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POLYBIBLION
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REVUE
BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
SAIMT-QUENTIN. — IMPftlMBRlB JULES MOUREAU
POLYBIBLION
REVUE
BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
PARTIE LITTÉRAIRE
DEUXIÈME aÉRlB. — XOHE OEUXIËHK
(quatosziëhe de la collection.)
PARIS
AUX BUREAUX DU POLYBIBLION
35, BDI » osmitLB, 35
1875
Û
cVvr^/. /fije^io
Z-'X' ^7 POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
ROMANS, CONTES ET NOUVELLES
La TenteUion de saint Antoine^ par Gustave Flaubert. Paris, Charpentier, 1874. In-8
de 296p. Prix: 7 fr. 50. — Àvrélia ou Ui Juifs ds la ports Capins, par A. QuiNTON.
Noavelle idition. Paris^, Letbielleux, 1875. Iq-8 de 508 p. Prix: 3 fr. 50. — Les
Gladiatsurs^ roman antiqne, traduit de l'anglais de G. J. V^hytb-Melville. par Gh.
Bbbnard-Derosnb. Paris, Hachette, 1875. 2 vol. in-8 de 320 et 290 p. Prix : 2 Tr. 50
les deux volumes. — L'Aventurs d'uns dms en peins^ par Gilbert- Augustin Thierry.
Paris, Didier. 1875. In-8 de 538 p. Prix : 7 fr. 50. — Les GentiUhammss ds laCuillsr,
nar Gbarlbs Buet. Paris, bibliothèque de Saint-Michel, 1875. In-18 j., de 384 p.
Prix: 3 fr. 50. ^ La Conspiration de Saleèds^ par Ernest Billaudel. Paris, A.
Ghio, 1875. In-8 de 284 p. Prix : 3 fr. — I« Pity ds Montehal, par Alfred Assolant.
Paris. Dentn, 1875. In- 18 j., de 368 p. Prix: 3 fr. — L'As ds cœur, par P. du
BoiSGOBBY. Paris, Dentu, 1875. 2 vol. m-18 j., de 342 et 331 p. Prix: 6 fr. -^ Ls9
Mémoirss ds mon oncls, par Ghables d'Hébicault. Paris, Didier, 1875. In-12 de
350 p. Prix : 3 fr. £0. — Lss Mémoirss d*uns yétroleuss^ par A. TAbah. Paris,
Donmol, 1874. In-18 de 250 p. Prix : 2 fr. 50. — la Conquéts ds Plassans, par Emile
Zola. Paris, Charpentier, 1874. In-12 de 402 p. Prix : 3 fr. 50. — La FauU ds l'abbé
Mourst, par le même. Paris, Charpentier, 1875. In-12 de 428 p. Prix: 3 fr. 50. —
JfiM Aovf/, par VxCTOB Cbbbbuliez. Paris, Hachette, 1875. ln-18î.. de 360 p.
Prix : 3 fr. 50. — Droit au bul, par Amêdêb Acbard. Paris, Michel Lévy, 1875.
In-18 j., de 372 p. Prix : 3 fr. ^0. — la Vis ds /eu, par AnaXs SiGALAS. Paris,
Dentn, 1875. In-18 j., de 336 p. Prix: 3 fr. -^ Ls Mariags ds Thècls, parM-«
Matbildb Bourdon. Paris. Lecoffre. 1875. Iji-18 de 320 p. Prix : 3 fr. 50. — Une
Femme eaprieisuss, par M** Bmiub Garlbn, traduit du suédois par Mlle du Puget.
Paris, Gamier, 1875. 2 vol. in-12 de 424 et 428 p. Prix : 7 fr. — VHonnsur ds la
famille, par M"* Kbafft-Bugaille. Paris, Didier, 1875. 2 vol. in-12 de 366 et
390 p. Prix: 6 fr. — ATonq^ Yallisr, par M»* Gagne (Elise Moreau). Paris, Didier,
1875. In- 12 de 356 p. Prix : 3 f r. — Uns Idylle psndant Is siéffs, par François Goppêb.
Paris, Lemerre. 1875. In- 18 de 164 p. Prix: 3 fr. — Rsnés, par M"* Etienne
Mabcel. Paris, Lecoffre, 1875. In-18 de 292 p. Prix : 2 fr. » la famills Monval,
par Lucien Dobville. Paris, Bray &. Retaux, 1875. In-18 de 260 p. Prix : 2 fr. —
BlcMche^Nsigs, par M"** Glaire de Chandbneux. Paris, Didier, 1875. In-12 de 364 p.
Prix: 3 fr. —La Main ds vslours, par Mlle Gabrielle d'Estbampes. Paris, Périsse,
1875. In-18 de 320 p. Prix : 3 fr. — Miss Mortimsr, traduit de 1 anglais par E. de
Valubau. Paris, Hachette, 1875. In-18 de 262 p. Prix : 1 fr. 25. — Maris, histoire
d*nne jeune fille, traduit du danois, par LêouzonLe Duc. Paris, K. Nillson, 1875.
In- 12 de 360p. Prix: 3 fr. — Un Mariags français, par M"« Jeneins. traduit de
l'anglais par E. W. Paris. Sandoz & Fischbaeher, 1875. In-18 de 298 p. Prix:
3 fr. 50. — Ma mers et moi, par Tauteur de John Halifax, trad. de ]*anglai8.
Paris. Sandoz & Fischbacher, 1875. In-18 de 320 p. Prix: 3 fr. 50. — HamoM, par
Ferdinand Fabre. Deuxième édition. Paris. Dentu, 1875. In-18 j., de 482 p. Prix:
3 fr. 50. — La Ft<la- Komplre. par Paul FÉ Val. Paris, Dentu, 1875. In-18 j., de
372 p. Prix: 3 fr. — La Fontaine aux perles, par LE même. Paris, Dentn, 1875.
In-18 j., de 374 p. Prix: 3 fr. — JLa Trssss blonds, par Fortuné du BoiBGODBT.
Paris, Dentu, 1875. In-18 j., de 446 p. Prix : 3 fr. — Un Fruit ds lamsr MorU, par
M. E. Bbaddon, trad. de l'anglais par Gh. Bebnabd Dbbosns. Paris, Hachette,
1875. 2 vol. in-18 de 282 et 289 p. Prix: 2 fr. 50 les 2 vol. — Ls Jsuns Brown, par
Gbenvillb Mubbay, trad. deranglais, par*J. Butlbb. Paris, Hachette, 1873. 2 vol.
in-18 j., de 238 et 252 p. Prix : 2 fr. 50 les 2 vol. ~ Faleyrae, par Jules Stsbg.
Paris. Sandoz & Fischbacher, 1875. In-18 de 273 p. Prix: 3 fr. — Uns Fsmms
gênants, par Gustave Droz. Paris, Hetzel, 1875. In- 18 de 260 p. Prix: 3 fr. — Ls
Ckancsllor, par JuLBS Yebne. Paris, Hetzel, 1875. In- 16 de 314 p. Prix: 3 fr. —
Histoirssde pstite vUU, par Gbarles Deuun. Paris, Dentu, 1875. In-18 de 320 p.
Prix : 3 fr. 50. — Le Bal du diabU, par Charles Narrev. Paris, Michel Lévy, 1874.
In-t8 j.. de 210 p. Prix : 3 fr. 50. — Lss Contss eomtadins, par HidRY de la Made-
leine. Paris, Charpentier, 1d74. In- 12 de 296 p. Prix: 3 fr. 50. — Ie« Amss sn
ptine, par Xavier Marmibr- Noavelle édition. Paris, Hachette, 1875. In-18 j., de
386p. Prix: 3 fr. 50. — Aventure» extraordinaire» d'un homme et de trois femme»,
par le prince J. Lubouirski. Paris, Dentu, 1874. In-18 j., de 286 p. Prix: 3 fr. •
Le Médaiflonf par Emile Daclik . Paris, librairie de la Société des gens de lettres.
In-32 de 180 p. Prix: 0,75 c. — Une Muse, par Alfred Bonsbrgbnt. Paris, £.
Lachaud, 1875. In-32 de 212 p. Prix : 3 fr. — Cinq nouvelle» , par le même. Paris,
E. Lachaud, 1875. In-32 de 192 p. Prix: 3 fr. — La Chambre aux histoire», par
F. FertiàDlt. Paris, Didier, 1875. In-12 de 383 p. Prix : 3 fr. — L'Antre des
tnyitér», par Henry Ballacey. Paris, Ch. Blériot, 1874. In-18 de 376 p. Prix: 3 fr,
— Marie Chas»aing, par Adolphe Badin. Paris, Hetzel, 1874. In-18 de 336 p. Prix :
3 fr. — Les Chasseurs excentriques , par G. d^Amezbuil. Paris, Dentu, 1875. In-18 j.,
de 300 p. Prix : 3 fr. — Souvenirs d'une Co»aque^ par Robbrt Franz, Paris, Lacroix,
1874. Iq-18 de 280 p. Prix : 3 fr. 50. — Souvenir» d'un piani»te. Paris, Lachand, 1874.
In-18 de 253 p. Prix ; 3 fr. 50.
Qu^est-ce que la Tentation de saint Antoine ? Un roman ? Le scénario
d'une revue-féérie ? Une satire ? Une parodie ? Un mystère ? Une mys-
tification? Ce n'est ni spécialement ceci , ni spécialement cela ; mais
c'est un peu tout cela. M. Flaubert, irrespectueux comme tout libre-
penseur, joue aux marionnettes avec les dieux de la Grèce, de Rome,
de la Chaldée , de l'Egypte, de la Perse, de Ninive, de Babylone et
de l'Inde. Toutes les mythologies, sauf pourtant la mythologie Scandi-
nave, défilent , ombres chinoises de rhallucination, devant le saint
ermite de la Thébaïde. Antoine est assis, le soir, sur le seuil de sa
cabane. Il se sent las, fatigué, plein d'ennui, agité de regrets et de
rêves confus, qui bientôt prennent une forme sensible et se multiplient
autour de lui en myriades de visions plus ou moins saugrenues, pen-
dant la nuit entière. C'est d'abord la tentation de l'orgueil. Antoine se
croit à Alexandrie, revêtu des hautes fonctions de patriarche. Puis,
viennent les tentations de la chair, et c'est la reine de Saba qui, dans
un costume exceptionnellement étrange et dans un langage plus
étrange encore, essaye de séduire le pauvre ermite. Ensuite, — tenta-
tions de l'esprit, — commence toute une série d'apparitions symboliques :
les religions, les philosophies, les syncrétismes, les forces de lanature,
la science, la matière. Nous voyons surgir les Gelludes, les Stryges,
les Empuses, Erichtonius aux jambes molles , Triopas aux trois orbi-
tes, les innombrables Œsars de l'Étrurie.Le décor change, la baguette
du magicien nous amène les sept péchés capitaux, les sectaires de tous
les pays, les hérésiarques de tous les cultes, les commentateurs,
les contradicteurs, les sophistes de toute langue, Manès, Basilide,
Yalentin, Simon le Magicien, Marcion, Arius, Montanus, Priscilla,
AppoUonius de Thyane. J'en passe et des pires. Il n'y a pas dans Y Iliade
de pareils dénombrements. Aux philosophies, succèdent les animaux
fantastiques, le Sphinx, la Chimère, la Licorne, les Blemmyes, les
Pygmées, les Sciapodes, le Sadhuzag (?), le basilic et la belette Pas-
tinacca dont l'odeur tue les arbres. On dirait la fameuse nuit du Wal-
purgis décrite par Goethe dans Faust. Le cauchemar se termine par
des professions de foi matérialistes, naturalistes, panthéistiques.
— 7 —
Obsédé par SOI visions» saint Antoine s'éorie stupidement: • Je voudrais
être la matière I » Alors le jour parait. Tout au milieu du ciel et dans
le disque du soleil, rayonne la faoe de Jésus-Christ. Antoine fait le
signe de la croix et se remet en prières. Qu'est-ce à dire ? M. Gus-
tave Flaubert aurait-il voulu, fermant son livre, exprimer le triomphe
de la foi dans l'âme de saint Antoine ? Tel n'est pas notre avis. D'une
lecture attentive de Touvrage, il résulte pour nous ceci : que Fauteur
de la Jen^o/ion a voulu plutôt peindre Yidiotisme de la croyance retom-
bant sur elle-même malgré les données scientifiques. Si M. Flaubert
avait tenu à donner à son œuvre une teinte chrétienne, il n'avait qu'à
armer son ermite du signe de la croix à chaque tentation. Au con-
traire ! nous avons à faire ici à un lâche cénobite qui gémit, qui se
lamente^ qui s'abandonne. On commence par le plaindre, on finit par le
trouver grotesque. £n résumé, l'idée générale qui se dégage du
livre de M. Flaubert, c'est que toutes les religions sont indifiérentes,
qu'elles laissent matière au doute et que le christianisme n'est qu'une
étape de l'évolution de l'humanité. La Tentation de iaint Antoine est
une énigme agaçante à la confection de laquelle ont concouru les dic-
tionnaires de mythologie, la Bibliothèque orientale de d'Herbelot, les
Bestiaires du moyen ige, le Spéculum majus de Vincent de Beauvais,
l'Histoire des Religions'^ le Monde enchanté de Ferdinand Denis, Millier,
Greuzer, Gœrres, les Righs-Vedas, l'Apocalypse, Dupuis, Strauss,
Renan, Schopenhauer, les Livres apocryphes et... Pigault -Lebrun.
C'est d'une érudition étonnante, mais toute de surface. Au surplus, les
anachronismes y abondent. M. Flaubert donne pour maître à saint
Antoine le bon vieillard Didyme, né soixante ans après l'ermite. Il est
vrai qu'il ne faut pas se montrer trop difficile, quand on voit le Boudha
venir faire tranquillement la causette avec un ami de saint Athanase.
Ces réserves de doctrines établies, il ne nous en coûte pas de con-
venir qu'il y a dans la Tentation de saint Antoine des pages resplendis-
santes. Nous citerons notamment la vue d'Alexandrie & vol d'oiseau,
le tableau des jeux du Cirque, le défilé des dieux indiens, le pano-
rama de l'Olympe, l'arrivée de la reine de Saba en Thébaïde et la des-
cription du bouclier de Djan-ben-Djian. Eugène Delacroix et Fro-
mentin n'auraient pas peint certaines scènes orientales avec une telle
vérité et une si puissante intensité de couleurs. Mais, pourquoi donc
M. Flaubert, lui si minutieux, a-t-il oublié l'inséparable et légendaire
compagnon de saint Antoine ? A moins qu'il ne l'ait incarné dans
le triste et fatal Hilarion, personnification de la science ! S'il en était
ainsi, M. Flaubert aurait fait une allégorie profonde et vraie. La
science sans Dieu ravale l'homme et le met au rang des brutes. Telle
n'a pas été^ à coup sûr, son intention. Aussi maintenons-nous toutes
nos critiques.
— 8 —
— Avec Aurélia ou les Juifs de laporte Capène^ de M. Qainton, nous
quittons le roman visionnaire pour aborder le véritable roman histo-
rique. L'œuvre de M. Quinton est antérieure à un ouvrage avec lequel
elle n'est pas sans analogie ; nous voulons parler de Fabiola, de
Mgr Wiseman. Mais le. but est le même : peindre, sous la forme drama-
tique d'un récit, les temps primitifs du christianisme. M. Quinton^ dans
l'édition considérablement augmentée qu'il nous donne û* Aurélia^ nous
parait avoir parfaitement réussi dans un genre qui n'est pas sans diffi-
cultés. Il a très-bien exposé les défauts et les vices du monde qui
croule, les vertus et les énergies du monde qui s'édifie. De ces anti-
thèses naturelles naissent les situations les plus pathétiques. Aurélia
Flavia Domitilla, noble patricienne de Rome, petite nièce de Yespa-
sien, est convertie au christianisme par son humble esclave Cécilia.
Avec Aurélia, reçoivent aussi le baptême le vespilion Gurgès et Cor-
nélia, la Vestale Maxime, celle-là même qui avait été condamnée à être
enterrée vive pour avoir violé ses vœux de chasteté, et que les chré-
tiens sauvèrent de la fureur des flamines. M. Qainton a tiré un heu-
reux parti de la légende de sainte Pétronille, fille de saint Pierre au
dire de certains hagiographes. Il jr a^ dans son livre^ des notions fort
curieuses sur le droit romain ; il j a aussi des annotations fort
savantes, trop savantes même dans l'espèce. Pareillement, nous blâme-
rons l'auteur d'avoir donné le beau nom de Régulus à un délateur,
à un accusateur public, à un vil espion ; Régulus, dont le nom est
synonyme d'héroïsme ! A cela près, Aurélia est un excellent livre.
Il va sans dire qu'il n'est pas ici question des juifs. Les juifs de laporte
Capène sont tout simplement les chrétiens, confondus d'abord par les
Romains avec les fils de Moïse.
— Au même ordre d'idées que le roman de M. Quinton appartiennent
les Gladiateurs de C.-J. Whyte-Mel ville, avec cette différence pourtant
que, dans Aurélia^ l'inspiration chrétienne domine toutes les pages,
tandis qu«, dans les Gladiateurs ^ elle surgit accessoirement. C'est une
œuvre qui se rapproche beaucoup de Y Epicurien de Thomas Moore et
du Dernier jour de Pompeî de Lytton Bulwer, quoique beaucoup plus
mouvementée et beaucoup plus dramatique, principalement dans les
scènes de la prise et de la destruction de Jérusalem qui forment le
dénoûment de l'ouvrage. Le héros est un Celte, un esclave breton,
Esca; sa force est herculéenne et il la met au service de la justice^ ce
qui le rend très-populaire parmi les dames romaines. Son maître
orgueilleux le fait descendre dans l'arène pour lutter avec des gladia-
teurs de la Pannonie. Inutile de dire que ces luttes sont décrites con
amore par M. Whyte-Melville. On n'est pas pour rien du pays de la
boxe. Toutefois, l'admiration que professe le romancier pour la force
physique ne luiôte nullement le sens de la spiritualité. Les Gladiateurs
— 9 —
8ont précédés d'une i^emarquable préface, écrite pour une édition anté-
rieure par Théophile Gautier.
— Des premiers temps du christianisme, sautons sans transition
jusqu'à la fin du seizième siècle, et [nous nous trouverons en face de
VAveniure (Fvne âme en peine, de M. Gilbert-Augustin Thierry. Plu-
sieurs organes de publicité, parmi ceux qui se piquent de respect
pour les choses respectables, ont fait de ce roman de grands éloges.
Cela prouve que les critiques auxquels nous faisons allusion ne l'ont
pas lu, ou qu'ils sont, dans le cas contraire, bien inconséquents avec
leurs principes. En effet, l'Aventure dune âme en peine n'est pas une
œuvre vulgaire ; mais, au point de vue de la vérité historique et des
tendances générales, c'est un mauvais livre. M. Gilbert-Augustin
Thierry a tenté de faire le portrait du passé, et il n'en a donné que
la caricature. Pas un de ses personnages n'est sympathique. Tous
sont dominés par la haine ou par l'ambition, par la vengeance ou la
dépravation. Actéon le Mauldict de Martincourt descend d'un tem-
plier qui a jadis, au moyen âge, séduit une religieuse. Il porte sur son
épaule gauche la griffe de Belzebuth, ce que les sorciers appellent la
Martinette. D'abord abbé galant à la cour de France^ Actéon devient
ensuite grand-vicaire du diocèse de Langres. Là, il se conduit en
véritable inquisiteur et tyrannise le a bas clergé, » tout en se livrant
secrètement aux horribles pratiques de la magie noire. Son rêve est
de devenir évêque ; mais le roi lui tient rigueur pour certaines fre-
daines. Actéon, désespéré, entre dans l'ordre des jésuites. Une tarde
pas à être nommé provincial de Dijon. Là, il attire à lui le fils d'un
de ses fermiers, Pierre Maréchal, de la même famille que la religieuse
débauchée par le templier. Il l'endoctrine, le fanatise et le pousse
secrètement au régicide. Le Parlement de Dijon instruit l'affaire;
Pierre Maréchal, convaincu de tentative d'assassinat sur la personne
d'Henri III, est condamné à mort ; Actéon, grâce à des artifices dia-
boliques, sort indemne de ce mauvais pas, mais il est tué, la nuit,
d'un coup de poignard, dans une rue de Dijon, par Jacques le Lyon,
un ancien curé que le Mauldict avait fait bâtonner, alors qu'il était
grand-vicaire de Langres. Tel est, en deux mots, le roman de M. Gil-
bert-Augustin Thierry. Dans sa préface, l'auteur déclare vouloir prou-
ver que le passé ne valait pas le présent. Circonscrite dans les limites
du vrai, la thèse était soutenable. Seulement, il ne fallait pas tomber
dans l'exception ; il ne fallait pas conclure du particulier au général ;
il ne fallait pas s'autoriser de crimes exceptionnels commis par quel-
ques prêtres et quelques magistrats pour s'écrier triomphalement :
(( Tels étaient les prêtres et les magistrats vers la fin du seizième
siècle I » Procéder ainsi, c'est à la fois mentir sciemment au bon sens
et à l'histoire. C'est pourtant ce que fait M. Gilbert-Augustin Thierry,
ne voyant, dans les magistrats de cette époque, que des juges sans
— 10 —
conscience ou des robins ridicules, et dans les prêtres et les jésuites
qtie ce que l'on appelle aujourd'hui, dans un sens méprisant, le jésui-
tisme. Qu'on ne m'objecte pas que l'auteur s'est seulement borné à
peindre et àraconter, et qu'il n'a pas jugé. C'est une erreur profonde,
et j'en donne comme preuves les quolibets qu'il lance à chaque instant
contre les a gros bénéfices,» les «riches prébendes, d la «céleste
rosée,» la « casuistique jésuitique, » la «délation ecclésiastique, » la
« compression des consciences, » etc., etc. C'est du Michelet mis en
roman. Et nous le regrettons, car il y a une grande puissance de con-
ception et une véritable originalité de style dans l'Aventure cTutie âme
en peine: Mais, en faisant d'une œuvre d'imagination un pamphlet
haineux et passionné contre le clergé et la magistrature, M. Gilbert-
Augustin Thierry, fils d'Amédée Thierry et neveu d'Augustin, a failli
historiquement au beau nom qu'il porte.
— M. Charles Buet, lui, n'a ni la généalogie, ni peut-être le talent
de M. Gilbert- Augustin Thierry ; mais il a quelque chose de mieux, à
notre avis : il a le respect de la vérité. M. Buet a pris pour devise
de ses Gentilshommes de la Cuiller ces trois mots : In fide veriias I et il
y est resté constamment fidèle. Les anciennes chroniques donnent le
nom de Gentilshommes de la Cuiller à une association de seigneurs
catholiques de la Savoie, armés pour combattre la rébellion des Gene-
vois contre leur prince-évéque et les doctrines des hérésiarques dont
Genève était le foyer. Née au milieu d'un festin, l'association prit
une cuiller pour symbole. Ce sont les aventures de ces gentilshommes
qui font le sujet du roman de M. Charles Buet. Les deux principes
en lutte s'incarnent dans les Falichet, protestants, et dans les Mau-
drants, catholiques. Les Falichet sont peints sous de noires couleurs ,
un peu trop noires même. L'auteur s'en excuse en disant que les
protestants du seizième siècle étaient les révolutionnaires d'alors. Les
Falichet sont naturellement l'antithèse. Il faut donc écarter ici le
côté personnel qui serait blâmable. Nous sommes uniquement en pré-
sence de deux drapeaux. Il y a dans les Gentilshommes de la Cuiller des
types vigoureusement brossés, tels que ceux de Pontverre, de Beau-
fort, de Bonnivard. Le récit pécherait, à ce propos, par trop d'austé-
rité, si les chastes amours de Claude de Champier et de Claire Mau-
drant ne venaient jeter leur note émue et tendre sur ces scènes de
combats et de trahisons, de défaites et de triomphes, do crimes et d'hé-
roïsme. M. Buet a fait aussi revivre avec un rare bonheur la sympa-
thique figure de Symphorien de Champier, historien et médecin célèbre
(le mire lyonnais, comme on disait do son temps), auteur de la Chro-
nique de •Sât;o{e.—- Une bibliographie des ouvrages consultés termine le
volume. Excellente innovation.
— Par exemple, nous voudrions bien savoir à quelle source sérieuse
— 11 —
M. Ernest Billaudel a puisé cette étrange assertion que Don Juan
d'Autriche a été empoisonné par Catherine de Médicis. Catherine a
bien assez de péchés réels sur la conscience sans lui en attribuer d'ima-
ginaires. Au dire de M. Billaudel, le duc d'Alençon, frère de Henri III,
serait également mort des suites d'un poison lent, tandis ^qu'il est
aujourd'hui prouvé que ce prince est mort phthisique. De grâce, mes-
sieurs les romanciers, si vous avez besoin de l'histoire, ne la traitez
pas au moins comme une gourgandine I C'est ainsi malheureuse-
ment qu'agit à son égard Fauteur de la Cotispiration de Salcède. Sal-
cède est un gentilhomme espagnol, dont Henri III (toujours au dire
de M. Billaudel) aurait fait tuer le père. Pour venger cet af ront,
Salcède s'unit aux Guises et tente d'assassiner le roi dans l'église
Saint- Se vérin. Il est pris et pendu en place de Grève. La conspiration,
dont les Guises sont l'âme et Salcède le bras, seramiûe avec la révolte
des Pajs-Bas contre l'Espagne. Ce qui permet à M. Billaudel démettre
sur son échiquier romanesque, ceux-ci dans un rôle odieux, ceux-là
sous un jour briUant et sympathique, les Valois, les Guise, le duc de
Parme, Guillaume d'Orange, Henrj de Navarre, et plusieurs des
grandes têtes de la féodalité de la fin du seizième siècle, que Riche-
lieu, vingt ans plus tard, devait abattre.
— Une les abattit pourtant pas toutes, le terrible justicier! car, encore
sous Louis XIV, on en voit reparaître quelques-unes, sinon à Versailles,
du moins dans les provinces. Qu'est-ce, en efiet^ que ce Timoléon de
Montchal dont M. Alfred Assolant nous raconte les étranges aventures,
sinon un baron féodal dans toute la force du terme ? Enfermé dans ses
forteresses que défendent les eaux du lac Pavin et les basaltes de l'Au-
vergne, le marquis de Montchal se débarrasse de sa femme, enlève celle
d'un drapier de Clermont, qu'il a fait occire par ses routiers et les
sacripants qui sont à sa solde, se moque du Parlement, retient pri-
sonnier chez lui le procureur général Talon, brave le Roi, vilipende la
justice, soutient des sièges en règle avec la maréchaussée, et, finale-
ment, tombe frappé d'une balle au moment où il allait se battre en
duel avec le chevalier Armand de Vassivière. Le meurtrier était Gail-
lard, le drapier de Clermont, qui n'avait pas péri sous les coups des
estafiers de Montchal et qui se vengeait. M. Alfred Assolant a amoncelé
sur la tête de son terrible marquis les crimes, assassinats, vols, rapts,
enlèvements, concussions et usurpations de l'autorité rojale dont
s'étaient rendus coupables quelques gentilshommes du centre de
la France, ce qui nécesssita la réunion à Clermont des Grands
Jours d'Auvergne. Mais nous croyons que l'auteur àuPui/de Montchal
a dépassé le but. Son marquis, descendant de l'Arverne Verciqgé-
torix et du patrice Mummol, est invraisemblable. M. Assolant^
malgré tout son talent, montre trop le bout de l'oreille de certains
-12 —
préjugés modernes et donne, dans tous les cas, une fausse idée de la
justice parlementaire.
— De Louis XIV à la Régence la distance n'est pas longue. Franchis-
sons-la. UAs de ccBur de M. du Boisgobej nous sert de béquille. Lft
conception de VAs de cœur^ œuvre à prétentions historiques, est loin
d'être irréprochable. Le comte de fforn, un personnage qui semblait
devoir dominer l'action, s'efface dès les premières scènes pour faire
place au colonel La Jonquière. Cet aventurier a repris la suite de la
conspiration de Cellamare et veut enlever le Régent. Entouré de
séides sans scrupule, mais d'une audace à toute épreuve, La Jonquière
déploie une habilité étonnante dans ses combinaisons. Le principal
rendez-vous des conspirateurs est dans cette fameuse rue Quincam-
poix où la compagnie du Mississipi distribuait ses précieux coupons.
Aux épisodes de la conspiration, se mêle une histoire d'amour entre
le chevalier de Terne et Violette, la fille adultérine du comte de
Horn. A côté de cette Violette qui a dans les veines du sang corrompu
de son père, Fauteur a placé une figure héroïque et sublime, Oudule,
la fille de Texempt Lafaille, qui sauve le chevalier de Terne, qui se
sacrifie et qui meurt de son dévouement, sans trahir le secret de son
âme. C'est une admirable création. L'As de cœur n'est autre que le
financier Law. Il traverse, impassible, tous ces drames. Il y a dans le
livre de M. du Boisgobej quelques détails un peu risques (nous sommes
sous la Régence). Toutefois les pages trop lestes se sauvent par la
gaité qui les anime. Nous n'approuvons ni l'un ni l'autre ; mais mieux
vaut encore le livre qui fait rire, que celui qui fait réfléchir et travailler
les imaginations innocentes.
— L'idéal, dans le roman, est d'amuser, d'intéresser et d'instruire, sans
provoquer la moindre pensée boiteuse. M. Charles d'Héricault remplit
ces diverses conditions dans les Mémoires de mon oncle, Un Paysan de
l'ancien régime et Un Bachelier de Sorbonne, L'oncle qui raconte ses
mémoires est Claude François de Ricault de Lignières, curé de
Zotinghcm, au diocèse de Boulogne. Ces mémoires nous font assister à
la vie digne, simple, bienfaisante d'un curé de province avant la Révo-
lution. Le brave curé de Zotinghem ne lisait pas les gazettes : il
n'en était pas plus malheureux pour cela, et il n'en resta pas moins
fidèle quand vint 93. Dans l/n Paysan de V ancien régime, M. d'Héricault
nous initie, avec un style des plus pittoresques, aux mœurs de l'homme
des champs avant ce qu'on a appelé son émancipation. Dans le Backe^
lier de Sorbonne, il ressuscite l'originale figure de l'abbé d'Escaut, le
dernier des abbés lettrés du dix-huitième siècle. Il y a dans cette
étude des détails charmants, celui-ci, entre autres : « Quand l'abbé
d'Escaut soutint sa Sorbonique, il répondit : Pindare, à ceux qui lui
parlaient tolérance ecclésiastique^ et il fut reçu tout de même, d
— 13 —
M. d'Héricault a dédié son intéressant volume à ce Jean de Falaise
(le marquis Philippe de Chenevières) dont les Contes vivants et francs
ont si bien fait connaître la Normandie.
— Avec les Mémoires d'une pétroleuse^ il ne faut pas parler de la vie
provinciale, calme et sereine. C'est la vie parisienne, agitée, fiévreuse,
infernale. La pétroleuse a nom Jeanne Lorin. Sa mère morte, Jeanne
a été livrée par son père*, ouvrier brutal et ivrogne, à une misérable
créature qui l'a fait mendier sur les trottoirs. On devine ce qui peut
sortir d'une telle éducation. Jeanne descend un à un tous les échelons
du vice et devient une fille perdue. La Commune arrive. Elle s'enrôle
dans les bataillons fédérés, fait le coup de feu contre l'armée de Ver-
sailles, tue sa propre sœur Claire (jadis recueillie par des religieuses,
et maintenant religieuse elle-même), répand le pétrole sur les monu-
ments, est prise dans l'abominable opération et se voit condamnée à
une réclusion perpétuelle. Claire en mourant a pardonné à Jeanne. Ce
pardon fait réfiéchir la pétroleuse ; elle se convertit, écrit ses
mémoires, et je vous assure qu'elle ne met pas de gants pour dire leur
fait aux fusilleurs d'otages et aux brûleurs de bibliothèques. — Livre
à répandre surtout parmi le peuple.
— ^ Nous en avons fini avec les romans historiques. Passons aux
romans psychologiques, aux romans d'observation, autrement dit aux
romans de mœurs, lesquels manquent très-souvent de moralité. Voici,
d'abord, dans cette catégorie, la Conquête de Plassans et la Faute de
fabbé Mourety de M. Emile Zola. La note dominante de ces deux
ouvrages est la haine du prêtre et du catholicisme. Dans la Conquête de
Plassans, nous rencontrons un certain abbé Faujas, qui, sous des
dehors austères et humbles^ nourrit un orgueil et une ambition effrénés.
L'auteur l'envoie méchamment à Plassans pour faire, contre la pers-
pective d'un évéché, la conquête de cette ville au profit... devinez de
qui? de l'Empire. Ce serait grotesque, si ce n'était odieux. Faujas^
dans ces conditions, sauvegarde les apparences^ mais il marche à son
butper fas et nefas. Il tue en lui le remords, comme Macbeth avait
tué le sonmieil. Il se sert de tout et brise tout ce qui lui fait obstacle,
notamment Marthe Mouret, que M. Zola, obéissant à son fanatisme
matérialiste et antireligieux, nous présente comme une sorte de
M"* Bovary mystique qui arrive à la dévotion par l'hystérisme.
Les autres personnages essentiels du roman ne valent guère mieux.
François Mouret est une espèca d'abruti qui crie bêtement contre les
prêtres — quand ils ne l'entendent pas, -—et qui devient fou. Tronche et
sa femme, Olympe, les parents de l'abbé Faujas, sont tout uniment
des êtres ignobles. Quant à la mère du curé, une paysanne, ce n'est
pas une femme, c'est une femelle adorant aveuglément, farouchement,
bestialement son fils! La thèse de M. Zola est que tout le monde obéit
— 14 —
fatalement à des accidents physiques, a des prédispositions héré-
ditaires. Le positivisme envahit le roman, et on voit ce qu'il produit.
Il n'y a de louable que la peinture des petites passions, des mesquines
rivalités, des étranges amours-propres et des stupides prétentions de
la bourgeoisie de Plassans. Les modèles ont posé et M. Zola n'a eu
qu'à peindre. Tout le reste est atroce. — Mais la Conquête de Plassans
est presque du Berquin, comparativement à la Faute de fabbé Mouret.
« Un tel livre, a dit Barbey d'Aurevilly, ne pouvait naître qu'à notre
époque de réalisme canaille.» Cet abbé Mourei (le fils des Mouret,
mis en scène dans la Conquête de Plassans), inutile d'indiquer sa faute !
c'est la chute par la femme. Qu'importe que vous fassiez de votre abbé
un Jocelyn succombant en quelque sorte sans en avoir conscience? Qu'im-
porte qu'après la chute, l'âme du prêtre se réveille et demeure désor-
mais inébranlable ? Il n'en a pas moins succombé dans des circons-
tances qui sont injurieuses et déshonorantes pour le catholicisme. A
toute cette histoire d'amour coupable, dont l'objet est une sorte de sau-
vagesse libre -penseuse du nom d'Albino. M. Zola mêle sacrilégement
la paraphrase des prières liturgiques. On dirait un faune des temps
antiques qui ricanerait lascivement dans une église La luxure éhontée
et le mysticisme énervant se donnent ici la main. M. Zola affecte de se
servir des expressions les plus crues, les plus sales, et il les place à
dessein, soit dans la bouche d'un frère des écoles chrétiennes qu'il offk*e
comme un parangon de continence, soit sur les lèvres d'une jeune fille
innocente et bête, la sœur du curé des Artauds, vivant quotidienne-
ment avec les lapins, les porcs, les dindons et les poules. Il a plein
la plume de la vie animale, des vaches qui vêlent, des truies qui por-
tent. Il exalte et ne connaît que le naturalisme bestial. On sent partout
la haine de l'idéal et la bassesse des inspirations. L'auteur, dit-on, a
beaucoup de talent. Nous ne le nions pas ; mais c'est un talent fort mal
employé. Il ne faut point d'ailleurs, à ce propos, se monter la tête.
M. Zola est un descriptif à outrance, et, si belles que soient certaines
de ses descriptions, elles finissent par fatiguer. Tenez I le récit si yanté
de l'asphyxie d'Albine par les fleurs n'est pas nouveau. Une mort ana-
logue se trouve racontée, dans le Notaire de Chantillt/, de Léon C^ozlan,
et cela d'une façon bien autrement belle, bien autrement poétique.
— Qui veut trop prouver ne prouve rien. C'est un peu le <5as do
M. Victor Gherbuliez dans Miss RoveL Un bourru, Raymond Ferray,
a été trompé par une Dulcinée quelconque. Instantanément, il devient
misanthrope, ou plutôt misogyne, et prend toutes les femmes en grippe,
jurant de n'en plus aimer de sa vie. Or, il arrive, après mille évolu*
tions stratégiques, que cet ours mal léché, que ce loup garon se laisse
bel et bien mener à l'autel de Thyménée par une terrible ingénue de
dix-sept ans, fille d'une Anglaise cosmopolite, enfant g&té«» mal
— lo
élevée, ou plutôt pas élevée du tout, précoce, curieuse^ fantasque,
ignorante, garçonnière, maligne à faire damner tout un couvent^ en
un mot indécrottable. C'est un peu la lutte des deux contraires, décrite
par tant d'auteurs contemporains, notamment par les Goncourt dans
Renée Mauperin, et par Armand de Pontmartin dans V Education
mutuelie. La morale à en tirer est qu'il ne faut jamais dire : « Fontaine,
je ne boirai pas de ton eau ! » Mais que parlé-je de morale ? Il j a des
pages exquises comme style dans Miss Rovel ; quant à la morale, je
ne sais où la trouver. Elle n'est pas, à coup sûr, dans la cabessa de
ladj Rovel, sorte de folle, mauvaise épouse, mauvaise mère, qui
laisse im peu de son honneur & tous les buissons de la route, et qui
finit par aller, en compagnie d'un missionnaire Weslejren, convertir
le roi des Mandingues.
— La morale est totalement absente aussi d'un des derniers
romans de feu Amédée Achard : Droit au but. Une jeune fille.
Mina van der Flit, par égoïsme, par calcul, fait un mariage
d'argent. Puis sciemment, froidement^ systématiquement, se met à
tromper son mari, lequel ne tarde pas à lui rendre la pareille. Ce
n*est pas tout. La femme à la mode fait tuer le comte d'Arcagnon
dans un duel, se donne ensuite à. un financier et finit par revenir avec
son mari qu'elle méprise. Pouah ! Madame Mina a un calus à la place
du cœur. Une fibre vibre cependant ; c'est la fibre de l'amitié pour
sa filleule Juliette Maurand. En tout le reste. Madame Mina est une
de ces filles de marbre, si vigoureusement dépeintes par Alexandre
Dumas fils et Théodore Barrière.
— C'est encore une fille de marbre que Tullie Durancej,
Théroïne de la Vie de feu de M"^* Anaïs Ségalas. Le compagnon
de débauches de Tullie Durancej est un certain Raymond Mail-
lefort , parfaitement conséquent avec ses principes de morale
indépendante. Le jour où vient la ruine , ces deux misérables
se brûlent la cervelle au milieu d'une orgie. C'est le feu d'artifice
final. Inutile d'insister sur les détails de la Vie de feu, Adolphe Belot
fait école. N'importe, sous la plume d'une femme, de pareils tableaux
(quelle que soit l'excellence des intentions) paraîtront toigours incon-
venants. Nous préférons l'Anaïs Ségalas poëte, l'auteur des Oiseaux
de passage et des Enfantines.
— Ce n'est pas M** Mathilde Bourdon qui s'attarderait dans des
marécages semblables à ceux de la Vie de feu. Avec M""* Raoul de
Navery, M»* Etienne Marcel et M"* Fleuriot, l'auteur du Mariage
de Thecle a complètement transformé le roman catholique. Il était
ennuyeux, elle a su le rendre intéressant; il était insignifiant et
puéril, elle a su en faire une œuvre vivante et sincère. Je consi-
dère le Mariage de Théck comme une des meilleures productions de
, - 16-
M"** Mathilde Bourdon. Thècle d'Herzej a, toute jeune, perdu sa
mère. Son père est un homme des plus dignes, des plus honorables ;
mais c'est un savant, tout absorbé par rarchéologie préhistorique
et régyptianisme. Il ne s'occupe pas de Téducation de sa fille,
et il a tort. Thècle lit des ouvrages que lui prête sa tante, Adèle de
Senonges, et qui lui tournent l'imagination. Tant et si bien qu'elle
s'amourache d'un pauvre garçon, Alexis Lamblin, peintre de son état,
et qu'elle réponse malgré la volonté de son père. Les mariages con-
clus dans ces conditions ne sont pas bénis de Dieu. Lamblin travaille '
d'arrache-pied. Mais il n'est nullement secondé par sa femme , capri'
cieuse, fantasque et paresseuse. Elle n'a même pas le courage de
soigner ses enfants. Elle les néglige pour lire Octave Feuillet. Le
choléra arrive; il emporte Lamblin et sa femme. Les enfants sont
recueillis par le marquis d'Herzey, grâce à la cousine du peintre,
Camille Lamblin, une dévouée sublime. Le Mariage de Thècle pour-
rait s'intituler : « de la funeste influence des mauvaises lectures sur
le bonheur de la vie. » Ce roman, pu Télégance du style le dispute à
la finesse des observations, est suivi de deux nouvelles : Saphira, his-
toire d'une jeune femme juive convertie . par son mari, et Calixte^
histoire de la fille d'un conventionnel, ange d'un démon que ses
prières ramènent & Dieu — ce que n'a pas le bonheur d'obtenir, dans
le Prêtre marié^ la Calixte de Jean Gourgue Sombreval.
— Il 7 a, entre Thècle d'Herzej et Edith de Sternfeldt, certaines
analogies. Toutes les deux sont des enfants gâtées, coquettes et fan-
tasques. Edith, comme Thècle, refuse tous les soupirants. Mais elle
est moins constante. Thècle fixe son choix sur le peintre Lamblin et
n'en démord plus. Edith, elle, voltige d'un paysan de bonne mine à un
Swédenborgien, pour s'arrêter au régisseur des biens de sa mère.
Une fois devenue la femme d'Ernest Helmer, Edith faillit le trahir ;
mais enfin les bons instincts l'emportent. Contrairement à Thècle^
la maternité fait de la femme capricieuse une fenune accomplie* Il j
a, dans ce roman, œuvre d'une Suédoise, M"* Emilie Carlen, de bons
types d'originaux, entre autres l'Oncle Jean, célibataire, philosophe
conmie Bias, et la bonté même. On avait souvent réhabilité les vieilles
filles, mais jamais les vieux garçons. L'auteur d" Une Femme capri-
cieuse a eu ce courage, et elle a réussi. Nous aurions voulu cependant
que sa traductrice, M^^* du Puget, qui a déjà vulgarisé en France les
œuvres de Tegner et de Frederika Bremer, eût mis un peu de jour
dans les broussailles qui surchargent le roman de M"* Emilie Carlen.
On étouffe parfois en le lisant.
— L'Honneur de la famille de M"*® Krafft^Bucaille a droit à nos éloges.
C'est un des meilleurs romans de la collection Didier. Le bien et le
mal sont personnifiés : le bien dans la famille Darréme ; le mal dans
— 17 —
a famille Youvert. D'abord, le mal triomphe dans la personne de
M"" Vouvert^ d-deyant Carmen de Ygonza, marquise de las Vegas.
Les tortures et les souffrances imposées par cette mégère aux enfants
d'Henry Darrème, dont elle est légalement la tutrice, sont inimagina-
bles. MaiSy le châtiment du crime Tient à son heure. Séparée de son
mari, la vieille Espagnole est assassinée à Nice par son partenaire à
la roulette, un Yalaque, comte de contrebande. Emmanuel Darréme,
maintenant le chef de la famille, fait ensevelir Tennemie de son père^
la persécutrice de sa sœur. Emmanuel est bien le digne ûls d'Henry
Darréme, et l'on comprend toute la sympathie que lui porte son riche
protecteur William Laurence. Les horribles machinations des Youvert
ont jeté le fils Darréme dans une aventure qui n'a pour lui rien
d'agréable. Heureusement que tout se termine à son avantage, grâce à
une royale et toute-puissante protection, que M"* Krafft-Bucaille fait
intervenir avec une rare délicatesse. Il s'agit de la reine Marie-
Amélie.
— Si la famille Darréme est une famille modèle, nous pouvons en
dire autant de la famille Boisguibert, dans Nancy Vallier, de M"** Gagne
(Elise Moreau) . ^ Il n*y a que les femmes pour bien saisir toutes
les nuances du dévouement, de l'abnégation et de l'héroïsme. Or,
Nancy Vallier est, sons ce rapport, l'éloquent et heureux pendant des
Mémoires dtune $œur de charité. Ce livre est dédié à M""* la marquise
de BlooqueviUe, Tauteur des Soirées de la Villa des Jasmins. Dédicace
très-rationnelle, car, dans Nancy Vallier comme dans les Soirées, les
aspirations impies et matérialistes de notre époque sont énergiquement
combattues. M"* Gagne a placé Taction de son roman sous la Com-
mune, et les honnêtes gens qu'elle oppose aux communards ne font que
mieux ressortir les sinistres exploits des misérables qui surgissent
alors du milieu de l'écume sociale. Puissent les Pierre Vallier, les
Nancy Yallier et les Boisguibert trouver beaucoup d'imitateurs ! Notre
France serait sauvée. — Par malheur, les Gabriel Fontaine et les
Eugénie Clément pullulent ai:gourd'hui. Gabriel Fontaine et Eugénie
Clément sont les deux héros d'Une Idylle pendant le siège ^ roman beau*
coup trop vanté de François Coppée. Eugénie Clément, sorte de
caillette fort peu intéressante, est la femme romanesque et malheu-
reuse d'un entrepreneur de charpente. Gabriel Fontaine est employé
au ministère de l'instruction publique. Tous deux, au milieu des
bombes, poursuivent une odyssée galante qui, pour être contrariée,
n'en est pas moins coupable . Nous ne pouvons guère louer de ce livre
que le cadre. Le cadre» c'est le siège de Paris, avec ses horreurs et
ses grandeurs, que domine presque, du haut de «a faconde méridio-
nale, Marins Cazabon, hurleur de Marseillaise^ attaché à une vague
ambulance et demandant sans cesse (pour les autres) la levée en masse,
Juillet 187B. T.. XIV, 2.
— 18 -
le torpillage des égouts, la sortie torrentielle. Ce livre est, croyons-
nous, la première excursion que fait dans la prose et le roman l'auteur
du Passant^ du Reliquaire, de la Grève de$ Forgerons^ et ce coup d'essai
est loin d'être un coup de maître. — Ce n'est pas un coup do mattre
non plus que la Famille Monvaly de M. Lucien Dorville. Nous y cher-
chons en vain les éléments nécessaires au succès d'un roman : l'in-
térêt dramatiquci la puissance d'observation, l'originalité du style.
Nous n'avons à signaler que l'élévation des idées et la générosité de
sentiments dont fait preuve le principal personnage, Edouard Mon-
val. De ses actes de chaque jour ressort cette conclusion morale que
le vrai bonheur réside dans l'accomplissement du devoir. -^ TeUe est
aussi la conclusion qu'on peut tirer de la lecture du dernier roman de
M"* Etienne Marcel, Renée. La vie de Renée de Plouernel est une
vie d'abnégation et de sacrifices. Elle souffre d'abord horriblement ;
maiS| en rendant heureux tout ce qu'elle aime, elle arrive elle-même
à être complètement heureuse, tandis que le bonhomme Mercier (un
faux bonhomme) qui n'a vécu que d'égoïsme, voit, sur la fin de ses jours,
toutes ses gredineries dévoilées, et expire châtié dans la personne de
son fils. Il y a dans Renée un type de vieille fille, la tante Sylvie, qui
est une véritable création, toute à l'honneur de M"* Etienne Marcel.
Quant à Renée de Plouernel, je la trouve presque trop accomplie,
trop parfaite, — dans la sens de cette aimable et impeccable enfant
trouvée dont M"* Claire de Chandeneux nous raconte la touchante
histoire et qu'elle a si poétiquement et si pittoresquement surnommée
Blanche-Neige» La petite Blanche-Neige est une sœur des anges et
elle console la vieillesse de ceux qui l'ont recueillie. Les époux Hum-
frey, ses protecteurs, sont au centuple récompensés de leur bonne
action.
— Nous voici maintenant devant la. sempiternelle gouvernante,
l'inévitable institutrice. C'est bien usé pourtant, bien rebattu. Nous
eussions donc préféré que M*^* Gabrielle d'Ethampes s'exerç&t sur une
matière plus originale et plus neuve. Non que la Main de Velours
manque d'intérêt, au contraire. Mais elle a le tort de trop rappeler la
Beatrix de M^^* Maréchal. C'est en quelque sorte sa doublure. Comme
Béatrix, la cousine Jeanne est une fille noble et pauvre ; comme Bea-
trix, la cousine Jeanne a toutes les vertus; comme Bé atrix,la cousine
Jeanne devient la providence, la o main de velours » de la famille qui
lui donne l'hospitalité ; comme Béatrix enfin, la cousine Jeanne épouse
le fils de la maison. Destinée commune, du reste, à presque toutes les
gouvernantes, à presque toutes les institutrices 1 En Angleterre, tous
les romans de ce genre terminent par là. Et tenez I une œuvre nou-
velle qui n'est pas sans mérite et dont la maison Hachette vient de
mettre en vente la traduction, Min Martimer, corrobore à point notre
— i» —
assertion. Fille d'un pauvre médecin irlandais. Miss Mortimery qui
est du reste une femme maîtresse dans son humble condition de gou-
vernante, finit par épouser le riche et beau Lionnel de Gressy.— * Au
même genre de productions nous devons rattacher l/ari>, histoire d'une
jeune fille. C'est encore la légende d'une jeune institutrice innocente
et persécutée, l'une de ces p&les fleurs qui croissent, paratt-il, jusque
parmi les glaces du Nord. Il y a de la grâce et du naturel dans Marie.
Les caractères des personnages sont bien dessinés (notamment le
docteur Stub, le professeur Lange, l'indéfinissable mamzelle Staal et
l'importante M** TroUe). Néanmoins, comme tous les romans qui
voient le jour en Suède, celui-ci est empreint d'une certaine froi-
deur, et le traducteur, M. Léouzon le Duc, aurait bien dû j insuffler, de
tempe à autre, un peu de furia francese. Marie est la seconde publica-
tion de la bibliothèque Nilsson de Paris, dont Téditeur est Thomo-
nyme et le parent de la chanteuse célèbre qui a fait du rôle d'Ophélie,
dans VBamlet d'Ambroise Thomas, une des plus belles créations de
l'art lyrique moderne. Cette bibliothèque a pour but de populariser
ches nous la littérature Scandinave.
— Parmi les romans de moeurs, nous devons encore une mention à
deux productions anglaises : Un Mariage français, par M"^ Jenkins,
et Ma Mère et moi^ par l'auteur de John Halifax gentleman. Autant le
second de ces romans, par sa moralité et son excellent esprit, est digne
de tous nos éloges ; autant le premier, par son esprit systématique et ses
dangereuses tendances, mérite notre réprobation. Dans Ma Mère et moi^
nous voyons une veuve de grande famille, délaissée, abandonnée,
méprisée, avec sa fille Elma, par les parents de son mari; et l'unique
cause de cet abandon, c'est qu'elle n'appartient pas comme eux &
Faristocratie, qu'elle est une pauvre petite bourgeoise. Mais cette
pauvre petite bourgeoise ressemble à la femme forte dont parlent les
Proverbes. Elle élève sa fille dans ses sentiments, et, quelles que
soient leurs épreuves, ni Elma ni sa mère ne murmurent contre la Pro-
vidence. La Providence leur tient compte de leur douce résignation.
Elma l'abandonnée finit par être reconnue par son grand-père et hérite
du nom et de la fortune des Piccardy, nobles lords d'Irlande. — Dans
Un Mariage français , au lieu d'une femme forte, mère dévouée^ res-
pectable et respectée, nous sommes en présence d'une évaporée, pas-
sionnée et fantasque. M"* veuve de Beaupré s'éprend d'amour
pour Raymond Savary, fils d'un pasteur protestant de Castelnaudary.
Madame de Beaupré est catholique. Le pasteur refuse son consente-
ment au mariage de Raymond. Madame de Beaupré sacrifie sa religion
à son amour. Elle se fait protestante. Tout le roman est là. C'est la
lutte de la passion contre la croyance. La thèse était soutenable,
mais à la condition de rester impartial, et c'est ce que n'a pas su faire
— 20 —
M"' Jenkins, Tauteur du roman en question. Les protestants ont
toutes les qualités. Les catholiques qui se meuvent dans l'action sont
tous des idiots, des grotesques et des fanatiques, sauf M"* de
Beaupré. Mais le catholicisme de M"** de Beaupré est un catho*
licisme de fantaisie. Evidemment^ les tendances de ce livre sont blâ-
mables, et nous le regrettons^ car Un Mariage fronçai» dénote une
plume alerte, et les mœurs de notre bourgeoisie provinciale y sont
dépeintes avec un humour britannique qui ne manque pas de charme.
— Nous éprouvons le même embarras devant le Barnabe de Ferdi-
nand Fabre. En son genre, ce roman est presque un chef-d'œuvre, et
nous ne saurions pourtant en recommander indistinctement la lecture.
Par certains côtés, ce livre est une arme à Tusage des voltairiens
contre les hommes et les choses du catholicisme. M. Ferdinand Fabre,
a mis en scène, les ermites cévenols qui, sous le nom de Frères libres
de Saint-François^ gardaient autrefois les chapelles et les pèlerinages
perchés sur le sommet des montagnes. Or, sous la plume de M. Fabre
ces ermites-là sont de fieffés coquins, depuis le frère Yenceslas,
sacripant et libertin, jusqu*au frère Pigassou, crapuleux et paresseux.
Mais Barnabe Lavérune les résume tous : il est gourmand, ivrogne,
pillard, voleur, une franche canaille, un homme de sac et de corde,
qui finit par l'assassinat et par le suicide. Je ne prétends pas affirmer
que Tauteur nourrisse une intention volontairement hostile contre les
croyances de son enfance. Il a bien soin de dire que les Frères libres
de Saint- François n'avaient rien de commun avec le clergé régulier.
Il en produit même un, le curé de Saint-Michel des Aires, qui est un
brave et saint homme. Mais il présente les faits de façon que les rabe-
laisienneries, les franches lippées, les hypocrites dévotions, les gros-
sières convoitises, les tours pendables enfin de son Barnabe retombent
sur la religion. Tout cela serait bel et*bon, si Barnabe n'était pas
ermite, s'il ne portait pas le froc, sUI ne s'entourait pas de croix et de
soapulaires, s'il ne mêlait pas la superstition à la foi, s'il ne recourait
pas à des moyens aussi odieux que sacrilèges pour s'emparer des jam-
bons de la « béate » Gothon Molinier. Mais Termite de Saint-Michel
des Aires a pour principe que la fin justifie les moyens, et ses actes
rejaillissent sur un culte dont ce misérable abuse. Enlisant le récit des
goinfreries de Barnabe et des odieux frocards, ses confrères, on pense
involontairement à l'ignoble tableau du déboulonneur de la colonne :
Le Iteitntr de la Conférence, C'est dommage, en vérité 1 car jamais la
nature cévenole n'avait été décrite avec autant de sincérité et de puis-
sance. On voit que M. Ferdinand Fabre est un enfant du pays qu'il
ressuscite, sous sa plume imagée et pittoresque. Le portrait de Tine
Baptiste, du fifreur Braguibus, de la vieille Combale, une Harpagon-
femelle, les amours naïfs de Liette et de Simonet, la procession, la
— 21 -
kermesse de Bédarieux, la dînette d'oiseaux à la source de Notre*
Dame de GalTimoot, sont des tableaux merveilleusement réussis. Mais
tout cela n*empéche pas que Barnabe Lavérune ne soit le plus scan-
daleux et le plus méprisable des ermites qui aient jamais pérégriné des
monts d*Orb à la Montagne Noire.
— Dans les romans, tous les genres sont bons, hors' le genre
ennuyeux. Il ne faut donc pas trop en vouloir aux romanciers de leurs
déroutantes et capricieuses conceptions. Aussi^ pardonnons-nous à
Paul Féval de s'être lancé à fond de train cette fois dans le fantasti-
que. La Villa-Vampire l Ce titre seul en dit long, et Ton pressent, du
premier coup^ quelque chose d'étrange et de bizarre comme le Smarar
de Charles Nodier. En eifet, il y a ici quelque chose d'analogue. Seu-
lement, c'est moins sérieux. La Villa-Vampire est un pastiche très-
réussi des romans d'Anne Radcliffe. Paul Féval a eu l'idée originale
de faire intervenir la célèbre authoress elle-même^ dans une histoire
encore plus terrible, plus horrible, plus épouvantable et plus incom-
préhensible que les Mystères dUdolphe et le Confessionnal des pénitents
noirs. La description de Séléne, la cité communarde de tous les Brou-
colaques du monde, est une vraie débauche d'imagination. Il y a aussi,
dans le roman, un certain Goetzi dont Hoffinann, s'il vivait, serait
jaloux. Ce Goetzi se dédouble, se métamorphose, boit le sang des
jeunes filles et a une certaine manière de faire pousser les che-
veux sur les têtes chauves qui donne la chair de poule. Toutes les
histoires recueillies par le savant dom Calmet, dans son Traité sur les
vampires, ne sont rien, comparées aux diaboliques manœuvres de
Goetzi le Broucolaque. La censure a un instant interdit le roman de
M. Paul Féval. S'il nous fallait dire pourquoi, nous serions bien
embarrassé. La Villa-Vampire a été interdite, et la Faute de Fabhé Mouret
a re{u carte blanche. Il faut avouer que dame Anastasie, pour parler
comme les petits journaux, ne brille pas toigours par la logique. La
Villa- Vampire n'est pas écrite pour les jeunes pensionnaires. Mais elle
est loin d'être un mauvais roman. — Nous préférons toutefois, du même
auteur, la Fontaine aux perles. L'action est simple, attendrissante et
dramatique tout à la fois. M. Paul Féval s'est plu à peindre une
ancienne famille bretonne qui vient d'abandonner l'antique tradition de
ses foyers et qui vit de ses brigandages, comme certains routiers du
treizième siècle, pillant et volant les châteaux voisins, détroussant sur
les grandes routes, non sans remords, non sans garder au fond du cœur
un sentiment d'honneur amoindri. Cette famille se venge elle-même.
Le chef, le vieux Carrohat trouve en l'un de ses fils, cet honneur qu'il
a perdu, et il va lui-même au-devant de la fatale expiation que ce
fils lui prépare. Ceci se passe, dans les commencements du dix-sep-
tième siècle, au doux pays de Rennes, au milieu des vastes forêts
— M —
bretonnes. Le tout est ensoleillé par une apparition ravissante, par
Bleuette, la gaie chanteuse, une sœur de Fleur-des-Genéts^ du loup
blanc, insouciante et naïve comme elle,
— Il j a aussi du fantastique, mais d'une espèce toute particulière, dans
la Tresse blnnde de M. du Boisgobej. Tète coupée^ 4'une ressemblance
parfaite aVec'une tète vivante ; œil fascinateur, brillant la nuit à tra-
vers la tapisserie d'une chambre ; fantômes empoisonneurs; rêves de
sang ; cauchemars de mort.. . rien n'est oublié. Et c'est si ingénieusement
présenté qu'on s'y intéresse. En résumé, un crime odieux a été commis.
Qui en est l'auteur? Edmond de Sartillj a intérêt à le savoir. Il
cherche^ et il soupçonne un espion russe qui a des vues sur la fortune de
Roger de Mensignao dont lui, Edmond, doit épouser la. sœur. Voilà
Sartilly limier de police. Il associe à ses recherches un agent de la
sûreté, Jottrat, lequel a à se venger de Noreffi, l'espion russe. Sar*
tillj est souvent attaqué : on tente de l'assassiner ; on le fait tomber
dans divers guet-apens. Mais enân^ il triomphe de tous les obstacles.
Grâce à lui, la fortune des Mensignac est sauvée, et l'on parvient à
découvrir le véritable auteur du meurtre de la femme a à la tresse
blonde. » Ce roman, très-dramatique, se rapproche par l'emploi de
certains procédés des romans judiciaires d'Emile Gaboriau et de
V Affaire de la rue Morgue d'Edgard Poë. Jottrat, l'agent de la police
de sûreté, est de la même famille littéraire' que le Javert des Mûi'
râbles.
— Nous avons encore à parler du roman social, du roman politique
et du roman scientifique. Par roman social nous entendons les
romans où, sous le voile de la fiction, sont abordées certaines qaeê^
tiens sociales. De ce nombre est : Un Fftàt de la mer Mcrte^ de
Miss E. Braddon, et Le Jeune Brown, de Grenville^Murraj. Oes deux
romans nous viennent d'Angleterre et battent en brèche l'aristocratie
anglaise. Dans Un Fruit de la mer Morte (Miss Braddon comme notre
Paul Féval affectionne les titres bizarres), il ne s'agit nullement du
lac Asphaltite. La mer morte ici, c'est la vie manquée, la vie passée
dans l'égoïsme, l'incroyance et le libertinage. Tel est le cas de lord
Jemingham. Dans sa jeunesse, ce byronien^ ce sceptique, ce blasé,
s'est cru permis de séduire la pauvre fille d'un libraire écossais. Un
fils est né de ce mariage. Et autant ce fils a de vénération pour sa
mère, autant il hait son père, un père qui ne lui a pas donné son
nom. On voit d'ici les déductions sociales qui peuvent nattre de
l'antithèse de ces deux situations. Eustache Thornburn, c'est le nom de
l'enfant, vit longtemps à cdté de lord Jemingham. Ils sont là^ le père
et le fils sans se connaître^ antipathiques l'un à Tautre, Au dénoû<>
ment, toutefois^ la reconnaissance a lieu et le fils pardonne. Même
thèse dans le Jeune Broum, En apparence^ ce brave garçon est le fils
— M —
de Thomas Brown Tanbergiflie et de Madge Wydwhil. En rëaliié, son
père n'est antre qne lord Conrihope, descendant des Plantagenet. Miss
Braddon, elle, a effleuré le eôté social de son sujet. Grenville-Murray
y est, an contraire, entré en plein. Le Jeune Brown a paru d*abord dans
le Comhill Magaxtm, et, dès son apparition, la grande aristocratie
anglaise a jeté les hants cris. Non^ certes, sans raison. Car les lords
et les barons d'Angleterre y sont présentés sous des couleurs peu
favorables. L'impression générale qui résulte de cette lecture, c'est
que la haute aristocratie anglaise recèle des vices et des abus mons-
trueux qui, sans une prompte réforme, pourraient amener un jour un
cataclysme. M. Grenville-Murray a-t-il chargé le tableau ? Il ne nous
appartient point de le dire, manquant de données exactes pour une
affirmation. Ce qui milite en sa faveur, c'est qu'il n'est pas révolu*
tionnaire. Il se contente de dénoncer certaines injustices et conclut
en ces termes : o Le temps accomplit des merveilles et la Providence
fait toujours bien ce qu'elle fait. > Comme intérêt dramatique. Le
Jeune Brownn^esi fan comparable. à Un Fruit de la mer Morte, Miss
Braddon, sous ce rapport, ne laisse rien à désirer. Elle serait parfaite,
si, dans les détails, elle ne donnait pas, par ci par là, quelques coups
de canif à l'austérité anglicane. Il faut aussi blâmer sa manie d*émailler
ses récits d'allusions historiques, ce qui souvent engendre une sottise.
Ainsi, elle appelle Cléopàtre la Marie Stuart du Nil. Comparaison
peu flatteuse et tout à fait injuste pour la reine d'Ecosse I Nous ne
prétendons pas que Marie Stuart ait été une sainte ; mais elle ne fut
pas non plus une Cléopàtre. Ai^ourd'hui, elle est absolument lavée
des calomnies odieuses lancées contre elle par les écrivains à la'solde
d'Elisabeth. Les récents travaux de MM. J. Gauthier, de Chante-
lanse, Eosack et Wiesener nous montrent une Marie Stuart complè-
tement différente de la Marie Stuart légendaire.
— La Politique est une vilaine Muse. Ceux qui cherchent en elle
leurs inspirations ne peuvent faire que des œuvres ratatinées,
ennuyeuses et moroses. L'auteur de Faleyrac témoigne de notre dire à
ehaoune de ses pages. Qu'est-ce que Faleyrac ? C'est le nom d'une com-
Hume rurale du Liboumais ou des Charentes, nous ne savons plus trop*
Tous les habitants de cette commune sont républicains, et ils débla-
tèrent enconséqcf^nce, traitant M. le comte de Chambord d'à eunuque »,
Napoléon III de «bandit », détestant « la prêtraille », demandant le
rétablissement de la garde nationale, se moquant des royalistes « aux
doigts crochus », riant de la Salette et de la dévotion à Notre-
Dsme-de>Lourde8 ; bref , passant leur temps à hurler contre
Tultramontanisme, Tobscurantisme , la réaction cléricale, l'ancien
régime, Tinquisition, les diableries, les brogliastes, les septennalistes,
que sais-je encore ? Tout cela n'eût pas mérité l'honneur d'une men -
— 24 —
tion. Mais le malheur veut que Tauteur de Faleyrae soit un pasteur
protestant. Dés lors, son livre acquiert une notoriété relative, et il
est de notre devoir de le flétrir. Il fait en tous cas peu d'honneur à
la religion réformée. M «le pasteur Jules S teeg (cartel est son nom) nous a
plutôt l'air d*un commis-voyageur en radicalisme que d'un missionnaire
évangélique. Uécritcomme un démagogue, et, dans ses œuvres, surexcite
les plus mauvaises passions. Son Faleyrae est dédié à Edgard Quinet.
— Franchement, malgré ses airs volages, nous préférons, et de
beaucoup, la Femme gênante^ de Gustave Droz. Cela n'apprend pas
grand*chose, mais cela distrait un moment, et ne laisse au moins dans
Tesprit aucun sentiment de haine, aucune impression révolutionnaire,
aucun faux jugement. On s'intéresse une minute aux mésaventures du
pauvre Corentin Kerroch, pharmacien à Kerlawen, veuf inconsolable
d'un petit bout de femme qui Ta fait enrager et en faveur de laquelle
il n'en retourne pas moins la légende d'Artémise pleurant Mausole.
Puis, c'est fini. On n'y pense plus. Je me trompe : si on oublie Corentin
Kerroch, on n'oublie pas le charme que Ton a éprouvé en voyant avec
quelle délicatesse, quelle exquise finesse, quelle simplicité artistique,
M. Gustave Droz a su cette fois, selon le mot de Voltaire, peser des
riens dans des toiles d'araignée.
— Entre la Femme gênante et Le Chaneellor^ pas la moindre analogie.
Ce n'est pas une raison pour renvoyer le Chancelier aux calendes grec-
ques. Le Ckancellorest tout simplement un roman scientifique, tout ce
qu'il y a de plus scientifique. Ne croyez pas qu'il soit pour cela rebutant
comme un problème d'algèbre. Au contraire, Le ChanceUor^ gr&ce à la
baguette magique de M. Jules Verne, l'auteur d' Un Drame dam les airs^
à' Un Hivernage dans les glaces^ du Tour du Mande, etc., est on ne peut plus
attrayant. Vous avez deviné que Le Chancellor est le nom d'un beau
trois-mâts anglais qui fait le tnget de Charlestown à Liverpool. Sur le
vaisseau, se trouve le passager Kasallon, homme minutieux, qui tient
journal de tout ce qui arrive : incendie à bord, naufrage sur un éoueil
isolé, engloutissement en pleine mer, navigation sur un radeau, sauve-
tage miraculeux des naufragés, parmi lesquels une Anglaise idéalement
émaciée. Vous le voyez, pour M. Verne, le roman n'est qu'un canevas
dont il se sert pour vulgariser une découverte ou une notion scienti-
fique. Il est le créateur du genre. *
-—Nous en avons fini avec les romans de longue haleine. Passons aux
Contes et aux Nouvelles. Il en est dans le nombre qui ont un incon-
testable mérite. Par exemple, les Histoires de petite ville, de M. Charies
Deulin nous paraissent à peu près parfaites. Nul n'excelle, comme
M. Deulin, a saisir sur le vif les mœurs, les traditions et les supersti-
tions de la Flandre française. La petite ville dont M. Deulin nous
raconte les Histoires est Condé-sur-l'EIscaut, un pays de Cocaïne aux
— 25 —
types adorables. Fraioheur de sentiments, saine gatté, humour ^ doaoe
ironie, style âpre et savonrenz, — nn style qui sent le crû, tout ëmaillé
de pittoresques expressions flamandes : telles senties qualités qui dis-
tinguent les Bùtairei de petite vUk. Le réel et Tidéal 8*y mêlent
agréablement. Le réel, c'est Angélina Mauginel qui coiffe sainte
Catherine pour avoir trop fait la dégoûtée ; c'est Alidor Gabanal^
.qui se voyant imprimé pour un feu de cheminée dans le Journal
éTBaxebrouek, se trouve si grand qu*en passant sous la voûte céleste
il baisserait volontiers la tête pour ne pas cogner du front les
étoiles ; c'est le percepteur dans l'embarras, sorte de rapin socialiste à
qui la révolution de 1848 a donné une perception en province et qui ne
sait pas dire à un contribuable méticuleux quel est le quart de 539 fr.
75 centimes (vous voyez d*ici la scène). L*idéal, avec une dose de fan-
tastique, c'est le Quéniokf où sont gentiment évoqués et la reine
Bathilde et le grand saint Eloi et son fils Oculi qui lui servait la messe ;
c*est la Tonne (For, qu*eût signée Nodier ; c'est le Paradis de Pipette,
dans lequel un homme, renouvelant le péché d'Eve, perd sa part de
bonheur étemel pour n*avoîrpas su résister au désir de fumer une pipe.
Une dissertation sur le mot attribué à Cambronne par Victor Hugo
termine le volume. D'après M. Deulin, Cambronne aurait fort blondit :
Cl La garde meurt et ne se rend pas. » L'auteur des Hi$ioire$ de petite
vUle invoque à ce propos le témoignage d'un témoin oculaire, qu*il a
connu, Antoine Deleau^ ex-grenadier au régiment de la vieille garde.
— Dans les Bistoiree de petite ville^ M. Deulin a usé du fantasti-
que, mais modérément. Dans le Bai du Diable j M. Charles Narrey en
a abusé. Le volume, illustré de charmantes vignettes par Bertall et
Yan d'Argent^ se compose du Bal du Diable qui donne son nom au
livre, du Petit Chaperon roee^ doBCheveusc du Diable^ de Misire et pau-
vreté. Il y a de grandes anologies entre ce dernier récit et la légende
du forgeron, des Contes de la Russie , recueillis par Ralston. Les
Cheveux du Didble sont une imitation du Faust populaire. Le Petit Cha*
peron rose est un conte bleu dans lequel M. Narrey démontre que les
jeunes filles et les hommes sont changés depuis l'honnête M. Perrault.
Cette fois, c'est le Chaperon qui croque le Loup. Dans le Baldu Diable^
au milieu de la plaine de Carnac, M. Narrey, évoque les Korrigans,
les Courils, les Poulpiquets, et tire un excellent parti des superstitions
bretonnes. — Ainsi, a fait de son côté pour les superstitions suédoiseS|
M. Xaxier Marmier, dans les Ames en peine, La plupart des petits
drames dont se compose le charmant recueil de M. Marmier ont leur
action en Suède : Les Emigrés^ un Amour apurés la mort^ Un Mariage
suédois. Les Émigrés constituent un récit des plus simples, mais Tima-
gination de Fauteur a su l'entourer de perles éblouissantes. Quoi de
plus ravissant que le portrait d'Ëbha de Vermondans, une sylphide du
- 26 —
nord, mjcitiqae comme la Séraphta de Balzac et femme jaaqa'aa bout
des ongles ? Un Amour après ta mort nous met en présence de deux
familles ennemies, la famille des Jarls de Hundtorp et la famille de Jarls
de Qnam^ — les Gapulets et les Montégats de la Norwége. C'est un
Hundtorp qui triomphe. Le Jarl de Quam est lâchement assassiné, et
sa femme s'enterre avec lui toute Tivante. Dans les Nouvelles de ce
volume qui ont la France pour théâtre, nous signalerons le Trébuche^.
fantaisie des mieux réussies. Au surplus, les Amn en peine sont un des
meilleurs ouvrages de M. Xavier Marmier (1).
— Que ne pouvons-nous louer avec la même assurance les Contée
comtadim d'Henry de la Madelône? Ces Contes sont au nombre de
trois : Germain Barbe^Bleue ^ les Fondé perdue^ Jean^es- Baumes. Jean*
deS'Baumes est une merveille de sentiment, d'originalité et de couleur
locale. Nos reproches ne s'adressent pas à ce brave braconnier, cons-
crit réfractaire, féru d'amour pour la beUeFélise, contrebandier à ses
heures, fournissant aux curés du Comtat du bon tabac d'Espagne et réci-
tant lamesse chaque dimanche sur lamontagne quand sonnaitlacloche des
Grégories, C est un type inoubliable, dans le genre de cet Esperit de la
Lune, de ce marquis des SaffiraSy^'immortalisé par un autre Ija Made-
lène, qui lui, du moins, n'a jamais pactisé avec la libre-pensée
moderne! Nos reproches portent sur certains détails trop lestes de Gêr*
main^Bleue^ histoire d'un Lovelace rural, d'un Don Juan de village, fat
et faraud, trop caressé par l'auteur. Ils portent également sur les
Fonds perdus^ récit passionné dans lequel la noblesse comtadoise de
l'époque de la Restauration est, comme dans les Ganaches de Victo-
rien Sardou, portraioturée sous les couleurs les plus ridicules et les
plus fausses. Ces réserves faites, il 7 a lieu de reconnaître que le stjle
des Contes eomtadins est vraiment agréable. On y sent quelque chose
de fougueux, d'ardent, de pénétrant qui rappelle le sauvage arôme de
la férigoute du mont Yentoux. Pour montrer où en étaient, dans le
département de Yauoluse, les passions politiques sous Louis*Philippe,
M. Henrj de la Madelône raconte l'anecdote suivante : « Pendant plus
de deux ans, après la Révolution de juillet, les petits bourgeois
d'une petite ville du Comtat n'ont eu des journaux de Paris que les
bandes. Chaque matin, à l'heure du courrier, une espèce d'hercule,
fondeur de bois de son état, entrait dans le café de la localité, et
d'une voix terrible :— ^Otin^'és fou ;t»as? criait-il. Le garçon, tremblant,
lui remettait aussitôt le numéro du Nationat que personne n'avait
osé déployer. L*hercule mettait le journal en pièces, le foulait aux
pieds, avalait un petit verre, en regardant tous les assistants dans
le blanc des jeux, et sortait lentement. Sur ses pas arrivait une
manière de géant, tète nue, bras nus» la poitrine & l'air : — Ounfès
1. La préMDte livraiion contient pittt loin (p. 36) une étade plat étendue sur le
livre de l'éminent académicien. (NoU de la dirtction.)
— 27 —
la guÈO ? oriait-il k son tour. Et les débris de la Gazette , salis^ pié-
tines, étaient chaque jonr balayés côte à côte arec ceux du
National. » Aujoard*hai, la ville où se passait cette scène caractéristique
occupe une place importante dans la géographie des Pajs-Rouges.
•-^ Si le prince J. Lubomirski n'avait à son avoir littéraire que les
Aventuref d'un homme et de troi» femmes, nous pourrions sans remords ne
pas nous occuper de lui. Mais ce gentilhomme russe, plus Français que
bien des habitants de Sisteron ou de Yacqueyras, aussi Parisien que
Méry ou Nestor Roqueplan, est Fauteur de Fonetiannatret et Boyârdi
— un livre qui fait honneur et à celui qui l'a écrit et à notre langue.
Disons donc un mot des Aventurée dtun homme et de trois femmee^ ou
plutôt du recueil de Nouvelles qui porte ce titre bizarre. Aucune de
ces nouvelles, sauf pourtant la Dame de trèfle et Conrad Banish^ deux
contes à la manière d'Hoffinanny ne sort de la vulgarité. Toutes se
passent en Russie, et toutes donnent une bien piètre idée des mœurs
des popes, des nobles, de la bourgeoisie et du peuple. Parfois^ souffle
dans ces pages^ dont quelques-unes sont risquées, une sombre et
désolante misanthropie. Il parait que c*est, dans le nord^ une maladie
aristocratique. En France, nous avons encore moins bien que cela. Nous
avons la maladie démocratique ^ l'absence de sens moral. M. Alfred
Bonsergent, l'auteur d'Une Mute et de Cinq nouvellet en est, à notre
avis, tout particulièrement atteint. Il y a une idée dans sa Gabrielle
de Gemj, qui se fait la Béatrice ou plutôt la Galathée d'un peintre
de talent. Mais l'idée •— esthétiquement belle -« est souillée par les
•situations indécentes dont M. Bonsergent l'entoure. Rien à dire d^lfn
accident de chatse, de Daphnie et Chloi^ de La Coupe du roi de Thulé,
sinon que ces récits échevelés, bjroniens, mussettiques, ne laissent que
trop deviner de quels principes ils s'inspirent, et ces principes n'ont
rien de commun avec le spiritualisme.
^- Mentionnons simplement pour mémoire le Jlf^tY&mdeM. Emile
Daclin, contenant deux nouvelles assez bien troussées: l'une du genre
sentimental, etTautre du genre terrible «— cette dernière frisant
l'invraisemblance. M. F. Fertiault, dans sa Chambre aux Histoires a su
éviter complètement cet écueil. Rien de plus gracieux et de plus varié
que son Décaméron, qui ne ressemble en rien (sous le rapport moral) à
oelui de Boccace. La Chambre aux Histoires fait partie du château des
Estanges en Bourgogne. La châtelaine, une aimable femme, est
malade. Pour l'égayer et la distraire, ses voisins, ses parents, ses amis,
se réunissent auprès d'elle, et là chacun raconte la sienne. Ils sont
neuf, donc neuf histoires. Guérie^ la châtelaine s'exécute à son tour»
et le Décaméron est au complet. Légendes du bon vieux temps, tradi»
tiens bourguignonnes, drames des temps modernes, concourent ici à
faire admirer le Beau, à faire connaître le Vrai, à faire aimer le Bien.
— 28 •
Tous les romanciers et les conteurs dont nous venons d'analyser les
œuvres ne sauraient se rendre la même justice.
— Il nous reste à rendre compte de cinq ouvrages qui tiennent du
roman par certains côtés et qui ne sont pas précisément des romans.
En voici les titres : L'Antre des Mystères^ Marie Chauaing^ Leê Choi^
Meurs excentriques^ Souvenirs d*une Cosague, Souvenirs dun Pianiste. —
V Antre des Mystères^ par M. Henry Baliacey, n'est autre que Tantre
de la franc-maçonnerie. L'auteur, sous une forme romanesque, y
dévoile lesdoctrineSy les tendances et le but de lasecte. GoUin de Plancy,
dans Jacquemin le frane»mafon^ et le père Bresoiani, dans le Juif de
Vérone^ ont fait quelque chose de semblable. M. Henry Baliacey nous
annonce une suite à V Antre des Mystères. En attendant que cette suite
voie le jour, nous lui conseillons de lire les œuvres du romancier
catholique italien. Cela Tinspirera. Car, il faut bien le dire, V Antre des
Mystères est, comme Tenfer, pavé de bonnes intentions; mais il
manque d'intérêt. Il y a mieux à tirer d'un pareil thème. — Marie
Chassaing est le développement mouvementé d*un simple fait divers.
Lors de l'insurrection indigène de 1871 , la femme de -Chassaing, le
tueur de lions, fut emmenée en captivité par une des plus farouches
tribus de l'Aurès. Les tortures endurées par cette pauvre femme et sa
miraculeuse délivrance ont fourni à la riche imagination de M. Badin
la matière d'un récit qui a le double mérite d'être vrai et attrayant. —
Ce sont pareillement les qualités qui distinguent les Chasseurs exeen*
triques^ de M. d'Âmezeuil. Excentrique, en effet, le chevalier de
Moreville, diable de bossu aussi habile à démonter son homme dans une
conversation qu'à forcer un sanglier aux abois I Excentrique ce lord
Edwards, organisant une Saint- Hubert à bord de son vaisseau contre
les marsouins I Mais le plus excentrique de tous, c'est le curé Tayaut.
De son vrai nom, il s'appelait Hercule de Bois-Sablé, et sa soutane ne
nuisit nullement à ses exploits cynégétiques. Conmie tous les chasseurs,
l'abbé de Bois-Sablé aimait à jurer un brin. Mais, par respect pour sa
robe, ne pouvant se livrer à son péché mignon, il n'avait rien trouvé
de mieux (et de là son sobriquet) que de sacrer en se servant du mot :
« Tayaut!» Et il s'en donnait!... Dame! cela valait bien la Pasque-
Dieu de Louis XI, le Diable m'emporte de Louis XII, le Jamibleu et le
Ventre^Saint'Gris d'Henri IV. — Je me résume en vous assurant, par
expérience, que les Chasseurs de M. d'Amezeuil n'amènent pas le
sommeil.
