il  éclaire,  il  entend . 

ar-içaoual,    yalem  kra  lillan,         izdhar       ma     ira. 

11  parle;    il  sait ,  touto  chose  qui  existe,  il  peut  faire  ce  qu'il  veut. 


Arinegha       van  ira,  irJt  Ben^Àdem  uegli 

Il  tue    quiconque  il  veut,  (soit)  que  le  veut     Thomme    soit  que 


ohoui. 
non. 


Aviidebber  el^omour^  our       ichaouer  yan         iterc^uîn. 

11  dirige    les  choses,  ilne  prend  conseil  depersonne  autre  que  lui, 

Ihtdddjù    seres     koyan,  our      ihtaddja  es-yan 

A  besoin     de  lui     chacun,  il  n'a  pas  besoin    d'aucun  de  (ses) 


360  lUSTOIBE    DBS  BBKDBRES. 


icemgan. 
serviteurs 


âio^t  ^^>j^  uy^y^^ 


Honciel     ,  ai-ouguennoun  t     raondet,     ai   oguellidani  I 
Regardez-le,    ô        génies  I         regardez-le,  6        rois  l 


Sobhan        Rohhi    Hli     tenyoumzen      blà    aoucaf  a 
Exalté-soit  le  Seigneur   qui       les  enlève       sans  résistance  ô 


benadem. 
homme. 


^JoXiUJlj^.!  ^^^l^bv;»JOU 


Monden  ton,     itrao,     aiour     oualà    tafoukt  adi  ; 
Regardez-les,  les  étoiles,  la  lune      et  soleil  -  ce  ; 

Yan     guiccn  îghaben   i^  dou    akal  adissellldi. 

Chacun^  d'eux  disparaît    sous      ia-terre  et  il  revient  encore  (?)  ; 

Temnedem  ikh  i^ou//ou    temmou^em,         y^hya        kon    di. 
Vous  voyez  que     tous       vous  mourrez^  il  fera  vivre       vous    là. 

ktxicerf    makedd^     ira;     ghi/mo/A:ens       iga   oguelltd. 
11  gouveri.e  comme  il  veut;  dans  son  monde  il  est       roi. 

« 

Our    yechrtk     ad     yan,       our  itouala         yan 

Il  ne     s'associe      personne,  il  n'a       pour  compagnon   personne 


,  APP8MD1CB.  564 

bla      Delta      ouahdou. 
eicepté  Ini-mCme     seul . 

^^yMS\  tiyuwl  vJift^UL  JjS^pl>XJ 

Ilazen    koul        el-khalaïc      atifootm,        aiazzouni. 
11  faut  qae  loates     les  créatarea  lai  obéissent  (et)  rbonoreot. 


Les  négocients  musulmans  qui  habitent  les  provinces  méri- 
dionales de  Tempire  marocain  se  servent  dti  dialecte  chelha  dans 
leurs  lettres  de  commerce.  Nous  donnons  ici  le  texte  et  la  traduc- 
tion littérale  d*une  de  ces  pièces. 

Mohibhina    fi  'Uahi      haccan      oua  yakinan  ;  oua  dhalika 
A  mon  ami    en  Dieu    véricablement    et  siac^rement:  ellni  c'est 

ad   Mohammed-ben-Folan  ]    selamon  alaïka  oua       rahma-* 
le  ctd  Mobammed^  fils  d'un  Tel  ;  le  salut  soit  sor  toi  et  la  miséricorde 

^i'Ollahi  oua  bereketohou.  Aïmodekkolino    icak    seghîgh  eU 
de  Dieu      et    sa  bénédiction .  0  mon  frère  I  pour  toi  j'ai  acheté  des 

louz^  iggoulhen  d'ilem  iga  outn  el^mdzi  ,  hati  illa 
amandes    beaucoup   et  des  peaux  qai  sont    de  chèvre  ;  voici  elles 

gou-foucinou  lah  matiltessen, 

sont  entre-mes-mains^  mais  ilny-a-personne  pour  les-prendre; 

lah  xtreffakeïï  ;  iganîn      ihahan     idroucen  ; 

il  n'y-a-pas     de-cbameliers  :  ceux     de  Haha   sont-rares; 

imma     nekki     illigh  ghomoddou;         adeftough 

quant-à      mot   je-suis  (prêt)  à  (faire)  un-voyagc  ;  afin-que-j'ailie 

ar  Merrakech;  adsegh  kouttou  mada  righ»  Tessent 
jusqu'à       Maroc;     j'achèterai  tout       ce^que je- désire.  Tu  sais 

T.  IT.  36 


562  DISTOIRB  DBS   BBBBÈaES.  • 

ilkem  '    omoggar      ne  mars  ;       adecdough 
qu'approche  la-foire        de  mars  ;     je-termioerai  (mes  achats) 

ourrtghed;  hali       nekki      oucjgk       ogma       adak 

et-je-reviendraî-ici;    voici         moi    j'ai-chargé  mon-frère  qn'à-toi 

içarf     kouUo    H-homoul     ad-ellanin     ghtd.       Darîngh 
il- envoie     tous       les-ballots    qui-soot  ici.       Chez-nous 

tamactrt    tehenna      âlakheir      oual      agharas.  £/-tfac?((/ 
le-pays-est    tranquille  et-en-bon  état  ainsi-que  la-route.  LeHaddj 

Ahmed  illa  gho-Aghadir;     nedfà    yas    konllo-^l^mal 
Ahmed  est    à  "  Agadtr  ;  nous-payons  à-lui   tont-rargeot  (impôts) 

n^'-el  '  makhzen;        iferra    fellanegh     imharkin. 

du  gouvernement  ;  îl-a-reparti  sur-jious  les^contingents  (troupes). 

Serf-you    &  kra  H-iittan  igan  es-sabao  ;   otia-e^*«e/am  ;  oua 
Envoie-moi  un  peu  de  toile    étant    calicot;      et         salut;       et 

katib     al-horouf      .  ileik  amodekkoIinBk  El-Hadij 

'écrivain  de-ces-lettres     à-toi  (c'est)  ton  ami  Lë-Hadj 

Ibrahtm,     oua     /î     acheret    aïyam   min     dhou     ^-IHiddja 
Ibrahim,     et     dans       le  dix  des  jours    do       dhou      'l-Hiddja 

âam     4255. 
de  Fan  1255. 


CONTE    TRADUIT   DX   L'aRABB    EN    ZOUAOUA . 

Thahkattli  ouguelltd  d'où  fellah. 

HISTOIRE     BU    ROI    ET   DU    CULTIVATEUR. 

Kisra  îâdda  youfa  afellah         da  -  ithezsou 

Chosroès  il-passait  (el)  trouva     un-cultivateur  que-plantait 


APPENDICE*  563 

thezdaïth;  netsa         d'amghar  moggar.    Inna    Kisra  : 

un  dattier';    lui      c'étaiNuo-vleillard         âgé.        Dit    Gboaroès  : 

a 

Wahntmegh     deg     amgliar     agui     da-ïetlaçal     ad-ïetch 
Je-suis-étonné  de- ce  vieillard      ci         qu'il-pense  qu'il-mangera 

themrmin  ^  an     tbezdaïlh     agui  I     netsa  our     itsilli 

les  fruits    du       dattier         ici  1       il  (les  fruits)    ne    sera  pas 

alemma         dddan  aich^-hcU       issegaceu  I      kotchini, 

jusqu'à-ce-que  soient  passées  beaucoup       d'années  1  toi, 

aï  fellah  !  ikfa         â/-amrtk.     Innaïas    oumghar  : 

ô  cultivateur  1  se  termine         ta-vie.       Dlt-à-lui    le- vieillard  : 

Aï  oguellid,  ezsan,  nelcha  ;  anezsou 

0       roi,       il  (d'autres)  ont  planté,  nous-mangeons;  nous  plantons^ 

adetchan.  Inna      oguellid  :       Tàdjehe^      deg 

(d'autres)  mangeront.       Dit  le  roi  :    Je  m'émerveille  de  ces 

awalin  agui  ;     efkas  alf  xdinâr^u^     ïou -fellah, 

paroles-ci  ;     donne-lui       mille  dinars^     au  cultivateur 

Ifkaïacen,     Innaïas      oufellab  :       Âï  oguellid,     ihâdjel 
On-les-lui-donna.  Lui-dit  le  cultivateur  :  0     roi,       a-été-précoce 

thezdaïlh  agui     si     tàemnwXxï,     Adjtbïi,  ouguellld,  aowal 
ce-dattier    cl    avec     des-fruits.     Plut-à-lui    au  roi,  (cesj  paroles 

V  * 

I 

agui  ;       inna  :     Ifkas  alf    idtnUren.     Innaïas  : 

ci  :  (et)dit  :    Donne-lui     mille     dinars.  Lui-dit  (le  cultivateur): 

Âï  oguellid,'     koul  chi      ad     H-adjeb,         lamâni     thezdaïlh 
0       roi,       chaque  chose  est  une  merveilUe,  surtout  (ce)  dattier 

agui  ;     thourou     merràtaïn    doug-seggas.     Inna    ougueliid  j 
ci  ;    il  a  produit       deux  fois    dans  l'année.        Dit       le  roi  : 


364  HISTOIRE    DBS  BBBBBSB6. 

Ifkas    ûlf    xdinùrQïk    nidoia.         Irouà. 
Donaa-!ai  mille  dinars       autres,    et  il  s'en-alla . 


Quelques  pièces  en  dialecte  touareg  auraient  pu  se  pincer  h  la 
suite  de  ces  extraits,  mais  elles  présentent  des  diflScultës  telle- 
ment 'graves,  que  nous  devons  en  suspendre  la  publication. 
L'écriture  des  Touaregs  pourrait  donner  lieu  è  plusieurs  obser- 
vations, si  DOS  renseignements  étaient  assez  complets  pour  auto- 
riser l'examen  de  ce  sujet  intéressant. 


On  voit  par  les  extraits  précédents  que  la  langue  des  Berbères, 
dans  son  état  actuel,  renferme  un  grand  nombrede  mois  arabes  ; 
cette  race  africaine,  ayant  accepté  la  religion  du  conquérant,  a 
toujours  tâché  d'en  adopter  le  langage.  Plusieurs  tribus  berbères 
ont  fini  par  oublier  leur  idiome;  et  les  autres,  h  Texception  tou- 
tefois des  Touaregs,  se  sont  formés  des  dialectes  hybrides  dans 
lesquels  l'élément  arabe  tend  graduellement  h  prédominer.  Par- 
tout où  l'islamisme  s'est  introduit,  la  langue  nationale  a  subi 
l'influence  dn  la  langue  arabe  au  point  de  s'en  laisser  saturer  ou 
de  se  neutraliser.  Le  Berbère  s'est  assimilé  l'arabe  avec  une 
grande  facilité;  il  a  même  accueilli  des  mots  appartenant  aux 
turc  et  aux  langues  européennes;  de  nos  jours,  il  reçoit  sans 
difficulté  certains  termes  français  et  espagnols. 

Cependant,  il  ne  renferme  presque  rien  ni  du  phénicien,  ni  du 
latin,  ni  du  vandale;  bien  que  les  Carthaginois,  les  Romains  et 
les  bandes  do  Genserich  eussent  dominé  assez  longtemps  sur 
l'Afrique  pour  pouvoir  communiquer  aux  indigènes  une  partie 
des  mots  dont  se  composaient  leurs  langues.  Il  est  vrai  que  les 
peuples  berbères  latinisés  vivaient  à  demeure  fixe  ;  aussi,  quand 
la  conquête  de  leur  pays  par  les  musulmans  les  priva  de  l'appui 


APPKNDICB.  565 

des  Romaios,  ils  se  virent  exposés  aux  envahissements  des  Ber- 
bères nomades  :  une  partie  fut  exterminée  :  le  reste  se  dispersa 
dans  les  tribus  et  perdit  bientôt  tout  ce  qu'il  avait  appris  de  la 
civilisation  européenne.  Un  siècle  auparavant,  les  débris  du  peu- 
ple vandale  étaient  allés  se  confondre  avec  les  tribos  berbères  de 
l'Auras;  la  population  punique  avait  disparu,  ainsi  que  son  dia- 
lecte sémitique,  bientôt  après  le  triomphe  des  Vandales;  et  Ton 
ne  peut  guèr^  supposer  que  les  Berbères  insoumis  et  moitié  sau* 
vages  eussent  daigné  apprendre  et  conserver  quelques  mots  ap- 
partenant aux  langues  des  peuples  qu'ils  avaient  toujours  dé- 
testés et  qui  venaient  de  succomber. 

Ibn-Kbaldoun  a  consacré  deux  chapitres  de  son  ouvrage 
(tomei,  page  467  etsniv.,  et  tome  m,  page  480  et  suiv.) 
à  l'exposition  et  à  l'examen  des  renseignements  fournis 
par  les  écrivains  musulmans  qui  traitent  des  origines  berbè* 
res.  Les  opinions  qu'il  discute  et  qu'il  réfute,  presque  toujours 
avec  raison,  proviennent  de  deux  sources  ,  l'une  arabe,  l'autre 
berbère.  On  pourrait  attribuer  une  certaine  valeur  aux  indica- 
tions fournies  par  les  auteurs  arabes.,  si  l'on  ne  savait  pas  que, 
dans  l'histoire  des  deux  premiers  siècles  de  la  domination  mu- 
sulmane en  Afrique,  les  dates  les  plus  importantes  sont  inexac- 
tes et  que  le  récit  des  faits  est  très-incomplet  et  souvent  peu 
croyable.  Jusqu'au  milieu  du  deuxième  siècle  de  Thégire,  les 
annales  de  l'islamisme  ofTrent  une  foule  de  contradictions  et  de 
lacunes;  pour  ce  qui  regarde  l'Afrique  septentrionale,  on  remar- 
que, surtout  dans  les  plus  anciens  historiens,  des  fausses  dates 
assignées  à  la  nomination  des  gouverneurs,  et  l'on  s'est  aperçu 
que  l'exposition  des  événements  politiques  qui  eurent  lieu  pen- 
dant celte  époque  ne  peut  soutenir  un  examen  critique.  Sans  le 
secours  de  la  Byzantine  et  des  chroniques  européennes,  nous  ne 
saurions  avec  certitude  ni  l'année  de  la  prise  de  Carthage,  ni 
celle  de  la  conquête  de  l'Espagne.  Même  en  ce  qui  touche  à  l'his- 
toire de  leur  propre  pays,  les  Arabes  n'ont  jamais  eu  que  des 
notions  très-confuses.  Hors  les  événements  qui  signalèrent  la 

carrière  de  Mahomet,  tout  ce  qu'ils  nous  racontent  de  l'ancienne 
Arabie  est  peu  satisfaisant  et  souvent  contradictoire.  Leurs  gé- 


/ 


r 


566  HISTOIRB    DES  BERBERES. 

néalogies  mêmes,  ces  souvenirs  auxquels  ils  tenaient  avec  l'esprit 
le  plus  vif  de  Pamour-propre,  ne  sont  pas  toujours  complètes  : 
celle  de  leur  Prophète  offre  une  énorme  lacune  que  les  musul-' 
mans  les  plus  savants  n'ont  jamais  pu  combler,  malgré  leurs  re- 
cherches. L'histoire  des  rois  himyerites  résiste  à  toutes  les  ten- 
tatives que  nos  orientalistes  ont  faites  pour  la  débrouiller;  celle 
des  deux  familles  les  plus  célèbres  de  l'Arabie,  des  Ghassanides, 
phylarquesde  la  Syrie,  et  des  Lakhmides,  rois  de  Hira,  s'accorde 
rarement  avec  les  indications,  bien  plus  dignes  de  foi,  que  nous 
trouvons  dans  la  Byzant%ne.  Leurs  données  sur  l'histoire  de  la 
Perse  pendant  les  temps  antéislamiques  fourmillent  de  fables  et 
d'inexactitudes  ;  leur  histoire  des  Patriarches  est  d'une  absurdité 
révoltante  :  leurs  notions  relatives  à  l'empire  romain  et  à  Pem«* 
pire  byzantin  sont  presque  nulles.  On  ne  peut  donc  espérer  des 
Arabes  une  suite  de  bons  renseignements  sur  un  peuple  aussi 
obscur  que  la  race  berbère. 

Comment  pourraient-ils  nous  enseigner  l'origine  de  ce*peuple, 
eux  qui  n'avaient  pas  fait  des  recherches  sur  leur  propre  origine, 
tant  qu'ils  ignoraient  l'islamisme?  Ce  fut  seulement  dans  le  troi- 
sième siècle  de  l'hégire  que  les  Arabes  commencèrent  à  écrire 
leur  histoire  :  avant  cette  époque,  ils  étaient  trop  occupés  de 
conquêtes,  de  pillage  et  de  leurs  guerres  civiles  pour  y  penser. 
Aussi,  quand  les  premiers  historiens  musulmans  eurent  entrepris 
de  mettre  par  écrit  les  grands  événements  qui,  jusqu'alors, 
avaient  marqué  la  carrière  de  l'islamisme,  ils  se  trouvèrent  dans 
l'impossibilité  de  tieii  préciser  au  milieu  d'une  masse  de  tradi- 
tions véreuses  et  de  récits  discordants.  Ils  durent  se  contenter  de 
rapporter,  sans  examen,  tous  les  renseignements  qu'ils  avaient 
recueillis,  et  de  laisser  au  lecteur  le  soin  d'y  chercher  la  vérité. 
Les  ouvrages  d'Et-Taberi,  de  Mohammed-Ibn-Ishac,  d'Abou-'l- 
Feredj^el-Ispahanictd'Ibn«-Abd-el-Hakemensont  la  preuve. 