— Que dirons-nous des Souvenirs d'une Cosaque, sinon que ce livre
scandaleux est une des hontes de la littérature moderne ? Une femme
sans vergogne et sans respect pour elle-même, y divulgue les secrets
de sa vie désordonnée et y profane cyniquement des sentiments qui
sont du domaine de la conscience. On se rappelle le dégoût qu'inspira,
- 29 —
sons l'Empire, la publication à* Elle et Z,ui (Georges Sand et Alfred de
Musset). Il 7 a deux ans, un bas-bleu, qui répond au nom d'Hortense
Allart, ternissait à plaisir, dans les Enchaniements de Prudence y]3L gloire
de Chateaubriand. Aujourd'hui, c*est la Cosaque Olga de Janina, qui
traîne dans la boue un grand artiste, que raustérité de son habit ecclé-
siastique aurait dû garantir, quelque coupable qu*il puisse être, contre
une semblable flétrissure. Mais, madame Olga de Janina, réfractaire,
irrégulière, nourrie de mauvaises lectures et libre-penseuse, semble
an contraire se fdre un malin plaisir de raconter, souvent avec une
crudité révoltante, les défaillances qu*elle a elle-même provoquées
avec un machiavélisme diabolique. Aux Souvenirs de la Cosaque ont
répondu les Souvenirs d'un Pianiste. On pourrait croire que ce livre est
la contre-partie du premier et qu'il a été inspiré par le trop célèbre
virtuose. Il n'en est rien. Sous couleur de le défendre contre les atta-
ques de la Cosaque, Fauteur anonyme de la seconde élucubration rend
encore notre artiste plus ridicule. C'est de la spéculation cynique, tout
simplement. On a voulu battre monnaie sur le scandale. Il y a des
gens qui ne se doutent même pas de ce que c'est que la propreté mo-
rale. FiRMIN BoissiN.
THÉOLOGIE
Ckimpendium theolo^lae do§pniatlcœ, auctore Teissonnier, presb.
in seminam Nemaus, professore, Paris et Lyon, H. Pelagaud fils et Roblot,
«873. 4 gi'os vol. in-12. — Prix : 15 fr.
Ce n'est pas chose commune qu'un bon livre élémentaire. Surtout
j;)our la théologie dogmatique, les abrégés ou les compendia sont plus
difficiles et plus rares qu'on ne pense. Il faut tant de qualités réunies :
la clarté, la sobriété, la méthode, et, en même temps, un grand fonds
de doctrine, un jugement sain et droit, une science sûre et autorisée I
Dieu n'a pas départi tous ces dons à la fois à tout le monde.
N'est-ce pas un motif de plus pour accueillir avec faveur les ouvrages
de ce genre en qui se trouvent toutes ces conditions, de les apprécier
à leur juste valeur et de les faire connaître? Nous n*hésitons pas à
ranger dans cette catégorie le Compendium theologiœ dogmalicœ de
M. l'abbé Teissonnier.Le savant professeur du grand séminaire de Nîmes
a condensé dans ces quatre volumes tout son enseignement sur le dogme
catholique : la doctrine de l'Église précisée et fixée par les conciles ,
notamment parle Syllabus et le concile du Vatican, par les textes de
rÉcriture sainte , le témoignage des Pères et des Docteurs, toutes ces
citations faites avec choix et à propos, sans vain étalage, destinées à
enrichir, sans les surcharger, l'intelligence et la mémoire des jeunes
lévites. Ce livre est le résultat de longues et sérieuses études ainsi
que d'une expérience de trente années de professorat.
— 30 —
On n'attend sans doute pas de nons qae noue dottnioas même une
simple analyse de ce remarquable ouvrage ; — Fespaoe qui nous est
accorde ne nous suffirait pas.
Ce qu'il nous est nécessaire de dire, c'est que^ tout élémentaire quHl
soit, le nouyeau ComperuUum se trouve au niveau de la science con*
temporaine , en harmonie parfaite avec les besoins de notre époque.
M. le chanoine Teissonnier a étudié à fond tous les sjnitémos plus ou
moins autorisés ou ingénieux par lesquels l'impiété moderne prétendait
battre en brèche les données de la révélatioui surtout les récits de la
Oenèse et de Ffixode ; il n'ignore aucune des plus récentes déoon*
vertes de la géologie et de la paléontologie^ et il lui est facile ainsi
d'initier les jeunes théologiens à tous les secrets de son habile et
savante tactique contre les objections du préjugé ou du parti pris.
Le docte professeur ne réussit pas moins heureusement dans sa lutte
contre cette nouvelle forme du gallicanisme qui, sous le nom de libé*
ralisme, menace de nos jours la société chrétienne ; il est sans pitié
pour ce catholicisme « sincère mais indépendant » qui est l'une des
plus grandes machines de guerre de l'impiété contre l'Église. Armé
des récentes décisions de Rome , M. Teissonnier poursuit à outrance
le libéralisme catholique, le combat avec toute la puissance d'un esprit
convaincu, et réduit à néant les difficultés nombreuses et prétendues
formidables que les chefs de la secte ont accumulées comme à plaisir
autour du dogme et de la vérité catholiques.
Que ne pouvons-nous montrer aussi avec quelle dialectique il
dénonce ce protestantisme soi-disant orthodoxe, qui n'est autre chose
que la résurrection du pélagianisme, avec quelle sagacité il sait décou-
vrir, sous le stjrle pur et enchanteur de M. Guizot, les traces très-cer-
taines de cette vieille hérésie !
Ajoutons qu'à ces mérites déjà bien supérieurs, le Compendium
joint celui d'avoir réalisé d'utiles et précieuses innovations. Nous vou-
lons parler du tableau synoptique destiné à résamer, en quelques
pages, toute l'histoire du dogme catholique, à montrer son déve-
loppement par l'énumération des Pontifes romains, des Conciles, des
Pères et desDocteurs qui forment ce qu'il appelle, après saint Augustin,
la cité céleste, à mettre sous les jeux, d'autre part, toutes les
attaques dont il a été l'objet et qui étaient dirigées, suivant les siècles,
par l'hérésie, la fausse science et la fausse philosophie, ce qui cons-
titue, à vrai dire , la cité terrestre. Signalons aussi le traité spécial
consacré à la Yierge-Mère, dans lequel M. Teissonnier réunit toutes
les thèses qui établissent, dans leur pleine vérité et dans tout leur
éclat, les privilèges et les gloire sdont la Mère de Dieu a été couronnée
par son divin Fils.
Nous n'exagérons rien en jugeant que cet ouvrage de théologie élé-*
— 31 —
mentaire est un des meilleurs qui aient paru depuis longtemps. D'autres,
plus autorisés que nous, n'ont pas hésité à en rendre ce témoignage.
La critique s'est déjà donné un libre cours sur le livre de M. Teisson-
nier, mais celle-là même qui a été la plus sévère n'a pu signaler que
cer^nes imperfections de détail, tout à fait secondaires. Elle a été
unanime pour recommander le Compendium aux élèves et aux profes-
seurs de nos grands séminaires, formant les vœux les plus sincères de
le voir bientôt « se répandre dans le clergé et contribuer, pour sa
part, à entretenir et à augmenter Tamour des solides et saines doc-
trines. » Mais ces hommages, si flatteurs soient-ils^ de quel poids, de
quelle autorité auraient-ils été, s'ils n'eussent été, pouf ainsi dire con-
sacrés par le seul témoignage qui fasse autorité et qui domine toutes
les critiques : nous voulons dire par la parole même du Souverain
Pontife? Voici en quels termes Pie IX vient d'écrire à M. Tabbé Tels-
sonnier : a II a été doux et agréable à Notre cœur, cher fils, de rece-
voir votre Compendium theologiœ dogmaticœ*. ... iions vous en féli-
citons. Sans doute, les soins multipliés de notre charge pontificale nous
ont à peine permis de parcourir rapidement votre ouvrage. Toutefois^
pendant que Notre main déroulait, comme au hasard, les pages du
premier volume, nous y avons trouvé de Tordre^ de la êcience^ de la
clarté^ de la solidité, ordinem, scieniiam^ perspieuilatem et soliditalem,», n
Qu'ajouter après de semblables éloges tracés par la plume même
de l'auguste Pontife? La lettre de Pie IX est pour M. Teissonnier la
digne récompense d'une vie toute de travail et de dévouement àrÉglise;
elle est, pour son livre, tout à la fois la plus précieuse reoommandation
et la meilleure garantie du succès. J. F. M.
JURISPRUDENCE
Eie Droit en matière de sépulture, précédé d'une étude sur le maté-
rialieme contemporain et les funérailles dans l'antiquité et chez les peuples
modernes, par Léon Roux, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de
Lyon. Paris, Lecofire^ 1875. In-8 de 408 p.
Les scandales auxquels ont donné lieu les enterrements civils, dans
ces dernières années, sont la raison de ce livre. A qui appartient-il de
décider si un enterrement sera civil ou religieux ? On a vu trop sou-
vent les membres d'une même famille donner le spectacle odieux
d*une querelle autour des restes à peine refroidis de leurs proches, —
des amis, ou plutôt, des coreligionnaires politiques, venir réclamer à
la porte d*un hôpital, pénétrer jusqu* au sein des familles, et, alléguant
un prétendu engagement du défunt, chasser la religion de ses funé-
railles pour organiser une manifestation de libres-penseurs. Des auto-
rités locales se sont émues de tels abus et ont tenté de les faire
— 32 —
disparaître : on a contesté jusque devant l'Assemblée nationale la
légalité de leurs arrêtés. Il fallait mettre fin à ces conflits en faisant
ressortir le droit de chacun. C'est la tâche qu*a entreprise M. Léon
Roux.
Mais le jurisconsulte s'est trouvé doublé d'un fervent chré^en;
ajoutez à cela une tournure d'esprit essentiellement philosophique et
littéraire, et vous comprendrez quil ne se soit pas renfermé dans l'étude
des textes et de la jurisprudence. Après avoir mis en regard des
croyances catholiques, pleines de consolations et d'espérances, le
néant des doctrines matérialistes, l'auteur se place au point de vue
historique, et nous montre la religion associée aux funérailles dans
tous les temps et chez tous les peuples. Enfin, il aborde la question
de droit. — t Suivre : 1* la volonté du défunt; 2* à son défaut, celle
de la famille; 3* à défaut de l'une et de l'autre, le droit commun;
4* exclure absolument les étrangers. — Voilà le droit en matière de
sépulture religieuse. » Pour l'appliquer, il n'est besoin d'aucune loi
nouvelle; l'autorité judiciaire et l'autorité administrative sont suffi-
samment armées pour le faire respecter et empêcher les enterrements
civils de dégénérer en provocations et en désordres ; qu'elles mettent
hardiment en action les moyens que la loi leur fournit^ et les scandales
cesseront 1
Telles sont les grandes lignes de cet ouvrage, hautement pensé,
plein de cœur et d'éloquence ; l'auteur ne dédaigne pas de s'émouvoir
et d'émouvoir son lecteur; et, en cela, il a suivi la meilleure des voies :
quand le cœur est touché , l'esprit est bien prêt de se rendre.
______ J. L.
SCIENCES ET ARTS
Théodlcée. JÉ^tuks wit Dieu^ la création 9t la ProiAdence, par Amédée
DE Mabgerie, professeur de philosophie à la faculté des lettres de Nancy.
Ouvrage couronné par l'Académie française. Troisième édition, revue et
augmentée. Paris , Didier , 4874. 2 vol. gr. in- 18 de viu-408 et 432 p. —
Prix : 7 fr.
Nous ne croyons pas avoir à faire connûtre cet ouvrage, l'une des
productions les plus solides et les plus brillantes de la philosophie spi-
ritualiste et ohrétienne de notre siècle. Nous la supposons connue et
appréciée de tous les esprits éclairés. Et pourtant elle n'a pas eu, de
bien s'en faut, tout le succès dont elle est digne. Elle a été moins lue
que tel livre de M. Jules Simon, par exemple, auquel nous n'hésitons
pas à la déclarer égale pour le mérite de la forme, supérieure pour
l'intérêt de l'exposition et encore plus pour la valeur scientifique.
Nous ne parlons pas de la sûreté des doctrines et de la chaleur des
convictions religieuses. La Thiodicée de M. de Margerie devrait être
au premier rang des livres contemporains dans toute bibliothèque
- 33 —
sérieuse et sous la main ou à la portée de tous les jeunes gens appli-
qués aux études philosophiques. Si ce succès n^est pas encore obtenu,
nous avertissons nos lecteurs que c'est leur devoir d'y travailler.
Il suffit de rappeler la belle et large ordonnance de ce traité. Intro-
duction : la philosophie négative et ses trois variétés, criticisme, posi-
tivisme, panthéisme, dans leur influence surl'espritgénéral de notre siè-
cle; insuffisancedetoute philosophie séparée de la religion. — Première
partie : Dieu et ses attributs. Méthode de la théodicée, à la fois expéri-
mentale et rationnelle, avec l'appui de la logique morale. Le scepticisme
de Rant est écarté par un admirable dialogue entre Socrate et l'auteur.
^- Les preuves de l'existence de Dieu sont développées dans l'ordre
suivant : la foi du genre humain, la nature, Tidée de Tinfini, le devoir
(et à ce propos réfutation de la morale indépendante)^ les vérités néces-
saires. Qu'il nous soit permis de regretter dans c.es leçons, dont tout
nous agrée, une lacune : la preuve métaphysique la plus élémentaire,
et qui lie le mieux ridéal au réel, la preuve tirée de Texistence contin-
gente et du principe de causalité^ n'a pas son exposition précise et
séparée. Nous devons encore noter, dans le chapitre sur l'idée de
l'infini une page nouvelle au sujet des néoscolastiques(p. 224) qui croient
Texpliquer par l'expérience de l'abstraction; mais le malentendu (car
M. de Margerie n'attribue cette théorie qu'à un malentendu à la p. viii
de la préface) ne sera probablement pas éclairci par un court alinéa^
que, pour notre part, nous acceptons pleinement. — Les attributs
divins sont étudiés, d'après leur division consacrée, en métaphysiques et
moraux : la pensée et l'amour. Nous recommandons, dans le dévelop-
pement des premiers, l'essai (vrai essaie dont les conclusions n'ont pas
encore toute la netteté que l'auteur pourrait y mettre) d'une théorie
du temps et de l'espace.
La deuxième partie est plus spécialement critique. Elle commence
pourtant par une démonstration de la création proprement dite ; après
quoi le dualisme et le panthéisme sont repoussés directement. Les formes
de cette dernière erreur sont examinées l'une après l'autre, depuis
les stoïciens jusqu'à Hegel ; l'hégélianisme est poursuivi avec une
attention très-particulière en France dans Y. Cousin et MM. Renan et
Yacherot. Le positivisme est aussi l'objet d'un chapitre spécial. La
question théorique de la Providence en occupe deux et amène un exa-
men des théories naturalistes et surtout de la théorie de Darwin. Le
philosophe chrétien s'affirme plus que jamais dans le chapitre xiii sur
le miracle et la prière^ et dans deux leçons, données en appendice, sur
la philosophie des Pères de l'Eglise .
Tout ce travail avait paru il a dix ans, et les idées, comme les faits,
ont marché depuis. On rendra cette justice à l'émiment professeur de
Nancy qu'il se tient an courant de l'histoire contemporaine, et toute-
JuiLLKT i875. T. XIV. 3.
— 34 —
fois il n'a eu qu'à reproduire, avec quelques légères améliorations de
détail, son livre de 1865^ en le déclarant (p. u) aussi ac/ti^/jaujourd'hui
qu'alors. Nous croyons bien qu'il ne se flatte pas sur ce point« La réfu-
tation est parfaitement appropriée aux plus nouvelles formes de la
science anti- chrétienne; elle est seulement devenue plus nécessaire
que jamais. En août 1870, a quinze jours avant Sedan, » Tauteur vit
s'étaler, à la vitrine d'un libraire de Paris^ un journal intitulé l'ATHBBr
il frémit, et put prévoir quelque chose des malheurs et des hontes qui
ont suivi. Dumoins, il est de ceux qui ont apporté à la cause delà civi-
lisation chrétienne, si fortement compromise, un secours efficace par ce
livre si sûr de doctrine, si fort de raisonnement, si séduisant de stjle.
Que maintenant tous les amis du bien s'appliquent à le méditer et à
le répandre. Léonce Couture.
Lie» Militaire» blessé» et Invalide» , leur situation en Ftance et à
Ntranger, par le comte de Riencourt. Paris. Dumaine, i875, 2 vol. in-8
de 421 et 475 p. — Prix : 14 fr.
Persuadé que nous avons beaucoup à faire pour atteindre la perfec-
tion sous tous les rapports de l'organisation des services sanitaires,
M. le comte de Riencourt s'est livré à une enquête minutieuse sur la
situation des militaires blessés et invalides, et il a consigné ces résul-
tats dans les deux volumes que nous annonçons.
Situation actuelle des invalides en France ; — Situation des inva-
lides à l'étranger ; — Améliorations proposées ; — tels sont les titres
sous lesquels on peut classer Ténorme quantité d'informations recueil-
lies par l'auteur. La situation actuelle des invalides en France n'est
rien moins que brillante. L'indiférence du pays à leur égard n^a paâ
uniquement pour cause Tinstinct égoïste de la population ; elle tient
aussi au caractère national, léger, dépourvu d'esprit de suite, oubliant
le lendemain du danger ce qu'il exaltait la veille , en définitive , plus
belliqueux que militaire. La situation des invalides à l'étranger, rap-
prochée de ce qui existe chez nous, offre à l'esprit un pénible contraste,
tout à notre désavantage. Combien de personnes pourtant, imbues de
cet esprit de race qui nous fait toujours nous considérer comme très-*
supérieurs aux autres nations, ignorent que nos militaires blessés
et invalides se trouvent, en réalité, dans une condition très-infé-*
Heure par rapport aux Allemands, aux Anglais,' aux Autrichiens.
Nous avons cependant précédé les autres nations dans cette voie de
l'assistance aux militaires estropiés ; et depuis Philippe-Auguste qui
songea & les réunir tous dans une seule ou dans plusieurs abbayes,
jusqu'à Louis XIV qui fonda l'Hôtel royal (ordonnance du 24 fé-
vrier 1670), la plupart de nos rois ont tenu à honneur de donner aux
vieux soldats blessés ou infirmes des marques de leur protection.
M. de Riencourt plaide la cause de THôtel ; il réclame le maintien de
— 35 —
rinstitution da grand Roi, et son développement par rapport à ce
qu'elle est aujourd'hui. Les améliorations demandées par Fauteur ne
portent pas seulement sur cet objet. Il en propose d'autres qui déno-
tent une étude sérieuse de la question : mais, à ce sujet, qu'il nous
permette une observation : le traitement de la Légion d'honneur
(ou de la médaille militaire) est déjà accordé non-seulement a à tous
les militaires invalides, ou leurs assimilés qui ont été décorés à la
suite de blessures, etc., n mais encore aux non invalides, décorés
même pour ancienneté de services.
« Dans les temps où nous vivons, ^ dit M. de Riencourt^ — tout
Français a, selon moi, le devoir de travailler à la reconstitution du
pays. • Telle est la.pensée qui a inspiré ce consciencieux et patrie-*
tique ouvrage, bien digne d'attirer Tattention des amis de Tarmée,
disons plus^ des amis du pays. E. Dsscoubâs.
BELLES-LETTRES
Vray^slnous* Conférence» eliol»les« précédées d'une notice bio-
gi'aphique, par A. Laurent. Tours, Alfred Marne. In-8 de lxxx»380 p. —
Prix : 2 fr. 50.
Nous devons féliciter l'auteur d'avoir placé en tête de son ouvrage
(p. I à Lxxx), sous le titre modeste de Notice sur Frayssinous, une
longue et sérieuse étude sur la vie du grand prédicateur. M. Laurent
ne se contente pas de raconter, au courant de sa plume, la vie de
Frajssinous ; il écrit d'après Frajssinous lui-même, en citant de nom-
breux extraits de ses notes intimes, de ses lettres, et aussi en évo-
quant le témoignage des journaux, des écrivains et des hauts person-
nages contemporains de l'évéque d'Hermopolis. C'est ainsi qu'il nous
dépeint, sous des couleurs bien plus vives, les vertus intimes de Frajs-
sinous. Il analyse les conférences de Saint-Sulpice et les autres dis-
cours de Frajssinous, et en cite des extraits : là encore, nous avons
les jugements des contemporains : Louis XVIII , l'abbé Bojer , le
baron Pasquier, la Gazette de France^ etc. Et c'est également avec des
faits et de semblables témoignages que Frajssinous nous est présenté
comme grand-maître de rUoiversité. Nous pensons donc que l'auteur
a atteint son but, quand il dit en terminant cette notice : < Nous avons
tâché de rendre la phjsionomie de Frajssinous dans toute sa perfec-
tion ; le jeune lecteur doit aimer ce beau caractère : il apprendra à
l'admirer dans les pages suivantes écrites pour la jeunesse. »
C'est donc pour la jeunesse que Tauteur a fait ce choix de dix con-
férences. Sans doute, il j a toujours à perdre à donne^ des Extraits
d'une œuvre qui, comme les conférences de Frajssinous^ forme un
tout complet, un enseignement suivi. Cependant^ quand le choix est
bon, ce désavantage peut être compensé en partie. Nous sommes
— 30 —
heureux de trouver ici les conférences sur V Existence de Dieu prouvée
par les beautés de la nature ; — lei Principes religieux considérés comme
le fondement delà morale et de la société; — r Incrédulité des jeunes gens;
— Les livra irréligieux; etc. Que Tauteur nous permette cependant de
dire ici qu'il a laissé de côté des conférences qui offraient un caractère
d'actualité tout particulier, celles qui ont pour titres : Examen des
principaux arguments de l'athéisme; -^ La religion vengée du reproche
de fanatisme; — Sur l'union et F appui réciproque de la religion et de la
société^ etc. N^ aurait-il pu aussi faire entrer dans son cadre les trois
conférences sur la Révolution française^ et la conférence sur la Mission,
la dernière que Frajssinous ait prononcée à Saint- Sulpice et qui est
peut-être son chef-d'œuTre ? Quoi qu'il en soit, M. Laurent nous donne
là un ouvrage qui ne peut être que très-utile à la jeunesse, en lui
offrant Frayssinous à imiter et à aimer dans sa vie privée, aussi bien
qu'à étudier au double point de vue de la littérature et de l'enseigne-
ment. Ernbst Babslok.
Ma^b Amem eo peine. Contes d'un toyngeuTy par X. Marmieb, de FAca*
demie française. — Nouvelle édition. Paris, Hachette, 1875. In-18 j.
de 386 p. — Prix : 3 fr. 50.
Ce n'est pas là un rocueil formé au hasard, et le titre commun fait
assez bien concevoir l'empreinte de tristesse un peu vague qui le
caractérise. Il y a, dans ce livre, quelque chose de doux et de pénétrant
qui va au fond de l'âme, et ce qui ajoute encore à cette teinte de
mélancolie, c'est la couleur des lieux où le voyageur a puisé ses
contes ; ce sont ces grands paysages du Nord et ce ciel pâle et bru-
meux qui forment, pour ainsi dire, le fond de tout ces tableaux.
Chacun d'eux, cependant, a ses personnages, son théâtre, et plaît à
sa manière ; mais ne les détachant pas l'un de l'autre, il y a dans les
premiers récits je ne sais quoi de mal défini, dont on se plaindrait
peut-être^ si l'on ne jugeait d'après l'ensemble.
Le premier de tous a pour titre les Émigrés en Suède. Ce n'est
guère qu'une peinture séduisante de la famille, un peu gâtée par une
ombre d'égoïsme. Un vieux gentilhomme a déposé toutes ses tradi-
tions et toutes ses croyances, pour vivre dans l'oubli et dans la paix.
Il a deux filles qui font sa joie : l'une d'elles épouse un honnête pas-
teur de village, tandis que l'autre^ esprit triste et rêveur, éprouve le
plus tendre attachement pour un jeune homme, qui la paye en retour
d'une amitié bien froide. C'est un cousin venu de France en 1880, et
qui, bientôt après, repart, et meurt bravement pour son roi : voilà
sans doute le héros de l'histoire, et Ton se demande pourtant à qui l'on
a donné le plus beau rôle, du gentilhomme fidèle ou de l'habitant
bourgeois du presbytère, tout entier à sa famille et à de beaux rêves
de charité. — A cette sorte d'idéal, succède un récit bien diffé-
— 37 —
rent, véritable tragédie dont la fia païenne nous afflige. Ce ter-
rible Drame sur mer est l'histoire d*ane jeane femme que son mari a
confiée imprudemment au capitaine d'un navire, et qui ne trouve
de refuge contre cet homme sans foi, que chez un jeune officier
qu'elle a aimé et qu'elle aime encore. Elle succombe, et le lendemain,
sur un mot insultant, elle se punit par un crime, et vient donner aux
témoins de sa faiblesse le spectacle de sa mort volontaire.
Le dessein et la moralité de Touvrage sont plus visibles dans
le reste du livre. Ils se trahissent peu à peu par les émotions ten-
dres et honnêtes qui naissent sans efforts à chaque page. Par un
chemin varié, l'auteur nous conduit à son but, et Ton arrive au
dernier de ces récits, à celui qui forme la conclusion véritable et qui
a^appelle une Conversion. Là, dans une série de lettres adressées à
im ami^ un homme du monde, retiré dans la solitude par dégoût de
tout le reste^ raconte au jour le jour et cour ainsi dire par étapes,
comment « un acte de charité Ta ramené au travail, le travail
à la raison, la raison à l'amour et Tamour à Dieu. » Ce n'est pas là la
conversion de saint Paul ni de saint Augustin , mais c'est celle
de beaucoup d'honnôtes gens de notre époque. Les grandes âmes, ni
même les âmes fortes, ne sont pas celles qu'on a peintes en ce livre.
Ces petits poèmes n'ont rien d*héroïque, et c*est à la fois leur mérite
et leur danger. Car, s*il faut tout dire, pour bien des lecteurs^
ce livre aimable n^est point sans danger. Il j a des imaginations
8i faibles, qu*on ne peut leur montrer de trop près d'autres âmes
malades. Mais d'autres sont bien capables de secouer ce qu'il j a d'un
peu féminin dans cette mélancolie, et de n'en retenir que ce fond de
pitié chrétienne qui rend meilleur, et qui se mêle à une sympathie
presque involontaire pour celui qui a su nous attendrir. En lisant ces
histoires touchantes, il n'est personne qui ne songe aux vers admi-
rables de Virgile... et mentem mortalia tangunt: non-seulement on
7 retrouve cette émotion vraie et ces larmes du cœur; mais il
B*y ajoute un plaisir aujourd'hui bien rare , celui de rencontrer
un écrivain qui estime assez ses lecteurs pour leur parler
eonstamment un langage pur, harmonieux et délicat. G. P.
Histoire de la Ilttératore française depuis «on origine
loMin'A la Renalssanee, par Charles GrocL, professeur de rfaéto-
nqne au lycée Fontanes, lauréat de l'Académie française et de TAcadémie
des inscriptions et belles-lettres. Paris, Alphonse Lemerre, 1875. Petit
in-i2 de ii-472 p. (Lirres d'enseignement : édition à l'usage des
classes). — Prix : 2 fr. 50.
La littérature française du mojen âge n'occupe à peu près aucune
place dans l'enseignement de nos Ijcées, et j'ajouterai de nos facultés.
n est vrai qu'on l'enseigne à Rostock, sur les bords de la mer baltique.
— 38 -
et à Marbourg» dans la Heiiise éleotorale. Les innombrables prodactions
du génie français, durant cette grande période, ont pourtant été Tobjet,
même en France, d'études assez riches en résultats, pour qu^un exposé
clair et suffisamment exact, orné de citations choisies, ne «oit pas
impossible à faire dans les classes de rhétorique et de philosophie.
M. Oidel a voulu, sans doute, y inciter ses collègues et leur faciliter
la tâche, en publiant le livre dont nous donnons le compte rendu. Il le
destine, comme nous rapprend sa préface, à la jeunesse et aux gens
du monde, qui ne sont guères, en effet, mieux instruits de nos origines
littéraires que les écoliers et leurs professeurs. Son intention ne
mérite que des éloges, mais il n'en est pas de même de Texécution,
Suivant une vieille habitude à laquelle l'Université ferait bien de renon-
cer, M. Gidel ne s'est aucunement soucié de s'assimiler d'abord, par
une étude sérieuse, la matière nouvelle qu'il se chargeait de professer
par écrit. Ce n'est pas un bon précis qu'il nous donne, mais une très-
médiocre compilation. Ses ciseaux ont plus travaillé que sa plume et
surtout que son intelligence et que sa mémoire. Il n'a même pas cher-
ché à se faire une idée nette de la valeur propre et de la valeur com-
parée des travaux qu'il a consultés, des livres qu'il a découpés au
hasard de ses ciseaux, u Nous avons puisé, dit-il, dans les vingt-six
volumes de V Histoire littéraire de la France; nous n'avons négligé aucun
des livres modernes où nous pouvions nous instruire. Yillemain et
M. D. Nisard nous ont souvent servi de guides. Nous avons largement
emprunté à MM, J.-V, Leclerc, Littré, P, Paris, Guessard, Léon Gau-
tier, Brachet, Pellissier, etc. » Il a même trouvé moyen d'emprunter
quelque chose à V Antéchrist de M. Renan, Il ne se met pas en peine
d'accorder entre eux ses auteurs, dont il rapporte pêle-mêle les opi-
nions les plus diverses. Les textes qu'il cite, surtout les textes envers,
sont écorchés maintes fois d'une jolie façon. Il y en a, par parenthèsCi
qui sont fort déplacés dans un livre à l'usage des classes. La doctrine
de M. Gidel n'est pas plus sûre que sa science. Tout cela est fâcheux,
d'autant plus qu'il a un remarquable talent d'exposition, beaucoup de
goût et de tact littéipaires, et qu'il pouvait faire un bon livre en tra-
vaillant. Marius Sbpet.
Gataloipo del codiol pefrarcbeschl itelle Blfillotecbo Bnr«
berloa, <*hlf|liina« Corslnlaoa. Valllcelllano e Vaticana,
compilato da E. Narducct, bibl. délia Alessadrina. Turin, Rome, Florelice,
Ermanno Loeschcr, 1874, In-8 de vn-101 p,
I Xrlomfl dl F» Petraroot corratU nel tasto e rlordlnatl*
per cura di Crtstoforo Pasqualtgo. Venise, 1874, In-8 de 128 p. Tiré à
300 exemplaires. — PrIx : 5 fr.
Le centenaire de Pétrarque, comme Ton devait s'y attendre, a pro-
voqué de nombreuses publications inspirées par le poète. Tels sonti
- 39 —
entra aotret, lea deax livres dont noaa venona d'écrire lea titrea. Le
premier est un catalogue de tous lea manaacrita/ïe^rorcAeirAt oonaervéa
dana lea bibliothèqaea publiqaea de Rome qui n'appartiennent paa à
l'État. C'eatla trèa-utile continuation, ou plutôt c'est le complément
d'une publication entreprîae par le gouvernement italien, et qui a eu
pour aujet la deacription de toua lea manuscrita de même nature faisant
partie de aea propres bibliothéquea. M. Narducci s'est consciencieuse*
ment acquitté de la t&che qu'il s*est donnée, et a complété ses recher-
ches par la nomenclature des éditions de Pétrarque existant dans les
grandes collections publiques de Rome. Ces éditions, un admirateur
passionné de Tamant de Laure, Marsand, les avait presque toutes réu-
nies, ainsi que d'autres œuvres relatives au poète. Le roi Charles X fit
l'acquisition de cette précieuse bibliothèque, qui se composait de
862 Yolumes, et la plaça au Louvre. Elle a été détruite dans Tincendie
allumé par les communards. Le catalogue dressé avec tant de soin par
M. Narducci ne noua rend certes pas ces livres, dont beaucoup étaient
bien rares, mais, dune certaine manière, supplée un peu à leur dispari-
tion.
— M. Cristoforo Pasqualigo, connu par une traduction de Shakes-
peare, a voulu fêter le centenaire de Pétrarque en nous donnant un
meilleur texte de l'une des ôsuvres du poëte qui a été le plus défigurée :
let Triomphes, L'édition de Pétrarque la plus estimée jusqu'ici, et que
Brunet déclare la meilleure, est celle qui fut publiée, en 1819, par
A. Marsand, dont nous parlions tout à l'heure. Suivant M. Pasqualigo,
c'est là une réputation usurpée, et l'on doit s'étonner de l'aveugle ser-
vilité avec laquelle ce texte a été si souvent reproduit. Une autre
édition de Pétrarque, assez mal traitée dana le Manuel du Libraire^
fut imprimée à Vérone, en 1799, parles soins de l'abbé Jacopo Morelli.
Elle offre des détails fort intéressants donnés, au seizième siècle, par
Lodovico Beccodelli, sur les leçons originales. Beccodelll vit une partie
de ces autographes, en 15%, entre les mains du cardinal Bembo. Les
autres lui furent montrés par Baldassare de Pescia qui, ajoute-t-il,
« lea avait eua 2je ne sais d'où pour lea envoyer à Françoia, roi de
France, comme il le fit* » Où aont cea textea aujourd'hui ? On l'ignore.
Dea oeuvrea italiennea de Pétrarque, on ne connaît plua, de sa main,
qu'un fragment, conservé à la bibliothèque du Vatican, contenant
environ quatre-vingt-dix sonnets et seulement une partie du chapitre m
des Triamfi. C'est cette dernière œuvre dont, nous l'avons dit, M. Pas-
qualigo a entrepria de donner une leçon meilleure. Quand il commença
ce travail, en 1867, son dessein était seulement de corriger un texte
défectueux; puis, peu à peu, il pensa que, confrontant ainsi tous les
manuscrita qui aont à Venise, il pourrait atteindre un autre but,
reconstruire, autant que possible, l'original perdu. « J'ai choisi, dit-il.
- 40 -
parmi les variantes les plus importantes^ pour le dessein que je ma
proposais, qui était de retrouver la vraie leçon, de refaire l'auto-
graphe de Pétrarque. Parmi ces variantes, quelques-unes ne concourent
pas au but que je me proposais ; mais j'ai cru qu* elles pouvaient avoir
leur utilité pour ceux qui, dans d'autres villes d'Italie, voudront les
comparer aux manuscrits qui s'y trouveraient. D'abord, j'avais eu
ridée de publier toutes ces variantes, pensant qu'il serait utile de con-
naître même celles qui semblent, et qui sont, en effet, si souvent des
erreurs de copiste, parce que ces erreurs peuvent servir à en expliquer
d'autres analogues, et, en outre, amener & la connaissance plus exacte
de la famille des manuscrits et à mieux distinguer les passages où le
poëte avait le plus insisté sur un travail de correction. Depuis, je me
décidai à remettre à d'autres temps cette publication entière. »
Tout en reconnaissant que le texte nouveau semble trés-amélioré,
tout en applaudissant à des travaux de ce genre, nous nous permet-
trons d'exprimer une crainte : qu'on prenne garde de ne pas se laisser
entraîner trop loin et trop à l'allemande par ces recherches et ces
confrontations de variantes. La critique grammaticale pourrait fort
bien finir par tuer la critique littéraire. Occupé à regarder à la loupe
de tout petits détails, on finira par oublier, dans la contemplatioa
et l'examen de modifications souvent insignifiantes, ce qui a fait le
mérite des grands écrivains, et par ne plus voir que des mots où ceux-
ci ont mis des pensées. Th. db Putmaiorb.
Aide Manuce et l*liellénl«me êk Venise» par Ambhoise Fjrmin Didot,
de rAcadémie des inscriptions et belles-lettres. Paris, Didot, 4875, in-8
de LxviiT-646 p. — Prix : 8 fr.
M. Didot n'hésite pas à dire (p. 3) que la meilleure part, dans les
merveilles de la renaissance , revient peut-être à l'influence des
chefs-d'œuvre de la Grèce et à leur propagateur enthousiaste, Aide
Manuce. Ne nous étonnons donc pas s*il a consacré tout un gros
volume à la biographie d'un homme dont le rôle a été si considérable
et si brillant. On s'était déjà beaucoup occupé d'Aide Manuce, et
M. Didot a soin de rappeler (p. 57 et 58) tous les travaux anté«
rieurs au sien publiés soit en France, soit on Italie. Je doute que désor-
mais on ait à revenir sur un sujet que le vaillant académicien a traité
avec tant d'amour et tant de savoir. Autour du récit de la vie et de
l'appréciation des publications du grand imprimeur, M. Didot a réuni
des renseignements du plus haut intérêt sur l'hellénisme dans TOcci-
dent, principalement en Italie, sur Isabelle d'Esté, marquise de
Mantoue, sur la correspondance inédite des réfugiés grecs en Italie,
sur Zacharias Galliergi et les calligraphes crétois , sur les premières
impressions grecques, etc. M. Didot, on peut le dire, nous faitcon-
— 41 —
naître noa-Beulement Aide Manuce, mais encore toute l'histoire litté-
raire de répoque où a véca cet illustre père de rimprimerie italienne.
Parmi les nombreux documents groupés à l'appendice (p. 433-622), on
remarque les statuts de TAcadémie aldine, le testament d'Âlde , un
poème grec de Marc Musurus, des lettres inédites écrites en grec par
le mâme, etc. Le volume est orné de trois portraits qui représentent
AldeManuce d'après une estampe du temps, Isabelle d'Esté d'après la
gravure de Worsterman, Marc Musurus d'après la gravure de Tobias
Stimmer. Indiquons encore la reproduction du tombeau du prince de
Garpi (Alberto Pio) et un fac-similé de l'écriture de Marc Musurus. Une
abondante table analytique rend aussi faciles que possible toutes les
recherches dans ce livre où sont contenues tant de choses, et qui est
presque un recueil encyclopédique. Terminons en citant ces paroles de
l'auteur, qui résument si bien son ouvrage (p. 431): « Pour moi, si des
documents nouveaux,sila connaissance plus complète que j'ai pu donner
sur la vie privée et publique d'Aide, en traduisant les nombreuses pré«
faces qu'il adressait aux hommes les plus distingués de son temps, ont
ajouté encore à sa gloire et répandu une plus vive lumière sur son
mérite, je me féliciterai d'avoir pu exhausser d'un degré la base de la
statue que l'Italie ne saurait différer d'élever à Aide Manuce.»
T. DE L.
Eie P. Liejeune, «a vie, «ou oeuvre, «o* «ermon*, par Tabbé
G. Renocx, docteur es lettres et professeur d^histoire à la faculté de théo-.
logie d'Aix. Paris, Bray et ^Retaux, 4875. In-8 de xi-357 p. — Prix :
5&.
Le P. Lejeune, le célèbre missionnaire de l'Oratoire, méritait bien
d'être le si^et d'une étude sérieuse et approfondie. Né en 1592, à
Ddle, comme le prouve son nouvel historien par les registres de l'état
civil de cette ville, Jean Lejeune commença, dès l'âge de quinze ans, à
faire le catéchisme aux villageois qu'il allait chercher à la campagne.
Devenu, en 1618^ membre de la Congrégation fondée par le cardinal
de Bérulle, après de sérieuses études de théologie et d'Ecriture sainte,
il commença, vers 1619, sa carrière de prédicateur qui ne devait finir
qu*en 1072. Il prêchait le carême à Rouen, vers 1639, lorsqu'il fut
victime d'un accident subit qui semblait devoir lui interdir à jamais
l'exercice de la chaire. Pendant un de ses sermons, une sorte de
nuage passa brusquement sur ses jeux. Il fit une légère pause, passa
la main sur ses yeux et reprit comme si de rien n'était. Mais quand il
eut fini de parler, il étendit les mains pour chercher les degrés qu'il
ne voyait plus ; il demanda qu'on vint l'aider à descendre : il était
devenu complètement aveugle. Il n'en continua pas moins de prêcher
pendant plus de quarante ans encore. En 1671, il tomba malade en
prêchant une mission près de Limoges, qui était sa résidence habi-
— « —
taelle depuU 1661. Sa maladie dura dix-neuf mois. Il faisait rassem-
bler dans sa chambre les petits enfants et, de son lit, il leur ensei-
gnait le oatéchisme. Il mourut le 19 août 1672, à l'âge de 80 ans.
Il n'a pas laissé moins de trois cent soixante-deux sermons. Il les publia
lui-mâme à Toulouse, à partir de 1662. Les éditions complètes de ses
sermbns(Toulou8e, 1688; Paris, 1671-1677), ont dixgrosYolumesin-S.
M. l'abbé Renoux a placé à la fin de son travail une note bibliogra-
phique très-intéressante et très -bien faitesur les œuvres du P. Lejenne.
Le goût n'était pas encore très-épuré en France à Tépoque où prê-
chait le missionnaire de l'Oratoire : c'est ce qui explique quelques*
uns des défauts de ces sermons. Mais malgré quelques biiarreries de
langage, des citations grecques et profanes qui étaient encore alors
en usage et des tournures ou des expressions vieillies, ses œuvres
sont une mine des plus précieuses. Aucun autre cours d'instruction
religieuse ne peut être comparé au sien pour la sagesse de la méthode
et pour la richesse des pensées, pour l'ampleur de la doctrine et l'ha-
bileté avec laquelle le prédicateur se met à la portée de tous. Il est
bien au-dessous, sans doute, de Bossuet et de Bourdaloue, mais sa
prédication est un modèle plus accessible au grand nombre que celle
de ces grands orateurs. On a souvent dit, non peut-être sans raison,
que les génies de la chaire française au dix-septième siècle avaient
nui grandement au clergé qui s'était cru obligé de s'efforcer de les
imiter. On n'aurait pu lui adresser ce reproche, s'il s'était appliqué à
marcher sur les traces du P. Lejeune. Massillon conseillait l'étude du
P. Lejeune à ses prêtres du diocèse de Clermont ; lui-même l'étudiait
et s'en trouvait bien, a Ce sermonnaire, disait-il, est un excellent
répertoire pour un prédicateur et j'en ai profité. » M. l'abbé B.enoux
donne, en effet, des preuves des emprunts faits par l'illustre évêque
de Clermont au prédicateur qui l'avait précédé à l'Oratoire et de
l'habile parti qu'il a su en tirer. M. Renoux démontre aussi très-bien
l'excellence des sermons du P. Lejeune. Il a étudié son siyet sous
tous les aspects et avec un véritable amour. Il intéresse également
quand il nous montre Thomme, le religieux^ le prédicateur et son
œuvre, soit qu'il considère son héros isolément, soit qu'il le replace
dans le milieu où il a vécu. Son livre sera également utile aux litté-
rateurs et aux prédicateurs. Les premiers pourront bien lui reprocher
quelques négligences de style et même quelques inoorreotions (par
exemple, p. 84| 115, 325); les seconds s'étonneront qu'il fasse un si
grand éloge de la manière dont le P. Lejeune savait se servir de
l'Écriture sainte et des Pères, sans en citer un seul exemple, mais les
uns et les autres lui pardonneront volontiers ces lacunes ou ces
défauts, ravis qu'ils seront par les qualités solides de cette étude
consciencieuse du missionnaire de l'Oratoire. G* K.
- 43 -
HISTOIRE
E.«Annom et le Gambodge, vùyages et notices historiques, par le
R. P. C. E. BouiLLBVAUX, missionnaire. Paris, Palmé, 1874. în-8 de 544 p.
avec carte. — Prix : 6 fir.
Depuis la conquête de la Basse-Cochinchine, accomplie par la
France en 1866, et Textension de notre protectorat sur le reste de
TEmpire d'Annam, nous avons vu se multiplier les publications rela-
tives à ce pays. Cela ne veut pas dire, sans doute, qu'il soit encore
bien connu parmi nous. Il nous reste, sur ce point, beaucoup à apprendre
et Ton doit saluer avec reconnaissance, Tapparition de tout
ouvrage nouveau, nous renseignant sur l'état tant passé que présent
de notre colonie orientale. Tel nousparaît être notamm^pt le cas pour
le travail du R. P. Bouillevaux. Il possède, à un haut degré, toutes
les qualités désirables pour un livre de ce genre. L'auteur a longtemps
habité l'Àiinam, une première fois en qualité de missionnaire, au
temps des persécutions, la seconde en qualité de curé du village de
Choquan, dans la Cochinchine française. Son caractère de prêtre, les
devoirs de son ministère le mirent à mêipe de pénétrer dans l'intérieur
des familles Indigènes, de s'initier à leurs mœurs, croyances, usages
bien mieux que ne l'aurait pu faire n'importe quel voyageur ou quel
fonctionnaire* Le tableau qu'il nous trace, tant au physique qu'au
moral n'a réellement rien de très-flatteur. Il nous les dépeint fourbes,
rapaces, dissimulés, vaniteux, serviles, dissolus, livrés à leur fantaisie
et caprices et peu capables d'un travail suivi. Toutefois, il leur rend
justice sur d'autres point, les jugeant, en ce qui concerne l'intelligence
et l'énergie, supérieurs & leurs voisins, les Siamois, ainsi qu'à la plu-
part des autres races de Tlndo-Chine. Ajoutons que l'Annam paraît être,
avec le Japon, de tous les pays de l'Eitrôme-Orient, celui ou la religion
catholique se trouve, à la fois, le plus favorablement accueillie des
populations et le plus cruellement persécutée -par le gouvernement.
C'est ce qui ressort bien clairement de l'histoire des missions dans ce
pays, telle que nous la donne notre savant auteur, histoire qui s'étend
depuis le deuxième quart du dix-septième siècle jusqu'à nos jours.
Les progrès de la foi chrétienne eussent été, vraisemblablement, bien
plus rapides encore, sans les déplorables querelles qui éclatèrent entre
plusieurs dignitaires ecclésiastiques et missionnaires de divers ordres.
La plus grande partie de l'ouvrage du R. P. BouiUevaux et celle
aussi, peut«étre, qui captivera Tattention du public, est consacrée à
l'histoire de l'Annam et des régions avoisinantes, à partir des temps
les plus reculés. L'éclat jeté jadis par le royaume de Cambodge ou des
Khmen, les raines magnifiques qui attestent ai:gourd'hui encore
Taneienne puissance de ses souverains nous engagent à consacrer au
moins quelques lignes à l'étude de ses annales. Fondé vers le premier
- 44 -
siècle de notre ère, etpeat-étre même un pea ayaot, par des Bond*
dhistes venus de rindo8tan« cet État précéda toutes les autres régions
de la péninsule tranagangétique dans les voies de la civilisation.
L* autorité de ses souverains était reconnue au loin, et les princes
siamois eux-mômes lui étaient unis par les liens d'une sorte de
vasselage. Mais toute cette prospérité devait avoir un terme rapide.
L'histoire du Cambodge ne commence guère à se débrouiller un peu
qu'à partir du treizième siècle. Il nous apparaît alors dans un état
assez florissant, bien que déchu de sa splendeur première. Les perpé«
tuels envahissements des Siamois d'une part, des Annamites de l'autre,
ne tardent point à hâter sa décadence.
Le roi Préa-Ang-Chung qui vivait vers l'an 1550, et son fils Préa-
Borom-Réachea rendirent quelque lustre aux armes cambodgiennes.
A l'aide d'aventuriers de toute nation, parmi lesquels se trouvaient un
certain nombre d'Européens, ils défirent à plusieurs reprises les troupes
siamoises et laociennes ; mais^ à partir de cette époque, l'Empire
Khmer entra dans une seconde période de décadence, dont il ne s'est
jamais relevé. C'est vers ce temps-là que la ville métropole d'Angcor-
la-Orande fut abandonnée sans retour. Actuellement le Cambodge
ne constitue plus qu'un petit État sans importance. Placé sous la
suzeraineté de la France, il a pour roi S. M. Préa-Nérodom dont nous
avons pu contempler, sinon admirer la statue en bronze^ au Champs-
Élysées.
Moins brillants furent les débuts de la nation des Ctao-cAt, prédéces-
seurs des Annamites actuels, auxquels la supériorité, au moins rela-
tive de leur organisation civile et militaire, permit de jouer un rôle si
important dans l'histoire moderne de ces régions. Jusque vers le troi-
sième siècle avant notre ère, ils ne formaient que des groupes de
petites tribus, aussi sauvages que le sont aujourd'hui encore les
GédanySflesBanhars et autres peuplades de l'intérieur. Alors la civili-
sation du Céleste-Empire commence à se répandre sur tout le littoral
du golfe de Tonking et les Chinois s'établissent en maîtres dans ce
pays. Leur domination, après avoir duré plus de douze siècles, est
enfin, vers Tan 907 de notre ère, remplacée par celle de plusieurs
dynasties indigènes. De 1414 à 1428, l'Annam retombe sous le joug
chinois, mais parvient à s'en affranchir d'une façon définitive. Ce pays
psraît avoir atteint un haut degré de prospérité sous le règne de Lé-
Thang-tong, de la dynastie des Lé, vers le milieu du dix-huitième
siècle. L'Annam tombe alors dans l'anarchie et voit la famille des
Mac disputer le pouvoir à la race des anciens monarques. Le Tonking
et la Cochinchine, reconnaissant des souverains différents, mènent
une existence politique séparée pendant près d'un siècle. Enfin^ Gia-
longy prince célèbre et ami des Français, réunit de nouveau tout TAn-
— 4o —
nam sous son sceptre. On connaît assez les méfaits do son successeur,
Mièn-M ing et la guerre cruelle qu'il déclara au christianisme. Enfin^
ce sont les persécutions de Tempereur actuel Tu-duc qui déterminè-
rent rintervention hispano-française, et nous valurent l'acquisition
d'une nouyelle et florissante colonie.
Si Ton 8*en rapporte au témoignage de notre auteur, qui paraît un
hon juge en cette matière , nous serions loin d'avoir tiré de cette
acquisition, le meilleur parti possible. Sans doute, des travaux d'une
utilité incontestable ont été entrepris et menés à bonne fin, mais la
dépense se trouve *t-elle toujours en rapport avec le résultat obtenu?
Plus d'une fois même notre administration est tombée dans certains
abus qu'aurait su éviter le gouvernement des monarques indigènes.
Ce dernier prohibait l'usage de l'opium, nous Pavons affermé, et si
Ton y trouve la source de gros bénéfices, ce n'est qu'au détriment de
la santé et de la bourse des habitants. Le respect du lien conjugal se
trouvait garanti par certaines lois^ certains règlements que nos tribu-
naux d'outre-mer ont laissé tomber en désuétude. Enfin, sans prétendre
porter la moindre atteinte au principe de la liberté de conscience,
ne serait-il pas d'une bonne et habile politique de se préoccuper, un
peu plus qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, de la conversion des Anna-
mites? N'oublions pas que tout indigène qui embrasse la foi catholique
devient par là même ami de la France, et l'exemple de récentes insur-
rections prouve assez ce que nous avons à craindre des populations
restées païennes. Qu'il nous soit permis, en terminant, de recomman-
der l'ouvrage du P. Bouillevaux à tous ceux qu'intéressent la grandeur
de notre pajs, la gloire de la religion et l'étude des races de l'Asie
orientale. H. de Charencby.
•ou venir* du pays de sainte Xbérése» par F.-X. Plasse, cha-
noine honoraire, professeur d'histoire, membre titulaire de TAcadémie
des sciences, lettres et arts de Clennont-Ferrand. Paris, Victor Palmé,
iS78. In-8 de vii-320 p. — Prix : 5 fr.
Tout le monde connaît le Pèlerinage au pays du Cid d'Ozanam.
M. l'abbé Plasse a, lui aussi, été attiré au-delà des Pyrénées par une
mémoire illustre. Deux fois il est allé au pays de sainte Thérèse pour
7 voir les lieux où elle a vécu, pour 7 recueillir les traces de son pas-
sage sur cette terre. Le livre qu'a produit une si fervente admiration
n'est donc pas une monographie : il contient des détails biographiques
sur la sainte ; mais Us sont mêlés à des descriptions de sites, de villes,
à des impressions de voyage qui donnent à ce volume un caractère
particulier. En lisant Fouvrage de M. Plasse, on sent qu'il a été écrit
avec une sorte d'enthousiasme. Ce respect, ce pieux amour de l'auteur
pour celle qui a été le but de son pèlerinage,- se communique souvent
au lecteur. Celui-ci, si les questions littéraires l'intéressent, pourra.
— 46 —
toutefois, regretter que M. Fiasse ne se soit pas un peu plus occupé
des productions si remarquables qui ont valu à Thérèse de Jésus un
rang élevé dans l'histoire des lettres espagnoles. Les imitations de
poésies de la sainte, essayées par l'auteur, manquent d'essor lyrique
et mieux eût valu les traduire en prose que de vouloir faire rimer créée
et graoée, trouver et chercher. Quant à la correspondance de Thérèse de
Jésus, correspondance si considérable, s^adressant à tant de person'-
nages divers, des évéques, des hommes d'État, des savants, des poëtes,
des femmes, renfermant des conseils pour tant de situations di£fé*
rentes; quant à toutes ces lettres qui forment quatre volumes^ ont-
elles été lues assez attentivement par l'auteur? Disons-le encore,
M. Fiasse s^est-il toujours assez soigneusement transporté à l'époque
qu'il cherchait à faire connaître. Il y a, dans son livre, par ci par là,
des manières de dire qui produisent des tons faux. On est surpris, par
exemple, de voir des inquisiteurs appelés des mesêieurs : u des mes-
sieurs avaient frappé à la porte voisine en prononçant les parolei
sacramentelles : Ouvrez au Saint* Ofdoe. » Ailleurs, il est parlé de
madame Guiomar.
Il y a quelques années, on nous a tant entretenus de couleur locale
qu'il a pu nous rester sur ce point des susceptibilités exagérées, mais il
eût été facile à l'auteur de les ménager, car il ne manie pas la plume
sans tact et sans habileté. Il n*a pas cru pourtant que c'était assez de
cette plume pour peindre le pays de Thérèse de Jésus, il a pris les
photographies des cités, des paysages, des monuments auxquels se
rattache le souvenir de la sainte, elies sont reproduites dans de nom-
breuses gravures qui font de ce livre une édition de luxe et le rendent
très-propre & être donné en prix. Il nous semble qu'on peut, sans scru-
pule, indiquer cette destination quand on a lu l'approbation si complète
dont M. le vicaire général de Clermont-Ferrand a honoré le pieux
voyage de M. l'abbé Fiasse. Th. dr Fuymaiqrb.
dbronlque die Robert de Tori^ny* abbé du Mont-Salot-
MIcbel» suivie de divers opuscules historiques de cet auteur et de plusieurs
religieux de la même abbaye , le tout publié d'après les manuscrits ori-
ginaux, par LtopOLD Dklislb. Rouen, 1872-73, 2 voL gr. ia-8 de lxxi-371
et xix-4i8 p. — Prix : 24 fr.
Né à Torigny-sur-Vire, Robert prit l'habit de saint Benoit au
monastère du Bec en 1128, devint abbé du Mont-Saint-Michel en 1164«
et mourut en 1186, le 23 ou le 24 juin. Une édition collective de
ses nombreux opuscules historiques^ entreprise il y a plus de vingt
ans par M. Léopold Delisle,«forme les deux volumes ci-dessus, publiée
sous les auspices de la Société de l'histoire de Normandie.
En voici le contenu, qui montre tout ce que la sagacité du savant
éditdur a su dérober aux injures du temps. Chronique de Roberl de
— 47 -
Torigny : première partie ou supplément aux ehroniques d'fiusèbe,
de saint Jérôme, de Prosper et de Sigebert, an 98-1180 (I, l-Ol),
prologue de la chronique proprement dite (01-7) ; lettre de Henri de
Huntingdon sur les rois bretons (97*11 1) ; extrait du même auteur sur
la géographie et les saints de TADgleterre (111-9) ; seconde partie ou
Chronique de Robert, an 1100-1186 (110-329; 11, Mdô) ; additions à
cette chronique, tirées des manuscrits de Fécamp (146-50) , de
Lire (150-6) « de Savigny (156-63) , de Yalasse (164-5) et du
Bec (165-80), avec aTertissement sur les diverses compositions
(137-46) ; Traite de Robert de Torignj mr k$ ordres monastiques et
ks abbayes normandes (184-206)^ aveo avertissement (181-4) ; Annales
du Moni'Saint'Michel^ de la naissance de saint Jean à l'an 1201
(214-âO), de l'an 506 à 1154 (230*5) et de Tan 876 à 1087 (235^)^
avec avertissement sur ces trois morceaux (207-14) ; Lettres, chartes
et pièces diverses de Tadministratioa de Robert, au nombre de 73,
comprises entre 1155 et 1187 (237-343). Une table générale des noms
de lieux et de personnes termine le deuxième volume (345-415) ;
une préface sur la vie et les ouvrages de Robert de Torigny est en
tète du même (j^xix); une autre, qui renferme la description raisonnes
des dix-huit manuscrits et des onse éditions de la Chronique de
Robert, forme le commencement du 1" vol. (j-ixxj).
Le nom seul de l'auteur dit assez que cette édition restera un type
du genre, pour la recherche patiente des matériaux, la classification
intelligente des manuscrits, rétablissement correct du texte, la resti-
tution exacte de la chronologie, l'ampleur mesurée des notes et la
disposition régulière de la table* U. C.
•alut a*oul* et son temp», par H* Wallon, membre de llnstitut,
professeur à la Faculté des lettres de Paris. Paris, Hachette, 1875. 2 vol.
in-8 de xmvi-492 et 5ë6 p. — Prix : lo fr.
Louis IX fut un saint sur le trône. « Quelle influence le caractère
du saint a-Ml eue sur la conduite du roi ? Quelle action le gouvernement
d'un tel roi a-t-il exercée sur les destinées de la France ? b M. Wallon
s'est posé et a résolu ces deux questions dans son nouvel ouvrage :
Saint Louis et son temps. Kauteur n'a pas prétendu apporter à This-
toire des documents nouveaux ; mais il a voulu résumer tous les
travaux faits jusqu'ici. En* deux volumes, le lecteur trouve les événe-
ments racontés dans un stjle toujours précis et tshàtié. Yeut-on des
renseignements plus détaillés? des notes consciencieuses renvoient
aux BouroeSf et dispensent de recherches inutiles. Ainsi, et les hommes
du monde et les savants rencontrent ce qu'ils désirent.
L'introduction montre que M. Wallon est de la nouvelle école, qui
- 48 —
place an premier rang, dans les étades historiques, Tanalyse critique
des documents originaux. Joinville, Guillaume de Chartres, Guillaume
de Nangis sont les premiers historiens par l'importance. Â côté d'eux,
se place Lenain de Tillemont, dont le livre est, de Tavis de tous, un
chef-d'œuvre de patience et d'érudition. Parmi les modernes, M. Félix
Faure est consulté de préférence.
Le premier volume contient plus spécialement l'histoire du roi.
Louis IX, guidé par la reine Blanche, triomphe des barons^ pacifie
l'Université, et règle les affaires ecclésiastiques. Dès les années de sa
jeunesse, il fait présager ce qu'il sera plus tard. A la pureté et à la
simplicité du cœur, il joint la bonté; à la douceur, l'humilité. En même
temps, il déploie une incomparable vigueur contre l'étranger et contre
les seigneurs rebelles. Choisi comme médiateur entre le Sacerdoce
et TEmpire, il garde la neutralité. Bientôt il prend la croix. D'abord
victorieux, ensuite prisonnier, il inspire aux musulmans la vénération
la plus grande.
Le second volume est le tableau de la France sous le régne du saint
roi. Rapports de la royauté avec le clergé et la noblesse, situation des
villes et des campagnes, finances et administration générale, organi-
sation judiciaire et militaire du royaume, tout est étudié d'après les
meilleurs travaux faits sur chaque point. A l'histoire politique, est
jointe l'histoire littéraire. L'Université et son enseignement; les trou-
badours et leurs chansons ; les artistes et leurs œuvres nous font voir
combien grande était la France au temps de saint Louis. Cependant,
le règne s'achève. Arbitre en France et en Angleterre, saint Louis
pacifie, autant qu'il peut, les partis. Bientôt il reprend la croix et va
achever, devant Tunis, sa vie si noblement remplie.
Voilà, en quelques traits, l'esquisse !;du tableau. Deux critiques
sérieuses peuvent seulesétre faites à l'auteur. M. Lacroix les a indiquées
déjà dans YJnsiructian publique. Pour être un saint, Louis IX, comme roi,
n'en est pas moins faillible ; et peut-être a*t-il exagéré la prudence
en gardant entre Rome et l'Allemagne une trop stricte neutralité.
M. Wallon admire saint Louis, même en ce point ; c'est aller, ce
semble, trop loin. Peut-être aussi l'auteur, dans le rejet de la Pragma-
tique, se montre-t-il trop circonspect. Ses conclusions sont excellentes ;
mais il a repoussé quelques arguments qui ne sont pas sans valeur.
Ces critiques, on le voit, n'atteignent pas le fond de l'ouvrage.
Louis IX a mérité « que son nom demeurât comme un idéal au*
dessus duquel on ne voit plus rien, o M. Wallonie montre pièces en
main. Dans ce livre, le mérite du style, et de la composition se joint à
la sûreté de la science. Il demeurera comme un des plus importants
travaux historiques élevés à la gloire du plus grands de nos rois.
E. Bbublibk.
— 49 —
Voltaire et Rousseau» par M. Gustave Desnoiresterres. Paris,
Didier, 1874. In-8 de 516 p. — Prix : 7 fr. oO.
Voltaire et Rousseauj tel est le titre du sixième yolume de M. Des-
noiresterres sur Voltaire et la société au dix-huitième siècle. Titre
trompeur et qui pourrait faire croire que l'auteur compare ensemble
les deux chefs de philosophie^ et parle de leurs rapports mutuels.
Dans deux chapitres, il est vrai^ il est question de Rousseau, de la
Nouvelle Bélohe et de Y Emile; mais^ dans le reste du livre, le
philosophe genevois n'apparaît plus. Analyser ce volume est chose
difficile. L'auteur suit Tordre chronologique et les événements se
succèdent sans se ressembler. L'histoire des relations du seigneur
de Fernej avec M^^' Corneille et de ses protestations feintes de
catholicisme j tient une grande place. Mais le point capital est un
récit détaillé des procès de Voltaire avec le président de Brosses,
à propos de noix ou de quatorze moules de bois, pour son interven-
tion en faveur de Galas, de Sirven, et du chevalier de la Barre.
C'est à proprement parler, Thistoire judiciaire de Voltaire.
On retrouve, dans ce livre, les qualités éminentes qu'on remarquait
dans les volumes précédents. Narrateur de premier ordre, M. Des-
noiresterres présente les faits avec une netteté qui saisit et qui
charme. Peu d'appréciations; le lecteur doit prononcer lui-même le
jugement, après avoir entendu la cause.
Ce n'est pas à dire que M. Desnoiresterres ne donne parfois ses
propres conclusions. Alors, on voit clairement ce que le récit a fait
pressentir, que l'auteur est sympathique à son héros. « Malgré ses
impiétés^ nous dit-il, ses violences, ses défaillances et ses inégalités
de caractère, toute part faite^ chez Voltaire, le bien couvre le mal. »
Et ailleurs : « le vrai chrétien doit convenir qu'en faisant prévaloir la
tolérance, le poëte, qu'il le voulût ou non, servait la religion du Dieu
de paix et de miséricorde. »
Au risque de passer pour malveillant^ puisque telle est l'expression
par laquelle M. Desnoiresterres flétrit les adversaires du philosophe,
nous ne pouvons croire que le défenseur de Calas ne fut pas heureux
de l'occasion que lui offrait la fortune. Quelle joie de pouvoir écraser
Vinfâme à propos de l'arrêt inique de quelques magistrats toulousains I
Comment expliquer autrement que Voltaire regrettât, dans le procès
Sirven, qu'il n'y ait malheureusement pas eu quelqu'un de roué, ce qui
gênait son éloquence. C'est appuyé sur des citations de M. Desnoi-
resterres que nous combattons ses conclusions. Grand mérite, à
notre avis, pour l'auteur, car il y a là une preuve de sa parfaite
sincérité. II ne dissimule rien des défauts de celui qu'il admire.
Il cite ces lettres, si peu à l'honneur de Voltaire, où, préchant pour
JciLLKT 1875. T. XIV, 4.
— 50 —
ses amis l'affiranchissement de Tesprit, celui-ci veut cependant «nvoy^r
toujours ses laquais à la messe ou au prêche .
Nous regrettons toutefois que, dans le récit du procès des Galas^
M. Desnoiresterres ait pris pour source à peu près unique, le livre
d'Athanase Coquerel. Peut-être a-t-il raison de repousser le témoi-
gnage de Tabbé Sirvan, petit-neveu du oapitf)uI qui condamna les
innocents, mais il avouera bien que M. Coquerel, protestant libéral,
prêche quelque peu pour son couvent. L'étude gagnerait si on y trou-
vait les documents eux-mêmes.
Il y a, du reste, beaucoup à apprendre dans cet ouvrage, sur les
procédés des philosophes, sur leurs moyens de propagande, sur leurs
relations avec les princes étrangers et la cour de France. Ils sont
étudiés dans leur vie intimé et dans leur vie publique. Tout est
impartialement raconté, et, grâce à cette impartialité, la conclusion
de la lecture, est, en modifiant les expressions de M. Desnoiresterres,
que bien rares sont chez Voltaire les moments de candeur char^
manie , nombreux au contraire les autres, envahis par la passion,
M Von se montre plus emporté, plus persécuteur que l'ennemi qu'on
traque au nom de la vérité et de la tolérance.
E. Bburlibr.
E#e Ré^ne de Marle-Xliérése daos les PAye»Bae autri-
chien», par G. J. Ch. Piot, archiviste-adjoint aux Archives générales
du royaume. Louvain, Veuve Fonteyn ; Paris A. Ghio, 1874.In-8 de 349 p.
— Prix: 4 fr.
Le nom de Marie-Thérèse est resté populaire en Belgique; sa mort
y fut regardée comme un malheur public, et, dit un éminent histo-
rien belge, « il semblait qu*à cette douleur il se mêlait quelque chose de
sinistre. » Ces regrets étaient-ils mérités et cette popularité était-elle
légitime? C'est la question que se pose un savant archiviste, dans une
intéressante étude sur Marie-Thérèse et son règne dans les Pays-Bas.
M. Piot passe successivement en revue, dans une série de trente-sept
chapitres, les diverses parties de Tadministration : les finances, les
domaines, Tétat militaire, les affaires ecclésiastiques, la presse, Tins-
truction publique, les beaux-arts^ les lettres, les sciences, la médecine,
les établissements de bienfaisance, la justice, etc., la politique intérieure
et la politique extérieure. Il a puisé aux meilleures sources, dans les
pièces les plus authentiques, aux Archives nationales de Belgique, et,
avec un scrupule qui double l'intérêt de son livre pour Térudit, il a
soin, chaque fois, d'indiquer en note les documents qu'il a consultés.
M. Piot constate que Marie-Thérèse a fait beaucoup pour le bien*
être matériel en Belgique, qu'elle a ranimé le commerce et l'industrie
et opéré d'utiles et humaines réformes dans la procédure criminelle.
Mais elle a échoué dans le développement do l'instruction, et elle a
— ol —
laissé s'introduire, dans les arts, le goût tourmenté de Tépoque de
Louis XV, qui a altéré les saines traditions de Tart belge. Elle a même,
soit volontairement soit involontairement, favorisé cette introduction
des idées françaises qui^ quelques années plus tard, a singulièrement
aidé l'invasion révolutionnaire. M. Piot Taocuse presque d'a?oir
sacrifié la Belgique à la France, pour laquelle il semble conserver,
même après nos désastres, une défiance bien peu fondée. Il nous
parait difdcile d'admettre, par exemple, que l'alliance de TAutriche
et de la France pendant la guerre de Sept ans, n'ait pas assuré aux
Pays-Bas une sécurité, nouvelle pour eux, et dont ils ont grandement
profité.
Ce que Tauteur reproche avec non moins de sévérité et, pensons-
Dous^ plus de justice à Marie-Thérèse, c'est d'avoir voulu imposer
à la Belgique une centralisation qui répugnait à toutes les traditions
du pays. La Belgique a tenu, de tout temps, et tient encore avec
raison à ses antiques libertés. L'impératrice-reine, en lui envoyant des
administrateurs étrangers, qui ont cherché & la plier au formalisme
bureaucratique de Vienne, et surtout des philosophes, comme Nenj,
qui froissaient les sentiments profondément religieux du peuple, a
semé des germes de mécontentement qui ont éclaté sous Joseph II. Le
meiUeur choix qu'eUe ait fait a été celui de son beau-frère, Charles de
Lorraine, prinee d'une capacité ordinaire, mais d'une bonté pleine de
charmes. C'est lui vraiment qui, en s'attirant l' affection de toutes lea
classes, a fait supporter et aimer la domination autrichienne aux Pays-
Bas, et a valu à Marie-Thérèse ce renom de popularité dont elle jouit
enoore. Maximb db la Rochbtbrie.
0crltU mflnorl di Pibtbo ëllebo. Bologne, imprimerie Fava etGaragnani,
' i873. In-8 de 321 p. — Prix : 6 fr.
Ce volume contient des dissertations souvent intéressantes sur des
sujets fort divers et dont plusieurs, touchant à l'histoire, à la politique,
à la législation, ont de l'importance. Il serait impossible dans le petit
espace dont nous pouvons disposer de donner une idée de ces différents
travaux. Tels d'entre eux, ceux, par exemple, qui sont relatifs à la
peine de mort dont M. EUero demande l'abolition, exigeraient des
pages d'analyse et de discussion. Ce n'est pas en quelques lignes, non
plus, qu'il serait possible de résumer l'étude sur la fédération ita-
lienne. La partie du livre de M. Ëllero sur laquelle nous aurions aimé
à entrer surtout dans quelques détails est celle qu'il a intitulée Des
tupentitions populaires dam le Frioul; mais, nous l'avouons, nous nous
serions bien plutôt placé au point de vue de Fernan Caballero parlant
avec sympathie des croyances de l'Andalousie qu'à celui de M. EUero,
poursuivant, au nom du progrès et de la raison, des superstitions pro-
— i)2 —
tégées par la poésie et rimagination. Ce qui nous aurait semblé parti-
culièrement curieux, c'aurait été de montrer quelle ressemblance
extraordinaire les croyances du Frioul sur les divinations, les pré-
sages, les pronostics, les sorcières, les maléfices, les âmes errantes,
offrent avec celles de bien d'autres pays. L'examen des poésies et des
contes populaires a révélé entre tous les peuples des liens qui n'avaient
pas été aperçus et dont la connaissance a un très-réel intérêt histo.
rique. Il y a maintenant à compléter ces études par la comparaison
des superstitions populaires, et celui qui entreprendra cette tâche ne
négligera pas de consulter le travail de M. Ëllero. Il y a lieu cepen-
dant de le lire avec quelque précaution, car Tauteur semble vouloir
trouver dans le magnétisme et les maladies mentales le secret de phé-
nomènes que les catholiques expliquent autrement. S'il se prétend
fidèle à la foi de ses pères, s'il ne considère pas l'usage de certaines
médailles comme superstitieux, sur d'autres points M. Ellero a pu ne
point paraître orthodoxe à un censeur auquel il adresse une réplique
très-vive, provoquée d'ailleurs — autant que quelques citations
peuvent en faire juger — par une attaque qui, elle-même, était peu
modérée. Th. de Puymaiorb.
Armoriai des cardinaux archevêques et évéques contemporains de France^
par H. Tâusin. Paris, Palmé et Champion, i875. In-i8 carré de 126 p.
et 100 planches. — Prix : 10 fr.
Ce petit volume^ imprimé avec soin chez J.Moureau à Saint-Quen-
tin, n'est pas un simple armoriai ; c'est aussi une collection de notices
sur chacun des membres de l'épiscopat français, accompagnée d'une
préface bien faite sur les insignes qui doivent accompagner les
armoiries des dignitaires ecclésiastiques. J'avoue que ce volume m'âns-
pire un regret, c'est qu'il n y ait pas encore un armoriai spécial du
clergé, tenu à jour, sinon cHaque année, au moins par périodes déter-
minées. On pourrait le compléter en y ajoutant les blasons des abbés
mitres.
Les armoiries des prélats ont une valeur toute particulière ; mises en
bas de leurs actes, ou sur les monuments construits par leurs ordres,
elles sont les marques de leur individualité, puisque leurs signatures,
excepté en ce qui concerne les cardinaux, taisent les noms de famille.
Pour tous les prélats qui n'ont pas de blason héréditaire, les armoi-
ries prises au moment de leur nomination, et choisies par eux, sont
des devises personnelles qui méritent d'être conservées.
Un détail qui étonne, en parcourant les planches de l'ouvrage que
nous signalons en ce moment à nos lecteurs, c'est l'abus des couronnes
qui, généralement, timbrent les écus épiscopaux ; et aussi l'oubli des
règles qui fixent le nombre des houpes de chapeaux dans la hiérar-
-53 -
chie. La plupart des archevêques et des évéques français timbrent
leors écus de la couronne ducale. On comprendrait cela pour les
sièges auxquels étaient jadis attachés les titres de ducs ; pour tous les
autres la mitre et la crosse sembleraient devoir suffire. En présence de
ces insignes dont rien ne vient justifier la présence lorsqu'il n'y a pas
quelque tradition historique à conserver, on se rappelle involontaire-
ment les vers de Marbode, évéque de Rennes au onzième siècle qui,
dans une satire spirituelle^ critiquait avec malice la tendance que l'on
avait déj à à s'orner d'insignes auxquels on n'avait aucun droit. — Je crois
qu'aujourd'hui il faut s'en prendre surtout à Tinexpérience des graveurs
héraldiques qui pensent que ce qui abonde ne peut faire mauvais
effet. C'est une preuve que, dans les séminaires, il ne serait pas inutile
de donner quelques saines notions d'héraldique ecclésiastique & ceux
dans les rangs desquels on choisit plus tard des évêques.
Anatole db Barthélémy.
Précl* de riitstolre de la blbllotHéque du roi, aujourd'hui
Bibliothèque nationale, par Alfred Franklln. 2« édition, corrigée et
très-augmentée. Paris, Léon Willem, i87o. Pet. in-8 de vii-344 p. —
Prix : 8 fr.
L'auteur remonte à Pépin le Bref, a le premier roi de France
qui ait songé à réunir quelques volumes, d II suit, dans la longue
série de nos rois, les développements de cette bibliothèque du roi appe-
lée à devenir un monument unique dans le monde entier. Le roi Jean
aimait les livres et avait avec lui, à la bataille de Poitiers, une Bible
qui est aujourd'hui au British Muséum. Charles Y installa sa bibliothèque
au Louvre, dans les trois étages délateur de la Fauconnerie, et nous
en avons l'inventaire, dressé en 1373 par Gilles Malet (ms. fr. 2700),
qui comprend 973 volumes : on trouvera un extrait de cet inventaire
aux pages 21-33. D'autres inventaires furent faits en 1411, 1413 et
1423. En 1429, le régent Bedford ât passer en Angleterre les
ouvrages rassemblés au Louvre. Charles VU et ses successeurs
réunirent un grand nombre de livres. Sous Louis XII, la Bibliothèque
du roi était à Blois. François V établit uu dépôt nouveau à Fontaine-
bleau, et on 7transporta,enl544, les livres de Blois. Ce n'est que sous
Charles IX que la Bibliothèque du roi fut réintégrée à Paris, où elle
courut de grands dangers pendant les troubles de la an du siècle.
Nomade jusque sous Louis XIV, elle fut installée, en 1666, par les
soins de Colbert, dans un vaste local situé rue Vivienne, non loin de
son propre hôtel, et en face du local actuel de la bibliothèque^ où les
immenses collections réunies pendant le règne de Louis XIV ne
furent placées qu'en 1721 dans l'hôtel de Ne vers, qu'elles ne devaient
plus quitter. Dés 1691, on avait commencé à ouvrir les portes de la
Bibliothèque du roi; elle ne devint publique qu'en 1730.
- 54 - ,
Nous ne suivrons pas plus loin M. A. Franklin dans son intéressant
exposé, qui forme plutôt un recueil de matériaux et d'informations,
qu'un travail mûrement élaboré et définitif. Le sujet niériterait de
tout autres développements. — Dans un appendice, Tauteur donne
l'inventaire des livres de Louis le Hutin, de Jeanne d'Évreux, de
Philippe le Hardi, etc., et une notice sur la bibliothèque du roi tirée
des manuscrits de la bibliothèque sainte Geneniève.
L'ouvrage de M. Franklin, qui est pourtant une seconde édition,
appelle quelques critiques : ainsi on y lit (p. 47) qu'un nouvel inven-
taire fut rédigé « à l'avènement de Charles VII, en 1423. » Il faudrait
dire, à Tavénement de Henri VI, qui eut lieu en 1422, car Paris était
encore au pouvoir du fils de Henri V. — Plus loin, après avoir
raconté l'enlèvement des livres par Bedford ^ Tauteur ajoute :
« Charles VII ne songea point à réparer cette perte, » ce qui est
une erreur, car Charles VII fut un grand amateur de livres ; seule-
ment là Bibliothèque du roi ne pouvait être au Louvre quand le
souverain ne résidait pas à Paris. On pourrait multiplier ces obser*
vations. Enfin il est regrettable que l'exécution typographique du
livre, qui contient de nombreuses gravures reproduisant les reliures,
marques, estampilles, etc., ne soit pas plus satisfaisante,
a, DB 6,
Archives de E<yoii, par M. Léopold Nikpce, conseiller .à la Cour
d'appel. Lyon, Henry Georg,l87o. In-8 de xvi-727 p. — Prix: 20 fr.
A côté des riches bibliothèques publiques et privées dont M. Niepce
fait actuellement Thistoire dans la Revue du Lyonnais, Lyon possé-
dait des collections a non moins importantes, tout aussi riches et
que la Révolution, si souvent aveugle et stupide, a mutilées, » je veux
parler des archives monastiques et municipales, conservées avec tant
de soin par les corporations religieuses, les établissements de cha-
rité, le corps consulaire et les pouvoirs judiciaires, puis dévalisées
par la Révolution, qui n'a pas craint d'anéantir, « pour la satisfaction
de ses haines et de ses fureurs aveugles,» des milliers de documents.
L'histoire de ces archives, que publie aigourdMiui M. Léopold Niepce,
est pleine d'enseignements et de détails douloureux. Avec lui, nous
assistons à l'organisation du pouvoir municipal à Lyon ; nous voyons
naître le consulat et nous l'accompagnons dans ses pérégrinations
diverses à travers la cité. Les archives suivent les vicissitudes du corps
auquel elles appartiennent. De la chapelle Saint-Jacques, elles passent
dans un hôtel de la rue Longue, puis dans les demeures des consuls et
dans la maison Bellièvre ; de Iti rue des Générales, elles sont enfin
transportées sur la place des Terreaux. A difiërentes époques^ elles
subissent des mutilations regreitables, partageant ainsi le sort des
— »» —
arohi ves dépariemen taUs^des arohi ves hospitalières et des arohiyes judi-
oiaires.Tantôt il faut arracher aux flammes des titres péniblement réanis
et les jeter dans la rae où des voleurs en détournent bon nombre ;
tantôt la Révolution, en voulant fonder un dépôt unique, amène la
confusion et la perte de pièces précieuses. D'autres fois, des émeutiers
fontf comme en 1870, main basse, au greffe du palais de justice, sur
leurs propres dossiers et leurs casiers judiciaires.
Les archives municipales et les archives départementales sont encore
riches en documents historiques : il suffit de parcourir le livre de
M.Niepcepour s'en convaincre. Ces dépôts sont confiés aigourd'hui à
MM.Guigue et Gauthier, qui ont été précédés, dans cette charge, entre
autres par André Perrichon,écu7er,chevalier des ordres du roi; Tabbé
Jean Benoist, docteur en droit et en théologie; le bibliothécaire Marc-
Antoine Chappe, l'avocat Jean-Armand Durand, le juriconsulte Ber-
tholon, l'érudit Morel de Yoleine, l'ancien chef d'institution Grand-
perret et M. Fortuné Rolle, si brutalement révoqué en 1870 et placé
depuis à la tête des archives de Thospice de la Charité, dont il va
enfin publier Tinventaire précédé d'une introduction due à la plume
de M. le comte de Soultrait.
Les archives municipales, comme les archives départementales, sont
placées dans les combles de l'hôtel de ville, et M. Niepce se demande
avec inquiétude si on les laissera longtemps dans un lieu traversé par
tant de cheminées et où les eaux pluviales s'infiltrent de tous côtés.
Déjà il a appelé l'attention de Fautorité supérieure sur cette situation,
et nous espérons bien que sa voix autorisée sera enfin entendue.
Les papiers déposés au palais de justice et provenant des anciens
tribunaux du Lyonnais, du Forez et du Beaujolais étaient dans un
état désastreux, lorsqu'en 1865, M. l'avocat Brouchoud obtint du pro-
cureur général l'autorisation de pénétrer dans l'antre infect où pour-
rissaient tant de documents et de se dévouer généreusement à leur
classement : dès lors, ces archives étaient sauvées, et, sur des rayons
spéciaux, prenaient peu à peu place les registres des insinuations, les
papiers du Roy^ les sentences de la Sénéchaussée et du présidial, de
1500 à 1790, etc., etc.
Que dirai-je maintenant des archives hospitalières et des archives
ecclésiastiques? Il faudrait plusieurs pages pour en raconter l'his-
toire, en dépeindre les vicissitudes et en exposer la situation. Je ne
puis mieux faire que de renvoyer à l'ouvrage de M. Léopold Niepce qui,
dans un chapitre final, nous entretient encore des minutes des notaires,
et exprime le vœu que tous les actes antérieurs à 1691 soient déposés
aux archives départementales.
En publiant l'histoire des archives de Lyon, M. Niepce a fait une
œuvre sérieuse et utile. Peut-être a-t-il été un peu sévère à l'égard
— 56 —
de certains hommes, mais pouvait-il être clément pour les fauteurs
de désordre, en présence de tant de ruines accumulées par eux sur le
sol de notre malheureux pays i A. Albribr.
Catalo|$ue méthodique de lf& blbllotbèque de la ville de
IVaatee, par Emile Péhant, conservateur de cette bihliothëque. Sixième
Tolume. (Histoire [suite et fin] ; — Foiygraphie ; — Nouvelles acquisitiom.)
Nantes, irap. V. Forest et E. Grimaud, i874. In-8 de xii-876 p.
Ce catalogue ne doit pas être confondu avec de nombreux inyen-
taires du même genre qui ont successivement été livrés à l'impression
dans diverses villes et qui n'offrent guère que des titres de livres parfois
peu complets et classés d*une façon assez confuse. M. Péhant 8*est
imposé le rude labeur de relever tous les titres avec une scrupuleuse
exactitude, en indiquant le nombre des pages de chaque volume, en
ajoutant les prénoms et surnoms des auteurs, en dévoilant, toutes les
fois que la chose a été possible, les anonymes et les pseudonymes.
A l'occasion d'une foule d'articles, il rappelle d'autres ouvrages se
rapportant au même objet, ou il cite des travaux insérés soit dans les
Mémoires de sociétés savantes, soit dans des publications périodiques.
Il offre aussi aux travailleurs sérieux d'innombrables indications que
ceux-ci sauront apprécier. Le volume que nous avons sous les jeux
va du n"" 52,000 au n"" 66,426. Sur ces 14,426 articles, 13,111 sont
entrés à la bibliothèque de Nantes depuis 1848. Cet établissement qui,
à cette époque, renfermait à peine 36 à 38,000 volumes, 3,000 à
4^000 pièces et une centaine de manuscrits, compte aujourd'hui près
de 100,000 volumes et 50,000 pièces. Le nombre des manuscrits
dépasse 800, sans y comprendre les pièces au-dessous de 20 pages ;
n'oublions pas 4,000 lettres autographes et une précieuse collection
de chartes bretonnes. Des accroissements aussi considérables sont
l'œuvre de M. Péhant qui, sachant tirer un excellent parti des res-
sources restreintes, n'a rien épargné pour enrichir le dépôt qui est
l'objet de toutes ses sollicitudes.
Les livres de travail sont fort nombreux dans le catalogue que nous
signalons ; les ouvrages rares ne font pas défaut ; nous en mention-
nerons quelques-uns à peu près au hasard : Extraict ou recueil des isles
nouvellement trouvées en la grande met* océane faict premièrement en
latin par Pierre Martyr et translaté en language françoys^ Paris, Simon
de Colinet (1532, pet. in-4), volume fort recherché, aujourd'hui, ainsi
que tous ceux qui concernent la première époque de Thistoire du
Nouveau- M onde ; le Prestre Jehan (Paris, Lepetit Laurent, s. d.
pet. in-8), opuscule relatif à une des plus curieuses légendes du
moyen âge ; Coustumes et esfablissemens de Bretaigne (Paris, Guillaume
Le Févre, 1480, pet. in-8), première édition, d'une rareté extrême.
— 5'/ —
Si qaelqae bibliographe zélé entreprend un jour de compléter les
recherches spéciales de Peignot sur les livres tirés sur papier de cou-
leur et sur les ouvrages imprimés à petit nombre, il rencontrera
d'utiles indications dans le catalogue qui nous occupe ; nous avons
distingaé divers écrits imprimés à douze ou à vingt-cinq exemplaires
seulement; mais Tespace nous manque pour les signaler.
En terminant cet inventaire, « résultat de vingt-cinq années de
labeur sans trêve, ni merci, » M. Péhant est loin de regarder son
œuvre comme achevée; Usait très-bien a qu^un catalogue ne peut pas
plus se passer de tables qu'une bibliothèque de catalogue ; » il prépare
une table par noms d'auteurs ; une table alphabétique des titres (en
les abrégeant autant que possible), une table alphabétique des prin-
cipales matières. Une Notice descriptive des manuscrits et des livres
rares ou précieux à divers points de vue que possède la bibliothèque de
Nantes Tiendra ensuite. On ne saurait donner trop d*éloge à un zèle
aussi infatigable^ et il serait bien à désirer que toutes les bibliothèques
publiques de la France fussent confiées à des conservateurs tels que
celui de la ville de Nantes a le bonheur de posséder. Les avantages
qui en résulteraient pour la science des livres seraient du plus grand
prix. B.
BULLETIN
Pensée* eliolslei* de saint François de Baleii, extraites de lin-»
trùductùm à la vie dénote, par J. Deloincourt. Paris, Bray et Retaux, i87o.
In-32de 435p. — Prix: 1 fr.
M. Deloincourt vient de réunir dans un petit volume,d*une forme élégante
et d'une exécution très-soignée, un choix de pensées extraites de V Introduc-
tion d la vie dévote. Nous ne connaissons rien de plus reconfortant^par les temps
de luttes ardentes et de polémiques passionnées que nous traversons, que la
lecture de ces pages tout imprégnées d'une douceur presque divine, et d'un
indomptable esprit de charité. Il est bon de se retemper souvent à une source
si pure et d'écouter la voix de ce grand saint qui,toute sa vie, a fait entendre
des paroles de paix aux hommes de bonne volonté. Les pensées choisies de
saint François de Sales devraient être le vade mecum de toutes les âmes qui
aspirent an calme et cherchent l'apaisement. G. M.
Soirées de l'Ouvrier. Lectures à une société de secours mutuels, par
HippoLYTE YioLEAu; ouvragc couronné par l'Académie française; Septième
édition. Paris, Bray et Retaux, 1875. In-18de 264 p. — Prix: 1 fr.
La réapparition de cet ouvrage, épuisé depuis longtemps, est une bonne
fortune pour tous ceux qui ont à cœur de répandre les bonnes doctrines.
Aux personnes qui se plaignent de n'avoir à opposer À la propagande effré-
née du mal que des publications insignifiantes nous dirons : Lisez les
Soirées de Vouvrier et vous vous convaincrez que peu de livres méritent autant
que celui-là d'être propagés dans les classes laborieuses, abusées parles théo-
nes révolutionnaires qu'on leur présente sous toutes les formes.
— SS-
II est impossible, en effet, d'exposer sous un joar pins vrai, et dans un
style mieux approprié au sujet, des idées plus nobles, des exemples plus
salutaires. Ecrites au lendemain de la Hévolution de iB48, ces pages élo-
quentes sont encore,hêIas! d'une saisissante actualité; car nous nous trouvons
en face des mêmes problèmes et en présence des mômes dangers. Plus que
Jamais, nous devons lutter contre le mal qui nous envahit et fait entendre
la voix de la vérité à ceux qui nous entourent. Hippolyte Violeau n'est plus
avec nous pour nous aider dans cette tâche, dont nul mieux que lui ne com-
prenait la grandeur; mais son œuvre vivra, et bien des âmes y puiseront
une consolation et une espérance. G. M.
Conrftrencea sur le» oonnalasancea les plu* utiles ans.
Iiabitantsde la campagne, par M. Ta. Hombkrg, conseiller honoraire
à la cour de Rouen. Paris, Ch. Douniol, 187S.In-i2 de 237 p. — Prix : 2 fr.
Notre pays, livré depuis plus d'un siècle aux faiseurs de théories et aux
entrepreneurs de révolutions, porte la peine de cette erreur funeste dont
la masse de la nation n'est pourtant pas responsable.Sans entrer ici dans des
considérations politiques qui mèneraient trop loin, il est permis de constater
que nulle part peut-être l'ignorance des choses pratiques, de la loi, par
exemple, n'est poussée aussi loin, et que nulle part aussi la liberté du men-
songe n'a plus de crédit. Aussi doit-on applaudir à tonales efforts tentés pour
éclairer et pour instruire. C'est la meilleure arme de défense ou de combat
contre l'invasion des mauvaises doctrines. M. Homberg, ancien magistrat, a
bien compris ce besoin du temps. Dans une série de conférences, dont laVorme
simple et claire n'exclut pas l'élévation du fonds, il passe en revue les questions
les plus diverses, les sujets les plus utiles. Points de droit à éclaircir, préjugés
à cx)mbattre, conseils à donner, métliodes à. propager, science usuelle h
vulgariser, tel a été le but poursuivi et atteint par un homme qui, en faisant
le meilleur emploi de son repos, donne un bon exemple à ceux qui ne savent
tirer aucun parti de leurs loisirs. G. de R.
Morale pratique, enseignée par l'exemple à la jeunesse française, par
G. DE Gerando, premier président honoraire de la Cour d'appel de Nancy.
Tours, Marne, i875. In-8 de 240 p. avec une gravure. — Prix : i fr. 30.
L'éminent magistrat se montre digne du nom qu'il poi'te en publiant la
Morale pratique; « est une nouvelle; morale en action » sur un plan excellent,
sous une forme attrayante et saisissante, et, inspirée par le patriotisme et le
plus vif attachement à la religion catholique, M. de Gerando fait un vrai cours
de morale, commençant par l'existence de Dieu, l'âme et son immortalité,
le devoir et la conscience, et le poursuivant dans Tétude des diverses vertus
que nous devons pratiquer, comme chrétiens, comme membres d'une famille
et comme citoyens. Toute exposition de doctrine, courte, simple et nette
est accompagnée d'exemples bien choisis et destinés à faire d'autant plus
d'impression, qu'un grand nombre sont empruntés aux temps présents. Ce
sera un bon livre à donner en prix. V. M.
I^e Mjm P^ontalne en action. Ouvrage destiné k l'instruction de la
jeunesse, par M. Hyoin-Fubct. Paris, E. Delhatte, i875. ln-12 de 360 p. —
Prix : 3 fr. 50.
Pour faire comprendre et retenir le sens moral des fables, M. Hygin-Furcy
prend les maximes que La Fontaine a placées à la fin de presque toutes ses
fables, et fait suivre chacune d'elle d'un exemple qu'il a choisi dans les
- B9-.
futM bifftoriqaes de tous lêt pajr», ou dans la biographie des honmes illus-
tres, n se trompe assurément eu traitant la morale de La Fontaine d*admi-
raJile, mais on serait tenté de partager son jugement, si on ne la connais*
•ait que par les dételoppements qu'il en donne. Ainsi le récit de la mort
héroïque de l'enseigne Bisson, qui fait sauter son navire plutôt que de se
rendre, sert a développer ces vers du fabuliste :
Qu'on me rends impotent.
Col-de-jfttte, goutteux, manchot, pourvu qu'en somme
Je Yive. c'est assez, je suis plus que content.
Ce livre peut être mis sans aucun danger entre les mains des enfants, et
nous pouvons dire que Fauteur a atteint son but, lorsqu'il se proposait de
développer, dans les cœurs, les sentiments de religion, d'honneur et de
dévouement qui animaient nos ancêtres. Claudius Fobestieb.
Ceiufterle» Anr toaa les tons. Hiitoirêtrunêreprétentaiion untgue dons
les fastes du théâtre moderne^ par Autont R^al. Paris, Casimir Pont, i875.
In-12de 288 p. •— Prix : 3 fr.
La représentation dont il s*agit est celle qui fut donnée en 4869, sur le
théâtre romain d'Orange, par les soins de M. Antony Real, de Lourmarin,
auteur de ces Causeries, lesquelles roulent principalement sur la campagne,
les saisons, le bonheur des champs, les enchantements de Paris,etc., et sont
mêlées ça et là de vers alexandrins. C'est le vrai genre humoristique : on y
passe d'une idée à l'autre, comme si on volait de fleur en Ûeur. Au reste,
rien de moins malfaisant : c'est nn bavardage sans nul venin. Le plus gros
péché de l'auteur est de jeter un certain ridicule sur sa pauvre province,
à force de la vanter : il n'est pas permis à tout le monde de parler de
son pays ni de sa personne, et c'est une fantaisie qui demande du tact, de la
finesse, et beaucoup d'originalité. Il faudrait aussi, quand on eatae avec
des inconnus, oh&tier son* langage et ne pas dire par exemple ; je monte Jei
escaliers et je tloche à la porte, expressions qui sont, même dans le midi, des
locutions de portière. Avec toutes ces précautions, on pourrait être encore bien
loin de l'art difficile de causer sur tùus les tons, et, bien que Montaigne, La
Fontaine et quelques autres y aient réussi, ce n'est pas, à en juger par cet
-•ssai, )e genre qui convenait au poète de Lourmarin. G. P.
•éeurlté et liberté de le Vrmuoe, au projet d'une réorganisation
générale, par M. G. de Kérigant, conseiller général, etc. Paris, Douniol,
1875. In-8 de 64 p. — Prix : 1 fr.
La brochure de M. de Kérigant pose, si même elle n'a pas la prétention
de les résoudre, tons les problèmes que suscite l'organisation administra*
Uve et politique d'un grand pays comme la France. Qu'on en juge par le
résumé suivant : Les communes seraient l'objet d'une nouvelle délimitation,
et devraient présenter au tnintmum une population de deux mille Âmes. •—
Le canton deviendrait une circonscription administrative, et devrait avoir au
moins nne population de 48 à 20,000 âmes; — L'arrondissement serait sup-
primé; -* Le nombre des départisments serait augmenté; ehacnn eompren«
drait une population de 300 à 950,000 âmes ; -*% il y aurait des provinces
formées en général de quatre à cinq départements ; — • De nouvelles règles
présideraient au recrutement de l'armée et de la magistratnre,aux nomina«
tione, à l'avancement; — Le système électoral serait profondément modifié,
etc.,etc.,etc.L'auteur,on le voit, n'est pas ennemi des innovations. Nous avouons
— co-
que son ardeur à corriger Tœavre violente de la Révolution'par d'antres réfor-
mes ni moins violentes, ni moins contraires aux traditions historiques, ne
laisse pas de nous inspirer une certaine frayeur. — Au moins voudrions-
nous, si l'on fait tant que de tout bouleverser, avoir devant nous des plans
mieux définis, plus précis, nous osons même ajouter, plus étudiés. Cepen-
dant les intentions de M. de Kérigant nous paraissent louables en elles-
mêmes, et nous nous associons à un grand nombre des critiques qu'il
formule contre les abus de la centralisation révolutionnaire,
A. dbClaye.
Mon Voyage au paya des chliiiërea« par Antonin Rondelet. Paris,
Didier, 1875. In-18 j. de 355 p. — Prix : 3 fr. 50.
C'est la réalité que M. Rondelet poursuit au pays des chimères; il nous
montre, dans un piquant et fantaisiste récit, à quel réalisme effrayant
devraient nous mener logiquement quelques-uns des prétendus principes qui
passent pour être le plus beau fleuron de notre patrimoine intellectuel. Les
conséquences chimériques auxquelles on arriverait frapperont, par leur
absurdité, certains esprits rebelles au raisonnement. Ainsi, nous voilà à
Égalidté, où tout se fait en vue de conserver l'égalité. Les costumes sont les
mêmes pour tout le monde; un fonctionnaire en fait la distribution à
époques fixes; mais, malgré tout, on n'a pas pu empêcher que la manière
de porter le vêtement ne rompit la sainte égalité : on cherche le remède.
La liberté du travail est bannie, parce qu'elle conduirait à la plus flagrante
inégalité au détriment des paresseux ; ^oute supériorité étant une atteinte à
l'égalité, les enfants précoces et intelligents sont confiés aux mains les plus
aptes à éteindre leurs facultés. A Vaganopolis, le système électoral a atteint
la perfection : pour n'avoir que des suffrages désintéressés, on ne fait voter
que les citoyens qui n'ont pas d'intérêt : les pauvres les gens sans aveu.
Pour avoir des élus sans parti pris, on les choisit parmi les ignorants; les
députés dorment aux séances pour ne pas se laisser influencer par les dis-
cours ; la msgorité exclut la minorité pour n'avoir pas d'opposition. A Orga-
nisation-Ville, le travail des bureaux est singulièrement simplifié à l'avan-
tage du public : vous remettez vos pièces à une machine qui, au bout d'un
instant, vous les rend paraphées, visées, etc. Les esprits légers trouveront à
se distraire et même à s'amuser dans le badinage de ce volume ; les esprits
sérieux y trouveront matière à de graves réflexions et à de fréquents retours
sur noti^ état social. V. M.
Loin aoclalea expliquées par le bon aena» par C. Boutry. Paris,
Chaix, 1875. In-18 de 43 p. — Prix : 0 fr. 25.
Cette brochure est un peut traité d'économie sociale, où sont abordées
toutes les questions essentielles : la responsabilité, le travail, la propriété,
le capital, la loi de l'offi^ et de la demande, l'échange, la monnaie, les
impôts, le socialisme, etc., etc. C'est plutôt un aide mémoire pour les per-
sonnes qui ont des notions sur tous ces sujets, qu'un livre populaire destiné
à combattre Terreur et l'ignorance. La préface, du reste, n'est pas & l'adresse
des classes populaires, et nous ne voyons pas ce qu'avait à faire, dans ce
petit traité, la prodigalité de Louis XIV et le reproche à la royauté d'avoir
trop souvent joué le rôle de Providence. B. L.
— 61 —
i de JLtyon* Compte rendu de la septième assemblée générale
des directeurs d'OEuvres (24-28 août 1874), par M. Camille Réiiont. Paris,
Bureau central deTUnion, rue de Verneuil, 32. In-8 de v-497 p. — Prix :
4 fr.
^••«■■iblée clea CNSuvrea catholiques du diocèse de Sols-
•ODf», tenue A JVol.re-Danie de Lflevse* le* lO et II mars
A 97 tf • Compte rendu publié par le Bureau diocésain. — Saint-Quentin,
imp. J. Moureau, 1875. In-8 de 4o2 p. — Prix : 1 fr.
Nous nous reprocherions de ne pas signaler à nos lecteurs ces deux
ToIomeSy qui sont une éloquente attestation du mouvement intellectuel et
moral qui se produit en France. Le congrès de Lyon, qui a réuni sept cents
personnes, hommes d'œuvres, hommes d'action, a laissé des traces profondes
par rimpulsion qu'il a donnée aux œuvres ouvrières et par les relations fra-
ternelles qu'il a établies entre tous ses membres. Ce qui en fait le caractère
original, c'est qu'on s'y est abstenu de discussions théoriques pour se livrer
à Tétude J'œuvres spéciales : aussi le compte rendu offre-t-il une série de
monographies des œuvres les plus importantes et les mieux entendues
dans tous les genres, une série de types intéressants à étudier et plus encore
à réaliser : œuvres dans les villes, dans les campagnes, dans les usines ;
pour les apprentis, pour les ouvriers; œuvres de prières, œuvres d'instruc-
tion et de propagande intellectuelle...
— La réunion tenue à Liesse a eu un théâtre moins étendu et un personnel
moins nombreux; le compte rendu offre naturellement un intérêt moins
général. Quelques-uns des .rapports et quelques-unes des discussions sont
cependant bien dignes de fixer l'attention. Nous citerons, notamment, les
rapports de M. l'abbé Dehon sur l'état des œuvres et des associations
d'hommes dans le diocèse de Soissons ; — Sur le rôle de la musique dans
les œuvres ; — Sur les anciennes confréries et les associations d'archers ; —
Sur la presse, les bibliothèques et la propagande des bonnes lectures, dont
un des plus actifs instruments est une œuvre fondée par Mgr de Garsi-
gnies, disposant de 29,000 volumes, dont 26,000 en circulation, répartis
entre 318 dépôts. H. de St.-M.
Hiatoire de l'Aosleterre depuis la mort de la reine Anne
Jua<iu'A nos Jours, par H. Reynâld, professeur à la Faculté des
lettres d'Aix. Paris, Germer Baillière, 1875. In-12 de 360 p. — Prix :
2 fr. 50.
Ce livre est l'histoire du parlementarisme anglais, depuis l'avènement de
la maison de Hanovre. E laisse complètement de coté tout ce qui ne touche
pas à la politique. Le principal défaut du livre de M. Reynald est dans
l'esprit de partialité révolutionnaire qui s'y fait voir en maint endroit. Il a,
d'autre part, le tort de presser trop de détails dans un cadre trôs-restreint;
aussi les expositions manquent-elles quelquefois de clarté. Le style laisse
aussi parfois un peu à désirer. Enfln, la typographie est mal soignée, et les
fautes qui s'y sont glissées sont d'autant plus regrettables qu'elles portent
souvent sur des noms propres et des dates. F. R.
Ea Mort et la Bibliographie catlioll<iue. Réfutation de la critique
du livre par le joumc^, par Joseph de Chaignolles. Paris, Didier, 1875.
In-12 de 112 p. — Prix : 1 fr. 50.
Je ne sais si les études de M. de Chaignolles sur la Mort ont plus de valeur
que la Bibliographie catholique ne leur en attribue. Mais l'interminable justi-
— 62 —
fieaiion qae l'aateur publie aujourd'hui ferait croire que le critique de cette
revue û*a point en tort de se montrer séyère. Vague, déclamatoire, portant
presque toujours à faux, et longue à ennuyer le pins patient des critiques :
telle est la brochure que nous offre aujourd'hui M. de Chaignolles pour sa
défense. Le style même ne mérite pins les faveurs que la Bibliographie
catholique accordait si complaisamment au style du livre. Où l'auteur va-t-il
chercher des expressions comme celles-ci : exquiBiviié, mondanise^ biblio-
philie, germe de vastitudey etc. L'auteur veut qn'en le critiquant on soit
clair : qu'il donne donc l'exemple. Pour nons, nous souhaitons quo son
livre vaille mieux que la défense qu'il en publie aujourd'hui ; sans cela il ne
mériterait même pas les maigres éloges qu'il a reçus. E. P.
Question dynastique en ESspnfçne* par M. Afabisi t GunAEHO)
traduit de l'espagnol. Paris, Grand, 1875. In-8 de 104 p. — Prix: i tr.
Une polémique passionnée a pris soin dès longtemps d'obscurcir la ques-
tion de la légitimité en Espagne ; beaucoup d'esprits se laissent aveugler par
ces nuages accumulés à dessein* Car le problème n'est pas exclusivement
scientifique ; il présente, au point de vue politique , un intérêt saisissant
d'actualité. Que les hommes de bonne foi, dont la conviction n'est pas
formée encore , ouvrent le traité de M. Aparisi y Guijarro. La com-
pétence de l'auteur, qui s'est placé par de nombreux travaux au pre-
mier rang des publicistes espagnols, est à l'abri de toute contestation ;
son impartialité est à l'ahri de tout soupçon. Ce n'est pas un carliste qui met
son érudition au service d'une thèse préconçue ; c'est un érndit qui, lente-
ment et par l'effet de recherches consciencieuses, se rallie au drapeau carliste
et cherche à y rallier son lecteur. Chacune de ses assertions repose sur des
documents officiels ; les faits sont relatés et commentés avec la plus scrupu-
leuse fidélité. A. DE Clatb.
Ei*AJ>clenne Jonction de Pitngleterre h la France, ou le détroit
de CaUds, ia formation par la rupture de Visthmey sa topographie et sa cons^
titution géologique (ouvrage qui a remporté le prix au concours de l'Aca-
démie d'Amiens en l'année 4771), par Nicolas Desmarets, membre de
de l'Académie des sciences (1725-4815), avec deux cartes topographiqnes et
un profil ou coupe des différents fonds du r^nal de la Hanche. Paris, Isidore
Liseux, 4875. In-42 de 425 p. — Prix : 3 fr.
U est vraiment très-intéressant, au moment où la France et l'Angleterre
vont essayer de se mettre en communication directe par chemin de fer, de
lire un livre écrit il y a plus d'un siècle, qui se rapporte si intimement à ia
question. C'est une discussion historique et physique où l'on trouve une
foule de faits qui intéressent la topographie du détroit : elle est divisée en
deux parties. Dans la première, Desmarets discute les preuves historiques et
physiques de l'existence de l'isthme; il se sert, pour l'hisloire, à la fois du
témoignage des auteurs anciens : César, Tacite, Pline, Dion-Cassius, etc., et
des travaux des modernes : Camden, Westgan, Twine, etc. Pour les preuves
physiques, l'auteur s'attache à examiner la topographie des eûtes et du fond
du détroit, la nature et les dispositions des couches du terrain, etc. Après
avoir établi l'existence de l'isthme, l'auteur en étudie, dans la seconde partie,
la rupture : comment elle s'est effectuée ; les causes qui l'ont favorisée, telles
que le mouvement des marées, la disposition des côtes. Il essaye aussi de
déterminer quelle devait être la nature et l'épaisseur des terres qui for-
maient l'isthme, et en combien d'années elles ont dû être enlevées.
Nous constatons que l'auteur ne s'est point laissé entraîner par l'amour dn
— 63 —
merveille DX ; son oavrage est de pure érudition, et il contribuera certaine-
ment à jeter du jour sur la question qui préoccupe aijyoord'hui si vivement
deux grandes nations. Erkest Babeu)n.
Crétlneau-JToly et ses livres» par le P. Emile Régnault, de la Com-
pagnie de Jésus. Paris, Lecoffre, 1875. In-8 de 72 p.
Le P. Régnault a été bien inspiré de faire tirer à part la notice qull a
consacrée, dans les Etudes religieuses, à M. Crétineau-Joly. Elle nous fera
prendre patience en attendant la biographie préparée par l'abbé Maynard, et
qui sera accompagnée de quelques œuvres inédites. L'homme et l'écrivain
sont appréciés avec beaucoup de liberté; l'éloge et la critique ont leur part.
A côté du fervent chrétien, vaillant défenseur de l'Eglise et de la Compagnie
de Jésus,nous voyons le polémiste qui ne sait point ioigour» retenir sa plume,
modérer «son langage et se tenir dans les bornes de la charité et du
respect. Aidé de documents inédits, le P. Régnault révèle bien des faits curieux
de la vie littéraire et politique de Crétineau-Joly, notanunent l'origine de»
relations qui lui ont procuré les Mémoires de Consalvi. Cette étude est ter-
minée par une notice bibliographique dans laquelle nous ne relevons qu'un
ouvrage que le Mybiblûm n'ait pas cité dans sa nécrologie: La cour et U gou-
temement de Prusse en face de la Coalition (1853). V. M.
Pen»ée«, maxime*, sentettee» et bontadea, par M. Louis oc
CoiiBETrEs-LABOUREUE. Toulouse, typ. de Bonnai et Gibrac, 1875. In-8 de
179 p.
et L'esprit est comme le bonheur, il fuit ceux qui le cherchent. » M. de
Gombettes n'a pas formulé cette sentence pour que nous lui disions qu'il n'a
pas dû chercher l'esprit, puisqu'on en trouve du meilleur, du plus fin, du
plus délicat, et nous pouvons dire du plus noble, dans ses Pensées^ maximes^
sentences etbouiades, petits bijoux artistement montés dans un élégant volume.
Il aborde un peu tons les siyets : religion; philosophie; politique; passions;
rameur ; préjugés, illusions, ridicules ; vertu», qualités ; l'homme ; la femme ;
morale et pensées diverse», a J'ai employé, dit-il, la forme brève et concise
des sentences des grands maîtres ; c'est tout ce que j'aurai de conmiun
avec eux. » Le public jugera. Nous ne pouvons donner que quelques échan-
tillons. — « C'est toijgours au nom de la morale que les réformateurs atta-
quent la religion, et toujours aussi cette même morale, par eux outragée,
qui leur fait abandonner la religion. » — « La meilleure preuve que Dieu
existe, c'est qu'il eet perpétuellement attaqué. — « Dans toutes les révolutions
on voit toujours les mêmes hommes, les même» choses, les mêmes mots,
déguisés différemment. >» — h Pleurer avec ceux qu'on aime est une consola-
tion qu'on donne et qu'on éprouve. » — a Le bonheur est l'ignorame du
mieux. >» — •< Obéir dignement est plusdifQcile que commander. » — Ily a,
dans le nombre, plus d'une u boutade », M. de Combettes en convient, et
même quelques paradoxes. Mais nous laissons à nos lectrices le plaisir d'être
sévères envers lui et de lui appliquer la peine du talion. R, S.
Ia Question du drapeau. Appel au bon seM et à la jusUcef luM des
manifestes de M. le c<mte de Chamhord et d'une étude de M. Armand de
Ponimartin, sur le drapeau. Reims, Imp. coopérative; Pans, Fechoz, 187S.
ln-8 de 56 p. — Prix : 40 c.
Cette brochure n'a pas la prétention d'apporter des documents inédits, ni
même do présenter des aperçus nouveaux sur cette question qui a déjà une
— 64 —
bibliographie considérable. C'est une énergique défense du drapeau blanc,
un exposé net et franc des arguments en sa faveur, et des éyénements qui
ont eu, dans ces derniers temps, de l'influence sur la question. On y a joint
quelques-uns des plus récents et 'des plus importants manifestes du comte
de Chambord. V. M.
VARIÉTÉS
LE MOYEN AGE ET LA RENAISSANCE
A PROPOS d'une publication RECENTE DE M. ORUYER
D'après la terminologie, généralement usitée, le mot Renaissance sert à
désigner une époque qui se caractérise, premièrement, par la renonciation
à l'idéal chrétien du mojen âge, ainsi qu'aux formes spéciales qui expri-
maient alors cet idéal ; secondement, par le culte de l'antiquité classique, et,
dans les arts plastiques, par l'emploi du nu, de parti pris, à tout propos et
hors de propos, jusqu'à l'indécence et la profanation. On attribuera partout
à la Renaisnance, par exemple, les peintures de Michel-Ange, dans la cha-
pelle Sixtine, le château de Chambord, le Roland furieux^ etc., etc. Personne
n'entendrait sans surprise, et même sans protestation, qualiGer d'œuvres de
la renaissance : la Sainte-Chapelle de saint Louis, le couronnement de la
Vierge de Fra-Ângelico, les sculptures de Notre-Dame de Paris, la Chanson de
Roland ou le poème du Cid. Chacun dira, sans hésiter, que ces œuvres appar-
tiennent au moyen âge, et, en le disant, on entendra implicitement une
idée opposée à celle que suscite le mot Renaissance. Il y a des partisans
exclusifs du moyen âge, comme il y en a de la renaissance. Les uns et les
autres savent parfaitement que leur prédilection s'attache & des objets diffé-
rents, et, dans une certaine mesure, opposites. — Pour descendre au lan-
gage le plus pratique, l'architecte, l'artisan même, comprendra qu'il s'agit
de choses paifaitement distinctes, lorsqu'on lui demandera un édiâce ou un
meuble, soit dans le style du moyen âge, soit dans celui de la renaissance.
La confusion est impossible. Tel est, incontestablement, l'état des choses,
Paul Delaroche n'a pas commis une bévue et il a été, au contraire, parfai-
tement avisé lorsque, voulant caractériser les grandes époques de l'art dans
une peinture célèbre, il a séparé le moyen âge de la renaissance et les a
personnifiés par deux personnages absolument différents : d'une part la belle
et chaste blonde, et, de l'autre, une fille plus libre et sufûsamment désha-
billée pour être reconnue au même instant.
M. Gruyer, dans une publication toute récente ^ supprime purement et
simplement le moyen âge. Entendons nous : il le supprime en tant que
l'époque d'un épanouissement de tous les arts. Dans son langage, la renais-
sance n'est plus, comme pour tout le monde, un certain mode d'art dont la
pleine floraison est au seizième siècle. Pour M. Gruyer, c'est le fait même,
ou, si l'on veut, c'est toute l'époque de floraison de l'art à partir de la déca-
dence du style romano-bysantin. Il réserve le mot moyen âge pour les œuvres
ou les époques de barbarie, de décadence ou de confusion ; il n'est pas
éloigné d'attribuer toute culture esthétique au retour vers le culte de l'anti-
1 . Ltt œurrt* d'art d$ la renaiuance Ualienne au (empU de Saint'Jean {BaptisUr9 ée
Flortncê), par F. A. Gruyer. Paris, R^noaard, 1875. Ia-8 do xii-229 p., avec 3 plan-
ches gravées.
— 63 —
qaité classique. Ecoutons : « Après mille ans d'oubli, le quatorzième siècle,
réentend cette voix universelle de Fart qui parle de l'infini au cœur de l'homme
sur le sommet de Tacropole comme au centre de la cité florentine ; après le
long engourdissement du moyen âge, les trécentistes renaissent à la vie de la
nature et à la mystérieuse poésie de la beauté humaine. L'âme des artistes
retrouve alors k travers les caractères accidentels et passagers, ce quelque
chose d'impersonnel et d'impérissable qui est comme l'empreinte de Dieu
sur l'homme et toutes les œuvres que les artistes touchent de leurs mains
portentla trace de la plus sinoére ànoUon, »
Voyons un peu : il y a eu de tout cela avant le quatorzième siècle. Les
églises gothiques du treizième siècle parlent de Vinfini au cœur de l'homme
tout aussi éloqnemment que le Parthénon (dont je ne veux pas dire de mal).
Nos chansons de geste, antérieures à l'an 4300, et celles-là seulement, peut-
être, portent la trace de la plus sincère éfnotion : il y a des passages de la
Chanson de Roland que je n'ai jamais lus sans faire pleurer les auditeurs.
Le trouvère de Garin, et celui d'Alesawips étaient-ils des engourdis ? Et la
musique du moyen âge ? Demandez quelle émotion elle produisait encore
ces jours derniers, sous les voûtes de Saint-Eustache. Et le mystère des Pno-
phètes du Christ ? et la Bésurrection de Lazare? Tout cet ensemble, d'une gran-
deur que rien n'a surpassée, est du pur moyen âge, c'est-à-dire antérieure
au quatorzième siècle qui en a vu commencer la décadence assez rapide.
M. Gruyer est un esprit trop ouvert et trop éclairé pour ne pas le com-
prendre aussi bien et peut-être mieux que moi. Aussi, dans le dburs de son
livre, fait-il une grosse infidélité à son quatorzième siècle de l'avant-propos.
A la page 210, il mentionne la renaissance française du treizième siècle. Evi-
demment, le mot est employé ici dans le sens étymologique de renaitrey mais
ce n'en est pas la signification devenue usuelle et, pour ainsi dire, technique.
Est-il à propos d'admettre cette identification esthétique du moyen âge et de
la renaissance? En Italie, depuis Giotto, il y a à constater, jusqu'au dix-septième
siècle, une marche continue (je ne dirai pas toujours progrés) sous l'influence
de plus en plus active de l'antiquité classique ; mais il faut éviter de subor-
donner le fonds à la forme. Assurément, d'Orcagna à Fra-Angélico et à Michel-
Ange, vous pouvez suivre le développement de certaines compositions et
môme de certains personnages (comme le Christ des jugements derniers). Il
en faut dire autant, sinon plus, de l'architecture et de la sculpture ; mais
prenons -y garde : Giotto, Orcagna, le Pisan, Fra-Angelico et tant d'autres
sont, par eux-mêmes, quelque chose de complet et de définitif, indépendam-
ment de ce qui en est sorti, quelquefois par un développement normal, par
un progrès, mais souvent par déviation et sur le chemin de la décadence. Ils
ne sont pas seulement une préparation, mais un tout, un résultat, un ter-
minus. Je me refuse absolument à les considérer comme des étapes sur le
grand chemin de l'art.
S'il y a un prétexte matériel à comprendre sous une seule dénomination
la marche de l'art en I^a/te depuis Giotto jusqu'au classicisme du dix-huitième
siècle, il n'y a absolument rien qui justifie cette confusion en France. Là, au
treizième siècle, l'art était arrivé à un épanouissement complet sans avoir
subi l'influence de l'antiquité, et sans s'être mis en révolte contre la nature,
ni contre la tradition. Rencontrant saint Jean-Baptiste dans le désert du
Jourdain, il ne s'est pas cru autorisé à l'atfubler d'une toge romaine (i).
1. Gomme dans le dossaU du baptutère àt Florenre : « Le cilice en poiU de chameau
scruDaleosement respecté dans les bas-reliefs précédents, disparaît sous ]e manteau
<^ni arape toute la figure avec une nobless'! et une élégance vraiment dignes de l'an-
tique. » Gruyer. Rtnamancê italienne ^ p. 91.
Juillet 1875. T., XIV, 5.
- 66 -
Après le treizième siècle, il a commencé sa décadence sous lui-même et par
lui-môme jusqu'au moment où, subissant Tinfluencede Tantiquité, il a renié
son idéal ancien pour entrer dans une voie toute nouvelle. Il a chaniré
d'idéal. ^
De tout ce qui précède, il me parait résulter l'opportunité de conserver
des noms différents pour désigner des choses si profondément différentes.
Nous ne confondrons pas l'idéal chrétien avec le débordement de l'imitation
classique. Nous ne confondrons pas Fra-Angelico avec Michel-Àjnge, ni le
trouvère de Roland avec TArioste, ni Arnolfo diLapi avec Palladio, ni André
de Pise, avec Jean Goujon. — A l'idéal conçu et réalisé par les premiers,
nous conserverons l'appellation générique de moyen âge. — Nous réserverons
un autre nom pour l'art qui a secoué le joug chrétien, pour concevoir et
réaliser un autre idéal. Cet idéal nouveau n'était pas, à proprement parler,
celui de l'antiquité, si essentiellement religieuse dans les grandes époques,
mais il a emprunté les formes extérieures de la Grèce et de Home .
Le parti pris de supprimer le moyen âge, n'est pas une chose nouvelle.
Dans une salle du Louvre, illustrée par le peintre Gros, on a symbolisé les
grandes époques de l'art par les noms de Périclès, d'Auguste, de François I*%
de Léon X, enfin de Louis XIV. Entre Auguste et François P', rien ! C'est
l'école de Boileau appliquée aux arts. Les peintures de Gros n'étaient pas
encore séchées que la France avait découvert le moyen âge. La France s'était
aperçue qu'elle avait un passé antérieur à Villon et à Mansard. Aussi, dans
l'hémicycle de l'Ecole des beaux-arts; Paul Delaroche a-t-il figuré séparé-
ment l'art du treizième siècle, de la manière qui était rappelée tout à l'heure.
C'est entre ces deux systèmes, celui de la salle du Louvre et celui de l'hé-
micycle, qu'il faut se prononcer. Le système adopté par Delaroche est, selon
nous, le seul qui ne commette pas, conmie l'a fait Gros, une omission aigour-
d'hui ii\justifiable, et qui évite la confusion résultant de la classification suivie
par M. Gruyer.
S'il a paru nécessaire de présenter les observations qui précèdent, c'est que
M. Gruyer a conquis dans le monde des arts une juste autorité par ses ouvrages
sur les Fresques de Raphaël au Vatican, qui sont certainement ce que nous
avons de plus complet sur l'œuvre capitale du grand maître. Dans ces deux
volumes, comme dans ceux qui ont suivi et qui se rapportent aussi au
peintre d'Urbin, M. Gruyer laisse à. une bonne distance, par derrière tous ses
devanciers, Passavant et les autres.
La nouvelle publication de l'auteur des Fresques de Rapfuièl est presque un
travail de découverte, car il y expose, il y rapproche et il y juge des produc-
tions de première importance qui ne sont pas môme mentionnées dans des
livres très-sérieux sur l'art , en Italie, u En poursuivant, dit-il, des travaux
qui, durant quinze années, nous ont ramené presque constanmient en Italie,
il nous est arrivé maintes fois de passer à côté des œuvres les plus intéres-
santes des plus belles époques sans en soupçonner môme l'existence, parce
qu'elles étaient voilées ou renfermées, reléguées souvent dans des chapelles
particulières ou des sacristies, conservées dans des dépendances tout à fait
séparées de l'édifice. A chaque voyage, nous croyions avoir tout vu dans un
monument et presque toujours il nous restait à voir encore. Les choses mômes
que nous pensions le mieux savoir, nous ne les connaissions que d'une manière
sommaire, incomplète et souvent erronée. Une histoire approfondie de ces
choses nous parait donc utile au plus haut point, et c'est de cette histoire que
nous tentons aujourd'hui le premier essai. »
La première des monographies entreprises ainsi avec tant d'à-proposparun
homme de beaucoup de goût et d'érudition, est consacré à l'un des monu-
— 67 —
ments les plos intéressants de Florence, TÉglise de Saint-Jean ou Baptistère :
Je l'ai lue avec grand intérêt ; j'y ai appris beaucoup sur des sigets que je
croyais aussi connaître et sur lesquels je me suis aperçu que j'avais seu-
lement des données assez confuses. Toute personne curieuse des choses de
Tart rendra au travail de M. Gruyer le même témoignage et ne fermera pas
le livre sans se promettre d'y recourir en temps opportun.
Adolphe d'Avril.
CHRONIQUE
Nécrologie. — M. Charles-François-Marie, comte de Rémusat, né à Paris,
le 14 mars i797, est mort, dans la même ville, le 4 juin 1875. Fils d'un préfet
du premier Empire, d'un chambellan de Napoléon, M. de Rémusat se rangea,
dès son entrée dans la vie politique et littéraire, sous la Restauration, parmi
les disciples de l'école dite libérale, qui faisait opposition au gouvernement
de la royauté française, Il collabora au Lycée français^ aux Tablettes univer-
selleSj à la Revue encyclopédique, au Globe, au Courrier français. Le triomphe
de son parti en 1830, le fit entrer, d'abord comme député, puis, comme sous-
secrétaire d*État, dans la conduite des affaires, et changea d'abord ce partisan
du mouvement en partisan de la résistance. Mais, en 1837, il se rallia, sous la
direction de M. Thiers, à l'opposition dite constitutionnelle, et fut ministre de
l'Intérieur dans le cabinet formé par cet homme d'État, le 1*' mars 1840, et
dont il partagea la chute le 29 octobre, de la même année. De 1840 à 1848, il
battit en brèche, sous la conduite de M. Thiers, la monarchie de juillet, et se
livra en même temps à des travaux philosophiques et littéraires qui le cx)n-
duisirent à l'Académie des sciences morales (1842) et à l'Académie française, où
il remplaça Royer-CoUard (1846). De 1848 à 1852, représentant aux Assem-
blées constituante et législative, il fut de nouveau du parti de la résistance.
U se tint, sous le second Empire, à l'écart de la politique, où il rentra, comme
ministre des a£faires étrangères, sous la récente présidence de M. Thiers, et
prit une part honorable aux négociations pour la délivrance du territoire. Le
24 mai 1873, il tomba pour la dernière fois, avec son chef et son vieil ami, du
pouvoir dans l'opposition. Il y termina, ou peu s'en faut, sa carrière comme
il l'y avait commencée. M. de Rémusat, qui avait vécu en libre-penseur,
s'est honoré par une mort chrétienne. Ses talents d'orateur et d'écrivain
étaient remarquables. On peut dire de lui, chose rare, qu'il savait écrire
en français. Quant à sa renommée de philosophe, son scepticisme élé-
gant doit être considéré moins comme une force, que comme une faiblesse
d'esprit. Il l'a, grâce à Dieu ! répudié à temps. Les principaux ouvrages de
M. de Rémusat sont : De la procédure par jurés en matière criminelle (1820}; —
Du Paupérisme et de la Charité légale (1840); — Essais de philosophie {iM2) ; —
Abelard (1845); — De laPhilosophie allemande {iSi^); — Passé et présent (1847);
— Saint Anselme de Contorbéry (18o4); — Critiques littéraires (1856); ^U Angle-
terre au dix-huitième siècle (1856); — Bacon^ sa vie, son temps, sa philosophie
et son influence jusqu'à nos jours (1857) ; — Politique libérale, ou fragment
pour servir à la défense de la Révolution française (1860); — Channing, sa vie
et ses CBUvres (1861); — Philosophie religieuse ou de la théologie naturelle en
Franceeten Angleterre (1864); — lia donné, dans la.Revue des Deux-Mondes, un
grandnombre d'articles d'histoire, de politique, de philosophie, de littérature
et de voyages, dont la plupart ont paru en volumes.
— M. François-Pierre-Hippolyte-Ernest Breton, membre de la société des
— 68 -
Antiquaires de France, ancien président de la société des Études historiques,
dont il faisait partie depuis 1828, né à Paris le 2i octobre 1812, est mort au
même lieu le 30 mai 1875. Élève de Régnier, Watelet et Champin, il savait
manier le crayon ainsi que la plume, et, en même temps qu'il exposait an
salon, il publiait des ouvrages où il montrait la science de Tarchéologue
et qui lui ont valu des lauriers académiques. En 1838, il fit paraître en
collaboration avec M. Achille de JoulTroy son Introduction d l'histoire de
France ou Description physique et monumentale de la Gaule, jusqu'à VéiabliS"
sèment de la monarchie (in-folio avec pL), ouvrage qui fut couronné par
rinstitut en 1839. Après avoir travaillé aux Monuments anciens et modeimes
de M. Gailhabaud, il publia Les Monuments de tous les peuples, (2 vol. in-8,
avec gravures sur bois dessinées par lui) ; ce livre, traduit en allemand,
en espagnol, en italien et en russe, eut un grand succès et détermina
Fauteur à donner, en 1855, Pompéia décrite et dessinée, in-8 (3« édit. 1869,
in-8 avec de nombreux dessins], et en 1862, Athènes, décrite et dessinée
(2« édit. 1868). Collaborateur dès 1834 du Musée des Familles et du Magasin
pittoresque, il a en outre écrit, pour la Nouvelle Biographie générale, de
nombreux articles sur des peintres, sculpteurs et architectes français ou
italiens. L'Investigateur a publié plusieurs de ses travaux. On trouve aussi
son nom au bas des dessins qui ornent le Manuel d'archéologie nationale,
ÏBistoire de Paris de Dulaure, les Environs de Paris, du même, le Moyen
âge et la Renaissance. Il faisait encore, le 2 mai, à la séance de la Société
des études historiques, une lecture intitulée Grenade.
— Le 29 mars 1875, est mort k Breslau le Dr David-Auguste Rosenthal.
Il était né de parents juifs, en 1812, à Neisse. Après avoir fait ses études
médicales, il s'établit à Breslau pour y exercer sa profession. Il se convertit
au catholicisme avec toute sa famille en 1851. Depuis cette époque, il se voua
avec une infatigable ardeur à la défense de la foi. Il dirigeait avec talent
un journal populaire. En 1862, il publia une nouvelle édition des œuvres
poétiques d' Angélus Sibsius. Mais Touvrage qui l'a rendu le plus célèbre,
c*est un Tableau des Conversions au dix-neuvième siècle (Convertitenbilder ans
dem XIX Jahrhundert), dont il vient de paraître une seconde édition. Ce
Tableau renferme une notice sur tous les principaux convertis d'Allemagne,
d'Angleterre, d'Amérique, etc. Il fait suite à la grande collection publiée
par le savant évoque de Strasbourg, Mgr Rœss, laquelle contient l'histoire
des principales conversions, depuis la réforme jusqu'au commencement de
notre siècle.
— M. Charles-Auguste Mallet, né à Lille le 12 janvier 1807, est mort dans le
courant du mois d'avril. Entré à l'école normale en 1826, il a professé l'his-
toire au lycée de Douai, et ensuite la philosophie dans plusieurs lycées en
province et & Paris, jusqu'en 1848 où il fut nommé inspecteur de l'Aca-
démie de Paris, pour être envoyé comme recteur à Rouen en 1850. 11 a
écrit: sur Vhistoire de Rollin et de Veritate (1834), Thèses pour le doctorat;
— Manuel de philosophie (1835) reparu en 1853 sous le titre de Manuel de
logique.— Etudes philosophiques (2 vol. in-8, 1838), couronné par l'Académie ;
— Histoire de la philosophie ancienne (1842) ; — Histoire des écoles de Mégyre
et des écoles d'Elis et d'Erétrie (1845) ; — Eléments de Morale (1864). — Il a
traduit de l'anglais les Eléments de science morale de Jean Beattié (1840). Il a
collaboré au Dictionnaire des sciences philosophiques de M. Frank à la Nouvelle
biographie générale, etc.
— M. Jules-François-Élisabeth Bonnet, doyen de Tordre des avocats de la
cour d'appel de Paris, depuis la mort de M. Gaudry, s'est éteint le 12 mal
à rage de 80 ans. Il était inscrit au barreau depuis 1816: il avait été depuis
- 69 —
2o ans, forcé par sa santé de renoncer à l'exercice de sa profession; tonte
son activité était portée sur l'éducation de sa nombreuse famille et les bonnes
œuvres. 11 avait sa place dans le conseil des œuvres les plus importantes.
Longtemps, il fut président de l'œuvre de FAvocat des pauvres. Nous con-
naissons de lui deux ouvrages. la poésie devant la Bible. Etude critique des
poésies inspirées par rEcriture sainte (in-8, 4858) ; — Mes souvenirs du barreau
d^titsl804(in-8, 4864).
— M. Achille-Félicité de Godlhot de Saint-Gbrmain, né à Paris le 27 mars
1809, vient de mourir à Saint-Germain-le-Vicomte (Manche). Après avoir servi
dans Tarmée, il entra dans l'administration et fut plus tard député et séna-
teur. On lui doit des brochures sur la présidence, le recrutement^ la propriété,
et un rapport sur la prostittition, lu au Sénat (22 juin i865), qui a été publié
avec le discours de M. Dupin, sur le luxe des femmes.
— ^"M. Pierre-François-Henri Labrouste, architecte, membre de l'Institut, est
mort à Paris le 25 juin. Il y était né en 1804, et travailla avec ses deux
frères dans les ateliers de Lebas et de Vaudojer. Il obtint le grand prix de
Rome en 1824; en 1829, il surveilla, sous la direction de M. Duban, les travaux
du palais des Beaux-Arts. C'est lui qui organisa, en 1840, la fête du retour
des cendres de Napoléon ; en 1849, la cérémonie en l'honneur des victimes
des Journées de juin. On lui doit la nouvelle bibliothèque Sainte-Geneviève
et la nouvelle salle de la Bibliothèque nationale. Il entra à l'Institut le 23
novembre 1867, en remplacement de M. Hittorf. Il y a peu de jours encore,
il était nommé président du Congrès des architectes.
— M. le baron Jean de Sartiges d'Angles, est mort à Clermont-Ferrand,
le 19 juin. Jl était né au Vigean, dans le département du Cantal, le 1*' novem-
bre 4789. C'était un homme charitable, modeste, bienveillant, dévoué à
l'Eglise et à la royauté et rempli d'érudition en tout ce qui concerne l'his-
toire de la noblesse de France, l'art héraldique et l'histoire de l'Auvergne.
Pendant longtemps, il fit des recherches dans les bibliothèqaes publiques
de Paris et, parvint à écrire, en 4 volumes grand in- 4, un vaste et cons-
ciencieux Nobiliaire d'Auvergne qu'il a publié en 7 volumes in-8 (Clermont-
Ferrand, imprimerie Perot, 1846-1853), en collaboration avec un archéologue,
M. J.-B. Bouillet ; mais, par une extrême modestie, il a refusé de laisser
figurer son nom en tête de l'ouvrage. Le Dictionnaire historique du Cantal, de
M. de Ribier du Chàtelet (Aurillac, 4852-4857, 5 volumes in-8), lui doit des
articles précieux ; l'Académie de Glermont, dont il était l'un des membres
les plus distingués, des notices et communications très-intéressantes, insé-
rées dans ses Mémoires. M. le baron de Sartiges, qui appartenait à l'une des
plus anciennes familles de la Haute-Auvergne, a, déplus, livré à l'impression
un volume in-4, qui brille par une excellente méthode, et qui est intitulé :
Archives de la maison de Sartiges (tiré à 50 exemplaires seulement). Il aaïAsi
donné une Notice historique sur le ban et Varriére-ban de la province d* Auver-
gne (in-8, 4865, ClermonirFerrand). On peut dire qu'il était le d'Hozier de
TAuvergne. Par testament^ il laisse à la bibliothèque de la ville de Clermont-
Ferrand, tous ses livres concernant l'art héraldique et la noblesse, qui vont
faire un fonds très-riche au dépôt public de la cité qui l'a vu mourir. Il était
commandeur de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand. A. T.
— M. Fabbé Alphonse L. Constant est mort à Paris, le 4*' juin , à l'âge de
65 ans, après s'être réconcilié avec l'Église qu'il avait afiQigée par sa déser-
tion et ses scandales. Élevé à Saint-Sulpice, M. Constant était arrivé à
l'ordre de diacre quand il quitta le séminaire que ses opinions excentriques
offensaient. H se lia alors avec cette étrange sectaire qu'on appelait Mapah,
mais dont le vrai nom était Gannace, et publia, sous son inspiration, la Bible
— 70 —
de la Liberté^ livre révolotionnaire pour lequel il fat poursuivi et oondamné;
il épousa ensuite une jeune fille de seize ans, connue depuis sons le nom de
Gaude Yignon, et, après l'annulation judiciaire de son mariage, se jeta
dans rétude des sciences occultes sur lesquelles il donna, sous le pseudonyme
d*Éliphas-Lévi, de nombreux écrits : Dogme et rituel de la Haute^Magie (2 vol.
in-8, 1854-i856) ; — HisUdre de la Magie lin-S, 1859); — Ladefdes grands
mystères y suivant Henoch^ Abraham^ Hermès Trismegiste et Sakmtm (in-8, 1860);
^ Le Sorcier de Meudon (1861) ; — Philosophie occulte, i^ et 2* série, (2 vol.
in*8, 1862-1865); — Le Catalogue de la librairie française lui attribue le BiC'
tûmnatre de littérature chrétienne (gr. in-8, 1859), paru dans la Nouvelle Ency-
clopédie tbéologique de Tabbé Migne.
— M. Ad. Roussel est mort à Bruxelles le 6 janvier 1875. D était né en
1809. Il était ancien bâtonnier de Tordre des avocats, ancien membre de la
Chambre des représentants et professeur de droit à FUniversité libre de
Bruxelles. On a de lui : Observations sur le titre UI de la loi relative à Vinstruc-
tion publique et sur le rapport de la section centrale, paru en collaboration avec
M. de Haut sous le pseudonyme de Philar-Durozoir (Bruxelles, 1835) ; — Médi-
tations sur Vexistence et les conditions d'un enseignement Sitpérieur donné en Bel •
gigue ausQ frais de l'État, écrit anonyme qui lui est attribué (Bruxelles, 1835);
— Encyclopédie du droit (Bruxelles, 1843, in-8) ; — Pensées et réminiscences par
Auguste Rondeaux (1849); — des articles dans la Belgique judicaire, — des rap-
ports à la Chambre, des brochures sur l'organisation de l'enseignement.
— M. Marie- Joseph-Frédéric Yillot, secrétaire général du musée du Louvre,
est mort à Paris, le 27 mai, à soixante-dix ans. Il était entré dans l'adminis-
tration des musées au mois de mars 1848 ; ses voyages en Italie et ses études
l'avaient préparé aux fonctions qui lui étaient confiées. Il fut nommé secrétaire
général en 1861, et après le 4 septembre 1870, il fut chargé de l'intérim de la
direction générale. Il a marqué son passage au musée par la rédaction des
Catalogues, dont le premier, celui de l'École italienne, parut au mois d'août
1848. Ceux des autres écoles suivirent de près: la collection était complète
en 1852. Ce fut un véritable événement dans le monde artistique et un modèle
dont ont profité les musées étrangers. Il fut chargé en i 860 de surveiller le
rentoilage et la restauration des tableaux de Rubens, connus sous le nom de
Galerie de Médicis, opération, qui, on s'en souvient, a vivement préoccupé le
public. Il s'est acquis de nouveaux titres à la reconnaissance des amis de l'art
par le soin qu'il prit du précieux dépôt confié à sa garde pendant le siège de
Paris et la Commune.
— M. Justin-Jules GniPON, docteur en médecine, né à Briey en i826, est
mort âgé de 50 ans, à Laon (Aisne), le 20 mai 1875. Il était membre corres-
pondant de l'Académie de médecine, médecin en chef des épidémies, prési-
dent de l'Association des médecins des arrondissements de Laon, Yervins et
Château-Thierry ; vice-président du Conseil départemental d'hygiène publi-
que et de salubrité de l'Aisne, ancien vice-président du comité catholique de
Laon. Il a fait paraître plusieurs brochures remarquables. Citons seulement
son Traité de la dyspepsie (in-8, 1864) et un autre livre intitulé : la Maladie
charbonneuse de l'homme.
— Madame Cornu, Hortense Lacroix, mariée en 1834 au peintre Sébastien
Melchior Cornu, est morte le 16 mai à Longpont, près Montléry où elle vivait
retirée. Elle était née à Paris, le 8 avril 1809 ; sa mère était attachée au
service de la reine Hortense, qui fut sa marraine et elle passa toute son
enfance avec celui qui devait être Napoléon III, sur l'esprit duquel elle cou*
serva un certain ascendant. Elle a contribué à lui faire accepter les idées
de M. Duruy. On a prétendu à tort qu'elle était morte « civilement. » Ses titres
— 71 —
littéraires, aoqais tons le psendonjme de Sébastien Albin, lui méritent une
place dans notre chronique. Elle a donné : Ballades 6< ehanU populaim de
rAUemagne, traduction nouvelle (in-8, 4841); — Qœthe et Bettina, correipoR-
danee inédite de Gœthe et de Madame Bettina d'Arnim, traduction de
TaUemand (2 toI. in-8, 1843); — Essais sur l'Histoire des Arts en Italie.
extr. du tome XVin de rEncyclopédie moderne (in-8, 1848). Elle a écrit
dans la hevwi du Nord : (/.-P. Hebel, 1836 ; — les artistes allemands à Borne,
1836 ; -- Théodore Kœmer et ses poésies lyriques, 1837 ; — De to littérature
hongroise, 1837); — dans le Dictionnaire de la Conversation^ la Revue indé-
pendante.
— M. Augnsttn-Henri Lbsieub, mort le 8 mars 1875 à Wissous (Seine-et-Oise),
était né à Paris, le 6 mars 1800. II fit ses études au lycée impérial (depuis
Louis-le-Grand), où son père était employé à la bibliothèque. En 1819, il
entra à l'école normale et débuta dans 'renseignement comme régent de
rhétorique au collège de Sedan. Il revient à Paris comme employé, puis
comme sous-bibliothécaire à la bibliothèque de l'Université. En 1837, il entra
dans l'administration centrale où il arriva jusqu'au poste de chef de division.
Il avait pris sa retraite en 1859. Il a collaboré à l'édition de Saluste publiée
par Hachette, dans sa collection de classiques>nciens (1828). Il a publié :
Notices historiques et littéraires sur les auteurs et les ouvrages grecs, latins et fran-
Ç'tis, indiqués pour Vexamen de baccalauréat es lettres... (1848) ; ^ QueMions lit-
téraires pour l'examen du baccalauréat es lettres (nouvelle édition 1850); —
Becits et biographies de Vhistoire de France, avec M. Bélèze (1865); — Petit
actionnaire usuel de la langue française (Uame iBQl); — Petite Histoire sainte ; —
Petite hi4toire ancienne; — Petite histoire romaine; — Petite histoire moderne-,
— Les rois de France et la chronologie des principaux événements de leur régne,
on lui doit aussi une édition des Prooinciaks.
— M. l'abbé Louis Dcoois, chanoine honoraire du diocèse de D^on,
membre de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de cette
ville, né à Bassoncourt (Haute-Marne), le 10 février 1810, est mort le
21 mai 1875, à Messigny, (Côte-d'Or). Après de fortes études littéraires,
faites à Langres , il vint à Dijon s'appliquer à la théologie ; ordonné prêtre,
il ne tarda pas à monter dans la chaire de philosophie au Grand Séminaire,
où il venait d'être appelé par une décision de Mgr Rey (20 septembre 1832).
C'est alors qu'il se lia avec le président Riambourg qui lui inspira le goût
des études historiques et après la mort duquel il fut nommé desservant
de Volnay (octobre 1837); plus tard, il devint desservant de Messigny
(18i9) et chanoine honoraire du diocèse (1867). On lui doit : Notice
sur la paroisse, Véglise, le village et Vassociation des vignerons de Volnay
(1840, in-8) ; — Histoire de V abbaye de Morimond, quatrième fille de Citeaux,
au diocèse de Langres (1 vol. in-8, Dgon 1852, avec un plan gravé, livre tra-
duit en allemand et en espagnol et dont une nouvelle édition était sous
presse) ; — Histoire de Fabbé de Bancé et de sa réforme, d'après ses écrits et
des documents inédits (Paris , 1867; 2 vol. in-8. 2' édit. revue et corrigée
d'après les observations de Mgr Dupanloup, Paris, 1870, 2 vol. in-8).
— M. l'abbé Hamon, curé de Saint-Sulpice, dans son ouvrage sur Notre-
Oame de France, a inséré une notice sur Notre-Dame de Citeaux, notice faite
par M. l'abbé Dubois, qui laisse en outre un grand travail inédit sur Les
Sacerdoces, auquel il travaillait depuis bien des années. A. A.
— M. Gustave Marotead, né à Lille le 22 juillet 1849, est mort à la
Nouvelle-Calédonie le 18 mars dernier, jour anniversaire de la Commune,
h laquelle il doit sa célébrité. Il débuta en littérature par des vers
religieux et des poésies mystiques publiés sous ce titre : Les Flocons ; il se
— 72 —
lia ensuite avec Georges Garalier, devenu Fipe-^n-BoiSf collabora à la Rue
de Jules Vallès et fonda le Faubourien et le Siisérable qui vécurent peu.
Condamné pour injures à huit mois d'emprisonnement, il réussit à s'échapper
de prison, se réfugia en Belgique et revint, en septembre 1870, à Paris, où
il collabora à la Patrie en danger de Blanqui, et fit paraître le Vrai Père
Duchénet le Bonnet Rouge, la Montagne et le Salut Public, feuilles révolu-
tionnaires des plus haineuses. Arrêté le 9 juillet 1871 et traduit devant le
troisième conseil de guerre, il fut condamné à mort le 2 octobre suivant,
mais vit sa peine commuée en celle des travaux forcés à perpétuité, le
20 janvier 1872. A. A.
— M. Alfred Todrocde, né au Havre le 9 novembre <839, mort à Paris
le 6 juin 1875, était fils d'un libraire ; il se passionna de bonne heure pour
la littérature et publia, à 22 ans, un petit recueil de mélanges intitulé :
Par-ci Par-là (Le Havre, 186Ï, in- 18). Il se tourna ensuite vers le théâtre
et fit jouer dans sa ville natale La Paix à tout prix , comédie en 3 actes
et en vers; ilfes beaux Mbits, en un acte (1865), et les Duperies de V esprit
(1866). Enhardi par le succès, il partit pour Paris, se fit recevoir au Cercle
des Blaireaiuc et donna au théâtre Déjazet La Vie privée ou les remords de
M. Guilloutet (1868), et au théâtre de Cluny, L*. Droit des femmes (1869).
Au mois d'octobre de la môme année, il fît jouer à l'Odéon Le Bâtard,
grand drame en quatre actes, qui obtint un grand succès malgré des
incorrections de style et des situations un peu hasardeuses. Les pièces qu'il
fit jouer ensuite. Une Mère [iSl\), La Charmeuse, Un Lâche (\S1^), Jonc (1873),
L'Oubliée (1874), ne réalisèrent point toutes les promesses que le succès du
Bâtard avait fait concevoir. Sa dernière œuvre a paru chez Lemerre, sous le
titre de VÉchafaud (1874). A. A.
— Mathieu-Casimir Wolonczenski, évoque de Samogitie, décédé à Kovno,
le 29 mai, fut l'un des prélats les plus distingués de l'épiscopat catholique
de la Russie. Né en 1799 dans une famille de pauvres cultivateurs, il em-
brassa de bonne heure la carrière ecclésiastique ; docteur en théologie, il
professait la théologie pastorale et l'archéologie biblique à l'Académie ecclé-
siastique de Saint-Pétersbourg, et, en 1849, préconisé évéque de Samogitie,ilse
rendit dans son diocèse qu'il ne quitta plus, entouré de la vénération de ses
diocésains auxquels il consacrait tous ses instants. Il s'adonnait pour eux,
même aux travaux littéraires, et publia en langue lithuanienne, plusieurs bro-
chures sur les questions religieuses, une traduction de Vlmitation de i^.-S.
Jésus-Christ, et nue Histoire du diocèse de Samogitie.
— Le 2 juin est mort âCracovie, Joseph Kr eh er, professeur de philosophie
à rUniversité des Jagellons^ membre de l'Académie des Sciences de Cracovie.
Né en 1806 à Cracovie, il j fit ses études, et obtint le grade de Docteur en
droit en 1827 ; il passa les trois années suivantes & Berlin, Heidelberg et Paris,
où il suivait les cours de philosophie. A la nouvelle de l'insurrection polonaise
de 1 830, il se rendit à Varsovie, et fit toute la campagne de 1831, comme
soldat, et depuis comme officier d'artillerie. Revenu & Cracovie, il s'occupa
de pédagogie et s'adonna exclusivement à la science. Eki 1849, il obtint la
chaire de philosopliio à l'Université de Cracovie, et l'occupa jusqu'au dernier
moment. Disciple de Hegel, il était en même temps catholique fervent, et
tâchait de concilier le système du philosophe allemand avec l'enseignement
de l'Eglise. Il professait, en outre, un cours du Beau à l'école des Beaux-Arts
de Cracovie. —Ses œuvres principales sont: Cours systématique de philosophie
(2 vol. à Cracx)vie et Vilna, 1849 et iSo2); — Lettres de Cracovie {^ vol. nouvel-
lement réédités à Raumburg) ; — Voyage en Italie (6 vol., Vilna 1859-64); —
La Grèce de Vantiquitéf ses artSj surtout la sc^ilpture (1868); -- Les théories phi--
— 73 —
lùÊophkqÊnnBT kintUvreet Ve$êenudôVd$ne,jugéêsparlaphiloê(^^ moderne
(1869); — Il mettait la dernière main à son manuscrit. Sur les erreurs de
^irréligion, quand la mort vint le frapper.
— Le 9 juin est mort, dans le grand-duché de Posen, un des plus éminents
écrivains modernes polonais. Charles Libelt, né en 1807, & Posen, de parents
pauvres, OFphelin en bas âge, fut vraiment le fils de ses œuvres. Il s*adonna
de bonne heure k l'étude de la philosophie, qui fut toujours sa science de
prédilection ; mais Tamonr de la patrie lui fit souvent abandonner ses chères
études pour la politique et les questions du jour. Fort jeune encore, il prit
part à rinsurrection polonaise de 1830, où il gagna dans l'artiUerie ses ôpau*
lettes et la. croix du mérite militaire (wrtuii militari). A son retour en Prusse,
il paja cette excursion patriotique de neuf mois de prison. Il prit part ensuite
à la rédaction des Bévues les plus en vogue dans le pays ; et ses travaux sur
!e courage (ttn'gue, l'omour de la ^patrie, et le tiers-^tat eurent un énorme
retentissement dans le pays, et lui valurent une large popularité. Arrêté de
nouveau, à la suite des événements de 1846,' il passa encore deux années
en prison, où il composa son ouvrage sur Jeanne^* Arc. L'emprisonnement
ne fit qu'augmenter sa popularité. Il prit une part active dans tous les évé-
nements de sa province ; délégué au Congrès slave de Prague et à la diète
de Francfort, élu député du grand-duché de Posen à la Chambre de Berlin,
il j présida le cercle des députés polonais, et ne donna sa démission qu'au
moment où, atteint de cécité, il fut obligé d'abandonner les travaux parle-
mentaires. Il passa une partie de sa vie dans la terre de Czeszewo, dont
il dirigeait l'exploitation, aimant à répéter que pour les Polonais il fallait
ly enter au décalogue un conmiandement encore : « La terre natale tu ne ven-
dras. N Quoique élève de Hegel et en général de la philosophie alle-
mande, Libelt ne cessa jamais d'être chrétien ; il mourut, muni de tous les
sacrements de l'Eglise, rendant grâce à Dieu dans son testament d'être né
et d'appartenir à l'Eglise catholique romaine. Il fut président de la Société
des amis des lettres de Fosen. L'édition complète de ses œuvres, qui est en train
de publication à Posen, chez Zupanski, formera 6 volumes. Outre les travaux
ci-dessus mentionnés, elles contiendront une Esthétique ou philosophie du 6eau,
et deux volumes intitulés: Philosophie et critique.
— Madame Pauline Wilkonska née Laucy, auteur de quatre-vingts volumes
de romans et nouvelles, dont quelques-unes furent traduites ea allemand et en
suédois, travaillant en outre dans plusieurs revues et journaux polonais , est
décédéo à Posen, le 0 juin. Elle passa une partie de sa vie à Varsovie, où son
mari, feu M. Auguste Wilkonski, fut très-apprécié comme écrivain et homme
de cœur.
— M. César Peadier, capitaine de vaisseau en retraite, et ancien général
conmiandant pendant la guerre les départements de l'Ain et de Saône-et-
Loire, où il a eu des démêlés fameux avec M. Frédéric Morin, est mort
le 14 juin, h Lorient, à T&ge de 63 ans. Après quarante-cinq ans de service,
dont vingtrhuit à la mer, il s'était consacré au culte plus paisible des lettres.
La Rewie du Monde catholique a donné de lui, en 1874, Le diner d'aspirant ;
le Journal du Morbihan et la France nouvelle, les Causeries familières d^un vieux
Matelot. Il a publié ailleurs, La folle Sixfouz, La Mauresque. La France illus-
trée, continue la publication de son Voyage de trois ans dans la Guyanne. Les
Bévues spéciales à la marine et & l'art militaire ont reproduit plusieurs de
ses Mémoires sur des questions importantes ; il a notamment écrit un tra-
vail sur la colonisation de TAlgérie, qui reçut l'approbation d'un maître, le
maréchal Bugeaud.M.Pradier laisse un grand nombre de travaux inédits^dont
plusieurs verront certainement le jour : nous pouvons citer Le forçat libéré.
— 74 —
-* M. Louis-Charles marquis de Bcllbval, né à ÀbbeTilley le 10 mars 1814,
débuta dans la carrière littéraire, comme critique à VOpMon pubtiqttê^ de
M. Nettement. Il fonda ensuite la Renwi eontêmporaîne ; contraint, par sa
santé, d'abandonner la direction de cette revue, il publia de 1856 à 1867, dans
VUnion^ des Lettres d'wi bibliophile. Ces études ne suffisant pas à son acti*
vite, il entreprit de recueillir toutes les chartes, depuis les temps les plus
reculés jusqu'au seizième siècle, se rapportant à V Histoire du Ponthieu ou
Boese-Ficardiey travail qui est resté inédit* En même temps, il donnait À la
Bibliothèque nationale une table qu'il avait dressée de la volumineuse col-
lection des chartes et diplômes de Moreau. Retiré à son ohàtenu de Bois*
Robin, il venait de promettre sa collaboration littéraire au Soir, lorsque la
mort est venu le frapper le 31 mai 1875.
— M. Edouard Collokb, ancien trésorier de la Société de géologie, com-
pagnon et correspondant d'Agassiz et de H. de Verneuil. Il a écrit, avec ce der-
nier : Coup d'cRil sur la constitution géologique de plusieurs provinces d'Espagne^
suivi d'une description de quelques ossements fossiles du terrain mélicène,
par P. Genres (in-4, 1857). On lui doit la première carte géologique de l'Es*
pagne. Il avait publié en 1847 : Preuves de l'existence d'anciens glaciers dans
les vallées des Vosges, Du terrain erratique de cette contrée (in-8),
— M. BouROOGNB, qui fut successivement secrétaire du maréchal Pélissier,
du duc d'Aumale et du prince Napoléon, collaborateur de l'Indépendance
belge, auteur du Mémoire pour nuir à V histoire de mon temps et du Sexefaiblet
est mort & Béthune, où il occupait un emploi dans les chemins de fer.
— M. le docteur Jean-Nicolas Démarquât, chirurgien distingué, est mort
le 21 juin, à Longueval, où il avait vu le jour en 4815. On lui doit
plusieurs ouvrages spéciaux, parmi lesquels nous signalerons : Des modi^^
cations de la température animale, sous l'influence des médicaments, en collabo-
ration avec MM. A. A. Dumenil et Lecointe (1853) ; — Recherches sur Vhyp-
notisme (i860) ; — Mémoire sur la pénétration des liquides dans les voies res/pi-
ratotres (1862); — De la glycérine, de ses applications à la chirurgie et à la
médecine (1863); — Essai de pneumathologie médicale, recherches physiologiques ,
cliniques et thérapeutique sur le gaz (1865).
— M. Gérard-Paul Deshates, professeur administrateur au Muséum d'his<
toire naturelle, est mort à Boran (Oise), le 9 juin . Il était né à Nancj,
le 15 mai 1795. Il était venu à. Paris en 1819, après avoir fait ses études à
Strasbourg. Ses travaux ont eu surtout pour objet les coquilles fossilles ; ils
lui ont valu une chaire au Muséum, où il remplaça, en 1869, M. de Lacase
Duthieux, et son entrée dans plusieurs commissions scientifiques, notamment
dans celle d'Algérie. Il était membre de la Société géologique. Voici les
titres de quelques-uns des ses ouvrages : Description des coquillages fossiles
des environs de Paris (1824-1837, 3 vol. in-4) ; — Traité élémentaire de condiy-
liologie (1834-1858, 2 vol. in-8) ; — Histoire naturelle des mollusques, livr. I h
XXV, inachevé (1845, 2 vol. in-4) ; — Description des animaux sans vertèbres
découverts dans le bassin de Paris (1857-1865, 5 vol. in-4) ; — Conchyliologie de
Vile de la Réunion-Bourbon (1863, 1 vol in-8). — Ha revu, avec M. Blilne-
Edwards, l'Histoire des animaux sans vertèbres, de Lamarck (i830-18V6, 11 vol.
in-8). Il a continué ÏHistoire naturelle générale et particulière des mollusques
terrestres et pluoiatiles, de Ferrussac, et donné les Mollusques dans le Régne
animal de Cuvier.
— M. Jules-Pierre CalloN) inspecteur général des mines et professeur à
l'Ecole des mines, est mort le 8 juin à Paris. Il était né à Houlme (Seine.
Inférieure), en 1815. Il a écrit: Eléments de mécanique à l'usage des condidats
à l'Ecole polytechnique (in-8, 1851) \ ^ Sur les progrés récents de Vexploitation
— 7B —
dltf minê$ (f 86ft). D ayait commencé la publication de son counà rEoole des
mines : Cound^explcitaticn des mine$,
— M. Antoine-Louis Barte, statuaire, né le 24 septembre 1795, élèye de
Bosio et de Gros, est mort le 25 juin, à Paris. Auteur du Tigre dévcrarU un
crocodile^ des Lùms de la terrasse du bord de Veau, à Paris, du Combat d'ours^
etc, U a été conservateur de la galerie des plâtres au Louvre, et chargé du
cours d'histoire naturelle, à Versailles.
— On annonce également la mort de : M. Le Bèsgue, correspondant de
Tacadémie des sciences dans la section de géométrie depuis 1845, mort à
Bordeaux le 12 juin, laissant des travaux considérables sur la théorie des
nombres ; — de Si Abdallah bbn Mohammed, mort le i i mai, & Alger, âgé de
32 ans, chimiste musulman distingué ; — de M. Joaquim Henriques
Fradesso da Silveiba, directeur de Tobservatoire météorologique de llnfan
Don Luis, à Lisbonne ; — de M. Tabbé de Verdalle, aumûniei de la
maison de la Légion d'honneur à Écouen, auteur de la Vie de Madame de
Lezeau (4869), mort le 22 juin à Écouen ; — de M. Georges Le Guesnier,
âgé de 26 ans, ancien rédacteur du Moniteur du Calvados, de Ports-
Journal et du Petit Monit^r ; — de M. Foulon, inspecteur de renseigne-
ment du chant dans les écoles de Paris ; — de M. Elisée La Rigaudière,
de Bordeaux, auteur d'une Histoire des persécutions religieuses en Espagne,
collaborateur de la Revue de Paris,de la Revue ftançaiseydu Phare de la Loire, du
Siècle, etc. ; — de M. Camille Drague, secrétaire de la rédaction du Journal
de Paris, mort à 42 ans ; — de M. de Marosy, un des membres les plus dis-
tingués du parti catholique en Hongrie, directeur du journal catholique le
Droit, qui parait à Presbourg; —de M. Henri Oudin, éditeur, mort à Poitiers,
le 1" juillet.
Institut. — Académie française. — L'Académie française, vient de renou-
veler son bureau, qui se trouve ainsi composé pour le trimestre courant :
M. Camille Doucet, directeur ; M. Caro, chancelier.
Faculté des letfres. — M. Lallier, 'ancien élève de l'École normale, agrégé
des lettres, a soutenu le 9 juin, en Sorbonne, ses thèses pour le doctorat es
lettres Les sujets étaient : De Critiœ tyranni vita ac scriptis, — De la condi-
tion de la femme dans la famille athénienne au cinquième et au quatrième siècles.
— M. Mamet, agrégé d'histoire , ancien membre de l'École française
d'Athènes, professeur au lycée de Lille, a soutenu le 28 juin, en Sorbonne,
ses thèses pour le doctorat es lettres. Les sujets étaient : De insula Thera. —
Le président de Brosses, sa vie et ses ouvrages.
Faculté de médecine. — M™* Brès vient de soutenir, devant la faculté de
médecine de Paris, sa thèse pour le doctorat. Elle avait pris pour sujet : De
la mamelle et de Vallaitement.
Lectures faites a l'Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans la
séance du 4 juin, M. Edmond le Blant a lu une note sur le martyre de sainte
Félicité, en réponse au mémoire lu récenunent par M. Aube. M de Longpé-
rier a donné lecture d'un mémoire de M. Chabas, sur les poids, mesures et
monnaies des anciens Egyptiens, lecture qu'il a continuée dans la séance
du ii. M. Clermoni^anneau a cx)mmuniqué un travail relatif & l'emplace-
ment d'Hlppos. — Dans la séance du 11, M. Bou tarie a continué la lecture de
son mémoire sur l'origine du régime féodal et le rôle de l'immunité. — Dans
la séance du 18, M. de Longpérier a lu un mémoire de M. Robiou sur divers
points d'histoire et de chronologie relatifs aux empires des Assyriens et des
Mèdes. — Dans la séance du 25, M. de Longpérier a lu une note de M. le
commandant Robert Mowart sur le Mercure Averne. M. de Saulçy a commu-
— To-
nique le résaltai de Recherches qa'il a faites sur la famille de Ronsard.
M. Ernest Desjardins a continue la lecture de son mémoire sur les inscrip-
tions du poste des Vigiles.
Lectures faites a l'Académie des sciences mobales et politiques. — Dans
les séances des 5, il et 19 juin, M. Naudet a donné lecture d'an mémoire
sur les changements opérés dans TEmpire romain depuis Tan 235 jusqu'à
Tan 285 de Tère chrétienne. Dans les séances du 5 et du i2, M. deBoislisle a
achevé la lecture de son mémoire sur la proscription du projet de la Dime
royale et la mort de Yauban. — Dans la séance du 26 juin, M. Jules Zeller
a commencé la lecture d'un chapitre inédit de son Histoire d'Allemagne :
Henri IV ; Hildebrand, archidiacre (1066-i073). M. Louis Reyhaud a com-
mencé la lecture d'un mémoire sur les industries du fer et de la houille dans
le midi de la France.
Société de Davidsfonds. — Il s'est fondé récemment & Louvain, sous la
présidence d'honneur de M. SchoUaert, membre de la Chambre des repré-
sentants, et la présidence de M. Âlberdingh-Thym, professeur à l'uniTer-
site, une nouvelle société littéraire néerlandaise, sous le nom de Davidsfonds^
en mémoii*e du savant professeur, le chanoine David. Le but de'cette société
est d'abord d'encourager l'étude et l'usage de la langue néerlandaise, par
la propagation des livres utiles, écrits dans cette langue et ensuite de réunir
les efforts d'un grand nombre dans le but de populariser l'instruction parmi
les populations de race flamande, et ne rien épargner pour développer et
fortifler l'esprit national.
Quelques distractions du dictionnaire encyclopédique de la théologie
CATHOLIQUE. — Loiu de nous la pensée de dénigrer cette belle œuvre. Le
Dictionnaire des docteurs Wctzer et Welte, publié en allemand en 1854, a été
accueilli par de hautes approbations, parfaitement justiAées. La traduction
française en est arrivée, en 1870, à sa troisième édition. C'est un beau succès
pour un ouvrage qui compte vingt-six volumes.
Nous nous étions d'abord proposé d'écrire aux éditeurs, MM. Gaume frères :
nous leur aurions envoyé une petite liste d'errata pour la quatrième édition.
Toute réflexion faite, nous demandons la publicité du Polybiblion ; de cette
façon nos modestes notes pourront être utiles à ceux qui possèdent l'une
des trois premières éditions françaises de l'encyclopédie théologique.