Ibn-Khaldoun  cile  les  écrits  de  plusieurs  savants  arabes  qui 

,ont  traité  des  origines  berbères;  mais  tous  ces  auteurs,  à  l'ex* 

cepiioo  d'un  seul,  du  célèbre  Ibn-Coteiba,  composèrent  leurs  ou-* 

vrages  postérieurement  au  troisième  siècle  de  l'hégire;  A  reroon-^ 

ter  de  celte  époque  jusqu'à  la  chute  de  Carthage,  on  trouve  plusL 


APPENDICE.  567 

de  deux  cents  ans  ,  période  de  combats  et  de  révololions 
pendant  laquelle  les  souvenirs  nationaux  du.  peuple,  berbère. ont 
dû  s'altérer  et  même  s'effacer  sous  Tinfluence  de  l'islamisme.  Ce 
fut  cependant  aux  Berbères  que  ces  écrivains  ont  dû  empruatef 
les  renseignements  -qu'ils  rapporteni  ;  autrement,  ils  les  atiraient 
inventés.  On  prévoit  d'avance  le  désaccoird  qui  doit  régnep  entre 
ces  indications  ramassées  au  hasard  et  provenant  de  diverses 
sources.  Sqlon  Ibn-Coteiba  (voy.  1. 1  de  cette  traduction»  pages 
475  et  484,)  et  Djordjani  (voy.  1. 1,  p.  26) ,  les  Berbères  sont 
les  enfants  de  Djalout  (Go/la^A)  ;  selon  Ët*Taberi  (t.  i,  p.  475)  » 
ce  sont  des  Cananéens  et  des  Amaléciles  qu'un  certain  Ifrtcos 
transporta  en  Afrique  après  la  mort  de  Djalout  ;  —  selon  Es-Souli 
(t.  I,  p.  476j,  ils  descendent  des  Misraïm,  c'est-à-dire,  des  an- 
ciens Égyptiens;  —  selon  Ël-Masoudi  (t.  i,  p.  474),  ils  faisaient 
partie  des  Ghassanides  du  Yémen  ;  —  Ibn-Abd-eUBerr  (tome 
I,  page  474  )  repousse  la  tradition  qui  fait  descendre  les 
Berbères  d'un  peuple  yéménite  ;  —  lbn*Hazm  (tome  i,  page 
48  )  regarde  les  Zenala  comme  les  descendants  de  Berr , 
mais  il  oublie  de  nous  informer,  chose  cependant  assez  im- 
portante, si  ce  Berr  était  fils  de  Gaïs,  et,  par  conséquent , 
d'origine  arabe,  ou  bien  s'iV  était  fils  de  Canaan  ;  —  Bekri  (t.  i, 
p.  477)  fait  chasser  les  Berbères  de  la  Syrie  par  les  Israélites 
après  la  mort  de  Goliath;  ---  Malek-lbn-Morahhel  (t.  i,  p,  476^ 
t.  iT,  p.  96,  l'Anthologie  grammaticale  de  M.  deSacy,  p.  443), 
essaie  de  concilier  toutes  ces  données  ;  selon  lui,  «  les  Berbères 
B  se  composent  de  diverses  tribus  bimyerites,  moderites  (arabes), 
»  coptes,  amaléciles,  cananéens  et  coréickides  qvki  i'éieieui 
»  réunies  en  Syrie  et  qui  parlaient  un  jargon  barbare.  Ifrîcos  les 
»  nomma  Berbères,  »  Il  y  avait  donc  des  Coreiebides  du  temps 
d'ifricos;  or,  Coreich,  Taïeul  de  cette  famille,  naquit  vers  l'an 
200 de  notre  ère;  donc,  les  Berbères  et  Ifricos  lui-même,  colu 
qui,  ditron,  donna  son  nom  à  l'Afrique,  arrivèrent  en  ce  pays 
entre  les  ans  222  et  622  de  notre  ère  I 

Ibn-Khaldoun  repousse  toutes  ces  opinions  et  nous  dit  hardi- 
mentque  a  le  fait  réel,  fait  qui  dispease  de  toute  hypothèse,  est 
«  ceci  :  les  Berbères  sont  les  enfants  do  Canaan,  fils  de  Chan^ 


568  HISTOIIK   DBS   BBftBfiBBS. 

B  GUdeNoé.  x»  (t.  i,  p.  484).  Notre  auteur  avait  du  jugement, 
du  bon  sens,  bec^ucoup  plos  qu^I  ne  s'en  trouve  ordinairement 
chez  les  auteurs  musulmans;  il  réfuie  très -habilement  les  opi- 
nions de  tous  les  écrivains  que  nous  venons  de  nommer,  mais  il 
oublie  de  nous  dire  sur  quelles  bases  il  a  fondé  la  sienne.  Il  sa- 
vait, cependant,  très-bien  que,  dans  les  questions  historiques  il 
faut  des  preuves,  et  que  ces  preuves  doivent  être  oontrAiéesavec 
beaucoup  de  soin  ;  c'est  fâcheux  que,  dans  la  partie  la  plus  inté- 
ressante de  son  ouvrage,  il  ait  perdu  de  vue  ce  principe  salu- 
taire. Ausfti,  dans  cette  question,  son  assertion  ne  vaut  pas  plus 
que  celle  de  ses  devanciers. 

Il  avait  entre  les  mains  plusieurs  traités  généalogiques  et  his- 
toriques composés  par  des  érudits  de  race  berbère  et  rédigés 
probablement  en  arabe,  ainsi  que  nous  avons  eu  Toccasion  de  le 
faire  remarquer.  Il  les  cite  en  divers  endroits  de  son  ouvrage  ; 
il  en  donne  même  des  extraits  ;  mais  il  ne  dit  pas  en  quelle  lan* 
goe  ces  traités  furent  écrits  et  il  néglige  d^eo  nommerles  auteurs. 
Tout  ce  que  son  ouvrage  nous  apprend  h  cet  égard  revient  à  ceci 
que,  parmi  les  historiens  et  les  généalogistes  berbères  les  plus 
distingués  Ton  remarquait  : 

4<^  Sabec-lbx^-Soleiman,  membre  de  la  tribu  des  Matmata  ; 

S«  Hani-Ibn^Masdour  (ou  Isdour),  de  la  tribu  des  Koumîa,  et 
probablement  généalogiste  de  la  famille  royale  des  Almohades; 

Z^  Hani-Ibn-Bekour,  de  la  tribu  des  Dartça  ; 

i^  Ibn-Sabec,  fils,  peut-être,  de  S«bec*Ibn*Soleiman  ; 

5^  Kehlan-lbn*Abi-Loua,  le  matmatien  : 

6^  Aïoub,  fils  du  célèbre  aventurier,  Abou-Yeztd  ; 

7^  Abou-Hohammed  -Bou-Ighni,  de  la  tribu  des  Berzal  ; 

8^  Ibrahîm-eUTlmzoughti,  généalogiste  zenatien. 

Le  cinquième  et  le  sixième  de  ces  personnages  vivaient  dans 
le  quatrième  siècle  de  l'hégire  ;  le  huitième  enseignait  dans  la 
première  moitié  du  huitième  siècle  de  l'bégtre;  quant  aux  autres, 
on  ne  sait  à  quelle  époque  ils  écrivaient. 

Les  renseignements  fournis  par  ces  auteurs  s'accordent  aussi 
peu  ensemble  que  ceux  des  généalogistes  arabes,  et  leurs  indice* 
lions  ne  servent  qu'à  embrouiller  encore  davantage  les  notions 


iPPBNDICB.  '    ft69 

confuses  que  ceux-ci  nous  oui  transmises.  Les  uns  déolareni  qu'il 
faut  regarder  lesLouata  comme  arabes  bimyerites  et  les  Hoouara 
comme  les  desceodanls  de  Sekçak,  fils  de  Kinda,  le  yéménîte 
(personnage  inconnu  ani  Arabes).  Les  généalogistes  zenatiens 
assurent  que  leur  tribu  appartient  à  la  grande  famille  des  Arabes 
yéménites;  ceux  de  la  tribu  desGhomara  prétendent  que  cette 
peuplade  est  d'origine  himyerite;  d'autres  généalogistes  réola* 
ment  le  même  honneur  pour  les  Zouaoua  et  les  Mekiata.  Notre 
auteur  n'admet  pas  ces  opinions  ;  pour  lui,  les  Berbères  sont  les 
enfants  de  Canaan  ;  puis»  il  nous  dit  quo  les  Ketama  et  les  Sanha* 
dja  appartiennent  à  la  race  yéménite. 

Ibn-Rhaldoun  n'eut  jamais  roccasionde  lire  Tacite,  autrement 

on  pourrait  le  soupçonner  d'aroir  calqué  son  exposition  des  ori-» 

gioes  berbères  sur  celles  des  origines  juives  que  le  grand  histo- 

%  rien  latin  nous  offre  dans  ses  Histoires^  livre  y,  seet.  3  :  l'une 

est  aussi  peu  satisfaisante  que  Tautre. 

On  a  remarqué  que  les  antiquaires  musulmans  se  donnent  ra- 
rement la  peine  de  justifier  l'exactitude  de  leurs  assertions  ;  ils 
se  bornent  à  ^énoncer  leurs  opinions,  et  tont  est  dit«  Aussi,  ne 
doit-on  pas  s'émerveiller  de  les  voir  exposer  avec  tant  d'aplomb 
leurs  idées  sur  l'origine  de  la  race  berbère  :  rien  de  plus  facile 
que  d'inventer  des  théories.  Si  le  lecteur  européen  n'était  pas 
prévenu  de  cette  circonstance,  il  serait  en  droit  de  faire  plusieurs 
questions  :  comment,  par  exemple,  se  fait-il  que*  les  historiens, 
tant  arabes  que  berbères,  aient  ignoré  tout  ce  qui  s'est  passé  en 
Afrique  depuis  l'immigration  des  Berbères  jusqu'à  la  conquête 
musulmane  ?  Pourquoi,  dans  leurs  récits,  nous  parlent-ils  de 
Goliath,  du  roi  David  et  du  roi  Ifrikos,  sans  faire  aucune  men- 
tion de  ce  qui  arriva  aux  Berbères  dans  leur  nouveau  pays  ;  sans 
raconter  les  guerres  de  ce  peuple  avec  les  Carthaginois,  les  Ro- 
mains et  les  Vandales?  Pourquoi  les  historiens  de  la  tribu  des 
Lonata  —  elle  avait  des  historiens  -^  pourquoi  ont-ils  ignoré 
^occupation  de  leur  territoire  par  une  race  d'outre-merf  Pour- 
quoi n'ont-ils  pas  raconté  la  lutte  que  leur  peuple  eut  k  soutenir 
contre  les  troupes  de  l'empire  byzantin,  lutte  qui  ébranla  toutes 
les  populations  do  la  Berberie  ?  Pourquoi  n'ont-ils  pas  conservé 


570     .  HISTOIRE   DES    BERBftHBS. 

les  noms  do  leurs  chefs  qui  combatlireot  st  bravement  pour  Vm- 
dépendance  de  l'Afrique  ?  Pourquoi  onUils  omis  dans  leurs 
arbres  généalogiques  de  tribus  le  nom  des  llasguas  ,  peuple 
qui  s'était  illustré  par  ses  exploits  et  par  sa  résistance  aux 
troupes  byzantines  ?  Pourquoi  ont-ils  laissé  à  un  poète  chrétien 
le  soin  de  nous  transmettre  les  noms  et  les  hauts  faits  de  Garca- 
san,  d'Ântalaset  dierna  ?  Il  y  a  des  moments  où  Ton  est  tenté 
de  dire,  avec  Cervantes  :  «  De  los  Moros  no  se  puede  esperar 
«  verdad  alguna,  porque  todos  son  embelecfidoreSf  falsarios 
»  y  chimeristas.  » 

L'envie  montrée  par  les  Berbères  de  rattacher  leur  origine  k  la 
souche  arabe  était  tellement  forte  qu'Ibn-Khaldoun  lui-même  n*a 
pas  pu  s'empêcher  d'en  signaler  la  folie.  Deux  chapitres  de  son 
ouvrage  (t.  i,p.  498etsuiv.  ,  t.  m,  p.  483etsuiv.),  renferment 
à  ce  sujet  des  observations  très-scnsées.  Nous  devons  cependant 
avouer,  qu'aux  yeux  des  musulmans,  il  valait  mieux  descendre 
dismail  ou  de  Himyer,  que  de  Goliath;  d'une  souche  arabe  que 
d'une  souche  de  mécréants.  Aussi,  les  écrivains  berbères  n'ont 
pas  reculé  ;  ils  ont  vu  la  tâche  qu'ils  devaient  exécuter  et  l'ont 
'  abordée  hardimeut.  Les  Berbères  avaient  à  soutenir  la  dignité  de 
leur  nation  contre  la  morgue  aristocratique  des  Arabes,  tant  en 
Afrique  qu'en  Andalousie;  ayant  appris  à  lutter  contre  eux  par  les 
armes,  ils  n'hésitèrent  pas  à  s'arroger  des  litres  de  noblesse 
qu'ils  pourraient  opposer  à  ceux  dont  leurs  vainqueurs  d'autre- 
fois avaient  été  si  fiers.  Après  avoir  fondé  une  dynastie  à  Cai- 
rouan  et  à  Grenade,  nous  voyons  des  chefs  berbères  monter  sur 
le  trône  et  régner  à  Maroc,  a  Fez  ,  à  Tlemcen  et  à  Tunis.  Riches 
et  puissants,  ces  princes  aimèrent  à  protéger  les  savants,  et 
ceux-ci  ne  se  montrèrent  pas  ingrats>  Sachant  combien  leurs  pa- 
trons tenaient  à  se  donner  une  origine  arabe,  ils  firent  tous  leurs 
efTorls  pour  les  satisfaire^  Par  malheur,  il  faut  plus  que  de  la 
bonne  volonté  pour  confectionner  une  généalogie  passable  ;  il 
faut  citer  des  documents  et,  surtout,  travailler  de  concert.  Quant 
à  la  critique,  ils  n'avaient  pas  à  s'en  inquiéter,  elle  n'existait  pas 
alors  et  n'existera  jamais  chez  les  musulmans  do  l'Afrique.  Aussi 
l'aspect  seul  do  leurs  généalogies  suffit  pour  en  démontrer  la  fausr 


APPENDICE.  571 

selé,  et  leurs  pièces  à  l'appui  soot  de  la  dernière  faiblesse.  Dans 
ces  listes,  la  série  commence  par  des  noms  berbères  qui  vont  se 
rattacher  à  des  noms  arabes,  afin  d'aboutir,  par  le  moyen  de  per- 
sonnages imaginaires,  h  l'aïeul  de  l'une  ou  de  l'autre  des  grandes 
tribus  de  l'Arabie.  Les  documents  qu'ils  citent  proviennent,  di- 
sent-ils, de  leurs  ancêtres  qui,  à  une  époque  reculée,  auraient 
parlé  le  langage  de  cette  presqu'île.  Effectivement,  ces  pièces  sont 
en  langue  arabe  et  même  en  vers  ;  mais  on  n'y  trouve  ni  gram- 
maire, ni  prosodie,  ni  style,  ni  expression.  Ce  sont  do  misérablea 
rapsodies  d'écolier,  les  premiers  efforts  d'un  homme  peu  ins-^ 
truit  qui  tâche  de  composer  des  vers  en  une  langue  qui  lui  est 
étrangère.  Ces  documents  sont  tellement  pitoyables  qu^ils  suffi- 
raient pour  faire  perdre  la  meilleure  cause. 

Il  faut  toutefois  coavenir  que  les  généalogistes  musulmans 
avaient  eu  l'idée  de  faire  quelques  recherches  sur  l'origine  des 
Berbères  ;  mais  pour  se  procurer  des  renseignements,  ils  s'adres- 
sèrent toujours  à  des  étrangers.  Dans  les  premiers  temps  de 
l'islamisme,  les  Juifs  de  l'Arabie  et,  surtout,  Kâb«eUAhbar,  re- 
négat d'une  impudence  rare,  avaient  fourni  aux  musulmans  quel- 
ques  idées  sur  l'histoire  du  monde  pendant  les  siècles  anteisla- 
miques  ;  renseignements,  mal  cousus,  mal  rapiécés ,  où  le  fond 
disparaissait  sous  les  morceaux  de  hasard  que  ces  misérables  fri- 
piers de  notions  historiques  y  avaient  rapportés.  Pour  l'ancienne 
histoire  des  Berbères,  on  a  eu  recours  à  des  sodrces  tout  aussi 
suspectes  :  aux  indications  fournies  par  les  médecins  juifs  de  Gai- 
rouan  et  par  les  chrétiens  asservis  de  la  Syrie  et  de  l'Espagne. 

Dans  la  masse  confuse  de  traditions  que  les  écrivains  musul- 
mans se  plaisent  à  rapporter  quand  ils  ont  à  raconter  l'origine 
des  Berbères,  on  remarque  surtout  celles  qui  renferment  la  men- 
tion d'//rfco$,  de  Djalout,  de  Sefk  et  de  Pars,  Ces  noms  méri- 
tent quelque  attention. 

IfricoSj  c'est  l'adjectif  latin  Africus  ;  en  arabe,  ces  deux  mots 
s'écrivent  de  la  même  manière.  Africa,  d'où  dérive  Africus, 
était,  selon  Suidas,  l'un  des  noms  de  Carthage.  On  sait  que  ce 
terme  s'appliqua  ensuite  à  la  banlieue  de  la  ville  de  Didon,  puis 
à  la  Zeugitane^  puis  à  la  Mauritanie  orientale,  puis  à  tout  le  con- 


\ 

/ 


572  BISTOIRB    DSSBiRBBRBS. 

tinent  africain.  De  même  que  le  mot  arabe  firca^  le  mot  phénicien 
africa  devait  signifier  un  détachement ^  une  fraction^  une  bande 
séparée  :  on  l'avait  donc  bien  choisi  poar  désigner  un  corps  de 
colons  qui  abandonnaient  la  mère-patrie.  Les  historiens  des  Ara- 
bes himyerites  expliquent  d'une  antre  manière  l'origine  de  ce 
nom  :  dans  le  recueil  de  fables  qu'ils  débitent  au  sujet  des  rots 
du  Yémen,  ils  racontent  qu'Ifrtcos  (ou  Africus),  puissant  souve- 
rain himyerite,  laissa  son  nom  au  Maghreb,  contrée  dont  il  avait 
fait  la  conquête.  Cette  légende  se  reproduit  sous  diverses  formes 
qui  se  contredisent  les  uns  les  autres.  Ibn-Hazm,  généalogiste  et 
historien  d'une  grande  autorité,  en  a  eu  connaissance,  mais  îtne 
lui  accorde  aucune  considération  :  m  Les  Himyerites,  dit*il,  ne 
»  se  sont  jamais  rendus  en  Maghreb,  excepté  dans  les  récits  men- 
»  songers  des  historiens  yémenites.  »  On  a  lieu  de  croire  que 
cette  opinion,  si  franchement  énoncée,  ne  s'écarte  pas  de  la  vé^ 
rite.  Nous  pouvons  même  ajouter  que  les  Arabes  n'avaient  jamais 
entendu  parler  ni  d'Ifrtcos,  ni  de  l'Afrique  avant  d'avoir  porté 
le  drapeau  de  l'islamisme  dans  la  province  de  Tripoli. 