Nous avons été fort étonné de lire l'aiiicle Durantis. Nous ne connaissons
que Guillaume Durand et Duranti. Chacun de ces deux personnages, parfai-
tement connus de Moréri, de Feller, et autres biographes, aurait d'autant
plus droit à un article spécial, que Durand, Duranti et Innocent m
(opuscule sur le saint Sacrifice de la Messe), sont les seuls auteurs dont l'achat
soit recommandé au maître des cérémonies par le Cérémonial des écéques
(livre I*', chap. v).
Guillaume Durand, le célèbre auteur du Rationale divinorum oflieiorum et
Jean Etienne Duranti, premier président du parlement de Toulouse, massa-
cré en 1589 par une populace affolée, l'auteur du livre remarquable de
Ritibus EcclesicBf méritaient chacun une belle notice.
Le traducteur français a eu, dans ce môme article, une étonnante distrac-
tion. Nous apprenons que Durand était évéque de.... Mimate. C'est Mende
qu'il aurait fallu écrire. Cette faute a d'autant plus le droit de surprendre
qu'à l'article dtocdse, Mimatcns se traduit par Mende, et réciproquement.
Au tome Vil, p. 256 qous lisons : « Le vrai Père de l'Eglise est Eusèbe. »
On a voulu dire : « Le vrai père de l'histoire ecclésiastique est Eusèbe. »
Et cette assertion est exacte de tout point.
— 77 —
Article Fékelo.v. On y parle des conférences de Gertrcidenboubg ; c'est
Gehtrcidenberg qn*il faut lire, dans )e Brabant septentrional, au royaume
actuel des Pays-Bas.
On aurait du ne pas réimprimer, en i870, que VAlgérie avait, en 4859, un
èvéque. Il semble que le traducteur français, à défaut de Tauteur allemand,
aurait dû rappeler l'élévation du sié^ d'Alger à la dignité métropolitaine et
l'érection des nouveaux sièges épiscopaux d'Oran et de Constantine.
Dans rénumération des martyrs de Gorcum, il y a des inexactitudes. An
lien de Asiha en Brabant, lisez Asscbe, village situé à 13 kilomètres de
Bruxelles. Au lieu de Brftl, lisez la Brielle.
A Tarticlo Hollande, et ça et là dans la traduction française, se rencontre
le nom propre de Herzogenbusch, Ce mot est allemand ; on dit en français
Bois-le-Duc. Ce nom se trouve cependant imprimé au verso du faux titre,
parmi les correspondants libraires que la maison Gaume compte à l'étranger*
Un autre évôché de Hollande est celui de Rttremondey et non Rcermande,
du moins en français.
Lessos était né à Brecht, et non Brechten. C'est une fort grande' com-
mane, chef-lieu de canton dans la province d'Anvers, au lieu de n'être,
comme on le dit, qu'un petit village du Brabant.
Nous signalerons quelques inexactitudes à l'article Révolte des Pays-Bas.
Saint-Trujen, mauvaise copie du flamand, se dit en français Saint-Trond.
Trudo, c'est-à-dire que saint Trond est le patron de la cité et lui a donné son
nom. La constitution jurée par l'Archiduc Mathias en 1578 n'est pas con-
une sous le nom de Ponct(xtion. Il nous semble encore qu'indiquer, pour
toutes sources de cette grande perturbation, le récit de Léo et les docu-
ments publiés par les Feuilles politiques et historiques de Munich, c'est trop
peu. Le traducteur français aurait pu ajouter tout au moins à celte énu-
mération le nom de M. Holzwarth qui, aidé par les documents les plus
récents, a publié, en 1865, une intéressante histoire des troubles des Pays-
Bas sous Philippe H, en trois volumes in-8. II y a même un M. Holzwarth,
auteur de plusieurs articles du dictionnaire théologique. II n'est pas impos-
sible qu*il s'agisse de la même personne.
A l'article Philippe II» on parle de la grande part prise par le pape Paul V
à la bataille navale de Lépante. Il faut lire PiV F.
A l'article Procès de sorcellerie, il est question du célèbre ouvrage du
jésuite Frédéric Spee : Cautio cfiminaHhus. Voici le titre exact : CcnUio cri-
minalis seu de processibus contra Sagas Liber ad magistratus Germaniœ hoc
tempare necessarius, 1631.
A l'article Th(mas a Kempis, il est question du jcsujtc Somuaths. C*est un
l qu'il faut : Sommalius, qui a divisé Vîmitatxon de Jésus-Christ en versets.
Cet article nous remet en mémoire une étonnante distraction de M. l'abbé
Delaunay, Auteurs présumés de l'Imitatiort, p. 24: « Kcmpis, dit-il, est un
petit village près d'Utrecht, dans le diocèse de Cologne, p
Kempis est un ablatif pluriel latin ; on devrait dire Kcmpen. Puis Kein-
pen n'est pas un petit village, c'est une charmante petite ville, qui a le
bonheur de posséder une belle église du quinzième siècle, digne de l'at-
tention des archéologues. Et cette église renferme des objets d'art religieux
fort intéressants à visiter. Nous ne voyons pas la nécessité d'introduire ici
le nom de la ville hollandaise d'Utrecht.
Minorités est un germanisme : on dit en français Frères-Mineurs. Nous
disons habituellement S. WHiibrord et non Wiltebrod. Wibald, le célèbre
ami de l'empereur Frédéric Barberousse, était abbé de Stavelot, en Bel-
gique, et non de Stabhn, On dit en latin : Abbas Stabuîensis.
— 78 —
s.
Noas relèverons quelques inexactitudes dans le supplément, igonté à
Tencyclopédie théologique par M. Ghantrel.
Noos regrettons qu'au mot Alexandre YI, M. Ghantrel n*ait pas mentionné
la belle fftsMn de la Papauté pendant le quintiéme siècle, de M. Fabbé
Christophe.
A l'article de Rak, recteur de l'université de Louvain, nous lisons :
Liewe, pour Lierre, lieu natal du futur recteur ; Laliendaelf pour Lelien-
dae], c'est-à-dire la Vallée des lys, monastère de chanoinesses norbertines ;
Annales pour servir à Vhistoire ecclésiastique de la Belgique, lisez Analbctbs..»
recueil trimestriel ; Martyrs de GrécCy lisez Martyrs de GoacuM.
Ad. Dklvigne.
DioDORE DE Sicile et le passage de la mer Rooge par les Hébrkux. — « Les
Ichtjophages qui demeurent aux environs rapportent un fait qu'ils tiamient
par tradition de leurs ancêtres. Us disent que la mer se retira un jour si
loin qu'elle laissa à sec toute cette partie de son fond qui parait verte.
Mais à peine ce fond fut-il découvert, que, revenant tout à coup, elle se
remit dans son lit ordinaire. »
Diodore de Sicile, livre III, n^ 20, traduction de l'abbé Terrasson, de l'A-
cadémie française. i758.
Cette citation se trouve mal faite à peu près chez tous les auteurs.
Rohrbacher, Histoire universelle de f Eglise, dit no 40 ; dès Vignoles, Chrono-
logie de Vhistoire sainte, dit n* 44 ; les auteurs anglais de VBistoire univer-
selle, n* 3.
M. l'abbé Glaire, Livres saints vengés,, tome II, 65 donne la traduction sui-
vante, extraite de Diodore de Sicile, liv. RI cap. m. « Les peuples ichtyo-
phages qui habitaient le rivage occidental de la mer Rouge, tenaient par
tradition qu'autrefois cette mer s'était ouverte par un reflux violent ; que
tout son fond avait paru à sec et couvert de verdure, les eaux s'étant par-
tagées en deux parties ; mais qu'ensuite il était survenu un flux impétueux
qui réunit les eaux. »
M. Gainet, la Bible sans la Bible, s'en rapporte à Dom Cahnet citant Diodore
de Sicile (liv. RI, c. m).
En fait, il y a là une citation apocryphe.
Diodore parle, il est vrai, au livre RI de sa Bibliothèque des Ichtyophages
d'Ethiopie, mangeurs de poissons ; mais rien ne permet de voir aux cha-
pitres xv-xx une réminiscence très-altérée du passage de la mer Rouge par
les Hébreux sous la conduite de Moïse. Personne, que nous sachions, n'a
jamais songé à révoquer en doute la bonne foi et la loyauté scientiflque de
M. Dindorf dans l'édition du texte grec, publié par la maison Didot en
1842; M. Miot, dans sa traduction française de 1834, M. Hoefer, dans sa ver-
sion nouvelle de 1865, n'ont pas non plus trouvé le sens inventé, craignons-
nous, par Terrasson.
Nous nous permettrons en conséquence de prier tous les catholiques qui
s'occupent de la défense de nos dogmes de ne plus faire, s'ils rencontrent cet
épisode de l'histoire hébraïque, une citation fausse. Ad. Dblvigne.
Encore l'homme-singe. — Nous lisons dans la 93« livraison du BuUetin
historique de la Société des antiquaires de la Morinie (p. 327), la protestation
suivante qu'il nous semble d'autant plus utile de reproduire, que nous
savons que son exemple sera suivi par plusieurs compagnies savantes de
province :
«A propos de la brochure intitulée : Classification de diverses périodes de
Cage de pierre^ envoyée en hommage par M. de MortiUet, et dont les con-
dusions sont que Vhomme primiHf n'est qu'un singe perfeUionnéf qui n'a dû
— 79 —
qu'oM mUUu tjpéeUd où U s'est Iroiioé, le dèwkppemmU de son inielligenes et
raequisUion de la faculté de la parole^ tandis que ses eongénêres , le gariile et
autres, placés dans <f attires cireonstances, sont restés à l'état de truies^ la
Société des Antiquaires de la Morinie croit devoir vivement protester contre
les opinions de l'auteur, tout en reconnaissant la science profonde dont il a
fait prenve. »
La gravure française au dix-ucitième siècle. •— H. Emmanuel Bocher >
amateur passionné de Tart français an dix-huitième siècle, a entrepris une
œuvre des plus considérables ; il veut donner le Catalogue raisonné des
estampes, eaux-fortes, pièces en couleurs, au bistre tt au lavis de 1700 & 1800.
Il expose, dans sa préface {La gravure française du dix-huitiémê siècle, Nicolas
Lavreince, par Emmanuel Bocher, Paris, librairie des bibliophiles et Rapillye,
1875, in-4 de 67 p.. tiré à 500 exemplaires), le plan qu'il a adopté : « Réunir
pour en former un ensemble, toutes les œuvres gravées par les ai'tistes
qui, de 17O0 à 1800, ont occupé la France, soit de leurs pinceaux, soit de
leur crayon, y ajouter celles de leurs compositions qui , reproduites par
d'autres artistes qu'eux-mêmes, n'en sont pas moins l'expression de leur
pensée , de leur talent individuel , mettre sous la rubrique de chaque
artiste les pièces gravées par lui, d'après lui, rompre la sécheresse d'un
livre pareil par des citations et extraits tirés des traités, des mémoires,
des journaux de l'époque , essayer de renouveler pour les amateurs
d'estampes ce que M. J.-Gh. Brunet a si l^^ien fait pour les bibliophiles. »
M. Bocher a débuté par un artiste suédois dont le vrai nom, Laufrenzen,
a été francisé en celui de Lavreince, et qui n'a presque produit qu'en
France. Né à Stockholm en 1737, il mourut dans la môme ville le 6 dé-
cembre 1807. M. H. Vienne lui a consacré une notice dans la Gazette
des Beaux-Arts mars 1869. p. 288 , et c'est la première fois qu'un
travail de quelque , étendue ait abordé ce point de l'histoire de l'art.
Le IHetionnaire bibliographique de Suéde (nouvelle série, tom. VIII), par
M. Eichbom, de la bibliothèque royale de Stockholm, peut aussi être
consulté. M. Bocher se contente de renvoyer à ces deux publications qui ne
sont pas d'un accès très-facile (la seconde surtout) ; quelques informations
succinctes qui leur auraient été discrètement empruntées , n'auraient point
été superflues, ce nous semble.
Après Lavreince, viendront Baudouin, Chardin, Greuze, formant chacun
un fascicule séparé ; ensuite , M. Bocher se propose d'aborder la publi-
cation du vaste catalogue qu'il prépare. A la suite de la description minu-
tieuse de l'œuvre de l'artiste qui l'occupe, M. Bocher a placé une u liste
chronologique des gouaches , miniatures , pastels et dessins de Lavreince
qui ont passé dans les ventes depuis 1778 jusqu'en 1800, » Un assez
grand nombre de gouaches ou de dessins, chaque année, se montrent
aux enchères avec le nom de Lavreince, mais la plupart de ces productions
sont apocryphes ou restaurées d'une telle façon, qu'il ne reste rien ou
presque rien du maître qui les avait primitivement conçues. Nul doute qu'il
n'y ait parfois de justes reproches à faire aux sujets que Lavreince a trop
souvent abordés, et qu'explique la facilité des mœurs pendant la période
qui précéda la Révolution ; mais, au point de vue du costume, de l'ameu-
blement, c'est un guide avec lequel on ne s'égare pas. Un très-joli portrait
de l'artiste, gravé d'après une photographie reçue de Stockholm, décore ce
volume exécuté avec tout le soin et l'élégance qui caractérisent les productions
de l'habile et dévoué typographe dont les presses alimentent la « Librairie
des bibliophiles. »
— 80 —
Collection de pierres gravées. — Une des plas belles collections de pierres
gravées, existant en Europe, est celle que le duc George de Malborough (troi-
sième du nom) forma de i780 à 1791 ; elle a été l'objet d'une somptueuse
publication, imprimée à 50 exemplaires seulement, et destinée à faire des
présents. (Gemmarum antiquarum dêlectus, quœ in dactyliotheds duds Malbu-
riensis cmservantur, Londini, 2 vol. in-foL, 100 planches et 2 frontispices,
gravés par Bartolozzi.)
Des motifs, qui nous sont inconnus, ont amené la mise aux enchères publi-
ques de ce riche cabinet. Un catalogue, comprenant 739 articles, a été pu-
blié ; le 28 juin, la vente publique a eu lieu. On avait annoncé que la collec-
tion serait offerte en bloc avant d'être détaillée ; la mise à prix était de
35,000 livres sterling. Un seul acheteur s'est présenté : M. Agnew, de Man-
chester ; il en a offert 35,000 guinées (926,(00 fr.), et il a été déclaré adjudi-
cataire, au noilieu des applaudissements enthousiastes de toutes les personnes
présentes.
Il existe en Angleterre une autre collection de pierres gravées réunie au
commencement du dix-huitième siècle par deux ducs de Devonshire (le troi-
sième et le quatrième) ; une publication entreprise à cet égard est restée
inachevée. (Voir le Manuel du Libraire^ tome II, col. 662.) Ce cabinet reste,
d'ailleurs, intact] chez son propriétaire actuel, un des plus opulents pra-
ticiens de l'Angleterre ; possédant dans ses châteaux d'admirables collec-
tions de livres rares et d'objets d'art du plus grand prix, notamment une
réunion de dessins de Claude Lorrain, reproduite en fac-similé (London, 1770,
2 vol. in-fol., tome m, 1801).
Vente d'autographes. — A une vente d'autographes qui vient d'avoir lieu à
Londres, et dont les détails sont donnés par VEvening Standard, les manus-
crits ci-après ont été adjugés aux prix suivants : Un lettre écrite et signée de
la main de la célèbre Lucrecia Borgia, adjugée pour 11 livres sterling ; lettre
autographe d'Olivier Cromwell requérant des munitions d'ordonnance,
10 liv. lo sh. ; une lettre d'Edouard IV au duc de Bretagne, 10 liv. 5 sh.; une
intéressante lettre de la reine Elisabeth à Henri IV, roi de France et de
Navarre, 51 liv. st. ; une lettre de François H, époux de Marie Stuart, adres-
sée au roi d'Espagne, 8 liv. 8 sh. ; une lettre de Galilée & son élève Castelli,
51 liv. 15 sh. ; une lettre de Marie Stuai*t à M. de La Motte, 48 liv. st. ; deux
lettres de Napoléon I*', ensemble 34 liv. st. ; une lettre de l'amiral lord
Nelson, probablement la dernière adressée par lui à ladj Hamilton, 21 liv.;
une lettre de Nicolas Poussin. 10 liv. st. ; une lettre de Pierre-Paul Rubens,
12 livr. st. ; une élégie do Gray, composée par lui dans un cimetière de vil-
lage et entièrement écrite de sa main, avec les ratures de changement,
230 liv. st. ; le manuscrit original du Christmas Cavol, de Dickens, 55 liv. st.
On sait que le chef-d'œuvre d'un des meilleurs poètes anglais, Thomas
Gray, c'est VEléyie écrite dans un cimetière de campagne {Elegy written in a
Ccuntty Chwrckyard), Le manuscrit original fut récemment montré à Londres
dans une vente d'autographes. 11 présente des différences sensibles avec le
texte imprimé, notamment le nom de César et de Cicéron, au lieu de ceux
de Cromwell et de Milton. Cette pièce importante a été l'objet d'une lutte ar-
dente ; un amateur des plus fervents, sir Alexander Frazer en est demeuré
possesseur, mais il l'a payée 230 livres sterling.
JocHs de la inpancia. — Nous avons parlé dernièrement, ici même,
d'un curieux Recueil de contes en langue catalane, que M. Maspons y Labros
a publié sous le titre do Rondallayre, Nous avons, sous les yeux, un ouvrage
du même auteur, fait également pour intéresser tons les lecteurs qui s'occu-
— 81 —
m
pent de littérature populaire. Il a pour sujet les jeux des enfants qui tant de
fois sont accompagnés de vers naïfs, et est intitulé : Jochs de la infancia, per
Francisco Maspons y Labros advocat, socio honorari de la Academia de Bonas
Letras de Barcelona, (Barcelona, Fr. Marti y ContOy 1874-, i vol. in-12
de 112 pages.) M. Mespons j suit ces jeux depuis Tâge le plus tendre
jusqu'au moment où ceux qui s'y livrent arrivent à Tadolescence. Beaucoup
de ces divertissements et de ces refrains enfantins se retrouvent en France.
Nous avons rencontré là, entre autres choses de connaissance, notre vieille
danse de laBoii/on^ére, avec ce couplet assez semblable au nôtre :
La bolangera 'n te dinés
Qae no li costan gaire
Qae *l8 ha gnayatofilant
Desde Ripoll à Rldaura
Aan par devant corn per darrera
Fesia ballar la bolangera.
Les jeux des enfants ont déjà été Tobjet de recherches curieuses de la part
de M. Pitre, dans sa collection de chants siciliens ; de M. Ferrero, dans la
Rivista europea; de M. Pia y Soler, dans la Revue des langues romanes; de
M. Boisa, dans les Cmti comarchi. Le volume de M. Mespons y Libres apporte
de très-nombreux éléments à ce genre d'études qui touchent de bien près à
celles dont les chants et les contes populaires fournissent l'important sujet.
Th. p.
Prix des estampes rares. — Nous avons, à diverses reprises , indiqué la
valeur extraordinaire, excessive sans doute, que les bibliomanes attachent à
certains livres d'une grande rareté; les produits de l'art du graveur, lorsqu'ils
remontent à une hante antiquité, lorsqu'ils sont l'œuvre des burins célè-
bres, lorsqu'ils sont fort difficiles à rencontrer, excitent des convoitises tout
aussi vives ; il faut, pour en devenir possesseur, les payer au poids de l'or.
C'est ce qu'a attesté récemment la vente des estampes réunies par
M. Galichon.
Le catalogue, rédigé par M. Clément, contient 678 numéros. Pas un mot
d'avant-propos ; pas une ligne de préface ; ce silence de bon goût contraste
avec ces réclames hyperboliques qui précèdent parfois l'inventaire de ce qui
va être livré aux endières. La simple énonciation de ce que contenaient les
portefeuilles de M. Galiclion dispensait de tout cx)mmentaire ; il n'y avait là
que des objets d'élite.
Commençons par les dessins. Ds étaient au nombre de 178 ; trente-deux
ont atteint ou dépassé le prix de 1,000 francs. Voici les adjudications les
plus remarquables :
Léonard de Vinci, Etude pour le tableau de la Sainte-Anne du Louvre
13,000 francs. — Première pensée pour l'Adoration des Mages de Florence
12,900 francs. — Courrier monté sur un cheval qui galoppe ; cavalier faisant
dresser son cheval, etc. Dessin exécuté à la plume, de la main gauche, avec
un léger lavis, 5,500 francs.
Raphaël. La fuite de Loth avec ses filles. Dessin à la sépia pour les
fresques du Vatican . Il a fait partie de collections célèbres, notamment de
celles de la reine de Suède, Christine, et du roi des Pays-Bas, Guillaume.
Il est décrit dans la Vie de Raphaël par Passavant, tom II . p. 534: 10,000
francs.
Rembrandt. Corneille Nicolas Ansloo, célèbre anabaptiste. Superbe dessin
à la plume, lavé de bistre ; gravé dans la Gazette des Beaux-Arts, tom. XX,
p. 234. 7,300 francs. Jeune fille regardant de face ; dessein à la plume et à la
sépia ; gravé en couleur dans la collection Ploos Van Ametel, 3,700 francs.
Juillet 1875. T. XIV, 6.
\
— 82 --
Quant aux gravures, nous en avons compté 69 indiquées par quatre
chiffires sur la liste des prix d'adjudication. A cet égard, la palme reyient à
un jeu de cinquante cartes de Tarots, gravées par un mattre anonyme italien
du quinzième siècle, 17,000 francs. (Voir la note, n« 331.)
Mentionnons quelques prix dignes d'attention et amenés par ia chalenr
des enchères :
Barbary (Jacopo de). Saint Sébastien . Pièce rarissime, inconnue à Bartscb,
4,105 francs.
Brescia (G. A. de). La Vierge avec des Saints. Pièce également inconnue à
Bartsch, 7,700 francs.
Campctgnola (Dominique). Douze enfants dansants, Bartsch n'a pas décrit
cette pièce, 3,700 francs.
Lucas de Leyde. Marie-Madeleine se livrant aux plaisirs du monde, 8,500
francs.
Aattnonc^i (Marc Antoine). Notre-Dame à l'escalier, d'après Raphaël, 4 J05
francs. Le jugement de Paris, d'après le même, 6,7^5 francs. Le serpent
parlant à un jeune honune, 4,000 francs. Les Ghnnteurs, 7,005 francs.
Rembrandt, Jésus-Christ guérissant les malades, dite la pièce de cent
florins, 0,600 francs.
Jésus-Christ présenté au peuple, 4,700 francs.
Sertos (Gesare du). Décollation de saint Jean-Baptiste. Pièce rarissime
restée inconnue à Bartsch et à son continuateur Passavant; elle est décrite
dans l'étude de M. Gallichon sur l'œuvre de Gesare du Serto (voir la Omette
des Beauji'Arts, tom. XVIU, p. 550) ; 700 francs. (Notons en passant que l'ar-
tiste, avec rinsouciance fréquente à son époque, a représenté le supplice du
saint précurseur comme ayant lieu au bord de la mer.)
N'oublions pas nn volume qui atteindrait tout au plus quelques francs s'il
ne contenait pas dix eaux-fortes de Claude Gellée, dit le Lorrain. Grâce à
cette circonstance toute particulière, il a donné lieu à une lutte des plus
acharnées, et il a atteint un prix fort élevé sans doute, 4,250 francs ; il a
pour titre : Lescripfiion de las flestas que el 8r. Marques de Castehrodrigo^
Embajador de Bspaha, célébra en esta Carte à la nueva del élection de Ferdé-
natido m de Austria. Hecha por MiguelJiermudez de Castro. Roma, par Fran-
cisco Cabullo, MDCXXXVn. Au deuxième feuillet commence la description de
la fête en vers espagnols ; elle remplit huit feuillets, les eaux-fortes de
Claude représentent des feux d'artifice. (Consulter à leur égard le Peéntre-Gra-
veurde Robert Dumesnil, tom. I*'*. p. 31, ainsi qu'un article publié par
M. Galtiehon dans la Gazette des Beaux-Arts^ tom. XI, p. 225. Nous ne croyons
pas que le Manuel du libraire ait fait mention de ce très-précieux volume.)
Terminons en signalant deux nielles, œuvre florentine remontant aux
origines de la gravure, adjugées à 650 et 4,100 francs ; cette dernière
représentant l'adoration des mages, est due à Maro Finiguerra, le célèbre
orfèvre toscan, mort en 1475, et qui frit sinon l'inventeur de la gravure
sur métal, du moins son importateur en Italie. Consulter à cet égard
Timportant travail de M. Duchesne aîné : Essai sur les nielles, gravures des
orfèvres florentins du quinzième siècle (Paris, Merlin, 1826. gr. iii-8) et les
divers ouvrages signalés par M. A. de Lacaze dans l'article qu'il a consacré
& Finiguera, Nouvelle Biographie générale, tom. XXII, col. 714.
La vente Benzom. — Un riche Américain, l'un des chefs d'une importante
maison de commerce établie à Londres, M. Benzon, possédait une collection
peu nombreuse, mais choisie avec goût, de livres en langue française; la plu-
part d'entre eux lui avaient été cédés, on le sait, par un très-fervent ama-
— 83 —
teur bordelais, M. Henri Borde. — M. Benzon étant mort, ses livres ont
été apportés à Paris : une vente publique a eu lieu le 24 avril par les soins de
M. Bachelin-Deflorenne. — Le catalogue comprend tout juste 400 articles ;
le produit de la vente s*est élevé à 376,000 fr., prés de 1,000 fr. en moyenne
pour chaque article.
Nous indiquons les prix les plus dignes d'attention, en mentionnant à
quel chiffre ces précieux volumes avaient été adjugés dans des ventes pré-
cédentes, car on voit presque infailliblement ces beaux ouvrages se repré-
senter à quelques années d'intervalle. Les collectionneurs meurent ou se
dégoûtent de ce qu'ils ont payé fort cher.
Le prix le plus élevé de la vente Benzon a été celui de 43,000 fr. payé
pour un exemplaire des Contes de La Fontotne, édition dite des Fermiers
généraux (4762, 2 vol. in-8). Ce même exemplaire n*avait pas dépassé
266 fin. en 1811, à la vente Firmin Didot, et 625 fr. en 1839, à celle de La
Bédoyère ; mais à cellg du célèbre bibliographe J. Gh. Brunet, Fauteur du
Manuel du Libraire^ il atteignit le prix fort respectable de 7,200 fr. Nous
Tavons tenu en nos mains, et nous pouvons affirmer qu'il n'a rien d'ex-
traordinaire si ce n'est une élégante reliure de Derome, à compartiments
de mosaïque de maroquin rouge, vert citron, représentant des fruits et des
fleurs. C'est une œuvre d'art remarquable en son genre, mais toutefois ne
justifiant pas, ce semble, la valeur exorbitante qu'on lui attribue. Le bruit
court que c'est un des chefs de la plus puissante maison de banque de
l'Europe qui s'est passé cette fantaisie.
Nous préférerions à ces deux volumes une édition des Œuvres de Molién
(Paris, 1734, 6 vol. in-4), riche reliure en maroquin, exemplaire illustré par
M. H. Borde, dessins originaux, suites de gravures, autographes (voir U
détail au n* 273 du catalogue), adjugé à 10,000 fr. Des éditions de l'im-
mortel auteur comique, publiées au dix-septième siècle, ont obtenu des prix
élevés; celle do Paris, Cl. Barbin 1666, 2 vol. in-12, 2,355 fr.; celle de
Paris, D. Thiéry, 1674-75, 7 vol. in-12, 1,535 fr.; celle d'Amsterdam, Jac-
ques le Jeune (Daniel Ëlzevier), 4675, 6 vol. pet. in-42, 2,700 fr., exemplaire
payé 2,500 fir., à la vente Potier. — Les éditions originales et séparées des
pièces de Molière étant devenues d'une extrême rareté , les bibliophiles les
payent au poids de l'or ; M. Benzon avait réuni neuf de ces livrets introu-
vables ; Monsieur de Pourceauçmae, 4670, 4,500 fr.; la Critiqué de ¥ Ecole des
Femmes, 4663, 4,480 fr.; Amphytrim, 4668, 4,080 &.; le Misanthirc/pe, 4667,
995 francs.
Les éditions primitives du grand Corneille sont tout aussi convoitées que
celles de Molière ; on peut en juger par les prix suivants. Edition de Rouen,
4664-67, 2 vol. pet. in-42, 4,000 fir.; VlUmire théâtre de M. Comei/to, Leyden,
4664, pet. in-42, 6,600 fr. (ce volume imprimé par les Eizevier ne con-
tient que dnq pièces ; on n'en connaît, dit-on, que quatre exemplaires,
celui-ci a été payé 4,000 fr. par M. Borde, à la vente Potier). Théâtre de
Pierre et Thomas Comeiile, Amsterdam, 4664-4678, 40 vol.* 4,750 f^. Diverses
éditions séparées des tragédies de Pierre Corneille se sont payées de 200 à
400 h,\ toutefois la Mort de Pompée, 4644, est arrivée à 600 fr. et le Mmt'
teur, avec sa Suite, 4644-45, ne s'est arrêté qu'à 505 fr.
^ Racine suit de près Corneille et Molière sur la cote de la bourse des livres;
la première édition collective renfermant, en deux petits volumes, les neuf
pièces publiées jusqu'en 4676, 4,000 fr.; l'édition d'Amsterdam, 4678, 2 vol.
pet. in-42, avec Esther et Athalie. 2,350 fr.
Signalons maintenant : Heures sur peau de vélin, imprimées par Antoine
Vérard (vers 4487) ; 6.000 fr., exemplaire payé 8.000 à la vente Peikias. Ua
— 8i —
«
autre exemplaire de la même éditioD, mais sur papier 4,100 fr.; celui-ci est
entré, dit-on, dans la bibliothèque du savant et respectable M. Ambroise
Firmin Didot, heureux propriétaire d'une des plus belles collections qui
existent à Paris. On ne connaît de ces Heures que deux autres exemplaires,
Tun à la Bibliothèque nationale, l'autre k la Mazarine. — Essais de Montaigne
(Paris, 1588, in-4), la dernière édition publiée du vivant de l'auteur, et la
première qui contienne le troisième livre, 3,020 fr. (payé 2,750 fr., vente
Potier). Essais, Bruxelles, Foppens, 1650, 3 vol. pet. in-12, 5,000 fr.; ce prix
excessif vient de ce que sur les plats et le dos de chaque volume sont les
insignes de Longepierre (auteur fort oublié d'une tragédie de Médée), c'est-
à-dire la Toison d'or. Les bibliophiles attachent à cet insigne une valeur
qu'il est permis d'envisager comme singulièrement exagérée. M. Benzon avait
réuni huit anciennes éditions de Montaigne ; la première de toutes, Boor-
deaus, S. Millanges, 1580, pet. in-8, devenu fort rare, 1,420 fr. et la seconde,
1582, presque aussi introuvable, 1,425 fr. Description de Vlsle d'Utopie^ pai*
Thomas Morus, 1550, pet. in-8, 4,900 fr. Exemplaire aux armes de Louis Xni
et d'Anne d'Autriche, (circonstance qui explique ce prix absolument excep-
tionnel) ; on en suit la trace depuis longtemps, et son prix va toujours en
s'élevant avec rapidité ; 11 fr. vente La Vallière en 1784 ; 39 fr. en 1814 ;
230 £r. De Bure, 1,500 fr. J. Brunet ; offert en 1871 à 2,000 fr. sur un
catalogue de la librairie Fontaine Tourach.
Le Fastissier fraaçois, Amsterdam, Louis et Daniel Elzevier, 1655, petit
iQ-12, 3,225 fr. ; exemplaire payé par M. Borde, 2,910 fr. à la vente Potier. Il
n'y a guères d'exemple plus frappant des emportements auxquels peut con-
duire le goût des livres rares, car celui-ci n'a rien qui le recommande, si ce
n*est qu'il est des plus difficiles à rencontrer parmi bien des bouquins qu'on
ne payerait pas 2 fr. si le nom glorieux des Elzevier ne se montrait pas sur
leur frontispice; Œuvres d'Bomére traduiies par Mme Dacier, 1711-1716.
6 vol. in-12, 3,000 fr. (400 fr. Nodier, en 1844, 1,010 fr. Pichon); une belle
reliure de l'époque a fait la fortune de ces volumes ; — Le Eoman de la Uose
(Lyon, vers 1485), 4,600 fr. (2,950 fr. vente Double); — Le Chasteau de
labour (par P. Gringore). Paris, 4532, in-16, 3,005 fr.; — (Euvres de Clément
Marot. 5 parties en 1 vol. in-16. Paris, 1540, 1,060 fr.; — Œuvres de Hugues
Salel. Paris, 1539, 1,305 fr. ; — Odes d'OUvier de Magny. P^ris, 1559, in-8,
1,700 fr. ; — Œwores de R^msard. Paris, 1567, 5 vol. in-4, 2,505 fr. (1,000 fr.
vente Turquety, en 4868) ; — GEuwcs deJ.A. de Baif, 1572-73, 4 vol. in-8,
1,450 fr.; — (Euvres de Jodelle, 1574, in-4, 2,005 fr. (payé 1,600 fr. venle
Potier, en 1870); — Fables de la Fontaine. 1668, in-4, édition originale no
contenant que six livres, 2,050 fr.; — Les mêmes Fables. 1755, 4 vol. in-foL,
fig. d'Oudiy, 6,100 fr.; ^ Fables de Durât. 1773, in-8, jolies figures de
Marinier, belle reliure ancienne; aussi ce volume est-il arrivé à 1,600 fr.
Les vers du fade Dorai se donnent toujours par dessus le marché ; — Chan-
sons mises en musique^ par M. de la Borde, 1773, 4 vol. in-8 ; de charmantes
estampes dues à l'habile crayon de Moreau ont porté fort haut la valeur do
ce recueil qu'on obtenait pour 50 ou 60 fr. il y a une trentaine d'années. La
poésie de La Borde n'entre pour rien du tout dans le prix payé ; — Sainct
GraaL (Un des plus rares des romans de chevalerie). Paris, 1523, in-foL,
3,900 fr. (2,000 fr. vente Yemeniz); — Perceval le Galloys. Paris, 1530, in-lol.,
5,800 fr. (ex. payé 665 fi*. vente du prince d'Essling, en 1839 et 2,000 fr.
Yéméniz); — (Euvres de Eabelais. Amsterdam, 1741, 3 vol. in-4, 5,500 fr.
(1,525 fr. vente Radziwil) ; — La Princesse de Cléves (par Mme de La Fayette).
Paris, 1678, 4 tomes en 2 vol. in-12. Edition originale ; l,650fr. ; — Histoire
de MBOwn Lescaut* 1753, % vol. in-12, 1,335 fr.; — Histoires, ou contes du
— 85 —
temps passé (par Perrault). Paris, 1697, petit in- 12, 4,000 fr. ; — De la beauté
anec la Paulegraphie, par Gubriel de Minut. Lyon, 1587, in-8, livre singulier
et fort rare, 1,510 fr. ; — Mémoires de Commines. Leyde, Elzevier. 1645, petit
in-12, 1230fr.
Nous pourrions signaler bien d'autres articles, mais il faut savoir arrêter
ici cette liste trop longue peut-être. Un mot toutefois au sujet d'un ezem«
plaire de l'Imitation (traduction de l'abbé de Cboisy, i682^ in-12) précieux,
malgré une humble reliure en veau ; il porte les insignes de la maison de
Saint-Cyr, avec envoi autographe de Madame de Maintenon et la figure qui la
représente dans la chapelle de Versailles avec ces mots au bas : Audi, filia,
figure promptement supprimée, parce que le texte du psalmiste, une fois
complété, offrait UTie allusion dont s'emparait la malignité. Il serait superflu
d'ajouter que tous les volumes dont il s'agit, étaient somptueusement reliés,
et que les prix signalés n'ont aucun rappprt avec ceux qu'on accorderait à
des exemplaires d'une condition ordinaire. G. B.
L*iMPB0HpTU DE l'hotel De Gondé. — Nous avous sous les yeux un livret
tiré à 104 exemplaires (dont 4 sur papier de Ghine) faisant partie de la col-
lection moliéresque dont nous avons déjà eu l'occasion de parler, consacrée
à la reproduction d'ouvrages relatifs à Molière^ et devenus introuvables. Il
est intitulé : LImpromptu de Vhostel de Condé, comédie en un acte et en vers
par M. Montfieury, réimprimée sur l'édition originale (1664), et précédée
d'une notice bibliographique de M. Paul Lacroix (San Remo, 1875, in-18 de
41 pages).
Dans l'Impromptu de VersaiUeSf réellement improvisé en quelques jours et
joué avec un succès complet, en octobre 1663, Molière, encouragé par le roi
lui-même, s'était donné le plaisir de se moquer de ses ennemis, des comé-
diens de l'hôtel de Bourgogne et des auteurs de ce théâtre. On voulut répli-
quer, et le fils d'un des comédiens de cet hôtel, le jeune Montfleury, se
chargea de cette œuvre de vengeance. Il écrivit, dans ce but, une petite
comédie qu'il intitula VImpromptu de Vhostel de Condé, on ne sait pourquoi,
car le prince de Gondé et son fils cherchaient les occasions d'applaudir la pièce
de Molière. VImpromptu de Versailles, quoi qu'il en soit, fut accueilli à la ville
aussi bien qu'à la cour; joué, pour la première fois, le 4 novembrel663,
sur le théâtre du Palais-Royal, il obtint dix-neuf représentations successives
et de plus, la troupe de Monsieur fut appelée en visite chez plusieurs grands
personnages pour jouer VImpromptu devant une société d'élite.
La comédie de Montfleury parait avoir piqué la curiosité publique ; le pri-
vilège est du 15 janvier 1664, l'impression était terminée dès le 19; con-
trairement à l'usage de l'époque, aucune dédicace; personne ne voulut
accepter le dangereux honneur d'être le protecteur de Montfleury.
La scène se passe au palais, et, dès le début, Molière est nommé en toutes
lettres, il n'est question que de lui, et il est l'objet d'attaques continuelles.
C'est un héros de farce, acharné sur les gens ; il fait rire quand il joue la
tragédie :
Il vient le nez au vent,
Les pieds en purenibèse, et Tespanle en avant;
Sa perruque, qui soit le costé qu^il avance,
Plus pleine de laurier qu^un jambon de Mayence,
Ses mains sur les costez, d*un air peu négligé,
Sa tête sur le dos comme un mulet chargé.
Ses yeux fort égarés, puis débitant ses rooles,
D*an hocquet éternel sépare ses paroles.
Montfleury avance encore un fait qui ne se trouve nulle part ailleurs, c'est
— 86 —
que Molière essayait, dans des repas, les bons mots et les jeux de scène qu*il
appropriait ensuite à ses comédies.
Il 8 joué cela vingt fois aa bout des tables...
De cela chez les grands il payait son escot.
Ces détails suffisent pour démontrer combien Vlmpromptu de Vhàtel de
Condé est indispensable dans toute collection moliéresque. B.
La production littéraire en Allemagne en* 1874. — Le Journal officiel
donne, d'après le Boersenblattj les renseignements suivants : La production
littéraire a atteint, Tan dernier en Allemagne, le chiffre le plus élevé qui ait
été obtenu depuis vingt-cinq ans. Il a été enregistré un total de plus de
12,000 livres, cartes géographiques, etc., donnés comme publications nou-
velles ou réimpressions. Le chiffre est exactement de i 2,070; il surpasse
plus ou moins les chiffres des six années précédentes.
Voici quelle a été, depuis 1868, la marche de la production littéraire en
Allemagne. A cette date, elle atteignit et dépassa, pour la première fois, le
chiffre de 10,000. On compte, cette année-là, 10,563 ouvrages nouveaux.
L'année suivante en vit naître 11,305. Pendant les années de la guerre 1870-
1871, il 7 eut, naturellement, diminution dans le chiffre de la production,
qui fut de i0,i08 et de 10,669. Mais en 1872, on reprit avec 11,127 articles ;
en 1873, on en comptait 11,351, et, en 1874, il y en a eu, comme nous avons
dit, 12,070.
Cette augmentation de 755 sur Tannée précédente intéresse presque toutes
les branches de la production littéraire ; il n*y en a que 6 sur 24 où l'on
constate une diminution. Cette diminution atteint la théologie (1094 articles
contre 1,239 en 1873) ; les belles-lettres (912 contre 948) ; les écrits destinés
à la jeunesse (344 contre 387) ; l'architecture, machines, chemins de fer,
mines, etc. (301 contre 33f) ; la philosophie (152 contre 157); économie
forestière et chasse (89 contre 90).
La branche qui occupe aujourd'hui le premier rang dans la production
littéraire de l'Allemagne est la pédagogie, et il en est ainsi depuis plusieurs
années. En revanche, des matières qui, depuis très-longtemps, se trouvaient
en tête de la liste sont maintenant reléguées & plusieurs rangs en arrière.
On peut supposer que la production littéraire a suivi de même dans les
autres pays une marche ascendante. Cette supposition acquiert beaucoup de
vraisemblance si l'on se reporte, par exemple, aux chiffres publiés sur le
mouvement des entrées à la Bibliothèque nationale de Paris, collection qui
absorbe la plus grande quantité de livres. Dans le dernier rapport sur cet
établissement, publié au commencement de l'année dernière, et qui cons-
tate l'existence, à la bibliothèque de la rue de Richelieu, d'un total de
2,077,571 volumes (on n'a pas calculé, que nous sachions, pour combien les
brochures entrent dans ce chiffre),il est dit que les entrées annuelles, soit parle
dép6t légal, soit parles acquisitions et les dons, sont actuellement de 40,000.
Or, elles n'étaient, d'après un précédent rapport dont nous n'avons pas la
date exacte, mais qui ne remonte pas à plus de quinze ans, elles n'étaient
que de 12,000. Elles ont donc plus que triplé dans un espace de quinze ou
vingt ans. En supposant qu'elles augmentent sinon dans la même propor-
tion, au moins dans une proportion normale, on peut croire qu'elles dou-
bleront dans un même espace de temps et qu'elles atteindront un chiffre
de 80> peut-être même de 100,000, ce qui, au bout de dix ans, augmentera
la collection de un million de nouveaux articles,* et, au bout de vingt ans, —
qui est la période choisie comme mesure, — de 2 millions. Nous trouvons
ailleurs le relevé complet par ordre chronologique de la production litté-
raire depuis 1851.
— 87 —
1851 — 8,326 — < 852 — 8,857 — 18S3 — 8,750 — 4854 — 8,705 —
1855 — 8,794 — 1856 — 8,510 — 1857 - 8,699 — 1858 — 8,672 —
1859 — 8,666 — 1860 — 9,496 — 1861 — 9,566 — 1862 — 9,779 —
1863 — 9,889 — 1864 — 9,564 - 1865 — 9,661 — 1866 — 8,699 —
1067 — 9,855 — 1868 — 10,563 — 1869 — 11,305 — 1870 — 10,108 —
1871 — 10,669 — 1872 — 11,127.
Les journaux en Belgique et en Russie. ^ Une preuve de la grande impor-
tance qa*a oonserrée jusqu'à ce jour la langue suédoise en Finlande, c'est le
nombre des journaux suédois qui paraissent dans le grand-duché : en 1872,
sur 37 feuilles, il y en avait 21 en langue suédoise, contre 16 en langue fin-
landaise; en 1874, sur 40 feuilles, 22 étaient suédoises, 18 finlandaises. De
ees 40 journaux, 20 paraissent dans la capitale, Helsingfors, 20 dans le reste
du pays.
Nous avons déjà donné (Xm p. 375) la statistique des journaux belges au 31
décembre 1874, d*aprés leur mode de publicité. Au point de vue de la langue,
il y en a un en espagnol , deux en anglais, cent trente en tlamand, deux
cents quinze en français. Le Hainaut, Namur et le Luxembourg n*ont que
des journaux français ; le Brabant à 86 journaux écrits en français, la
Flandre orientale 45 écrits en flamand.
Catalogue j)es livres anciens et modernes de la librairie Auguste Fontaine.
(Paris, 1875, in-8 de 588 p.) — Un catalogue de livres exposés en vente est rare-
ment digne de l'attention des bibliographes, mais celui que nous signalons
ici ofire un intérêt exceptionnel. II se recommande par la valeur des ouvrages -
en tout genre qu'il met à la disposition des blbîiomanes et par les notes
nombreuses qui accompagnent une foule d'articles, notes qui présentent bien
des informations nouvelles au sujet de la science des livres. Quant aux prix
demandés, nous devons convenir qu'ils paraîtront sans doute fort élevés ; mais
il faut bien qu'ils soient en rapport avec le prix courant des curiosités de ce
genre, sinon ils n'auraient aucun motif d'être livrés à la publicité. Gomme
simple échantillon, et sans avoir besoin d'ajouter qu'il s'agit d'exemplaires
reliés par les premiers artistes de Paris,nons indiquerons : Daphnis et Chhé^ 1 787,
in-4, exemplaire sur peau vélin, avec 29 dessins originaux et 29 miniatures,
8,000 îr,;VAdole»cence clémentine, autrement les Œuvres de Clément Marot, Paris,
1534, in-8, 5,500 francs; le Pastissier françoi$, Amsterdam, Ehevier, 1655, petit
in-12 (Volume bien insignifiant, mais un des plus rares qu'ait imprimés les
Elzevier), 4,500 francs; les Œuvres de François Villon, Paris, 1532, petit in-8,
4,000 francs ; La Bruyère, Caractères, les dix éditions publiées de 1688 à 1699,
4,000 francs; les Œuvres complètes de Mesdames Desroches, 1578-1586,4 vol.
in-4, 3,000 francs ; les Poésies de la Fresnaye Vauquelin, Caen, 1605, 3,000
francs. — N'allons pas plus loin, mais, n'oublions pas toutefois, que M. Fon-
taine noas parle d'un exemplaire de l'édition rarissime des Œuvres de Louise
Labé, 1555, in-8, exemplaire qui est porté, au catalogue des livres de
M. Ernest Quentin Bauchart, au prix de quinze mille francs. Malheureuse-
ment il n'est plus à vendre. Acquis par M* Fontaine avec les autres livres
précieux de M. Bauchart — (sa collection ne comprenait que 152 numéros;
elle a été vendue 140,119 francs. M. Fontaine, annonce avoir acquis, pour la
somme de 100,000 francs, environ 60 articles, parmi lesquels nous citerons :
Bossuet, Histoire des Variations, aux armes de M«» de Maintenon, 4,000 francs
et le Virgile, petit in-12, collection elzevérienne, avec une riche reliure
ancienne, 2,400 francs), — il fait aigourd'hui partie d'une de nos plus riches
bibliothèques, d'où il ne sortira que pour soutenir le feu des enchères. Ces
paroles ne permettent-elles pas de coiyecturef que ce très-précieux volume
— 88 —
est entré dans la collection d'un célèbre banquier, bibliophile des plus
fervents, et qui est un des clients les plus zélés que compte M. Fontaine ?
Restif de la Bretonne, deyenu, depuis quelques années, l'obj et d*un engoue-
ment fort exagéré, occupe une place très-considérable sur les rayons des
riches magasins que nous parcourons ; il ne revendique pas moins de
87 articles différents. Une collection des œuvres de cet infatigable écrivassier
présente 212 parties ou tomes en 154 volumes de divers formats reliés en
maroquin ; elle sera cédée pour la sonmie de 20,000 finmcs ; une autre collec-
tion moins complète (183 tomes en 458 volumes), ne coûtera que 5,000 fr.
Molière, tout comme Restif, omstitue une spécialité chezU. Fontaine; il
occupe, sur le catalogue que nous Usons avec, une émotion que tous les
bibliophiles partageront, il occupe les n* 1122 & 1283; les éditions origi*
nales et isolées de ses immortelles comédies sont envisag[ées aujourd'hui
comme devant se payer au poids de Tor ; du moins, M. Fontaine évalue le
Tartuffe, 1669, 2,500 francs; Amphytrùm, 1667, 1,800 francs; Psyché^ 1671,
les Pbur6ertes de Scaptn, 1671, et les Femmes Savantes, 1673, 2,500 francs
chaque ; l'édition des (Euvres, 1674, 7 vol. in-12, 6,000 francs. Il y a trente
ou quarante ans, ces éditions, aujourd'hui si recherchées, n'attiraient que
fort peu l'attention des bibliophiles; on pouvait les obtenir à prix fort
modéré, lorsqu'on les rencontrait, ce qui d'ailleurs était rare.
Nous avons dit que le catalogue dont il est question, se recommandait par
un grand nombre de notes, riches en renseignements bibliographiques qui
ne se trouvent pas ailleurs. Il est impossible d'entrer ici dans quelques
détails ; nous mentionnerons seulement, sans faire aucun choix, le n» 942 :
Fables choisies de La Fontaine, Paris, Barbier, 1669, in-12, une des éditions
primitives, non cotée dans le Manuel du libraire, et qui manquait dans l'im-
portante collection spéciale formée par M. Walckeaner Les numéros 1091,
1092, 109G, 1097, 1103of&'ent des indications fort utiles pour la bibliogra-
phie de Pierre Corneille; mais sachons nous arrêter. Les bibliophiles et
les bibliographes sauront bien reconnaître eux-mêmes tout ce que présente
d'intéressant et d'instructif l'inventaire des richesses et des raretés réunies
chez M. Fontaine.
Une revue grecque ▲ Paris. — 11 se publie k Paris, depuis le 1*' janvier,
une revue mensuelle écrite en grec moderne, EOv(x^ yp^^h 6ictOtù>pT)9iç, Revue
Nationale pittoresque, sous la direction de M. de Meymar.
Catalogues de livres par ordre alpharétique. — Un des principaux
libraires parisiens a publié, à peu d'inteiTalle, deux catalogues de livres mis
en vente et rangés par ordre alphabétique. Cette innovation a paru malheu-
reuse. Les catalogues dressés depuis longtemps par les libraires auxquels on
s'adresse spécialement pour les ventes publiques (Aubry, Techener, Potier,
Labitte, etc.) sont toujours disposés dans un ordre méthodique ; tout ce qui
concerne la poésie française, par exemple, forme un groupe à part ; ce qui
regarde l'histoire de France compose un autre groupe ; la jurisprudence ne
se mêle en rien k l'histoire naturelle ; les Beaux- Arts sont bien nettement
séparés de l'histoire littéraire. De la sorte, chaque amateur trouve d'un coup-
d'œil ce qu'il veut savoir, et se rend compte de ce qui lui est offert dans la
spécialité qui est son partage. Mais avec Tordre alphabétique, il faut lire
le catalogue tout entier (ce qui exige du loisir et du dévouement) ; il faut
noter, parmi maints articles dont on ne se soucie point, ceux auxquels on
s'intéresse ; peu de gens prendront cette peine, et les intérêts do la vente
en souffriront. L'ordre alphabétique n'a qu'un mérite, celui de rendre plus
facile le travail du rédacteur d'un catalogue. Ce n'est pas une considération
— 89 —
sérieuse, et nous espérons bien que l'ancienne classification, fidèlement sui-
vie le siècle dernier, par Gabriel Martin et par les Le Bure, sera maintenue
avec fermeté. Gardons-nous bien de prendre pour modèles les catalogogra-
phes anglais qui adoptent Tordre alphabétique, mais en le subordonnant au
format, de sorte que les in-8, les in-4, les in-f», s'enchevêtrant dans des
vacations successives, établissent une véritable confusion qui rend les
recherches à peu près impossibles et qui inspire aux bibliophiles français
l'éloignement le plus prononcé.
— A propos de deux monuments funéraires de Tépoque des dolmens, fouil-
lés aux environs de Mantes, à Dennemont et aux Mauduiis, M. de Maulde
arrive à établir, dans les Nouveaux documents archéoloqiques (Paris, Dumou-
lin, i874. In-8 de 150 p. avec de npmbreuses gravures intercalées dans le
texte), que les premiers Gaulois étaient originaires de la Chaldée, que leurs
mesures dérivaient de la coudée ; il étudie aussi le symbolisme, mais de ma-
nière à laisser voir qu'il laisse Je champ libre à son imagination, et termine
par dire, lui aussi, son mot sur le drapeau. Je ne puis deviner si le nom de
1. de Maulde PI. cache un vieil érudit, un jeune commençant, un auteur
ou une auteur; mais ce que je puis affirmer, c'est que la personne qui a
rédigé cette brochure a beaucoup lu, beaucoup observé, sans peut-être se
préoccuper de mettre de Tordre et de la critique dans ses idées.
— Sous ce titre un acrostiche historique du treizième siècle découvert et publié
pour la première fois, par Achille Jubinal, ex-professeur de faculté, ancien
député (Paris, imp. Alcan-Lévy, 1875), l'auteur révèle une petite par-
ticularité qui intéresse notre histoire littéraire du moyen âge ; Adenez,
surnonmié le roi (ou Adam le roi), poète fécond, auteur d'Ogier le Danois,
de Berte aus grans pies, écrivit aussi le roman de Cleomades, Il dit que deux
dames, dont il ne veut parler* qu'ouvertement, lui racontèrent cette dernière
histoire, et lui commandèrent de la mettre en vers. Quelles étaient ces
dames? On n'avait aucune certitude à cet égard. M. Jubinal, en lisant avec
attention le poème de Cleomades, a rencontré un passage de vingt-quatre vers,
dont la première lettre de chacun d'entre eux donne un des éléments
d'acrostiche parfaitement clair : La Eeisne de France Marie, Madame
Blanche. Il s'agit évidemment de la reine Marie de Brabant. Quant à Madame
Blanche, le nom n'est pas assez nettement indiqué pour qu'on puisse décider
entre Blanche, sœur de Robert II, et Blanche, fille de saint Louis, mariée à
l'infant d'Espagne.
— Nous signalons tout particulièrement à nos lecteurs Touvrage que
M. Buchot de Kersers consacre à la statistique monumentale du Cher, par
cantons, et dont h première livraison vient de paraître (StaHstique monu-
mentale du département du Cher, canton des Aix-d'Angillon, Paris, V« A.
More], 1875, in-4 de 84 p. et 23 pi.). Le fascicule concerne les communes des
Aix, d'Aubingiies, de Brécy, de Moroguet, de Parasdy, de Riaus, de Saint-
Céob, d» Saiut-Germain-dn -Puits, de Saint-Michel de Volanges, de Sainte-
Solange et de Soulangis. C'est un inventaire complet et fait avec goût et
éinidition de toutes les richesses archéologique» du canton des Aix-d'Angil-
lon. Les planches sont très-bonnes, et, comme le texte, font honneur à M. B.
de Kersers qui manie également bien le crayon et la plume. Lorsque plu-
sieurs cantons auront paru, le Polybiblion consacrera un article spécial à
cet ouvrage important dont l'auteur trouvera sans doute des imitateurs dans
d'autres départements.
— Le dernier numéro de la Biblioiheca sacra contient un article du Rev.
Sclah Merril, sur les Monuments assyriens et babyloniens d^Amérique.
— Sous ce titre : Souvenirs de la vieille France, Les Sociétés de tir avant
— 90-
1780 (Amiens, 1875. In«8 de 1S2 p. et 9 pi.) M. Aug. Janvier, auquel on doit
de curieuses études sur l'histoire militaire de la Picardie, yient de retracer
le tableau de rexisteace des Compagnies d'archers et d'arquebusiers qui ont
joué un rôle si important dans nos villes du nord de la France au moyen
ftge et même jusqu'à la Révolution. L'auteur dépeint les réjouissances et les
cérémonies auxquelles donnait lieu la célébration des prix provinciaux et
termine par des détails curieux sur la suppression de ces Compagnies
en i790. A de M.
— Nous reproduisons volontiers la note suivante, qui nous est communi-
quée : (c M. N. Rauls, attaché au secrétariat de TAcadémie royale des sciences,
place du Musée, i, k Bruxelles, se proposant de faire publier un ouvrage
portant pour titre : Didionnaire universel des académies, sociétés savantes,
observatoires, universités, PMsées, archives, bibliothèques, jardins botaniques et
ioologiques, revues et journaux périodiques, etc., ou catalogue méthodique de
tous les établissements et de toutes les publications qui concourent au progrés
des sciences, des lettres et des arts, a Thonneur de recourir à Tobligeance de
MM. les présidents, directeurs, administrateurs, secrétaires, bibliothécaires,
rédacteurs, afin d*obtenir, dans la mesure du possible et en ce qui concerne
les établissements qu*ils dirigent, des réponses aux demandes de renseigne-
ments énoncées ci-aprés : — 1<> Le titre de rétablissement ou de la Revue ?
— 2*» Date de la fondation, création, etc. ? — 3° Son but ? — 4*^ Composition
du bureau (les titres seuls} 7 — 5<> Siège ou local avec Tadresse exacte ?
— 6® Concours, prix, etc. ? — 7* L'établissement possède-il : bibliothèque,
archives, musées, cabinet de médailles ou d'antiquités, observatoires,
laboratoires ? — 8* Publications : Le nombre et le genre (bulletin, revues,
annales ou mémoires). Le nombre de volumes publiés depuis la fondation.
Le moyen le plus facile de se procurer ces publications, soit par achat, soit
par échange. Le prix par volume ou par abonnement ? — 9® Tous autres
renseignements utiles et qui ne sont pas compris dans les demandes précé-
dentes.
N.'B. — Prière à MM. les secrétaires et rédacteurs de vouloir donner de la
publicité à cette note, afin d'avancer l'impression du travail, auquel elle se rap-
porte. — Pour les revues et journauXyl'envoi d'un numéro servira de réponse.
— On vient de publier à Rome une brochure intitulée : CommenMrazicne di
Maria Armando (sic pour Amando) Pasquale d'Avezac fetta cUla Societa
geografica italiana dal socio Enrico Narducci nella Tomata del 29 marzo i875
(brochure de 17 pages, in-8). Un digne honunage y est rendu à celui
que M. Narducci appelle le Nestor des sciences géographiques, et les
éminentes qualités de l'homme n'y sont pas moins louées que les éminentes
qualités de l'érudit. Je crois devoir appeler l'attention des bibliographes
sur les huit dernières pages de cette brochure, qui renferment le catalogue
complet des travaux de M. d'Avezac rangés sous 97 n'* et compris entre les
années i823 {Essais historiques sur le Bigorre, 2 vol. in-8) et i874 (Aperçus
historiques sur fa rose des vents, brochure in-8). T. de L.
— The Academy nous apprend que M W. Wartkiss Lloyd vient de terminer
l'histoire détaillée des arts et de la politique de la Grèce durant la période
qui s'écoula entre les guerres persiques et la guerre du Péloponèse, c'est-à-
dire entre les histoires d'Hérodote et de Thucydide. Cet ouvrage va paraître
à Londres sous le titre général de Stéc^ de Péridés, en 2 volumes.
— Le même Recueil annonce que le 4* fascicule des fascicules de manus«
crits publiés par la PalœographiMl Society, vient d'être distribué aux sous-
cripteurs. Il se compose de 12 planches, parmi lesquelles on remarque les
spécimens d'un psautier grec, écrit sur papyrus au quatrième ou cin-
— 9i —
qnième aiôde» da BriH$h Muséum ; de THomère de la bibliothèque Ambroi-
sienne de Milan, orné de miniatures, probablement du cinquième siècle ;
des lettres et sermons de saint Augustin, de notre bibliothèque Nationale,
manuscrit sur papyrus et sur vélin du sixième ou septième siècle ; d'un
curieux manuscrit en caractères visigoths, de Tan il09, renfermant un
commentaire sur TApocalypse, et appartenant au Briiish Muséum.
— La maison Dûnimler de Berlin va faire paraître un ouvrage du docteur
Cari Abel sur la grammaire et la lexicologie des Égyptiens. L'auteur s'est
surtout attaché à la période copte de la langue égyptienne. D'après ce qu'on
connaît du livre, il serait appelé & faire une révolution dans cette étude. Le
Dr Abel, par exemple, prouve l'emploi de voyelles pour changer la signifi-
cation des mots, quand, jusqu'ici, les voyelles ont été regardées comme entiè-
rement inutiles dans cette langue.
— Nous lisons dans The Athenœum^ que la bibliothèque de William Stuart,
dont la vente a été faite à Londres, dans le coujrant de juin, renfermait entre
plusieurs raretés bibliographiques, un exemplaire de la 1'* édition des
QQuvres de saint Thomas d'Aquin, en 21 vol. in-folio, imprimé sur vélin, k
Ffome, en 1570. Il fut offert au Pape Pie II, qui en lit présent au roi
d'Espagne Philippe II. Ce prince le plaça dans la bibliothèque de l'Escurial,
d'où il fut enlevé par les Français et transporté en Angleterre. Il a été
vendu 190 livres sterling (4,750 fr.).
— n est question à Londres de se procurer, au moyen d'une souscription,
la somme nécessaire (on parle de 3,000 livres sterling) pour acquérir et pla-
cer dans un des dépôts nationaux la collection des dessins et œuvres origi-
nales du célèbre caricaturiste et illustrateur Gruikshank, artiste à peine
connu en France.
— Un Anglais, M. C. Stewart, vient de publier, à Londres, un volume inti-
tulé : Correspondance internationale au moytsn des nombres. C'est une tenta-
tive à sgouter à tant d'autres ayant pour but de résoudre le problème d'une
langue universelle. L'auteur fait observer que du moment que les chifires
sont uniformes chez les diverses nations, il ne s'agit que d'exprimer par des
nombres convenus, les mots les plus usuels dans les divers idiomes, pour
arriver à s'entendre facilement. L'idée est bonne, mais sa réalisation n'est
pas exempte de difficultés ; observons d'ailleurs qu'il a déjà été fait, en ce
genre, quelque chose de fort utile au moyen du Code maritime international
des signaux. Grâce à l'emploi de pavillons sur lesquels sont inscrites diverses
lettres, on forme des mots qui correspondent à tel ou tel chiffre dans un
vocabulaire spécial ; de cette façon, les na\ires, soit lorsqu'ils en rencontrent
un autre en pleine mer, soit lorsqu'ils veulent se mettre en rapport avec les
sémaphores du littoral, échangent très-facilement ce qu'ils ont à se dire.
Grâce à ce procédé, un capitaine russe correspond avec un français, un
norwégien avec un portugais. Il y a certainement, en partant de cette
donnée, quelque chose à faire pour les conununications sur terre, mais de
fortes études sont encore nécessaires avant que le problème n'ait reçu sa
solution, avant qu'un résultat pratique n'ait été obtenu.
— M . Dorange vient de publier, aux frais de la municipalité de la ville,
le Catalogue descriptif et raisonné des manuscrits de la Bibliothèque de Tours,
une d^ plus riches en manuscrits que possède la France.
— M. l'abbé Maynard, chanoine de Poitiers, l'éminent auteur des
travaux sur Saint Vincent de Paul (4 vol.) et sur Voltaire (2 vol.), prépare
la publication d'un ouvrage intitulé: J. CréHneau-Joly, sa vie religieuse,
politique et littéraire d*aprés ses mémoires, sa correspondance et autres docu-
ments inédits, qui paraîtra chez Didot.
— 92 —
Publications nouvelles. — Jésus-Christ, conférences, par l'abbé Ch. dtt
Place (in-8, Durand). — Droits de Dieu et les idées modernes, par Tabbé Fran-
çois Chesnely vicaire général de Quimper (gr. in-8, Oadin). — La Question
protestante, par G. Romain (in-8, Palmé). — Lettres spirituelles, par le R. P.
Lejenne, revnes par E. B. Fressencourt (in-12, Palmé). — Discours de Notre
Saint-Pére le Pape Pie IX, recueillis et publiés pour la première fois, par le
R. P. D. Pasquale de Franciscis dei Pii Operarii. T. !•' (in-8, A. Le Clere).
— Les Plaidoyers civils de Démosthène, par R. Dareste (2 vol. in- 12, Pion). —
Des Cours d'eau navigables et flottables, par Alf. Plocque (2 vol. in-8, Durand).
— Qiuxstiones philosophicœ, auctore Sylvestro Mauro, S. J. Presbytero (T. !•».
In-8, Le Mans, Leguicbeux-Gallienne). — De l'éthique de Spinosa, par Léon
de Montbeillard (in-8, Picbon). — Les Conflits de la science et de la religion,
par Draper (in-8. Germer Baillière). — Le Matérialisme contemporain, par P.
Janet (in- 18, Germer Baillière). — La Loi absolue du devoir et la destinée
humaine, par J. Rambosson (in-8, Didot). — Le Crime et la folie, par Maud-
sley (in-8. Germer Baillière). — L'Habitude et l'instinct, par Alb. Lemoine
(in-42, Germer Baillière). — Les Fermentations, par Schùtzenberger (in-8,
Germer Baillière). — Le Métré international définitif, par W. de Fonvielle
(in-18, G. Masson). — Notice sur un autel antique dédié à Jupiter, par Tabbé
J. J. L. Barges (in-8, Leroux). — Corot, souvenirs intimes^ par H. Dumesnil
(in-8, Rapilly). — Le Département des estampes, à la B^liothéque nationale,
par le vicomte H. Delaborde (in-12. Pion). — Le Musée du Conservatoire natio-
nal de musique, par G. Ghouquet (in-8, Didot). — La Chanson de Roland, texte
critique, traduction et commentaire, par Léon Gautier (in-8, avec 4 eaux-
fortes, Mame). — Le Dit des rues de Paris (1300) de Guillot, par Edg. Mareuse
(in-18, Lib. générale). — Etudes sur le Péloponése, par E. Beulé (in-12, Didot).
— Histoire de l'Eglise catholique en France, par Mgr Jager (T. XX. In-8, A. Le
Clere). — Histoire des persécutions de l'Eglise jusqu'à la fin des Antonins, par
B. Aube (in-8, Didier). — Histoire de saint Bernard et de son siècle, par le R.
P. Th. Ratisbonne (2 vol. in-i2, Palmé). — Etudes sur les temps primitifs et
l'ordre de Saint-Dominique, par le R. P. A. Danzas (T. m. In-8, Poitiers,
Oudin). — Rivalité de François P' et de Charles-Quint, par M. Mignet (2 vol.
in-8, Didier). — La Mort de Louis XVI, par A. Du Chatellier (in-8, A. Picard).
— Le Parlement, la Cour et la Ville pendant le procès de Robert-François
Damiens, publié par G. d'HejUi (in-i8, Lib. générale). — Correspondance
inédite de Stanislas-Auguste Poniatowski et de Mme Geoffrin (4764-1777), pré-
cédée d'une Etude sur Stanislas-Auguste et Mme Geoffrin et accompagnée de
nombreuses notes , par Charles de Mouy (in-8 , Pion). — StoffUt et la
Vendée (in-18. Pion). — La Chouannerie du Maine, par Tabbé Pau-
louin (3 vol. in-18, Le Mans, Monnoyer). — Histoire de la Ville et de tout
le diocèse de Paris (T. IV. !'• livraison, in-8, Durand). — La guerre au jour le
jour (1870-1871), par le baron A. Du Casse (in-8, Dumaine). — Histoire du
traité de Francfort et de la libération du territoire français, par J. Valfrey
(2 vol. in-8, Amyot). — Vie du R. P. Captier, par le R. P. Reynier .(in-12.
Albanel). — Ma Mère, souvenir de sa vie et de sa sainte mort, par Mgr de Ségur
(in-18, Tolra). — Nouvelles lettres de Mme Swetchine, publiées par M. le mar-
quis de la Grange, membre de l'Institut (in-8, Amyot). — Histoire de la Res-
tauration, par Louis de Vielcastel (T. XVII. Gr. in-8, Michel Lévy). — Histoire
de la guerre civile en Amérique, par le comte de Paris (T. IIl et IV. 2 vol.
in-8, Michel Lévy). — Atlas pour servir à l'histoire de la guerre civile en Amé-
rique (in-8, Michel Lévy). — L'Ancien Orient, études historiques, religieuses
et philosophiques sur l'Egypte, la Chine, l'Inde, la Perse, la Chaldée et la
Palestine, depuis les temps les plus reculés, par Léon Carre (T. m et IV.
— 93 —
2 vol. in-8, Michel Lévy). — C*'A. Sainte-Beucef sa vie, ses CBUvreSj par le
vic5omte d*Haussonville (gr. in-8, Michel Lévy). — Un mot sur le suffrage uni-
versel^ par H. Nadal (in-8, C. Dillet). — La tentative anti<atholique en Angle-
terre, on Topuscule du T.-A. M. Gladstone, membre du Parlement (in-8,
Montpellier, J. Calas). — Mille Trente, par Mathieu Witche (in-12, Dillet). -1
Mademoiselle de Fetitvallon, par Mathieu Witche (in-12, Dillet). —Petite sœur,
par Et. Marcel (in-12, Dillet). — les Baux en Provence, par M. C. (in-12,
Avignon). — Le Phylloxéra, moyens proposés pour le détruire. P. Naudin.
Dijon, 1875, in-18. — La Bourgogne pendant la guerre et l'occupation
allemande de 1870-1871, d'après la Gazette officielle de Carlsruhe, traduction
du docteur Louis Marchant. Dijon, 1875, in-8 de 290 p. — Le Jugement der-
nier, monographie du rétable de Thôpital de Beaune, par l'abbé Boudrot.
Beaune, 1875, in-4, orné de deux eaux-fortes.
QUESTIONS ET RÉPONSES.
QUESTIONS.
Voler les tours de IVotre-
I>aiae. — Dans l'orageuse discus-
sion sur l'élection des Gôtes-du-Nord
(séance du 29 juin], M. le baron de
Janzé a cité le mot fameux : ft Si l'on
m'accusait d'avoir volé les tours de
Notre-Dame, je commencerais par me
sauver. » De qui est ce mot? On l'a
donné à Beaumarchais, mais Beau-
marchais n'a fait fjue se l'approprier,
car le mot est bien plus ancien, et
qnelc{ues-uns ont assuré qu'il avait
été dit par un magistrat du seizième
siècle. Un Curieux de province.
Une cltAllon de Mailer. —
Le H. P. Verdière, de la Compagnie
de Jésus, dans un article des Etudes
religieuses (juin 1875, p. 816) sur le
Saint Louis, de M. Wallon, a fait la
citation suivante : « Ce sont les armes
qui fondèrent l'empire en France,
mais c'est la vertu qui affermit la
rovauté en France.» — Où l'historien
allemand a-t-il dit cela ? X.
Ghabanne» et Charlea VII.
~ Est-il vrai, comme on le raconte
dans la Biographie universelle, que
Charles Vil ayant, un jour, salué An-
toine de Chabannes, comte de Dam-
martin, du titre de Capitaine des
icorcheurs, ce dernier lui répondit :
c< Je n'ai jamais écorché que vos en-
nemis, et il me semble que leur peau
vous a fait plus de profit qu'à moi ? »
Est-il vrai, comme on l'assure encore
dans le même ouvrage, qu'irrité du
propos du roi, Chabannes s^en vengea
en engageant le dauphin à se joindre
aux mécontents dans la guerre de la
Praguerie ? Tout cela me semble bien
contestable, et je crains fort que les
auteurs de l'article (MM. de Villenave
et B. G. T. — quelles sont ces initia-
les ? ) n'aient consulté, sur ce point,
plutôt des recueils à historiettes que
des livres d'histoire. T. de L.
Ijo Saonnola* — J'ai, entre les
mains, un almanach intitulé : L'Ami
du foyer, almanach du Perche et du
Saonnoiê, par Perchon (Mortagne et
Chai*tres, 1874). Je cherche vaine-
ment, et je ne suis pas le seul, quel
est le pavs (pii répond au Saonnois ?
Qui voudrait m'éclairer ? R. S.
raretés' blbllogppa*
pbiquea. — Je désirerais avoir
des renseignements sur deux raretés
bibliographiques que j'ai vainement
cherchées dans les principales biblio-
thèques de Pari^, et que Brunet
signale ainsi : Vie de Mgr S. Méen,
broch. de 4 feuilles, sans nom, ni
lieu, ni date. — ViedesaiintManoux,
évesque breton, par Sébastien. Mar-
seille, Moulin, 1806. In-12. D. P.
RÉPONSES.
I^e pofite Gilbert (Xm, 479).—
n existe plusieurs versions sur sa fin.
L'une d'elles représente le poète dans
— 94 —
la situation la plus misérable et
mourant à Thôpital après avoir avalé
une petite clé. D'après un livre pu-
blié à Metz, en 1848 : Poètes et rvtnan-
eiers de la Lorraine, par le comte de
Puymaigre, Gilbert aurait joui, au
contraire, d'une certaine aisance ; il
aimait beaucx)uç l'exercice du cheval,
fit une chute qui nécessita l'opération
du trépan, et, pour la pratiquer on
le ramena, non chez lui, mais à l'hô-
tel-dieu où il mourut. M. de Lescure,
dans un récent travail (Journal officiel
du 27 juin 1875, p. 4680), a réuni ces
détails à ceux qui sont le plus géné-
ralement donnés sur la fin du poète ;
à la suite de cette dangereuse opé-
ration, saisi d'un accès de fièvre, il
avala la petite clé dont on a tant
garlé, elle resta dans l'œsophage, et
ilbert ne tarda pas à succomber.
D'après ces diverses versions, qui peu-
vent très-bien se fondre en une seule,
le poète est donc, en effet, mort à
l'hôpital, mais il n'j avait été conduit
qu'accidentellement. Il y a, d'après
cela, quelque chose & modifier aans
la légende de Gilbert, et il parait
S d'il en est de même pour celle de
alfilàtre, que Gilbert lui-même a
contribué à créer en écrivant ce vers
bien connu :
La faim mit aa tombeau Malfilàtre ignoré!
H. B.
l^es HIstorioifraplie» de
Prance en titre <l*oiBee (Xm,
556 j. — M. J. Desnoyers n'a pas ]pn-
blié, et malheureusement, je le crains
bien, ne publiera jamais le travail
gu'il nous avait promis. Il existe, à la
ibiiothèque nationale, dans le fonds
français, un manuscrit où sont réunis
divers documents et renseignements
relatifs aux historiographes de France.
Ce manuscrit, inscrit sous le n^ 14,027,
est intitulé : Becherchei sur les auteurs
qui 09it écrit de F histoire de France par
commission des princes sous le régne de
qui Us vivaient, T. de L.
CSIémeMice I»«iui*e a»t-elle
vécu? mil, 556.) — Je ne le crois
f)as, et m est avis, au contraire, que
'on est arrivé, d'une manière cer-
taine & prouver que ce ne fut jamais
qu'un brillant fantôme. Qu'il me soit
permis ici de renvoyer la question-
neur à une note de» Vies aes poètes
gascons, par Guillaume Golletet (1866,
in*8), où j'ai essayé de réunir (p. 43-
96), les principaux arg^uments des
érudits qui ont nié l'existence de la
patronne des Jeux floraux. T. de L.
On peut lire à ce sujet, un in-
téressant article dans la Beoue de
Gascogne, 1865, page. 481. D'après
des Toulousains très-érudits, la fa-
meuse Clémence n'a pas existé. Le
tombeau qu'on honorait dans l'é-
glise de la Daurade n'était pas le sien.
Son prétendu testament dont les li-
bérales dispositions ont été gravées
sur une plaque de bronze, n'est re-
vêtu d'aucune authenticité. C'est seu-
lement en 1513 que, pour la première
fois, il a été parlé de cette fondatrice
des Jeux floraux que D. Vaissete fait
vivre dans les premières années du
Quatorzième siècle. Les Jeux floraux
atent de 1323, et ont eu pour or-
ganisateurs sept habitants de Tou-
louse. Cet article, auquel je renvoie
les lecteurs du PolyHUion, est d'an
écrivain qu'ils connaissent bien,
M. Tamizey de Laroque. On peut en-
core consulter sur cette question :
Mémoire sur Vkistoire du hanguedoc^
par G. Catel, Toulouse, 1633. L'Ori-
gine des Jeuxfionxux, par P. de Caxe-
neuve, 1629. Les Annales deTouUmsSp
par Lafaille; un Mémoére de M. Nou-
fet : De dame Clémence Isaure substituée
à Notre-Dame la Vierge Marie, ootnme
patronne des Jeux littéraires de Tou-
louse; un travail de Cambouliu sur
la renaissance de la poésie proven-
çale; l'examen de ce travail, par
H. P. Mever : Bibl. de l'Ecole dus chartes,
tome XXV, page 51 ; le Cabinet histo-
rique, 1857, tome Ul, page 285. On
lit dans ce recueil une lettre de
M. de Ponsan à D. Vaissette. M. de Pon-
san se prononce pour l'existence de
Clémence Isaure qui, suivant lui, eut
surtout pour adversaires les Capi-
touls : « Animés contre k mémoire
tt de Clémence Isaure, parce que,
<c depuis l'érection des Jeux en aca-
« demie des belles-lettres, ils n'ont
« plus la direction de la feste ou
« xestin public, à quoy on employoit
« alors la presque totalité des 1,400
a francs lé^és par la fondatrice, ce
« qui faisoit une mangeaille peipé-
« tuelle pendant deux ou trois jours,
« dans lliostel de ville, et fournissoit
« une ooeasion dt griveler. » Ta. P.
— 95 —
Un pseudonyme «le mada-
5Coi-nu(XIII,5561. -M»« Cornu,
née Lacroix, n'était pas, comme l'ont
affirmé quelques biographes, la sœur
de lait de Napoléon m. Elle ayait un
an de moins ^e lui, et était la fil-
leule de la reine Hortense. La nour-
rice de TEmpereur était M"** Bure.
C'est sous le pseudonyme de Sébas-
tien Albin (et non pas sous celui de
Sébastien de Saint- Albin), que M**
Cornu a publié les chants populaires
de rAIlemag[ne et les différents ou-
vrages que cite le journal « le Soleil . »
Sébastien était le prénom de son
mari, Albin venait de Tun de ses
prénoms ; car elle s'appelait Hortense
Albine. M. T.
La réponse se trouve dans la notice
nécrolonque consacrée à Urne Cornu
(p. 67). Outre cette livraison on peut
consulter le Cataîoçfve raiionné de la
librairie française et le Dic^ùmnaire
des supercheries littéraires dévoilées.
R. S.
Dans le Journal des Débats du
18 juin 1875, M. Ernest Renan a
publié, sur Mme Cornu, un article
nécrologique. Il j parle des u pages
Qu'elle a publiées dans le 18* volume
de VEncyclopédie moderne de M. Didot,
sous le pseudonyme de Sébastien
Albin. » J. G.
RoAtopchlne et l*Incendie
de Moscou (XOI. 478, 557. 558).
— Rostopchine a été l'auteur de l'in-
cendie de Moscou; il n'y a, contre ce
fait avéré, au'une seule objection
sérieuse ; il l'a nié dans une bro-
chure publiée à Paris en 1823. Le
comte A. de Ségur, dans la Vie de
Rostopchine, examine cette objection
et la résout d'une manière satisfai-
sante. Voici, du reste, la liste des
principaux ouvrages relatifs à l'in-
ccadie de Moscou :
i. Prœlamaiion aux kabiiants de
Moscou, faite par Viatendant de la ville
et de la prottnce de Moseo»*, Lesseps.
Moscou» !•' octobre 1812, français et
rosse (Moscou, 1812). In-fol. (Russica,
p. 1406). — 2. Ein Bewohner Moskwa's
an seine Landsleute, im October 1812
(von G, Merkel). (Un habitant de Mos-
cou à ses compatriotes, en octo-
bre 4812.) Saint-Pétersbourg, Dre-
chtler, 1812. In-a de 13 p. Autres
éditions. Riga : 1812 ; Mittau, 1813 ;
Jean d'Acre, 1813. (Russica, M. 857-
860 ; Gadaruel, 54). — 3. Entretien d'un
vieux habitant des environs de Moscou,
avec un soldat français prisonnier,
Saint-Pétersbourg, Pluchart, 1812.
In-8 de 14 p. — 4. Ueber die Verbren"
nung der Stadt Moskau. Ein Privât-
Schreiben aus der russischen Stadt
Wladimir, fSur l'incendie de Moscou
lettres écrites de Wladimir. Leipzig,
1813. In-8 (Russica, U. 19). — S.Hw-
torical sketch ofMoscow, London, 1813.
In-4 (Russica, S. 1456). — 6. (Sdlko-
wsKi, J. A. M.) : An historical account
and description ofthe city of Moscow.
London, 1813. In-8 (Russica, S. 3069).
— 7. Monument de la présence des
Français en Russie, ou Recueil d'événe"
ments relatifs à P(ierre^ J. (danof),
habitant de Moscou ; traduit du russe
par V. C. Saint-Pétersbourg, Plu-
chart, 1813. In-8 de 55 p. (Russica,
J. 174 ; Gadar., 51). — 8. Erreur de
Napoléon en réjponse à ttn article du
Moniteur, Saint-Pétersbourg, Plu-
diart. In-8 de 34-2 p. (Russica, deest,
Garad., 55). — 9. Rapport ijpfrétendu)
du ministre de la guerre, (H. J. G. Clar-
ke), duc de Feltre, à S. M. Impériale
et Royale. Saint-Pétersbourg, 1813.
In-8 (Russica, R. 116; Gadar., 57].
— 10. De Brand van Moscou, s. 1. n. a.
In-1 6 (Russica, B. 1 845). — M . (Horn).
Versuch einer Darstellung der Verbre/h
nung und Plûnderung Mosku)a*s durch
die PranzosenimSept, 1812.Fonetfiet?i
Augenzeugen, (Essai d'une description
de l'incendie et du pillage de Mos-
cou par les Français, en septembre
1812, par un témoin oculaire). Saint-
Pétersbourg, 1813. In-8. Traduction
polonaise. Wilno, 1814. In-8. — 12.
AUG. v. KoTZEBUE. Moscow's Verbrau-
ding, Amsterdam, 1814. In-8 (Rus-
sica, K. 1094).— {'i, Portrait d' Attila
par Mme la baronne de Sta^l-Holstein.
Paris, 1814'. In-8. Non reproduit dans
ses oeuvres. Voy. Journal des Débats,
1814; Spectateur français U (1815)
248-256; Annales titiéravres de Dus-
sault y. (1824) 225-231 ; BiàHophUe
belge ffl (1868) 26u266. — 14
(Georges Le Coi^tte de La veau). Mas-
cou avant et après Vincendie, Paris,
1814. 2* édition. Paris, 18î8. Traduc-
tion italienne. Milano, 1818 (Russica,
L. 440-442.) (Gadar., 39). — 15.
Voyage d'une dame française en Russie
— 96 —
en 18i-2, témoin oculaire de V incendie
de Moscou, Paris, 1814. Ia-8 (Russica,
V. 607; Gadar., 45).— 16. M»« Fusil.
L Incendie de Moscou , la petite orphe-
line de Vilna, pcLssage de la Bérésina
et retraite de Napoléon jusqu*à Vilna,
Londres, 1817. In-8. 2* édition. Lon-
dres, 1817. In-8. 2* édition, Paris,
1817. In-8. 3« édition. Paris, 1818.
In-8. Souvenir d'une actrice^ par
M™« Louise Fusil. Paris, Dumont,
1841. 2 vol. in-8 de iv-iv-306 et iv-
348 p. (Russica, F. 869-872; Gadar.,
46, 47). — 17. (L*abbé Surugue).
Lettres sur la prise de Moscou en 1812.
Paris, Didot, 1821. Pet. in-8 de 44 p.
À 25 exempL en papier vélin et
5 exemplaires en papier ordinaire.
Lettres sur Tincendie de Moscou,
écrites de cette ville au R. P. Bouret,
de la Compagnie de Jésus, par l'abbé
Sumigues {sic), 2* édit. Paris, Plan-
ober, 1823. In 8 de 43 p. L'abbé
Frappaz dans la Vie de Vaobé Nicolle
fParis, Lecoffre, 1857), a publié une
lettre de Tabbé Surugue, sur l'in-
cendie de Moscou. Le P. Gagarin a
reproduit la môme lettre dans la
Conversion d'une dame russe à la
foi catholique. (Paris, Douniol, 1863).
— 18. GoLTON. The coîiflagration of
Moscou) f 4* édit. London, 1822, in-8.
(Russica. G. 903.) — 19. Histoire de
la destruction de Moscou en 1812, par
A. F. de B....ch, traduit de l'alle-
mand par Breton. Paris, 1822. In-8.
(Russica. H. 897. Gadar. 48.) —
20. RosTOPCHiNE. L'i vérilé sur l'incen-
die de Moscou. Paris, 1823. In-8.
1 Russica. R. 1401. Gadar^ 42.) Cfr.
)outourline : Hist, milit. de la cam-
pagne de Russie- 1, 369. Rtvue encyclop, ,
XVIII (1823), 161-163, XXVIII (1823),
101-162. — 21. Mis DB Chambrât.
Réponse de l'auteur de l'expédition de
Russie d la brochure de M. le comte de
Rostoptchine, Paris, 1823. In -8 deiv-
18 p. (Russica. C. 473. Gadar. 43.)
Cîv. Reijue encycl^. XX (1823), 394-
395. -> 23. De Doxinicis. Relations
historiques^ politiques et familières en
forme de lettres sur divers usages^ arts^
des Aujses. Vol. 1, 2. Saint-Pétersbourg,
1824-1825. In-8, édit. itaUenne.
Vienne, 1836. (Lettres XIV et XV.)
(Russica. D. 764. Gadar. 52.) —
24. Denis Davydof. Examen de trois
articles insérés dans les Mémoires dé
Napoléon (en russe). Moscou, 1825.
In-8, 65 p. (Gadar^53.) Cfr. Bulletin
des sciences militaires , V (1828), 49-50.
— 25. Nempde. Opinion sur Vincendie de
Moscou. Paris, 1826, in-8. (Russica.
N. 312. Gadar. 49.) — 26. Entrée des
Français à Moscou. 1812. (Paris, 1831.)
160. (Russica. E. 346.) — 27. Do-
MERGUE (Armand). La Russie pendant
les guerres de l'Empire. 2 vol. Paris,
1835, in-8. (Russica. D. 761. Gadar.
50.) Traduction hollandaise. Âmster*
dam. 1836. 2 vol. in-8. —28. (Polto-
RATZKi, Serge.). Rostoptchine. 1765-
1826. (Hombourg), 1854. In-8.
(Russica. P. 975). — 29. Aaret 1812
eller Moshous Brand og den Franske
storarmees UndergangiRussland 4812.
Efter det Franske ved A. G. v. Bûlow.
Kjobenhavn, 1855. In-8. (Russica.
A. 13). — 30. ScHNXTZLER (Jean Henri).
La Russie en 1812. Rostoptchine et Kou-
iouzofl. Paris, 1863. In-8, 2« édit.
Paris, 1863. In-8. (Russica. 717. Ga-
dar. 44.) Cfr. Revue des deux Mondes,
15 septembre 1863. — 31. Ségur
1A. de). Vie du comte Rostoptchine.
*aris, 1871. — 32. Gadaruel. Rela-
tion du séjour des Français à Moscou
et de l'incendie de cette ville en 1812,
par un habitant de Moscou (le cheva-
lier François d'ITsarn). Bruxelles, Oli-
vier, 1871. XV, 191. In-12. — Le
biblioohile qui se cache sous le nom
de Gaaaruel, a donné, dans ce vo-
lume (p. 137 et suiv.), une liste des
ouvraffes à consulter. Nous l'avons
reproduite, en la complétant, à l'aide
du catalogue des ilusstca, de la biblio-
thèque publique de Saint-Péters-
bourg, et en modifiant l'ordre. Le
volume de M. Gadaruel est indispen-
sable à tous ceux aui veulent s'occuper
de l'incendie de Moscou en 1812.
J. G.
Périssent les colonies plu-
tAt qu'un principe X (Xm, 366.)
— Je ne crois pas que cette phrase
ait été prononcée en 1848 ; elle n'eût
été d'ailleurs qu'une réminiscence.
C'est en 1789 qu'elle fut lancée
devant la Constituante, et elle a tou-
jours été, ce me semble, attribuée à
Barnave .
Le Gérant, L. Sandret.
SAOrr-QUBNTIM. — mPRUrBRIB JULBS MODRBAU.
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Lyon, Josserand^ 1874. In-12 de xxx-208 p. Prix : 2 fr. ^ La Vie admirable de notre
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lêine Oipoulon, en religion sœur Victoire, ursuline, fondatrice de la congrégation des
Soeurs hospitalières-institutrices de Saint-Roch, par l'abbé G. Penaod. Paris, Pous-
sielgne. 1874. In-12 de 288 p. Prix : 2 fr. 25. — Vie de la révérende mère saint Jérôme,
religieuse de la congrégation de Notre-Dame, chanainesse régulière de SaintAugusHn.
au monastère dit des Oiseaus. Paris, Jules Vie; Ciermont-Ferrand, Bellet, 1875. In-8
dexi-392 p. et une photogr. Prix : 6 fr.
La vie des saints devrait former le fond de nos bibliothèques, comme
les portraits des aïeux sontrornement de nos appartements. Au chrétien
elle montre Tidéal vers lequel il doit tendre et lui indique le chemin
à suivre pour l'atteindre ; au moraliste et au philosophe, elle offre la
matière de profondes méditations; au savant et à Thistorien, elle fournit
des documents du plus haut intérêt. C'est une des branches les plus
importantes de notre littérature. Nous allons signaler quelques-
unes des plas récentes publications de ce genre, en regrettant toute-
fois que la moisson ne soit pas plus abondante et plus belle.
AOUT 1875. T. XIV, 7.
-" 98 —
Si nous plaçons sous le titre d'Uagiohgie la biographie de per-
sonnes piçyses et des vies édifiant^si, ppys fi'anteqdans aucunement
préjuger les décisions de rEglise; nous avons seulement voulu grouper
des travaux qui se ressemblent et par leur sujet et par l'esprit qui les
anime.
— M. Henry de Riancej avait publié, peu de temps avant sa niort,
un vrai chef-d'œuvre de pi^té et d'art, avec le concours de M. Keller-
hoven. Son ûls a entrepris de mettre ce trésor à la portée de tous.
Offrir aux familles un livre où d'admirables exemples sont encadrés
dans les magnificences de Tart, et qui demeure comme le trésor du
fojer domestique; présenter à la fois, avecles hautes et sagea médita-
tions qu'inspirent la vie et la mort des saints, les peintures par les-
quelles l'habileté contemporaine continue les splendeurs de la minia-
ture et de Tenluminure des âges de foi, tel est le but qui a été ici visé
et atteint.
— Les Saintes du Paradis^soni une nouvelle édition d*un ouvrage dont
le Polybiblion a déjà parlé (t. X, p. 144), complétée par M"^' de Bougé,
par une table alphabétique des noms. C'est Texécution d'une louable
pensée, celle de réunir les vies des saintes de manière à fournir,
spécialement aux femmes, une lecture à la fois intéressante et édifiante.
Les saints, sans doute, offrent des modèles à tous ; mais nous trouvons
là un moyen de donner un attrait de plus à des récits qui devraient
être la nourriture habituelle de nos âmes^ et c'est assez pour queTau-
teur mérite d'être loué. Les notices sont rangées par jour et par mois,
suivant Tordre des fêtes ; il y en a quelquefois plusieurs pour le même
jour; elles ne dépassent guère sept pages ; quelques-unes n'ont même
que quelques lignes. L'histoire est mêlée aux réflexions pieuses. En
appendice se trouvent des notices sur M°** Barat, M""'* Elisabeth et
Marie-Louise de France, M^** de Louvencourt, la sœur Marthe et la
sœur Rosalie.
Le but pratique cherché par l'auteur, eût été plus sûrement atteint si
elle se fût bornée aux saintes sur lesquelles on peut donner quelques
détails ; quel fruit peut-on retirer d'une notice qui n'est qu'une véri-
table indication de calendrier? 11 y a des choix que nous n'approuvons
pas (t. I, p. 13). Sans nous arrêter à quelques négligences de style,nous
signalerons une erreur à propos de la bienheureuse Marguerite-Marie,
qui n'est pas née à Lauthecourt, paroisse de Véronde, et nous trouvons
un peu téméraire de devancer le jugement de l'Église sur M"* Barat,
— Présenter aux ouvriers, dans de courtes notices, la vie de saints
patrons des anciennes corporations, la retracer en se conformant aux
règles de la critique historique, telle est la pensée qu'ont réalisée les
auteurs des Vies des saints de r atelier. Nous trouvons, dans ce recueil,
qui comprend onze biographies, les vies de saint Eloi, patron des for-
— 99 —
gérons; de saint Joseph, patron des charpentiers; de saint Crépin,
patron des cordonniers; de saint Fiacre, patron des jardiniers; de
saint Glond, saint Théodote, saint Galmier, saint Théobald, saint Mé-
dard, saint Marcel, saint Aquilas. Parmi les noms des auteurs, citons
Ozanami MM. Michel Cornudet, Léon Lefébure, Roger de Beauf-
fort. Ces vies, publiées d'abord en brochures séparées, viennent d'être
réunies en volumes^ et font désirer la continuation de la collection.
— Une bonne pensée a également inspiré les Saintes légendes de
renfonce. Peut-être les anecdotes pourraient-elles j jouer un plus
grand rôle et les exclamations un rôle moindre ; mais il n'y a pas de
travail qui mérite davantage d'être encouragé que celui de M. de Ba-
rieuL Un ancien philosophe a dit que prétendre fonder une cité sans
religion, c'est vouloir bâtir un édiûce en l'air. C'est pourtant ce qu'es-
sayent obstinément tous ces habiles qui, depuis un siècle, font de l'en-
fance et de la jeunesse le sujet de leurs expériences. Prétendre les
former aux lettres et aux arts sans s'occuper de les former à la piété,
aux devoirs et aux vertus, ou bien, ce qui revientau même, ne donner
àTaccomplissement des -^levoirs d'autre mobile que l'intérêt, à la pu-
reté des mœurs d'autre appui que l'amour-propre, à la pratique des
vertus d'autre aliment que l'orgueil, n'est-ce pas bâtir en l'air, et ne
préparer pour l'avenir que des catastrophas et des ruines?
•— La vie de Saint-Joseph par le P. Bouvj, est remarquable par deux
qualités : la piété profonde que l'ouvrage respire, les citations des Pères
et des théologiens qui le remplissent, et donnent aux réflexions et aux
vues de l'auteur une particulière autorité. La manière rappellerait
celle de Ludolphe le Chartreux^ dans la Vie de Jésus^Christ. C'est
surtout à l'esprit et au fruit à tirer des faits que s'attache le P.Bouvj.
« Je crois pouvoir assurer, nous dit-il, qu'on ne trouvera, dans cet
ouvrage, aucune opinion hasardée ni empruntée, comme il arrive trop
souvent, à des écrivains sans autorité ou à des livres apocryphes. Je
passe sous silence les opinions de cette nature, chaque fois que je
ne suis par forcé d'établir la vérité qui les combat. Deux sentiments
opposés se présentent-ils avec le même degré de vraisemblance, je
consulte la notoriété dont ils jouissent, et j'embrasse de préférence la
croyance la plus répandue parmi le peuple ûdèle (p. viii). » De
telles règles sont la sagesse même, avec le but spécial qu'envisageait
l'auteur : édifier et instruire tout à la fois. Ce but, il l'atteindra cer-
tainement ; son livre fera du bien, et il se recommande aux personnes
pieuses douées d'une certaine somme d'instruction. — On trouvera à
la fin, une série de trente-et-une prières distribuées pour un mois de
visites à saint Joseph.
— L'Évangile et l'histoire ecclésiastique nous fournissent sur
saint Joseph de rares et incomplets renseignements. La tradition
— 400 —
elle-même se tait sur la plapart des circonstances de sa vie, da moins
en ce qu'elles pourraient avoir de certain. Un ouvrage du genre de
celui-ci, étendu, abondant en détails, précisant les moindres faits,
devait nécessairement s' appuyer sur des révélations : et ici,le trésor
est assez riche dans les écrits de plusieurs saints. M. Tabbé Fouet,
dans sa Vie de saint Joieph^ s'attache à celles d* Anne-Catherine Emme-
rich, dont le nom est devenu célèbre parmi nous, grâce aux travaux
de M. de Cazalès, comme déjà depuis longtemps il Tétait en Alle-
magne. La vie d'Anne -Catherine a été celle d'une grande et merveil-
leuse servante de Dieu. Approuvées par plusieurs docteurs, par des
évoques même, ses visions n'ont pas reçu cependant la consécration
d'une sentence de TÉglise. On peut donc leur accorder un assentiment
plus ou moins restreint; mais, fait observer à bon droit M. l'abbé Fouet
(p. xii), ce qu'on ne saurait admettre, c'est que, sans connaître un
mot de l'histoire de Catherine Emmerich, sans avoir lu tant soit peu
sérieusement le moindre chapitre de ses communications avec le ciel,
on vienne de prime-abord, sans autre étude ni examen, jeter sur elles
le dédain, et les traiter de rêveries indignes de la moindre considéra-
tion. Un tel procédé doit être laissé à ce qu'on appelle la libre -
pensée; il ne convient point aux esprits de bon lieu. Le siget est tout
au moins fort grave, et mérite d'autres égards.
Quoi qu'il en puisse être^ d'ailleurs, de cette question touchant
aux plus hauts problèmes de la vie contemplative et de la théologie
positive ou mystique, reste l'ouvrage composé sur ces données, et
nous devons déclarer qu'il nous parait l'un des plus estimables, et dans
tous les cas, le plus complet, de ceux qui ont paru jusqu'à présent sur
ce sujet. L'auteur le distribue en trente-et-un chapitres, afin qu'à
l'occasion il devienne, dans les confréries et les paroisses, le livre des
lectures pour le mois de SaintJoseph. Chacun de ces chapitres, après
la narration qui en fait le fond, se termine par une considération suf-
fisamment développée, empruntée souvent à nos meilleurs écrivains
catholiques ; par une pratique destinée à l'exercice personnel des
vertus que l'on vient de méditer, et par une prière rédigée dans le
même esprit. On a réuni, à la fin du volume, bon nombre d'autres
prières^ belles, variées, bien choisies, que les fidèles aimeront àtrouver
là. L'auteur, à la page 405, inclinerait à croire que les événements
avant-coureurs de la fin du monde sont à nos portes. Nous signalons
cette pensée, sans la défendre ni la combattre. Matière grave,éminem-
ment obscure, qu'on eût bien fait, peut-être, de ne point aborder.
— Dans le volume que ^. Charles Hello a consacré aux visions de
saint Antoine, l'efiet des scènes émouvantes auxquelles on nous
initie est un peu compromis par une inclination à confondre avec elles
les vicissitudes de notre époque. On sait que le démon paraissait à
— 101 —
rillastre ermite sous mille formes grotesques ; pour son nouvel
historien, le tentateur n'a plus qu'un masque, celui du catholique
libéral.
— L'ancienne église des Gaules a attaché le nom de saint Germain
à presque autant d'édifices religieux que celui de saint Martin; au
seizième siècle, le seul diocèse de Sens ne comptait pas moins de
quarante églises dédiées à saint .Germain, et cependant rien n'est
moins connu aujourd'hui que les mérites de ce thaumaturge, dont la
mémoire plane sur le berceau de la monarchie française. C'est donc
une vraie lacune que vient de combler le P. Gouilloud, en nous offrant
une traduction d'une vie de ce grand saint par le prêtre Constance^
qui a vécu, comme lui, au cinquième siècle. C'est un de ces documents
classiques qu'il est utile de faire revivre, pour faire revivre en même
temps l'esprit de foi et la simplicité qui présidaient jadis aux travaux
de ce genre. «
— V Histoire de saint Bernard et de son siècle est trop connue et
son succès trop incontestable, pour que nous ne devions nous borner
à annoncer cette nouvelle et huitième édition. C'est un remarquable
morceau d'histoire qui comprend tout le douzième siècle, car saint
Bernard a eu une trop grande part dans toutes les afi'aires de son
époque, pour qu'on puisse faire son histoire sans faire celle de son
siècle. Dans une belle introduction, le R. P. Ratisbonne étudie le rôle
de l'Église^ ses tendances à l'unification et fait connaître les temps
qui ont précédé notre saint ; puis il étudié saint Bernard sous toutes
ses faces : vie domestique, vie monastique, vie politique, vie scienti-
fique, vie apostolique. Il se montre non-seulement religieux et
historien, mais encore philosophe ; et ce n'est pas trop de qualités
pour faire l'histoire d'un tel saint. On ne s'étonnera pas que le
R. P. Ratisbonne s'arrête avec complaisance à tout ce qui touche
aux Juifs. Nous tenons à signaler une longue et intéressante digres-
sion sur sainte Hildegarde et ses prophéties. Dans des chapitres com-
plémentaires, il donne des jugements sur saint Bernard, sa doctrine
et ses œuvres, et, en appendice, quelques fragments de ses œuvres
ascétiques. Il aurait été désirable qu'il tint au courant des faits ses
nouvelles éditions ; nous regrettons de lui voir annoncer (t. II, p. 347)
une traduction complète des œuvres du Saint par M. Ravelet, qui
n'a donné que les lettres.
— Le sixième centenaire de la mort de saint Bonaventure (15 juil-
let 1874) a donné lieu à une publication qui n'est que la réimpression
textuelle de Y Histoire abrégée de la vte, des vertus et du culte de saint
Bonaventure.,., patron de la ville de Lyon^ publiée dans cette ville en
1747. Cette vie, qui s'appuie peut-être trop sur Baillet et autres
écrivains de seconde main, a du moins le mérite, trop rare aujour-
— 102 —
d'hui, d'être écrite en un grand et beau style. La lecture en est agré-
able^ et ne peut que profiter à la gloire du docteur séraphlque. L'é-
diteur anonyme lyonnais, n'a mis de lui qu'une intéressante notice
historique sur l'église de Saint-Donaventure de Lyon et les nom-
breuses confréries dont elle était le centre, et une autre notice sur la
découverte d'un tableau représentant un miracle opéré par saint
Bonaventure. Il en prend occasion pour parler du P. de Fanna, et de
la belle édition qu'il prépare des œuvres du grand docteur.
— L'ordre des Célestins, qui comptait, avant 1793, dix-neuf mai-
sons en France, vient de renaître en Bretagne. Son restaurateur a
publié, à ce propos, la vie de son saint fondateur, célèbre par son
abdication. Il y a joint diverses notes historiques et biographiques sur
es anciens monastères des Célestins, et sur les religieux qui les ont
lillustré par leur sainteté et leur science. Ces curieuses monographies
sont accompagnées des constitutions de l'Ordre. C'est^in ouvrage de
bibliothèque et d'édification, très-complet dans son genre.
— La bienheureuse Ortnga, de qui M. l'abbé Henry nous a retracé
la vie, est assez peu connue chez nous, et mérite de l'être davantage.
L'auteur remarque, avec juste raison^ qu'on a trop négligé les classes
populaires et travailleuses dans la composition d'ouvrages ayant pour
but, d'offrir des modèles de vertu aux chrétiens. Oringa, née en Tos-
cane, au douzième siècle, dans la condition la plus humble et la
plus pauvre, est un admirable exeiùple pour toutes les jeunes filles en
général, et plus encore pour les ouvrières, les filles de ferme, les
servantes : car elle fût elle-même tout cela, bien qu'elle ait terminé
ses jours dans la vie religieuse. Son histoire est d'ailleurs pleine
d'événements et de circonstances singulières qui en rendent la lec-
ture attachante. Les miracles y sont fréquents et de premier ordre,
Dieu se plaisant à relever devant le monde celle qui le servait si
héroïquement. L'auteur ne manque pas de s'étendre, au besoin, sur
les monuments, les lieux, les personnes, les analogies historiques que
le sujet amène sous sa plume, sans omettre non plus les exhortations
et les conseils. Quelques hommes de goût pourront-ils reprocher
à M. l'abbé Henry de s'être tenu, d'un bout à l'autre de l'opuscule,
sur un ton de lyrisme qui nuit à la belle simplicité qui doit être la
loi des auteurs de vies de saints.
— Ceux qui conservent encore des préjugés contre la vie des
cloîtres, — > vie d'ailleurs toute de grâce et par conséquent d'excep-
tion, — les perdront en lisant les charmants volumes dont le
P . Bay onn e vient d'enrichir la Bibliothèque dominicaine , déj à étincelante
de b^oux. Venue au commiBncement du douzième siècle, sainte Cathe-
rine de Ricci fut l'expression magnifique de cette rénovation reli-
gieuse qui rendit à l'Église la beauté de sa jeunesse, et dont le
— 103 —
célèbre Jérôme Savanarole fut, en Toscane, Tardent promoteur.
Ses biographies étaient si nombreuses et si variées, que le P. San-
drini affirmait, au siècle dernier, qu'il n'y avait pas un autre saint
qui eût obtenu, pour les vertus et les actions de sa vie, une publicité
si considérable. C'est pourtant pour nous une nouvelle connaissance
à faire, et le P. Bajonne nous la rend aussi aisée qu'agréable.
— L'&me tout entière de saint François de Sales se retrouve dans
les Dépositions de sainte Chantai. C'est un document angélique, quia,
par surcroit, un grand charme littéraire^ comme tout ce qui est Salé*
sien. Ce charme n'a pas été scientifiquement constaté, mais il est très-
réel. Prenez, par exemple, le chapitre xxxix de la troisième partie
de V Introduction ; c'est tout simplement une merveille, un tour de force
académique : jamais plume n'a élucidé pareille matière d'une
façon plus délicate. Sans doute, il y a des écrivains plus incisifs, plus
philosophes que l'évêque de Genève ; il n'y en a pas qui aient plus de
naturel^ qui soient plus accessibles à toutes les situations. On repré-
sente la vertu sous des couleurs si sombres, on lui inflige un visage
si plein d'horreur et de sévérité, qu'elle fait reculer les plus hardis.
Saint François de Sales ne laisse plus aucun prétexte & cette
vaine terreur. Que de fantômes le doigt des saints fait tomber en
poussière !
— La petite \ie de la bienheureuse Marguerite- M arie^ que nous avons
sous les yeux, est spécialement destinée aux pèlerins. Elle a pour but
de leur faire connaître celle qui est l'occasion de ce grand mouve-
ment d'attraction vers Paray, et la salutaire dévotion au Sacré-Cœur.
Elle est d'une lecture facile. M. l'abbé Daras a largement puisé dans
les grandes vies, notamment dans celle du P. Daniel, et dans les
écrits de la bienheureuse. Elle est suffisante pour le plus grand
nombre des lecteurs ; rien d'essentiel n'y manque.
— La vie admirable du B, Labre, n'est point une nouveauté pour
nos lecteurs. Ils la connaissent au moins par ce qui m'a été dit ici
(t. X, p. 143), et plus d'un, certainement, aura contribué au rapide
écoulement des deux premières éditions. C'est un remarquable succès,
auquel n^est point étranger le talent de l'auteur, la vénération et
Tamour avec lesquels il traite et étudie son sujet. Mais nous ne
l'offenserons pas en disant, qu'il est dû beaucoup aussi au sujet lui-
même. Est-il rien qui puisse mieux convenir à notre siècle que l'his-
toire de ce glorieux mendiant et pèlerin, nous ouvrant la voie sur
laquelle les foules se pressent maintenant, et venant honorer et glori-
fier la pauvreté, lorsque la soif des richesses est si ardente, lorsque
l'aumône est considérée comme une humiliation, comme une chose
dégradante ? M. Aubineau prend le bienheureux Labre au sein de sa
chrétienne famille, où il puise la semence de toutes les vertus qui
— 104 —
deyaient faire Je lui un saint. Il le suit pas à pas dans toutes ses
pieuses préparations, en Italie^ en Suisse^ en Espagne, en France, à
Paraj-le^Monial, où il nous précède, précurseur du curé d'Ars à Dar*
dillj. Il ne recule devant aucun de ces détails qui peuvent choquer
notre délicatesse mondaine et efféminée, mais qui montrent un saint
poussant jusqu*à ces dernières limites le mépris de toutes les choses du
monde. M. Aubineau a puisé aux meilleures sources, c'est-*à-dire dans
les documents de la cause de la canonisation qui lui ont été conûés.
Cette nouvelle édition ne diffère des autres que par quelques rensei-
gnements complémentaires sur le pèlerinage du bienheureux à
Mariasten, en Suisse, et à Paray-le-Monial, et par le récit du pèle--
rinage qui a eu lieu le 7 juillet 1873, à Amettes, au lieu de sa nais-
sance.
— L'ouvrage consacré à sainte Philomène est plutôt un livre de piété
qu'une vie de saint. Nous pouvons cependant lui donner place dans
notre cadre, à cause de tous les détails historiques qu'il fournit sur le
culte de la Sainte et les lieux où il est le plus florissant. M. Petit
raconte la découverte du corps, sa translation à Mugnano, Tintroduc-
tion de son culte en France par M"* Jaricot, la pieuse fondatrice de
TcBuvre de la propagation de la foi, la dévotion du curé d'Ars. Son
culte & Saint-Gervais de Paris fournit Toccasion de quelques détails
intéressants sur le siège de Paris et la Commune, et sur l'origine des
pèlerinages nationaux. Avec tous ces faits édifiants, les lecteurs
pieux trouveront des exercices pour une neuvaine, le petit office de la
Sainte, des prières, des cantiques, des pratiques en son honneur et
des méditations sur ses vertus. Ajoutons que cet ouvrage est approuvé
par M^ l'évêque de Langres.
— La vie de la mère Thérèse de la Mùé'icorde de Laval prouve que
le bras de Dieu n'est pas raccourci depuis la bataille de Lépante, que
Tabnégation peut,dans tous les lieux et dans tous les âgQS, produire des
fruits merveilleux. Dès son enfance, Thérèse de la Miséricorde, digne
de porter ce nom, ne songeait qu'à soulager les peines physiques et
morales de ses concitoyens ; la charité lui a fait transporter des mon-
tagnes^ et cette pauvre fille du peuple, ne possédant absolument rien,
a légué à sa province une institution considérable. C'est Tinverse de
ce que l'on voit tous les jours dans le monde des affaires et de
l'égoïsme.
— Nous sommes reportés, par la Vie de la Révérende Mère Marie
Madeleine Gipoulon^ à une des époques les plus intéressantes de l'his-
toire de l'Église. M"' Gipoulon, née le 2 novembre 1765, à Felletin
(Creuse), morte le 4 août 1821, fit ses vœux chez les Ursulines de
Limoges à une date fatale, 1789, et, peu de temps après, un incendie
devança Vœuvre de destruction et de dispersion que devait accomplir
— 105 —
la Révolution. La tourmente passée, elle réunit les membres épars
de plusieurs communautés religieuses^ et, fille de cette Église dont on
ne craint pas d'annoncer sans cesse Tagonie et qu*on accuse de se
désintéresser du soin des malheareux et de la culture des intelligences,
elle fonda, ayec le concours de M^ du Bourg, éyêque de Limoges,
une congrégation à la fois hospitalière et institutrice, chargée en même
temps de l'hôpital et des écoles. Cette notice nous révèle un fait peu
connu, crojons-nous : c^est l'idée de Bonaparte de remettre en une
seule main la direction des diverses communautés naissantes, au début
du siècle, et la convocation, à. Paris, en 1807, d'une assemblée générale
des religieuses de l'Empire. Aux faits historiques se joignent beaucoup
de renseignements sur la vie intime de la communauté, sur la règle,
sur le caractère des diôérents membres de la congrégation, ou, si l'on
aime mieux, sur les imperfections dont profitait la vertu de leur com-
pagne. M. l'abbé Penaud établit avec beaucoup de fermeté les devoirs
des enlants et des parents dans les questions de vocation. On aurait
préféré plus de précision dans le stjle, et peut être prendra-t-on pour
des longueurs ce qui peut avoir un grand intérêt dans la région encore
pleine des souvenirs la révérende Mère et de ses compagnes.
— C'est à un tout autre ordre d'idées qu'appartient la Vie de la
Révérende Mère Saint-Jérôme Sans être exclusive d'aucune classe de
lecteurs, elle s'adresse tout spécialement aux anciennes élèves de la
révérende Mère et aux anciennes pensionnaires du couvent des
Oiseaux. Le côté historique fait presque complètement défaut; ainsi,
ce n'est que dans le titre que nous trouvons la date de la naissance et
de la mort de M""* Saint-Jérome (1810-1868), qui s'était appelée dans
le monde Pauline Ethmann. Mais, en revanche, on y trouve, peintes au
vif, la vie du couvent des Oiseaux, les religieuses, les pensionnaires, les
classes^ les récréations, les académies, les fêtes, et tous ces petits
riens qui éveillent mille souvenirs chers aux cœurs d'anciennes élèves
parce qu'ils se rattachent à un moment heureux de la vie. L'anonyme
auteur a réuni tout ce qu'elle a pu sur Tenfance, la vocation, le novi-
ciat et la vie religieuse de la Mère Saint- Jérôme ; elle j a joint beau-
coup de notices sur ses anciennes compagnes, sur des personnages
mêlés à sa vie, comme le P. Ronsin, son directeur, et a fait de nom-
breux emprunts à sa correspondance avec ses anciennes élèves. Nous
avons remarqué une note intéressante à propos du bombardement de
Paris et de la Commune. Il est superflu de dire que tout porte à
l'édification dans ce volume; mais, ce qui nous a paru caractériser la
Mère Saint-Jérôme, c'est, d'un côté, la grande part qu'elle a prise à la
propagation de la dévotion au Sacré-Cœur — on puisera à ce sujet,
dans sa Fie, des renseignements intéressants — et, d'un autre côté,
les nombreux ouvrages sortis de sa plume. On lui doit un des premiers
T
^^ • ~. Ih-8, arec
les théolo.
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•^.3 - ^- ^ .t: uî lii emprunté telle
.*--: ::■ . ^ ^^-^— -a*. \::v;es quatorze
. .. ; j: rua . 1 Y:rî:u» et iox
— 107 —
C'est donc ane henreuse pensée que d'avoir publié de nouveau Tœuvre
principale de Lessins. Le format de cette édition est commode, Tim-
pre8«ion nette et assez correcte. 11 est vrai que çà etlà quelques fautes
ont ëobappé, particulièrement dans les titres inscrits aux marges, et
dans les textes grecs ; mais le lecteur les corrigera sans peine. Les
passades cités sont imprimés en caractères différents etfrappent d'abord
les jenx ; nous eussions désiré que Ton s'écartât quelque peu de Tédi*
iion primitive^ en indiquant non-seulement les chapitrés, mais encore
les Tersets de TEcriture, ce qui eût abrégé les recherches.
Eue. PousssT.
Diflhlo^rae» de saint Grégoire le Grand» traduits par E. Cartier.
Paris, Poussielgue, 1875. In-12 de lvi-419 p. — Prix: 2 fr. 50.
Les Dialogues écrits par le pape saint Grégoire le Grand sont un récit
de faits édifiants^ pieux^ miraculeux, concernant les saints, papes,
éTéques, religieux et religieuses. Le second livre comprend à lui seul
la Tie et les miracles de saint Benoît (p. 69 à 155). Des points impor-
tants de doctrine j sont traités, et l'interlocuteur de saint Grégoire
amène, par ses questions et ses réflexions, l'explication et le dévelop-
pement du récit. Il y a des chapitres dont Tintitulé est celui-ci : c Les
hommes charnels croient difficilement les choses spirituelles et éter-
nelles, parce qu'ils ne connaissent pas par expérience ce qu'ils en
entendent dire. > Ces paroles font comprendre pourquoi M. Cartier a
Toula que notre siècle entendît les mêmes enseignements que saint
Grégoire adressait aux hommes de son temps. N'en avons-nous pas
besoin, et a n'y a-t-il aucun rapport entre le siècle de saint Grégoire
et le notre ? Nous vivons aussi sur des ruines, et nous ressemblons à
ces Romains dégénérés qui, dans les hontes de leurs défaites, conser-
Taient l'orgueil des anciens jours, en oubliant, dans la joie des festins
et la pompe des spectacles, les menaces du lendemain... Nous sommes
envahis par une barbarie civilisée et savante, plus difficile à vaincre
et plus puissante à détruire que celle des Lombards. Mais nous détour-
nons les jeux du danger, pour nous complaire dans les jouissances de
la richesse et les merveilles de rindustrie.» — On ne peut mieux dire^
et opposer aux assertions de cette barbarie qui nie Dieu et son action
dans le monde le récit de Taction évidente de Dieu et des miracles faits
par Dieu,'c'est bien appliquer le remède là où il en est besoin. L'œuvre
de saint Grégoire le Grand revient donc à nous avec un Véritable
à-propos. La traduction que donne M. Cartier, parfaitement écrite,
correcte, élégante, a triomphé heureusement, nous l'avons constaté,
des difficultés réelles d'un texte qui, souvent, contient, selon Tobsorva-
tion de M. Cartier, plus d'idées que de mots. C'est un nouveau
service rendu par le pieux et savant historien du P. Besson, de sainte
Mois du Sacf'ê'Cœur^ qui est arrivé aujourd'hui à sa vingt-septième
ëditlott; pltiàiéurs ouvrages relatifls à cette dévotion et à Ici sainte
Vierge, et un asse2 grand nombre de notices sur des religieuses de son
ot&té. Elle améme fait des Vers. Elle possédait, ce qui eët rare chez une
fétnme, tn grand nombre de langues. PfBttRB Bouro.
THEOLOGIE
De Perfectionlbu» morlbusque dlvlnla, par Lessius. Nouvelle
édition, d'après celle d'Anvers de 1620. Paris, Lethielleux, 1875. In-8, avec
manchettes, de xx-589 p. — Prix : 7 fr.
Le jésuite Léonard Lessius tient un rang illustre parmi les théolo-
giens qui, à la fin du seizième siècle et au commencement du dix-sep-
tiëme, exposèrent et défendirent la doctrine catholique. Le traité de
Perfectionibus moribusque dioinis est estiùié à juste titre le chef-d'œuvre
de Lessius ; il est divisé en quatorze livres, d'une étendue et d'une
importance fort éingales.
Dans les quatre. premiers, l'auteur parle des attributs essentiels de
Dieu considéré en lui-même ; les quatre livres suivants traitent des
perfections divines qui supposent la possibilité des créatures. Les six
derniers livres forment la partie principale de l'ouvrage et de beau-
coup la plus longue. L*auteur considère Dieu dans ses relations avec
les êtres déjà créés et surtout avec l'homme. Il expose toute l'écono-
mie de l'incarnation et de la rédemption (Tract. XII, de Misericordia);
il montre l'action de la justice divine et en ce monde et en l'autre :
les châtiments qui frappent les individus et les peuples ; il résout les
principales objections que la raison soulève contre le dogme de l'enfer
(Tract. XIII, de Justitia et ira Dei),
La manière dont Lessius développe ces graves vérités lui assigne
une place à part entre les théologiens. S'il discute avec la précision
d'un docteur, s'il puise de préférence ses inspirations dans les œuvres
les plus abstraites de saint Denis, il évite cependant l'aridité des écri-
vains scolastiques. Son livre est un manuel où les prédicateurs trou-
veront de riches matériaux pour des discours à la fois solides et inté-
ressants. II nous a même semblé que Bourdaloue avait emprunté telle
division de ses sermons au théologien de Louvain.Chacun des quatorze
livres est terminé par un chapitre que l'auteur appelle recolleciio pre*
catoria^ et dans lequel, — résumant la doctrine des chapitres précé-
dents^ — il élève son âme à Dieu, et emprunte à l'Écriture et aux
saints leurs plus belles paroles pour célébrer la grandeur et la bonté
du Créateur. Le latin est élégant et facile: on y rencontre peu de ces
expressions scolastiques que nous comprenons difficilement, habitués
que nous sommes au langage de la philosophie moderne.
— 107 —
C'est donc une heureuse pensée que d'avoir publié de nouveau Tœuvre
principale de Lessiua. Le format de cette édition est commode, Tim-
pression nette et assez correcte. 11 est vrai que çà etlà quelques fautes
ont échappé, particulièrement dans les titres inscrits aux marges, et
dans les textes grecs ; mais le lecteur les corrigera sans peine. Les
passages cités sont imprimés en caractères différents etfrappentd* abord
les yeux; nous eussions désiré que l'on s*écartàt quelque peu de Tédi*
tion primitive^ en indiquant non-seulement les chapitres, mais encore
les versets de TEcriture, ce qui eût abrégé les recherches.
Eue. PoussBT.
Dialogue» de «alnt Grégoire le Orand» traduits par E. Cartier.
Paris, Poussielgue, 1875. In-i2 de lvi-419 p. — Prix: 2 fr. 50.
Les Dialogues écrits par le pape saint Grégoire le Grand sont un récit
de faits édifiants^ pieux^ miraculeux, concernant les saints, papes,
évêques, religieux et religieuses. Le second livre comprend & lui seul
la vie et les miracles de saint Benoît (p. 69 à 155]. Des points impor-
tants de doctrine y sont traités, et l'interlocuteur de saint Grégoire
amène, par ses questions et ses réflexions, l'explication et le dévelop-
pement du récit. Il j a des chapitres dont Tintitulé est celui-ci : < Les
hommes charnels croient difficilement les choses spirituelles et éter-
nelles, parce qu'ils ne connaissent pas par expérience ce qu'ils en
entendent dire. > Ces paroles font comprendre pourquoi M. Cartier a
voulu que notre siècle entendît les mêmes enseignements que saint
Grégoire adressait aux hommes de son temps. N'en avons-nous pas
besoin, et o n'y a-t-il aucun rapport entre le siècle de saint Grégoire
et le notre ? Nous vivons aussi sur des ruines, et nous ressemblons à
ces Romains dégénérés qui, dans les hontes de leurs défaites, conser-
vaient Torgueil des anciens jours, en oubliant, dans la joie des festins
et la pompe des spectacles, les menaces du lendemain... Nous sommes
envahis par une barbarie civilisée et savante, plus difficile à vaincre
et plus puissante à détruire que celle des Lombards. Mais nous détour-
nons les jeux du danger, pour nous complaire dans les jouissances de
la richesse et les merveilles de l'industrie. » — On ne peut mieux dire^
et opposer aux assertions de cette barbarie qui nie Dieu et son action
dans le monde le récit de Taction évidente de Dieu et des miracles faits
par Dieu,'c'est bien appliquer le remède là où il en est besoin. L'œuvre
de saint Grégoire le Grand revient donc à nous avec un véritable
à-propos. La traduction que donne M. Cartier, parfaitement écrite,
correcte^ élégante, a triomphé heureusement, nous l'avons constaté,
des difficultés réelles d'un texte qui, souvent, contient, selon l'observa-
tion de M. Cartier, plus d'idées que de mots. C'est un nouveau
service rendu par le pieux et savant historien du P. Besson, de sainte
— 108 —
Catherine de Sienne, du B. Suso. Le positiviste peut mépriser ces
récits comme des légendes ; mais le chrétien s^édiAe en les lisant, car
ils élèvent son &me vers Dieu et lui apprennent à l'aimer.
H. OB L'Épinois.
Lia Qnestloii protestante Jugée par le bon» aena» la Bible
et le» falta. Lettres à tm protestant sur VÊglise catholique et le schisme,
Béfutation des erreurs de MM. Néander, Guizot, NavUky Vinet^ de Pressensé^
Réville, Coguerel, etc., sur la notion de V Église, par* Georges Romain.
Deuxième édition, suivie de : Une Excommunication protestante; les Cata-
combes de Rome ; un Sermon à la table d'hôte; Lettre sur la Bible. Paris,
Palmé, 1875. In-8 de 477 p. — Prix : 6 fr.
La persécution dont les catholiques sont l'objet en Allemagne et en
Suisse donne un intérêt d'actucdité à cet excellent ouvrage, dont Fau-
teur avait publié une première édition il j a quatorze ans, et qu'il
reproduit aujourd'hui sous un titre trop long^ mais avec d'importantes
additions dont l'opportunité s'impose au lecteur.
Toutes les attaques contre l'Eglise, sous quelque forme qu'elles
se produisent, proviennent de l'ignorance ou de la haine contre
son caractère et ses véritables conditions d'existence. Ainsi que
ledit fort justement M.Romain, l'Église est le véritable sujet du
débat entre les protestants et les catholiques : ce que les pre-
miers défendent aujourd'hui, ce ne sont plus leurs croyances, c'est
leur schisme, ce sont leurs sectes. Pourquoi cela? C'est surtout parce
que les protestants d'aujourd'hui méconnaissent l'Église : de l'igno-
rance à la calomnie et à la haine, la distance est courte. A ceux qui
ignorent l'Église^ il importe de la montrer ce qu'elle doit être, ce
qu'elle est en réalité. Les lettres à un protestant le font par une série
de raisonnements irréfutables; après avoir résolu la première question
de son sujet : Y a-t-il, sur la terre, un intermédiaire vivant et visible
entre Dieu et nous? et avoir montré, en second lieu, quel est cet inter-
médiaire, et à quel signe on le reconnaîtra, l'auteur fait jaillir de sa
thèse de lumineuses déductions. Si, en effet, le bon sens et la Bible
attribuent, d'une part, à l'Église, une autorité permanente et trans-
missible; si, d'autre part, l'Évangile indique jusqu'à la loi organique
de l'institution divine, jusqu'au mécanisme de son gouvernement; si la
succession légitime et la consécration sont les conditions essentielles
du ministère en qui se concentre ce gouvernement, si, enfin, le minis-
tère est la personnification de l'Église, comme TÉglise est la person-
nification du christianisme, il s'ensuit que l'Eglise est nécessairement
l'intermédiaire divin ici-bas; car les différents caractères ci-dessus
énumérés ne n'appliquent qu'à elle. Par conséquent, toute église qui
ne repose pas sur ces bases, est fausse et hors du plan divin.
— 109 —
Parvenu au terme de cette démonstration, l'apologiste n*a pas de
peine à montrer l'illégitimité du ministère dans le protestantisme; puis,
passant en revue les prétendues erreurs opposées à TÉglise, ainsi que
les abus réels dont elle a été accusée, et les mettant en présence des
erreurs et des abus trop réels issus du protestantisme et inhérents à
son histoire, il a le droit de conclure que le protestantisme a augmenté
les abus comme les erreurs dont il s'était fait le redresseur. La con-
clusion dernière ressort de tous ces précédents : hors de TÉglise, pas
de salut. Le catholicisme est autorisé à exclure du salut tous schisma-
tiques volontaires, o^mme les protestants excluent du salut les juifs,
les mahométans, les infidèles. Selon le désir exprimé dans une lettre
de Mgr Mermillod, mieux placé que personne pour savoir ce qui
convient dans la polémique contre les protestants, cette étude sérieuse
et attrayante devrait être entre les mains des laïques et du clergé ;
elle peut dispenser de prendre connaissance de nombreux ouvrages
dont elle tient lieu : tout en remarquant quelques longueurs dans
quelques-unes de ces lettres, et, comme nous Ta vous dit, dans le titre
du livre^ on peut s'assurer que la lecture en est agréable, et on le quitte
éclairci sur la prétendue valeur rationnelle du protestantisme, et sur-
tout sur son importance sociale, faussement exploitée de nos jours,
dans le but de concilier Torgueil de Thomme avec le sentiment intime
religieux. A. de Richecour.
SCIENCES ET ARTS
lia lx>l absolue da deirolr et la destinée liuiiialiie, par J. Ram-
BOssoN. Paris, Didot, 1875. In-8, de xii-318 p. — Prix : 6 fr.
Dans son nouvel ouvrage, M. Rambosson a essayé de découvrir la
loi absolue du devoir. «Pourquoi, nous dit-il, dans sa préface, tant
d'écoles en morale, et pourquoi ces écoles professent-elles des doctrines
si diverses sur la destinée humaine? Il est évident que c'est parce que
les principes qu'elles professent n'ont pas été démontrés scientifique-
ment. » Et pourquoi cette lacune? Parce qu'on a usé jusqu'ici d'une
mauvaise méthode; on a négligé le seul procédé qui pouvait conduire
à la vérité : l'étude simultanée des sciences physiques et des sciences
morales.
On le devine aisément. M. Rambosson cherche dans l'étude com-
parée de ces deux sciences la loi absolue du devoir, c Les êtres nous
présentent deux points de vue bien tranchés : le premier, leur gran-
deur ou quantité, le second, leur valeur ou excellence.» La Mathéma-
tique traite des grandeurs et de leurs rapports, la Morale doit traiter
des valeurs et de leurs rapports. Cette dernière science a pour point
de départ un axiome: chaque chose, chaque être doit être aimé selon sa
- 410 —
juste valewr ou excellence. Voilà la loi absolae du devoir. Qaatre lois
secondaires en découlent: la loi de dévouement, la loi de charité, la
loi de justice, la loi d'intérêt. M. Rambosson croit avoir trouvé^ dans
cet ensemble de déductions, un faisceau désormais indissoluble. Pour
compléter sa démonstration, il résume et combat successivement les
systèmes de Platon et d'Âristote, d*£picure et de Zenon, de Molina et
de Kant^ d'Hegel et de Cousin.
Telle est la première partie. Dans la seconde, Tauteur résout une
question non moins importante. L'homme est-il naturellement bon?
natt-il vicieux? Prenant parti entre les deux systèmes opposés, M. Ram-
bosson reconnaît, dans l'homme, des prédispositions en partie bonnes et
en partie mauvaises. L'individu hérite des dispositions physiques et
morales de ses parents pour le bien comme pour le mal. Mais il peut
réagir contre elles, parce qu*il est libre, c'est-à-dire, suivant la défini-
tion de M. Rambosson, parce qu'il a pouvoir de $e conformer à la loi
absolue du devoir , malgré les tendances et les sollieitalions contraires.
Parle bon usage de sa liberté, l'homme pratique la loi du bien, mais
c'est au prix de nombreux sacrifices. A ces sacrifices, il faut une récom-
pense; il faut que la vertu et le vice ne soient pas sur le pied d'égalité.
Sans cela, Dieu manquerait à la loi absolue de la morale; il n'aimerait
pas chaque être selon sa juste valeur. De là, lanéeesstté d'une sanction
qui atteigne l'âme après cette vie.
A ces études, M. Rambosson a joint la solution de plusieurs ques-
tions secondaires : l'influenae de réduca;tion et celle du régime
physique sur l'état moral de l'homme. Dans cet ouvrage, excellent
résumé de la science du devoir, les idées sont justes et le style excel-
lent. Parfois les formules diffèrent des expressions ordinaires, mais
alors elles sont justifiées par de sérieux arguments. Ce livre fait penser
beaucoup, et éclaire d'une vive lumière quelques points, d'ordinaire
bien obscurs, en particulier la question du libre arbitre en Dieu. Nul
n'était plus capable que l'auteur de triûter, à la fois, et la science de la
nature et la science de l'âme humaine. Nous croyons cependant que
l'auteur se trompe, s'il a la confiance que, désormais, toute discussion
cessera sur le sujet qu'il étudie. Sa formule même peut être le point
de départ d'Épicure et celui de Zenon. Epicure dira seulement que le
plaisir a plus de valeur que le sacrifice, et Zenon, d'une appréciation
contraire, tirera une solution opposée. La raison de ces différences est
que la morale est une science pratique, et que les définitions les meil-
leures ne supprimeront pas les passions humaines. La vérité est dans
le mot de Leibniz : « Si la géométrie s'opposait à nos passions autant
que la morale, nous ne la contesterions guères moins, malgré toutes les
démonstrations dEuclydo etd'Archimède. » E. Beurlibh.
— iH —
Dictionnaire de In santé, ou Hépertolre d'bysléne pra-
tique À l'usage des fan&tllea et des écoles» par le docteur
J. B. FoNssAGRivES, professcur d'hygiène et de clinique des enfants et des
TÎeillardâ à la faculté de médecine de Montpellier. Paris. Ch. Delagrare,
4875. Gr. in-8 à 2 eol., publié en liTraisons mensuelles de 5 fouilles (BO p.)
au ptrij^ de 1 fr, 50 (deux livraisons çax% paru).
Les lecteurs du Polybiàlion connaissent déjà la plupart des ouvrages
du docteur Fonsrtagrires, dont nous avons successivement rendu
compte, au fur et à mesure de leur publication. Celui-ci en est, en
quelque sorte, le couronnement, et, désormais, à côté de tous les dic-
tionnaires usuels, il faudra placer celui de la santé. Il y avait là une
importante lacune à combler, et jamais Topportunité de cette publica-
tion n'avait été plus pressante. On s'occupe de tout, excepté de sa
santé : il semble que cet intérêt, qui dépasse cependant en importance
tous les autres intérêts matériels et qui les met en valeur, si Ton peut
s'exprimer ainsi, ne mérite pas qu'on j songe. Il rogne, à ce sc^et, une
sorte de fatalisme inconscient qui pèse lourdement sur la vie humaine.
Les peuples, dit-on, n'ont que le gouvernement qu'ils méritent : avec
bien plus de raison l'on peut affirmer que les familles n'ont que la
santé qu'elles méritent, c'est-à-dire qu'elles conquièrent de haute lutte :
il faut violenter la santé pour arriver à sa possession, de même que
l'Évangile nous apprend qu'il faut violenter le royaume du ciel ; en
sorte que la conquête des deux biens suprêmes, dans Tordre matériel
et dans l'ordre spirituel^ ne peut s'obtenir que par la vigilance, la
volonté, l'opiniâtreté dans la recherche.
En général, on ne se rend pas un compte suffisant de la nécessité de
cette lutte de tous les instants. Tout le monde veut se bien porter,
mais personne ne fait ce qu'il faut pour atteindre ce but; personne ne
songe à s'instruire des voies et moyens à suivre pour y arriver. Qu'on
examine la bibliothèque d'un homme à l'esprit cultivé, c'est-à-dire
choisi parmi ceux qui passent pour prendre souoi de tout ce qui peut
intéresser notre humaine nature, et l'on aura la mesure de cet incom-
préhensible abandon d'un pareil intérêt. Les lettres; les sciences,
l'histoire, la géographie, l'économie politique, la biographie, etc. y
ont leurs dictionnaires, encyclopédies abrégées qui porteût rapidement
l'esprit au renseignement qu'il recherche : mais où trouvera-t-on le
dictionnaire qui conseillera sur les questions d'hygiène pratique, sur
celles relatives à l'éducation physique des enfants, sur les soins à
donner aux malades pour seconder l'action du médecin sans jamais
songer à le remplacer, recueil pratique, exclusif de toute ingérence
dangereuse dans les choses de Ja médecine et renfermant ses conseils
dans les limites étroites où ils ne peuvent donner qu'une lumière
utile?...
Telestl'espnt du nouvel ouvrage de l'éminent professeur d'hygiène,
— 112 —
qui a déjà tant fait pour la vulgarisation des saines doctrines et que la
faveur totgours croissante du public soutient depuis longues années
dans rentier accomplissement do sa tâche. L'idée générale du livre
se dégage nettement dans l'une de ses épigraphes : a II y a une
hygiène domestique et des soins domestiques, il n'j a pas de médecine
domestique. » Cette parole paraîtra dure à ceux qui croient possible
la médecine populaire, et qui s'imaginent que la médecine vraie ferme
au public les portes du temple dans un intérêt de corporation et pour
rehausser son prestige. Elle est cependant rigoureusement exacte.
Khjgiène est faite pour prévenir les maladies^ mais une fois la maladie
arrivée au chevet domestique, le médecin devient nécessaire. Si le
premier venu fait de la médecine, où s'arrêtera la limite à laquelle
cette médecine perdra son caractère seco arable pour devenir aven-
tureuse ? Comment cette science si pleine d'obstacles, si enveloppée
d'obscurité pour ceux-là même qui donnent toute leur vie à son étude,
pourrait-elle être réellement accessible à ceux qui ne lui donnent que
leurs prétentions? Déûons-nous de ce qui nous paraît facile : c'est un
pur mirage de l'ignorance.
Le Dictionnaire du docteur Fonssagrives combat donc toutes les
tentatives innombrables qui ont été faites pour apprendre aux gens à
se soigner et à soigner les autres, tentatives dont la plupart ont trop
souvent un tout autre mobile que l'intérêt public, et dont les mieux
intentionnées n'aboutissent, en général, qu'à propager des idées fausses
et des pratiques périlleuses. Son but est de faire toucher du doigt les
innombrables causes de maladies au milieu desquelles se meut notre
santé ; de pousser à faire de l'hygiène, pour empêcher d'être malade ;
de faire au charlatanisme une guerre sans merci ; de combattre les
préjugés et l'ignorance, et d'arrêter le courant qui nous entraîne à
faire de la médecine quand nous sommes malades.
L'auteur a sa philosophie, que nous avons déjà entrevue dans ses
précédents ouvrages. Il croit à la mission morale de la médecine : il
estime qu'elle - éluderait son devoir si elle n'élevait l'homme en le
secourant, et qu'elle le trahirait d'une façon coupable si elle l'abaissait.
Ce livre est donc \mQ œuvre de spiritualisme chrétien^eino\i& en {élioiiona
l'auteur bien sincèrement. Inutile d'ajouter que c'est un vrai livre de
famille, et que la critique la plus sévère n'y relève aucun article, aucun
mot qui puisse faire payer, par le froissement d'un sentiment délicat^
la lumière qu'il apporte.
Quant à la manière du livre, nos lecteurs la connaissent d'avance.
Selon Thabitude du docteur Fonssagrives, elle est facile, claire, sans
prétention, persuasive par son tour familier, procédant avec les allures
pénétrantes de la causerie. Dans les premières livraisons, les articles
abstinence, allaitement^ annonces médicales, bains^ boissons^ clioix d'un
appartement, etc. nous ont Bortont frappé par ce caractère spécial à
Tautear de se placer toiigonrs dans la réalité des besoins véritables
des familles^ et de leur parler à la fois le langage de la sensibilité et du
bon sens.
Nous souhaitons à ce livre le même succès qu'à ses devanciers, car
il respire, d*un bout à Tautre et jusque dans ses plus petits articles,
selon Texpression même de la Gazette hebdomadaire de médecine ^ l'amour
de la vérité et du bien public. Rbné Kbrvilbr.
DeiDse macabre, peinte en 1^5UI» an cimeU^re de*
Innocenta, /h^-sûnite de Tédîtion de 1484, précédé de recherches, par
Tabbé Valbntiiy Dufour, parisien. Paris, Léon Willem, 1875. In-4 de 52 p.,
avec flg. grav. — Prix : 8 francs.
M. Tabbé Yalentin Dufour a eu la bonne pensée de reproduire, en la
réduisant, l'édition de la Dame macabre^ datant de 14^ (sept. 1485).
Malheureusement, il a cru devoir raccompagner, sous le nom de
Recherches, de cinquante pages in-quarto de considérations, dans les-
quelles il expose tout ce qu*il sait, et surtout ce qu*il ne sait pas, de
l'histoire du mojen &ge. L'auteur^ mécontent des travaux, assez con-
sidérables cependant, qui existent sur la matière, nous explique, dans
sa préface, qu'il a voulu étudier le sujet d'après une nouveUe méthode,
en se reportant aux sources ; et il se flatte d* avoir rencontré des « ré-
sultats inattendus. » En effet, il enseigne que le moine Théophile
vivait au huitième siècle (p. 15), que Gerson (p. 41) est l'auteur
de Y Imitation de Jésus- Christ (ce qui est inadmissible depuis le beau
travail de M. Arthur Loth); — que Louis d'Orléans, second fils de
Charles Y, était comte « dbs Vertus en Champagne (p. 28); » que le
même prince {ibid) fut tué de q guet a pensA, » etc., etc... Tout cela
ne touche guère à la danse macabre, et je me garderais bien de re-
procher à l'auteur son défaut de préparation en histoire politique, en
histoire de l'art, en histoire littéraire et en philologie, s'il n'était
lui-même (p. 14 et 15) justement sévère pour les billevesées des écri-
vains incompétents.
Il est fort difQcile de suivre la pensée de l'auteur à travers un laby-
rinthe de digressions et de la saisir, noyée qu'elle est dans un verbiage
intarissable. On arrive cependant à découvrir qu'il veut établir un
rapprochement entre une peinture de la chapelle d'Orléans aux Céles-
tins de Paris et les peintures du charnier des Innocents ; qu'il prétend
que la danse macabre, gravée et éditée en 1484, est la copie de ces pein-
tures du cimetière parisien ; enfin, que les vers qui accompagnent la
danse ont été composés par Oeraon. M. l'abbé Dufour ne démontre
pas le moins du monde que la peinture de Louis d'Orléans, aux Céles-
tins, soit du quinzième siècle comme il le dit. Il y a une inscription
Août 1875. T. XIV, 7.
formelle qui date cette peinture du règne de LouiA XII. Cette insorip-
tion existe aussi bien dans le dessin de la collection Gaignières d*Ox-
ford que dans le dessin de M. Lenoir. M. Dufour n'a pas même pris
la peine de vérifier ce fait. Avant de s'inscrire en faux contre Topi-
nion ordinairement reçue, n'aurait*ilpas dû se mettre en état de prou-
ver son assertion? Quand M. Dufour afftnne à tort et à travers que
Louis d^Orléans porte le costume de Célestin (p. 36), il se trompe. Le
duc est revêtu d*nn o manteau vermeil doublé de vair, » et ce costume
est celui des chevaliers de Tordre de TÉtoile. Voir les statuts de cet
ordre.
a Enl485|» dit l'auteur, « c^est-à-dire, soixante ans après que cette
peinture (fa danse macabre) ait été exécutée, Guyot Marchant envoya
dessiner les fresques que reproduisirent ses dessinateurs sur bois, tandis
qne ses typographes reproduisaient les strophes qui les expliquaient. »
Il est impossible d^admettre cela. En effet, si Ton peut accepter, comme
le laissait entendre M. Bonnardot {Revue univenelle des Arts^ t. III|
p. 11 et suiv.),queles peintures du charnier ont inspiré Féditeur pari-
sien, on ne peut soutenir que les dessins gravés soient des copies des
peintures exécutées, suivant M. Dufour, au commencement du quin-
zième siècle. Style, dessin, costumes,^ allégorie, tout date de la seconde
moitié de ce siècle. Si le charmer, comme le prétend M. Dufour, était
peint en 1425, il est parfaitement certain que nous ne possédons
pas, dans l'édition de Gujot-Marchant, la reproduction exacte de la
danse primitive. Ce résultat erroné des recherches de M. Dufour ne
lui est pas personnel et ne saurait être rangé au nombre des « résultats
inattendus. » Les derniers éditeurs de la Panse macabre s'étaient déjà
trompés avant lui.
Le manuscrit latin 14,904 de la Bibliothèque nationale, provenantde
saint Victor, contient quelques œuvres de Gerson et de Nicolas de Cla-
manges, ainsi que le texte de la Danse macabre édité en 1485. M. Du-
four en conclut que ce texte est Tœuvre de Gerson ; et, sans autre
preuve, il inscrit le nom de Gerson sur le titre de sa réimpression. Voici
ce titre : Là, Dansb macabrb, com poséb par Maist&b Jbhan Qbrson,
1425. C'est trop de sans gêne. On procédait avec plus de critique en
plein quinzième siècle. L. Courajod.
BELLES-LETTRES
Et'Odyssée d*Honiëre i texte grec, revu et corrigé d'après les dior-
thoses alexandrines, accompagné d'un commentaire critique et explicatif,
précédé d'une introduction et suivi de la Batraehomyomaehie, des Hymms
homériqurn, etc., par Alkzis Pibrhon. Paris, Hachette, 1B75. 2 vol. in-8 de
LXXV-654 et 656 p. — Prix : i6 fr.
Ces deux volumes achèvent l'édition d*Homère, entreprise, depuis
— 116 —
de longues années déjà^ par M, Pierron. Noas avons, en son temps,
annonoé (t. III, p. 211, et t. IV, p. 213) les deux volumes de V Iliade^
et nous avons, à cette occasion, exposé la méthode suivie par
Téditeur qui s^attache, autant que possible, à la vieille et célèbre
recencion d'Aristarque. Son Iliade a été couronnée par l'association
pour l'encouragement des études grecques. Dans Tlntroduction
kV Odyssée, M. Pierron ne revient pas sur les règles de la méthode qu'il
8*est in^^osée et qu'il a exposée dans Tintroduction à V Iliade; et il se
borne strictement à Tétude dn texte de l'Odyssée et de ses conunen-*
tateurs depuis l'antiquité jusqu'à nos jours. Il a tiré un profit tout
particulier des nouvelles sch^Ues publiées par G. Dindorf. Dans
le cours de son travail, il lui est arrivé une aventure analogue à
ceUe de l'homme que la fortune est venue trouver dans son lit.
Sans bouger de Paris, il a découvert, dans un couvent du mont Athos,
un manuscrit nouveau des scholies les plus importantes de ïOdyaée,
qu'un manuscrit de Venise ne fournit qu'imcomplétemeot. C'est
en examinant quelques pages de copies faites à Vatopédi, au mont
Athos, et trouvées dans les papiers de feu Blondel, que notre auteur
y reconnut les gloses correspondant à celles du Marcianus mutilé
de Venise et paraissant dans toute leur intégrité. Cette découverte fut
appréciée à sa juste valeur dans le monde de Térudition, et mission
fut donnée à M. l'abbé Duchesne, un des membres les plus distingués
de notre nouvelle école de Rome^ d'aller relever ce supplément
inespéré de gloses homériques sur le manuscrit de Vatopédi.
M. Pierron s'est donc entouré de toutes les ressources de la philo*
logie contemporaine pour établir le texte de son poëte, et il l'a
accompagné d'un commentaire <c critique et explicatif, » c'est-à-dire
consacré uniquement à la discussion et à l'explication des passages
difficiles du texte. 11 a sagement banni de ses notes les commentaires
et les rapprochements purement littéraires, qui eussent réclamé
trop d'espace et dont la place n'est pas dans une édition critique.
Pour ne rien laisser perdre de ce qui porte, à tort plntdt qu'à raison,
le nom d'Homère, la BatraehomyamacMe et les Hymnes homériques
ont été jointes au second volume de Y Odyssée, Le vieil Homère est un
des auteurs les plus étudiés de nos classes ; aussi l'édition savante qui
vient de lui être consacrée rendra-t-elle grand service à notre ensei-
gnement. H. G.
€jontem popalalre» de la Orande-Bretaspne, par Lots Bbuetrb.
Paris, Hachette, i875. Gr. in-8 de zlviu-382 pages.
' n y a un an environ, M. Bruejre publia une traduction des contes
russes recueillis par Ralston, mais il ne reproduisit pas les commen-
taires dont l'érudit anglais les a entourés, et ne vit dans ce recueil
— 416 —
qu*un livre propre à amuser les enfants. On témoigna au traducteur
des regrets de cette suppression; il continua ses études dans la voie de
la littérature populaire, et arriva facilement à comprendre quel intérêt
peuvent avoir ces récits d'une apparence si frivole; aussi le volume
dont nous avons à parler est-il écrit sous une inspiration toute diffé-
rente, et prend-il un caractère sérieux dont était privé l'ouvrage qui
Fa précédé. Il semble même que, cette fois, M. Bruejre soit allé un
peu loin dans le système des origines mythiques. Sans doute,
dans de nombreuses circonstances, on ne peut les nier^ mais il ne faut
pas prétendre retrouver partout des allégories ayant pour but dépeindre
le retour des saisons ou la succession du jour et de la nuit. Ce qui
semble incontestable maintenant, ce que prouve Textréme diffusion de
récits analogues, c^est qu'un certain nombre de contes remontent à
des époques bien lointaines, au temps où les nations, qui, depuis, les ont
répétés sur tant de' points différents du globe, n'avaient pas encore
abandonné l'Asie, a Cette conclusion^ dit M. Brueyre, qui eût pu pa-
raître hardie au siècle dernier, avant que la philologie comparée eût
démontré la parenté originelle des peuples indo-européens, n^est plus
maintenant qu'un corollaire naturel de cette découverte. Elle la com-
plète d'autre part en nous révélant, dans une certaine mesure, le côté
poétique et religieux de l'antique nation aryenne. » Les plus anciens
contes anglais remonteraient donc directement à cette source, ensuite
seraient venues les traditions Scandinaves, ayant une même origine,
puis les fictions normandes, Scandinaves elles-mêmes à leur point de
départ. A ce fond déjà considérable, se joignirent les récits inspirés par
certains événements, certains personnages d'époques plus récentes.
Quant aux contes indiens et persans, quipénétrèrent en Europe à la suite
des Sarrazins ou qui furent apportés par les croisés, M. Brueyre leur
reconnsdt une grande influence sur la littérature proprement dite, et,
suivant nous, leur attribue une action trop faible sur les inspirations
franchement populaires.
Nous regrettons de ne pouvoir nous arrêter plus longtemps à l'in-
troduction de M. Brueyre; elle offre des aperçus curieux; on y lit no-
tamment des recherches intéressantes sur les traces que les croyances
populaires ont laissées dans les œuvres de divers poètes anglais :
Chaucer, Sponsor, Shakespeare. Nous y voyons^ aussi, que les héros
rendus un instant si célèbres par les pastiches de Macpherson, appar-
tiennent réellement à de fort antiques légendes. Les poèmes attribués
à Ossian ont eu, en réalité, pour thème des chants dont des fragments
existent encore en Ecosse à l'état de traditions. Ce sont ces traditions
relatives aux personnages d'Ossian qui, avec les contes d'origine
aryenne, forment la première partie du recueil de M. Brueyre. La
seconde renferme les contes de Pairies; la troisième, les récits rap«
— in —
pelant des événements historiques locaux^ les légendes religieuses,
les contes de nourrices» les fables. M.Braeyre a fait suivre, pour ainsi
dire, chaque conte de Tindication de ses similaires fournis par diverses
nations. Il a surtout demandé ces rapprochements aux peuples du Nord ;
ceux du Midi auraient pu lui en offrir aussi, et en non moins grand
nombre. Ainsi^ le conte IV de M.Brueyre, conte dans lequel les aven-
tures de Peau'iTAne se mêlent à celles de Cendrillon, on le lit dans le
recueil catalan de M. Maspons j Labres, h Jtondallayre (2* série,
p.72), dans lesNovelk popolari iiciliane^ Pilusedda (t. I, p. 281), dans les
IVovelline popolari de Comparetti: Zuccacia (t. I, p. 244); enfin le début
de ce récit forme le commencement du romande la Mannekine^ deTépi-
8ode d'Éléonore d'Aquitaine dans le Victorial, de la légende de Santa
l/liva^ de la Bntoria ddrey deHungria^ de la Figlia delredi Daeia^ etc.
Feman Caballero a recueilli en Espagne le conte Y, VAne^ la table^ et
le bâton. Ce même conte, Pitre l'a appris en Sicile (t. I, p. 226) ; Com-
paretti Ta entendu en Toscane etdans les marches d*Ancône (t. I, p. 31
et 4ô).Le conte XIY : lei Filles du Roi de Lochlin, présente une grande
ressemblance avec VOreiUe du diable de F. Caballero. Dans le recueil
de ce dernier, se retrouve encore, sous le titre les Ames bienheureuses^
le conte anglais la Paresseuse et ses Tantes. L'histoire intitulée De trois
péchés le moindre se lit dans le Libro de los enxemplos (Ex. LXXXY); dans
le Libro de Apollonio; elle est devenue le scget d'un fabliau De termite
qui s^enivra {De la poésie française dans les douzième et treizième siècles^
par Roquefort, p. 334), et, avant defoumir à Pironun petit conte gri-
vois, a semblé au bon chevalier de La Tour Landry très-propre à être
débitée à ses filles comme une leçon morale (ch. lxxxix). Un conte
qui pourrait venir delà France, c'est celui qui est intitulé : Baillie Lun'
nain. Est-ce qu'en le lisant, M. Bruejre ne s'est pas vaguement sou-
venu de notre joli roman de Jean de Paris? On pourrait indiquer
d'autres parallèles qui ont échappé à Tattention de l'auteur, qui lui ont
échappé même, mais bien rarement, dans les littératures du Nord.
Ainsi, le conte Musique du ciel rappelle une sorte de complainte popu-
laire de l'Allemagne : la Fiancée hongroise. Des rapprochements de ce
genre ont du reste perdu de leur importance. Dernièrement, en parlant
du recueil de M. Pitre, un maître, Don Manuel Milà y Fontanals, di-
sait très-bien: c II est maintenant avéré que beaucoup de ces contes for-
ment comme un patrimoine commun aux nations de race aryenne. Si
les coïncidences pouvaient surpendre les premiers qui se livrèrent à des
recherches de cette nature, à présent elles constituent un fait univer-
sellement reconnu, et, de même que cela arrive pour les poésies popu-
laires, quoique à un degré moindre, les analogies, les identités se pré-
sentent d'elles-mêmes à celui qui feuillette diverses collections. »
Ce n'est pas dire cependant qu'un travail comparatif soit dépourvu
— 118 —
d'intérêt; bien des leoteurs n'ont ni réradttion, ni la mémoire, ni les
livres qui faoiliterfdent des confîrontations de oette espèce, et ne sont
pas f&chés de trouver la besogne faite. Mais enfin, il ne faut pas qa*an
remords causé par quelques omissions trouble M. Brueyre dans la
pensée, fort justifiée, qu'il a composé un ouvrage curieux, dont les élé-
ments n'étaient pas faciles à réunir, et qui est d'une lecture à la fois
instructive et agréable. Th. db Puymaiorb.
Histoire die la llttératare contemporaloe en Italie, «ona le
réifime naltalre (1859-1874), par Amédée Roux. Paris, Charpentier,
1875. In.l2 de 428 p. — Prix : 3 fr. 50.
Nous avons rendu compte de Y Histoire de la littérature contemporaine
en Angleterre^ dont l'auteur est M. Odysse Barot, un positiviste. L'au-
teur de Y Histoire de la littérature contemporaine en Italie ^ dont nous avons
à parler aujourd'hui, est un libéral. C'est au point de vue libéral et
unitaire que M. Amédée Roux étudie la littérature italienne contem-
poraine. Rendons d'abord à l'auteur cette justice, c'est que, comme
M. Odysse Barot, M. Amédée Roux a su renfermer, dans un petit
espace, le plus de choses possible. Son ouvrage n'a qu'un volume, et
pourtant aucun des lettrés en tout genre, dont l'Italie s'honore^ n'est
oublié. M. Roux commence, dans une introduction remarquable, par
jeter un coup d'œil d'ensemble sur les grands prosateurs et les grands
poëtes de l'Italie depuis 1800 jusqu'en 1859. Après quoi, il entre réso-
lument en matière. Son /fûtotVe est divisée en dix-huit chapitres, dans
lesquels sont successivement passées en revue les gloires de l'Italie con-
temporaine dans la poésie, le théâtre, l'histoire, la littérature politique,
la philosophie, l'éthique, l'esthétique, la philologie, la critique, la fan-
taisie et le roman. H y a beaucoup de noms d'écrivains peu connus de ce
câté-ci des Alpes et qui, d'après l'analyse que donne M. Roux de leurs
œuvres, méritent autre chose que rindifférence et l'oubli. Tels sont les
Tigri, les Zanella, les Pardi, dans la poésie ; les Giacometti, les Bolo-
gnese, les Zamboni, les Baraltani^ lesMarenco, les Gherardi, les Forelli,
dans le drame et la comédie ; lesRicotti, les Guidici, les Bonghi, dans
l'histoire ; les Donati« les Nievo, les Selvatico, dans le roman.
Les tendresses que M. Amédée Roux professe pour le régime nou-
veau apparaissent, ici et là, dans un grand nombre de ses jugements.
Il se laisse aller souvent, peut-être à son insu, à décerner des brevets
d'hommes supérieurs à plusieurs littérateurs italiens qui partagent ses
préventions contre « l'ultramontanisme. » Il aime à citer et à van-
ter les écrivains qui combattent « le Syllabus, u Néanmoins, si
M. Amédée Roux est éclectique et libéral, il est loin d'être socialiste,
matérialiste et athée. C'est, au contraire, un spiritualiste convaincu,
un déiste très-sincère. Il ne craint pas de signaler et d'anathé-
— 149 —
matiser les tendances pernieienaee des poésies socialistes de Garducoi,
et les sorties déclamatoires d^AJcide Oliari et de Gaetano Negri en
favenr de Tathéisme. Il appelle les déma^fognes des c eharlatans igno*
blés, fi n cite avec éloges des œuvres conçues dansnn excellent esprit^
telles que les Poésies de Tabbé Zanella, les Légendes dn marquis de
Yillarena, les Essais philologiqtsn da Père Oailiani, enfin les saTante
travaux critiques du docteur Ginseppe Pitre , éditeur des Chanis popn*
laires de la Sicile, et aigourd'hui, croyons-nous^ collaborateur é'uat
revue française qui est la sœur du PolybibUon : nous voulons parier de
rimportante Revue des questions historiques,
M. Amédée Roux a complété sa compacte étude (dont tous les juge-
ments ne doivent pas être acceptés sans contrôle) par une liste exacte
des nombreux journaux qui se publient présentement en Italie.
FiKMiN BoiBsm.
^îouvelles Xjettrea de madame Bm^etclilne, publiées par le mar-
quis D« LA Grange, membre de l'Institut. Paris, Amyot, 4875. In-8 de
8i7 p. — Prix : 7 fr. 50.
Il ne faut point trop chercher, dans ces lettres, la variété des sigets
ni même la nouveauté du stjle ; mais plutôt la bonté d*ime et Tesprit
élevé de celle qui les a écrites. On Vy retrouve partout amie dévouée,
conseillère prudente, sage consolatrice, toi^ours d'accord avee elle-
même, et c^est pour la montrer ainsi que M. le miirquis de la Grange
a publié ce recueil. On devine le plaisir qu*il a dû, prendre à ajouter
quelque chose à une mémoire si chère, et même à livrer une part des
joies et des douleurs intimes qui lui ont valu les témoignages d'une
telle amitié. Après lui, le plaisir sera pour ses amis, pour ceux qui ont
oonnn ou seulement entrevu M"* Swetchlne, pour tous ceux qui sln^
téressent au caractère de cette femme remarquable, pour tous les
esprits délicats : mais le gros du pubUc n'j trouvera pas grand*chose.
Ce serait un tort, si Ton avait compté sur lui pour le succès de cet
ouvrage, mais cela n^est point à supposer ; et quand même la curio-
sité n'j trouverait pas d*aliment, il y aura toujours là quelque chose
qu'on ne rencontre guères dans ce grand nombre de recueils inédits :
c'est un parfum de vertu et de bon sens qu'il fait toi^jours bon res-
pirer, même dans un livre. G. Phiuppok.
Une Belle Ame, on lea Atromatee de«Ieaii de Rocheviellle.
Pages de la vingt-cinquième annéSy écrites par un jeune hommes mort à vingt-
cinq anSf et mises en ordre par Henry (Iilbiat. Notre-Dame de Lérins,
imprimerie Marie-Bernard, i874. In-i2de y-250 pages. — Prix: 3 tr.
Jean deRochevieilleestunjeune gentilhomme du Quercj, épris d'art,
de littérature et de poésie . A vingt-quatre ans, possédé du désir de
faire quelque chose, il quitte son vieux ch&teau, sa mère, sa sœur, et
— i20 —
et va à Paris ppur faire son droit. Mais là, malgré les labeurs d'un
travail acharné, sa pensée s'envole sans cesse vers les lieux qu*il a
laissés, vers ceux qu'il aime, et, ne pouvant aller les retrouver lu i-
méme, il leur envoie ses lettres et son journal; pour sa sœur^ il joint
quelquefois un bouquet de pensées. Il écrit un jour: c Un penseur
chrétien a dit : Il y a trois choses dans ce monde : « Dieu, le soleil et
les amis. » Ce penseur s'est trompé, il aurait dû dire : ci II 7 a quatre
choses : Dieu, la mère, le soleil et les amis. »
Sa mère et sa sœur, voilà sur la terre les deux grandes affections de
JeandeRochevieille,etces deux affections, il les cultive àParis comme
à Rochevieille. Mais, bientôt, un devoir austère et une grande tristesse
le rappellent au pays : sa mère meurt après une courte maladie. Quel-
que diligence qu'il fasse, il arrive trop tard, et il ne retrouve plus
que sa sœur au foyer de la famille. Jean de Rochevieille s'abîme d'abord
dansune insondable douleur; puis ilse reprend à vivre, parmi ces beaux
paysages et ces « perspectives ravissantes, » près du ruisseau du
Repentir et de la fontaine de Yieillecaze. Il caresse la pensée de
vivre là, avec sa sœur Emma, comme deux pieux cénobites, faisant le
bien autour d*eux, aimant et aimés. Puis, à cette affection de sa sœur,
vient se joindre bientôt une affection plus tendre, celle d'une amie de
sa sœur, M"* Laure de Pechpeyron. Et son imagination comme son
cœur travaillent et font de beaux rêves. Rêves, hélas ! éclos au prin-
temps et qui ne verront point l'hiver. La santé de Jean de Rochevieille
décline chaque jour; le travail a usé ses forces, et le chagrin les a
épuisées; les tristes symptômes d'un mal qui ne pardonne guère se font
bientôt sentir. Les médecins veulent l'envoyer à Cauterets ; il s'y
refuse, et il l'écrit presque gaiement dans son journal. Mais cette gaieté
fait mal ; car on voit trop le dénoùment. Bientôt, en effet, on lit des
lignes comme celles*ci : « Rien ne guérit en moi. b — « Pourquoi M. le
curé vient-il me voir si souvent ?» — « Je respire très-difficilement, s
Puis : (f J'ai voulu me regarder dans un miroir et je me suis trouvé
bien pftle. » Puis, plus rien. Le 31 décembre, Jean de Rochevieille
s'éteint doucement, et son dernier cri est : « Vive le Ciel I • Sa sœur
entre au Carmel ; la terre de famiUe est vendue ; le vieux château est
démoli, et, de Jean de Rochevieille, il ne reste plus que son journal,
confié par l'affection de sa sœur à celle d'un ami, et qui voit le jour
aujourd'hui.
On a beaucoup abusé dans ces derniers temps, il faut en convenir,
de la littérature intime, et il nous semble que cet abus n*est pas sans
danger. Le journal n'est pas toujours la marque de cette connais-
sance de soi-même que recommandait la sagesse antique; il est trop
souvent le signe d'une préoccupation exclusive de soi-même ou d'un
état maladif de l'âme. A force de s'écouter vivre, ou oublie facilement
— 421 —
les devoirs austèrea de la vie, et la contemplation d'un idéal inacces-
sible empêche parfois de voir la réalité sérieuse et pratique. Il n'en
fat point ainsi pour Jean de Rochevieille; Tamour de la poésie ne lui
fit point négliger le soin de ses champs et de ses métayers, et le souci
de sa propre pensée ne le rendit point insensible au bien des autres.