On  lit  dans  le  Coran  que  les  Juifs  marchèrent  contre  les  trou- 
pes de  Djalout  (Goftath)  et  que  ce  chef  fut  lue  par  David.  Les  hiâ» 
toriens  musulmans  disent  que  Djalout  était  le  titre  porté  patous 
les  rois  des  Philistins,  de  même  que  Pirâoun  (PAaraon)  était 
celui  des  rois  égyptiens,  Kisra  (Chosroèi)  celui  des  rois  de  Perse, 
Ciaioer  [Gesar)  celui  des  empereurs  romains,  Adfonch  [Alphonse) 
celui  des  rois  d'Espagne,  etTobbâ,  celui  des  souverains  himye- 
rites. Ajoutez  à  ces  notions  qu'en  berbère,  le  mot  aguellid  signi- 
fie roi.  Cela  a  suffi  pour  décider  Ibn-Coteiba  et  d'autres  his- 
toriens arabes  à  déclarer  que  les  Berbères  étaient  les  descendants 
des  Philistins. 

Le  même  antiquaire  nous  apprend  que  Djalout  était  Gis  de 
Beryal,  (ils  deDjaloud,  fils  de  Dtal,  fils  de  Gahtan,  fils  de  Fars^ 
a  personnage  bien  connu,  et  Sefek  (ou  Sofok)  est  l'ancêtre  de 
D  tous  les  Berbères.  »  Ce  dernier  renseignement,  introduit  si 
abruptement,  n'est  connu  d'aucun  autre  généalogiste  musulman, 
mais  on  peut  voir  quelque  chose  de  semblable  dans  Joseph 
^Antiquités;  i,  45).    Cet  auteur  nous  apprend,  sur  l'autorité 


APPENDICE  573 

d* Alexandre  Polyhistor,  que  a  Didor,  fils  d'Hercule/engendra 
»  Sopbon  (ou  platôt  Sophak,  voy.  Platarqae,  Sert.  9),  person- 
»  nage  de  qui  les  Sophakès^  peuple  barbare^  (ireut  leur  nom.  » 
Ce  Sophak  nous  est,  d'ailleurs,  connu  par  Âppien  et  Suidas; 
Plolémée,  dans  sa  description,  de  TAfrique,  place  les  Sophou^ 
kaïoi  dans  la  partie  méridionale  du  pays  qui  forme  maintenant 
l'empire  du  Maroc.  C'est  donc  aux  Grecs,  probablement  à  quel- 
que prêtre  chrétien  de  la  Syrie,  qu4bn-Coteiba  (ou  Tauteur  qu'il 
cite),  a  tiré  une  indication  échappée  à  tous  les  autres  généalo- 
gistes musulmans,  tant  arabes  que  berbères.  Le  nom  deFar^  ou 
Pares  est  bien  connu  de  ces  auteurs  ;  ils  représentent  ce  person*- 
nage  comme  Taïeul  des  Persans  et  comme  fils  de  Lud,  fils  de 
Sem.  Cela  est  un  des  échelons  que  les  savants  musulmans  ont 
inventés,  afin  de  pouvoir  rattacher  tous  les  peuples  qui  leur 
étaient  connus  à  l'arbre  généalogique  par  lequel  l'auteur  de  la 
Genèie  représente  les  diverses  branches  de  la  famille  de  Noé. 
Hiempsal,  cité  par  Salluste,  et  Pline,  le  naturaliste  parlent  de 
l'établissement  d'un  peuple  persan  ou  pharrAsienea  Afrique  ;  ce- 
lui-ci le  place  dan?  la  partie  sud  du  Maroc,  ainsi  quePloIomée,  dont 
les  Pharousïoi  se  trouvent  dans  le  voisinage  des  Sophoukatoi. 

L'arbre  généalogique  des  tribus  berbères,  dressé  sur  les  mdi« 
cations  d'Ibn-Khaldoun  et  placé  dans  l'introduction  du  premier 
volume  de  cette  traduction,  se  partage  en  deux  branches,  celle 
deMadghiset  celle  de  Bernés.  Madghis  reçutle  surnom  ^'El^Abler^ 
c'est-b«dire  sans  queue^  sans  postérité^  singulier  titre  pour  le  père 
desNorouça,desAddaça,desLouataetdes  D&rtçal  Le  moi  abter 
est  arabe  ;  le  pluriel  en  est  botr.  Ce  dernier  terme  sert,  chez  les  gé- 
néalogistes berbères,  à  désigner  tous  les  descendants  de  Madghis. 
Un  tel  emploi  de  ces  mots  suffit  à  prouver  que  l'nsage  de  la  lan- 
gue arabe  était  très-répandu  dans  la  Mauritanie  à  l'époque  oiï 
l'on  dressa  le  tableau  ethnographique  de  la  nation  berbère.  Il 
démontre  aussi  l'ineptie  des  savants  berbères,  de  ces  faiseurs 
de  généalogies  qui  n'avaient  pas  assez  d'intelligence  pour  écarter 
de  leur  travail  deux  termes  qui  devaient  le  rendre  indigne  de 
confiance.  Bien  qu^  cette  liste  soit  plus  que  suspecte,  elle  ne 
laisse  pas  d'offrir  une  certaine  utilité  :  nous  y  trouvons  de  bon- 


574  BISTOIM    DES   BBRBÉR8S. 

Des  indications  sur  la  parenté  de  plusieurs  tribus  entre  elles  et 
une  nomenclature  qui  n^est  pas  sans  intérêt  pour  les  recherches 
historiques.  Elle  nous  oiïre  les  noms  de  toutes  les  tribus  berbè- 
res, tant  de  celles  qui  existaient  en  Afrique  au  quatrième  siècle 
de  l'hégire,  que  de  celles  dont  les  musulmans  avaient  conservé 
le  souvenir.  Aussi,  pouvons-nous  essayer  d'y  retrouver  les  noms 
de  quelques-uns  de  ces  peuples  africains  que  les  écrivains  grecs 
et  litins  nous  ont  fait  connaître.  Dans  cette  recherche  nous  ne 
serons  pas  toujours  heureux,  mais  nous  espérons  y  rencontrer 
assez  de  coincidences  pour  démontrer  que,  depuis  les  temps  les 
plus  anciens,  la  race  berbère  a  toujours  existé  dans  l'Afrique  sep* 
tentrionale. 

Le  peuple  désigné  sous  les  noms  de  Mazikes  ^  Masices  ^ 
Maziees  et  Mazax  ,  est  mentionné  par  Lucrèce ,  Suétone , 
Ptolémée,  Ammien  BUarelIin,  Gorippus  et  Jean  Cassien.  Il  habi- 
tait l'Afrique  septentrionale,  depuis  la  Tingitane  jusqu'à  la  fron- 
tière de  râgypte.  Ce  nom  Mazik  ou  Mazax  est  évidemment  le 
même  mot  ([M^amfizighoximazegh^  c'est-à-dire  \q peuple  berbèrem 
Voyez  ci-devant,  page  495  de  ce  volume. 

On  peut  assimiler  les  Geluli  des  anciens  aux  Guesoula  d'Ibn* 
Khaldoun  et  de  ses  auteurs. 

Les  Zaouèkes,  placés  par  Hérodote  dans  le  voisinage  de  la 
petite  Syrte,  répondent  aux  Zouagha^  peuple  qui,  du  temps 
d'Ibn-Khaldoun,  habitait  encore  cette  région. 

Les  Bakouatai  de  Ptolémée,  les  Baquatet  des  inscripiions  et 
les  Bacuetes  de  Vltinénaire,  habitaient  la  partie  centrale  de  la 
Tingitane,  dans  la  localité  que  les  Berghouaia  occupaient  jus- 
qu'au milieu  du  cinquième  siècle  dePhégire. 

Les  Makamtai  de  Ptolémée,  les  Macetiites  de  l'/^mératre,  se 
tenaient  dans  la  localité  où  s'élève  Mequinez  (en  berbère  Jftc- 
naça).  Celte  ville  tire  son  nom  d'une  fraction  de  tribu  qui,  du 
temps  d'Ibn-Khaldoun,  habitait  cetendroit. 

Les  Autololai  de  Ptolémée  occupaient  Zerhoun,  plateau  sur 
lequel  est  situé  la  ville  de  Mequinez.  Les  Romains  y  possédaient 
une  ville,  ohef-lieu  do  la  Tingitane.  Cet  établissement,  nommé 
Volubilis,  paraît  avoir  été  le  point  d'où  Suetonius  Paulinus  se 


iPPBNDlCB.  575 

mit  en  marche  lorsqu^'l  entreprit  soq  expédition  à  travers  PAtlas 
jusqu'au  bord  du  Guir.  Les  ruines  de  Volubilis,  en  berbère 
Oulili,  sont  encore  visibles.  Autololat  paraît  représenter  les 
mots  berbères  Aït-Oulili^  c'est-à-dire  la  tribu  des  Oulili. 

Les  Makhoures  ou  Makkouri^  appelés  Macares  par  Corippus, 
habilaient  la  Mauritanie  césarienne,  dans  une  localité  que  nous 
retrouvons  encore,  à  Maccarâ  ou  Moggâra^  ville  dont  on  décou- 
vre les  ruines  à  l'est  de  Mecîla. 

Les  Màkhoureboi  occupaient,  du  temps  de  Plolémée,  le  même 
territoire  qu^Ibn-Rhaldoun  appelle  le  pays  des  Mdghrûoua, 

Les  Kédamousioi ,  nommés  aussi  Koidamousioi  et  Ktdd^ 
mousioi^  habitaient  la  province  actuelle  de  Constantine,  dans  la 
région  appelée  par  Ibn-Khaldoun  le  pays  des  Ar6^a?7»a.  H  esta 
remarquer  que  le  nom  de  Ketama  prend  quelquefois  les  for- 
mes Ko  lama  ei  Kitama^  modifications  analogues  à  celles  que 
.  Ton  vient  de  remarquer  dans  le  nom  de  Kedamousiot. 

Le  nom  des  Massesy H  ou  Massaisuloi  parait  être  formé  des 
mots  berbères  Mas IslUen,  c'est-à-dire:  le  (ils  des  fiancés.  Dans 
le  tableau  général  des  tribus  berbères,  nous  trouvons  les  Isliten. 
Cette  peuplade  laissa  son  nom  à  la  plaine  d'isly,  lieu  célèbre  par 
plusieurs  grandes  batailles. 

Les  Serangai,  placés  par  Ptolémee  dans  la  partie  méridionale 
de  la  Tingitane,  probablement  sur  les  bords  du  Oued-Noun,  pa  - 
paissent  être  les  Sanhadja  ou  Zanaga,  peuple  qui,  plus  tard, 
s'avança  jusqu'aux  environs  de  Fez,  puis'au  Rif  marocain,  puis 
dans  la  Mauritanie  orientale  où  il  fonda  la  dvnalie  des  Zîrides. 

Dans  les  écrivains  grecs  et  latins,  on  cherche  vainement  le 
nom  des  Zenata  ;  mais  il  est  certain  que  ce  peuple  était  connu 
en  Afrique  à  une  époque  où  les  usages  du  paganisme  romain  se 
maintenaient  encore  dans  la  Mauritanie  césarienne.  Sur  un  os- 
suaire en  marbre  du  musée  du  Cherchel,  on  lit  l'inscription 
suivante  : 

TI.     CLAVDIUS     ZENATI 
CLAVDII     CHRESIMl 
FRATER     fl(ic).     S(itus).     E(st). 
Les  Druifai do  Ptolémée  et  les  Dares  de  Pline,  étaient  prqba- 


376  HISTOIKE     DBS     BBUÊRBS. 

blement  les  Udriçû^  descendants  doDari.  Ce  personnage  lient 
une  place  importante  dans  le  tableau  des  généalogies  berbères. 

Les  Ouerroes  se  trouvaient  dans  cette  partie  du  Maroc  qui  est 
arrosée  par  le  Ouergha  ou  Ouerra, 

Les  Isaflenses  d*Ammien  Marcellin  sont  évidemment  les  Etth 
Iflicen  ou  lis  Iflicen^  c^est-à-dire  la  tribu  des  Plissa  ;  ils  demeu- 
raient à  l'est  d'icomm  (Alger),  dans  la  même  localité  que  les 
Plissa  occupent  do  nos  jours. 

J^s'Lebatai  de  Procope  et  les  Languùten  de  Gorippus  habi* 
talent  la  Tripolitane,  aux  lieux  mèmeà  où  Ibn-Khaldoun  et  d'au* 
très  historiens  arabes  placent  une  fraction  considérable  de  la 
grande  lrlj)u  des  Louata.  Le  pluriel  de  Louata  est  Louaien  ou 
Iloualen,  mot  que  Gorippus  et  ses  copistes  ont  altéré  de  plusieurs 
manières. 

On  voit  par  Touvrage  d'Ibn-Sbaldoun  que  les  noms  de  plu>- 
sieurs  tribus  berbères  commencent  par  la  syllabe our;  il  en  était 
de  mémo  dans  les  temps  anciens  :  Plolémée  nous  a  fait  connaître 
les  Oueroueis^  et  les  Ourbikai. 

Ammien  Marcellin,  qui  écrivait  dans  le  quatrième  siècle  de 
notre  ère,  nous  présente,  dans  son  histoire,  les  nomade  plusieurs 
tribus  de  la  Mauritanie.  Nous  y  remarquons  : 

Les  Austuriani, 

Les  Tyndenses , 

Les  Massissenses, 

Les  Mazices^ 

Les  Musones, 

LesBaiurae, 

Les  Gantauriani , 

Les  Auastomates, 

Les  Cafaves, 

Les  Davares, 

Les  Gaprienses, 

Les  Abbani, 

Les  Isùflenses, 

Les  Jesalenses, 

Et  la  natio  Jubalona. 


APPETa)iCE.  677 

Dans  celte  liste,  no^us  n'avons  pu  identifier  que  trois  noms. 

Gorippus,  poète  latin  du  sixième  siècle,  a  conservé,  dans  le 
Johannide^  les  noms  de  plusieurs  tribus  africaines,  dont  nous 
ilonnons  ici  la  liste  : 

Les  Ânacutasur,  . 
Les  Astrices, 
Les  Austur, 
Les  Cannes, 
Les  Celiani, 
Les  Ifuraces, 
Les  Ilasguas, 
Les  Imactas, 
Les  Languaten^ 
Les  Macares,  • 
LesMarmaridae, 
Les  Martamali, 
Les  Mùssyliy 
Les  Haurusii, 
Les  Mazax, 
Les  Hecales, 
LesNaffur, 
Les  Nasamon , 
Les  Silvacse, 
Les  Silvaizan, 
Et  les  Silzactae. 

Dans  cette  liste,  nous  avons  cru  recoonattre  quatre  noms  de 
tribus  berbères,  mais,  si  nous  possédions  un  second  manuscrit 
du  Johanntde,  plus  correct  que  celui  dont  on  a  publié  le  texte , 
nous  pourrions  espérer  y  trouver  plusieurs  autres  noms  sous 
des  (ormes  qui  nous  seraiet  mieux  connues.  Sans  nous  arrêter 
aux  Maurusii  et  aux  Nasamon  que  noua  avons  vus  ailleurs,  nous 
chercherions  une  variante  du  mot  Ifurdces,  lequel  nous  parait 
être  une  altération  d^Ifuranes.  On  sait,  par  Ibn->Khaldoun,  le 
grand  rôle  que  les  Beni-7/ren  ou  Iforen  ont  joué  dans  les  pre- 
miers siècles  de  l'islamisme. 

T.  IT.  37 


578  HISTOIRB    DBS     BVtBÈRBS. 

On  s'étonne  d'abord  de  trouver  si  peu  de  ces  noms  dans  nos 
généalogies  berbères  ;  mais  {il  faul  se  rappeler  que  ces  généalo- 
gies, ayant  été  dressées  dans  le  dixième  siècle  de  J.-C,  sont  né- 
cessairement très-incomplètes  en  ce  qui  regarde  les  peuplades 
les  plus  anciennes  ;  elles  renferment  même  l'indication  de  plu- 
sieurs tribus  absolument  inconnues  aujourd'hui,  circonstance 
par  laquelle  elles  ressemblent  aux  listes  tirées  d'Âmmien  et  de 
Gorippus.  L'on  sait,  du  reste,  que  les  tribus  arabes  et  berbères 
de  l'Afrique  sont  très-portées  à  se  fractionner  et  à  changer  de 
nom  ;  on  a  même  appris,  par  expérience,  qu'il  faut  se  livrer  à 
des  recherches  presque  toujours  difficile^  si  l'on  veuidétermî* 
ner  d'une  manière  positive,  l'origine  de  beaucoup  de  tribus  im- 
portantes qui  occupent  maintenant  en  Algérie  des  territoires 
d'une  vaste  étendue. 

Les  auteurs  latins  et  grecs  nous  ont  conservé  un  bien  petit 
nombre  de  mots  qui  appartiennent,  disent-ils,  à  la  langue  liby- 
que",  mais  qui  certainement  ne  se  retrouvent  pas  en  berbère. 
Hérodote  nous  apprend  (iv,  492)  que  a  dans  le  pays  des  Numi- 
»  des  [kata  tous  nomades)  on  voyait  trois  sortes  de  rats,  les 
i>  dipodes  {gerboises),  les  zégériès,  nom  libyen  qui  signifie  eo 
»  grec  bounoi,  (c'est-à-dire  collines)  ;  les  rats  de  la  troisième 
»  espèce  sont  des  hérissons.  »  Samuel  Bocharl,  qui  n'a  pas 
manqué  de  citer  ce  passage  dans  son  Canaan^  a  eu  bien  raison 
de  s'écrier  :  a  In  quâ  in  ter  prêta  tione  hoc  perabsurdum,  quod 
»  mûris  genus  vult  a  collibus  nominari.  Ecquid  enîm  mures  et 
»  colles  habentinter  se  commune,  nisi  credatur  fabnlœdemure 
)ft  ex  partu  montium?  n  Ce  mot,  zégériès,  auquel  Hérodote  as-, 
signa  une  signification  aussi  bizarre  qu'inexplicable,  ne  se  pré- 
sente pas  dans  nos  vocabulaires  berbères:  on  y  trouve  le  mot 
iterri  {mouton)^  et  agherda  {rat)  ;  coltine  se  dit  taguemmouni. 