Nous n'en voulons pour preuve que ce passage de son journal, par
lequel nous ne croyons pouvoir mieux terminer cette courte étude.
« Quand j'étais petity je m*en souviens encore, mon père me pre-
nait souvent sur ses genoux et me disait : « Que veux-tu être, petit? »
Et je lui répondais suivant l'inspiration du moment : je voulais être
tour à tour, avocat, marin, magistrat, soldat ou prêtre, — jamais
médecin. Or, voilà que j'ai grandi ; je ne suis plus petit, et que suis-je f
Rien. Je ne suis ni avocat, ni marin, ni magistrat, ni soldat, ni prêtre,
encore moins médecin; je ne suis rien, si ce n'est bachelier. Dieu
Ta voulu ainsi, respectons sa volonté. Mais, si mon père m'apparais*
sait, et qu'il vînt me poser la question d'autrefois : a Que veux-tu
être? » Je répondrais hardiment : a Je veux être un remueur
d'idées^ » mais un remueur d'idées pour faire du bien à mes û^res,
un remueur d'idées pour laisser derrière moi une trace lumineuse et
bienfaisante. » M. pbi la Rochbterib.
€>pere M Vlneenxo Mortlllaro llarclieae de Vlllarena. —
Vol. XIIL — fbMt sd ocMimt. Palerme, impr. de Pietro Pensante, 1875.
In-4 de 262 p. —Prix : 8 £r.
Il y a peu de temps qu'il a été parlé, dans ce recueil^ des œuvres
de M. Mortillaro, marquis de Yillarena. Elles se sont augmentées
d'un volume faisant suite aux Memarie nvuedmenti e rimembranze.
L'auteur continue à s'y occuper beaucoup moins de sa personne que
des événements contemporains. La France tient une large place dans
ce nouveau tome, au premier chapitre duquel elle fournit même son
titre. Viennent après cela des pages sur la longévité de Pie IX,
Napoléon III, M. de Bismarck, le maréchal de Mac-Mahon, les Bour-
bons, la Fusion et d'autres personnages, d'autres sujets qui ont récem-
ment excité ou qui excitent encore l'attention générale. Nous l'avons
dit dernièrement, M. le marquis de Yillarena exprime sans ména-
gements sa pensée sur les hommes et sur les choses. Nous imiterons
cette franchise en né lui cachant pas que quelques-unes de ces appré-
ciations nous paraissent très-fausses. Il faut vivre à 400 lieues de la
France pour parler de M. Bazaine et de M. le maréchal de Mac-Mahon
comme Ta fait M. Mortillaro. Il est aussi favorable à l'un qu'injuste
envers l'autre. Ce qu'il a écrit sur M. Thiers vaut beaucoup mieux.
Habituellement, du reste. Fauteur se montre juge équitable, et cette
— iî2 —
saita de ses Mémoires pourra intéresser ceux de nos leoteum qai s'oo-
enpent d'histoire contemporaine, non pas que M« Mortillaro réyèle des
faits noaveanXf mais parce qa*il est cnrieax de savoir quelle est, sur
notre situation^ la pensée d*an politique étranger. M. le marquis de
ViUarena, tout en faisant un triste tableau du temps présent, tout en
craignant de le voir devenir plus sombre encore, ne désespère pas de
Tavenir. Il exprime cette confiance dans sa préface ; il Texprime
encore dans sa conclusion, et, lui qui abuse des citations, en emprunte
cette fois une très-belle à Dante. Il croit que TÉglise se relèvera vieto*
rieuse après tant d* épreuves :
Gome la fronda ehe fl«tte la eima
Nel transito del reato, e poi si l«Ta
Per la propria virtù cha U toblima.
Tn. P.
Iftlbliotéca délia Gloventù Itallana, Torino, Ttp. delVOriUoHo di
S. Franceseodi Saies. 1 vol. in-18 par mois. — Prix de la souscription pour la
France : 8 £r. par an.
Nous pensons faire une chose utile en consacrant, de temps en
temps, quelques articles aux ouvrages destinés à l'instruction de la
jeunesse, ouvrages qui sont trop souvent de simples spéculations de
librairie, et qu*on ne peut mettre sans un sévère examen entre les
mains des lecteurs auxquels ils sont dédiés. Nous parlerons aujour-
d'hui de la Biblioteea délia GùwentU Ualiana. Elle mérite d*étre mieux
connue en France. Nous ne sommes plus, il est vrai, au temps où tout
homme bien élevé y était aussi familier avec la langue du Tasse qu'avec
celle de Cervantes, où M"** de Sévigné se plaisait à citer des vers de
rArioste, où Voiture eût écrit aussi facilement un sonnet en italien
qu'en castillan. La langue anglaise, la langue allemande ont fait du
tort à des idiomes dont Taccès nous était plus facile ; mais cependant,
ces idiomes, nous les négligeons moins qu'il y a quelques années, et
l'étude de Titalien surtout est assez répandue pour que bien des pères
de famille puissent nous savoir gré de leur signaler une collection
faite avec beaucoup de goût, beaucoup de soin et avec des précautions
permettant à leurs enfants de connaître tant de poètes, tant de pro-
sateurs illustres. Par Tindication des livres précédemment publiés,
nous vojons que les éditeurs de la Biblioteea délia Gioventù ont déjà
donné presque tous les classiques italiens : Dante : la Divina commedia;
le Tasse : La Gerusalemme; Pétrarque : Bime seelie ; T Arioste : Bellezze
delfOrlando; Tassoni : La Secchia rapt^a; Machiavel : Prose seelie; Boc-
cace; Sachetti, Bandello : Novellepurgaie; Celliai: la FiVa;Firenruola:
Prose seelie; Métastase: Drammi^ etc. Les volumes de cette biblio-
thèque que nous avons sous les jeux, sont eux-mêmes parfaitement
choisis, intéressants comme fonds et d'un excellent style ; nous y remar-
— 423 —
qnons Y(h$ervatore de Gozzi, ce spirituel joarnal écrit à rimitation du
Spectateur anglais, les lettres choisies d'Annibal Caro, de Galilée, de
Francesco Redi, an choix de morceaux dramatiques et de poèmes de
Montii le Visioni d'Alfonso Varano, ce poète que nous ne connaissons
pas assez et qui, dans raffadissementoù était tombée, au siècle dernier,
la littérature de sa patrie, eut le mérite de remonter tout à coup vers
Dante si négligé, et de demander à la Divine comédie^ la sève et la
force. Les voyages sont représentés dans ces volumes par ceux de
Marco Polo, par le pèlerinage en terre sainte de Simone Sigoli, deux
livres fort anciens, Fun du treizième siècle, Fautre du quatorzième,
deux teêti âxlingua. La langue italienne a été formée de si bonne heure
que les éditeurs ont pu admettre ainsi dans leur collection des ouvrages
d'une date très*reculée ; tels sont encore le petit livre intitulé
Fiùre di virtU, et le Trattatç del govemo délia famiglia. Deux des der-
nières publications de la Biblioteea délia Gioventù sont particulière-
ment intéressantes. Nous voulons parler de la Vie de Dante de Gesare
Balbo et d*une ancienne traduction de V Imitation de Jéius-ChriBt dont»
dans cette édition, on attribue Toriginal à Giovanni Gersen, abbé des
Bénédictins du couvent de Saint-Ëtienne de Verceil. Cette opinion^ au-
jourd'hui très-accréditée en Italie, n^'est du reste pas une chose nou-
velle. Elle a, nous le croyons, été émise pour la première fois, en 1738,
par Tabbé Yalart. Un boUandiste célèbre, Tabbé Ghesquiôres, et plus
tard, Tabbé Desbillons ont réfuté les arguments de Tabbé Valart, et
nous ne croyons pas que depuis on en ait produit de nouveaux en
faveur de sa thèse* Nous n^en n'avons, du moins, trouvé aucun dans
une préface assez longue, trop longue même, et écrite à côté du sujet,
qui précède l'édition de la Biblioteea délia Gioventù. Dans cette intro-
duction, on se contente de parler de Giovanni Gersen comme sUl était
Fauteur incontesté de Fadmirable livre. C'est là ce qu'il aurait fallu
prouver; il aurait même fallu prouver Texistence de Gersen, considérée
comme très-problématique par beaucoup de critiques. Aureste, quel que
soit Fauteur de V Imitation^ on a parfaitement fait d'admettre dans la
Biblioteea un livre incomparable, dont la version a mérité d'être re-
gardée comme te$to di lingua.
Il y a déjà sept ans que la, Biblioteea délia Gioventù existe, et chaque
année elle publie douze volumes ; nous sommes donc bien loin d'avoir
pu mentionner tous les livres qu'elle a mis au jour. Nous croyons
cependant que nous avons pu faire partager aux lecteurs du Polybiblion
notre opinion sur cette louable entreprise. Cette opinion est si favorable
que nous voudrions voir, en France, éditer une collection analogue,
à la portée des plus petites fortunes [50 c. le volume) offrant un choix
assez bien fait pour que la bibliothèque de la jeunesse puisse encore
être lue avec plaisir dans l'âge mûr ; éclaircie par des notes historiques
— «H —
ou littéraires, et enûn revêtae d'une approbation ecclésiaatique faite
ponr inspirer toute confiance aux parents. On pourra nous citer des
poblicationSi dont plusieurs sont très-estimables, qui semblent rentrer
un peu dans ce plan, mais elles s*en éloignent par divers côtés : prix
trop élevés, manque d'unité, publication d'ouvrages récents et dont la
valeur n'est pas encore établie. C'est à nos classiques seulement qu'il
faudrait demander les éléments d'une collection de ce genre, et ces
éléments, il 7 aurait lieu d'aller les chercher plus loin qu'on ne le fait
d'ordinaire. Le directeur de là Bibltoteca délia Gioventu n'hésite pas à
remonter au treizième siècle; à l'aide de glossaires, de notes ou de
traductions,nécessaires,àcause des variations que notre langue à subies,
nous pourrions en faire autant. Et que de bonnes et belles choses peu
connues du grand public^ parce qu'elles sont perdues au milieu d'autres
insignifiantes ou dangereuses, seraient alors répandues et appré-
ciées partout ; quel charmant volume^ fournirait Montaigne I — Une
collection ainsi comprise serait non-seulement une bibliothèque de la
jeunesse : elle serait aussi une excellente bibliothèque populaire et la
plus éloquente réponse à ceux qui accusent les catholiques de favoriser
rignorance. Th. de Pdtmaiorb.
HISTOIRE
OéosrapUe militaire de l*JBmplre d*ilLllemac^ne, traduite de
Tallemand avec Tautorisation de Fauteur, par E. X. Henri Ruhibrik,
licencié en droit, capitaine aux mobiles de la Charente. Paiîs, Sandoz et
Fischbacher, 1875. In-12 de 384 pages. — Prix : 3 fr. 50.
On a ici entre les mains un critérium topique pour juger si la supé-
riorité géographique de nos voisins d'outre-Rhin n'est pas un peu sur-
faite. Nous convenons très-volontiers que cet ouvrage n*est pas sans
mérite. Il est écrit simplement, avec méthode etdarté. Use divise na-
turellement en deux parties, États du Nord, États du Sud. La première
comprenant en vingt-deux paragraphes, la deuxième en cinq, la des-
cription des différentes principautés qui les composent. L'Alsace-Lor-
raine forme un chapitre spécial, rejeté à la fin du volume, qui se termine
par une table alphabétique assez complète. L'auteur n'a pas cru devoir
adopter, en général^ la description par bassin, suivie par Th. Lavallée
d9Jï9 n9k Géographie physique et mUiiaire, et qui est pourtant lajeule
répondant à l'idée exacte de la géographie. Il a considéré chaque état
successivement et donné d'abord une description sommaire des limites
et de l'aspect des pays, puis un court historique des familles princières
qui l'ont successivement possédé ou gouverné, ou qui en portent le titre.
Entrant alors dans la géographie proprement dite^ l'auteur décrit
l'orographie, les principaux cours d'eau, puis il passe aux produits et
— 12ë -
ressources da pays, notant avec soin les centres de production cheva-
line et les dépôts de remonte, et termine par Texposé des divisions
administratives, où chaque localité est citée avec plus ou moins de
détail, selon son importance. Ce plan est rationnel, mais il force à des
redites que [le système de Tétude par bassin éviterait avec avantage^
selon nous. Il n^est parlé que des routes qui, passant sur les plateaux,
peuvent servir de lignes d'opérations aux armées, — les chemins de fer
sont également en peu laissés danaTombre ; — de grands détails sont
donnés sur rétat militaire des différents Etats ; le traducteur les a
complétés (p. 30 et suivantes), pour la confédération du Nord seulement,
par un tableau synoptique présentant la situation en 1872 ; c'est donc
aigourd'hui un renseignement purement historique. Nous félicitons
Tauteur anonyme allemand d'avoir su se dispenser des rotomontades
prussiennes ordinaires, qui n'ajoutent rien à la valeur d'un travail
sérieux et surtout technique comme celui-ci, et de ne s'être pas donné
le ridicule de soutenir des assertions dans le genre de celles éditées
par je ne sais plus quel manuel géographique allemand, qui prétend que
M. de Lesseps, quand il entreprit le percement deTisthme de Suez,
était consul de Prusse (!) à Alexandrie. •• En somme, cet ouvrage n'est
pas mal fait, et ne manquera pas d'utilité pour les Français qui vou-
dront le consulter, bien qu'après les travaux desLavallée, Levasaeur et
autres, il ne nous paraisse pas combler une lacune.
F. DB ROQUBFBUIL.
Histoire de» persécution» de FB^^Use» Jusqu'il la fln des
A^ntonlns, par B. àubâ, professeur de philosophie au lycée Fontanes.
Paris, Didier, 1875. In-8 de 470 p. — Prix : 7 francs.
Les savants d'autrefois comptaient, dans les cent quatre-vingts pre-
mières années de l'Église, quatre persécutions,auxquelles les empereurs
Néron, Domitien, Trigan et Marc-Aurèle ont laissé leur nom ; M.^ Aube
a découvert et prétend démontrer que ce n'est là qu'une vieille erreur.
L'auteur divise son livre en huit chapitres. Dans le premier, il re-
trace l'histoire de ce qu'il appelle les disêentiments intérieurs de t Église
primitive; dans les autres, il soumet à l'exaimen de la critique toutes les
persécutions, depuis celle des Juifs contre Jésus et les premiers disci*
pies, jusqu'à l'avènement de Commode. Deux appendices terminent
l'ouvrage : ce sont des dissertations sur la légalité du christianisme
dans l'Empire romain pendant le premier siècle, — et sur l'authenticité
des actes du martyre de sainte Félicité et de ses fils.
On retrouve, dans ces pages, les assertions que l'incrédulité répète
depuis cent ans, an nom de la science. Pierre et Paul ont les pensées
et les tendances les plus contraires. Avec Pierre, attaché aux pratiques
de la Loi mosaïque, nous trouvons Jacques, qni semble être chef suprême
— 426 —
de l'Église naissante, et Jean qui reste fidèle au parti judaïque, et
écrit contre Paul et contre les persécuteurs VApocalypsCy n Bymne de
la vengeance (p. 358). » Paul, ennemi irréconciliable des observances
d'Israël, a pour lui tous les païens convertifl.
Des deux côtés, on échangeait de dures paroles. « On se traitait de
blasphémateur et de faussaire, de visionnaire et de snppôt de
Satan (p. 34). » Les choses allèrent si loin que nous ne pouvons
supposer qu'il y ait eu, entre les deux plus célèbres apôtres, « une ré*
conciliation, même in exiremi» (p. 125). »
La négation du dogme chrétien n'est point, cependant, la partie
principale du livre. M. Aube veut surtout raconter les premières
persécutions, — c'est-à-Sire en contester l'existence. Il résume ainsi
sa pensée : « Pendant ces deux siècles, on peut dire, en général, que
les chrétiens ont joui, en fait, d*une tolérance à peu près complète
de la part du pouvoir politique (p. 3d2). s II suit, en effet, dans le
détail, chacun des règnes : et, de ce grand nombre de martyrs qu'ad<-
met la tradition chrétienne, bien peu échappent à sa haute critique.
Ce n'est pas asses, toutefois, d'atténuer la persécution; notre auteur
réussit presque à. la légitimer. Pilate n'a point dû hésiter, lorsqu'on lui
demandait la mort de Jésus, que condamnait a l'autorité loosle et com-
pétente, agissant légalement (p. 40). s Saint Etienne, « jugé selon
(t les formes..., périt apparemment comme blasphémateur de la Loi
(p. 44). s Néron voulut « purger Rome d'un trop-plein d'étrangers
sans aveu et sans nationalité, écumer, si je puis dire, la lie de la
cité (p. 104). » Les chrétiens étaient alors « un gibier de police
tout préparé (p. 107). • Les autres empereurs, les Antonins sur-
tout, se proposent de sauver l'état, en poursuivant ces hommes qui
i professent le mépris de la patrie, amollissent les âmes par un
nupticisme énervant, les détachent des mâles devoirs et des rudes
obligations de la vie civile et militaire, et, par leurs attaques et leurs
enseignements, creusent, sans bruit, la mine où la fortune de Rome
s'engloutira (p. 400). »
Voilà le livre que M. Aube vient de donner an public* Ce n'est
point une œuvre de savant : l'auteur se platt surtout à citer M. Renan ;
il invoque peu les docteurs allemands, et discute volontiers avec les
archéologues d'Italie.
Le style manque de couleur et de mouvement, et ressemble trop au
style d'un mémoire. Nous avons même relevé des négligences plus
graves ; nous avons lu fétlat dune haine, éclai cTharreur^ pour une haine,
une horreur qui éclate. Nous avons noté le mot iwrehauffé^ les expres-
sions : colloque impoeeible^ fanatieme à fleur de peau^ — votif criez aprh
euXf — les chrétien» de chez eux^ comme on dit les gens de chez nous.
Mais ne reprochons pas sévèrement à l'écrivain ces fautes de lan-
— 127 —
gage : c'est une qualité, poar une œuvre de ce genre^ de n'avoir point
la séduction du style qui, trop souvent en France, assure le succès aux
plus méchants livres, Euq. Poussbt.
Histoire de l'ËflplIae catliollciiie en nrence, par Mgr Jager.
Tome XX. Paris, Adrien Le Clere, 1875. In-8 de 588 p. —Prix: 6 fr.
En ouvrant ce vingtième et dernier volume de Y Histoire de PÉglùe catho'
ligue enFrance^ publiée sous le nom du regrettable Mgr Jager, je crai-
gnaisden'j trouver qu*un abrégé de l'ouvrage écrit par le même auteur,
en 1852, sous le titre S Histoire de t Eglise de France pendant la révo-
lution,S vol. in-8. Dans les volumes de 1852, je n'avais guère rencontré
qu'une analyse du Moniteur, et j'avais été complètement trompé en ne
découvrant presque aucun renseignement sur les événements accompli^
après le 26 février 1785, c'estrà-dire après l'abolition da culte officiel.
Heureusement, mes craintes étaient mal fondées ; dans l'ouvrage publié
en 1875, on cite assez souvent plusieurs histoires particulières qui
fournissent abondamment des renseignements d'une grande valeur*
La principale difficulté que devait rencontrer l'auteur était de faire
entrer, dans un cadre aussi étroit, tant de faiis d'une importance
majeure : on peut dire qu'il l'a vaincue avec succès. Ses récits, néces-
sairement fort abrégés, sont empreints de la teinte sombre qui convient
aux tristes tableaux qui se pressent sous sa plume. Il n'a garde
néanmoins d'oublier les traits héroïques que la foi et la charité pré-
sentent de toutes parts durant ces jours où les vertus chrétiennes
brillèrent du plus vif éclat près des vices les plus honteux et des
crimes les plus noirs. A côté de la Convention proscrivant en masse
tous les membres du clergé fidèles à leurs serments, on admire la
charité de Pie YI, du cardinal Qioannetti, à Bologne, du cardinal
Mattei, à Ferrare, du cardinal Lorenzana et de Févéque d'Orense, de
Que vedo, en Espagne. L'Allemagne, la Suisse, TAngleterre surtout
rivalisent de générosité envers les proscrits. La mort de Louis XVI,
de Marie-Antoinette, de M""* Elisabeth et d'une foule d'autres victimes
si grandes dans leur simplicité, soulagent l'esprit des horreurs com-
mises par les montagnards et des l&chetés non moins repoussantes des
girondins.
On aime à voir l'auteur s'appliquer à faire ressortir le caractère
avant tout religieux du soulèvement des populations de l'Ouest. Il
allègue avec raison les manifestes de la Vendée, à son début; il aurait
peut-être pu citer aussi le manifeste des paysans manceaux, présenté
au district d'Ëvron, inspiré par les mêmes principes et publié plusieurs
mais avant le soulèvement de la Vendée. (V. l'Église du Mans durant
la Bimtution, t. I, p. 380.)
Il n'est point d'âme si froide qui puisse demeurer indifférente en
— liB —
«^*«.ii« des combâte Utrés p*r l'»mé« catholique, des affreuses «da-
Lur.rsa mine, ei de. atrocité, commis, par l'armée répubUcame.
S «Wes' P?lttt «on plus qui ne «>lt profondément émue a la Tue de
!L .rirT» martj» qui arroaèrent de leur nng le. échafaud. de la
Z^;^^ rSHmouT^it ert le .peetale de ««i con««««» de U
ÎÏ^Undl^wnU* long. tourmenUda». lUed'Aix, p>«. ^oà^^^
tRÎîltîuî. uu Sk du bS à BUj*. et d.» mitte «*«. endjorti. car
K t^^la ÛbU ee eo^^it «biteas-t de geMea. d.» l-q«ll«
ax^ ï« *o«t aam w*le> ««»««»<*««« *»^ »~ ■•»" "
«o«^« Gérant l*«w «•¥«*«« «f^ -..yi, ^
^ B««aV éTê<p« de Troy«a, ^S79, ^ de »n«l, :^«»^
«odific d'après 1« wn»igii«entB «iwnnspBrM. de la QmtmoB,
dans «M» livre: les ftrti«*^i»*w*»' .
Lwjog^wnts qu'il porte «UT Grégoire, «r Bovin, «• THieiw,
,Bf»e*t»rle cardinal Oapra», bow «fmW«n de-veir Témir ta» 1«
«dftages. Il en «era de ««me. nous le croyons, po«r las^fréaiiMM
sur l9pT«ner coMol et le concordat. De U pm do Sw^wam Pw**
èî de CoBMlvi. le concordat fat un acte dicfté par les fans ta ph»
pores de religion ; de la part du prewer conwl, ce fat m acte d'b^
politique, entaché de «auwise foi par l'immixtiomnihreptiee d«««MW
©^«liqnes. Bn «onme, ce ftat une neane avantageve à r^i«, «
qui eat une portée beaucoup plus grande que »c l'awii ^éva cal»
oui le pwnnier laprovoqna. 1>« ï*«» ^"^
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ISTS. hx-^ de K«<^» T*»?^. — ^rix : ji fr.
d»8 wn IWifqrretfeg /wPBweNW gfTWiBm^
- 129 —
la mcmarchiepaqufa noêjowrty noos araieni précédemment raconté les
grandes luttes nationales contre les Germains, Tentons, Saxons et
antres enyahisseurs d*oatre-Rhin. M. Tabbé Derameconrt embrasse
anjonrdlini nn cadre pins large, plus complet et qni comprend Fhistoire
de France tont entière. Nons Fen félicitons. An milieu des désastres
contemporains, il est bon d*étndier comment la Franca de nos pères
8*e8t inunortalisée dans les guerres soutenues pour son indépendance |
comment elle a supporté, dans la fortune adverse, des démembrements
comme celui de Bretignj, plus douloureux peut-être encore que ceux
dont nous sommes témoins, et comment elle s^est relcYéepar la foi en
Dieu, la fidélité à la rojauté^le travail et le sacrifice. L^histoire consi-
dérée de bauty a n*est pas seulement, dit Cicéron, la dépositaire des
éyénements et le témoin de la vérité, elle est encore Tâme des sou-
venirs et la grande conseillère de la vie humaine. » A ce titre, Ton*
Tragede M. Derameconrt est bon à lire et à méditer, quand même il ne
joindrait pas, comme le talent de l'auteur Ta pu réaliser, le mérite lit-
téraire àTintéret des faits. M. Derameconrt, selon son programme, fait
Fhistoriquede la défense nationale depuis César etyercingétorix(chap.i,
p. 5 à 45) jusqu'au traité qui nous a arraché l'Alsace et une partie de
la Lorraine. En six chapitres, il passe en revue les Invasions barbares,
la guerre de Cent ans, période parfaitement bien traitée selon nous
(p. 85 à 215); la grande lutte entre les maisons de France et d* Autri-
che (chap. iv); les guerres de TEmpire et de la Révolution, et enfin
l'Invasion allemande de 1870. Cette dernière partie est traitée avec
beaucoup plus de détails que les autres, et nous le regrettons presque :
— les ouvrages spéciaux tant militaires que politiques abondent sur
cette période, et le détail des marches et contre-marches de tel ou tel
corps belligérant est encore su£9samment présent à tous les esprits ;
il demande, d'ailleurs, à être exposé par une plume technique. Il nous
semble que si Fauteur avait un peu raccourci ce chapitre, s'en
tenant anx grands enseignements moraux d'une lutte si tristement
menée matériellement de notre côté, mais si féconde en si^gets de
réflexions sur les vraies conditions de la vie et de la grandeur d'une
nation, il aurait pu s'étendre davantage sur les chapitres précédents,
trop rapides en quelques-unes de leurs parties. Malgré ce desideratum^
nous n'éprouvons aucune hésitation à louer Y Histoire de la Défense na^
lianak et à la recommander à tous les esprits réfléchis et patriotiques.
Nous ne doutons pas que sa lecture ne soit pour beaucoup pleine de
charme et d'intérêt, et que Fauteur ne recueille dans les suffrages de
ses lecteurs la juste récompense de ses travaux.
F. DB ROQUBFBUXL.
Août i87ii. T. XIV, 8.
— 128 —
présence des combats livrés par Tarmée catholique, des affreuses cala-
mités de sa ruine, et des atrocités commises par Tarmée républicaine.
Il n'en est point non plus qui ne soit profondément émue à la vue de
ces nombreux martyrs qui arrosèrent de leur sang les échafauds de la
Terreur. Non moins émouvant est le spectale de ces confesseurs de la
foi qui endurèrent de longs tourments dans 111e d*Aix, près Rochefort,
à Bordeaux, au fort du Hâ, à Blaje, et dans mille autres endroits, car
la terre de la liberté se couvrit subitement de geôles, dans lesquelles
les plus afflreux scélérats firent endurer tous les tourments à ceux qui
avaient le cœur assez noble, la conscience assez droite pour ne pas se
courber devant leurs caprices impies.
Sans doute, il serait possible de signaler beaucoup d*oublis ou
d'omissions dans les noms des victimes qui offrirent leur vie pour
Dieu et la patrie; nous regrettons, en particulier, que Ton ait passé sous
silence la mort des quatorze prêtres exécutés à Laval le 21 janvier
1794, d'autant plus que la cause de leur martyre est absolument
exempte de toute couleur politique. Nous dirons aussi que plusieurs
noms propres n*ont pas été reproduits avec assez d'exactitude, comme
de Bessal, évéque de Troyes, p. 279, pour de Barrai; Pierre Denain,
p. 297, pour Denais; Belmar, évéque de Cambray, p. 427, pour Bel-
mas. Ce sont de simples fautes d'impressions, mais qui ont une certaine
importance. Il nous semble que Fauteur ne s'est pas exprimé d'une
manière sufiftsamment complète sur Torigine de la petite Église, p. 248,
et nous croyons que son jugement sur le général Hoche doit être
modifié d'après les renseignements fournis par M. de la Ooumerie,
dans son livre : les Ruines de Quiberon.
Lesjugements qu'il porte sur Grégoire, sur Bemier, sur Theiner,
même sur le cardinal Caprara, nous semblent devoir réunir tous les
suffrages. Il en sera de même, nous le croyons, pour les appréciations
sur le premier consul et le concordat. De la paii du Souverain Pontife
et de Gonsalvi, le concordat fut un acte dicté par les vues les plus
pures de religion ; de la part du premier consul, ce fut un acte d'habile
politique, entaché de mauvaise foi par l'immixtionsubreptice desarticles
organiques . En somme, ce fut une mesure avantageuse à l'Église, et
qui eut une portée beaucoup plus grande que ne l'avait prévu celui
qui le premier la provoqua. Dom Paul Piolin .
Histoire de %m Oéfeose nationale en France» depuis Vlnvaiion
romaine jusqu'au traité de Francfort, par l'abbé A. Derambcourt, prêtre de
la Société de Saint-Bertin, ancien professeur d'histoire. Paris, Olmer,
1875. In-8 de 580 pages. — Prix : 5 fr.
M. Heinrich, dans ses Invasions germaniques en France^ et M. F.Combes,
dans son Histoire des Invanons germaniques en France ^ depuis Vùrigine de
- 129 —
la numarchiejttsqu'a nosjours^ nous avaient précédemment raconté les
grandes luttes nationales contre les Germains, Teutons, Saxons et
autres envahisseurs d'outre-Rhin. M. Tahbé Deramecourt embrasse
aujourd*hui un cadre plus large, plus complet et qui comprend Thistoire
de France tout entière. Nous Ten félicitons. Au milieu des désastres
contemporains^ il est bon d'étudier comïnent la Franca de nos pères
s*est immortalisée dans les guerres soutenues pour son indépendance ,
comment elle a supporté, dans la fortune adverse, des démembrements
comme celui de Bretigny, plus douloureux peut-être encore que ceux
dont nous sommes témoins, et comment elle s'est relevée par la foi en
Dieu, la fidélité à la royauté^ le travail et le sacrifice. L'histoire consi-
dérée de haut, « n'est pas seulement^ dit Cicéron, la dépositaire des
événements et le témoin de la vérité, elle est encore Tàme des sou-
venirs et la grande conseillère tie la vie humaine. » A ce titre, l'ou-
vrage de M. Deramecourt est bon à lire et à méditer, quand même il ne
joindrait pas, comme le talent de l'auteur l'a pu réaliser, le mérite lit-
téraire à l'intérêt des faits. M. Deramecourt, selon son programme, fait
l'historique de la défense nationale depuis César et Yercingétorix (chap.i,
p. 5 à 45) jusqu'au traité qui nous a arraché l'Alsace et une partie de
la Lorraine. En six chapitres, il passe en revue les Invasions barbares,
la guerre de Cent ans, période parfaitement bien traitée selon nous
(p. 85 à 215) ; la grande lutte entre les maisons de France et d'Autri-
che (chap. iv); les guerres de l'Empire et de la Révolution, et enfin
l'Invasion allemande de 1870. Cette dernière partie est traitée avec
beaucoup plus de détails que les autres, et nous le regrettons presque :
— les ouvrages spéciaux tant militaires que politiques abondent sur
cette période, et le détail des marches et contre-marches de tel ou tel
corps belligérant est encore 8u£9samment présent à tous les esprits ;
il demande, d'ailleurs, à être exposé par une plume technique. Il nous
semble que si Tauteur avait un peu raccourci ce chapitre, s'en
tenant aux grands enseignements moraux d'une lutte si tristement
menée matériellement de notre côté, mais si féconde en si^gets de
réflexions sur les vraies conditions de la vie et de la grandeur d'une
nation, il aurait pu s'étendre davantage sur les chapitres précédents,
trop rapides en quelques-unes de leurs parties. Malgré ce desideratum^
nous n'éprouvons aucune hésitation à louer Y Histoire de la Défense na*
tionaleei à la recommander à tous les esprits réfléchis et patriotiques.
Nous ne doutons pas que sa lecture ne soit pour beaucoup pleine de
charme et d'intérêt, et que Tauteurne recueille dans les suffrages de
ses lecteurs la juste récompense de ses travaux.
F. DB ROQUBFBUIL.
AOUT 187o. T. XIV, 8.
— 130 —
tilvallté de François !•' et de Gharles-Quint» par M. Mignet,
de TÂcadèmie Êrançaise, secrétaire perpétuel de rAcadémie des sciences
morales et politiques. Paris, Didier, 1873. 2 vol. in^ de 562 et 503 p. -^
Prix: 15 fr.
On attendait depuis longtemps un ouvrage magistral de M. Mignet
sur ce seizième siècle qu'il connaît si bien, qu'il a étudié avec
tant de soin et d'amour. Cet ouvrage, dont une partie déjà avait paru
dans la Reme des Deux-Mondes, vient enfin d'être publié. Il embrasse
les trente premières années du siècle, et est limité plus particulièrement
par deux grandes dates de notre histoire : la bataille de Mariguan et
la paix de Cambrai. C'est la période historique de la branche des
Valois, c'est l'apogée de la puissance espagnole et le commencement
de cette lutte séculaire de la maison de France avec la maison d'Au-
triche. La lutte, ici, se personnifle dans deux hommes différents par le
caractère, mais grands tous deux, et très-dignes de passionner un his-
torien comme M. Mignet. Ce livre, en effet, est le plus vivant et, à
tout prendre^ le plus remarquable qui soit sorti de la plume du savant
auteur. Il est le plus travaillé^ le plus impartial, et il laisse loin
derrière lui YSistoùre de la Révolution française ou YHiêtoire de Marie
Siuùfi.
Faai-il, en quelques lignes, rappeler le sujet de ces deux volumes )
Ils s'ouvrent par une introduction destinée à bien établir la situation
de la France vis-à-vis de l'Italie sous Charles YIII et Louis XIL
Puis, après le glorieux avènement de François P' et ses premières
victoires, arrive la grande affaire de l'élection à l'Empire, en 1519,
terminée par le triomphe de Charles-Quint, par la sanglante défaite
de Pavie, la captivité du roi et le traité de Madrid. La seconde partie
de cette rivalité implacable ne noua mène qu'à la moitié du règne de
François I*' (1520) ; et M. Mignet aurait encore une longue période à
parcourir, s'il voulait donner à ce récit sa conclusion véritable, en
retraçant l'histoire jusqu'à la trêve de Vaucelles ou même au traité de
Câteau-Cambrésis (1559). Il irait ainsi se rattacher aux dernières
lignes d'un plan qu'il a tracé lui-même, il j a quelques années, en
écrivant son livre sur l'abdication et la mort de Charles-Quint.
L'auteur a accumulé sobrement et sans affectation, dans son nouvel
ouvrage, tous les documents propres à en faire une œuvre définitive.
Il ne s'est pas bonié> en effet, aux sources vulgaires ; mais on s'aper-
çoit qne les grands dépôts de manuscrits, les publications de pièces
d'archives, en France comme à l'étranger^ n'ont rien pour lui d'in-
connu. Les documents diplomatiques et autres, qu'il cite en note,
seraient ses garants, s'il en avait besoin , mais ses récits dramatiques
ne sont interrompus par rien d'inutile, et il nous donne vraiment le
modèle de la grande histoire. Les intrigues mêmes qui accompagnèrent
— 13! —
réleetion du pape Clément VIT, — lequel « était le plus opiniâtre des
candidats et était entré dans le conclave avec la résolution de n*en
sortir que pape, » — sont racontées d'une manière fort convenable.
De telle sorte que les plus difficiles n'ont guère de réserves à faire
sur un livre assurément fort digne du grand succès qu'il obtient.
GuBTAVB Baousnault db Puchbsbb.
I>ébrlfli de Qulberon, Souvenirs des désastres de 1795, suivis de la
liste des victimes, rectifiée, d'après les documents de la collection Hersart
du Bnron, et tous autres titres contemporains et authentiques, par Eugénb
DE LA GouRNBRiB. NantCB, LibaTOs. 1875. In-8 de 201 p. — Prix : 2 îr.
L'histoire de Quiberon est faite depuis longtemps, dit l'auteur de cet
intéressant ouvrage, composé d'une série d'articles les plus émouvants
qu'ait publiés, depuis longue date, une vaillante et laborieuse revue
de province, la Bévue de Bretagne et de Vendée. Oui, Thistoire de Qui-
beron est faite, si l'on parle de l'histoire générale de ce désastreux
épisode de nos guerres civiles, mais non pas si l'on parle de son his-
toire particulière, au sujet de laquelle une foule d'erreurs accréditées
demandent rectification ; non pas, si Ton veut entrer dans le détail
d'héroïsmes peu connus, de dévouements ignorés, de souffrances qui
n'ont pas eu d'écho ; non pas si l'on accepte pour exactes la liste offl-
oielle des victimes, gravée sur le monument de la chartreuse d'Auraj,
ou toutes celles fort nombreuses qui ont été publiées. M. de la Oour-
nerie, avec la patience à toute épreuve et la conscience remarquable
qu'il apporte dans tous ses travaux, a entrepris de rétablir la véritable
physionomie de ces journées de deuil et de souffrances sans nom, de
retrouver la trace de toutes les victimes, de compter, autant que poflh
sible, les familles éteintes à la suite des épouvantables massacres de
Vannes, d'Auraj et de Quiberon, de rechercher ce que sont devenues
celles de ces ouvriers, de ces laboureurs, de ces pauvres prêtres^ qui
parleurs humbles noms réunis forment la majorité sur laliste définitive
dont le total» après suppression des doubles emplois^ addition d'oublis
et rectification d'erreurs nombreuses, atteint le chiffre de neuf cent
quarante-deux. Examen minutieux des documents officiels et des
minutes du greffe conservées aux archives de Vannes, de l'enquête
dressée par M. Hersart du Buron, ou des souvenirs manuscrits de M. de
Nojelle, l'un des échappés du massacre, notes demandées aux familles,
voyages sur les lieux, M. de la Gournerie n'a épargné aucune peine
pour arriver à l'exactitude rigoureuse que réclame l'impartiale histoire.
Nous lui devons une sincère reconnaissance d'avoir mené à bon terme
un travail aussi épineux, car, si l'esprit se détourne avec horreur de
tant de scènes de carnage, combien n'est-il pas touché de tant d'admi-
rables traits d'héroïsme et de dévouement : les captifs prisonniers sur
— 132 -
parole qui ne veulent tenter aucun projet d'évasion sur la route de
leur calvaire entre Auray et Vannes, lorsque la nuit les favorise et que
les troupes républicaines, émues de compassion, leur offrent, pour
ainsi dire, leur aide et leur silence ; les ofûciers des commissions, qui
se refusent à jouer le rôle de bourreaux ; ces saintes femmes de Vannes
et d'Aurây qui vont visiter les condamnés et leur apporter, au péril
de leur vie, les secours du corps et de l'àme, favorisant l'évasion des
uns, conduisant aux autres des prêtres insermentés. . . « Les républicains,
dit M. de la Gournerie, célèbrent avec raison leur Haudaudine. Les
royalistes seraient plus embarrassés, parce que les Haudaudines, chez
eux, furent sans nombre, et on les tua tous, tandis que THaudaudine
républicain^ le Regulus nantais ne fat pas tué.
Ce livre est donc, à la fois, une œuvre historique sérieuse et une
œuvre morale bien faite pour relever nos esprits et nos cœurs. De
pareils souvenirs, après les scènes analogues que nous avons vu se
renouveler en 1871, sont fort opportuns à rappeler et & préciser. 11 y
a là un enseignement qu'avec notre légèreté habituelle, nous sommes
beaucoup trop portés, sinon à dédaigner, du moins à laisser dans
l'ombre. Rbnb Kbrvilbr.
I^a Chouannerie du Maine et pays adfjacentji, — 1793,^1799, —
1815, — 1832, — avec la biographie de plus de 120 officiers, y compris les
généraux d*Andigné, de Frotté, Cadoudal, parTabbé Paulouin. Le Mans,
Ed. Monnojer, 1875. 3 yoL in-12 de xxvii-296, 314 et 295 p. —Prix : 7 fr. 50.
Qu* est-ce que la chouannerie, où a-t-elle pris son origine ? A-t-elle
pour père, comme le prétend Duchemin-Descepeaux, répété par tous
les autres historiens, un « contrebandier gracié par son roi, qui, pour
son coup dressai, surprend et tue dix-huit hommes sans défense et en
blesse un plus grand nombre ? n Â-t-elle pour berceau la Mayenne ou
la Bretagne ? Telles sont les questions qu'examine M. l'abbé Paulouin,
et qu*il résout, pièces en main, d'après les documents authentiques et
les traditions locales. La chouannerie est mancelle ; elle est née dans
la Sarthe, au bord des bois de la Petite-Charme, dans les cantons
d'Epineu-le-Ghevreuil, Loué, Conlie, Rouez-en-Champagne ; les pre-
miers Chouans sont, non pas des contrebandiers, mais des culti-
vateurs irrités de la persécution religieuse à laquelle ils sont en
butte; ils empruntent leur nom à un oiseau de nuit dont le cri leur
sert de ralliement, et ils prennent les armes pour Dieu et le Roi. Dés
le 11 mars 1793, ils menacent le Mans; c'est leur début dans la carrière
militaire. Leurs chefs sont, pour la plupart, de simples paysans qui,
pour ne pas compromettre leurs familles, s'affublent d'un nom de
geurre : Tranquille, Moustache^ Saint-Paul, Ftit va de bon cœur, Tan-
crède. Jambe t argent, Brise bleue ^ etc . Le chiffre des bandes attein
— 133 —
parfois jusqu'à neuf cents hommes ; malheureusement ces bandes ont
peu de cohésion entre elles ; chaque chef opère de son côté, et lorsque
les princes veulent envoyer un officier supérieur prendre le comman-
mandement de tous ces corps épars, ce chef n'est pas to!:uours obéi.
Aussi y a-t-il peu de faits d'armes importants; ce sont, la plupart du
temps, des exploits isolés, brillants, intrépides, mais dont le résultat
n'exerce pas d'influence sérieuse. Acharnés, d'ailleurs, d'une fidélité à
toute épreuve comme leur courage, les chouans ne posent un instant
les armes, en 1796, que pour les reprendre en 1799. Sous l'Empire, la
pacification est plus complète ; mais, lorsque la fortune de Napoléon
fléchit, dès 1813, les chouans du Maine rentrent en lice ; en 1814 et
1815, le soulèvement est général, et, en 1832, la branche aînée vaincue
trouve là encore de zélés et dévoués partisans.
Telle est l'histoire que M. l'abbé Paulouin raconte, d'après les récits
qu'il en a entendu faire lui-même souvent dans sa propre famille :
histoire d'épisodes plutôt qu'histoire d'ensemble, mais qui révèle bien
des faits inconnus et des physionomies oubliées.
Une série de notices biographiques sur les principaux officiers de la
chouannerie du Maine complète cette œuvre, qui sj termine par une
liste des sobriquets les plus connus de ces modestes et vaillants défen-
seurs de la monarchie. Maximb db la Rochbtbrie,
Histoire du second Empire» par M. Taxile Delord, membre de
rAssemblée nationale. Tome YI. Paris, Germer-Baillière, 1875. In-8 de
640 p. — Prix : 7 fr.
M. Taxile Delord termine aujourd'hui^ par un sixième et dernier
volume, son Histoire du second Empire. (Pour les précédents, voir le
Polybiblion, t. X^ p. 105 ; t. XI, p. 26, et t. XII, p. 166.) Les faits
qui 7 sont retracés et qui s'étendent depuis le plébiscite jusqu'à la
journée du 4 septembre, apparaissent comme le dénoûment du long
drame où Napoléon III, comme conduit par la main de la fatalité an-
tique, a passé par toutes les épreuves de la prospérité et de l'infortune,
de l'élévation et de la chute. On l'avait cru habile, quand il n'était
qu'heureux ; profond, quand il n'était qu'irrésolu ; capable de grandes
pensées^ quand il n'était que rêveur ; maître des événements, quand il
ne faisait que les suivre. La manière dont il est tombé a donné la
vraie mesure de sa grandeur ; et l'histoire a désormais percé à jour le
nuage qui l'avait si longtemps entouré.
Nous ne referons pas^ avec M. Taxile Delord, le récit de cette
néfaste année 1870 qui, après avoir donné quelques instants d'illusion
aux amis d'une sage liberté, a livré bientôt le pays aux aventures
d'une diplomatie sans prévision et sans prudence, et d'une administra-
tion militaire aussi ignorante que présomptueuse. Ce sont des faits
- i34 —
trop de fois reproduits par tous les acteurs et témoins, et par ceux qui
en sont les détracteurs et par ceux qui s'en sont montrés plus ou
moins les apologistes.
M. Taxile Delord les retrace avec précision et clarté, mais sans révé-
lation nouvelle. Il accorde^ sans doute, un trop grand et trop beau rôle
aux amis qu'il patrone, aux idées qu'il préconise. Quel est l'historien
contemporain qui peut s'abstraire assez de ses opinions personnelles
pour garder une impartialité absolue? Mais, en somme, il se montre
instruit, modéré, équitable. La plupart de ses jugements ne sauraient
se réfuter. La conclusion, qui termine le sixième volume et tout l'ou-
vrage, quoique sévère, est le tableau vivant, le résumé intéressant et
fidèle de ces dix-neuf années, pendant lesquelles Napoléon III a été,
pour le bien ou pour le mal, le maître souverain des destinées de la
France.
Celui qui aura lu, avec cet esprit de critique intelligent et attentif,
les six volumes de M. Taxile Delord, pourra se rendre le témoignage
qu^il a été mis à même de connaître exactement une des époques les
plus curieuses et finalement les plus tristes de l'histoire de la France.
Gustave Baoubnault db Puchbssb.
Versailles pendant l'occupation. Reeueil de documents pour servir
à r histoire de Vinvasion allemande, publié par E. Delebot. Paris, Pion, 1873.
Gr.-in S de 322 p. ^ Prix :bîr.
a II est absolument nécessaire que les contemporains de la dernière
guerre témoignent de ce qu'ils ont vu et soufiert ; il y a là, pour nos
enfants, une leçon terrible qu*il nous est interdit de ne pas leur léguer. •
Ces lignes de Tavertissement placé en tête de ce volume résument le
livre de M. Delerot, peinture fidèle, bien qu*émue, de tout ce que la
ville de Versailles a a vu et souffert » pendant Tocoupation prussienne,
du 19 septembre 1870 au 12 mars 1871. On sait quels sont les actes
ordinaires de l'invasion allemande : réquisitions, exactions, vexations,
cruautés, le tout assaisonné de cette grossièreté brutale dont nos
ennemis ont le secret. Les excès de tout genre commis dans les pays
occupés sontà peu près partout les mêmes; mais, à Versailles, un intérêt
tout particulier t'attache à leur étude. C'est qu*ici tout se passait sous
les jeux du roi et du grand quartier général, souvent sous la haute
inspiration du chancelier fédéral. Aussi, le zèle des employés de toute
sorte, inspecteurs de police, conseillers intimes, assesseurs, offlcien
de gendarmerie et autres, docteurs es réquisitions, se réchauffe-t-il à
ce puissant foyer. Les accusations les plus arbitraires, les défiances les
plus ridicules poursuivent de tranquilles habitants qui sont aussitôt
incarcérés et transportés en Allemagne.
M. Lesourd, secrétaire d'ambassade, coupable d'avoir remis au
— I3K —
chancelier la déclaration de guerre de juillet 1870, à Berlin, est enleyé
et conduit à Mayence. Deux jeunes substituts, M. de Rajnal, accusé
de ne pas vouloir révéler unnom effacé sur un carnet intime ; M. Harel,
auquel on reproche de ne pas trahir le secret de son ami, sont trans*
portés à Minden. Le maire de Versailles, qui s'honore par sa coura-
geuse résistance à des réquisitions excessives, et plusieurs conseillers
municipaux, sont jetés en prison.
Mais les policiers allemands ont beau se couvrir de gloire, ils sont
de beaucoup dépassés par le a préfet de Seine-et-Oise o prussien.
M, de Brauchitsch mériterait d'être étudié comme un curieux produit
de la culture germanique. De ses ingénieuses combinaisons flnan*
cières, nous ne citerons qu*une seule. La ville, déjà fortement pressurée,
est frappée par M. le préfet d'une amende eiorbitante; on ne peut
trouver les fonds; que faire?... Heureusement^ derrière M. le préfet,
montrant une oreille Israélite, se tient quelque fils de Lévi, accouru
d'Allemagne à la curée,c*estM. Betzold, M. Baron, ou quelque autre...
L'honorable négociant veut bien offrir à la ville, et aux meilleures
conditions, les fonds nécessaires. Pour références, il apporte une pra-
tique déjà ancienne de ce genre d'opération; il a déjà rendu les mêmes
services à Nancj et à d'autres villes envahies, et par conséquent sai-
gnées à blanc (ce sont choses connexes).
Cette tendance à faire de la guerre, Ixors de son territoire, un vaste
ensemble d'opérations Ûnancières, à comptabilité expéditive, appar-
tient en propre, et de longtemps, à la race germanique. On a pu la
voir, depuis la guerre, mendier, à la conférence de Bruxelles, une
consécration officielle.
Avons -nous besoin de dire, après ce qui précède, que le livre de
M. Delerot respire la haine de l'étranger f C'est donc une œuvre
utile, car la haine de l'étranger est la seule meilleure sauvegarde
d'une nation, dans la guerre et dans la paix.
J. OOUBTHAL.
Eie« drapeaiiiz francal*. étude hisimquef par le comte L. dk BouiLLft.
Deuxième édition, considérablement augmentée, et accompagnée de i23
dessins. Paris, Librairie militaire de J. Dumaine, 1875. In-8 de iii-352 p.
et XIX planches. — Prix : 8 fr.
La première édition des recherches de M. de Bouille sur Thistoire
des drapeaux français (1872, in-lô de 80p. et xii planches) ne fournis-
sait, pour la période antérieure à 1789, à peu près aucune lumière. Il
n'en est pas de même de la seconde, qui est, à vrai dire, moins une
nouvelle édition qu'un nouvel ouvrage, comme la simple comparaison
du nombre des pages le montre au premier coup d'œil. La matière j
est distribuée en douze paragraphes ou chapitres, dont les titres sui-
vent: I. Cape de saint Martin. II. Bannières des paroisses et descom-
— 136 —
mânes. III. Oriflamme. lY. Bannière de France ou bannière royale.
y. Couleurs personnelles des rois, princes ou seigneurs. YI. Le drà<
peau lorrain. YII. Marques de commandement. YIII. Troupes à
cheval. IX. Enseignes d'infanterie. X. Pavillons de marine. XI. Cou-
leurs distinctives, uniformes, cocardes. XII. Milices des villes, garde
nationale. Le livre contient, en outre, une liste intitulée : Sources et
bibliographie, une table alphabétique et une table des planches.
La méthode et la critique, tout à fait absentes de la première édi-
tion, commencent à se montrer dans celle-ci, où elles sont encore fort
imparfaites. Comme la division ci-dessus reproduite suffirait à l'indi-
quer, la composition est très-défectueuse. Mais enfin, il y a un cadre
et des compartiments tracés, où les faits se répartissent, et, quoique
ce cadre ne soit pas bon^ il est bien préférable au pêle-mêle du premier
essai. Chaque chapitre se compose non pas d'un texte raisonné^ mais
de notes mises bout à bout dans Tordre chronologique. Toutes ne sont
pas également sûres et elles doivent être contrôlées. Ilja d'évidentes
erreurs. La discussion des faits et leur interprétation, quelquefois
justes, sont trop souvent inexactes. Mais il y a beaucoup de faits réunis
et de sources indiquées, parmi lesquels des renseignements et des
textes non produits encore, dont plusieurs sont d'un très-grand prix,
et dont il faut savoir d'autant plus de gré à M. de Bouille qu'il en sort,
souvent, do la façon la plus décisive, la confirmation de thèses directe-
ment contraires à celles qu'il appuie de préférence. Je citerai, en par-
ticulier, les documents qu'a découverts l'auteur aux archives du miius-
tère de la marine et qu*il a eu le courage, la loyauté vraiment
scientifique, de placer textuellement sous les yeux de se^ lecteurs. Ce
courage est ici d'autant plus louable, que le parti pris se fait davan-
tage sentir, soit dans les remarques de Tauteur, soit dans ses réticences
en maint endroit de son livre. Je citerai encore la description de^
enseignes perdues à la bataille de Saint-Quentin (août 1557), d'après
les archives d'état de la maison de Savoie. Ce document éclaire d'une
assez vive lueur l'une des périodes les plus obscures de l'histoire de
nos étendards militaires, et de celle du drapeau national de France.
Je ferai enfin une mention spéciale du dernier chapitre^ comme renfer-
mant un grand nombre de renseignements précieux sur la milice pari-
sienne, son organisation, son équipement, ses enseignes aux diverses
époques de notre histoire.
Jugé dans son ensemble, le livre de M. de Bouille doit être consi^
déré comme un recueil abondant de matériaux utiles, et l'auteur
mérite d'être loué pour la somme de travail qu'il y a, cette fois,
dépensée. Mais^ je le répète, cet ouvrage doit être lu avec beau-
coup de précaution, et il n'en faut user qu'avec une critique sévère.
L'idée dont s'est inspiré l'auteur dans sa première édition et où il a le
— 437 —
tort de persister dans la seconde, puisque son liyre même y donne
loyalement d'éclatants démentis^ cette idée^ que partagent un certain
nombre de personnes même éclairées, c'est qa*il n'y avait point de
drapeau national avant 1789 ; c'est, en d*autrés termes, la négation de
Tantique et auguste valeur du drapeau blanc de la France. Sur ce
point, et plus généralement sur l'histoire des transformations logiques
de l'enseigne nationale et souveraine, distinguée des étendards parti-
culiers et subordonnés, je me permets de renvoyer nos lecteurs au
mémoire publié dans la livraison d'avril 1875 de la Revue des questions
historiques. Le livre de M. de Bouille y a été mis à profit.
Marius Sbpbt.
IVote* prises aux archives de l*éUftt civil de Paris, avenue
Victoria, 4, brûlées le 524 mal ISTl, par le comte de Chas-
TBLLUX (Extrait de la Aetme historique et nobiliaire, 4872-1874). Paris, Du-
moulin, 1875. In-8 de 634 p.
La destruction des registres de Tétat civil déposés soit aux archives
de la ville de Paris, soit au greffe du tribunal de première instance de
la Seine, est un fait à jamais regrettable et une cause profonde de
perturbation pour les familles. L'anéantissement de ces actes précieux
fait disparaître, en même temps, des piécesd'une inappréciable valeur et
des documents d'un haut intérêt pour le topographe, rhistorien, le bio-
graphe^ le généalogiste et l'amateur d'autographes : j*en atteste ce
curieux Dictionnaire publié par Téminent historiographe du ministère
delà marine, M. Auguste Jal, aujourd'hui décédé. Admis, lui aussi, à
compulser les registres réunis dans l'important dépôt de Tavenue
Victoria, alors qu'il écrivait l'histoire généalogique de sa famille^
M. de Chastellux, Tun des plus laborieux collaborateurs de la Retme
historique et nobiliaire, a eu l'heureuse idée de relever avec soin la
plupart des noms marquants disséminés dans les livres des paroisses
Saint-André des Arts, Saint-Eustache, Saint-Gervais^ Saint-Jacques
du Haut-Pas, Saint-Jean en Grève, Sainte-Marie-Madeleine de la
Ville-l'Ëvêque, Saint-Nicolas des Champs, Saint-Paul, Saint-Roch et
Saint-Sulpice. C'est le résumé de ces recherches qu'il fait paraître
aujourd'hui.
Esprit méthodique et scrupuleux, travailleur infatigable, M. de
Chastellux a coordonné, dans cet ouvrage, le fruit de longues années
d'investigations ; autant qu'il a pu, il a suivi l'ordre alphabétique^ ce
qui est bien la meilleure manière de procéder. Désormais,nul ne pourra
établir la filiation de bien des familles de France sans recourir aux
Notes prises aux archives de Ntat civil de Paris. Que d'erreurs corn-
mises par les biographes, pourront maintenant être rectifiées ! Sera-
t-il permis aujourd'hui aux généalogistes de faire naître à Fresne,
en 1746, Henry-Cardin-Jean-Baptiste d'Aguesseau, alors qu'il est
— 438 —
constant que le petit-flls da chancelier est yenu au monde à Paris, le
23 août 1752? Comment reporter au 10 décembre 1753, la naissance
du comte Louis-Philippe de Ségur, quand on sait que le futur grand-
maître des cérémonies a été baptisé à SaintSulpicele 10 septembrell^.
Le livre de M. de Chaste llux redresse donc bien des faits erronés et
rectifie bien des dates d*une fausseté évidente. Si, dans cet ouvrage, les
documents abondent sur les temps antérieurs à 1789, ils font un peu
trop défaut pourTépoque contemporaine,etnous devons regretter qu'on
se soit montré, à Tégard de M. de Chastellux, aussi sobre de communi-
cationis. Pourquoi être si jaloux d'actes dont on a la garde? Les pièces
relatives au dix-neuvième siècle n'appartiennent donc pas à l'histoire ?
Quoi qu'il en soit, nous émettrons, en terminant, un vœu inspiré par
la lecture du livre même de M. de Chastellux : celui de voir une œuvre
semblable consacrée aux registres d'état civil de plus d'une ville, et,
s'il était possible, de chaque commune de France. A. Albribr.
IVotIce sur un autel antique dédié A Jupiter, découvert à SainU
Zacharie {Var), et sur quelques autres monuments romains, par Tabbô Babgês,
professeur d'hébreu à la Sorbonne. Paris, Leroux, 1875. In-8 de 48 p.
et 3 planches. Prix : 3 fr. 50.
M. Tabbé Barges a fait connaître, dans cette notice, un autel
romain dédié à Jupiter, et placé aigourd'hui dans la prison de Saint^
Zacharie (Yar). Ce petit monument porte, sur sa face antérieure^ une
inscription des plus simples; Jovi 0{ptimo) M{aximo); à l'époque
chrétienne on l'a utilisé, comme tant d'autres, pour les besoins du
nouveau culte : on Ta retourné, et, sur sa face postérieure, on a tracé
l'image d'une croix entre deux brebis. Ce texte n'apprend rien de
nouveau, mais le savant auteur a profité de sa publication pour
remettre en lumière plusieurs inscriptions trouvées dans le même pays
ou aux environs. A propos de Tinscription du château de Rougiers
(p. 21), il dit que le nom inconnu de Merucius semble indiquer un
homme indigène, et non un colon d'origine latine. Il ne faut pas lire
Merucius, msàshien A!{arcus) Erueius; c'est un gentilicium connu. Pour
n'en citer que deux exemples, je signalerai à l'auteur une inscription
des environs de Tarragone élevée à Sextus Erueius Athenodorus {Cor-
pus, II, n^ 4,360) et un autre texte que j'ai copié moi-môme cette année
en Tunisie, à El-Kef (Sicea Veneria); c*est Tépitaphe de{Quintus) Eru^
dus Maximus. — L'inscription de Lucius Attius (p. 35) n'est pas
interprétée d'une façon exacte. L'abréviation vol. désigne la tribu
VoUinia, dans laquelle cet Attius était inscrit; ce n'est pas, comme l'a
cru l'auteur, le nom de famille Yolusus. On doit lire L^ucio) Attio,
Q{uinti) f(ifio)y Vol{tinia tribu), Rufino^,.. etc., et j voir un seul et même
personnage. C'est un usage constanti dans l'épigraphie romaine, de
— 139 —
placer rabréyiation danom des tribus après Tindication de la filiation
et ayant le eognomen. Je ferai une remarque analogue pour l'inscrip-
tion de Clarenzac (p. 48), dans laquelle le eognomen Patemus se rap-
porte au fils et non pas au père. — Dans la note 20, on trouvera une
liste de monuments découyerts dans le Midi de la Gaule, et apparte-
nant à la famille Attia. M. Tabbé Barges n'en signale qu'un seul trouvé
à Ljon; le recueil de M. de Boissieu en contient sept provenant de
cette ville. C'est à propos d'une grande inscription de Saint-Zacharie
que l'auteur a été amené à parler de cette famille Attia. Bouche avait
édité ce texte deux fois, mais d'une façon différente. La première fois
(p. 198), il le donnait comme découvert à Arles, d'après une copie de
Gabriel Simeonis; la seconde fois (p. 212), d'après une meilleure copie,
il l'indiquait comme ajant été vu à Saini-Zacharie : M. l'abbé Barges a
levé les doutes sur la provenance. Nous remercions l'épigraphiste qui
s'est occupé avec tant de succès des inscriptioi^ phéniciennes de nous
avoir conduits de nouveau sur le terrain romain, où il a déjà tant glané
depuis Tlemcen jusqu'au Plan-d'Aulps. Ant. Hbaon db Yillbfossb.
l^e Xrésor de Clalpvaux. da donaEtème an dlsL>liutUÀme
•léole» par M. l'abbé Charles Laloke. Troyes et Paris, E. Thorin, 1875.
In-8 de xxiv-281 pages. — Prix: 7 fr.
Il est inutile d'insister auprès des érudits sur l'importance qu'eut
au mojen âge un trésor comme celui de Glairvaux. M. l'abbé Lalore
a entrepris de le reconstituer à l'aide d'anciens inventaires et de
documents de toutes sortes. Il renfermait huit pièces de travail grec
provenant du pillage de Gonstantinople par les croisés, huit reliquaires
occidentaux du douzième siècle, neuf du treizième, neuf du quator-
zième, quatre du quinzième, trois du seizième et six du dix-septième.
0 Pendant sept siècles environ, dit M. Lalore, ce trésor ne subit
presque aucune perte; il demeure intact même pendant les époques
de bouleversements et de troubles qui désolèrent nos contrées du
quinzième au milieu du dix- septième siècle, comme le prouve l'inven-
taire de 1405 comparé aux inventaires du dix-huitième siècle. Au mois
de décembre 1789, la Révolution ût main basse sur tant de richesses
et la spoliation totale du trésor de Glairvaux fut consommée le
!•' février 1705. Les reliquaires furent brisés et envojés à la monnaie
de Paris. » L. G.
Eie Paroaaae médical rrançala* ou Dktionnaire des médecins poétss
de la France f anciens ou modernes, morts ou vivants ^ didactiques , élégiaques,
satiriques, chansonnierh, auteurs dramatiques, vaudevillistes, comédiens, fan-
taisistes, burlesques y rimailleurs, etc., etc., par le Dr A. Ghereau, lauréat de
TAcadémie de médecine, etc. Paris, Ad. Delahaye, 1874^ Gr. in-18 de
xxrr-552 p. — Prix : 7 fr.
L'auteur a réuni^ dans ce volume, la liste fort longue, disposée par
— 140 —
ordre alphabétique^ « de médecins qui avaient cherché dans le culte *
de la poésie une diversion précieuse à des travaux plus austères.
Tous les temps, tous les pays^ ont fourni leurs pléiades de ces
esprits distingués, que le visage sévère d'Hipppcrate n'a pu arra-
cher aux agaceries et aux coquetteries provoquantes des Muses, »
selon l'expression de M. Chereau. Nous ne surprendrons personne
en disant que les œuvres inspirées par ces agaceries et ces
coquetteries ne sont pas toutes d'une moralité irréprochable.
Chaque notice biographique et littéraire est plus ou moins déve-
loppée (son extension varie depuis une demi-page jusqu'à trois pages),
selon la valeur de l'écrivain qui nous est présenté, et selon retendue
des citations que M. Chereau a cru devoir lui emprunter. Nous
savons gré au biographe d*avoir exécuté cette laborieuse entreprise,
car, jusqu'à présent, ce sujet n'avait guère été traité à fond,
surtout sous cette forme. Du reste, avant d'entrer en matière,
M. le docteur Chereau, — qui, à son tour, va faire partie de la série
des médecins-littérateurs, — raconte dans V IntroducHm comment
il a été amené à publier ce travail; il expose la bibliographie
assez détaillée de la question, et énonce une suite d*auteurs, tant
français qu'étrangers, qui ont écrit des dissertations spéciales sur les
médecins poètes.
Cependant, nous devons signaler à Tauteur une lacune : son
dictionnaire serait bien plus complet, s'il contenait une table des
matières renvoyant à la liste des noms des poëtes. Nous ne doutons
pas qu'un tel vœu formulé ici sera réalisé dans la deuxième édition
que M. Chereau devra, sans doute, donner bientôt de son livre, appelé
à un succès très-légitime M" Schwab.
Hommes de l*exll« par Charles Hugo. Paris, Alphonse Lemerre,
1875. In-12 de 349 p. — Prix : 3 fr. 50.
Il y a, dans ce livre^ deux parties bien distinctes : la partie litté-
raire et la partie politique. La partie littéraire est intéressante et
contient de belles pages. La partie politique n*est qu*un pamphlet^
inspiré par la haine. On lit avec plaisir les aventures de Camille Berru,
réfugié à Bruxelles après le Deux-Décembre, et obligé, pour vivre,
de faire un peu tous les métiers, copiant des manuscrits, fondant un cours
de style usuel, enseignant à nager dans un établissement de bains, et
finalement s'échouant comme coupeur de faits divers à f Indépendance
belge. Les deux derniers duels de Cournet, les portraits de Noël
Parfait, d'Alexandre Dumas père, d'Emile de Girardin sont des mor-
ceaux enlevés de verve et bien frappés. La politique entre ici pour
peu de chose. Il n*en est pas de même des portraits de Louis Blanc,
de Barbés, de Schœlcher et de RibeyroUes. Les trois premiers nous
— 141 -
sont offertB comme des héros antiques^ comme des modèles d*hoii-
neur et de patriotisme, comme d'impeccables^ admirables et infail-
libles Aristides. Leurs idées ultra-révolutionnaires nous sont données
comme la Bible du monde nouveau. Quant à Ribejrolles, un cons-
pirateur incorrigible, M. Charles Hugo nous le réprésente, avec une
complaisance peu dissimulée, comme une nature hors ligne, comme le
Cambronne farouche du Waterloo républicain, comme le conciliateur
de la proscription. Or, ce conciliateur « adorait » Danton, a respectait »
Robespierre, • tutoyait» MaratlII II est vrai — circonstance atté-
nuante (?) — qu'il trouvait moyen, au dire de M. Charles Hugo, de
tourner a fraternellement » le dos à Hébert. — L'auteur des Hommes
de fexiWeat amusé aussi à crayonner le général de Lamoricière. L'es-
quisse est assez vivante^ sympathique même. Mais elle a des tons
abominablement faux. M. Charles Hugo ne craint pas d'émettre, à
propos du vaillant défenseur de la Papauté, cette énormité ridicule :
0 Au fond, Lamoricière ne croyait à rien. » Quand on ne croit à rien,
on ne va pas bravement et généreusement risquer de se faire
tuer pour les croyances des autres. C'est élémentaire.
Nous ne parlerons pas, et pour cause, de la partie politique des
Hommes de l'exil. Disons seulement que l'auteur a le triste courage de
chercher des excuses à l'insultante Lettre de Félix Pyat à la reine
d Angleterre (22 septembre 1855), lettre qui obligea le gouvernement
anglais à expulser les proscrits français de Tile de Jersey. — Une ou
deux fois, M. Charles Hugo a occasion de s'occuper de religion dans
son livre. La religion de M. Charles Hugo n'est pas gênante. Il sup-
prime le culte^ il supprime le prêtre : c'est un vague déisme. L'au-
teur des Hommes de Fexil tient cette religion de son père. M. Victor
Hugo, jadis si chrétien, excelle aujourd'hui à écrire d'étonnantes
tirades sur Dieu et la vie universelle. Mais il ne va pas au-delà.
Témoins les pages antithétiques et apocalyptiques, intitulées : Mes Fili^
qui servent d'introduction aux Hommes de Fexil.
FiRMiN Boissm.
&lbllogprafla idlollitâna, owero gran dizùmario bibliografko, per G. M. Miar.
Palerme, typographie de G.-B. Gandiano, i873. In-4<» à 2 colonnes,
1 1 livraisons. — Prix de la livraison : i £r.
Nous avons reçu, il y a déjà un certain temps, le commencement de
cette importante publication. Pour en parler, nous attendions qu'elle
fût terminée; mais de nouveaux fascicules ne nous parvenant plus, nous
voulons du moins dire un mot de ceux que nous avons sous les yeux
et exprimer l'espoir qu'ils seront complétés. Le titre d'un livre promet
trop souvent plus de choses qu'il n'en peut tenir. Ici c'est le contraire
qui a lieu. M. Mira ne s'est pas borné à composer, ce qui aurait déjà été
— 142 —
une œuvre fort considérable, une nomenclature des livres imprimés ou
inédits d*auteurs siciliens ou traitant de sujets intéressant la Sicile.
Sa bibliothèque est tout à la fois une ample biographie : elle donne
non-seulement des renseignements précis sur les ouvrages, mais des
notices sur leurs auteurs. La dernière livraison que nous avons reçue
est la onzième, et finit par l'article Giovanni di Qiovanni. Th. P.
BULLETIN
Cour» de Religion. £« Régne de Jésu9-<)hriêi par Us Papes, par le
R. P. DE BoTLESVB, S. J. Paris, Uaton, 1875. 5 tableaux in- 12. 1*' tableau :
, Saint Pierre et les Papes martyrs, 44 p. — 2* tableau : les Papes et les Césars
chrétiens, 64 p. - 3* tableau : les Papes, les Grecs, les Francs, 70 p. —
4* tableau : les Papes, les Italiens, les Allemands, 80 p. — 5* tableau :
les Princes se séparent des Papes, 68 p.
Pour tous ceux qui ont eu déjà entre les mains quelques-uns des nom-
breux et excellents opuscules publiés par le R. P. de Boylesve, il «ufQra
d'indiquer cette nouvelle série, type achevé du résumé historique net,
précis, doctrinal, lumineux. La manière de l'éminent religieux est connue,
sa science aussi. Personne ne nous démentira, quand nous dirons qu'il brille
au premier rang parmi les champions et les vulgarisateurs de la vérité
catholique, philosophique et historique. Donc, à ceux qui n'ont pas encore
fait connaissance avec lui, nous recommandons, sans hésiter et chaleureuse-
ment, ce cours de religion si remarquable, qui, par son format, semble ne
s'adresser qu'aux enfants, mais qui contient toute la moelle de la doctrine,
la grande doctrine du catholicisme sur les questions politiques et sociales,
et suffit, dès lors, à satisfaire les intelligences les plus élevées et à les illu-
miner encore. Est-il besoin, d'ailleurs, d'analyser ces tableaux historiques ?
Leurs titres disent assez ce qu'ils promettent au lecteur : c'est l'histoire de
la Royauté de Dieu exercée sur le monde par son Église et ses pontifes, et
des luttes constantes et acharnées qu'elle a soutenues, depuis la Pentecôte,
d'abord contre le paganisme et les persécutions, puis contre les héré-
siarques, contre les iconoclastes, contre les empereurs teutons et les rois
gallicans, etc.. Assurément, pour un observateur superficiel, la partie
semble perdue, car c< les princes finissent par se séparer des papes ; » mais
à quel prix? Et voilà le signe de la victoire de Jésus-Christ! Toute scission
avec Rome est un germe de catastrophe dans l'ordre intellectuel, moral,
politique, social, matériel même. C'est ce que montre parfaitement le Cours
de Religion du R. P. de Boylesve, bien que son dernier tableau nous paraisse
comporter des développements plus r;msidérables que ceux qu'il lui a
donnés. Mais, que d'erreurs dissipées, que de mensonges dévoilés, que de
calomnies vengées I... Ce sont là des ouvrages de propagande dont tout
honnête homme, ami de la vérité historique autant que de la vérité reli-
gieuse, doit avoir à cœur de procurer la diffusion la plus rapide, la plus
complète possible; et nous voulons croire qu'en effet, ces tableaux dé
l'éminent religieux seront vite épuisés et remplacés par de nouvelles études
aussi «xoellentes. F. de Roqdefsuil.
— 143 -
OBuvre des campagnes, ou quelques mof/enê de ranimer la foi et la ^
ehrétierme da$i$ le$ paroiêseè moins religieuses, particulièrement à la ùam-
pagnSy par le P. Vandil, missionnaire du Sacré-Cœor. 3* édition. Pans,
Douniol, 1875. In-12 de vui-432 p. — Prix : 2 fr. 50.
Le fait seul d'être arrivé à une 3* édition, pour un ouvrage de ce genre,
témoigne déjà en sa faveur. L. P. Vandel, en homme expérimenté, y donne
d'excellents conseils sur les moyens de ranimer la foi dans les populations
rurales. Il s'adresse spécialement aux curés : il leur servira de guide sur les
œuvres et associations à établir, les moyens de les fonder, les pieuses indus-
tries auxquelles ils peuvent avoir recours et qui sont les plus efficaces. Mais
les classes dirigeantes y ont aussi leur part : elles sont les auxiliaires natu-
rels du prêtre ; elles ont à exercer un apostolat laïque sur lequel le P. Van-
del les éclaire. R.
Eté Pasteur de la Salnte-Enfanoe, ou Recueil de traits édifiants^
récits de fêtes, loteries , correspondances, etc., extraits des Annales de la
Sainte-Enfance, par le R. P. Latour, de la Compagnie de Jésus. Pre-
mier recueil. Le Mans, Leguicheux-Gallienne, 1875. In-12 de 302 p —
Prix : 75 c.
Ce recueil est destiné aux associés de la Sainte-Enfance, c'est-à-dire surtout
aux enfants. Le P. Latour a extrait des Annales de l'œuvre les traits les plus
propres à impressionner les jeunes imaginations et à leur faire goûter cette
oeuvre admirable. Il a eu la bonne pensée de les ranger dans un classement
méthodique, par ordre de matière : Détails sur les enfants chinois et sur les
hospices chinois; — Zèle déployé par les associés ; — Bienfaits de l'œuvre;
— Développements de Tœuvre, etc. Ce livre intéressera les enfants et leur
fera du bien. S.
Li'HiNtoIre de la grotte de Lourde» racontée À la Jeunesse»
par M. l'abbé A. Aubebt, curé dans le diocèse d'Angers. Paris, Blériot ;
Angers, Briand et Hervé, 1874, In-18 de xi-170 p. — Prix : i fr. 60.
Le titre de cet ouvrage dit assez quelles sont les visées de l'auteur. U
saura intéresser les enfants à ce grand fait de l'apparition miraculeuse de
Lourdes, qui ne pourra qu'accroître leur dévotion envers la sainte Vierge.
Mais nous croyons qu'il eût mieux valu laisser les événements donner eux-
mêmes d'utiles leçons, plutôt que de les déduire en s'adressant directement
aux enfants. Quelques prières terminent ce petit volume. S.
Biades politiques, historiques et relifl^leases, suivies de
variétés scientifiques, dédiées à la France catholique, par Jcles de Cacheleu,
ancien collaborateur de feuilles parisiennes et départementales. Amiens,
H. Yvert, i875. In- 12 de 354 p. — Prix: 2 fr.
« On a mis de tout dans ce livre-lk : » nous ne nous en plaignons pas ; car
les différents morceaux qui le composent, et dont quelques-uns sont peut-être
étonnés d'être ainsi rapprochés, renferment de fort bons conseils, expriment
de saines et généreuses pensées, et tendent, évidemment, à l'amélioration
intellectuelle et morale du lecteur, soit en lui rappelant les principes poli-
tiques et religieux qui ont fait la France grande et honorée, soit en lui
montrant le désarroi pratique où nous a jetés le mépris de ces mêmes prin-
cipes. M. de Cacheleu est patriote et royaliste... et il s'en fait honneur en
boa style. U est, en même temps, etil ne semble guère s'en cacher davantage,
grand chasseur devant l'Étemel 1... ie note pour preuve ses études sur la
— 142 —
une œuvre fort considérable, une nomenelatare des lirres imprimés ou
inédits d*aateurs siciliens ou traitant de sujets intéressant la Sicile.
Sa bibliothèque est tout à la fois une ample biographie : elle donne
non -seulement des renseignements précis sur les ouvrages, mais des
notices sur leurs auteurs. La dernière livraison que nous avons reçue
est la onzième, et finit par l'article Giovanni di Giovanni. Th. P.
BULLETIN
Cour» de Reltiplon. Le Régne de Jésus^hrUi par 1$$ Papes, par le
R. P. DE BoTLEsvB, S. J. Parla, Haton, 1875. 5 tableaux in-12. !•' tableau :
g Saint Pierre et les Papes martyrs , 44 p. — 2* tableau : les Papes et les Césars
chrétiens, 64 p. - 3* tableau : les Papes, les Grecs, les Francs, 70 p. —
4* tableau : les Papes, les Italiens, les Allemands, 80 p. — 5« tableau :
les Princes se séparent des Papes, 68 p.
Pour tous ceux qui ont eu déjà entre les mains quelques-uns des nom-
breux et excellents opuscules publiés par le R. P. de Boylesve, il «uffira
d*indiquer cette nouvelle série, type acbevô du résumé historique net,
précis, doctrinal, lumineux. La manière de l'éminent religieux est connue,
sa science aussi. Personne ne nous démentira, quand nous dirons qu*il brille
au premier rang parmi les champions et les vulgarisateurs de la vérité
catholique, philosophique et historique. Donc, à ceux qui n'ont pas encore
fait connaissance avec lui, nous recommandons, sans hésiter et chaleureuse-
ment, ce cours de religion si remarquable, qui, par son format, semble ne
s'adresser qu'aux enfants, mais qui contient toute la moelle de la doctrine,
la grande doctrine du catholicisme sur les questions politiques et sociales,
et sufOt, dès lors, à satisfaire les intelligences les plus élevées et à les illu-
miner encore. Est-il besoin, d'ailleurs, d'analyser ces tableaux historiques ?
Leurs titres disent assez ce qu'ils promettent au lecteur : c'est l'histoire de
la Royauté de Dieu exercée sur le monde par son Église et ses pontifes, et
des luttes constantes et acharnées qu'elle a soutenues, depuis la Pentecôte,
d'abord contre le paganisme et les persécutions, puis contre les héré-
siarques, contre les iconoclastes, contre les empereurs teutons et les rois
gallicans, etc... Assurément, pour un observateur superficiel, la partie
semble perdue, car « les princes finissent par se séparer des papes ; » mais
à quel prix? Et voilà le signe de la victoire de Jésus-€hrist! Toute scission
avec Rome est un germe de catastrophe dans l'ordre intellectuel, moral,
politique, social, matériel même. C'est ce que montre parfaitement le Cours
de Religion du R. P. de Boylesve, bien que son dernier tableau nous paraisse
comporter des développements plus cmsidérables que ceux qu'il lui a
donnés. Mais, que d'erreurs dissipées, que de mensonges dévoilés, que de
calomnies vengées I... Ce sont là des ouvrages de propagande dont tout
honnête homme, ami de la vérité historique autant que de la vérité reli-
gieuse, doit avoir à cœur de procurer la diffusion la plus rapide, la plus
complète possible; et nous voulons croire qu'en effet, ces tableaux de
réminent religieux seront vite épuisés et remplacés par de nouvelles études
aussi «xoeUentes. F. de Roquefxuil.
— 143 -
OBavre de» campagnes» ou quelques moyens de ranimer la foi et latte
chrétienne dans les paroisses moins religieuses, particuHérement à la oam-
pagney par le P. Yandkl, missionnaire da Sacré-Cœur. 3* édition. Paris,
Douniol, <873. In-12 de viii-432 p. — Prix : 2 fr. 50.
Le fait seul d*étre arrivé à une 3* édition, pour un ouvrage de ce genre,
témoigne déjà en sa faveur. L. P. Vandel, en homme expérimenté, y donne
d'excellents conseils sur les moyens de ranimer la foi dans les populations
rurales. Il s'adresse spécialement aux curés : il leur servira de guide sur les
oeuvres et associations à établir, les moyens de les fonder, les pieuses indus-
tries auxquelles ils peuvent avoir recours et qui sont les plus efficaces. Mais
les classes dirigeantes y ont aussi leur part : elles sont les auxiliaires natu-
rels du prêtre ; elles ont à exercer un apostolat laïque sur lequel le P. Van-
del les éclaire. R.
Lie Pasteur de la Aalnte-Enfanoe, ou Recueil de traits édifiants^
récits de fêtes, loteries, correspondances, etc, extraits des Annales de la
Sainte-Enfance, par le R. P. Latour, de la Compagnie de Jésus. Pre-
mier recueil. Le Mans, Leguicheux-Gallienne, 4875. In-12 de 302 p —
Prix : 75 c.
Ce recueil est destiné aux associés de la Sainte-Enfance, c'est-à-dire surtout
aux enfants. Le P. Latour a extrait des Annales de Tœuvre les traits les plus
propres à impressionner les jeunes imaginations et à leur faire goûter cette
OBuvre admirable. Il a eu la bonne pensée de les ranger dans un classement
méthodique, par ordre de matière : Détails sur les enfants chinois et sur les
hospices chinois; — Zèle déployé par les associés; — Bienfaits de Tœuvre;
— Développements de Tœuvre, etc. Ce livre intéressera les enfants et leur
fera du bien. S.
Kj'HIiitoIre de la carotte de K^ourdes racontée à la Jeuoetiae*
par M. Tabbé A. Acbert, curé dans le diocèse d'Angers. Paris, Blériot ;
Angers, Briand et Hervé, 1874. In- 18 de xi-170 p. — Prix : 1 fr. 50.
Le titre de cet ouvrage dit assez quelles sont les visées de Tauteur. Il
saura intéresser les enfants à ce grand fait de Tapparition miraculeuse de
Lourdes, qui ne pourra qu'accroître leur dévotion envers la sainte Vierge.