Selon  Alexandre  Polyhistor,  le  mot  samatho ,  signifie  grande 
en  libyen  ;  en  berbère,  ou  dit  tamocrant. 

Les  premiers  souverains  grecs  de  la  Gyrénaïque  portaient  tous 
le  titre  Battus,  c'est-à-dire  roi,  en  langue  libyenne.  Encore  on 
mot  qui  n'existe  pas  en  berbère. 

Vers  la  fin  du  sixième  siècle  de  J.-C.  ,  le  stratège  ou  gouver- 


•- 


APPENDICE.  579 

neur  de  l'Afrique  romaine, portait  le  titre  dodehar,  C^est  Théo- 
pbj'Iacte  Simocaita  qui  nous  le  dit.  En  dialecte  chelhay  la  racine 
dokar  sigoi&e  frapper  ;  mais,  avant  d'admettre  qu'elle  ait  donné 
naissance  au  mot  dekar^  il  faudrait  avoir  des  indications  plus  pré- 
cises et  plus  claires  qtte  celles  fournie»  par  Thistorien  de  Tem* 
pereur  Maurice. 

Dans  le  Pœnulus  de  Plaute  se  trouve  un  monologue  de  46  vers 
dont  on  suppose  que  les  dix  premiers  sont  en  langue  phénicienne 
et  les  six  autres  co  langue  libyque  ou  berbère.  Nous  osons  dé- 
clarer,sans  ridn  énoncer  h  l'égard  des  vers  présumés  phéniciens, 
que  les  derniers  méritent  autant  de  considération  que  le  dialogue 
turc  du  Bourgeois  Gentilhomme  et  le  beau  discours  arabe  de 
Panurge. 

Il  ne  faut  pas  chercher  en  berbère  la  signiPicalion  du  mot  Atlas'y 
nous  savons  par  Strabon  que  celte  dénomination  n'était  usitée 
que  chez  les  Grecs.  On  lit  dans  cet  auteur  :  a  En  avançant  au- 
»  delà  de  ces  colonnes  (les  colonnes  d'Hercule)  et  laissant  TAfri- 
»  que  à  gauche,  on  rencontre  une  montagne  que  les  Grecs  appel- 
»  lent  Atlas  et  les  Barbares  Dyrin.i»  —  (oros  estîn  hoper  oi  men 
Hellènes  Atlanta  kalousîn,  oi  Barbaroi  dé  Durtn).  —  Les  traduc- 
teurs, voyant  que  qe  dernier  nom  était  à  l'accusatif,  lui  ont  sup- 
posé une  forme  nominative,  à  la  grecque,  et  l'ont  tous  rendu  par 
DyriSy  terme  qui  ne  se  trouve  dans  aucun  écrivain  de  l'anti- 
quité. Nous  lisons  dans  VHistoire  naturelle  de  Pline  (liv.  y  )  : 
CI  Ab  eo  amne  [qûem  vocant  Fut)  ad  Dyrin«  hoc  enim  Atlanti 
.  »  nomenesseeorum(sT;il.  indigenarum)linguâconvenit,  ducenta 
,  »  miliia.  »  Ici,  les  traducteurs  ont  encore  écrit  Dyris^  et  avec 
aussi  peu  de  raison  qu'auparavant.  Connaissant  mieux  leur  mé- 
tier et  leur  sujet,  ils  eussent  conservé  la  forme  Dyrin,  Nous 
lisons  dans  Solin  :  a  Hsec  de  Atlantide  quem  Mauri  Adderim 
»  nominant.  »  Pourquoi  le  traducteur  met-il  Adderis  ?  Ou  a- 
-il  trouvé  cette' forme  ?  Martianus  Capella  écrit  :  a  Hune  {scit. 
»  montem  Atlanlem)  incolse  Adirim  vocant.  »  Le  traducteur, 
égaré  par  la  même  fausse  analogie,  met  Adiris,  Il  parait  certain 
que  Dyrin  ou  Adderin  est  le  môme  moi  qn^Idraren,  pluriel  ré- 
gulier d'adrar  {montagne  en  langue  berbère).  De  nos  jours  en- 


590  niSTOIRB   DES     BERBERES. 

core,  les  babilante  de  l'Atlas  morocaio  donnent  le  nom  d'Idrarm 
h  tonte  cette  chaîne  de  montagnes.  Un  mot  vraiment  berbère  se 
trouve  enfin  cher  les  anciens  1  Ce  fait  reconnu,  on  peut  conclure 
que,  déjà  du  temps  d'Hérodote,  on  parlait  berbère  dans  toute  la 
région  montagneuse  qui  entoure  les  provinces  méridionales  de 

l'empire  marocain.  .... 

L'anonyme  de  Bavenne  nous  apprend  que  la  NauriUnie  tingi- 
tane  était  appelée  Abrlda;  puis  il  ajoute,  mais  à  tort,  que  ce  fut 
là  où  Bélisaire  défit  les  Vandales.  Un  peu  plus  loin,  il  dit  :  «  Mau- 
»  ritania  ghadilana  quœ  et  barbaro  modo  i46rkfadicitur.  »  En 
Berbère,  le  mot  abrid,  au  féminin  tabrida,  signifie  route,  et  il 
est  digne  de  remarque  que,  sur  le  Molouia,  frontière  de  la  pro- 
vince que^'an^^^Y^^  vient  de  nommer,  s'élevait  une  ville  nom- 
mée Tabrida.  Il  est  asseï  singulier  que  le  traducteur  français  de 
la  géographie  d'idrtci  ail  écrit  ce  nom  Tabrenda,  bien  qu'il  eût 
entre  les  mains  l'Brfri»i.  de  Hartmann  et  la  Géographia  Nubien- 
sis  des  Maronites,  ouvrages  dons  lesquels  ce  mot  est  orthogra- 
phié correctement. 

Quant  au  mot  magalia  [tentes),  au  singuliermayoW,  il  appar- 
tient à  la  langue  phénicienne. 

M.  Movers,  dans  ses  Phoentzier  (t.  ii,  2«  part.,  p.  409),  cite 
plusieurs  noms  que  les  Latins  semblent  avoir  empruntés  aux 
indigènes  Je  l'Afrique  ;  dans  le  nombre  nous  pouvons  signaler  : 
cera  {cire),  qui  se  dit  en  berbère  tekir,  avec  l'article  détermma- 
lif  du  genre  féminin  ;  le  pois  chiche  (ctcer,  pmicum  cicer) ,  se 
nomme  en  chelha  ikûer  ;  la  lentille,  en  latin  leas,  lenlts,  s'ap- 
pelle en  berbère  tinllUt  ou  telentit  ;  le  chou  [crambé,  hbys 
caulos),  s'appelle  en  lonaoua  akrenbit,  mais  ce  mot  paraît  être 
emprunté  à  la  langue  grecque  ;  le  mot  hortus  (jardin]  se  repré- 
sente en  chelha  par  ourti  et  en  lenatia  par  eggur,  hgguert  , 
tuggurl,  mots  dans  lesquels  on  reconnaît  le  nom  latin  oyer;  mais 
il  est  assez  probable  que  ces  termes,  ainsi  qu'ourti,  sont  des 
emprunts  faits  au  latin  •. 


Nous  sommes  de  l'avis  dt-M.  Quatremère  au  sujet  du  mota/jfco». 


APPENDICE.  SM 

En  cbelfaa,  le  mal  layoka^  forme  féminioe  de  yoka^  «Bt^em»' 
ployé  pour  désigner  une  paire  de  bœufs  allelés  à  la  charme*  Ce 
terme  ressemble  beaucoup  et  son  équivalent  latin  ju^um;  mais  les 
Anglais  possèdent  le  mot  yoke^  les  Allemands  le  moiioch,  le  Ara-- 
bes  le  mot  zowijy  et  il  parait  même  que  la  racine  primitive  youga 
existe  en  sanscrit. 

En  cfaelba,  navire  se  dit  tennaut,  terme  qui  rappelle  les  mots 
latins  fKwiSy  nauta. 

La  géographie  de  Ptolémée,  les  ouvrages  de  Pline,  dé  Mêla, 
d'Ammien  Marcellin,  les  itinéraires  d'Antonin  et  de  Peutinger, 
la  liste  des  évécbés  d'Afrique,  nous  font  connattre  beaucoup  de 
noms  de  lieux  qui  ne  peuvent  s'expliquer  ni  par  le  latin,  ni  par 
le  grec.  Bien  qu'un  petit  nombre  de  ces  mots  offre  une  significa- 
tion en  langue  berbère,  il  serait  imprudent,  dans  l'état  actuel  de 
nos  connaissances,  d'entreprendre  une  analyse  étymologique  de 
tant  de  noms  barbares. 

Il  en  est  de  même  à  l'égard  des  noms  propres  d'hommes.  Les 
historiens  do  l'empire  romain,  ainsi  que  Procope,  nous  en  ont 
conservé  un  certain  nombre  ;  mais  c'est  Cortppus  qui  nous  en 
fournit  le  plus.  Dans  son  poème  latin,  le  Johannide,  composé 
vers  le  milieu  du  sixième  siècle  de  J.-G.  et  imprimé  pour  la  pre- 
mière fois  en  1820,  on  trouve  les  noms  d'environ  cent  cinquante 
chefs  et  guerriers  appartenant  à  la  race  libyenne  ou  numide. 
L'auteur  s'écrie  en  rapportant  ces  mots  barbares  : 

Quis  mihi  tôt  populos  gentesquc  et  proelia  vatcs 

Ordinet  arte  nova? 

Temperet  insuetis  nutantia  carmina  verbîs  : 
Naro  fera  barbaricaa  latrant  sua  nomina  linguie. 

â 

Dans  la  plupart  des  langues  on  rencontre  des  obstacles  souvent 


(cAamtfdu\  en  chelha,  aram  ;  ce  savant  le  considère  comme  berbère, 
tandis  que  M.  Movers^  dans  son  Phoenizier  (t.  ii,  2*  partie,  p.  365) , 
n'y  voit  qu'une  altération  du  mot  arabe  djemel.  Noos  conviendrions 
volontiers  qu'al/ana  vienne  d'equus^  que  wig  dérive  de  perruque, 
(en  anglais  periwig,  par  aphérèse;  toig)^  mais  nous  doutons  fort 
qu^aram  provienne  de  djemel. 


5S2  OISTOIRB   DBS  BBRBBRES. 

insurmontables  quand  on  essaie  de  trouver  l'étymologie  de  nom» 
propres.  En  chelha  et  en  touareg,  les  noms  des  hommes  n'ont 
plus  aucune  signification.  Beaucoup  de  chefs  berbères  ont  porté 
des  noms  qui  ne  s'expliquent  plus  à  Paide  de  leur  langue.  Aussi , 
nous  n'oserions  entamer  la  discussion  étymologique  des  noms 
libyens  avant  de  pouvoir  indiquer  d'une  manière  certaine  la  si- 
^unification  de  Bologguîn^  de  Makcen^  de  Soggout^  de  Tachefin, 
de  Tafraguin,  et  d'autres  noms  purement  berbères. 

L'on  peut  cependant  se  permettre  de  faire  quelques  observa- 
tions à  ce  sujet  : 

4°  Parmi  les  noms  conservés  par  Corippus  on  en  trouve  une 
trentaine  qui  se  terminent  en  an^  en,  ou  iV»,  syllabes  formatîves 
du  participe  actif  en  berbère  : 

2*  Il  s'y  présente  aussi  à  peu  près  autant  de  noms  qui  se  ter- 
minent en  es  ou  as,  pronom  possessif  de  la  troisième  personne 
du  singulier,  en  berbère; 

3®  Nous  y  trouvons  aussi  quelques  noms  qui  prennent  la  ter- 
minaison asen,  pronom  possessif  de  la  troisième  personne  da 
pluriel,  en  berbère.  Tels  sont  : 

Hisdreasen, 
lelidasseo , 
Macurasen , 
Manonasen  , 
Manzoracen. 

Les  lecteurs  d'Ibn-Khaldouu  ne  manqueront  pas  de  faire  uu 
rapprochement  entre  ces  derniers  noms  et  celui  de  Yaghmora^ 
cen,  fondateur  de  la  dynastie  abd-el-ouadile.  On  sait  que  ce  chef 
avait  mérité  par  sa  bravoure  le  titre  d'étalon  de  la  tribu  [fahl 
el  caum,  comme  le  disaient  les  Arabes),  aussi,  en  berbère,  le 
nommait-on  Yaghmoracen  (admissarius  eorum).  C'est  ainsi 
qu'en  arabe  africain,  le  mot  lallahom,  nom  propre  de  femme, 
signifie  la  maîtresse  d'eux. 

Les  noms  de  ces  trois  catégories  ont  des  formes  parfaitement 
berbères;  de  plus,  ils  se  réduisent  à  des  racines  trilitères,  quand 
on  les  dépouille  des  syllabes  accessoires  ,  et  ils  rentrent  ainsi 


APPENDICE  583 

dans  la  classe  de  mots  berbères.  Vouloir  trouver,  dès-à-préseut, 
la  signiKcatioQ  de  ces  racines,  ce  serait  entreprendre  Pimpossi- 
ble;  nous  ne  connaissons  encore  qu'une  très-faible  portion  du 
Tocabulaire  général  de  la  langue  berbère  ;  même,  si  nous  en  pos- 
sédions tous  les  mots,  toutes  les  racines,  nous  hésiterions  d'ap- 
pliquer nos  connaissances  à  une  série  de  mots  qui,  bien  qu'ils 
semblent  faire  partie  de  cette  langue,  ont  peut-être  cessé  d'être 
employés  depuis  plus  de  treize  siècles.  * 


Je  né  saurais  terminer  ma  tâche,  fruit  d'un  travail 
assidu  de  quatorze  années,  sans  témoigner  ici  ma  pro- 
fonde reconnaissance  au  Ministère  de  la  Guerre,  dont 
.l'administration  intelligente  a  su,  au  niilieu  des  plus 
graves  préoccupations  y  encourager  les  travaux  et  les 
recherches  relatives  à  Thistoire  et  à  la  géographie 
de  notre  belle  colonie  algérienne.  Sans  lui,  cet  impor- 
tant ouvrage  aurait  encore  dormi  longtemps  sur  les 
rayons  poudreux  de  nos  bibliothèques.  Je  me  plais 
donc  à  le  remercier  des  encouragements  qu'il  a  tou- 
jours accordés  à  ce  genre  d'études  et  à  lui  exprimer  ma 
reconnaissance  de  toutes  les  marques  de  bienveillance 
dont  il  m'a  favorisé. 

De  Slane. 


58i 


NISTOIIC    DES   BBRBKRIS. 


POSTSCBIPTl. 


La  noie  sur  les  recherches  de  M.  Geslin,  iosérée  dans  la  pag» 
530  de  ce  volume,  était  déjà  impriméei  quand  le  Moniteur  tint- 
versel  du  7  etx!u  8  août  4o56,  donna  au  public  un  rapport  sur 
la  même  matière.  Ce  document,  rédigé  avec  beaucoup  de  soin  et 
de  savoir  par  M.  Reinaud,  membre  de  l'institut,  renferme  une 
juste  appréciation  du  travail  de  M,  Geslin  et  un  exposé  clair  et 
détaillé  des  connaissances  q«e  l'on  possède  en  Europe  au  sujet 
du  peuple  touareg  et  des  langues  nègres,  H  est  bien  à  regretter 
oue  M.  Creslin  n'ait  pas  vécu  assez  longtemps  pour  lire  cet  écrite 
dans  lequel  le  savant  académicien  lui  donnait  de  justes  éloges  et 
de  sages  conseils.  Les  cahiers  renfermant  les  recherches  de 
M,  Geslin  ont  été  renvoyés  à  Alger. 


Tout  le  monde  a  lu  et  admiré  les  beaux  envisages  dans  les- 

Jnels  M.  le  général  Daumas  a  dépeint  les  mœurs  et  les  usages  Acs 
iverses  populations  musulmanes  de  l'Afrique  saptent^ lonak* 
Son  esquisse  de  la  Grande  Cabilie  est  d'une  vérité  frappante  et 
sa  description  du  Grand  Désert  renferme  d'excellents  renseigne- 
ments sur  les  Touaregs  et  sur  leur  pays.  L'exactitude  de  la  carte 
géographique  qui  accompagne  ce  volume  et  qui  a  pour  base  les 
indications  recueillies  de  la  bouche  des  indigènes,  est  pleinement 
confirmée  par  les  observations  de  Richardson  et  au  docteur 
Barth. 


•  LISTS    DES   CHAFITRES.  5^5 

LISTE  DES  CHAPITRES 

DU    QUATBiftHE    TOLOME. 


V 


PAOCt. 

Les  Beni-Bached.  .  ^ 4 

Les  Benî-Toudjln 4 

Les  Beoi-Sélama 19 

Les  BeDl-Irnaten 22 

Les  BeDi-Merio.  —  Leur  généalogie «...  35 

—  Abd-el-Hack 28 

—  Avènement  d'Abou-Yahya  ....  33 

—  Défaite  de  Yaghmoracen  à  Isly  .  ,  39 

—  Abou-Yahya  prend  et  perd  la  ville 

de  Salé .  —  Défaite  d'El-Morleda  il 

—  Prise  de  Sidjilmessa 43 

-«-  Mort  d' Abou-Yahya  et  avènement 

d'Abou-Youçof-Yacoub 44 

—  Prise  de  Salé  par  les  chrétiens.  .   •  46 

—  Siège  de  Maroc  par  les  Mérinides.  •  49 

—  Bataille  do  Telagh 51 

-^  Traité  de  paix  entre  Abou-Youçof 

et  le  khalife  de  Tunis 52 

—  Prise  de  Ha  roc  et  mort  d*Aboa- 

Debbons ,••«•.•  56 

r—  *  Abou-Malek  est  déclaré  héritier  du 

trône.  —   Béyolte  des  Aulad- 

Idrîs ;  57 

—  Défaite  de  Yaghmoracen  à  Isly  .   .  59 

—  Prise  de  Tanger  et  soumission  de 

Ceula 63 

^  —  Sidjilmessa  est  enlevée  aux  [Abd- 

el-Ouadites .  66 

—  Guerre  sainte  en  Espagne.  —  Mort 

deDonNuûo 74 


&S6  HISTOIRE   DRS    BKtifeBIS. 