Mais nous croyons qu'il eût mieux valu laisser les événements donner eux-
mêmes d'utiles leçons, plutôt que de les déduire en s'adressant directement
aux enfants. Quelques prières terminent ce petit volume. S.
£tndeii politique», lilstorlquea et reli^pleasea, suivies de
variétés scientifiques, dédiées à la France catholique, par Jules de Cacheleo,
ancien collaborateur de feuilles parisiennes et départementales. Amiens,
H. Yvert, 1875. In-42 de 354 p. — Prix: 2 fr.
« On a mis de tout dans ce h'vre-là : » nous ne nous en plaignons pas ; car
les différents morceaux qui le composent, et dont quelques-uns sont peut-être
étonnés d'être ainsi rapprochés, renferment de fort bons conseils, expriment
de saines et généreuses pensées, et tendent, évidemment, à l'amélioration
intellectuelle et morale du lecteur, soit en lui rappelant les principes poli-
tiques et religieux qui ont fait la France grande et honorée, soit en lui
montrant le désarroi pratique où nous a jetés le mépris de ces mêmes prin-
cipes. M. de Cacheleu est patriote et royaliste... et il s'en fait honneur en
boa style. U est, en même temps, et il ne semble guère s'en cacher davantage,
grand ch«Meur devant l'Étemel 1... ie note pour prenve ses études sur la
— 144 —
vie des champs, sur la culture française, sur le cheval, le chien, le perdreau,
les abeilles, la destruction du gibier, etc.. études fort succinctes, mais où
paraissent résumés les fruits d'une longue expérience. F. R.
Origine» et développement du positivisme contemporain»
Critique de celte doctrine, essai de conciliation, par J.-B. Tissândier, profes-
seur de philosophie à la faculté des lettres de Douai. Paris, Eug. Belin,
1874. In-8 dexL-160 p. —Prix: 4 fr.
Nous avons accueilli avec faveur (Polybliblion, mars 1 870, t. V, p. 1 29) les Eiudes
de théodicée de M. J.-B. Tissândier. Le livre qu'il vient de publier sur les
origines du positivisme est loin de marquer chez lui un progrès dans la doc-
trine ou dans l'art d'écrire. C'est d'abord une ébauche, plutôt qu'un travail
fini. Rien de plus indéterminé que le contenu de Vlntroduetîonf dont les
allures vagues et indécises ne peuvent surtout s'expliquer que par un parti
pris de conciliation entre les systèmes opposés, sans base vraiment scienti-
fique. Nous courons ainsi à travers l'histoire, sans autre fruit qu'une réhabi-
litation des sophistes (p. xiii), une analyse assez obscure du Théétète, et des
considérations sur le rapport de la métaphysique avec la science, l'ordre
social et la religion.
Ce n'est pas que les intentions du professeur de Douai ne soient droites,
et qu'il n'y ait dans son travail des parties louables, sauf l'absence de préci-
sion et de décision. L'ensemble même se réduit, dans les deux parties (du
Positivisme théorique, du positivisme pratique), à une double thèse très-légi-
time, quoique nullement neuve. On sait bien que, pour réagir contre le
septicisme de Hume, Reid s'attacha au caractère relatif de laconn aissance
humaine, et devint ainsi le précurseur très-involontaire des positivistes
anglais ; Hamilton, avec son horreur de toute métaphysique, marque la tran-
sition de Reid à Stuart-Mill. En étudiant à son tour les idées de cause et
d'absolu, M. J.-B. Tissândier, poursuit la revendication des droits de la raison
contre l'empirisme ; mais il se préoccupe surtout de montrer qu'il n'y a pas,
entre l'expérience et les idées, cette solution de continuité que le positi-
visme suppose et que le spiritualisme a quelquefois eu l'air d'accepter. Mal-
heureusement ce point, le seul qui eût pu rajeunir le travail de M. Tissândier,
n'est pas touché d'une main sûre, et le lecteur se trouve à chaque instant
en face de phrases indécises comme celle-ci: « Je crois qu'il y a des exagé-
rations et des erreurs dans la théorie de M. Cousin ; mais je crois en même
temps qu'on l'a trop oubliée aujourd'hui, que l'on fait à ce sujet les plus
fâcheuses confusions, etc. »
Dans la deuxième partie, ce sont les droits de la morale et de la liberté
dans l'ordre social qui sont défendus conti*e le positivisme. En déplorant
encore ici le vague des énoncés et des preuves, nous reconnaissons volon-
tiers l'honnêteté qui distingue les idées pratiques de l'auteur. Au point de
vue du langage, on ne peut que s'étonner de trouver sous la plume d'un
professeur de faculté des négligences, des obscurités et même quelques
incorrections : «danger iminent (p. 133). » L. Couture.
Apologie de la théodicée du dernier concile général du
Vatican, par l'abbé Freynbt. Paris, Pion, 1875. In-12 de 280 p. —
Prix : 2 fr. 50.
Le concile du Vatican ne figurerait guère qu'au frontispice de ce volume
si l'auteur n'eût placé, à la fln, en appendice, une traduction française de la
constitution Dei juius. Le petit livre de M. l'abbé Freynet est parement et
— 14a —
simplement un manuel de théodicée chrétienne, au point de vue philoso-
phique, et il aurait pu paraître à peu près tel qu'il est avant le concile. Ce
n'est pas que la doctrine sur Dieu, renfermée dans les quatre chapitres pro-
mulgués au Vatican le 28 avril i870, ne put servir de hase à une exposition
rationnelle spécialement appropriée aux besoins du temps actuel. Ce travail
intéressant et utile a même été partiellement exécuté par un éminent théo-
logien dans les Etudes des PP. Jésuites. Nous ne trouvons ici rien de semblable,
et nous n'en ferions pas un reproche à M. Freynet, si le titre de son livre ne
donnait au lecteur le droit de s'y atttendre. Nous rendons cette justice à son
manuel de théodicée qu'il est conçu et rédigé avec méthode. Trois chapitres
(p. 5-115) sont consacrés aux premiers principes métaphysiques et à la certi-
tude; deux autres (p. li 5-491) renferment les preuves consacrées de l'exis-
tence de Dieu et de la création ; les deux derniers traitent de la Providence
divine et de la liberté de l'acte créateur : le tout divisé en proportions net-
tement exprimées, avec démonstrations en forme de réponse aux objections.
L'esprit général est celui du spiritualisme chrétien fortement empreint de
cartésianisme, et tout à fait ôii*anger, dans la méthode et l'ordre des ques-
tions et la terminologie, au néopéripatétisme en faveur aujourd'hui dans
beaucoup d'écoles catholiques. Clairement et sagement écrit, quoique sans
originalité notable et sans appropriation bien précise aux erreurs contem-
poraines, ce livre peut être de quelque utilité aux jeunes gens qui étudient
la philosophie. Léonce Couturr.
Apostolat des médecins, par N. S. B. — Beauvais, imp. Père, 1875,
In-18 de ix-89 p. — Prix : 0 fr. 50.
M. Boivin poursuit avec persévérance son œuvre courageuse. Déjà, après
nos désastres, il avait écrit, sous l'inspiration la plus française et la plus reli-
gieuse, un Appel en faveur des missions catholiques. C'est aux médecins qu'il
s'adresse aujourd'hui, toujours sous l'inspiration des mêmes sentiments, pour
leur montrer la grandeur de leur mission, le bien qu'ils peuvent opérer sur
les âmes. Par l'influence légitime que leur donne l'exercice de leur profession,
ils sont les plus précieux auxiliaires des prêtres et des missionnaires.
M. Boivin rappelle l'alliance étroite qui existait, même chez les païens,
entre les médecins et la religion, alliance que n'ont pas répudiée les plus
illustres praticiens, et qui a toujours été favorable aux développements de la
science. Des tendances contraires se manifestent de nos jours, et détournent
les médecins de la voie qu'ils prendraient avec le plus de profit pour tous.
Telles sont les excellentes pensées que l'auteur développe, sans y mettre assez
de précision et d'ordre. Son appel arrive à point, au moment où la liberté
de l'enseignement supérieur va permettre de lutter contre le courant maté-
rialiste, et nous rendre les médecins chrétiens, aussi utiles aux âmes qu'aux
corps. V. M.
Itestez'au irtUage, par Eginhard. Paris, Curol, 1874. In-8 de 221 p. —
Prix : 2£r.
Ce titre nous avait fait prendre le livre pour une étude d'économie sociale
sur la dépopulation des campagnes : ce n'est qu'une nouvelle assez mal in-
titulée, car l'opposition qu'on y trouve entre la vie des champs et la vie de
Paris n'est point concluante en faveur do la campagne, le héros du roman
n'ayant quitté son pays que par nécessité. Deux enfants orphelins, le frère
et la sœur, vivent au village avec leur grand'mère, sans fortune, mais hon-
nêtes, et relativement heureux dans un intérieur où règne la plus grande
Août 1875. T. XIV, 9.
— i46 —
union et où tout est conforme ft la loi de Dieu. Le frère, devenu grand,
vient à Paris pour se créer une position. Il y trouve des difficultés de
tout genre, bien des privations, finalement, la misère et la maladie, sans
cependant qu*on puisse rien lui reprocher de sérieux. La grand*mère meurt ;
la sœur va rejoindre son frère et le soigner. Elle trouve à son chevet un ami,
jouissant d*une grande fortune et d'une belle position. De fréquentes ren-
contres, où tout se passe très-convenablement, font naître des sentiments
faciles à deviner. Le frère meurt, et la pauvre jeune fille devient châtelaine
d'un beau manoir en Bretagne. Les charmes du style, la pureté des inten-
tions ne sauraient faire passer sur les inconvénients d'une pareille donnée.
V.M.
AJmanaoli du Sonnet. — Sonnets inédits, publiés avec la collaboration
de deux cents poètes français et des principaux Félibres. 2* année, 1875.
Aix en Provence, V« Remondet- Aubin. In-18 dé 207 p. et une pour Terrata.
Ce petit volume, élégamment imprimé, offre une collection intéressante
de vers écrits par un grand nombre de poêtes,^resque tous jeunes et animés
d'un vif dévouement pour le culte des muses. Apprécier le mérite de ces
diverses productions, ce serait sortir des limites que nous devons nous pres-
crire. Disons seulement que les pages 184 & 196 renferment des sonnets en
dialecte provençal (on trouve même un sonnet en langue bretonne), suivis
de la traduction de huit sonnet ti de Pétrarque. L'Académie du Sonnet ,
s'appuyant sur le concours de nombreux sonnetistes, se propose de publier
deux .traductions de la collection des sonnets du célèbre chantre de Laure,
Tune en français, l'autre en provençal. — Ce qui paraîtra peut-être le plus
digne d'intérêt dans VAlmanach en question, c'est l'introduction (52 p.); elle
ofiîre, au point de vue de l'histoire littéraire, des informations curieuses ;
elle traite successivement des origines du sonnet, du sonnet dans la poésie
provençale, du célèbre sonnet de Des Barreaux ; elle reproduit un sonnet de
Ronsard, qu'on peut qualifier d'inédit, car il ne se voit que dans la première
et introuvable édition des Amours de ce poète (Paris, 1552), et il n'a été
reproduit dans aucune des dix-huit éditions des œuvres do Ronsard. VAca»
déinie du Sonnet, à Yaucluse, et le Sonnet en 1874 sont également l'objet de
quelques pages bien dignes d'être lues. Des détails circonstanciés apprennent
une circonstance dont on se doute fort peu dans les régions du nord de la
France, l'activité incessante et méritoire des muses provençales et langue-
dociennes. Du reste, le zèle des amis du sonnet ne se ralentit point; ils
annoncent en préparation V Anthologie du sonnet français (1529-1875) et l'An-
thologie du sonnet provençal (treizième-dix-neuvième siècles). B.
nistolre de l'Influence de la lan^ne IVancalse en Alle-
magne» par Jules de Beylié, avocat à la Cour d'appel de Grenoble. Gre-
noble, 1874. In-8 de 44 p. — Prix : 2 fr.
L'auteur de cet intéressant opuscule a obéi à une heureuse inspiration en
recherchant, dans la langue de nos voisins d'outre-Rhin, l'empreinte de la
nètre. Cette empreinte est profonde, et, à coup sûr, beaucoup de Français
ignorent jusqu'à quel point nos vainqueurs d'hier subissent aigourd'hui le
joug de notre domination littéraire. Il faut suivre M. de Beylié dans ses déve-
loppements historiques sur un sujet qui n'a rien d'aride, et qu'il relève
encore par des aperçus ingénieux et de curieux détails. Conmient, en effet,
ne pas lire avec plaisir qu'au mois de novembre 1873, M. de Biamarek,
ayant fait remettre à la chancellerie de Saint-Pétersbourg une note rédigée
— 147 —
en alltmand, il lui fat répondu en russe, pour lui rappeler que le français
est la seule langue diplomatique! Si, par son érudition, le jeune avocat
auquel nous devons cette œuvre originale nous prouve sa connaissance
approfondie de Tidiome allemand, par le choix du fond autant que par la
correction de la forme, il se révèle bon Français. B. B.
AoUloque» sceptique»» par La Mothe-le-Vâyer, réimprimés sur
rédition unique de 1670. Paris, Isidore Liseux. 1875. In-18 de 60 p. —
Prix : 2 fr. 50.
Mja Conférence entre Liutlier et le Diable. Traduction nouvelle,
par Isidore Liseux. Même libraire. In-18 de 96 p. — Prix : 4 fr.
£n réimprimant ces deux opuscules on leur a peut-être ôté leur plus
grand mérite, celui de la rareté. Mais ils ont été publiés, il faut le recon-
naître, avec un soin et dans des conditions typographiques qui doivent leur
valoir un bon accueil des bibliophiles. La MoÔie-le-Vajer était, on le sait, un
philosophe pyrrhonien. Cependant il prétendait que son scepticisme ne
s'adressait qu'aux sciences humaines. Il a du moins fait, à Tégard de la reli-
gion, une réserve qui, si elle n'était pas sincère, ne serait qu'tuae précaution
hypocrite dont il y aurait peu à le louer. Cette réserve ne parait pas, d'ail-
leurs, avoir été prise en grande considération par l'éditeur, qui semble sur-
tout enchanté d'établir un contraste entre un philosophe athée de nos jours
et La Mothe-le«Vayer ayant, à l'Académie, Bossuet pour collègue — il aurait
fallu dire confrère — et devenant précepteur de Louis XTV — ce qui est une
eireur. La Mothe-le-Vayer fût le précepteur du duc d'Orléans.
La Conférence entre Lutker et le Diable offre plus d'intérêt que les Soliloques.
Un savant et pieux ecclésiastique, l'abbé de Cordemoy, par les commentaires
qu'il joignit à cet opuscule, en fit un ouvrage de controverse. Devenu fort
rare, il fut inséré dans le Recueil de dissertations sur les apparitions et les
esprits f livre d'un autre abbé, celui-là très-savant aussi, mais nous le crai-
gnons, d'une piété assez douteuse. Ce nouvel éditeur était ce LenglctDu-
fresnoy qui commenta un peu trop en franc gaulois — mots par lesquels il
aimait à se peindre — le Roman de la Rose et de nombreuses productions
du même genre, et qae son amour pour la liberté conduisit une douzaine
de fois à la Bastille. M. Isidore Liseux a donné une traduction nouvelle de
rœuvre étrange de Luther, mais a conservé les remarques des deux précé-
dents éditeurs* Th. P.
Portrait» d*hl»tolre morale et politique du temiM» par
Ch. dk Mazàdi. Paris, E. Pion» 1875. Gr. in-18 de 370 p. Prix : 3 fr.
Nous n'avons point ici à entrer dans le détail des portraits que M. Ch. da
Mazade a tracés, non sans talent, pour faire revivre quelques*-uns des épi-
sodes, des caractères et des physionomies du siècle. Dans ces fragments de
l'histoire morale d'un temps qui a tout connu, les espérances et les décep-
tions, M. de Mazade poursuit une démonstration qui n'est point faite, hélas I
aux yeux de tout le monde. L'auteur est dans le vrai quand il trouve que
les abus, les fantaisies, les sophismes, les excès qui essayent de fleurir encore,
conmie si rien ne s'était pas^, ne sont plus de saison ; qu'ils ne répondent
plus à un certain instinct public, désormais fatigué de mécomptes et afiamé
de réparations. C'est le rôle des lettres, aujourd'hui, de réchauflfer et de guider
cet instinct, d'être les réparatrices morales, les consolatrices d'une nation
éprouvée» et de l'aider à se relever par toutes les supériorités de l'esprit.
— 148 —
«
Pour aider à ce réconfort des esprits qui s'abandonnent, à l'heure présente,
à un pessimisme aussi déplacé que stérile, M. de Mazade a consacré à la
jeunesse de la Restauration sa première étude, qui porte sur Victor Jacque-
mont ; il a raconté les épreuves du régime rx)nstitutionnel en étudiant l'œuvre
et la personne de M. Guiiot; le libéralisme catholique a été visé dans If. de
Montalembert ; nous avons les confessions d'un dominicain avec lePéreLacoT'
daire; sous le titre de : les Méditations d'un prêtre libéral, il nous donne
une assez forte étude sur le Père Gratry; les rêveries bibliques de M. Mickelet
suivent; un humoriste protestant, sous lequel le sectaire perce souvent,
Madame de Grosponn, fait aussi l'objet de curieuses remarques ; avec Madame
Stoetchitie, à laquelle l'auteur ne reproche que d'avoir mis son idéal dans la
Restauration, nous voyons quel peut être le rôle des femmes dans la société
et la littérature; le réalisme dans la critique nous vaut une fine étude sur
M. Taine ; et enfin, des pages touchantes sur la jeunesse d'un rêveur inconnu,
Alfi*ed Tonnelle, ferment le volume. Il y a du goût, de l'esprit et un certain
sens critique dans ces études, intéressantes, au demeurant ; elles sont écrites
dans l'allure et la forme académiques usitées à la Revue des Deux-Mondes :
il ne leur manque qu'un souftle de foi, pour qu'on en garde meilleur
souvenir. Gh. Lebrun.
EiO» Spectacles forain» et la Comédie-Française, d'après des
documents inédits, par Jules Bonnassies, ancien attaché à la Direction des
Beaux- Arts (Bureau des Théâtres), avec une eau-forte par Edmond Hédouin
Paris, E. Dentu, 1875. In-12 de 300 p. — Prix : 3 fr.
Le volume publié par M. Bonnassies est composé de trois mémoires. Le
premier, qui prête son titre au volume entier, est destiné à raconter, d'après
les documents originaux, imprimés ou manuscrits, et notamment d'après
les archives de la Comédie-Française et les registres du secrétariat de la
Maison du roi aux Archives nationales, la longue lutte soutenue par la
Comédie-Française pour la défense de ses privilèges, de son monopole, contre
les empiétements obstinés et à la fin triomphants des théâtres établis aux
foires de Paris, puis sur les boulevards, et d'où sont issues la plupart de nos
scènes secondaires. Dans un second mémoire, M. Bonnassies étudie l'histoire
du droit des pauvres avant et après 1789, et, dans un troisième, l'histoire des
rapports des auteurs dramatiques avec la Comédie-Française au dix-neuvième
siècle. M. Bonnassies sait recueillir et classer les faits, et il a l'excellente
habitude de recourir aux documents originaux, de puiser aux sources. Mais
il a le tort de mêler à l'exposé des résultats obtenus par ses recherches ses
mes et ses préjugés de républicain libre-penseur. U aurait dû se garder
de digressions inutiles, se dispenser, par exemple, de nous donner son avis
sur le gouvernement de Louis XIV et sur l'origine des corporations, sur
l'organisation du travail au moyen âge. Qu'il laisse en paix le moyen âge I
Il n'y entend rien et ce n'est pas son affaire. M. S.
Mémoires d*nné Torôt* Fontainebleau* par Jules Levâllois.
Paris, Sandoz et Fischbachcr, 1875. Gr. in-18 de 264 p. — Prix :
3 fr. 50.
«
Ce petit livre contient la matière d'un bon Quide k Fontainebleau, sous
une forme un peu prétentieuse et qui n'ajoute pas grand'chose à son mérite.
L'auteur s'applaudit avec raison d'avoir effacé sa propre personnalité, mais
on ne s'intéresse guères davantage à celles de Sylvius et Sylvia, comme il les
nomme, l'un médecin de village, et l'autre sa cliente, qui, tout le temps, se
— 149 -
font nosciceroni et finissent pars*épouser. Ce n'est pourtant pas un mauvais
ouvrage et, chose plus louable, Tauteur s*y montre respectueux de tout ce
que les honnêtes gens respectent. Si quelque mot malsonnant s'y rencontre,
c'est dans des morceaux qu'il cite, sans paraître les prendre sur lui. — Le
volume se termine par une petite nouvelle qui serait fort jolie, si le style
ne manquait un peu de grâce et de vivacité. X.
lies Senaatlona d'un «luré* vingt figures contemporaines, par Hippolyte
Babou. Paris, Lemerre, 1873. Petit in-i8, de 324 p. — Prix: 5 fr.
Ce titre n'est point très-clair pour un ouvrage de critique: l'auteur a voulu
dire qu'il ne jugeait point sur les lois, mais d'après le simple bon sens,
comme font les jurés. Ceux qu'il examine sont presque tous des romanciers
ou des journalistes littéraires, et lui-même est du métier: cela se recouTialt
au ton particulier du style, à l'estime qu'il professe pour l'esprit et les bons
mots, à son mépris sans bornes pour les académiciens et les pédants. Il est
vrai qu'il y en a de bien lourds ; mais il nous faut ajouter que les meilleurs
chapitres de M. Babou sont ceux qui sentent un peu le professeur, et que
telle bonne analyse, qu'on pourrait citer, vaut cent fois mieux que les
plaisanteries dont il a composé certains chapitres. Il a beau s'escrimer contre
M. Nisard et Mgr Dupanloup, il n*est point taillé pour les coups de pointe :
la fermeté, l'originalité, voilà justement ce qui lui manque, car, il a de
l'esprit et même il sait écrire ; mais, si ce n'est pas comme tout le monde, c'est
un peu comme tous ses confrères. — Nous n'avons encore rien dit de ses
doctrines, elles ont une teinte d'impiété, qui est aussi l'impiété de tout le
monde. Au surplus, on s'y arrêtera peu; le principal attrait de ce livre,
qpii n'est pas sans valeur, c'est cette abondance de renseignements sur quel-
ques écrivains dont on parle beaucx>up, et que tout le monde n'a pas le loisir
de lire. 6. Philippon.
EiO Moire international déflnltif* par Wilfrio de Fonviclle. Paris,
G. Masson, 1875. Gr. in-18dexvi-i41 p.
Dans cet écrit correct et substantiel, M. W. de Fonvieille, après avoir
montré que le chaos des anciennes mesures nécessitait la création d'un
système de poids et mesures général et basé sur les unités immuables,
étudie succesivement, dans douze chapitres, ce que furent les unités de
mesure chez les peuples civilisés de la plus haute antiquité, ce que devinrent
les mesures diez les Grecs et les Romains, et, enfin, quel fut le point de départ
des mesures modernes jusqu'aux réformes introduites en faveur du système
métrique. L'auteur passe ensuite à l'histoire du système métrique depuis le
moment où les premiers éléments en furent si péniblement élaborés par
Delambre et Méchain, jusqu'à l'heure présente, où toutes les nations de l'Europe
sont en train d'adopter, sinon le système français, du moins des systèmes en
dérivant directement. — Nous n'aurions que des éloges à donner à cet ouvrage
si l'auteur n'avait eu le tort d'y faire parade, d'une manière fort intempes-
tive, de ses idées révolutionnaires. E. de B.
Histoire résumée de la Géographie en Autriche depuis
l>2IO»par M. A. Beckee. Paris, Lahure, 1875. In-8 de 21 p.— Prix :50c.
Excellent résumé. L'auteur, après avoir constaté l'état d'infériorité, pour
ne pas dire de nullité, de la science géographique en Autriche avant Marie-
- loO —
Thérèse, divise en deux périodes le temps écoulé depuis le mouTement
imprimé à ces études par cette princesse jusqu*à nos jours. La première
période se poursuit jusqu'en 1814. Elle se caractérise par un zèle tout
nouveau pour la recherche, Tétude et le collectionnement des matériaux*
M. Becker cite et analyse les principaux ouvrages auxquels ont donné lieu
ces travaux préparatoires, principes féconds des résultats obtenus dans la
deuxième période. De 1815 à 1848, la situation change complètement :
c< Jusque là, c'était le gouvernement qui prenait l'initiative et encourageait
les esprits ; maintenant nous le voyons indifférent, pour ne pas dire hostile,
aux progrès de la science. » Les efforts seront donc individuels, et ce sera
le grand honneur de ceux qui auront mis à profit les travaux précédents,
pour produire, pendant cette période, de nouveaux ouvrages et entreprendre
de lointaines, de considérables explorations. Depuis 1848, le mouvement s'ac-
célère, et la fondation d'un grand nombre de sociétés savantes, spécialement
consacrées à Tétude de la géographie, de la statistique, de l'agriculture ou
de l'histoire naturelle, doit être le gage d'un avenir scientifique tout à fait
remarquable par les résultats qu'on a droit d'en attendre. La brochure de
M. BedLer est fort intéressante à consulter; la partie bibliographique
parait traitée avec soin. F. R.
Biatolre de rAllemasoe, depuis la bataille de Sado^v^a» par
Eug. Véron. Paris, Germer Baillière, 1874. In-12 de ix-31 1 p. —Prix : 3fr. 50.
Cet ouvrage, moitié historique, moitié polilique, est la suite d'un livre pu-
blié par le même auteur en 1867, sous le titre à' Histoire de la Prusse depuis
la mort de Frédéric IL C'est un résumé succinct et assez nourri de faits, dont
l'analyse est difficile. Sadowa et ses terribles suites est un sujet trop connu
pour qu'il soit nécessaire d'en rappeler les points principaux. L'cnchaine-
ment naturel des événements se déroule de telle sorte, dans le récit de
M. Eug. Véron; que la responsabilité principale de tous ces malheurs retombe
sur Napoléon m et le gouvernement impérial. — La vérité et la justice le
veulent ainsi, et nous ne saurions y contredire. Mais l'ardeur démocratique
de Taùteur l'emporte un peu loin quelquefois dans ses sentiments de haine
et de mépris. Dire « qu'il serait fort injuste de se figurer le Reischstag
allemand (de 1867) à l'image de ces assemblées serviles et Iftches de députés
officiels dont la France a supporté l'ignominie pendant plus de vingt ans ; n
appeler cette « honte pire que l'invasion ; » c'est une exagération de termes
qui n'est point digne de l'histoire.
Le même esprit de parti pousse l'auteur à plaider incidenunent l'abolition
de la peine de mort; à rendre les catholiques et «les révolutionnaires du
Vatican » responsables de la guerre odieuse et si peu justifiée que M. de
Bismarck leur a déclarée ; à reprocher à l'Assemblée nationale actuelle d'avoir
a sacrifié 1,500,000 Français pour se délivrer du souci de continuer la guerre.»
Comme si une histoire de la guerre de 1870*71 pouvait raisonnablement con-
venir que la France était capable de continuer la lutte et pouvait refuser à
la Prusse ses exigences, quelque dures qu'elles soient!
Ces réserves, qui ne semlileront pas trop sévères, empêcheront qu'un vo-
lume de ce genre ait sa place marquée dans toutes les bibliothèques. Un
résumé d'événements si utiles à avoir constamment sous les yeux n'aurait
rien perdu en intérêt, s'il avait été plus impartial et plus modéré. Nous
regrettons que ce défaut, qui semble bien difficile & corriger, tant il parait
inhérent à l'esprit môme de l'auteur, fasse tort à des qualités d'exposition
et à des recherches fort méritoires, qu'il nous eût été très-facile de mettre
en relief. J. B. d« P.
— 15i —
E**ariiiée et la mlattlon de le Frenoe en Afrique 9 par
Mgr J'Archevêqae d'Alger. Paris, Belin, 1875. In-8 da 64 p.
Il est rare d*entendre un plas noble, plus magnifiqna et plus patriotique
langage que celui que vient de tenir Mgr Lavigerie, dans son discours pro-
noncé pour rinauguration du serrice religieux dans l'armée d'Afrique. C'est
un éloquent récit de la conquête d'Alger, le dernier legs de la monarohia
française, et de la conquête de l'Algérie. Toutes nos gloires militaires passent
sous nos yeux dans le tabteau admirablement dessiné par l'éminent orateur ;
puis viennent, dans sa bouche, quia pleine autorité en cette matière, les plus
hautes considérations sur le réle civilisateur et chrétien que la France doit
exercer dans ces contrées. La Providence, disait Lamoricière, qui nous destine
à civiliser l'Afrique, nous a donné la victoire. R.
Petite Carte de France murale» muette ou écrite^ à Vvsage des écoles
et des familles, dressée par Ehrard, d'après la carte oro-hydrographique pu-
bliée sous les auspices au ministère de l'instruction publique, parla Commis-
sion de la topographie des Gaules. Réduction de la grande Carte murale
du môme auteur. Paiis, Hachette, 1875. — Prix de la carte en feuille, 6 fr.;
avec gorge, rouleau et vernissage, 3 fr. en plus.
Cette carte, dressée à l'échelle de ^ J^^^q et tirée en couleurs, comprend,
outre la France, une grande partie de l'Europe centrale. Elle donne une
idée frappante de la configuration du sol et de ses accidents, et convient
aux écoles dans lesquelles la grande carte murale n'a pu être placée à cause
de ses dimensions. Sa largeur et de i* 10; sa hauteur de 90 centimètres. Les
mers sont en bleu clair; les fleuves et les cours d'eau, en bleu plus foncé;
les chemins de fer, en rouge; les montagnes, en bistre, avec teintes plus ou
moins sombres, suivant leur altitude ; les glaciers en blancs ; les vallées, en
vert clair ou en chamois, suivant leur nature ; la lettre noir. — Nous recom-
mandons cette carte comme pouvant être placée très-utilement dans nos
écoles primaires. L. C.
VARIÉTÉS
I
NOTES INÉDITES SUR DU CANGE
SUIVIES DE TKOIS DE SES BILLETS INEDITS.
Peu de savants ont eu autant de biographes que Charles du Fresne, seigneur
du Cange. Combien la liste serait longue des notices qui lui ont été consa-
crées depuis celle de Baluze (Epistola Steph. Baluzii Tutelensis ctd virum cla*
rissimum Eusebivm Renaudotum de vita et morte Caroli Dafresnii Du Cangii ;
Paris, 1688, in-i2] *, jusqu'à celle de Léon Feugère {Essai sur la via et les
ouvrages de Du Cange; Paris, 1852, in-8) *. Naturellement je n'ai pas la
1. Réimprimée au devant du Chronicon pascaie (Paris, 1689, in-fol.), ei au Gloitarium
ad êcripiorts mêdùie et infimfp Uainitalû (édition Didot, 1840, in-4).
2. H. Léon Feugère a cité presque tons let travaax de ses devanciers. Parmi
ceux de ces travaax qae je ne vois pas figurer dans son éuumération, je signalerai
une bonne étude d'an bibliothécaire de l'Arsenal , M. Denain, étude que j'ai eu le
plaisir de lire, il y a déjà bien des années, dans la Bibliographie catholique, et aussi
un excellent article de M. H. Géraud, snr le Glonaire de la boue latinité (Bi6(to-
thiqiii d§ l'Eeolê du eharUt, t. II, 1840), article qu'il faut rapprocher de ceux de
M. Pardessus sur le même chef* d'oeuvre {Journal det iovantê de 18 47;,
— 152 —
prétention de revenir sur un sujet tant de fois si bien traité : j'ai voulu
seulement mettre sous les yeux du lecteur des renseignements fournis par
un des Ûls de Du Gange ^ quelques jours après la mort de son père. Mo
suis-je trompé en pensant que Ton trouverait un intérêt particulier dans ces
notes, qui ne présentent, il est vrai, rien de complet et rien de nouveau,
mais qui ont quelque chose de ce parfum de simplicité et d'honnêteté
qu'exhalent les journaux de famille autrefois rédigés sur les marges des
vieilles Bibles? A ces notes, j'ai cru devoir joindre trois billets de l'éditeur
des Mémoires de ViUehardoin et de Joinville, billets qui fournissent de tou-
chantes preuves de la reconnaissance de celui qui aima toi^gours tant à
obliger, et qui ne fut pas moins grand par le cœur que par l'érudition.
Philippe Tahizey de Larboque.
A BALUZ£^
« Je n'ay pa voas envoyer plaatost, Monsieur, le reste des particalaritez que vous
m'avez demandé toacbant M. du Gange, mon père, n'ayant reçeu reaponse d^Âmiens
qu'hier au soir.
tt Louis du Fresne, conseiller du Roy, prévost royal de Beauquesne^ à Amiens, père
du sieur du Gange, est né à Amiens le 24 décembre 1568, et est décédé le neuf
janvier 1638.
« Heleine de Rely, mère du sieur du Gange, a esponsé le dict Louis du Fresne, le
2 juillet 1606, aagée de vingt-cinq ans et demy, et a esté la seconde femme du dict
Louis du Fresne. Elle estoit fille de Louis de Bely, sieur de Framicour. Ladicte dame
Heleine de Rely est décédée en couche à Amiens, le six mars 1613, à huit heures du
soir, le dixième jour de son accouchement.
« Charles du Fresne, sieur du Gange, est né à Amiens, le 16 décembre 1610, sur les
sept heures du matin, a esté baptisé le mesme jour à Saint-Firmin à la Pierre, aa
parroisse, et tenu sur les fons par Charles Oorguette, sieur du Bus, et dame Margae-
ritte Louvet, venfve du deffunt Anthoine de Rely^ vivant esonyer ûenr de Framicour.
a Louis du Fresne, père du sieur du Gange, a eu trois enfans du premier lit, Adrien,
Jean et Louis. Adrien, prévost royal de Beauqnesne, qui a esté très-habil homme et a
laissé deux enfans dans le monde, Louis du Fresne, sieur de Fredeval, prévost royal
de Beauquesne, à Amiens, qui a esté deux fois premier eschevin de la dicte ville,
homme de scavoir et d'une très-grande probité, et François du Fresne, homme de
lettres, conseiller du Roy, trésorier de France, à Amiens.
a Jean du Fresne, second fils du premier lit, a esté advocat au parlement, et a esté
homme de lettres. G^est lui qui a commenté la coutume d'Amiens, et qui a fait l«s
deux premiers tomes du Journal des Audiences, et n*a pas laissé d'en fans.
« Louis du Fresne, huitiesmefils du premier lit, a esté médecin, et un des plus babil
dans sa profession.
a Faites moi la grâce de vouloir faire mention de ce que j'ay mis cy dessus, et vous
prie d'ajouter que la famille des du Fresne est alliée à tout ce qu'il y a de familles
plus considérables dans la ville, et que depuis plus de trois cents ans, elle a toujours
possédé les charges de judicature. Ce sera un surcroit d'obligation que je vous auray,
dont je conserveray toute ma vie une reconnoissance entière estant, Monsieur, plus que
personne vostre très-humble et très-obéissant serviteur.
« Du Gange. »
« Le sieur du Gange, est tombé malade pour la première fois, le 10 juin 1688, d'une
rétention d*urine, et n'a duré que dix jours malade.
9 Sa seconde maladie est du 16 septembre.
« Il a reçeu le viatique et Textréme-onction, et donna la bénédiction à tonte sa
1. Philippe du Fresne, sieur du Gange, mort le 22 juin 1692. Boivin l'appelle
optimi patrit filius diynistimut dKù% la préface du Gregorat SieepKort (Paris, 1702, in-i).
2. Bibliothèque nationale, collectioQ dite des Armoires de Baluze, vol. GCCLIV, p. 255.
— 453 —
famille, et les embrassa tous en lenr disant à tons quelque chose de touchant et
d'une extrême tendresse, et leur recommandant à tous l'union après sa mort.
c II est .mort avec des sentiments de piété, tout extraordinaires, avec une fermeté
d'esprit et une oonnoissance parfaite de Testât où il estoit de ne pouvoir relever de
cette maladie sans en estre effrayé, et regardant la mort en véritable chrestien et
disant qu'il falloit finir tost on tard, et dit les derniers adieux à tous ses amys et à sa
famille avec une fermeté inconcevable.
« Je n'ay encore pu avoir le mémoire du médecin sur sa maladie. Tj ay envoyé ce
matin, j*y envoyeray encore aprez midy. »
« Je trouve, Monsieur, qne dans les manuscripts que mon père a laissé on petit nombre,
qu'il n'y a d'achevé qne : VHiêtoirt de Veiiat de la vilU d'Amiênt et de ee» comtee, avec un
recueil de plusieun titrée concernant l'Metoire de cette ville, quiWont pae encore étépublide.
Celui-là est relié en veau '.
« 11 y a quelques ouvrages commencés qui regardent une histoire de France, mais
je suis persuadé que c^est fort peu do chose.
« II préparait l'édition de Nicéphore Gregoras, avec une addition de six livres tirés
de la Bibliothèque du Roy, avec une histoire grecque barbare tirée de la mesme biblio-
thèque, des François qui ont possédé la Ho/ée sur les derniers siècles, le tout avec
des observations, pour estre imprimée à Tlmprimerie RoyalleS, mais tous ces manus*
cripts ne sont pas au logis et je ne vois pas que les observations soient bien avancées,
ne voyant que quelques papiers sur la table où il y a quelques notes grecques, telle-
ment que je suis persuadé qu'on ne tirera pas grande lumière de ce qu'il a laissé.
Son cabinet est dans le mesme estât qu'il l'a laissé avant sa mort et personne n'a
touché sur sa table. Si on imprime le Gregoras, je me ferai un très-grand plaisir
d*aider en tout ce que je pourray celuy qui y travaillera de ce qui luy pourra servir
des manuscripts de mon père >.
« Voilà, Monsieur, ce que je vous puis dire et l'éclaircissement que je vous puis
donner touchant ses ouvrages commencés. Quand nos partages seront faits et que Je
seray maistre de sa bibliothèque, me Tayant laissée à titre honnereux, comme il me
l'a dit lu> -mesme trois jours devant mourir, je mettray à part tous les escripts qui
seront de luy« pour pouvoir s'en servir si on peut dans le besoin, ne souhaitant rien
plus que d'éterniser sa mémoire et de vous faire connoistre que je suis entièrement|
« Monsieur,
a Vostre très-humble et très*obéissant serviteur.
« Du Gange.
« Ce mardy au soir, 2 novembre 1688.
« Je partiray demain pour Fontainebleau et ne reviendray que dimanche ou
Inndy. s
A PIERRE DU PUT \
A Amiens, le 16 may 1651.
■ Monsieur,
a Je vous envoyé les mémoires dont il vous a pieu me faire part et les accompagne
d'actions de grâces qui seront tous jours au dessous des obligations que vous avez
acquis sur moy par un si sensible plaisir. La bienveillance que tous tesmoignez en
tons rencontres à ceux qui ayment les lettres et le désir que vous avez de les servir
dans leurs desseins, sont autant d'effects de vostre bonté, que vous faictes paroîstre
aujourdhuy en une personne qui n'a ces qualités que par inclination et qui n'a mérité
par le moindre de ses services la grâce dont vous l'honorez. Je ne sçay quel senti-
1. Cet ouvrage a été publié en L<UO (l voL in-S de L^ldS pages).
2. Le Oregoraa Nicéphore que Du Cange avait laissé inachevé parut par Us soins de
Boivin dans l'Histoire hieantine (collection du Louvre), en 1708, comme je l'ai déjà
rappelé.
3. Voir, pour plus de détails, le Mémoire Hiatorique eur les tnanuserits de Af. Du Cange,
par Jean Charles do Fresne d'Aubigny (Paris, 1752, in'4). — M. Rey a publié récemment,
dans la collection des Documents inédits sur Vhistoire de France, un des plus importants
manuscrits do Du Cange, son ouyra^û sxu les Principautés d'outre-mer, ou familles d'Orient,
4. Bibliothèque nationale, collection Du Puy, vol. DCCCIII, p. 416.
— 454 —
ment tous portes da denein que je me eait donné U liberté de Tout faire eomma**
niqaer. Je l'avoit d'abord reslraint à la première partie, jugeant bien que la denxieeme
ne pouToit eetre achevée qne par la recherche de divertee pièces tirées da thrésor des
chartes dn Roy dont il vous plaist me faire espérer la communication, comme lee
epistres des Papes non encor imprimées dont aucunes se voyent dans les ÀnnaUê de
Biovins, HaynalduB et Wadtogne et autres semblables pièces. Je soubmetz cette entre-
prisA à vostre jugement, comme de celluy qni est aujourdhuy l'arbitre et l'oracle de
la littérature.
« Monsieur,
a Vostre très-humble et très-obéissant serviteur »
« Du Fbbsnb Du Gange. »
A BALUZE *.
« IfOWSlBUR,
« J'ay reçeu des marque^ de vostre générosité par la communication qu*il vous a
plu de me faire des vers grecs du reliquaire de Perpignan, dont je vous suis infini-
ment redevable. Je crois quMls viendront même assev à temps, et les ay envolez à l'ins-
tant même à M. Gramoisy pour les insérer à Tendroit de mon traité > où ils doivent
être places avec la reconnaissance que l'on doit aux personnes de vostre mérite. Je
suis ravi, Monsieur, que ce m'ait esté une occasion, non de vous faire connaître mon
nom, mais de vous offrir mes très-humbles respects, vous protestant qne je n'auray
jamais plus de joye que lorsque je serai assez heureux de voutf pouvoir donner des
marques de ma gratitude pour un bienfait de cette nature. Je vous conjure d'en être
persuadé et de me croire, Monsieur,
« Vostre très-humble et très-obéissant serviteur,
« Du Cangb. «
« A Amiens, ce t7 mars 1665. »
A BALUZE •.
a Monsieur,
9 Je prends la liberté de vous présenter ce petit traité de nostre chef de saint Jean«
Baptiste \ et, comme c*est une matière difficile, imp0ditufn oput et facundia minime
eapam, comme parle Pomponius Mêla de sa Géographie, je me persuade que vous
aurez assez de bonté pour en excuser les défauts. Il me suffit que je vous y rende
les beanx vers grecs que vous m^avez confiés avec tant de générosité, et qu'en vous
les remettant entre les mains, ce me soit une nouvelle occasion de vous marquer ma
gratitude et la passion que je conserveray toute ma vie de vous faire paraître que je
suis avec respect, Monsieur,
t Vostre très-humble et très -obéissant serviteur,
« Du Cangb. »
c A Amiens, ce 30 aoust 1665. d
IL
Bibliographie raisonnbe de L*Â.CADÉinE française.
Pellisson et d'Olivet ont donné, à la suite de leur Histoire de l'Académie
fhjmçaise, des listes bibliographiques des ouvrages de tous les académiciens
dont ils avaient esquissé la physionomie : mais ces listes sèches et arides,
outre qu'elles sont très-incomplètes, ne comprennent qu'une période relative-
ment très-courte de la série académique. Nous avons pensé qu'il serait
1. Bibliothèque nationale, collection des Armoires de Balute, vol. CCCLXI, p, 119.
2. Traité hiitori^ue du chef dé eaint Jean-Baptiête (Paris, 1665, in-4}.
3. Ibidem, p. 100
4. L'envol fiait à Baluse, en août 1665. du Ttikité du chef de eaint Jean-Baptietê oblige
à corriger dans Niceron, dans la Biographie universelle (article de Roquefort), etc., Ta
date de 1666 donnée à cette publication.
- 155 -
intérensant de refondre et de compléter leur traTail, en y ajoutant la biblio-
graphie des travaux biographiques ou critiques dont les académiciens, soit
en groupe, soit isolément, ont été l'objet depuis la fondation de Tillnstre
compagnie jusqu'à nos jours; mais, pour aujourd'hui, nous nous bornerons
à la bibliographie de ce qui concerne l'Académie en général, son histoire,
les critiques et les satires qu'elle a subies, les études sur les groupes particu--
liers d'académiciens, leurs œuvres collectives, etc.
Il est inutile de rappeler que l'Académie a été fondée, en 1634, par le
cardinal de Richelieu, son premier protecteur, auquel succéda le chancelier
Séguier, en i643; que le roi la prit directement sous sa protection en 1672;
qu'elle fut supprimée parla Convention, le 8 août 1793; qu'elle reparut
sous le titre de 2* classe (de grammaire) de l'Institut en 4803, avec son
nombre fatidique de quarante membres ; et qu'elle reprit définitivement, en
1815, son nom d'Académie française. Ceci posé, entrons en matière.
I. BTSTOIUENS DB l'âCADÉMIB OU DB GaOUPBS ACADÉMIQUES.
i. Relation contenant Vhistoire de V Académie française. Paris, chez Pierre le
Petit, imprimeur ordinaire du roy et de l'Académie, rue Saint-Jacques, à
la Croix d'Or, 1653, in-8. — Anonyme, mais le privilège est au nom de
Vellisîon (Paul Pellisson-Fontanier). Ce petit livre, qui passe à bon droit
pour un des chefs-d'œuvre de notre littérature, est trop connu pour qu'il
soit nécessaire d'insister ici sur son intérêt. Il a eu un grand nombre
d'éditions pendant le dix-septième et le dix-huitième siècles. Citons en
particulier :
a — ReMvm contenant l'histoire de V Académie française, par M. P. Jouxte la
copie. — Bruxelles, Fowens, 1671, in -12. Charmante petite édition qui fait
partie de la Collection des elzeviers.
h — Id, S. L. Jouxte la'copie imprimée à Paris, chez Auguste Gourlie,
1674, in-42.
c — Helatim, etc. — Augmentée de plusieurs pièces, entr'autres de l'ordre de
l'Académie française, pour l'établissement de deux prix. Paris, Pierre le
Petit, 4672, in-42. On la rencontre aussi avec la signature Th. Jolly (achevé
d'imprimer le 30 janvier 1672) ou Louis Billaine, 4672, in-42. — Presque
toutes les éditions, depuis 4672, portent le nom de Pellisson, et s'intitulent :
Histoire de r Académie française. Citons :
d — Histoire de V Académie française, avec un abrégé des vies du cardinal de
Richelieu, Vaugelas, Corneille, Ahloncourt, Mézerai, Voiture, Pairu, La Fàn-
taine, Boileau, Racine et autres illustres aoadémieiens qui la ixmposent. Dernière
édition corrigée et augmentée de divers ouvrages du même auteur, etc.
La Haye, 4688, pet. in-42. — On trouve à la suite une liste des <c noms et
qualités des académiciens qui ont été reçus depuis la fin de 1652 Jusqu'au
mois de janvier 4672. » — Cette édition, qui parait être une contrefaçon
donnée par quelque émigré protestant, contient beaucoup d'erreurs. C'est
là que M. de Labouisse-Rochefort a appris que Pellisson était de Castres. Il
est aujourd'hui bien constaté que Pellisson est né k Béziers.
e — Histoire de V Académie française, par M. Pellisson, avec les sentiments de
cette compagnie sur la tragi-comédie du Cid. — A Paris, chez J.-B. Coignard,
imprimeur du roy et de l'Académie, rue Saint-Jacques, à la Bibk'dOr, 1700
et 1704, petit in-42, en deux parties, à pagination séparée, en un seul
volume, avec une liste des académiciens en 4700 et en 4701. — Ibid*, 1708,
et Amsterdam, 4747.
— 156 —
(Voir des comptes rendus du livre de Pellisson : Journal des Savons^
novembre 1700; — Baillet, Jugemms des SavanSy U, 49; — République des
Lettres, de Bernard, janvier 1717, etc.)
2. — Histoire de l'Académie française, depuis son établissement jusqu'à 1652, par
M. Pellisson, avec des remarques et des additions. Paris, J.-B. Coignard fils,
1729, 2 vol. in-4, et 1730, 2 vol. in-12.
C'est l'histoire de Pellisson, annotée et continuée jusqu'en 1700 par l'abbé
d^Olivet (Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet), qui a signé la dédicace à l'Acadé-
mie. Le premier volume ne contient que l'histoire de Pellisson, avec des
remarques et des additions importantes. Le second volume commence à
Tannée 1652, où Pellisson s'était arrêté, et porte un titre spécial : Histoire
de V Académie française depuis 1652 jusqu'à 1700, par Fabbé d'Olivet. — Les
notes de Quérard {France littéraire) nous apprennent que d'Olivet avait con-
tinué son travail jusqu'en 1715, mais que, pour n'être pas obligé de louer
des académiciens peu louables, il jeta son manuscrit au feu. — Il y a une
autre édition de 1743, en deux volumes in-12, qui est plus complète que les
précédentes : elle contient de nombreuses additions et corrections. — On
connaît aussi une édition de 1730, à Amsterdam, chez Bernard, in-12.
(Voir des comptes rendus du livre de l'abbé d'Olivet : Journal de Leipsic,
1730, p. 358; — Journal de Verdun, mars 1730, etc.)
3. — Histoire de V Académie française par Pellisson et d'Olivet, avec une intrO'
duction, des éclaircissements et notes, par M. Cli. L. H. Livet. Paris. Didier,
1858, 2 vol. in-8. — L'introduction et les notes de M. Livet sont très-intéres-
santes, mais ce qui rend ces volumes précieux, ce sont leurs nombreux
appendices, parmi lesquels, outre différentes pièces déjà imprimées sur
l'Académie, comme les Harangues de Pellisson. la comédie des Acadé-
mistes de Sadnt-Evremont, la requête des dictionnaires de Ménage, une
épitre de Boisrobert, des extraits des Mémoires de Perrault, etc., etc., on
remarque deux longues séries de lettres inédites de Chapelain et une cor-
respondance aussi inédite de l'abbé d'Olivet avec le président Bouhier, ren-
fermant une foule d'incidents curieux de l'histoire intime de l'Académie.
On peut lire un excellent compte rendu de cette publication, par M. Sainte-
Beuve, dans ses Catiseries du Lundi* Paris, Garnier, 1861, tome XIV (p. 195-
218) : ce compte rendu apprend lui-même bien des choses nouvelles. —
Consulter aussi le chapitre u, intitulé « l'Académie française et ses histo-
riens » des lettres satiriques et critiques de H. Babou. Paris, Poulet-Malassis,
1860, 1 vol. in-12 (p. 17-31).
4. — Dgclos. Histoire de l'Académie française, — Fragment inséré au t. VIII
des Œuvres complètes de Duclos. Paris, Janet et Cotelle, 1820-1821, 9 vol.
in-8. — C'est une continuation fort médiocre de l'histoire de l'abbé d'Olivet,
que l'intraitable secrétaire perpétuel se proposait de compléter par les
éloges des académiciens morts depuis 1700 : mais il n'a laissé que l'Éloge de
Fontenelle, éloge bizarre qui ne fait pas trop regretter les autres. — On peut
lire, dans les Mémoires secrets de la Eépublique des lettrés (par Bachaumont)
pour 1771, un piquant compte rendu de la lecture que Duclos fit de son
manuscrit en séance publique.
5. — Histoire des membres de l Académie frùneaise morts depuis 1700 jus-
qu'en 1771, pour servir de suite aux lùoges imprimés et lus dans les séances
publiques de cette oompagnie, par M. d'Alembert, secrétaire perpétuel de
l'Académie française et membre des académies des sciences de France, d'An-
gleterre, de Prusse, de Russioi de Suède, de Portugal, de Bologne, de Turin»
de Napies, de Cassel, de Boston et de Norwége. A Paris, chez Moutard»
imp.-libraire de la reine, de Madame,., et de l'Académie des sciences, rue
— lot —
des Mathurins, hôtel de Ciuni, 1787, 6 vol. in-12. Ouvrage posthume, puhlié
par Condorcet. Le premier volume avait paru isolément, du vivant de
d'Alembert, en 1779, avec le titre de : Éloges de plusieurs savants, lus dans les
séances de VAcadémie. Il n'y a que le titre de changé. Ce sont des éloges
isolés, sans lien entre eux, précédés d*une simple introduction et accompa-
gnés de notes justificatives très-intéressantes, de discours sur les prix
décernés et de divers documents académiques. — L*ordre chronologique n'est
pas suivi ; mais on Ta rétabli dans les diverses éditions des œuvres cx)mplètes
de d'Alembert,cn particulier. Paris, Bastien, an XIV, 18 vol. in-8, ctBossange,
1821, 5 vol. in-8.
6. — ViLLEMALN. IniroducHm à une hisMre de VAcadémie depuis d'Alembert.
Articles publié dans la Revue des deux Mondes, livraison du 15 septembre
1832.
7. — Saime-Beuve. VAcadémie française, histo/ire de Vacadémie, depuis 1803,
des nouvelles fondations, etc., composée pour le Paris-Guide, Paris, Albert La-
croix, 1867, 2 vol. in-8, — et réimprimée dans les Nouveaux Lundis, tome XII,
Paris, Michel Lévy, 1871 (p. 402438).
. 8. — Historre de r Académie française depuis sa fondation jusqu'en 1830, par
M. Paul Mesnard. Paris, Charpentier, 1837, 1 vol. in-8. — Ce livre fort inté-
ressant, qui contient une liste de tous les académiciens, par ordre chronolo-
gique de réceptions, et une liste par fauteuils, s'attache surtout à Thistoire
des relations de TAcadômie avec ses protecteurs et avec le pouvoir central.
— On peut en lire un excellent compte rendu au tome m des Œuvres eom"
piétés de H. Rigault, Paris, Hachette, 1839, 4 vol. in-8.
9. — Mâynard. VAcadémie et les Académiciens. Série d'études biographiques
et littéraires sur les membres de l'Académie française classés par fauteuils,
publiés par M. l'abbé Ulysse Maynard, dans la Bibliographie catholique, depuis
1855 jusqu'en 1870. Paris, auxbureauxde la Revue, rue de Sèvres, 31,
in-8. — Ces études n'ont pas été réunies en volume. — L'ordre numérique
des fauteuils n'est pas suivi : c'est ainsi qu'on trouve le 37* étudié en 1858,
le 21» en 1868, le 31« en 1869, le 19» en 1870. — Ndhs ne leur ferons qu'un
reproche, celui d'être un peu inégales en importance : plusieurs académi-
ciens sont trop sacrifiés à leurs voisins : mais, en revanche, on reconnaît par-
tout l'étude consciencieuse et de première main qui rectifie bien des erreurs
accréditées.
10. — Philabeste Chasles et Victor Fournel. — Histoire anecdotiquedes qua-
rante fauteuils de VAcadémie française, — Série d'études légères, avec des por-
traits gravés sur bois, publiées dans le Musée des familles, en 1854, 1855 et 1856,
par M. Philareste Chasles, et depuis 1857, par M. Victor Fournel. C'est un
recueil d'anas plus ou moins contrôlés, assez ingénieusement reliés dans des
cadres fantaisistes, sur les académiciens, groupés par fauteuils au nom du
dernier occupant : « Ne supposez pas, disait cependant M. Philareste Chasles,
que le caprice ou la fiction entrent pour rien dans les curieux portraits qui
vont suivre : tous les faits bizarres et romanesques relatifs à l'aventureux
Campistron, à l'ambassadeur roturier Destouches, au révolutionnaire Cham-
fort, à l'amuseur de Richelieu, Boisrobert, je les recueille fidèlement dans les
annales et les chroniques de leur époque. Le théâtre du hasard et de la vie
est disposé avec plus d'art et de fantaisie que les plus habiles ou les plus
audacieuses créations... » — Ces études sont très-inégales. Prenons, par
exemple, le fauteuil do M. de Ségur, publié en 1836 (t. XXin du Musée des
familles), il y a 20 colonnes sur Boisrobert, 2 sur Segrais, 2 sur Campistron,
2 sur Destouches, 2 sur de Boissy, 1/4 sur La Cumc de Sainte-Palaye, 10 sur
Chamfort, 1/2 sur le duc de Levis, 2 sur le comte de Ségur. — M. Victor
— 158 —
Foarnel a publié, en 1857, le fauteuil de I^funartine ; en 1858, ceux de
Scribe et de Barante; en 1859, celui de Saint-Maro Girardin; en 1861,
celui de Victor Hugo, etc.
11. — Consulter les articles : Acadéiiib de V Encyclopédie méthodique (par
d'Alembert ou Duclos?) ; — du DicHonnaire philosophique de Voltaire; ^ du
IHetiofmaire de la conversation; — de VEncydopidie du dix-neuoiéme siècle
(Giraud); etc., etc.
12. — Tc^leau historique et chr^mologique de VAcadéfnie française et de V Aca-
démie des Inscriptûms et belUs-lettres^ suivant la méthode de A. Lesage, par
A. D. de Nancy. Paris, Jules Renouard, 1826, grande feuille in-plano col.
(n* 10 de V Atlas historique et chronolofjique des littérateurs)»
13. — Premier tableau de V Académie française et Uste de tous les acadérnsdens
jusqv^à présent (août 1772), au nombre de 246, selon Tordre de Tannée de
la mort de ceux qui sont décédés ; où Ton voit leurs successeurs et la date
de la réception de tous. — Inséré dans la Bibliothèque historique de la France
du P. Le Long (édit. Fontette, t. IV, p. 52-62).
14. — H. Babou. L'Académie française et ses kietariens, — C'est le second
chapitre des « lettres satiriques et critiques avec un défi au lecteur, par
Hippolyte Babou. Paris, Poulet-Malassis, 1860, 1 vol. in-12.
15. -* Chapters of the biographical history of the firench Academy^ by Edv.
Edwards. London, Trûbner, 1861, in-8 (cité par Brunet, Manuel du lUtraire),
16. -* Histoire des quarante fauieuils de V Académie française^ depuis la fon-
dation jusqu'à nos jours (1635-1855), par M. Tyrtée Tastet. Paris, Adolphe
Delahays, 1866, 4 vol. in-8. — Cet ouvrage comprend, à la suite d'une
introduction générale (de 156 p.), résumant Thistoire de TAcadémie, une
série de portraits littéraire» de tous les académiciens depuis Torigine,
groupés par fauteuils, sous la rubrique de l'académicien le plus éminent
qui ait occupé ce fauteuil. On n'y rencontre paa de notices bibliographiques.
Compilation assez laborieuse, mais qui ne recourt pas assez aux sources
premières et n'apprend rien de bien nouveau. Le catalogue de la Biblio-
thèque nationale dit q«e, d'après un renseignement fourni par M. Livet»
les trois derniers volumes ont été rédigés par M. Léon Renard, bibliothé-
caire de la Marine.
17. — looftOtfrapMe de IJnstiM royal de France, ou collection des portraits des
membres composant les quatre académies depuis 1814 jusqu'en 1825, dessinés
d'après nature par Jules Boilly, Paris, chez l'auteur et chez Pieh Benard
(imp lith. de Villars), s. d., gr. in-4, 4 tomes en 1 vol. — L'Académie
française comprend 40 portraits : celles des inscriptions 40, celle des
sciences 69, celle des beaux-arts, 45.
18. ' Qakrie des académicienSf portraits littéraires et artistiques, par G. Vatr
tier. Paris,. Amyoty 1863, 1864, 1866. 3 vol. pet. in-18. — Cette galerie non
terminée, ce qu'on doit fort regretter, d'après ce qui a paru, devait corn*
prendre tout l'Institut contemporain. Mais TAcadémie française est en
très-grande majorité, comme on le voit par ce résumé de la table : Tomep' :
Portraits de Vigny, Legouvé, Feuillet, Cousin, Beulé, Dumont. — Tome II :
Sainte-Beuve, Mérimée, Ponsard, Saint-Marc Girardin, Michelet, Ingres.
— Tome ni : de Sacy, de Montalembert, Sandeau ,Viennet, Renan.
19.— LetU^ au public sur la mort de MM. Cribillon, Grts&et, etc, par Tauleur
des Anecdotes de Vemperewr (ùucoudray) PdriS| Durand, 1777, in-8.
20. — Fonienelle, Colardeau et Dorât, ou éloges de ces trois écrivains célébi^es.
Ouvrage renfermant plusieurs anec lotes non connues^ précédé d'uneieltre que
Bailly a écrite à Tauteur au siget de Téloge de Fontenelle et suivi d'une vie
de Rivarol par C* Palingeaux. Pans, Cérioux» an Xl-1803| in-8.
— 159 —
21. -— Vaunoib. Biographie des ac<idémicien$ radiés^ suivie de celle des aca-
démiciens élus par lordonnance du 4 mars 1816, contresignée Vaublanc.
Paris, chez les marchands de nouveautés, 1822, in-8, 96 p. (impr. Gatschy).
22. — Les fauteuils illustres en quarante étuiies littéraires faisant suite aux
quatre siècles littéraires^ par M"'* d*AUenheym (Gabrielle Soumet). Paris,
E. Ducrocq, 1860, in-18.
23. — Le chancelier Pierre SéguieTy second protecteur de l'Académie française.
— Etudes sur sa vie privée^ politique et littéraire et sur le groupe académique de
ses famiUiers et commensaux, par René Kerviler, ancien élève de l'Ecole poly-
technique. Paris, Didier, 1874, in-8 de 692 p. avec blasons inédits et fac-
similé d'autographes. (Il a été tiré cinq exemplaires sur papier vergé en deux
volumes à pagination distincte, qui n'ont pas été mis dan^ le commerce.) —
Ce groupe académique comprend des études biographiques et littéraires sur
onze académiciens, accompagnées de pièces justificatives et d'un grand
nombre de lettres et de documents iuédits. L'auteur doit les faire suivre
prochainement d'études sur un second groupe choisi parmi les quarante fon-
dateurs de l'Académie sou^ le titre de : La cour académique du Palais-Car^
dinaL — Il ne nous appartient pas d'apprécier ici cet ouvrage dont le
Polybiblion a déjà parlé dans sa livraison de février 1875.
24. — Kervilbr. Les Académiciens bibliophiles^ série d'études sur sept aca-
démiciens : Uabert de Montmor^ les abbés Bignon, Colbert, Louvois, etc.,
publiées en 1872 et en 1873 dans le Bibliophile français. Paris, Bachelin-
Deûorenne, gr. in-8, sur papier des Vosges. Cette revue a interrompu ^a
publication à la fia de 1873.
25. ~ La Bourgogne à l'Académie française de 1665 à 1727, par Ch. Muteau.
— Dijon, Picard et Manière, 1862, in-8.
26. — Contrés sdenti/ique de France. Trente-huitième cession tenue à Saint*
Bri<^uc du !•' au 10 juillet 1872. — La Bretagne à l'Académie française aux dix-
septième et dix-huitième siècles^ par M. Pocard Kerviler, ingénieur des ponts
et chaussées. — Fragments de la lecture faite à la mairie le 4 juillet 1872.
Saint-Brieuc, Guyon Francisque, 1874, in-8, 32 p. C'est un tirage à part, à
25 exemplaires, de l'étude insérée dans les Mémoires du congrès. — Ibid.,
1874, 2 vol. iu-8. — Ce canevas général a été considérablement augmenté et
développé par Tauteur, qui, depuis 1872, publie, dans la Bévue de Bretagne et
de Vendée, des études complètes sur la Vie et les ouvrages des académiciens
bretons, sous la rubrique générale : La Bretagne à t' Académie française. Paul
et Daniel Hay du Chastekt ont été étudiés par lui en 1873 ; les trois dues de
Coislin en 1874; Chapelain est en cours de publication en 1875. 11 est fait de
ces études un tirage à part & douze exemplaires.
27. — MoNSELBT (Charles). Les quarante académiciens français. — Série d'étu-
des publiées en 1874 dans le Moniteur universel sur les quarante membres de
l'Académie alors vivants. Ces études paraissaient à peu près tous les samedis ;
mais la série n'a pas été achevée. Ont paru seulement: en janvier, MM. FeuiU
let et Thiers; — en février : MM. J. Janin, de Laprade, V. Hugo; — en mars,
MM. E. Augier, C. Doucet^ S. de Sacy ; — en avril, M. Autran ; — en mai,
MM. J. Sandeau, C. Housset; — en juin, M. Cuvillier-Fleury ; — en juillet,
Mgr Dupanloup ; — en ao&t, M. Guizot; — en octobre, M. le duc de Noailles.
— En tout, quinze études^ qui n'ont pas été continuées.
(A suivre.) Rkmé Kerviler.
— 160 -
CHRONIQUE
NÉCROLOGIE. — * S. Em. Jacques-Marie-Adrien Mathieu, archevêque de
Besançon et cardinal, a vu venir, avec courage et résignation, la mort qui Ta
enlevé le 9 juillet. Quoiqu*il manifestât des dispositions pour Tétat ecclé-
siastique, il fit son droit et s'occupa d'affaires. Puis il entra au séminaire de
Saint-Sulpice. Ordonné prôtre en 1823, il a montré de bonne heure les
qualités qui lui valurent Thonneur d'atteindre au sommet de la hiérarchie
ecclésiastique. On le vit, dans le diocèse d'Evreux, professeur, puis supérieur
du séminaire, chanoine et vicaire général ; puis à Paris, sous Mgr de Quelen,
promoteur de l'officialité, chanoine, vicaire général, puis curé de la Made-
leine. En 1832, il fut préconisé évêque de Langrcs, et transféré sur le siège
archiépiscopal de Besançon en 1831. Il fut promu au cardinalat en 1850. Le
cardinal Mathieu a dépensé la plus grande partie de son activité dans l'ad-
ministration de son diocèse. Ce n'est point le lieu d'apprécier sa longue et
féconde carrière, mais nous tenons à citer les tentatives qu'il fit pour rame*
ner à Dieu le fameux abbé Grégoire, la création à Besançon du collège
Saint-François-Xavier, sa participation aux délibérations du Sénat, marquée
par des discours remarquables, et le recours comme d'abus formé contre
lui, en 1865, pour avoir lu en chaire l'encyclique du 8 décembre 1864. Ses
œuvres principales sont : la traduction d'une Dissertation polémique sur Tltn-
maculée-Conception, par le cardinal Louis Lambruschini (1843, in-8) ; —
Heures des Corigrégations et Conférences du diocèse de Besançon (in-8, 1849) ; —
Un Mot sur la brochure Pape et Empereur, de M. Cayla (in-8, 1860) ; — La
Cause italienne et le P. Passaglia (in-8, 1861) ; —Le Pouvoir temporel des papes
justifié par l'histoire ; étude sur l'origine, l'exercice et l'influence de la sou-
veraineté pontificale (in-8, 1863). Parmi ses nombreux mandements, où tous
les sujets sont traités, nous citerons ceux sur la Parole de Dieu (1844) ; — Sur
les Avantages du Carême (1848) ; — Sur la Sanctification des dimanches et fêtes
(1853) ; — Sur l'Assistance aux offices et les profits qu'on en retire (1859) ; —
Sur la Diminution de V esprit du christianisme (1862) ; — Sur V Éducation des
enfants (1864); — Sur Les tec/ures (1867).
— M. Adolphe Dechamps, ministre d'État belge, vient de mourir à Bruxelles^
le 19 juillet. Il était né à Melle (Flandre-Orientale), le 17 juin 1807.
Cette perte sera vivement ressentie, non-seulement par la Belgique et par le
roi Léopold, dont M. Dechamps était un des plus fidèles conseillers, mais
encore parles catholiques de tous les pays, pour la cause desquels cet éminent
homme d'État combattit toute sa vie. Cotçme écrivain, orateur et chef da
parti catholique en Belgique, sa réputation était européenne. Il prit, par la
plume et la parole, une part fort active à tous les débats qui ont agité, dans
le cours de ce siècle, la presse et la tribune. Son nom fut mêlé à toutes les
grandes luttes religieuses de la Belgique ; sa parole a retenti à la Chambre
des représentants belges chaque fois que le parti catholique, dont il était le
leader, eût à revendiquer ou fût attaqué; sa plume, qui était celle d'un écri-
vain habile et d'un économiste distingué, aida puissamment, à la Remie de
Bruxelles comme ailleurs, au triomphe des idées que défendaient les catho-
liques. Ces idées, d'ailleurs, celles des vieilles Flandres, il les avait paisëes,
ainsi que son illustre frère, Victor Dechamps, aujourd'hui cardinal et primat
de Belgique, dans l'enseignement paternel, à Seneffe, où tous deux s'étaient
préparés à combattre le bon combat. Après avoir fait ses premières cam-
pagnes dans VÉmancipation et le Journal des Flandres, le succès le récompensa
si bien, qu'il fut envoyé, en 1834, par le district d'Ath, à la Chambre des
— 161 —
représentants. Ses talents, mis en lumière par les discussions sur Toganisa-
tion conmiunale, sur Tinstruction publique supérieure, sur les intérêts
industriels et commerciaux de la Belgique, lui donnèrent promptement une
influence considérable. En 4839, son attitude patriotique dans les débats
oratoires que souleva le traité des mngt'qtULtre articUs^ lui valut des ovations
populaires. — En 1841, il fut nommé gouverneur du Luxembourg belge,
puis s'acquitta avec succès d'une mission commerciale auprès du gouverne-
ment français, n arriva au ministère en 1843, et eut le portefeuille dos tra-
vaux publics dans le cabinet mixte dirigé par M. Nothomb ; ce fut à lui que
le réseau des chenûns de fer belges dut son achèvement. — Après les élec-
tions de 1845, malgré le remplacement de M. Nothomb par M. Yande Weyer,
M. Dechamps demeura au ministère, où il fut chargé des affaires étrangères,
n conserva ce portefeuille dans le cabinet catholique de M. de Theux, et lit
entrer son gouvernement dans ses vues libre-échangistes. Des traités de
commerce avec la France, la Hollande et les États-Unis d'Amérique tirèrent
la Belgique de l'isolement où l'avait jusqu'alors maintenue le système pro-
tectionniste. — La chute de M. de Theux entraîna celle de M. Dechamps, en
1847, le parti libéral ayant fini par l'emporter sur le parti catholique. Pen-
dant les années suivantes, il lutta contre ses adversaires, comme député de
Charleroi. — Chargé en 1864, après la démission du ministère Frère-Rogier»
de former un cabinet, il n'y put réussir; peu après, porté aux élections à
Charleroi, il échoua. Il fut longtemps éloigné de la politique militante, et ne
rentra aux affaires, comme ministre d'État, qu'alors que le parti catho-
lique eût triomphé du parti de la révolution. La mort est venue surprendre
l'illustre homme d'État, au lendemain de l'incident diplomatique où l'exis-
tence même de la Belgique fut un instant mise en cause, au moment où il
rêvait de refaire à son pays un glorieux avenir, à l'heure où, plus soucieux
du bien public que ses prédécesseurs libéraux, il forçait ses adversaires à
admirer et à respecter et sa ligne de conduite et son talent. M. Dechamps a
publié : La Convention de Qastein; — La France et V Allemagne; — Situation de
la Belgique (in-8, 1865, Dentu); — L'Empire et V Angleterre (in-8, 1860) ; —
Jule$-César\ — U Empire jugé par V Empereur (in-8, 1865); — Le second
Empire; — IHalogues politique (in-12, 1859); — Les partis en Belgique et le
nouveau règne {in-S, 1866). — M. Dechamps a aussi beaucoup écrit dans la
Bévue de Bruxelles, qu'il avait fondée.
— M. l'abbé Mathieu Orsini, né en 1802, ancien chapelain de Saint-Louis
des Invalides, est mort à Paris, au mois de juillet. Outre sa collaboration à
un certain nombre de revues et journaux, comme le Conservateur de la Foi,
le Moniteur de la Beligion, la Bévue de l'Education natUmaUf il a écrit : La
Vierge; histoire de la Mère de Dieu, complétée par des traditions d'Orient»
les écrits des saints Pères et l'histoire privée des Hébreux (2 vol. in-8 ;
\^ édition; «837 2% 1861); — Traduction des lettresde saint Jérôme (1839) ; —
Les Fleurs du ciel, ou Imitation des Saints (1839) ; —Le Conseiller du peuple
(in-8, 1842); — Histoire de saint Vincent de Faut (in-18, 1842) ; — La Bible
des familles, extraits textuels des livres saints (in-12, 1843) ; — Les Quatre
Évangiles complets, précédés d'une préface et d'une table-concordance ; suivis
d'un extrait des Actes des apôtres, etc. (in-16, 1843); — Considérations sur
Napoléon (1853) ; — Le Faradis terrestre (in-12, 1857, Vermot) ; — Béponse à
la brochure intitulée : le Fape et le Congrès (in-8, 1860) ; — La Bible des écoles,
ou cours abrégé d'histoire sainte, précédé ^d'une analyse sur chacun des
livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, suivi de la vie de N.-S. Jésus-
Christ et de l'histoire des Juifs jusqu'à leur entière dispersion ; — Examen du
Hvre de M. Benan (in-8, 1863) ; 2* édition sous le titre de Bé^taHon du livre
Août 1875. T. XIV, 10.
— !6« -
de M. Renan (in^, 4863) ; — ¥rote$tatiùn tontrû la «uppress^^i dé V hôtel des
Invalides (Paris, 4870, iii-8 de 32 p.).
•^ M^ Piêire^oseph d« Pusox, éiréque de Sion iSuisse), est mort le 16
Juillet dans sa tille épiseopale. Il était né à Venthrôme, le 28 avril 1798.
Docteur en théologie et en droit canon, profdssear de théologie et d'écriture
sainte, chanoine titulaire, il tat préconisé é?éque de Sion en 1844.^ Mgr de
Preui laisse, parmi ses œuvres, un certain nomhre de lettres pastorales re-
marquables. Nous n'en citerons que quelques-unes : Contre to lecture des
mauvais Itoreseldee maxn)(Xls jeiurnaiai (1845) ; •- CtmJtre VirréUgion et le Hber-
tlnage, (1848) \ — Le Sensualisme^ le respeel humain et Vind^endamoe^ causes
de Ironsgressiofis de Vabstinmcey (1851) ; — Qu'est-ce ^ue (e Pape? (1862) ; --
On'esi-ee qaé le DimoHCitoP (<864), et beaucoup d'autres sur la fbi, sur le
lubilé, etc.
— H. Jean^Charles MoABàU, chanoine de l'église métropolitaine de Paris,
est mort à Paris le 9 mai. U était né à Hessas près Beaugency, le 4 août 1788.
n promettait par ses goûts et ses études, en partie fkites sous la direction de
Tertuenx ecclésiastiques, et au petit séminaire d'Orléans, lorsque les circons*-
tances l'entraînèrent dans l'armée en 1896* n servit dans l'intendanoe, en
Italie, et arriva au grade de capitaine, n se distingua plus tard par son courage
à la bataille de Waterloo. Enfin, en 1821, il entra au séminaire, à l'âge de
trente-trois ans, et fût ordonné prêtre en 1824. U exerça le saint ministère
en qualité de vicaire à Saint-Denis du Saint-Sacrement, à Notre-Dame des
Victoires, puis à Notre-Dame. En 1843, il fut promu à la cure de Saint-
Hèdard, où il fat puissamment secondé par la sœur Rosalie, et obtint un
canonicat en 1862. Il a publié, en 1639, sous le titre de Mes Vacances en /(olie
(in-12), la relation d'un voyage qu'il fit dans ce pays, et la Ltfurgie
ûa ÏHmttMM (1852, in^l2). n laisse un travail inédit sur Notre-Dame de
Paris. Il était, depuis longtemps, membre de la Société des études histùriqueÈ.
•^ Mgr Jacques JsANCAftn.évêque de Gé2ame ài porh^us et chanoine de Saint-
Denis, vient de mourir, le 6 juillet, à Cannes. U était né en 1799. n avait été
Tauziliaire de NN. SS. de Mazenod et Guibert dans l'exercice de leur minis-
tère apostolique. Préconisé^ en 1858, évêque de Gézame, in partibus, et après
la mort de Mgr de Mazenod, en 1861, chanoine de Saint-Denis, il est auteur
d'une Vie de setM Martin et d'une IfMx sur Louis-Marie Camper, novice
de la compagnie des Oblats de Marie. On lui doit aussi deux oraisons fu-
nèbres de NN. SS. Ghàrles^rtuné et Charles Joseph-Eugène de Mazenod
(1840, 1861).
-^ M.Étienne>Edmond, comte Lavono, né à Paris le 18 février 1821, est mort
dans cette ville, le 23 juillet 1875; il était commandeur de l'ordre de Saint-
6régoire-le-Gfand, président de l'œuvre du Denier de Saint-Pierre, président
honoraire et fondateur de la Société de Saint-Jean pour l'encouragement de
l'art chrétien, membre de la Société bibliographique ; on le trouvait dans
toutes les œuvres, auxquelleê il donnait le concours de son activité et le
généreux appui de sa fortune. Les œuvres pontificales étaient celles qui
avaient le plus d^attrait pour lui. 0*nnfa pro Pétri sede, telle était sa devise,
fidèle expression de son dévouement au Saint-Siège. Ecrivain lui-même, il
comprenait, mieux qu'on ne le fait généralement, ce que nous appellerions
Volontiers les œuvres de charité intellectuelle. Il a écrit : Dante, Pétrarque,
Michel-Ange, Tass», sonnets choisis, traduits et précédés d'une étude sur
chaque poète, en collaboration avec M. Etienne Lafond (in-8, 1848); —
De la »)enaissance eathotiqwe enAnglaerre (in-18, 1849) ; — Rame, Lettrée d'un
pèlerin (2 vol. in-8 ou in-18) 1856; 2* édit. 1864); — La Voie doulourettse
des Popes (in-18, 1860); — Larette et Ca^lfidarie (in-18, 1862); -^ m Mé-
- 163 —
dedn sous la Tefreur, suivi d'antres tiouTelles (1864, in-i8) ; — EisMre «les
cAoines de saint Pierre, et dé la Confrérie de ce nom à Rtme (in-32, 1866) ; •—
LalVi6toietoC^dAome, méditations et souvenirs (in-i8, 1869); — Aome
CBctcménigue, lettres à un ami pendant le ooneile (in-8, 1870); — Le
Pèlerinage d'Âuchy histoire de saint François par les monuments (in-18) ;
— La Saleîte^ Lourdes et Pontmairiy voyage d'un croyant (2« édit., in-18); —
Dorothée, vierge et martyre, tragédie, suivie du Mag^ieien, drame de Galdéron/
traduit de l'espagnol (in-8, 1873) ; — Le Poème de Home (in-8, 1874). — Le
comte Lafond a, en outre, écrit dans le Correspondant, la Bévue du Monde
ccUhoUque, le Contemporain, le Messager de la Semaine. — D avait été un des
rédacteurs du journal fAmi de la Beligion. — Il laisse plusieurs manuscrits,
parmi lesquels on trouvera probablement les éléments à peu près complets
de plusieurs ouvrages. Il était sur le point de faire paraître un ouvrage asset
considérable, et auquel il travaillait depuis longtemps : les Saints de Rome.
— M. le vicomte Edouard-Ferdinand de BEAUMOifr-yASsr, né au château de la
Mothe-Souzay (Indre-et-Loire), en 1816, est mort subitement, k Paris, le
^ juillet. Ancien préfet de l'Aisne (1851 k 4853), ancien maître des requêtes
de première classe au Ck)nseil d'Etat (1855), ses premiers essais littéraires
furent des romans : Une Marquise d'autrefois (1838, in-8) ; — Don Luis (1839,
in-8), etc. Se tournant ensuite vers rhistoire, il écrivit des ouvrages assez
estimés, au premier rang desquels on peut citer: Les Suédois depuis
Charles lU jusqu'à Oseur /•' (1841, 2 vol. in-8). il attaqua vivement la révo-
lution de juillet dans différentes brodiures, telles qae la Politique des honnUes
gms (1851) et la Préface du 2 décembre (1853). Nous avons encore k citer de
ce pnbUcûste: Swedenborg, ou Stoeholm en 1856 (1842, in-8); — Eistoire des
États européens depuis le congrès de Vienne (1843-1853, 1. 1*' k VI, in-8),
publication ÛMchevée; — Un Dernier B^ de jeunesse (1852), roman qui ne
ftit pas son dernier, malheureusement; — Histoire de mon temps (1855-1858,
4 vol. in-8), où le règne de Louis-Pbilippe et la République sont vivement
pris k partie ; •— Les Sàkns de Paris et la sodéié parisienne sous Loute-PW-
l^iptl*' (1856, in-18); — Une éistrigue 4ms le gmnd monde (1867, in-i8),
roman de mœurs oontemporaûies; — les Saêons de Paris et la société parir
efefifie «me IVcqMiéonliï (1858, in-IB); —Bietoireinltime du second Empire; —
Mémoires seerets du âtao-neuiméme siècle f — et enfin, son dernier ouvrage,
qui devait paraître le Jour même de sa mort, et dont il n'a pu voir la
publication : Les papiers ourieux d^un honme de cour.