Les  Bent  -  Herfn.  —  Fondation  de  la  Ville-Neuve  de  Fez       81 

—  Seconde  expédition  d*Abou  -Touçof 

«  en  Espagne •       85 

—  Ibn-Chekîlola  cède  la  ville  de  Ma- 

laga  au  sultan  mérinide 88 

-r  Alliance  d^lbn-el-Ahmer  et  de  Ya- 

'  ghmoracen  avec  le  roi  chrétien. 

—  Bataille  de  Kharzouza.  ...      92 

—  Révolte  de  Don  Sancîie  contre  son 

père.  —  Troisième  expédition 
d'Abou-Youçof  en  Espagne.  .  •     406 

—  Abou-Youçof  fait  la  paix  avec  Ibn- 

el-Ahmer. 407 

^-  Quatrième  expédition  d*Abou-You- 

çof  en  Espagne 110 

—  Paix  entre  Don  Sanche  et  les  Méri- 

nides.  —  Mort  du  sultan  Abou- 
Youçof  146 

—  Avènement  du  sul  tan  Abou-Yaconb     420 

—  La  villede Guadix  est  remise  à  Ibn- 

el-Ahmer 4  24 

•—  Hévolte  de  l'émir  Abou-Amer.   .  •     425 

-^  Siège    de  Tlemcen   par  le  sultan 

Abou-Yacoub 426 

-*  Expédition  d'Abou-Yacoub  contre 

le  roi  chrétien 430 

—  Prise  de  Tarifa  par  le  roi  chrétien.     434 
•—              Ibn- el-Ahmer  se  rend  à  Tanger 

pour  visiter  le  sultan 433 

—  Ibn-el-Ouéztr-el-Ouataci  s'empare 

deTazouta 434 

—  Abou-Amer  se  réfugie  dans  la  mon- 

tagne des  Ghomara.  * 436 

-—  Le  sultan  envahit  le  territoire  de 

Tlemcen.  .••••• 438 


LIgTB    DBS   CBAPITIIES.      -  587 

Pmis 

Les  BeDÎ-Verîn  —  Le  long  siège  de  Tlemcen 444 

-«-  Conquête  du  pays  de  Haghraoua  444 

—  Conquête    du    pays   des  Toudjin  447 

—  Les   souverains   de  Tunis   et   de 

Bougie  envoient  des  ambassades 

au  sultan  mérinide  ......     448 

—  Les  souverains  de  TOrient  et  les 

émirs  de  l'Egypte  envoient  des 
ambassades  au  sultan 453 

—  '       Le  sultan  de  ^Andalousie  déclare  la 

goerro  aux  Hérinides.  — -  0(h- 
man*lbn*Âbi-'l-OIft    soulève  le 

pays  des  Ghomara 4  57 

—  Révolte  des  Beni-Gommi 462 

—  Trahison  d'Ibn-el-MilIani 465 

—  Grandeur  et  chute  des  Beni-Hocasa  467 

—  Hort  du  sultan  Âbou-YaiWj  •  .  •  468 
-^                Avènement  d'Abou-Thabet^  ...  469 

—  Youçof-lbn*Abt-Eîad  s'empare  de 

Maroc 474 

.   .  —  Le  sullan  meurt  &  Tanger.  •  •  •  •  476 

—  Règne  du  sultan  Abou-'r-RebiA.  •  479 

—  Hort  d'Abd-AIlah-lbn-Âbi-Medyen  480 

— '  Les  habitants  de  Ceuta  s'insurgent 

contre  les  Andalousiens 483 

•—  Abd-el-Hack-]bn>Othman  est  pro* 

clamé  sultan.  —  Mortd'Abou- 

'r-Rebiâ. .• ,     485 

—  Avènement  du  sultan  Abou-Satd.     488 

—  P/emière  expédition  d'Abou-Satd 

contre  Tlemcen  • 490 

—  L'émir  Abou-Âli,  fils  du  çultan,  se 

révolte  contre  son  père.  .  .  •  •     494 
«^  Disgrâce   et    mort,  de  Hendll-el- 

Kinani 495 


588  niSTOI&B  MS  BBBBtalS. 

Pacu* 

Les  Bcni-Merfn.  —  Révolte  d'Ibn-el-Azefi  à  Geuta.  .     498 
-^                Abd-el-MoheimcD  est  nommé  secré- 
taire d'état 204 

—  Les    musulmans   de    TAndalousie 

implorent  le  secours  du  sultan 

mërinide.  — Mort  de'Don  Pedro     203 

— .  Alliance  matrimoniale  de  la  famille 

mérioide  avec  celle  des  Hafsides. 
—  Expédition  contre  Tlemcen.     206 

—  Mort  du  sultan  Abou-Saîd  et  avè- 

nement d'Abou-'l-Hacen  .  •  .  .     214 

—  Abou-'l-Hacen  conclut  un  traité  de 

paix  avec  son  frère  Âbou-Ali  et 
marche  sur  Tlemcen..  •  ,  .  .  .     242 

—  Révolte  et  chute  J'Abou-Ali.   .  •  .     244 

—  Prise  de  Gibraltar  par  les  musul- 

mans  246 

-^  Prise  de  Tlemcen  par  Abou-'l-Hacen     249 

L'émir  Abou-Abd-er-Rahman  est 

mis  à  mort  par  Tordre  de  son 

père,  le  sultan.  : 224 

— .  Révçlte  d'Ibn-Htdour 227 

MortdeTémir  Abou-Halek  .  .  .  .     229 

—  La  flotte  musulmane  remporte  une 

victoire  sur  celle  des  chrétiens    230 

—  Défaite  des    muîsulmans  sous  les 

murs  de  Tarifa 232 

—  Le  roi  chrétien  s'empare  d'Algéci- 

ras 234 

_  Les  fils  d*Ibn-Abi-'l  Olà  font  leur 

soumission  au  sultan 236 

—  Abou*'l-Hacen  envoie  des  cadeaux 

au  sultan  de  TÉgypte  et  fait  par- 
tir de  riches  offrandes  pour  la 
Mecque  et  pour  Médine.  •  •   •  •     239 


LIfÇTE    DES    CHAPlTftE3.  58& 

Pion. 

Les  Béni  -  Merîu.  —  Il  envoie  un  cadeau  au  roi  de  Molli  242 
Il  épouse  une  fille  du  souverain  de 

de  Tunis 244 

_  Il  s'empare  de  Hfrlkïa 246 

Il  allaque  les  Arabes  et  essuie  une 

défai  te  auprès  de  Gairouan  .  .  .  259 
1^  Gonsiantine  el  Bougie  répudient  la 

domination  mérinide 26S 

—  Les  fils  du  sultan  usurpent  Vauto- 

riié.  —    Avènement   ^'Abou- 
Èiuan 27< 

J^  Les  Beni-Abd-el-Ouad,  les  Maghra- 

oua  et  les  Toudjtn  rétablissent 
leur  indépendance 276 

Les    princes    hafsides  reprennent 

possession  de  Bougie  et  de  Cons- 
tanlioe 280 

-^  £n-Nacer,  fils  du  sultan  Abou^'l- 

Hacan,  faiiunc  expédition  dans 
le  Maghreb  central 282- 

Abon-U-Hacen  part  pour  le   Ha- 

greb.  —  El-Fadl    s'empare  de 
Tunis.  .  ; :  .  .     283 

—  Le  sultan  occupe  Sidjilmessa  et  Vé- 

vacue  ensuite.  .  ' 287 

Le  sultan  occupe  la  ville  de  Maroc 

et  l'évacué  ensuite •     289 

-^  Abou-Einan  marche  contre  les  Béni* 

Abd-el-Ouad  et  tue  leur  sultan  292 
Défaite  et  capture  d'Abou-Thabet    294 

—  Abou-Einan  occupe  Bougie.   .    .  .     295 
Ibn-Abi-Amor  marche  contre  Bou- 
gie dont  les  habitants  s'étaient 

jnis  en  révolte 297 

-^  Nolicc  biographique  d'Ibn-Abi-Amr     301 


500  BiSrOilK    DES  BBBBERES. 

Les  BcDÎ-Merin.  •— Révolte   d'AI)OU-'l-Fadl    daos^  le 

Sekcîouï 305 

-^                Mon  d'Eïça-lbn-el-HaceD  è  Gibral- 
tar   307 

—  Aboa-Einan  s'empare  de  Constao- 

tine  et  de  Tunis 310 

—  Le  vizir  Soleiman-ibD-Dawoud  fait 

une  expédition  en  IfrîkTa  ...     3t5 

—  Mort  d'AboU'Einan  et  avènement 

d'Es-Satd 317 

—  Soleimr.n-Ibn-Dàwoud  marche  sur 

Maroc 319 

—  Abou  -  Hammou   enlève    Tiemcen 

aux  Mérinides 324 

—  Masoud -Ibn-Maçaï  s^empare  de 

Tiemcen  et  proclame  Mansour* 

Ibn  -  Soleiman 323 

—  Abou-Salem  se  rend  maître  du  ro- 

yaume. —  Mort  de  Maosour- 
Ibn-Soleiman 327 

—  Mort  de  Ridouan,  ministre  du  roi 

de  Grenade.  -—  Ibn-el-Ahmer  se 
réfugie  h  la  cour  d'Abou-Salem    332 

—  ^    Révolte   et  mort  d'El-Hacen-Ibn- 

Omar 3W 

— >  Ambassade  nègre •  .  342 

—  Abou-Salem  s'empare  de  Tiemcen  344 

—  Mort  d'Abou- Salem 347 

—  Mort  d*lbn  -  Antoun.  —  Révolte 

de   Yahia-lbn-Rahhou,  ....     352 

—  Abd-el  Baliifi  arrive  de  Tiemcen. 

—  Siège  de  la   Ville  -  Neuve.     354 

—  Mohammed,  fils  de  Témir  Abou« 

Abd-er-Rahman ,  est   proclamé 
sultan  par  le   vizir  Omar-lbn- 


LISTE    Dt8   CBAHTRBB.  591 

Âbd-Aliah 358 

Les  Béni  -  Mertn.  -^  Le  salUn  Âbd^el-Haltm  se  retire  à 

Sidjihnessa  avec  ses  frères  .  :     359 

—  Masoud-lbn-MaçaY  est  nommé  vizir 

et  Amer-ibn-Mohammed  obtient 
le  gouvernement  des  provinces 

marocaines  •  ' 360 

-^                Omar-lbn-Abd*AIIah  marche  con- 
tre Sidjilmessa* 362 

—  Abd-eUMoumen  est  proclamé  sol- 

tan  de   Sidjilmessa 363 

—  Ibn-Maçaï  s'empare  de  Sidjilmessa    366 

—  Révolte  d'Amer-lbn^âlohammed  et 

de  Masoud  -  Ibn  -  Maçaï .  .  .  .     365 

—  Expédition  contre  Maroc  •*••«•     368 

—  Itort  du  sultan  Mohammed  et  avè- 

nement d'Abd-eN-Azîz ...      .     369 

—  Mort  d*Omar-lbn-Abd-Allah  .  .  «     371 
*~  Le  sahan  fait  mettre  à  mort  Aboa* 

FadI  qui  s'était  emparé  de  Maroc    373 
-<-  Mort  du  vizir  Yahya-Ibn-Meimoun     374 

—  Le  'bultan  fait   prisonnier  Amer- 

Ibn-Mohammed 375 

—  Reprise  d'Algéciras •  .  .  378 

—  Prise  de  Tiemcen  par  les  Mérinides  381 

—  Révoltes  dans  le  Maghreb  central  386 

—  Ibn-^UKhattb ,  vizir  de  Grenade, 

se  réfugie  à  Tiemcen 390 

-^  Mort  du  sultan  Abd-el-Azfz  et  avè- 

nement de  son  fils,  Es-Satd.  ,     400 

—  Abou-Hammou  reprend  possession 

de  Tiemcen.  .  .  ,  , 401 

—  Le  prince  mérinide  Abd*er-Rah- 

man  débarque   en  Maghreb.  .     403 

—  Le  prince  Abeu-1-Abbas- Ahmed 


592  HlSTOiHE    DES   BIlBfcRBS. 

s'empare  du  trône 405 

Les  Béni  -  Merhi.  —  Mort  d'Ibn^l-Khattb 444 

—  Soleimao-IbD-Dawoud  passe  en  Es- 

pagne. •  .  ,  •  • 444 

—  Mort  da  viiir  Ibn-Ghazi 445 

—  Le  sultan  de  Fez  et  celai  de  Maroc 

se  font  la  guerre 448 

•^  Deuxième  guerre  entre  ces  princes     422 

—  «  Ali-lbn*ZékérTa, chef  des  Heskoura 

96  met  en  révolte*  —  Siège  de 
Maroc ,  .  .  .   .     423 

—  Le  Maghreb  est  envahi  par  uu  fils 

du  sultan  Abou-Ali,  par  Abou- 
TachefÎQ  et  par  Abou<Hammou     425 

—  Prise  de  Tlemcen  par  les  Mérinides     427 

Mou^a,  fils  d'Abott-Ëinan  s'empare 

de  Fez  •      . 428 

— .  Mort  du  vizir  Mohammed-lbn-Olh- 

—  man 432 

-««-  Expédition  d'Ibn  -  MaçaT  dans  le 

pays  des  Ghomara 432 

Mort  du  sultan Mouça  et  avènement 

*  d'El-Montecer 495 

Le  prince  EUOualhec  se  fait  procla- 
mer sultan  à  Fez 436 

1  — p>  Le  prince  Abou-'l*Abbas  débarque 

en  Maghreb 440 

—  11  marche  sur  Fez 444 

—  Son  autorité  est  reconnue  à  Maroc     444 
^-  Le  prince  El-Montecer  est  nommé 

I  gouverneur    de  Maroc 443 

—  -  .      Prise  de  la  Ville-Neuve  et  mort 

'  d'Ibn-Maçaï 446 

—  Mohammed-lbn- Allai  est  nommé 

vizir 447 


L1STBS   DSS  GflÀPITRBS.  593 

Pages. 

-Les  Beni-Merio  —  Mohammed,  fils  du  sultan  Abd-el- 

Halîm,  s'empare  de  Sidjilmessa     449 
—^  Moridlbn-Abi'Âmr  et  de  Haracat 

Ibn-HassouD 452 

—  Révolte  et  mort  d'Âli-Ibn-Zékérïa     454 
-^  Expédition    des    Mér inides  contre 

Tiemcenetmortd'Abou-Hammou    455 
- —  Mort  d'Abou-Tachefîn  et  prise  de 

Tiemcen  par  les  Mérinides  .   .     45S 
Mort  d'Abou-1-Abbas ,  sultan    de 
Maghreb.  —  Abou-Ztan  s'empare 

de  Tiemcen 459 

Notices  des  chefs  mérinides  qui 
ont  commandé  les  Volontaires 
de  la  foi  en  Andalousie.   .   .  .     459 

—  Histoire    de    Mouça-lbn-Rahhou , 

premier  commandant  des  Volon- 
taires de  la  foi.   ,.,..*..     463 

—  Histoire  d'Abd-el-Hack  -  Ibn-Oth- 

maU;  commandant  des  Volontai* 

res  de  la  foi 466 

—  •  Histoire  d'Othman-lbn-Abi-  l-Olâ  , 

commandant  des  Volontaires  de 

la  foi 468 

Histoire  d'Abou-Thabet,  fils  d'Oth- 
man,  commandant  des  Volontai- 
res de  la  foi  473 

- —  Histoire  de  Yahya-lbn-Omar  Ibn- 

Rahhou ,  commandant  des  Vo- 
lontaires de  la  foi ,     477 

—  Histoire  d'idris  ,   fils    d'Othman- 

Ibn-Abi-'l-Olà,  commandantdes 

Volontaires  de  la  foi 481 

Histoire  d'Ali-lbn-Bedr-ed-Dîn , 
commandant  des  Volontaires  de 

T.  IV.  38 


59* 


HISTOIRE   DES     BERBÈRES. 


la  foi 


483 


Les  Beni-Merîn.    —  Histoire  d-Abd -  cr  -  Rahman ,    fils 

d'Abou-Ifelloucen  et  coroinan- 
danl  des  Volontaires  do  la  foi 

Appendice,  --  Notes  sur  la  langue,  la  littérature  et 

les   origines   du   peuple  berbère 


i86 


489 


FIN    DE    LA    LISTE    DFS    CDAPITRES. 


llfDBX    DfiS    NOMS. 


5g& 


INDEX  DES  NOMS 


QUI  SB  TROUVENT  DANS  CE  VOLUME. 


Les  Âbbadides,  92. 
E-Âbbas-lbn-Atïa,  6. 

—  Ibn  Oraar,  250,432, 

435,  440. 
-—      Ibn-Mohaaimed,   46. 

—  Ibn-Rahbou,   205, 

484. 
Abou-'l-Abbas,  le  cid,  38, 

—  lebafside,  3t1, 

313,  326, 
329. 

—  le      mécinide  , 

405  et  suiv, 
415,  447, 
418,  430, 
6^  mt;.440, 
441  .  444  , 
459, 

El-Abbcli,  156,  167. 

Abd-Allah-lbn-Abd-el-Hack  , 

469, 

—  Ibn-Ali,  304,310, 

311. 

—  Ibn-Asker,  389, 

—  Ibn-Djaber,  455. 

—  !bn-Moslero,  306  , 

344. 

—  Ibn-Saîd,  276. 

—  Ibn-es-Saîd,  36. 

—  Ibn-Sogheir,  389. 
Beni-Abd  -  Allah  ,    57  ,   433  , 

461. 
Abou-Abd-Allah  ,  le  hafside  , 
249,  2ol.280c/siifv.  295, 
346, 


Abd-eUAztz-  Ibn- Mohammed  y 

291 ,  292, 
■— .         le  poète,  97. 

—  le  mérinide,  369, 

400,  487, 
Abd-el-Caouï-Ibn-el-Abbas , 

6  et  sviv. 
Iba-Abd-el-Caouï  -Mohammed , 

7,  9,   10,   41,  105, 
Beni-Abd-eUCaouï,  147. 
Abd-el-pack-lbn-el-Hacen  ,  . 

438,  445. 

—  Ibn-Mahîou,  27 

et  suîv, 

—  Ibn  -  Olhman  , 

172,  176, 
185c^5.223, 
446   et  suiv. 

—  Ibn-Mohammed , 
.       41. 

—  Ibn  -  Rahhou  , 

462,  464,484 
Ibn-Abd-el-Hack,  32,  33. 
Beni-Abd-eUHack,459  et  suiv. 
Abd-el-Halîm  ,     le    mérinide  , 

354,  363,  364,  450. 
Abd-el-Kerîm-lbn-Eiça ,  166, 
^^19. 

Casr-  A  bd-el-Kerim^  161. 
Abd-el-Melek-Ibn-Yàghmora- 

ccn,  461. 
Abd-el-Moumen,  26,  27, 

—  le  mérinide,  356, 

360,  363, 450. 
Les  Abd-ol-Moheimcn,  201 . 


596 


mOBX  DBS   NOM. 


Abd-er-Rahman-ibn  -  Ahmed, 

3U. 

—  Ibn-Abi-Ei- 

nan,  318. 

—  le    tnérinide, 

356,  360, 
'S61  etsuiv. 
397 ,     403 

Aljou-Abd-er-Rahman,  41. 

—  lemërinide, 

129,222 
et  suiv. 

Ibn-Abd-er-Rezzac,   240. 

Beni-Abd-es-Samed,  228. 

Les  Abd-el-Ouad,  277. 

Abd-el-Ouahed  -  el  -  Mizouar , 

436,  439. 

—  Ibn- Moham- 

med, 428 
et  suiv. 

—  Ibn  -  el-Lih- 
yani  263  et 
sutv.  284. 

Abd-el-Ouehhab,  302. 
Ibn-Abed,  248. 
Ibn^Abla,  90,  111. 
El-Abkem,  313,  35S,  440  et 

AlIaUlbo-Mohammed,  356. 
Atïa-ibn-Mouça,  402. 
Acem,  475. 
Acerai,  119. 
Ibo-Acerdîl,  89. 
Les  Achar,  46. 
Abou-»l-Achaïr,  426,  427. 
El-Acherî,  279. 
El-Achref-Châban,  450, 
Abou-Acîda,  150i. 
El-Acouii,  317. 
Ibn-Âddjana,  376. 
Adepghal,  30, 


Adi-Ibn-Yoaçof;  47,  279; 
Ibo-el-Adjouz,  340. 
El-Adjraf,  250. 
Bou-n-Adjraf,  275. 
AdouMbû-IgnimeD,  6. 
Ibn-Abi-'l-Afta,  35. 
i4/raff,  210. 
Aghfou,  55. 
Les  Ahiaf ,  364,  365 ,  38f  , 

383,417.450. 
Ahmed-Ibn-el-Hacen,  453. 

—  Ibn-Idrîs,  298. 

—  Ibn-SaJd   229. 
ibn-eUAhmer,  92,  434,   433. 

—  le  cheikh,  463. 
— -  le  fakih,    75., 

78  ,     457  , 
463. 

—  Abou-'UHad- 

djadî.,    232. 

—  el  -  Makhlouô  , 

457. 

—  Mohammed  - 

Ibn-Youçof, 
73. 
Abou-Aïad-IbD-Yahya,  36. 
Aïcha-bint^Yacoub,  233. 
Aïd-lbn-Mendtl,  464. 
Abou-Aïdrît,  463! 
Aïn-es-Sefâ,  36,  430. 
Ibo-Akmaztr ,    450  et   suiv. 

245. 
Algéciras,  400,  401,   434  , 

484. 
Alger.  442,  220,  378,  380. 
AH-lbn-Abd-el-Azîz,  446. 

—  IbD-Bedr>ed-Dtn,  483  et. 
suiv, 

—  ibn-Abi-Eïad,  465. 

—  (bn-Ghanem,  243. 

—  Ibn-Haroun,  402. 
— *  iLn-Bassan,  16. 

—  Ibo-HenDOu,  190. 


INBBX   DBS  NOMS. 


597 


Âli-Ibn-Ibrahtm,  35,  454. 

—  Ibn-Mansour,  431. 
--  Ibn-Mehdi,  351,  426. 
T-  Ibn-Mohammed,  166. 

—  Jbn-en-Nacer,  15;  148. 
-.  Ibn-Nasr,i9,  23. 

—  Ibn-Omar,  68,376,   418 

et  sufv, 

—  Ibn-Othman,  43. 

—  Ibn-Rached,  277  et  suiv^ 

286, 

—  Ibn-Bahhou,  484,  485. 

—  lbn*Yahya,146,U6,452. 

—  Ibn-ZékérYa:  423  et  suiv. 

444,  4o4. 

—  Ibn-Zîan,  48. 
Abou-Ali,Iecîd,  38. 

—       le  mérioide  ,     1 90  , 
191  cUwit>.,212 
et  suîv. 
Aulad-Ali,  462, 
Benî-AUac,  265. 
Allai,  374,  375, 

—  Ibn  Mohammed  ,    227, 

264,29<,372,446erî. 
Ibn-AUal , Mohammed ,  454 ,  456 , 

Youçof,  447, 
Ibn-Allan,  142,207. 
Alméria,  204. 
Almilend,  230,  231. 
Aloudan,   48,  57,   177,   178, 

462.  469. 
Alphonse  X,  203. 

—  XI,  378. 

Les  Amaroa,  345,  426. 
Amer-Ibn.Abd.Allah,369,371 . 

—  Ibn-Feth-Allah,334. 

«.-     Ibn-Idrîs.  48,  53,  54, 
68,  469. 

—  Ibn-Mohammed  ,   319, 

329,364,360,362, 
365,  373  et  suiv^ 
Çeoi-Amer,  mérinidcs,  58. 


Abou-Amer  ,  mérioide,   125^ 

433,  436, 
Bent-Abi-Amer,  301  et  suiv. 
Ibn  -Abi- Amer,' Mohammed, 

290,291, 296 ef^utw.,  305. 
Ibn-el-Amîn,  63,  64,  65. 
Amran-Ibn-Mouça,  455«. 
Beni-Amran,  3.. 
Ibn-Abi-Amran,  3,  209,  468. 
Ibn-Amsmotid,  264,342,  440. 
Anber^468. 
Andous,  472. 
Anfa,  476. 
Anter-Ibn-Ouenzemmar,  288. 

—  Ibn-Nasr  23. 
Ibn-Antoun,  350,  352  et  suiv. 
Ibn-Aouafou,  434. 
Ibn-el-Arebi,  482. 
Arîf-lhn-Yahya  ,  222,    227, 

240,  244,  254,  282,  288, 
El-Ark,12. 
El-Arka,%l. 
Asaraky  425. 

Asker-Ibn -Mohammed,  26« 
Beni-Asker,  33,  422. 
Aladjonb,  49,  473. 
Alîc,  358. 
Alïa  -  t-el-Asaram,  44,.  45. 

--     Ibn-Daflîten,  5. 

--     l-el-Hîou,  5. 

-r     Ibn-Menad,  5. 

—  Ibn-Mohelbel,  240. 

—  Ibn  Mouça,  24,  389. 
Abou-4-Atïa,  424. 
Ibn-Attouch,  43,  50,  67,  82. 
Ibn-Auzaï,  44. 
Beni-AïUas,  36. 

Axarafe,  87,  442. 
El-AzéG,Abou-1-Abbas,    64. 

—  Abou-'l-Cacem,    64. 

—  el-/afeA,159. 

—  Ïbn-Feredj,67. 

—  Aboii-Hatem,404  459 


598 


INDK.t    DBS    NOMS. 


EUAfcfi,  Ibralnm,  240. 

Mohammed,  231. 

—  Mouça,  208. 

—  Abou-Taleb,70,159. 

—  Yahya,  467. 
Beni-'PAzéfi,  160,198  ei  suiv. 
Azemmor^  i11,  418. 
Azîz-etl-Dani,  132,  1&§. 
Aulad-Aftz,   <2,   16,   18,  22. 

23,  279. 
Azouer,  84,  98,  109. 
Azouz,  119. 
Ibn-Azzoun,  238. 
Abou-1-Baca-Khalod.  150 

-  Yaïch,  189. 
Heni-Badfn,  25. 

Badis,  81. 

El'BûVha,  142,  427. 
J?cm-Bec/itr,  87. 
Bechri,  477 . 
Bedjer,  131. 
Bedr-ed-DÎD,  397. 
Behloula,  42. 
Les  Behloula,  31  ■ 
Beht,  32. 

Aboo-Bekr-lbn-Araer,  377. 
Ibn-Arîf,  382. 

—  Ibn-lbrahîm,14,14o. 
Hisn-Bekr,  208. 
Benyounoch^  1 33 

El'Bira,  109. 
Berda,  114, 
Bérékat,  249. 
Ibn-Abi-'l-Bérékat,  126. 
El-Binya,  81 . 
Bîroebes.  61. 
EUBorlugal,  232. 
LesBolouïa.  31. 
EUBoloaï,  213. 
Ibn-el-Bouac,  249.. 
Bougie,  269. 
Jbn-Bouhtal,  443. 
Brecltk,  142. 


ElGabaïli,50,83, 

Et'Cttçubat,  22,  105,  142. 

Abou-1-Cacem  It^  chérif,  329, 

333,    372, 
393,394. 
--         Ibrv-el  Hakim,4S3. 

Beni-Cadi,  6,  19. 

Ibn-Cadîb,  172,188. 

Cahera^  .jjOp. 

Cai rouan,  266. 

El'Canater,  87,  414. 

Cantara-t-el'Ouadj  423. 

Caracoch,  260.  , 

Cdlaniana,  86. 

El'Calef,  84. 

Ibn-el-Cattan,  84. 

Cazrountf  26. 

C^M/o,  63,  160,461,178,183. 

Chah,  292. 

Ghana,  40. 

Chandja,  406. 

Les  Chaouïa,  31. 

Chediouïa,  10,287. 

Les  Chebanat,  194. 

Ibn-Cliékilola,  78,  98. 

Beoi-Cbékilola,  78,    80,  88, 
402.  103,  104,  124,  463. 

Chclouca^  87. 

Chemaoa,  206. 

Gherchel,  142, 

Abou-'s-Chertf,  274. 

Cliimci,  228. 

Choaïb,  180,  181. 

—  Ibu-Meimoun  ,    312, 

351, 

—  Ibn-Mcndîl,  372. 
Clients,  277. 
El-Cobbi,  346. 
El-Coléïâ,  86. 
El-Comendador,  326, 
Confré ries  religieuses ,  183. 
Constcntine,  269,  310. 
Coran,  133,  153. 


INDEX    DES   NOMS. 


699 


Cordons,  74,  88. 
Ibn-Abi-Coreich,  98. 
Abou-Gorra,2. 
Cos-es-Ziar,  HO. 
Âulad-el-CoSj  263  et  suiv, 
Dafer-HS'Sinan,  250. 
Daghar-Ibn-Eïça,  322. 
Bou-Darba,  32. 
Abou-Debbous,  49,50  et  suiv, 
Ibn-Abi-Debbons,  Ahmed,  265 

et  suiv, 

—  Olhman,  265. 
Aulad-Abi-Debbous,  205,267, 

268 
/)fîWoû,  357,  367,384. 
Ibn-ed-Delîl,  103,  125,463. 
Ibn-ed-Demâa,  443. 
Dera,  194. 
Derrâg.  5. 
Los  Dîalein,  383. 
Abou-Dîiiar-Ibn-Ali,  385. 

—  Soleiman  ,    290  , 

292. 
-7-         Yacoub.  303. 
Dja-el-Rhaber,423,  432,439, 

443. 
Beni-Djaber,  43,  à41 ,  374. 
Beni<Djar.AlIah,243. 
Djeha/ia,  262, 
Ibn-el-Djëïab,391. 
Djeliana,  86. 

lbn-Abd-e^Djelîl,173,475; 
Djemal-ed-Dîn,  174. 
lbn-Dierrar,272,273,278. 
Les  Djochem,  53, 60, 99, 175. 
El-Djochemi,487. 
Abou'l-Dioïouch,  158, 184. 
Djouher,  }e  caïd,  2. 
LesDouaouîda,260. 
Ed  OouceQ,384. 
lbn-Doulîn,175. 
BeDi-Doulîn,175. 


Eïad*ol-Acerni,114, 149. 
-î  lbn-Saîd,151,152. 
Abou-Eyad,464. 
Ibn-Eïad,  58. 
Ibn.Abi.Eïad,174,475, 
Ëïça-Ibn-el-Haccn,  307, 

—  Ibn-Maçaï,64. 

—  [hn-Abi-Malek,409. 

—  lbn-Mouça,472. 

—  lbn-Rahhou,484. 

—  lbn-Sollan,49. 

—  Ibn-Yahva,  464. 
Eïnan-lbn-Nasr,  23, 
Abou-Einon,  248, 274 ,  327,  — 
Éléonore  de  Gu2man,  379. 
Emirat,  225. 
£'5/q»cno,205. 
El-Ez2,16S. 

El-FadI  le  hafside,  245,  250, 
268c^swtv.,271,280,28l, 
284, 

Abou«'l-Fadl-en-Nacer,  le  nié- 
rinide,286,287. 

—  Ibn-Abi-M.Hacea,306. 

—  Ibn.Abi-Salem,354, 
374,373,374. 

Fareh,  249,297. 

—  Ibn-Mehdi,  437. 
Fares-Ibn-Abd  el-Azîz,  377, 

378 

—  lbn-Abi-'l-Hacen,302. 

—  Ibn-Meirnoun  ,     239  , 

294,306,312,  345. 

—  Ujn-Yaghmoracen,  4  0, 

64. 
Abou-Fares,  le  hafside,  468. 
—  le  rnérinide,443, 

444,  457. 
Falcma,  fille  du  sultan  hafside, 

233. 
Fazaz-el-Maden,  39. 
EI-Fcns~Ghales(/c  prince  dei 
Golfes),  379. 


600 


INDEX    D£S   NOUA. 


ï:l.Fercadii,309. 

Perdicand,  fils  de  Don  Sanche, 

1S8. 
Feredj-Ibn  Isinaîl,132. 
Feih- Allah  [voy.  Es-Sedrali). 

—         Ibn-Araer,  354 . 
Les  Fichtala,  31 . 
El-Fichlali,  38,  45. 
El-Frontïéra,  73,74,460. 
Ibn-Abi-Folouh,  23. 
Beni-Foudoud,  430. 
El-Foudoudi,i74,n2. 

—  Omar,  178. 

—  Abd-  el-Ouahed  , 

176. 

Fouzi,  154. 

Prince  des  Galles,  319, 

Ibn-Gamacha,  184. 

Garcia-lbn-Anloun,  350. 

GAa6oti/a,,46,98. 

Ghadir-el-Hams,  432. 

El-Ghafaïri,  154. 

El-Ghafeki,201. 

El-Ghairan,  457, 

IbD-Ghalb.5. 

Ghaleb,13. 

Ghalîana,  87. 

lbn-Gharar,467. 

6hdnem-lbn-Mohammed,3. 

Ibn-Ghanta,  260. 

El-Gharbïa,  72, 78, 1 34, 1 59. 

GAa^^opa,  416. 

GhazUibn-el-Kas,  433. 

Ibn-Ghazi,  376,  383,  386, 
388,390,400,  AOietsutv., 
445,417.430,433  e^^utv. 

El-Ghomari,  54. 

Gi6ra/^ûr,215,  216,407,474. 

BenUGommi,  162. 

Gonzala,  186. 

Guadatète,  110. 

Guadix,  124. 

Guercif,  343. 


I 


Ibn-el-Habbak,  84. 
Ibn-el-Habci,  67. 
Hàbboun-Ibn-Ali,  198. 

—  Ibn-lbrahîm,  126. 
El-Bacen-lbn-Ali,  187. 

—  Ibn-Amer,  173,474. 

—  Ibn-en-Nacer ,  434, 

435,  e^^tttt;. 

—  lbn.Oinar,317,318, 

320,330,341. 

—  Ibn-Abd-er-Bahman, 

423. 

—  lbn-Soleiman,274. 

—  lbn-Yahya,420,422, 

423. 

—  Ibn-Youcof  ,     329  , 

341./ 
Abou-'l-  Haddjadj-lbn  -el-Ah- 

mer,  238,  305,   327,  392, 

475,  478. 
Ibn-Haddjadj,  68. 
Abou-Hadîd,43,67. 
Hafed  -  Ibn-Abd  -  cr-»  Bahman , 

423. 
Abou-Hafs-Ibn-Yaghmoracen , 

52. 
Ibn^ei-Flaktm,  158,  460. 

—  Mohammed  ^ 

225. 

—  Ali,  296. 
Abd-el-Halîm,    35^7,    359    et 

Hdlli,  449. 
Hammama-Ibn-ïslilen,  30,31. 

—  Ibn  -  Mohammed  , 

26. 
Beni'Hammama,  33. 
Ibn-Hammama  ,    Abou-Bekr , 

27,  367. 
Hammou  -  Ibn  -  Abd-el  -  Hack  , 
466. 

—  Ibn-Mouça,  465. 

—  Ibn-Yahva,   115, 


mon    DES   T7011S. 


601 


U6,  249,230. 
Abou-Hammou,  21,  1 56,321, 

322,  384  et  suiv.,  466, 

457. 
Ibn-HamMi,  306. 
j4/-//omrû,  306,393. 
Hamza-Ibn-Choaïb,  290. 

—  Ibn-Ali,  385  et  suiv. 

—  Ibn-Omar,  264 . 
Ibn-Hanîna,  69,  70. 
Haracat-Ibn-Hassonn,  453, 
Haroun-lbn-Moiiça.  62. 
Ibn-Haschar,  40,  41 . 
Douï-Hassan,  344. 
El-Hassani,  445. 
HassouD-lbn-Alu  369. 

—      lbn-Mohammed,452. 

~      es-Sobéïhi,  44  9,420. 
Abou'1-Haul,  262. 
El-Hemdani,  63. 
Ibn-Hicham,  78. 
Ibn-Bîdour,  227  et  suiv. 
Ibn-Hidya,  456, 
Hilal,  298. 
LesHinlata,  294. 
Hocein-lbn-Ali,  344. 
Aulad-Hocein,  364,  384,  409, 

425,  450. 
LesHosein,  387,  388. 
Honein,  90,  220. 
Les  Hoouara,  34. 
iBn-Houd,  72,  73. 
ffueltna,  'iO. 
Ibrahîm-ibn-Amran,  454. 

—  Ibn-Ali,  19. 

—  Ibn-Eiça  ,  84  ,  462  , 

465, 477. 

—  Ibn  -  Abi  -  Tachefîn  , 

401. 

—  Ibn-Zîan,  43. 
Beni'Ibrahtm,  3. 
Abou-Ibrahîm,  le  cid,  29. 
Beni'ldlelleii.  6,  7,  4  4, 

T.l?. 


idrîs-îbn-Abd-el-Hack,  469, 

—  Ibn-Mouça,  439. 

—  Ibn-Othman,  275,  476, 

479,  484  et  smv. 
Aulad-ldrîs,  48,  57,  58,  433, 

464. 
El  Idrici.  Mohammed,  423. 
Aboli -Ifelloucen,  354,  355. 
//y an,  2. 
Beni-Ifrcn,  2. 
Ifriah  Four  ion,  306. 
Boa-lgni,  26. 
Iklouùn,  368. 
llbogha,  364,  450. 
Beni-llouraen,  2. 
L'Imam,  les  fils  de,  223. 
Imelloulîn,  42. 
Beni-Iraten,  228.  477.   ' 
Ibn-Irgacen,  430,  433. 
Beni-lrnaten,7,22. 
Bent-irnîan,  48. 
El'Irnîanl,  Ibrahtm,  472. 

—         Moaca,  235. 
IrzîgU'in,  1,37. 
Ibn-irzîguen,  Ali,  354 . 

—  el-Hacen,  273. 

—  Soleiman,  482. 
Ishac,  frère  d'El-Morteda,  55* 
Abou-Ishac,  lehafside.  343. 
Ismaîl-lbn-Abî  - 1-  fladdiadL 

393. 
—     Ibn-Mohammèd,  332, 
My,  9,39,40,59,61. 
IzgAaren-Bafnka^  464. 
Beni-Iznacen,  491. 
EMznaceni^  453. 
Beni-lznaten,  6> 
Beni-Izzoul,  422. 
Jaën,  74,  88,  380. 
Don  Jayme,  204. 
Kahtour,  443. 
Les  Kaoub  259,  261 . 
Ibn-cl-Kas,  410. 

39 


602 


INDEX    »E«    NOMS. 


Bcni-'lKas ,  433. 
El-Kebîr,  24. 
Reodoiiz,  53. 

—  Ibn-.Abd.AHah,i62. 

—  Ibn-Olhraan,  194. 
Ibn-Kendouz,  53,  54. 

—  Abd-Alllah,163, 

42t. 
.     _  Masoiid,  309. 

Beni-Kendouz,  163,165. 
Beni-Kerdjoun,  3. 
C-dsr-Ketama,  178. 
iTAa/artf,  262,  314, 
Ibn-Khaldoun ,   330,331,383. 
Ibn-Khalas,  63,  76.  4G0. 
Khaled-lbn-Amer,  389. 
—     Ibn-Haroza,  247,  248, 

K     263,283,311. 
--     Ibn  -  îbrahîm  ,     418, 
419. 
Ibn.cUKhalef,   Abd- Allah, 

333. 
Ali,      248, 
313. 
KhaUfa,  182,167. 

Ibn-Abd-Allah,  263. 
Ibn-Abi-Zeid,  263. 
A7m7m'5,  269. 
Khathîça,  134. 
Las  Kbaradj,  380. 
Kharzouza,  10,  103. 
Ibn-ol-Khalîb  ,   309,    390  tt 
SMt?.,  395  et  suiv.  ,   403, 
404  ,   41 1   eri  suiv.  ,  480, 
487. 
Ibn^Khazrout,  455. 
El-Kheiri,  76.  144,143,  196. 
Khidr-el-Ghozzi,  114. 
Ibn-Khtrbach,  39,134,1  33. 
E!-Kinani, 53,34,  373,  374, 
Mendîl,  193,196. 
MohaiDmed ,     373  , 
377. 


I  Beni-Kinani,  493. 
'  EUKilrani,  67,68. 

Ibn-eUKilrani,  43. 

Aiilad-Abi-'l-Leil,  264. 

Les  Lemdïa,   12. 

Lemtr-lbn-Mabîou,  31 . 

Lemli,  122. 

Locha,  390. 

Locman~Ibn-el-Motozz,   5. 

Ibn-Macaï,  351 .  365.368,410, 

439,440,442. 
-  Ali,  451. 

—  .Masoud,  323,325, 
330,  349,  360, 
361,  404,  405, 
430,  434,  435, 
446  et  suiv.  , 
486,  4^7, 

—  Mehdi,  435, 

—  Omar,  445. 

—  Yaïch,  443. 
Macarmeda,  44,  192. 
Macîn,  243. 
Madjrît.  107. 
Beni-Madoun,  6, 19. 
Madrid,  107. 
MaghNa,  438. 
EUMa£;l>îli,  55,    183. 
Los  Maghraoua,  1 44. 
Maliiou-Ibn-Abf-Bekf,  27. 
Ïbn-Mahîon,  âO. 
Mahnoun,  9,  42,  22. 
Ibn-el-Mahrouc,    216,    472  , 

473,  478. 
Makhlouf-lbn-Qennou,  175. 

Ibn^Soleiman,   444. 
LesMakil.345,  381. 
Alalaga,  107. 
Maltk-lbn-Morahhcl,  96. 
Abmi-Malek,  57,  59,  61,62, 

66,  215,    217,    222,    229 

el  suiv. 
MorhUj  405. 


INDEX    DES   NOMS. 


603 


Benî-Mamet,  6. 
M^nsour,  419,  433  et  suiv. 
Mansour-Ibn-eUHadcij,    %QS  , 
299,313,346. 

—  Ibn-Abd-el-Mélek, 

'm,4ln,123,126, 
435.246,273  275, 
476. 

—  Ibn  -Solerman  ,   349  , 

324  et  suivantes t 

331. 
.-       Ibii-Tachefiû,  468. 
Doui-Matisour,364,3S  I . 
Ei'Uansoura,  U3,  221,  223. 
Beni-Maosoura,  207. 
Marbella,  402. 
Alarchena,  204. 
Maroc,  49,  55,  289. 
Masoud-Ibn-Abi-Amer,  207. 

—  Ibij  el-Haddj,  438. 

—  Ibn-Kanoun,  58,400. 

—  Ibn  Abd  -  el  -  Mélek  , 

472. 

—  Ibn^Rahhou,  348. 
-—       Ibn-Sogheir,  458. 

—  Ben-Bou-Zeid,  48. 
Les  Matghara,  62. 
Mûzouna,   13,    442,    445, 

446. 

Mecherla,  39. 

Mecîfa,  439. 

J/^rfea,  4  4,45,  442,  447,148, 
224. 

Beni-Meden,  6. 

Medîn,  voyez  Medyen. 

Beni-Medîn,  7. 

Bou-Mod}n,  347. 

lbn-Abi<Medyen,  496. 

Abott  -  Abd- 
Allah,467, 
468,  471, 
]  86 et  sui- 
vantes. 


Ibn  -Abi-Medyen-Abou  -  4-Ga- 

cem.  203. 

Abou-*l-Fadl, 

240,  242. 

244. 

Abou-Taleb, 

243. 
Abou-Yahv», 
398,  399. 
Beni-Abi-Medven,  481. 
Les  Medîonna,  4,  2,  31. 
lbQ-A1egy;uen,  278,  346. 
iMeimoun-lbn-Ali,   303,    304, 

316. 
Meimoun>lbnBebroun ,  238, 

239. 

—  Ibn-Oiiedrar,437. 
Kl-Mekdoiidi»43l. 

Ibn  -  Mekki  ,    Ahmed  ,   248  ,. 

251. 
^  Abd  -  eî  -  Mélek  , 

251,  263. 
—  Omar,  283. 

El-Mdâb,  190- 
Melah,  353. 
EUMélek-en-Nacer-lbn-Cala«- 

oiiu,4  45,  239. 
3/e/i/a,  62. 
Ibn-Meh1a,  484. 
Mclit,  242. 
Menod-Ibn-Nasr.  49. 
Mença  Djata,  343. 
~     Mouça,  243. 

—  Soleunan,    243,    269, 

302. 
Mendtl-Ibn-Hammama,  215. 

—  Iba-Mobamméd>  493. 

—  Ibn-Nasr,  23. 

—  Ibn-Ourtadlim,  68. 
Ibn.Abi-MendîI,  67.  * 
Mengouch,  6. 

El-Mengoucbi,  6  et  et  su\v. 
Les  Mencoucha,  46^^ 


mi 


IKDKl   DBS   KOUfi. 


MeraÈ,  81. 

Ibn  Merdenich,  73. 

Merîn,  25. 

Beoi-Merin,  25  et  suiv. 

Ibn-Merzouc,  330,  347  etsui- 

vantes  n  394. 
Mesarat,  217. 
Beni-Mesktn,  254. 
Messoufiy  27. 
£l-Metzari,  418,454. 
Ibo-Mezouâ,  243. 
Ibn-Micdad,  434,  435,   443. 
Les  Miknaça,  31 , 
MUa,  312. 
Miliana,  142. 
El.Milîani,  HS. 
IbD-el-Miltani,  165,  166. 
Mindas,  383. 
IbD  elMil,  298,  299. 
El-MizouaF;  voyez  Obhou. 

—  Abd  -el  -  Ouahed  , 

436. 

—  Cacem,  124. 
IfoaAfrf,  167. 
Abou-Moaref,    111,     121, 

172. 
Mobarek-lbn-Ibrahtm  ,    357 , 

373,  374. 
Mobajka,  250. 
Mocatel,  3. 

-«     Ibn-Ouenzemmar,  3. 
jtfoc/in,  103. 
Modjahed,  228. 
IbD'HohalIi,  Mohammed,  82, 

98,  124. 

—  Mouça,  115. 

—  Omar,    91,   97. 

*15. 
-—  Sollan,  216. 

—  *         Talha,    84,  98, 

103,113,116, 
123,218. 
Beai-Mohalli,  97,  et  suiv. 


Aulad-Hohelhci ,  264  ,    267  r 

313. 
Mohîb-lbn-Nasr,  22. 
Mohammed  -  Ibn  -  el  -  Abbas  ^ 

250. 

—  Ibn  .  Abd-Allah  , 

480. 

—  Ibn-Abd-el-Caouï, 
'     61. 

—  Ibii  -  Abd  -  el-Ha- 

iim,  449  et  sui- 
vantes. 

—  Ibn- Abi  -  Abd-er- 

Rahman,  331, 
358  et  suiv^ 
369. 

—  Ag«ellîd,  122. 

—  Ibn-Ali,  56. 
Ibn-Amer,  469. 

—  Ibn-  Abi  -Amer  • 

439. 

—  Ibn-Amran,  67. 

—  Ibii^Arîf,  456. 

—  Ihn-Àlïa,  15. 

—  Bedr  -  ed  -  Din , 

483. 

—  Ihn  -  cl  -  Cacèm  , 

440. 

—  Djemal-ed-Dtn  , 

483. 

—  Ibn- Abi  - 1  -  Had- 

djadj ,  479  , 
480. 

—  Ibn-Hacen,   428, 

431. 
—,        lbn.ldrîs,32,  58, 
121.462,469, 
483. 

—  Ibn-Israaîl,  440. 

—  eUMehdi,  323. 
— '         Ibn  -  Mohammed  , 

435. 

—  lbn'Mouça,436. 


INDEX   DES   NOUS. 


605 


—  Ibn-Omar,  440.  , 

—  IbD-Olhman,389, 

405  et  suiv, 
410,  415,  428 
et  suiv.y  434. 

—  Ibn  -   Soleimao^ 

432. 
~         Ibn-Temîm,  297. 

—  cl-Tonneci,437. 

—  Ibn  -  yaghmora  - 

cen,  429. 
—-         Ibii-Youçof,    16  , 
207,301. 

—  Ibn-Youçof  *Ibn- 

Allal,  4â8. 

—  Ibn-Zegdau,  357. 
El-Mokhaddeb,  26,  27. 
Ibn-Mokhlès,  159,  460. 

Les  MoDebbnt,  426. 
Bl-Monestlr^  253. 
Monîf-lbn-Thabci,  1 46. 
El-Montdcer,  le  mérinide,  435 

et  suiv,y  439, 

445. 

—  Tabd-el-ouadite, 

455. 
Ibn-el-Morabet,  92,  96. 
Morada,  427. 
El-Morteda,  39, 42,48,  49, 67, 

82. 
Mostagha/nern,  142. 
El-Mostancer,  52,150. 
El-Mot-icem,  319. 
El-Motamed,  319,  320. 
Abou-1-Motarref,  35. 
Moti-lbn-Tachefîn,  466. 
■^     Ibn-EïÇ3,  317,318. 

—  Ibn-Abi-Fadl,226. 

—  Ibn-Abi-Hammou  ,  139. 
~    Ibn.-Ibrahîm,311,312. 

—  lemérinide,4286/5i/iv-, 

435. 

—  Ibn-Rahhou,    58,124, 


461  et  $uiv.,ilO. 

—  Ibn-Yahya,  3. 

—  Ibn-Zerara,  14. 
Mouça-Ibn-Ali,  195,223,468. 
Abd-elMotimeD,  le  mérinide, 

365  etsviv* 
Ibn-Mozni,  Ahmed,  317,323. 
— r       Mansour,  248. 
~        Youçof,    269    et 
suiv.,  300,  314,  316. 
Nasr-Ibn-Ali,  23. 

—  Ibn-Omar,  17,  18. 

—  Jbn-Sollan,  19. 

En  -  Nacer  -  Ibn-Abi-'l-Hacen , 

282. 
Nebdoura,  122,187. 
Nebîl.280. 
Nedjd,  260. 

Nedroma,  139,  220,  249. 
Abou-Nefîs,  43. 
Nehel,  17, 
ll>n-Abi-Nenii,  154. 
Beni-Nemi,  442. 
Beni-Nemzi,  6. 
Nezoul,  464. 
ibn-Nezoul,  470. 
Noggom,  26. 
Ben-Bou-Noual,  22. 
Ibn  €n-Nouan,  493. 
En-Nouar,  30, 
Don-Nuno,  74,79,463. 
El'Ohbad,  347. 
Obbou-lbn-Cacem,  212,  240. 

—  Ibn-Djana,  279. 

—  Ibn  Bacen,  23,  24. 
Ibn  Obbou,  Ahnrtd   434. 

—  Amer,  325. 

—  Abd-el  -  Ouahed , 

434. 

—  Cacem,  124. 
Doui-Obeid- Allah,  68. 
El'Ocab,  77. 
Abou.'l-Olâ,49,122,470. 


606 


moBX  DES  Noas. 


lbn-Abi-4-Olà,  voy.  Oibman. 
BeDÎ-Abi-'l-OIâ,   236  et  sui^ 

vantes 
Omaïr,  455,  457. 
Ibn-Omaïra,  35. 
Omar,  le  baf^uie,  250. 

—  ibo-Abd-Allah ,    310, 

349,  351,358,371. 

—  Ibn  -  Abd-el  -  Mounien , 

♦54. 

—  Ibn-Ali,  296.  297. 

—  Ibn-Hamza,  2;:0,  283. 
'—     Ibn  Ismotl,  13. 

—  Ibn-Abi-Malek,  111. 

—  Ibn-Masoud,  372,385, 

387. 

—  Ibn-Meirooun  ,     317  , 

318. 

—  Ibn-Mohammed,  3i6. 

—  Ibn-Nasr,  23. 

—  Ibn-Olbman,  16,17, 

207. 

—  Ibn  Otbman-el-Askeri, 

122. 
'-     Ibn.Rahhou,177  ,432, 
477. 

—  Ibn-Yahya,  135. 

—  Ibn-Abl-Yahja,45,46. 

—  Ibn-Abi  -  Yabya  -  Abi- 

Bekr,  246, 

—  Ibn-Yakhluf,  192. 
Beni-Omar,  65. 

0mm  er-Ridjlein^  50, 
0mm  el'  Yomm ,  97 , 
Oran,  142. 

Ibn  Otbeinien,15i,152. 
Olhman.lbn-Abd-cI-Hack,30, 
31. 

—  Ibn-Abd-er-Rahman, 

211  et  swv. 

—  Ibn  -  Djerrar,  272  et 

iuiv. 

—  Ibn-Mohammed,  403. 


Othman-Ibn  -Abi-1-OlA ,  1 23, 
161,173.1:6,177, 
183,204  etsuiv., 
360,361,465,468, 
et  suiv.,  470  et 
sniv. ,  477  et  suiv* 

—  Ibn  -  Ouenzeinmar  , 

323. 

—  Ibn-Sebd,  150. 

—  Ibn  -  Abi  -  Tacheffn  , 

46S. 

—  Ibn  -  Yaghmoracen  , 

126,129,140. 

—  Ibn-Yahva,395,396, 

479,480, 
-r-       Ibn-Yonçof,  316. 
Ibn-Oltou ,      Abou-'l-Caccm  r 

210,247,261, 
252  284. 
—  Mohammed ,  H  ♦ , 

124e£  suiv.f 
129. 
Ouacely  5. 
Beni-Ouachi,   25. 
Oua</i-7- i46<rf,  55. 
.Ouataten,  343. 
Ouamharman^iS, 
Ouancherich,  221. 
Ibn-Ouanoudtn,  Abou-Ali,29', 
—  Abou  -Mo- 

hammed V 
32. 
Ouar^ /a,  389. 

hl  -Oi:athec,  436e;  suiv.,  447. 
Ël-Oualtaci ,  voy,  Omar-Ib»- 

Ali. 
Ouuzmorf  145. 
Oucenaf,  28. 
Beni-Ouctl,  6. 
Owrf/'rfa,  139,  140,  190,220, 

386. 
Abou  'l-Ouél!d-lbn-el-Âhmcr, 
216,  466,471. 


INDBX    DES    ISOMS. 


607 


OueDzeramar-lbn-Amran,  3. 

—  Ibn-Ar!f ,    21  , 

.  227  228,274, 
286,287,288, 
368,382,383, 
409,415,416, 
417.426,443, 
«  446. 

—  lbn*Ibrah)m  >  3, 

4. 
Ibn-0«enzemmar,  3. 
Bcni-Ouenzeinmar,  4. 
Ouerj'Aa, 351 .443. 
Ibn-el-0«iezîr,  134, 
Beni-M-Oaezfr,  134, 
Ibn-Ouîghern  144. 
Ibn-Onîghian, 376,410. 
Les  Oungacen,  29,367. 
El-Oungaceni,  172. 
Ibn-Oonsar,3S^2,  353,364. 
Oura,  177. 
Beni-Oura,  60. 
Ouragh,  26. 
El-Ourdîghi,  341. 

Oureg,  282.  384. 
Beni-OiirDÎd,  2,  457. 
Beni-Ourladjen,  169. 
El-Oorladjeni,  330. 
El  Ourtedghrabi,  67. 

Ibn-Ourzîz,  26,  67 

Ibn-Ousoaf,  461.  462. 

El-Oasnari,432,  440,  466. 

Omat,  28,  346. 

Ouzînii,  22. 

Don  Pedro,  205,379. 

Ferez  de  Guzmao,  184,205. 

Poudre  à  canon,  69, 

Er^Rabeta,  38. 

Bached-lbn-Mohammed  y   144 
etsuiv.,  149. 

BeniBached,  1   et  suiv. 

Ibn-Bafê,  276. 

»ahhou-lbn-Abd-Allah,  461, 


464,469,470.477. 
Bahhou-lbo-Mansoor  ,    386  , 
387,  401,  402. 

—  Ibn.Yacoab,486,187. 

—  Ibn-ez-Zaïm,    431  , 

442. 
Ibn-Rahhou,  El-Abbas,    473, 

467. 

—  Abou-Bekr,  423. 

—  Omar,  184. 

—  YahYa,313,3l4, 

352,c$53,357, 
361,362,364, 
450. 
Aulad-Bahhou,171. 
Rahmoun-lhu-HarouQ,  402. 
Er-Rahonï  253. 
Ibn-er-Rakîk,  6. 
Ras  et-Tabîa,  252. 
Abon-*r-Rebiâ,   le  ncérinide  , 

179  et  suiv. 
Ibn-Abi-Y-Rebiè,  56. 
£r-Rechîd,  l'almohado;  33. 
Beni-Recoughen,  6. 
Er-Remeka,  187. 
Remfta.  154 
Er-Rendahi  64,119. 
Ibn-Rezîga,  179. 
Ridouan,  238,327,328,332, 

392,393,479. 
Les  Rîah,  30,31,32,176, 
Er-Rias,W9. 
Er-Rîk-Rtkcen,138. 
Er-Roaïni,  406. 
Beni-Rocasa,  167,182. 
Er-Rokhami,  151 
Er-Rokn,  431 , 

iîonrfa.  77,  102,134,184,359. 
Er-Rondi,  423. 
Rota,  87,  1 1 1 . 
Ibn-Abi-'l-Saber,  179. 
Saôra,  210 
Sàd-lbn-Selama,  221. 


608 


INDEX    DES    KOVS. 


Sacout,  m, 
Safihd,  329,  439. 
ES'Saguia-t'Cl-Hami'a,  110. 
Satd-l'bn-Abcloun,  446. 
Saîd-lbn-Mouça,  308,  323. 
£â-Saîd,   l'almohade,   33,  36, 

—  lbn-Abi-Eïnan,348, 

—  le  mérinide,  400  et 

suiv. 
Abou-Sâtd  ^  l'abd-el-ouaJîle, 

293. 
—"  Feredi -er-roïr  , 

89,  459, <6<, 
470. 

—  le  niérinido,  488 

et  suiv* 

—  Olhmao,  480. 
Beni-Safd,  322. 

Cala  -  Béni  -  Sald  (  Alcala  la 

Beal  ),  234. 
Beni-Bcu-Saîd,  445,446.385, 

388,  428. 
Casr-ëaida^  2. 
Sakhr«lbn-Mouca,254,252. 
Sakhra-t-Eibaà,  406. 
Scilé,  46. 

Saleh-Ibu-Haramou,442,  454. 
BeniSaieh,  42. 
Abou-Salem,  le  mérinide,461 , 

470,    327,484. 
Sa/o6reno  407. 
Don  Sanche,   405,406,408, 

446,445,138,204. 
Les  Sanhadja  de  Bougie,  297. 
Es-Saoud,39,40. 
Ibn-es-Saoud.329. 
Sénda,484. 
Aulad-Seba,346. 
Les  Sedou}kicb,34  4. 
Les  Sedrata,34. 
Es-Sedrati,  84,80,98. 
Sefcif,  427. 
Sepmîan,  26. 


Séïd-en-  Nas-Ibn  •  Abd  -  el  - 

Caouï,  43. 
Ibn-Séïd-en-Nas,  Mohammed, 

298,299, 
467. 

—  Moaçd,367. 

—  Yaconb , 

423. 
Sêkciouï,  400. 
Es-Sekcîouï,  306. 
Selama-Ibn-Ali,  49. 
Ibn-Selaraa,  Mohammed,  20, 

224 ,  222. 
~        Sâd,  20,  224 . 
Beni-Selama,  7,  49 cf  suiv, 
i4 6ou-Sc/tf,  44,  67. 
SeDgman,  26. 
Abou-Serhan ,  4  5. 
Séville.lfk,  86,  442. 
Es-Sibli,304. 
Ibnes-Sibli,  468. 
Beni-VSibli,467. 
SUljilmessa,  43, 66,  494, 242, 

287,362,449. 
Sidjoum,  254,264. 
Es-Siui.  245. 
Siyour.  437,443. 
Es  Sobéïà,  360,363  ee  suiv.  , 

372, 436. 
Ibn-es-SobéYa,  356. 
Es-Sobeihî,  Ahm-d,  420,423, 

42i. 

—  Ali,  420. 

—  Hassan,  424.422. 

—  HassouD  ,     449  , 

420, 

—  Mohammed,  437, 

438 

—  Mouça,  463,474, 

423,  434. 

—  Yoiiçot,  445. 
Sofrouïjitii. 
Sogfjom,  26. 


IMDSX   Ipg   NOMS. 


609 


Es-Soggoumi.30« 
Sogheîr-lbD-Amcr,  227,  323, 

348. 
U^  Soletm,  259,260. 
SoleiiiiaD-Ibo-Daw(»ud ,    309, 

315,  346,  319, 
320,  326,  351, 
352,  372,  442, 
444. 
~  IbiHlbrahifii,  464 . 
-^  Ibn^Oibinan  ,  44 , 
475. 

—  Ibd-Sèd,  %i . 
Aboa*Sollan-Aztz,  90. 
Soi-en-Niça,  30, 462. 
Les  Soueîd,  322. 
^ula-Ibn-Tacoub,  322. 
Àulad-Tft.AUah,462. 
Taazoulel,  363. 
Et-Taberi,  Hiistorien,  259. 
Tacergttuit,23,  24. 
Taobefin-lbn  -  Abd-el  *  Hack  , 

376. 
— «      Ibn-Abi  -  'i  -  Haoen, 
304, 350,359. 

—  lba-Abi.Malek,400. 

—  Ihn^Moti,  403,  464. 

465. 
Tacbefin-Abou-Omar,  303. 

—  ibD*Abd-el-Oaahed, 

77. 

—  el-Oataci,  483. 
Abou-Tachefln ,  l'abd-^l-oua- 

dîte,  244,  223,  402,  426, 

427, 455  et  $uiv. 
Tadjhammaumi,  428. 
Taferga,  58, 
Taferknit,  7. 
ra/arjfuifU,  442,447. 
Tafertast,M9. 
7a/na,  4 05. 
Ibn-Tafraeuîo,   Abou-Moham- 

med,  223,  225,  845,  247, 

*  T.    IV. 


254,  252.266,  267,  343, 

345,  475. 
Tafrata,  54 . 
raarrtr4,450. 
Tahadrtl,  354. 
Ibn-Tahadrtt,  Asker,  23i«. 

—  Mohammed ,  235 . 

Tayaien-lbD-Hahiou,  28. 

~    Ibn^Omar,  899,  329. 
Ibd-Abi-'t-Talac,  486,  490. 

—  Ali,  445. 

—  el  -  Haceo  , 

423. 
Talha,  373. 

~    ibo-Mohalli    48,  466, 
470. 

*-^     Ibo^eZ'Zobeir,  437. 
Ibn-Abi-Talha,  360. 
Tallout,  442. 
Tama/rir,  464. 
Tamskraut^  377. 
liran^er,  63,65,66. 
Taaughzoui^  49. 
raouHrl, 4 39,  344,342. 

—        sur  Za,  245,  427, 
431. 
Tdoun^,  62,  444. 
Tarifa,  77  ,   434    et   suiv. , 

232. 
Tarouaant^  464,494. 
Ibo-Abi-TatOQ,  40,  41 . 
Tazauta,  29.  434. 
Tazrount,  487. 
repaya,  243 
recAHc,342. 
Les  TeçQul,  34 . 
Tedellis,  302. 
Tedta,  344 . 
Telagh,  27,54. 
Et-TeUli,455. 
Telkûta,  297. 
Tementit.  494. 
Temzezdekt,d6,ii3i,ZùH. 

40 


640 


n»itBk  DIS  itons 


(bn-Tenateft,  26. 
Tendjeda,  424 . 

Teroudja^  4B0. 
Tesalit,  30. 
Tèza,lk3i. 
Thabet*lbu.HeadtlJ39,  UO, 

U4. 
Abou-Thabet,  le  mériiiide,169 

et  êuiv. 

—  Ibn^AIi,  446. 

—  Ibn  -  GthmaD  , 

473  et  suiv,, 
478. 
•^  Ei-Zaïm,  286, 

293,2&4,296. 

—  Ibn  •  Yacotib  , 

47a. 
£es  Thâleba,  4  0. 
Thenïa,  ^66. 
lbn-«lh-Thouar,  249^, 
Tidjedoughin,  32. 
Beni-Tîgberfn,  6.22. 
Tigoitrarin,  494,  389,  40». 
Tifcipo*,  464. 
mra/,  243,299. 
Ëi-TilimçaDi,  329. 
Tinmelel,  27, 83. 
lbii-TîrbfgbtD,245. 
Titeri,  388. 
7/emcen^&9,  426,  438,  444, 

442, 490,2<9,292,427. 
Tolède,  407,  408. 
lbn*ct-TordjemaD,  417. 
Tou/otr,  1 95^ 
To/ya,  34'4. 
Jouât, 4 94. 
Ibn-ToQcrHet,  434,  438.  446, 

448. 
Beni^Toudjîn,  4  eisuiv.^  447, 

448. 
Toiikal,  17. 
TouFzegU€&,  4. 


rufir>,  340. 

Dbeda,  409,380. 

Valence j   74. 

Ville- Neuve^  voyez  Mansourr. 

—  de  Fez.  84 ,  84^ 

493,276. 
Xérèt,  7fr,  87,  440. 
El-Yabarri,  343,  437  et  suiv., 

442, 464. 
Yacoub-ibo-AsDag,  476; 

—  Ibn-Abd> Allah.  46  et 

^nU;.,  469,470. 

—  lbn-Abd*el-Hack,  34, 

38.  44  et   euiv.  , 
46». 

—  Ibn-Ali  ,  248  ,   270, 

274,282,294,300^ 
344,  316. 

—  Ibo-Haroun,  9,  76. 

—  Ibn-Idri«^462. 

—  Ibn-Moucd.420. 
Abou-Yacoub-Yoïiçof,  le  mé- 

rioide,  60,420  ^t  mt;.  4  68. 
Aniad-Yaghmor,  389,403^. 
Yag^moraeen-Ibn-Hammama  • 

69,  70. 
^  IbD-ôeUoia,  20. 

—  Ibn-Mobammed 

446. 

—  tt)D-Tache(tD,44 

—  Ihn-Zîàn,\8, 33, 

39, 51 ,84,99, 
104,427,428, 
462. 
Yahya-Ibn-Abd-Allah,  49. 

—  Ibiî-AllaK  440. 

—  Ibn-AlYa,15,1«. 

—  Ibn-Dawood,  «95,296*- 
^    lbD*Ha2eiii,400. 

—  Jbii-Hodeil,390. 

—  Ibn  -  Meimoan  ,  342  , 
\  372, 374.,   et  «t«V. 

--.    Ibti-Aii-MeiKKi,  44». 


IRDIX  DIS  NOMS. 


M\ 


Yabya-ibn^Mouça.  220. 

—  Ibn-Omar-lbn- Abd-el  - 

MoumoD,  289. 

—  Ibn-  Omar  -  tbn  -  Rah"* 

hou,  286,345,472, 
473,   477  $t  «wV., 
483. 
— -    Ibn-Saleh,  54. 

—  Ibn  ^  Soleiman  ,  221  , 

254 ,  252. 

—  lbD-Yaghinoraoen,69. 
Aulad-Yahya,  304. 

Abou  -  Yahya  -  Ibn  -  Abd  -  el- 

Hack,8,  33, 
67,  422, 
446,    470. 

—  Aboa  -  Bekr  . 
'      209,    240, 

2i3,    245, 
249. 
— -  Ibn-esChehtd, 

64. 

—  Ibn-Houça,  4. 
Yaïch-lbii-Ali,  325.437,  438, 

464,472,  494 

—  Ibn-'Ainran,  474. 
YalalbD-Abi-fiïad,  445,465, 

466. 
Ibn-Yalou,  47. 
Ibnei-Yamto,  358. 
Yaoud,  22. 

Yedder-lba^Locman,  5. 
Ibn-Yedder,  Abd-er-Rahman, 

464,494. 

—  •      Ali,  464, 
Beni-Yedder,  464. 
Ibn-Yemioul,  Yahya,248,313, 
Belad-Biini-YeEtd,  68. 
Youçof-lbn-Ahd-el-Caouï,  9. 

-^    Ibn-Ali,  425,438,442, 
444,  448- 

—  Ibn-EYça,  474. 

—  IbnJrgacen,  44,  67. 


YoaçoMbn-Ha8san,4  6. 
--    Ibn-Masoud,  444. 
•^-    Ibn-^Omar,  48. 

—  El-MostaDcer,408. 

—  Ibn-Yacoub,  le  méri- 

nide,  68,  4  20  et  sui- 
vantes. 

—  Ibn-Ztan,  45. 
Aulad-Youçof,  344. 
Ibn-Youwoddjan,  6. 
^s*Zdn,  450. 
Ez'Zéara,i39. 

Les  Zegaoua,  34 . 
ZegdaD,462. 

—  Ibn-Adiemi,  44. 
Ibn-Zegdan,  384,382. 
Ibn-Zeghbooch,  453. 
LesZegoa,  426,  475,  494, 

470. 
Zeid*lbD*FerhouD ,  23i . 
Abou-Zeid,    le  hafside,  349,*^ 

280 e/mw,, 297,  344,342. 
Zékérïa-lbn^ Yahya,  432. 
Aboo-Zékérïa,  le  hafside, 4  49, 

209. 
Zekouan,  4(9. 
Ez-Zelaïdji.  437. 
Ibn^Zemroc,  442. 
Beiii*Zecdek,  9. 
Ibo-ez-Zerca,  90, 
Ez-Zerdali,  306. 
ZerAoïin,  33,  409^  437. 
Zerooc,  434.  438,  445,  448. 
Ibo-Zerzer,  327.  -\ 

Ztan-IbD-Abi*Elad,  99. 

—  Ibo-Mohammed,  40. 

—  Ibn-Mohammed-lbn-Abd- 

eUCaouï,  464 . 

—  Ibn.Omar,227,228,423, 

425. 

—  Ibn-Othman,  322. 

—  Ibn-Thabet,  462. 

—  Ibn-Abi-Yahya,  4.  - 


612 


HIDKX   DBS   HOaS. 


< 62,  386,387. 

— »  .       Ibn-Abi-EinaD, 
804.347. 
Ibo-  Abi  -  Ham- 
mou ,    455 , 
467, 
—  MeDdîl;90,IOO, 

402,    409, 
443,  449. 


Abou-Zten-MohadiBied,!  43. 

Ibs-Othmaii, 
346. 
Ztgaeo,  437. 

Ztrî-Ibn^^Haaiinad,  442,  444. 
^z*Zilotin,  493,  242. 
Les  Zoghba,  324. 
Aulad-Zoghli,  226. 
Ec-ZobeiMbn-Talba,  345. 
Bx-Zolaïkbi,  437. 


rm  Dk  l'index  du  toh  QUÀTtiÈvi. 


Pàgb  17,    LteiVB 
—    56,       — 


88,       - 
138,  ajoQt^z 


Itt, 
146, 
167, 
18i, 
197, 
209, 


ERRATA. 

A  Uplaaede  : 


26, 

3, 


Ibn^mar 
el-Gabaili  et  ses 
enfants. 


Usez  : 

Omar, 
le  secrétaire  EI- 
CabaTli  et  leurs 

enfants. 
L'alenle  pater- 
nelle. 

à  la  note    Er-Bik-Rikcm  peut  signifier  Henri 

Requeeen'yH  y  avait  une  noble 
famille  de  ce  nom  en  Catalogne . 


note,       L'a'ieul  paternel 


231, 

336, 

337, 

363, 

389, 

394, 

405, 

472, 

498, 

492, 

495, 

498, 

501, 

524, 

536, 


5; 

note, 
note, 

id. 

note  i, 

(signature) 
M, 

*^ 

u{(. 

83, 

^' 
46, 
32. 

19, 

20 

12, 

.  17, 


Mazouma 
Id. 

EI-AbeUi 

Recasa 

Hammout 

mokaouerfU 

fahtélebofA 

fahiébelm 

Tenotio 

rnsgu*aiux 

Oudrar 

Yahmor 

queluue 

vzir 

Rabhon 

l'hiérarchie 

trouva 

égyptiens 

81  ron  est 

géoéalogues 

supprimez  le  moi 

ILhaliia  rapporte 


Mazouna. 

Id. 
Bl-Abbeli. 
Rocasa. 
Bammou. 
mohaoueraU 
fahtehbou. 

Îdfttebe(o». 
Tenorio. 
jtttotf'aitx. 
22. 

OuAsar. 
Yaghmor. 
quejque. 
vezir. 
Rabhou. 
la  hiérarchie, 
trouve, 
égyptiennes . 
est-on. 
généalogistes, 
beaucoup. 
Khalll   a  rap^ 
porté . 


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