^ — M. Athanase-Josué GooncREL fils, né à Amsterdam en 1820, est mort k
Fismes, le 25 juillet. Gomme son père, il était pasteur protestant. Devenu
rédacteur en chef du Lien, puis de la Nouvelle remie de théologie, il acquit, par
ses doctrines et ses écrits, plus encore que par un certain talent de parole,
une autorité personnelle parmi les protestants. En 4864, il se déclara par-
tisan des idées de M. Renan, à propos de sa Fîe de Jésus. H était alors sup-
pléant du pasteur Martin Paschoud; il fut suspendu, cette même année, da
ses fonctions de ministre par le consistoire de Paris, par suite de ses prédi*
cations d'un libéralisme de mauvais aloi, qui soulevaient des orages parmi
les protestants orthodoxes. H a publié : Topographie de Jérusalem (in-8, avec
plan, 1843) ; — Des Beaux-Arts en Italie au point de me religieux (1857); —
Le Bon Samaritain, sermon ; — Le Catholicisme et le Protestantisme considérés
dans leurorigine et leur développement (1864, in^); —le Culte tel que Dieu le
demande; ^ Les Deux Méthodes. Expansion et compression (1865); — L'E-
goisme devant la Croix (1864); — Homélies, deux séries (1858); — Jean Calas
et sa famille, étude historiée d'après les documents originaux, etc. (1858^
in-12, avec 2 grav. et fao-simile) ; — La Saint-Barthélémy (1860) ; » Précie de
^ 164 —
l*EglUe réformée de PariSy à^Aprés des dùcumenis en grande partie inédits
(1862, in-8); — Un certain nombre de sermons, sous des titres particnliers
(1860-64) : La Science et la Religwn ; — La Solidarité chrétiennB; — La Tradifion
protestante; — La Charité sans peur; — Des premières transformaiûms histori"
quesdu christianieme; — Pourquoi la France n'est-^lle pas protestante? libres
études; — La Conscience et la Foi; — Élan vers Dieu; — Le ministère de
f Esprit ; — Les Minorités chrétiennes^ etc. — Il a aussi publié des lettres
inédites de Voltaire sur la tolérance.
— M. Albert Blanqubt, né à Paris en i826, est mort au Vésinet (Seine-et«
Oise), le 10 juin. Il a débuté dans la carrière littéraire par des romans qui
ont eu de la vogue dans les journaux populaires. Il a été attaché au cabinet
de Napoléon m, et, depuis la guerre, il donnait, sous le nom de Ghrysale»
des causeries dans le journal la Liberté. Citons de lui : La Giralda de Séi>iUe
(1852); — Amovr et caprice, comédie (1854); — Les Amours de dArtagnan
(1 859) ;•- Les Bains de mer des cit^ normandes, guide (1859); — Le Roi d'Italie
(1860); — Le Parc aux cerfs (1860) ; -> Mademoiselle Trois-Étoiles (1862). --
La belle léronniére (1862);— Les chevaliers de TAs de |>C9ue (1863) ;— les
Enfantsdu curé (1864) ; — La Mer durai; ^ Les Amaitones de la France; —
La Terre dPor, etc.
— En annonçant, dans un de oos précédents numéros (avril 1875, p. 362),
la mort de M. Tabbé Th« Grasilier, nous avons donné un résumé incomplet
des travaux de ce modeste savant ; nous croyons juste de compléter cette
première notice. — L'abbé Grasilier eut pour maître Tabbé, Gholet, dont
il fut le collaborateur. Ds recueillirent ensemble, dans tous les dépôts publics
de la France et de l'étranger, les œuvres de Jean de la Rochelle, Tun des
représentants les plus remarquables de TÉcole franciscaine au treizième
siècle ; Tabbé Grasilier en transcrivit lui-même plus de 500 pages de grand
format, et c'est dans cet énorme manuscrit que M. Laguet a pu, tout
récemment, puiser la matière {d'une remarquable thèse de doctorat. C'est
M. Grasilier qui suryeilla l'édition du Cartulaire de Baigne, préparé par
Tabbé Cholet; il publia seul ceux de Notre-Dame de Saintes, de Saint-
Étienne de Vaux et de Notre-Dame en Arvert ; il a donné de nombreux articles
dans le Bulletin religieux du diocèse, et un mémoire dans la Bévue archéoUh
gique sur un tombeau gallo-romain découvert & Saintes. M. Grailler, qui était
un collaborateur actif de la Conmiission de la topographie des Gaules, pour
le département de la Charente-Inférieure, a laissé, en manuscrits, plusieurs
travaux importants, qui sont assez avancés pour laisser espérer qu'ils seront
publiés. Nous citerons le Cartulaire de l'abbaye de Saint-Jean d'Angély, les
Vies des saints du diocèse de Saintes, le Catalogue des èvéques de Saintes, les
Archiprétrés de ce diocèse, la copie du manuscrit du chanoine Tabourin, dont
l'original a été brûlé en 1871, ainsi que leGartuUnre de Notre-Dame de Saintes.
Institut. — Académie des sciences. — L'Académie a tenu sa séance publique
annuelle le 21 juin, sous la présidence de M. E. Frémy. M. le président a
fait le bilan rapide de l'année qui vient de s'écouler. Il a proclamé ensuite
les prix du concours de 1874. M. Bertrand a prononcé Tôloge historique de
M. Élie de Reaumont, son prédécesseur.
Voici la liste des principaux prix accordés et le nom des lauréats.
Grand prix des sciences mathématiques. « Théorie mécanique du vol des
oiseaux. » — Six mémoires ont été présentés au concours. Aucun d'eux n'a
présenté un ensemble assez complet au point de vue mathématique et assez
sûr quant aux bases expérimentales pour qu'on pût lui décerner le prix.
Une récompense de 2,000 firancs a été accordée à M. Penaud pour le mémoire
— I«5 -
n* 2. Un enoouragement de 1,000 francs a été accordé à MM. Hureau de Vîl-
leneure et Crocfr-Spinelli pour le mémoire n<^ 4.
Grand prix des scienees pkytiques. n Etude de la fécondation dans la classe
des champignons. » — Aucun mémoire n'a été jugé digne du prix. Sa valeur
a seule été partagée^ à titre d'encouragement, entre MM. Maxime Cornu et
Ernest Rose.
Mécanique. Prix Poncelet. — Décerné à M. Bresse, ingénieur en chef des
ponts et chaussées pour son ouvrage : Cours de Mécanique appliquée professé à
l'Écoie des ponts et chaussées.
Prix Montyon. -^ Décerné à M. le lieutenant-colonel du génie Peaucellier,
Ce savant officier a résolu complètement un problème de mécanique géomé-
trique considéré avant lui comme insoluble.
Prix Phaney : Décerné à M. Joseph Farcot, pour son intéressant appareil,
ie servo-^nateur en moteur asservi.
M. Audenet a obtenu une mention pour son beau travail sur «les Conden-
seurs à surfiice. »
Asfrofiontte. Prix Lalande. — Ce prix a été surtout institué pour récom-
penser l'observation astronomique la plus intéressante de l'année. L'Aca-
démie ne saurait mieux f<iire pour remplir les vues de l'illustre fondateur
que de décerner ce prix à MM. Mouchez, Bouquet de la Grye, Fieuriais, André,
Héraud et Tisserand, chefs des expéditions françaises qui^ & la lin de l'an-
née 1874, sont allés observer le passage de Vénus sur le soleil. La valeur du
prix est sextuplée.
Statistique. Prix Montyon : Décerné à M. de Kertanguy, pour son excellent
travail sur cla Mortalité parmi les assurés de la Compagnie générale. »
Mentions honorables : à M. de Saint-Genis, pour ses «Etudes statistiques sur la
Savoie, de 1860 à 1870. Manuscrit inédit. A M. Loua, pour son Atlas statis-
tique de la population de Paris de 1801 à 1872.
Chimie. Prix Jecker. — Partagé entre MM. Reboul et Bouchardat. M. Reboul
pour son travail sur les éthers du Glycide. M. Bouchardat fils, pour les éthers
de la Mannite et de la Dulcite.
Botanique. Prix Desmazières. — M. de Seynes, pour ses belles recherches
sur les Fistulines, espèce de champignon dont la plus répandue se trouve
dans la Caroline, en Europe et jusque dans l'Himalaja.
Prix de la Fons-Mélicocq : La valeur de ce prix est partagée, à titre d'en-
couragement, entre M. Calley, pharmacien au Chesne, pour son • Essai de
catalogue raisonné et descriptif des plantes vasculaires du département des
Ardennes,» et MM. Eloy de Vicq et Blondin de Brutelette, pour leur t Cata-
logue raisonné des plantes vasculairei de la Somme. »
Anatomie et Zoologie. Prix Thore. — Décerné à M. Auguste Forel, professeur
à l'académie de Lausanne, pour son ouvrage considérable ayant pour titre :
Les Fourmis de la Suisse.
lfë(2ecînee^eAtfurgte. — Prix Bréaot, do 100,000 francs, légué comme on
sait, pour être donné à celui qui découvrira la cause du choléra épidémique
ou un moyen spécifique de guérison de cette maladie. La commission n^a
pas décerné encore ce prix. Elle a accordé une récompense ce 3^500 francs
à M. Ch. Pellarin qui, dès 1849, a démontré le caractère contagieux du cho-
léra, et a accumulé les preuves depuis, par ses travaux sur les causes de
propagation de la maladie; et une de 1,500 francs à M. Armieux, l'un de
nos médecins militaires les plus distingués^ auteur de deux mémoires impri-
més : le Choléra à Toulouse, la Répartition du choléra en France.
Prix Montyon. — Obtenu à la fois par MM. Dieulafoy, pour son ouvrage :
t Sur l'aspiration des liquides morbides dans le traitement des maladies
chirurgicales; » Malassez, répéUtaur aa Collège de France^ qui s'est attaché
depuis quelque temps à étudier les roodificatioDs de la composition du sang
chez l'homme malade ; et Mehn, qui a fait coanaltre dans sept mémoires
les succès qu'il a (4>tenus dans l'art de guérir, en recherchant la composi«
tion, par rapport au sang, des liquides épanchés dans les cavités naturelles
ou accidentelles. — Mentions. M. Bérenger-Feraud, médecin en chef de la
marine aux colonies, pciur ses ouvrages sur la fièvre jaune au Sénégal et sur
la fièvre bilieuse mélanurique des pays chauds. — M* Letiévent, chirurgien
en chef de THÔtel-Dieu de Lyon, pour son ouvrage sur les sections nerveuses.
— M. Peter, pour son livre : Leçons de dimque médicale, — Citations. —
M. le docteur Béni-Barde: Traité tJiéorique et pratique d'hydrothérapie, M. J.
Bonrrel : Traité complet de la rage chez le chien et le eJuxt, M Herp:ott| de
Nancy: Mémoires sur les gouttières en linge plâtré. M. Dechauz, de Montlu-
çon: De THystérie, etc... H. Lunier: Influence des grandes conunotions poli-
tiques et sociales sur le développement des maladies meotales. M. Moncoq :
Sur la transmission du sang. M. Toussaint Martin : Sur les Hydropisies.
M. Salle : Sur les altérations du sang dans les affections typhoïdes du
cheval.
Phytiologie expérimentale. — Décerné à MM. Arloing et Tripier, pour leurs
travaux « Conditions de la persistance de la sensibilité dans le bout périphé-
rique des nerCs sectionnés. » Décerné égalemeat à M. Sabatier pour ses étu-
des^ sur «Le coaur et la circulation centrale dans la série des vertébrés. »
Prix généraux. Prix Trémont. — M. Achille Gazin.
Prix Gegner. — M. Gaugain, pour l'aider à poursuivre ses travaux sur
l'électricité et le magnétisme.
Prix fondé par M"* la marquise de Laplace. — M. Badoureau, sorti le
premier en 1874 de l'École polytechnique et entré à l'École des mines.
— Dans sa séance du 19 juillet, TAcadémie a élu M. le capitaine de
vaisseau Mouchez, dans la section d'astronomie, à la place de M. Mathieu,
décédé, par 33 voix contre 26 données à M. Wolf et 1 à M. Tisserand.
Faculté des lettres. — M. Lavisse, ancien élève de l*École normale, pro-
fesseur an Lycée Henri IV,a soutenu, en Sorbonne, le 12 juillet, ses thèses pour
le doctorat es lettres. Les sujets étaient : De Hermanno Salenzi ; — De ia
Marche de Brandebourg sous la dyruutie aseanienne.
CoNcouBs. — La classe des lettres et des sciences morales et politiques de
TAcadémie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique,
vient de publier le programme des concours pour 1877.
Première question : « Expliquer le phénomène historique de la conserva-
tion de notre caractère national à travers toutes les dominations étrangères. »
Df^uxiéme question : « Les encyclopédistes français essayèrent, dans la
seconde moitié du dix-huitième siècle, de faire de la principauté de Liège le
foyer principal de leur propagande. — Faire connaître les moyens qu'ils
employèrent et les résultats de leurs tentatives, au point de vue de Tin-
ûnence qu'ils exercèrent sur la presse périodique et sur le mouvement
littéraire en général. »
Troisième question : « Écrire l'histoire de Jacqueline de Bavière, comtesse
de Hainaut, de Hollande et de Zélande, et dame de Frise. » Dans leur travail,
les concurrents doivent s'attacher, d'une manière toute particulière, aux
événements principaux de la vie et du règne de cette princesse ; ils utilise-
ront, sans les suivre servilement, les travaux qui ont été publiés, pour cette
époque, tant & Tétranger qu'en Belgique.
Quatrième question • « Faire l'histoire des finances publiques de la Bel-
— 167 —
gique, d«pqis 1830» en appréciant» dans leur» principes et dans leurs résul-
tats, les diyarsee parties de la législation et les principales mesures
administratives qui s'y rapportent. -* Le travail s'étendra d'une manière
sommaire aux finances des provinces et des communes, ai
Cinqi/Mm que$iiim • « Indiquer les analogies et les différences que pré-
senta la poésie flamande avec la poésie des autres langues d'origine
germanique, ce qu'elle leur doit et l'influence qu'elle a eue sur elles. »
Le prix de chacune de ces questions sera une médaUle d'or do le valeur
de «te 09»^ frima,
GoNORte. — Ccnqrés archéoUiQiquê de Chàhns. Parmi les qnestiona qui
seront traitées an congrès, nous remarquons tes suivantes : <« Quels sont les
prindpaux points du département de la Marne où il a été reconnu des stations
ou des ateliers des dififérentes époques de la pierre 9 » — « Quelles sont les
découvertes, Adtes dans le département de la Marne, de oimetières ou d'objets
des époques du brome et du fer? » ^^ « Signaler les découvertes de gise*
ments arohéologiques des époquee gauloise, gallo-romaine et mérovingienne
faites depuis le Congrès tenu à Reims en 1964. » ««> « Quelles sont les déeoU"
vertes de monnaies anciennes, à quelque époque qu'elles appartiennent,
faites dans le département de la Marne depuis 4864 ?» — u Dresser un
inventaire critique des sceaux originaux conservés dans les dépôts d'archives
de la Marne et en donner autant que possible les dessins. » — « A^ton
découvert de nouveaux éléments matériels on historiques qui puissent servir
à déterminer le lieu où se donna la bataille de 454, dans laquelle Attila fut
vaincu t » — m Déterminer, dans le département de la Marne, la limite de la
quatrième Lyonnaise et de la seconde Belgique, » «« k Etudier les organisa-
tions communales des Villes neuoêi fondées en Champagne, au douiièma
siècle, par des seigneurs laïques ou ecclésiastiques. » — « Etudier les diffé-
rents patois du département, spécialement sous le rapport étymologique, w
— <c Quels sont les monuments religieux les plus remarquables du onxième
au seizième siècle, existant dans le département de la Marne ? Signaler
leurs principaux caractères. A*t<on découvert dans ces monuments des pain*
tnres murales, mosaïques, carrelages et sculptures d'un certain intérêt ? >»
— « Architecture militaire de la région, depuis le douzième siècle jusqu'au
quinzième ; quelle était la forme des donjons aux époques romane et
ogivale ?» — « Quels ont été les établissements des ordres du Temple et de
Maltcr dans le département de la Marne. » -- « Décrire et analyser sommaire»
ment les cartulaires des établissements religieux et hospitaliers du départe-
ment, conservés dans les dépôts publics et dans les collections particulières. »
— « Les communes de la Marne sont-elles riches en titres anciens ? > -— « Ins.-
crlptions lapidaires appartenant 4 l'époque gallo-romaine. • — Une médaille
d'argent sera décernée, s'il y a lieu, à l'auteur du recueil complet des ins-
criptions gallo-romaines de la troisième division archéologique, comprenant
les départements de la Marne et de Seine-et-Marne. -^ « Inscriptions lapi-
daires depuis l'époque mérovingienne jusqu'à la révolution de 4789. »
Les archives privées d'un habitant de Pompai. — On a découvert, il y a
quelques jours, à Pompéi, les archives très-intéressantes et très-curieuses
d'un simple particulier, enfouies dans le cataclysme de cette ville. Ce sont
des tablettes de cire, en très-grand nombre, qui sont malheureusement dans
un état bien peu solide, mais qui permet cependant de déchiffrer les men-
tions qu'elles portent.
On connaît, par le plan qui se trouve dans tous les guides, dit le corres^
pondant qui transmet au Time$ les détails de cette découverte, la position
— IW —
de la Casa del Torello, ou Maison du Taureau, ainsi nommée à cause de la
petite statue de bronze qu'on a découverte. Cette maison est située à Tangle
nord du quadrmum d'où se dirigent au nord-est la Strada di Nola, au sud-
ouest la Strada délia Fortuna et au sud-est la Strada Stabiana; la rue du nord-
ouest, qui conduit à la Porta del VesuTio, n'a pas encore reçu de nom. Un
peu au-delà de ce lieu^ les ouvriers font des fouilles dans une habitation
particulière dont les murs sont couverts de peintures bien conservées.
En déblayant une des chambres supérieures situées au-dessus de l'omM*-
tornim, ils découvrirent une boite de bois légèrement enfoncée au-dessous du
pavement de la chambre qui, avec le temps avait fini par fléchir. C'est par
le plus heureux des hasards que cette boite n'a pas été mise en pièces et
réduite en poudre avec tout son contenu, avant qu'on pût vérifier la nature
de la découverte, car cette boite est si complètement carbonisée qu'elle se
brisait au toucher. Elle mesure environ 80 centimètres de largeur sur un
peu plus de longueur. Un fragment s'en détacha avec les décombres qui l'en-
touraient, et on vit qu'elle contenait un grand nombre de tablettes sur les
extrémités desquelles on distinguait des traces d'écriture.
Le surveillant, reconnaissant l'importance de cette trouvaille, arrêta sur-
le-champ les fouilles, prit les mesures nécessaires pour protéger la boite et
la maintenir dans l'état où elle se trouvait, et télégraphia à Rome, au
ministre de l'instruction publique, qui donna immédiatement l'ordre à
M. Fiorelli de se rendre à Naples par le plus prochain train. A huit heures
et demie, le lendemain matin, M. Fiorelli était à Pcmipéi. Dès le premier
examen, il reconnut non-seulement qu'on ne pouvait espérer de conserver
la boite, mais qu'il fallait prendre des moyens énergiques et inmiédiats
pour en sauver le contenu s'il était possible.
Ce contenu consistait, autant qu'on en pouvait juger, en 300 tablettes
minces et de difiérente grandeur de bois de sapin ; quelques-unes mesu-
raient 118 millimètres sur 83, d'autres 132 sur 120 ; un petit nombre avait
le double de cette dimension ; tontes les tablettes étaient liées ensemble
trois par trois et disposées par couches. Sur le rebord de beaucoup d'entre
elles, et probablement sur toutes, conune un nouvel examen le fera décou-
vrir, se trouve le mot Prescrtpfû) suivi d'un nom quelquefois au génitif et
quelquefois au datif. On souleva très-délicatement un des paquets de la
couche supérieure et on l'ouvrit avec soin.A la grande joie de tous ceux qui
assistaient à l'opération, l'écriture se lisait distinctement; le stylet, en péné-
trant la légère couche de cire qui a entièrement disparu, avait gravé la
forme des caractères sur le bois tendre qui se trouvait au-dessous. On lut les
mots suivants :
Q. Volasio Satornino P. Cor
aelio Cos. vin K. Jal.
M. Alleias Garpai scripsi me
aooepisse ab L. Caeeilio
Jneundo H. 8. Mcccxicvi
ab anctione ma snpsti
pulatu ejtts (7)
Actam Pomp.
Ce qui peut se traduire ainsi :
« Le 8 des calendes de juillet, Q. Volnsins et P. Cornélius consuls, moi
AUéius Carpus, déclare avoir reçu de L. Cœdlius Jucundus 1386 sesterces,
avec l'accroissement suivant la stipulation. Fait à Pompéi. »
Cette partie du contenu ayant ainsi été copiée à la hâte, les tablettes
— 169 —
{tarent refenoées, ear le danger de destruction de la totalité était si inuni*
nent, qu'il était urgent de prendre immédiatement des mesures pour le con-
jurer et pour transporter sans délai tous ces documents dans un lieu plus sûr.
Quoique ces tablettes ne fussent pas dans la condition absolument irrémé-
diable de la boita qui les avait protégés pendant 4800 ans contre les débris
environnants et contre la moisissure qui l'avait traversée, elles indiquaient
par des signes certains qu'il faudrait bien peu de chose pour les mettre en
pièces, sinon pour les réduire en poussière.
Non-seulement les tablettes supérieures commençaient à se déjeter et à se
fendre parl'eSét de la chaleur qui était excessive (le thermomètre marquait
36 degrés), mais dans la masse elle-même, on entendait un son aigu comme
celui du charbon à demi allumé sur lequel on soufQe, et ce son augmentait
graduellement.
Pour éviter les effets de la chaleur, on mouilla des linges, dont on entoura
les reste de la boite et son contenu. Mais alors vint la question : Gomment
les emporter? Essayer de soulever le tout hardiment, était évidemment im-
praticable ; car le moindre choc, la moindre pression sur un point quelcon-
que menaçait de tout briser. Dans cette difficulté, comme il était clair qu'il
fallait sacrifier la boite pour en tirer le contenu, infiniment plus pré-
cieux qu'elle, M. Fiorelli pensa qu'il fallait enlever les tablettes, couche par
couche, en faisant passer sous chacune d'elles une plaque d'étain égale en
superficie à la tablette.
On procéda ainsi, et chaque couche fut déposée avec un plein succès entre
des linges humides sur la couche précédente. Le soleil se couchait après
une brûlante journée quand on enleva la dernière couche ; on attacha des
cordes au plateau sur lequel les tablettes avaient été posées, et douze
hommes les portèrent sans secousse, de Pompéi jusqu'à Naples, à douze
milles de là, et les déposèrent dans les salles voisines de la collection des
papyrus du musée.
C'est dans cette pièce, tenue aussi sombre que possible, que l'on procède
maintenant à l'examen des tablettes. On les place avec soin l'une après
l'autre sur des cartons, avec lesquels on évite les dangers de dilatation ou
de retrait que les changements de température feraient subir à du verre
ou à du bois. On fait des fac-similé très-exacts de chaque tablette, et
aussitôt qu'ils sont terminés, ils sont examinés par les personnes les plus
compétentes et comparés à l'original, afin d'assurer la plus scrupuleuse
exactitude.
Gomme nous l'avons dit, ces tablettes sont attachées trois par trois, comme
des triptyques. Sur le côté de chacune d'elles il y a deux trous, par lesquels
passaient des cordes dont on voit beaucoup de restes et qui les rattachaient
l'une à l'autre. On remarque qu'entre elles un tissus était placé pour pro-
téger la cire. La surface intérieure de chaque tablette avait un léger filet
pour former une sorte de cadre où cette cire était contenue. On se fait les
plus grandes espérances sur la masse d'informations que peuvent fournir ces
documents relativement à la vie privée, aux usages, aux habitudes des habi-
tants d'une ville italienne à cette époque.
Aucune découverte aussi importante n'a été faite depuis que, en 1752, on a
trouvé à Herculanum les célèbres papyrus. Mais, tandis que ceux-ci, après
d'énormes dépenses, une patience et un talent merveilleux pour les déchif-
frer, il a bien fallu le reconnaître, ne contenaient rien que des fragments
de traités philosophiques, ces tablettes, immédiatement lisibles, offrent
toutes les chances d'augmenter beaucoup notre savoir sur la vie de chaque
jour au commencement de l'ère chrétienne.
— 170 —
En déblayant le péristyle delà maison où la découTorte a eu Iten, on a
trouvé les piliers de marbre de deux hermès et une tète de bronze intacte»
suivant toute apparence un portrait, peuVêtre du propriétaire même de la
maison. On n*a pas trouvé, jusqu*à présent, de traces de nom, mais en tête
des piliers sont inscrits ces mots : « L. Nostri. Félix L, w (Jbumai o/]Mil.)
SociÉerka savantes. — L'Association pour l'encoura^ment des études
grecques en France vient de publier l'annuaire pour 4874. On y remarque
des Lexiques grées inédits, publiés par M. Miller ; une étude sur les Géoponl-
crues, par M. le président de Rajnal ; deux lettres inédites de l'empereur
Michel Ducas ; enfin divers articles de BOI. Gidel, G. d'Eichtbal, Dareste,
B. Ruelle, etc. Ace volume de mémoires philologiques littéraires, l'Associa-
tion ijoute, sous le titre de Momimenis grecs, une livraison in-4, contenant
des mémoires d'archéologie et des planches gravées dans le but de propager
le goût des connaissances archéologiques. Les deux planches de la livraison
de 4874 contiennent une série de figurines de Tanagre, servant d'illustration
au mémoire de M. Heuzey sur les femmes wiiées et une peinture» tirée d'un
vase, représentant l'enlèvement d'Orythée par Borée ; le mémoire qui explique
œ suget est de M. Georges Perrot.
— La Société de Saint- Jean pour l'encouragement de l'art chrétien, a
publié, depuis le commencement de l'année, deux numéros de son BulMfn.
Outre les procès-verbaux et les actes de la société, ce bulletin contient une
série de Bapports et études parmi lesquels nous remarquons : VJcùnogrcipkte
russe, par le Père Martinov; — - Les fêtes de UUe. VŒuore deBotH, par
S. Petit. — Le Bôle décoratif de la peinture en mùsaique, par E. Didron; —
VAccmHquedans les églises, par l'abbé Besson ; — Une Bibliographie des arts
très-étendue. — {Nota : Le Bulletin et les autres publications de la Société de
SaintnJean sont déposés à la Librairie de la Société bibliographique.)
— La Société archéologique et historique de l'Orléanais, dans sa séance
du 23 avril 4875, statuant sur le classement des mémoires, a décerné un
premier prix ex œquo : à M*^* de F. de Yillaret, ancienne élève de Saint-
Denis, pour son mémoire intitulé : L'Enseignement des belles-lettres et des
sciences dans VOrléanais, depuis les premiers siédes du christianisme jusqu'à la
fondation de Vuniversité; el à M. Dupré, bibliothécaire de la ville de Blois,
correspondant du ministère de l'instruction publique, pour son mémoire
intitulé : Étude sur les institutions municipales de Blois ; un second prix ex
cequo : à M. Guissard-Gaucheron, professeur à Orléans, pour son mémoire
intitulé : L'École de Fleury -sur-Loire et son influence àlafndu dixième siècle;
et à M. A. de Salies, d'Angers, pour son mémoire intitulé : Monographie de
Trôo (Loir-et-Cher). Une mention trés-honorahle a été accordée à M. Lucien
Merlet, archiviste d'Eure-et-Loir, pour son travail intitulé : Catalogue des
auteurs nés dans le département d^ Eure-et-Loir, ou y ayant résidé et y ayant
écrit. Deux mentions honorables ont été accordées : à M. Félix Guillon,
d'Orléans, pour son travail intitulé : Armoriai historique du siège â^ùrléanf
en 4429; et à M. l'abbé Maître, curé de Goinces, pour son travail intitulé :
La Maison de Bhis, ses origines, ses princ^les alUances et quelques-uns de ses
fiefs.
Lectubes faites a l'Acad£nie des insciuptions et bkllb^lettres. — Dans
la séance du 2 juillet, M. Waddington a communiqué à l'académie un des-
sin de la fresque découverte dans les catatombes de Sainte-Pétronille.
M. Emile Bumouf communique également des dessins représentant des
antiquités et concernant les fouilles qu'il a exécutées au bastion de l'Odyssée.
Cette communication provoque une discussion à laquelle prenent part
— 171 —
HM • de LoDgpérier, Desnoyers, Ernest Deqardins, Georges Perroti Maury et
Waddington. -« Dans la séanee du 9, M. G. Perrot a communiqué un
traTail sur une inscription grecque trouvée dans les ruines de Gyzique.
M. Léon Renier a communiqué une inscription grecque trouvée k Soulou-
Serai. M. Bergaigne a achevé la lecture de son mémoire sur le r61e
mystique des nombres dans la mythologie védique. —Dans les séances du 9
et du 30y il a été donné lecture d'un mémoire de H. Bobiou, sur divers points
d'histoire et de chronologie relatifs aux empires des Assyriens et des filèdes.
— Dans la séance du i6, M. de Longpérier a fait une communication sur
un vase athénien trouvé à Gyrénalque» et M. Heuzey sur une découverte
&ite par lui des ruines de la ville d'Oricum en Epire. — Dans les séances
du 16, du 23 et du 30, M. Ernest Desijardins a lu un mémoire de H. Charles
Tissot, consul de France au Maroc, sur la géographie comparée de Tancienne
Mauritanie-Tingitane. — Dans la séance du 23, M, de Longpérier a achevé
la lecture du mémoire de SL Ghabas sur les poids et mesures des anciens
Égyptiens, et M. le Dr Gustave Lagneau a commencé la lecture d'un
mémoire sur Tethnographie des Ligures, et Ta continuée dans la séance du 30.
LiCTUaiS FATTES A Ii*AgADÉMIB DBS SCIKNCB8 MOBALIiB ET POUTIQUES. — DaUS
la séance du 3 juillet, M. Louis Reybaud a continué la lecture de son
mémoire sur les industries du fer et de la houille dans le midi de la
France. M. Zeller a continué la lecture de son mémoire sur Tempereur
Henri IV et Hildebrand. -^ Dans la séance du 10, M. Nourrisson a lu un
mémoire sur les Ëvolntionnistes et l'Évolution. Dans la séance du i7,
VL Zeller a lu un nouveau âagment de son HisMre cFAUemagnif relatif h
la querelle des investitures, et M. le docteur Gustave Lagnaau a lu un
mémoire sur l'iniluence de l'illégitimité sur la mortalité. — Dans la séance
du 24, M. le secrétaire perpétuel a commencé la lecture d'un mémoire de
M. le colonel de la Barre-Duparcq ayant pour titre : Henri 17 et nos fron-
tières. — Dans la séance du 3 i, St. Drapeyron a commencé la lecture d'un
mémoire intitulé : Essai sur le caractère de la lutte de V Aquitaine et de VAus-
trasie sùus les Mérocingiens et les Carolingiens,
Impression du Gi;K)8SAiaB de Sainte-Palatb. — La Cume de Sainte-Pdaye,
né à Auxerre en 1697, mort en 1781, membre de l'Académie des inscriptions,
en 1724, et de l'Académie française, en 1758, avait consacré la plus grande
partie de sa vie à réunir et à classer les matériaux d'un glossaire de l'an-
cienne langue fîrançaise, depuis son origine jusqu'au siècle de Louis XTV,
sur le modèle du glossaire de Du Gange. Il publia, en 1756, une brochure
in-4 de 32 pages, où il exposait le plan de son dictionnaire et en donnait
quelques artides comme spécimen. Gette brochure est intitulée : Projet d'un
Glossaire françois. Un laborieux érudit, Georges-Jean Mouchet, se chargea de
mettre l'ouvrage au jour. Il devait comprendre 10 ou 12 volumes in-folio.
Mais l'impression, interrompue par la Révolution en 1792, n'a pas été con-
duite au-delà du mot assewretéy colonne 1470, ou page 73^ du tome P'.
Quelques exemplaires de ce fragment ont subsisté. D'ailleurs les manuscrits
de Sainte-Palaye n'ont pas été perdus. Il en existe deux du glossaire, l'un
en 31 volumes in-folio, à deux colonnes ; l'autre, plus ample, en 61 volumes
in-4. L'un et l'autre appartiennent au département des manuscrits de la
Bibliothèque nationale, où les travailleurs ne cessent d'en faire leur profit.
Mais le texte définitif, comme l'a dit la BoTmmtki, ne devait être rédigé qu'au
fur et à mesure de l'impression. La librairie H. Champion, 15, quai Mala-
quais, a entrepris la publication du glossaire de Sainte-Palaye. Cette
publication est dirigée par M. L. Favre, auteur du Glossaire du Foitou^ de
la Saintange et de VAunis. Le Dictionnaire historique de Vancien langage
— i72 —
framçois formera 10 volumes in*4, chacun d'environ 500 pages. II sera
publié en 100 fascicules de 48 pages in-4 à deux colonnes, sur papier à
bras. Le prix du fascicule est de 3 francs pour les souscripteurs; vingtrcinq
exemplaires numérotés sont tirés sur papier de Hollande, au prix de
5 francs; deux exemplaires sur papier carré peau vélin, au prix de 10 francs;
1 exemplaire seulement sur papier de Chine. Les prix seront augmentés
après la clôture de la souscription, qui aura lieu quand dnq cents per-
sonnes seront inscrites. La liste des souscripteurs sera publiée à la fin du
dernier volume, et ils recevront gratuitement un fascicule supplémentaire
où seront indiqués les manuscrits et les éditions auxquels La Cume de Sainte-
Palaye a emprunté ses citations. — Nous avons sous les yeux les neuf pre-
miers fascicules publiés par la librairie Champion. Quand l'édition sera
plus avancée, nous en rendrons compte à nos lecteurs, et nous appré-
cierons l'importance et l'utilité du Gfossatre, ainsi que les notes explicatives
et rectificatives des éditeurs. Mab nous devons prévenir nos lecteurs, dès
ai:gourd'hui, que les progrès des études philologiques, de la lecture et de la
critique des textes depuis le siècle dernier, ne laissent & l'ouvrage de Sainte-
Palaje que la valeur — à coup sur considérable — d'un immense recueil
de renseignements et de matériaux de toute espèce. En tant que diction-
naire de l'ancien français, l'œuvre est certainement à refaire. — C'est ce qu'a
entrepris M. Frédéric Godefroy dans l'œuvre nouvelle qu'il annonce, sous ce
titre: Bioftonnotre (ie VandeMM lan(fU€ ftimçaUe^dunewHéme
composé d'après le dépouillement de tous les plus importants documents
manuscrits ou imprimés qui se trouvent dans les grandes bibliothèques de
la France et de l'Europe, et dans les principales archives départementales,
municipales, hospitalières ou privées.
Cours historique de langue française. — M. Charles Marty-Laveaux,
membre du Comité des travaux historiques et des Sociétés savantes au
Ministère de l'instruction publique, a entrepris, chez l'éditeur Alphonse
Lemerre, la publication d'un Coun historique de langue française en une série
de volumes du format petit in-12. Ont paru les ouvrages ou traités suivants :
De renseignement de notre langue (papier teinté. Prix : 1 fr.); — Grammaire
élémentaire (papier teinté, 2 francs, édition classique, 0 fr. 75 c); — Gramtnaire
historique (papier teinté, 3 francs, édition classique, 1 fr. 50). — Nous avons
lu ce dernier ouvrage et nous croyons pouvoir le recommander comme livre
d'éducation. Les découvertes de la philologie moderne y sont appropriées
dans une sage mesure à l'enseignement de la grammaire française, qui
attend depuis longtemps une réforme indispensable. M. Marty-Laveaux,
sans rompre trop brusquement avec des habitudes que l'on ne changera
utilement que par des améliorations graduées, a su introduire, d'une façon
claire, simple et presque toi:^^^^ exacte, l'explication historique des règles
granmiaticales et de leurs exceptions au lieu des explications arbitraires et
parfois fantastiques que nous avons reçues dans notre enfance, et qui pré-
valent encore dans l'enseignement de notre langue. On peut noter pourtant
conmie une innovation assez hardie dans un livre à l'usage des classes, la
réduction à huit des fameuses dix por^s du discours.
L'article est placé au nombre des adjectifs, sous le nom d'adjectif déter-
minatif, et le participe est rattaché au verbe dont il n'est, dit l'auteur, qu'un
simple mode. Ces deux innovations et surtout la seconde ont été, ce semble,
dictées à l'auteur par des considérations logiques de granmiaire générale
plutôt que par des raisons tirées de l'histoire. Elles heurtent assez rudement
nos vieilles habitudes, ménagées au contraire avec une prudence dont nous ne
— 173 —
nous plaignons pas, mais que plusieurs jugeront sans doute excessive, pour
ce qui est des quatre conjugaisons entre lesqueUes on a coutume de distri-
buer les Terbes français, et dont Tordre, tout au moins, parait à remanier,
si Ton se reporte aux coiyugaisons latines d'où les nôtres sont issues. Quoi
qu'il en soit, la petite Grammaire hùioriqtie de M. Marty-Laveaux nous semble,
en somme, excellente et surtout pratique. -— Son cours de langue fran-
çaise doit comprendre encore les traités suivants : Prononciation, — Ortho^
graphe. — Poncttiolton. — Origine et formation de la langue française. — La
langue française au seizième siècle^ — au dix-septiémef — au dix-^tiémef —
au dùMieuviéme siècles. — Principes d'étymologie. — Noms de lieux et noms de
personnes. — Dialectes et patois. — Langage populaire et proverbial. — Lan-
gage des Précieuses. — Langage de la Bévolution. M. S.
Dbs mesures en dsagb au moten AGE. — Quaud on étudie dans ses sources
rbistoire du moyen âge, on est souvent arrêté par des difficultés qui, sans
être insurmontfld)les, exigent, pour être vaincues, de longues digressions
dans le travail et des pertes de temps considérables. Bien souvent, par
exemple, on comprend et on peut traduire très-intelligemment un texte au
point de vue de la lettre, sans en saisir nullement Tesprit et la portée. Les
termes de longueur, de distance, de poids, de mesure, de valeurs employés
autrefois ne se réfèrent nullement aux nôtres, et différaient tous entre eux
non-seulement de province à province, mais de village à village. Ces termes,
faute d'étalon et de tables de comparaison, perdent donc souvent, pour le
lecteur, toute signification. On comprend maintenant l'intérêt qu'offrent des
tables comparatives. M. Nat. de Wailly a fait ce travail pour établir la valeur
de l'argent aux différentes époques du moyen âge. Les poids et mesures ne
sont pas moins utiles à connaître et, sans cette connaissance, toute étude
sur l'économie politique et agricole de l'ancienne France serait impossible.
M. Delisle a traité la question d'une manière définitive pour la Normandie
{Etude sur la condition de la classe agricole en Normandie)\ MM. E. de l'Epinois
etMerlet pour la Beauce (Cariulaire de Noire-Dame de Chartres). Sur la Cham-
pagne et la Brie, M. Bourquelot a réuni de nombreux documents {Foires de
Champagne^ 2* partie). M. Boutaric a publié un tableau des poids et mesures
usités en France au quatorzième siècle (Bewie des Sociétés saoanteSf 1^' semestre
1860, p. 317). Ce travail avait déjà vu le jour dans le Glossaire de Du Cange.
C'est le tableau officiel des principales mesures du nord de la France rame-
nées à la mesure de Paris. M. de Yillefosse vient de compléter et de rectifier,
sur certains points, le travail de M. Bourquelot {Des mesures en usage en Brie,
aux treizième et quatorzième siécleSj par Ant. Héron de Yillefosse. Paris, à la
Société française de Numismatique, in-4 de 23 p.). Tous les amis de notre
histoire lui sauront gré de ces patientes et si utiles recherches. L. C.
Les clubs philologiques en Italie. — C'est d'un journal américain, le
Chicago Tribune^ que nous tenons d'intéressants renseignements sur les
sociétés ou clubs philologiques établis en lialie pour favoriser l'étude des
langues modernes et en répandre le goût. C'est de Turin que serait partie
cette idée qui a été ensuite adoptée à Milan, à Florence, à Gênes, à Livourne,
â Rome, à Ancône, à Alexandrie, à Pise. La première société avait pris pour
base de ses études le français, l'anglais et l'allemand, sans exclure l'espa-
gnol, le hongrois, le grec et l'arabe. Quelques-unes de ces sociétés ne sont
guères que des écoles, qui vont quelquefois jusqu'aux cours de philologie
comparée et de sténographie. Depuis 1870, des cours ont été créés, pour les
fenunes. Mais ce qui fait le côté original de cette création, c'est qu'il ne
s*agit pas seulement ici de cours où l'on apprend les langues étrangères,
— 174 —
mais de sociétés où l'on se rétinit, comme dans les clubs ordinaires, potir la
conversation et pour l'agrément des relations sodales. Aussi les salles du
clnb sont-elles exclusiTement réservées aux femmes, pendant quatre heures
de Faprès-midi. Des bibliothèques sont un accessoire nécessaire de ces
sociétés : on j trouve les revues, les magazines, les journaux des différents
pays. Au Ctrcolo de Florence, par exemple, on ne reçoit pas moins de
soixante dix revues et magazines, sans compter trente-trois journaux étran-
gers et italiens. On admet ord&nairement les étrangers de passage, qui
peuvent jouir des bénéfices du club pendant un mois.
Les Français a l'étranger. — Les revues italiennes ont une très-bonne
coutume. Sous le titre Italiani altesterOf elles Indiquent les articles publiés &
l'étranger sur les œuvres de leurs compatriotes. Nous voulons essayer de
suivre cet exempJe^ mais toutefois en indiquant seulement les livres d'une
certaine valeur dont nos voisins ont pu s'occuper. — Dn des écrivains les plus
èminents de l'Italie, M. Comparetti, l'auteur du magnifique ouvrage Vvrgilio
ml medio evo, a, dans le numéro de juillet de la Jfuova antologia de Florence,
consacré un article de douze pages à la Ccur littéraire de don Juan II, de
notre collaborateur le comte de Puymaîgre. Le môme ouvrage avait déjà été,
à l'étranger, le sujet d'un article de don Manuel Bfilà y Fontanals dans le
Diario deBareelomf d'une analyse de M. Liebrecht dans les QœtHngische
gelehrte Araeigen, à'xxn compte rendu dans la Atvistaeiiropea, et d'une apprécia-
tion de M. Pitre, dans lesNuoveEfPemeridi sieiliane. Les livres français impor-
tants dont il est parlé dans la dernière livraison de la Attrista ewropea sur.t -
Etudes slaves, par L. Léger. ^— Aide Manuel et f^eUëntsme, par Ambroise Fir-
min Didot. — Correspondance de LomorttfM, tome VI. — Le lendemain de la
Mort, par L. Figuier. Outre ces notices bibliographiques, M. Houx s'occupe,
dans un article spécial, de VHistoire des insHtiUions politiquss de Vancienne
France, de M. Fustel de Coulanges, de Saint-Louis et de son temps de M. Wal-
lon, de l'Histoire de Pramx de Guizot, de la Vie de M. Duckatel par Yitet, de
VHistoire du Gowoemement de la Défense nationale de M. J. Favre. — La Bivisia
historioa latina contient une note sur r Avènement des Bourbons au trône d^Es-
pagne, par M. Gh. Hippeau. — Le Ùiario de Barcelona, un article de M. Milà y
Fontanals, sur le travail de M. Morel Fatio: Le Livre d^ Alexandre. — Il est parlé
des Souvenirs du pays de sainte Thérèse de M. l'abbé Plasse, des Conférences
de Notre-Dame àvL Père Matignon, dans le T^^ Month and eatholic review; de
tBistoire du ùostume en France de M. Quicherat, de VHietoire de France dé
Guizot, dans The Atlantic MontMy; des Ortgnes de la famille par M. Giraud-
Teulon, dans la Bibliothèque untoerstile de Genève.
Unb biographib de Hanin. — Le directeur de VArchivio veneto. M» R. Fulin,
a fait tirer à part un travail fort intéressant, publié par lui dans cette excel-
lente revue, sous ce titre : Venezia e Daniele Manin (1 vol. iurS de 227 p.). Ce
travail se compose de deux parties; à l'étude, dans laquelle Manin occupe
une si grande et si glorieuse place, succèdent de nombreux documents des-
tinés à éclairdr les faits. Écrit avec beaucoup d'impartialité et dans un beau
style, ce remarquable épisode est une page fort émouvante de l'histoire cou.
temporaine, et tous ceux qui songent à la situation que l'Allemagne a faite
à deux de nos anciennes provinces éprouveront une vive sympathie pour le
patriote vénitien. M. Fulin a tracé, de cet homme illustre, un portrait dont
nous voulons mettre quelques lignes sous les yeux de nos lecteurs.
« Venise et Manin sont jugés ensemble, parce que, dans cette période de
temps, Daniel Manin fint le cœur et l'Âme de Venise. Qui n'a pas vu la place
couverte d*un peuple tumultueux se calmant à l'aspect seul de Manin, prenant
— 175 —
dans sa parole le courage de sacrifices sublimes; qui n'a pas vu la foale, à an
signe de lui» se séparer pour courir à la défense de la patrie redeyenue libre ;
qui n*apas assisté à un tel spectade ne peut s'imaginer quelle fiiscination cet
honome exerçait, et jusqu'à quel point le peuple de Venise avait mis en lui son
orgueil et sa confiance. J'ai entendu dire plus d'une fois que Manin fut un tri-
bun. Gela ne me parait pas vrai. Le tribun suscite les passions, il ne les gouverne
pas, il ne les réforme pas« Manin n'excita jamais» ne flatta jamais, ne toléra
jamais les passions aveugles qui, tant de fois, surgissent dans ks grandes
commotions populaires, et qui, trop souvent» les souillent, n ne supprima ni
la liberté de la presse, ni la liberté de la parole ; mais, par de promptes et
énergiques mesures, il empécba Tune et l'autre de devenir des instruments
de trouble et de discorde. De ces mesures, il fut àprement blâmé, mais non
par le peuple, qui savait bien avoir en lui le plus vrai de ses amis. « Véni-
« tiens, je sais que vous m'aimez, avait dit Manin, le 22 mars, et au nom de
« cet amour, je vous demande de vous conduire comme des bomjnes dignes
« d'être libres. » Ces paroles sont un programme. Tous les plus nobles senti-
ments et le premier et le plus efficace de tous, le sentiment religpieux, furent
invoqués pour soutenir cet amour de la patrie qui exigeait des citoyens tant
de grands et journaliers sacrifices. Si cas sentiments n'avaient pas soutenu
la masse du peuple, Venise n'aurait pas donné le mémorable spectade d'une
résistance sans exemple et sans tache. »
En note, M. Fulin rapporte un fait qui prouve la foi de Manin. U chargea
Castellani de se rendre à Gaéte : a Vous présenterez au Souverain PonUife,
lui dit-il, les respectueux hèmiiiages de notre dté qui, au milieu de ces
temps difficiles^ a conservé et conserve immaculée la religion de ses péroa,
et avec de fréquentes prières publiquesi se raifermit dans son héroïque
résistance et accomplit de magnanimes sacrifices. Implorez du Saint Père une
bénédiction pour Venise, et reconmiandez lui notre existence politique. >»
Th. p.
Fh-£S UTTÉaAiBJSd DE MoNTPiLLUXB. — Nous aurious voulu parler plus t6t
d^une solennité littéraire qui a eu lieu au mois de mars, à Montpellier, et
sur laquelle nous lisons un intéressant artide du si respectable et savant
Milà 7 Pontanals, dans le Dtarû) de Barcelone^ du 5 juin. M. BIilà« qui aassbté
à cette fête, commence par rappeler quels liens ont jadis rattaché Montpel-
lier À l'Espagne. G'est à MontpeÛier que naquit un diea plus grands rois de
l'Aragon, et le dialecte qu'on parle dans cette ville semble un û'ère de celui
qui est usité en Catalogne. Le réveil poétique du midi de la France a
rappelé les souvenirs d'une amitié oubliée, et a provoqué en même temps de
sérieux travaux. Montpellier est devenu le centre d'une société ayant pour
objet l'étude des langues romanes et le lieu de publication d'une impor-
tante A6Vtt«. Parmi les fondateurs de cette assodation, qui furent au nombre
de cinq seulement, nous trouvons un des membres de la Société bibliogra-
phique, M. le baron de Tourtoulon, dont la belle BisMrè de Jacquet P^ n'a
pas besoin, dit M. Milà, d'être vantée aux lecteurs du THario, M. Mîlà termine
ainsi son article : « Tous ceux qui ont eu le plaisir et l'honneur d'assister à
cette solennité littéraire en conserveront un charmant souvenir, grâce au
plus cordial accueil, aux soins les plus empressés, à des conversations aussi
affectueuses qu'instructives, animées par un enthousiasme littéraire commun,
et embellies par des chants anciens et nouveaux. On a prononcé là d'excel-
lents discours et porté des santés inspirées, à la fois, par l'amour des études
philologiques et des bonnes traditions, et par un esprit provindal très-vif«
mais ne tombant pas dans les exagérations. De deux points opposés, tous
deux hors de France, sans que cela eût été concerté, sans que cela lût prévu,
on reçut deux télégrammes qui acclamaient la fraternité des nations latines :
démonstration très-significative, non d*une idolâtrie ethnographique, cause
de tant de maux, mais d'union contre une nouvelle et tyrannique prépon-
dérance. »
Un portrait de Jeanne d'Arc. — Il s*est, depuis quelque temps, produit &
Paris un grand émoi dans le monde qui s'occupe d'histoire et d'ardiéologie,
et cette émotion est parfaitement justifiée, comme on va le voir. Il y a une
trentaine d'années, M. Auvray, expert et marchand de tableaux bien connu,
dont le magasin est sous le péristyle du Palais-Royal, acheta à Orléans,
d'une personne qui vit encore, un petit tableau fort sale, fort noir, qu'il
paya un très-bas prix et oublia dans son grenier, au milieu de débris de
toutes sortes. U y a quelques mois, un ami de M. Auvray était en quête de
vieilles peintures pour compléter un ameublement ancien, M. Auvray se
rappela tout à coup le tableau acheté jadis, et le retrouva — il est sur bois —
en deux morceaux. U se mit à le nettoyer, et vit apparaître successivement,
d'abord dans la partie supérieure de la peinture, et ensuite au bas, le nom
de Jeanne d'Arc. Bientôt ce fut la bonne Lorraine elle-même qui se dégagea
de la croûte noirâtre. Elle est debout, à la gauche d'une vierge qui occupe le
milieu du tableau, et qui, à sa droite, a saint Michel. Jeanne d'Arc est vêtue
d'un hoqueton rouge, sur la ceinture dorée duquel on peut lire encore son
nom. Sa main gauche s'appuie sur un bouclier portant les armoiries que lui
donna Charles VII ; sa main droite tient la bannière bien connue. Elle porte
un heaume, derrière lequel paridt s'aiTondir une auréole, mais ce pourrait
bien être un lambrequin ou volet. La figure de la Pucelle est restée assez
obscure ; cependant on distingue parfaitement bien un nez droit et bien formé
et une bouche indiquant la fermeté; l'œil gauche semble loucher. Ce tableau
si curieux a été examiné par les honounes les plus compétents; il ne reste
aucun doute, ni sur l'époque de cette peinture, ni sur le personnage qu'elle
représente, et l'intérêt que cause ce tableau est d'autant plus grand qu'avant
cette trouvaille on ne possédait aucun portrait de la Pucelle offrant des
caractères d'authenticité. Un des érudits, consultés à propos de cette décou-
verte, pense que cette œuvre pourrait être celle d'un peintre écossais,
Power, qui peignit l'étendard de la Pucelle, laquelle l'avait pris en amitié
et fit marier ses filles. Cette peinture semble être un ex-voto destiné à rap-
peler la délivrance d'Orléans. Peut-être y aurait-il sur sa date une induction à
tirer des armoiries qu'on y voit; elles furent accordées à Jeanne le
2 juin 1429. Le tableau ne peut donc être antérieur à cette époque.
L'Émaillerie chez les Gaulois. — On sait depuis longtemps que, deux
siècles après la conquête romaine, des émaux Champlevés étaient fabriqués
par les populations qui habitaient le sol de la Gaule. Le hasard des trou-
vailles rapproché du texte d'un auteur du troisième siècle de notre ère avaient
fait jusqu'à présent considérer les ateliers de cette fabrication comme exclu-
sivement fixés sur les bords de l'Océan. Les fouilles pratiquées avec tant
d'intelligence et de persévérance par M. Bulliot sur le mont Beuvray, près
d'Autun, c'est-à-dire sur l'emplacement de l'ancienne Bibracte, ont amené
une découverte véritablement importante pour l'histoire de l'industrie gau-
loise. Désormais, la fameuse phrase de Philostratc ne doit pas s'appliquer
seulement aux bords de l'Océan, mais à la Gaule entière, et l'existence de
l'émaillerie doit y être reculée de plus de deux cents ans. Au cœur du
département de Saône-et-Loire, M. Bulliot a mis au jour plusieurs ateliers
d'émailleurs encore garnis de tous leurs ustensiles. Émaux, objets émaillés,
instruments exhumés, tout cela à une date certaine. Un jeune chimiste,
— 177 —
•
M. de Fontenay, a analysé et expéiimenté rémail découTert, et il explique,
après les avoir reproduits, les procédés de fabrication. Les auteurs de la
brochure qui a paru sous ce titre : VArt de VEimaUlme chez les Êduens avant
Tëre cArëMeime, par J.-G. BuUiot et Henry de Fontenay (Parb, Champion,
1875, in-8 de 44 p. et 9 planches), concluent ainsi : « L'émaillerie était pra-
tiquée dans la Gaule antérieurement À Tère chrétienne, et les Romains, lors
de la conquête, trouTèrent cette industrie florissante dans le pays des
Edoens. » L. C.
L'Histoire de César de Napoléon Ui et M. Plon. — Le 18 décembre 1864,
intervenait entre M. Anselme Petetin, agissant au nom privé de Tempereur,
et sous le régime du droit commun, et M. Pion, éditeur, un traité aux ter-
mes duquel M. Pion se réservait, sous certaines conditions, le droit d'éditer
et de mettre en vente VHisMre de Jules-César, par Napoléon UI. L'article il
de ce traité est ainsi conçu : (c Si, à un moment quelconque, l'auteur jugeait
devoir ou arrêter la vente ou reprendre son droit direct de publication, il le
pourrait toigours, en remboursant à M. Pion le montant de ses dépenses sur
les exemplaires restant entre ses mains, sur le pied, savoir: de 5 francs par
volume, pour l'édition A ; 9 francs par volume, pour l'édition B; 2 francs par
volume, pour l'édition C. Il est entendu que sur les exemplaires rendus
par M. Pion, en vertu de cet article, il ne devrait point de droit d'auteur. »
Or, la publication de YEisUnre de César a été interrompue par les événe-
ments que l'on sait. La veuve Pion et les héritiers de la succession. Pion ont
soutenu, par l'organe de M* AUou, qu'il y avait lieu d'appliquer l'article il»
du traité qu'on vient de lire. M* Busson-Billault, avocat des héritiers de l'em-
pereur, s'expliqnant sur les causes de l'interruption de la publication, a répli-
qué que l'empereur avait fait totgours preuve du désir et de la volonté de
terminer son œuvre, et que, seuls, des événements, qui ont le caractère de la
force majeure, l'ont mis dans l'impossibilité de continuer ses travaux, ce Ainsi»
Messieurs, a-t-il dit en terminant, il n'y a eu, en droit, mise en demeure ni
directe, ni indirecte ; il y a eu, au plus haut degré, force miyeure^ par la
saisie et la destruction des papiers de l'empereur, qui ont mis obstacle à ce
que l'œuvre puisse être achevée. Enfin, sa mort si douloureuse est venue
rendre l'achèvement de cette œuvre absolument impossible. A tous les points
de vue, donc, la demande de H. Pion doit être repoussée. »
Après avoir consacré à cette affaire les audiences des 21» 28 juillet et
4 août, la première chambre du tribunal civil de la Seine, présidée par
M. Aubépin, a, sur les conclusions conformes ie M. le substitut Laval, rendu
un jugement par lequel il déclare la veuve et les héritiers Pion non receva-
blés dans la demande par eux formée contre les membres de la commission
de liquidation de la liste civile et du domaine privé de l'empereur Napoléon m,
et les en déboute. • Ch. L.
Collections de timbres-poste. — Le goût de collectionner des timbres^
poste n'est pas prêt de' s'éteindre. Tke Nation de New York nous apprend
qu'un habitant de Saint-Louis (Etats-Unis) vient de faire paraître, soas le
titre de Pkaatelieal Library^ un catalogue de toutes les publications parues
sur les timbres-poste (Siamp). L'auteur est, depuis une quinzaine d'annéeSi
un ardent collectionneur, et il possède la plupart des ouvrages qui
figurent dans son catalogue. Dans cette liste, c'est l'Amérique qui tient
la corde, avec 211 ouvrages sur les timbres-poste ; l'Angleterre vient
inunédiatement après, 180 publications; l'Allemagne ensuite, 102; puis la
France, la Hollande, l'Italie, l'Espagne, le Danemark. L'ouvrage contient
Août 1875. T. XIV, 12.
— 178 —
•nsaitt un aperça des prix, où figure même le maiebé nissa. La partie qui
B*est pas la moins intéressante, igoute-t-on, est celle qui énumèro les artieles
pnbliés sur les collectionneurs de timbres, sur Thistoire des timbres eux-
mêmes, sur la réforme postale, le post-ofRce, ete. Puis vient une liste des
périodiques et des guides consacrés aux postes; des jeux à Taide de timbrer-
poste; des morceaux de musique inspirés par cette invention, et des photo*
graphies auxquelles elle a donné lieu. Le chapitre des altérations, des falsi-
fications est curieux; il porte ce titre : « Description de près de sept cents
falsifications (fwgmes) de timbres.
hZ Là VULOAaiSATION MS OORNAISSàlfCBS «AOGBAPBIQDBS. — SoUS GO titre :
Dm meUliun moyens de vulgoaùer lût oonnaia$anoes géographiques (Lyon, Secré*
tariat de la Société de géographie. Gr. in-8 de i2 p.), M. de Longuemar vient
de rédiger un intéressant Mémoiref pour répondre à une question proposée
en ces termes par le Comité d^action de la Société géographique de Lyon :
indiquâr les mêiUewrs moyens de vulgariser les cotmaissanoes géographiques.
L'auteur, connu du monde savant par de nombreux Mémoires archéologique»)
dont quelques-uns ont été Tobjet de distinctions honorifiques très-fiatteuses,
était d'ailleurs préparé de longue main à traiter la question. La grande
carte géologique de la Vienne, qu'il a exposée, en 1867, et que nous pouvons
admirer de nouveau à l'exposition du congrès géographique international,
prouve qu'aucun détail de cette science difficile et importante ne lui est
étranger.
Notons brièvement les principales réformes réclamées par l'auteur,
pour la vulgarisation si désirable des connaissances géographiques. On est
en même temps frappé de la AÛnplicité ingénieuse des méthodes proposées
et du défaut d'initiative qui a jusqu'ici fait prédominer dans l'enseignement
géographique une routine déplorable dont on commence seulement à
a'affiranchir. Il eût suffit,^ ponr que le mouvement de progrès fut plua t6t
entrepris, de s'en tenir à la rigueur des définitions : la géographie, en effet,
est la description naturelle physique de la terre, et les délimitations admi-
nistratives n'y ont que faire, elles ont leur valeur, leur nécessité ; elles ne
sont pas de liÉt géographie. Partant de ce principe^ M. de Longuemar propose.
pour chaque contrée, un système de quatre cartes dressées à la même échelle.
Sur la première, établie sur papier fort et exclusivement physique, il sup-
prime toutes les indications qui ne sont pas absolument indispensables
pour préciser les limites des États et l'emplacement des principaux centres
de populations, réservant poir la seconde (ou même pour les colonnes d'un
dictionnaire géographique défaille) toutes les indications supplémentaires
de divisions politiques, administratives, judiciaires, religieuses et militaires.
€ette seconde carte serait dressée sur tissa ou papier transparent de manière
à s'adapter exactement sur la première qu'elle compléterait ainsi fort avan-
tageusement. Il en ferait de même d'une troisième carte consacrée aux
centres commerciaux et industriels, aux cultures, en un mot, à toutes les
ressources et produits naturels du pays, et d'une quatrième uniquement his-
torique et archéologique, donnant toutes les localités illustrées par quelque
événement, quelque souvenir, ou quelque monument digne d'être signalé.
Toutes ces indications cartographiques seraient développées, soit par rensei-
gnement du professeur, soit par un texte explicatif. Quant à la question
topographique si importante pour la lecture des cartes, l'auteur propose de
remplacer par un modelé les hachures destinées ft la représentation des
altitudes ou des dépressions de terrain et qui ont toi:gonrs l'inconvénient de
ne pouvoir être établies à la même édielle que la carte elle-même. Bnfln
— 179 —
M. de Longaemor tarmiii» son iniéreasant Mémoire par quelques réflexions
très-justes sur les programmes de géographie et le genre de questions à
poser au candidat pour s'assurer qu'il ne récite pas une nomenclature
géographique comme un perroquet plus ou moins doué de mémoire, mais
qu*il comprend réellement la configuration du sol qu'il habite, -* Nous ne
pouvons que souhaiter de voir mis en pratique les conseils de ce remar*
quable outrage. F. R.
Un RxctKn. os bbocbubes D'iDucAnoK ropuLAiBB. -^ Nous avons déjà appelé
l'attention (t. XI, p. 304), sur V Education populaire^ recueil de brochures^ éditées
maintenant par la librairie Sandoz et Fisehbacher, et qui se distinguent par
leur haine envers le catholidtme. Une série a été publiée sous le titre ron-
flant d'Histoire natknàle; nous en avons déjà indiqué le caractère. La troisième
série, que nous avons sous les jeux, n'accuse 'point d'amélioration, et nous
devons constater, à regret, que le lowfnoA offM$l lui donne périodiquement
le concours de sa publicité. Nous apprenons (n* 9, p. S), que le roi Jean pas*
sait (( la plus grande partie de ses jotirnées (dans la captivité) à croquer du
sucre: » c'est un fait à signaler aux érudits. N* 10, p. 16, l'auteur se tire
habilement de Jeanne Barc (sic) ; « Elle ne sait point Ure^ mais elle est en*
thotisiaste. s Le Morceau sur les jésuites (n* 12, p. 10) est parfait. Qu'on en
juge : « Le jésuite ne doit avoir qu'une vertu : robéissance; être constam"
ment à la disposition de son chef; toujours et en tout temps prêt à partir,
sans condition, sans salaire; faire tout ce qui lui sera commandé, même le
crime. Ce n'est plus un homme^ mais un cadavre; toujours prêt à frapper
ou agir comme un bâton dans la main du vieillard. Le vieillard, c'est le su-
périeur. Il a renoncé à toute affection; son souverain, c'est le Pape; il n'a
pas de patrie, son ordre lui eu tient lieu; sa famille n'existe plus, ses biens
ne sont plus à Itii, mais à son ordre, qui est aussi pour lui sa seule ^oire et
son seul honneur, s — Voilà comme oh instruit le peuple, et comme on le dis-
pose à faire des otages quand le moment sera venu, sauf à se tenir soi-même
discrètement derrière le rideau.
L'ÉnncATioN, JotraNiL riDAoooiQov. — « Nous recommandons vivement à ceux
de nos lecteurs qui s'intéressent à l'enseignement primaire, le journal péda*
gogique VtduooMon (Paris, Poussielgue, 6 firanos par an). Cette feuille hebdo-
madaire, créée depuis deux ans par la Société d'éducation et d'enseigne-
ment, a déjà su marquer sa place.Toutes les questions présentant quelque in-
térêt pour les instituteurs et les maîtres de l'enfance y sont exposées et
discutées. Nul n'ignore que la llbre*pensée,soos couleur de lalscisme, essaye
chaque jour de pénétrer dans les régions jusqu'ici inviolées de l'enseignement
primaire. C'est aux catholiques de combattre cette tendance. Les ennemis de
la religion savent nous donner l'exemple d'une disciplihe efficace et d'une
activité que rien n'arrête. Pourquoi les catholiques seraient-ils plus tièdest
Le péril est assez grand pour que nous réunissions tous nos efforts, en sou-
tenant ceux qui, comme les fondateurs et rédacteurs de VtàucaÈiùn^ sont plus
directement sur la brèche.
La LANOtm trnivnsELLB. — Il y a longtemps que des chercheurs s'efforcent
d'arriver à la création d'une langne de convention universellement usuelle,
et au moyen de laquelle les hommes de tous les pays pourraient apprendre
à échanger leurs idées tout comme dans leurs idiomes usuels; malheureuse-
ment, cette langue, qui rendrait de si grands servioes, n'existe pas, et toutes
les tentatives faites pour la découvrir sont restées sans résultat. L.eibniz n'a
touché à ees questions que pour y laisser une traoe de son universalité ; elles
ont été traitées d'une fa^n remarquable dans un ouvrage d'un Écossaisi
George Dalgarno, dont le livre, écrit en latin, futimprimé à Londres en 1661 ,
9wnptibu8 authùris (nul libraire n'ayant voulu se charger de Téditer) sous
le titre de : Ars signorumj vulgo character unwenaHs et lingua phiioêophioa. Ce
volume, auquel Nodier a consacré une notice intéressante (Mélanges es^raiU
étune petite bibliothèque, i828, p. 268-284), était devenu fort rare; mais il a
été réimprimé, ainsi que d'autres ouvrages du même auteur, dans une édi-
tion des œuvres de Dalgarno, publiée à Edimbourg aux frais du MaUland
Chd>. UEdnUmrghBeinew a rendu compte de cette publication (juillet 1835,
p. 405417.)
Indiquons quelques-uns des ouvrages qui concernent un problème dont
Descartes et Pascal se sont également préoccupés : Projet d'une langue tmt-
venelle^ par Vabbé B. Sotos Ochanào, traduit de l'espagnol par Fabbé Touzet,
Paris, 1855; — PkUoeapky of discourse; An universal alphabet, languageand
grammar, by G. Edwards. London, 1856, in-4, gros volume du prix de
42 sheilings; — La Tribune des linguistes, journal dirigé par G. Henricy. Des
articles sur la langue universelle, 1858 et 1859; — Nodier, Notions de Un-
guistiquê, 1834, p. 31 ; — Jones. Bieroglyfc, or a grammatical Introduction to
an uniœrsal hieroglyfic language. London, 1768; — Gibclb of Gomer, an Essay
towards an introduction to the english as an vniversal language, 1771; —
Le Top. The OlineAeaf, or imtverso/ AB C D. London, 1603. (Voir, sur cet
ouvrage, Belob, Memoirs ofUtterature (t. n, p. 257.)
n existe aussi, touchant les projets de langue universelle, des écrits de
MM. Letellier, Gosselin et de divers autres, mais il ne saurait être question
d'arriver ici à une énumération bibliographique complète.
En Angleterre, on cherche en ce moment à entamer le problème, au
moyen des chi&es qui sont les mêmes chez les diverses nations civilisées; la
solution de ce c6té ne serait pas difficile ; elle repose sur le principe qui a
présidé à l'établissement du Code intematùmal de Signaux maritimes qui fonc-
tionne avec un plein succès. La difficulté consiste à faire pénétrer ces théo-
ries dans le domaine de la pratique.
Le sint ut sunt âut non sint. — M. Taberlet, dans la séance de l'Assem-
blée nationale du 9 juillet dernier, a dit, au sujet des jésuites : « A une cer-
taine époque, & qui leur demandait, que dis-je, les suppliait de changer
leur règlement, de modérer leur action, afin d'avoir un motif pour user de
clémence envers eux, ils firent entendre ces paroles mémorables : Sint ut
suni aut non sint! Qu'ils soient ce qu'ils sont ou qu'ils ne soient pas! » A ce
passage de son discours, l'orateur a été interrompu, d'après le Journal offi-
ciel, par M. le baron Ghaurand, s'écriant : Alkm donc! — Get allons donc
prouve que M. le baron Ghaurand connaît mieux l'histoire que M. Taberlet.
Si ce dernier avait lu quelque livre sérieux sur les relations de la compagnie
de Jésus avec la papauté au dix-huitième siècle, si notamment il avait jeté
les yeux sur le livre de M. Grétineau-Joly, il aurait su que les paroles mémo^
râbles attribuées à Ricci n'ont jamais été dites. Mais peut-être M. Taberlet
s'est-il contenté du témoignage de M. Henri Martin! T. de L.
Etats db sbbvicbs de la maison royale db Bourbon. — M. Edouard de Bar-
thélémy vient de publier sous ce titre (Paris, 1875, gr. in-8 de 24 p.), une
brochure qui n'est ni une œuvre de parti, ni même un travail généalo-
gique, mais un simple mémento de ce qu'ont été pour la France, du
seizième au dix-neuvième siècle, les princes de la royale famille, dont douze
membres sont tombés tués ou blessés sur les champs de bataille, vingt ont
conmiandé en chef des années, et dix-sept ont servi avec éclat conmie géné-
raux ou amiraux. La notice commence au premier duc de Vendôme, Gharles
— I8i —
de Bourbon (1489-4537), père d*Àntoine, qui, par son mariage avec Jeanne
d'Albret, fut roi de Navarre, et de Louis, auteur de la branche de Ck>ndé.
Elle s'arrête aux générations maintenant subsistantes, laissant de. côté les
branches transplantées en Espagne, à Parme ou dans les Deux-Siciles. Nous
croyons devoir signaler à l'attention de nos lecteurs cet intéressant et subs-
tantiel exposé, rédigé par un écrivain dont la compétence en ces matières
est depuis longtemps connue. H. L.
Les saiNCES PAiBisToniQUES a l'Instîtitt. — Nous trouvons, dans le compte
rendu de la séance du 2 juillet de l'Académie des inscriptions et belles-lettres,
une protestation de MM. de Longpérier et Desnoyers, contre l'abus du mot
préhiatorigue. « Il serait à propos de s'en défaire, ont-ils dit, attendu qu'au
point de vue chronologique, il n'a aucune valeur et ne saurait qu'intro-
duire de la confusion dans le langage. » Les honorables académiciens ont
raison, seront-ils écoutés? C'est une autre question. Il est certain qu'il n'est
pas possible d'employer un mot moins scientifique et dont le sens soit plus
diffidle à définir. C'est ce qui en fait le mérite.
La Société AHCHfoLOGiQUB du Périgord. — Le Périgord, qui a vu naître
Montaigne, La Boétie, Fénelon et tant d'autres sommités littéraires et
scientifiques, semblait, depuis un certain nombre d'années, avoir aban-
donné toute culture intellectuelle. Mais l'heure du réveil a sonné. Vers le
milieu de 4874, une société s'est constituée, sous le titre de Société historique
et ardiéologique du Périgord^ « pour développer, dans le département de
la Dordogne, le goût, l'amour de l'étude du passé, » et tout d'abord le
chifire de ses membres a atteint le total de deux cents, qui s'accroît nota-
blement tous les jours. Et la plupart de ses membres, sous l'impulsion do
M. le docteur Galy, président, des vice-présidents et des secrétaires, mon*
trent un zèle de bon augure pour l'avenir de la société. Aussi, au bout de
huit mois d'existence, a-t-elle pu mettre au jour un volume de 400 pages,
précieux, non-seulement pour les amateurs d'histoire locale, mais encore
pour ceux que les arts et les antiquités de la France ne laissent pas indif-
férents. YoilÀ pourquoi j'ai pensé qu'il était utile de le faire connaître aux
lecteurs du PolybibHùn,
Commençant par où l'on finit ordinairement, je dirai tout d'abord que ce
livre, sorti des presses de la maison Dupont, ne laisse rien à désirer pour
le choix des caractères, la bonne disposition typographique et la correction.
Les matières sont variées. Outre les procès-verbaux des séances de la société,
qui résument des communications U*ès-intéressantes, et un questionnaire
archéologique, approprié à la contrée, nous trouvons seize mémoires plus ou
moins importants, sans parler de documents inédits publiés sans commen-
taires, ou de notes archéologiques, dont la brièveté n'exclut pas la valeur.
Je signalerai, en première ligne, le travail sur « l'Organisation des deux
diocèses du Périgord, » par M, le chanoine René Bernaret, publication de
pouillés du quatorzième et du seizième siècle, qu'on doit toutefois regretter
de ne pas trouver accompagnée de notes amples du savant ecclésiastique,
qui connaît de visu toutes les paroisses du diocèse et leurs archives.
On peut considérer comme une sorte de complément à ce précis fonda-
mental de l'histoire religieuse de la contrée, la c Liste des abbés, qui ont
gouverné les anciennes abbayes de la province du Périgord » extraite par
M. Ph. de Bosredon des manuscrits de Lépine, conservés à la Bibliothèque
nationale, à Paris.
L'Étude sur Mgr Le Boux, évêque de Périgueux, par M. Riboulet, vicaire
de la cathédrale, est une monographie, pleine de recherches et fort attrayante.
êuf ntk inrédieatoiir célèbre dn dix-septîèmé tiètlt» de la oo&grégttkm d»
moratoire. D'antres que les habitants du Périgord pourront y trooTer de
riniérét.
On doit signaler encore, dans la partie parement historique, les notes
fort cnrienses de M. Gh. Durand, snr l'histoire de Bergerae. Ce sont des
extraits de comptes, en dialecte périgonrdin, relatifs anx dépenses faites,
en 4393^94, pour la réparation des fortifications de eette Yille, qui devint
pins tard un des boulevards de la Réforme.
Une simple énumération suffit ponr les documents inédits publiés textuel-
lement : Donation faite, en 1213, à Tabbaye de la Faye, par Pierre de Saint-
Astier, évêque de Périgueux (M. Galy). -- Une charte délivrée à Tabbaye
de Saint-ÀjBtier par Pierre m de Saint-Astier ÇSf. le vicomte de Lestrade de
Conty). —Une sentence ecclésiastique au treizième siècle (H. l'abbé Ganier).
^ Entrée de Mgr Philibert de Brandon, évéqne de Périgueux, le 28 mars 1649
(M. le chanoine René Bemaret). — Lettre inédite de Mgr Du Lau, arche-
vêque d'Arles (M. Di^garric-Descombes], — Lettre de Mgr Christophe de
Beaumont, archevêque de Paris (M. F. Villepelet). — Statistique historique
de Monpont à la fin du seizième siècle (M. l'abbé Delpeyrat). — Tenne des
États généraux à Pérignenx, en 4649 (M. le chanoine René Bemaret).
Les philologues et les littérateurs trouveront, dans ce même reeneil, denx
morceaux instructifs : 4* Fragments d'un mystère provençal déooaverts à
Périgueux, par M. Camille Ghabaneau ; 2' Quelques mots sur l'origine et la
naissance de Cyrano de Bergerac, article court et très-attrayant de M. Dujarrii>'
Descombes, que nous connaissions déjà par ses intéressantes études histo-
riques sur Mgr Daniel de Francheville, évêque de Périgueux, publiées il y a
un an, et qui sont un digne pendant dn mémoire de M. l'abbé Ribonlet,
dont nous venons de faire mention.
L'archéologie marche de pair avec l'histoire, et des monuments de tous
les âges sont mentionnés dès ce premier volume :
Le duseau de Saint-Léon sur l'isie, par M. le comte de Mellet, nous montre
l'époque préhistorique, ainsi que le dolmen de Saint-Aqnilin de M. Galy,
Les curieux d'une antiquité moins primitive ont pour leur part trois
mémoires dus à M. le docteur Galy. — L'art du placage et de rétamage
ehez les Gaulois. — Bracelet protecteur de la santé. -^ Enceinte murale
gallo-romaine de la dté, à Périgueux.
Le moyen âge revendique quatre bonnes monographies :
Notice snr l'église de la chapelle Saint-Robert (M. J. Mandin).
Notice historique et descriptive du prieuré de Merlande (M. Ch. Durand).
Notes sur l'église de Carsac, près Sarlat (M. A. de Rouméjoux).
Notes sur deux vases funéraires trouTés à Riou-Martin et à Verteillae
(M. J. Mandin).
Dix lithographies fort bien faites, accompagnent et complètent oenx des
mémoires qui le comportent : vue du dolmen de Saint-Aqïiilin et types, de
grandeur naturelle, des silex et poteries qui y ont été trouvés ; deux firag*
ments des murs de l'enceinte gallo-romaine de la eité de Périgueux ; les
vases funéraires de Riou-Martin et Verteillae; plan et élévation de la
chapelle Saint-Robert ; vue pittoresque, plan, coupe et détails de l'é^se
de Merlande * sceaux de la ville de Périgueux ; portrait de Guillaume Le
Bottx, d'après Landry.
Enfin, sous le titre de Varia, chacun des ftiseioules se termine par des
nouvelles archéologiques, découvertes de monnaies, inscriptions de cloohes
et notules d'un véritable intérêt.
— 189 --
Là Sodété historique et aidiéologlqae du Périgord a trop bien eommenoé
pour s'arrêter en chemin, et si, sans préparation de longae date, les mein*
bres ont pu lui apporter des matériaux si yariés et si substantiels, on peut
augurer, sans témérité, que les volumes subséquents ne seront pas infé-
rieurs et qu*on pourra les classer k o6té des Mêmùirm réputés de la Société
des antiquaires de TOnest, ou des Antiquaires de Normandie, et de Tineom-
parable Bulletin monumental du regretté M. de Gaumont Ga. Yasbiui.
La Revdv des dsuz-mondss et la Statue db Mbmnon. — H. Gaston Boissier,
a publié, dans la Berne des Beux-Mondes (jtiillet 1874), un article intitulé
V Empire romain en OrienU Les sons que rendait parfois, au moment du levéf
de Taurore, la colossale effigie du roi Amunopb, placée aux abords de la cité
de Thébes, sont un fait attesté par un grand nombre de témoignages irré-
cusables; les anciens Grecs et les Romains 7 ont vu quelque chose de surna-
turel, la science moderne y a reconnu un effet physique provenant d'une
raréfaction momentanée de Tair, effet qui disparut lorsque l'empereur
Septime-Sévère eut fait, vers la fin du second siècle, restaurer la statue qu'un
tremblement de terre avait en partie renversée. <c On sait que cette découverte
est due à notre illustre Letronne ; » ainsi s'exprime M. Boissier, mais il se
trompe. Letronne publia, en 1833, un mémoire où il versa les trésors de
son érudition, aussi judicieuse qu'étendue : La Statue vocale de Memno/n
considérée dam ses rapports avec VEgypte et la Grèce; mais il ne revendica
point pour lui le mérite d'une explication qui avait déjà été signalée.
Le premier qui Tait indiquée est ce semble, Dussaulx, dans les notes qiii
accompagnent sa traduction de Juvénal ; le poète avait dit, dans sa quin-
zième satire :
Dimidio magîc8s résonant ubi Memaone cbordœ ;
et son interprète français a judicieusement expliqué ce vers.
La Omaieriy Beview^ qui vient, dans sa livraison d'avril 1875, de consacrer
4 la statue de Memnon, un article intéressant, observe que dans cette même
revue, en février 1831 (deux ans avant que l'écrit de Letronne ne vit le jour),
un savant illustre, David Brewster, fit paraître un article relatif à
Herschel et non signé selon l'habitude de tous les grands périodiques anglais;
l'explication des sons émis par le oolosse égyptien était exposée; Humboldt
l'avait d'ailleurs déjà indiquée en parlant de bruits semblables, qu'il avait
entendus sortant des rochers qui bordent les rives de l'Orénoque. Il serait
facile de multiplier les témoignages de ce genre, mais il ne saurait
s'agir ici d'épuiser une question qui est complètement résolue.
Les journalistes et L'EX?osiTioif de géographie. «^ Les journalistes qui
ont parlé de l'exposition de géographie ont commis, par endroits, une mé-
prise assez curieuse. Elle consiste à rendre un compte doctoral d'ouvrages
qui NE figurent PAS à l'exposition. Ainsi un rédacteur du Journal des BébaU
(n* du 26 juillet p. 5, col, 3) nous dit : « Gitons les recherches de M. D.
Europœus sur un peuple de race hongroise, qui aurait habité la RusHe
moyenne et septentrionale, etc. » M. G. de Mortillet, rendant compte de l'ex-
position dans la Bévue scientifique du 31 juillet, p. 109, a remarqué le même
ouvrage : wll faut citer aussi de M. D« Europaus des recherches sur Un
peuple de race hongroise qui a habité la Russie moyenne et septentrio-
nale etc..., enfin une carte de la Volhynie et de la Gallicie, depuis les temps les
plus reculés jusqu'à l'an 1453. « Ni la carte de Volhynie et de Gallicie, ni Toil-
▼fage d'Ean>pœus ne figurent à l'exposition 11! Us devaient y figurer, et c'est
pour Cela qu'ils ont été inscrits par avance au catalogue, mais ils ont été
égarés efi route. Le rédacteur des Débets et M. de Mortillet en ont parié sur
— 484 —
la foi du catalogue, sans prendre la peine de les voir par eux-mêmes: de \k
leur méprise.
Et voilà justement oomme on écrit Thittoire I
— Parmi les travaux envoyés à llnstitut par le directeur de TEcole archéo-
logique de Rome, nous devons signaler un projet de catalogue du fonds de
la reine Christine ; l'inventaire des documents concernant l'Histoire de France^
conservés, en Italie, par MM. Duchesne, Cledat et Zeller.
— D'une statistique faite il y a deux mois, il résulte que l'Ordre des
Frères des écoles chrétiennes compte 10,644 frères, 1,141 étahlbsements^
396,085 élèves. En France, il compte 8,769 frères, 1,009 établissements et
326,000 élèves, k Paris, le nombre des élèves est de 51,650; à Lyon, 31,900;
àMarseiUe, 46,500.
— Notre collaborateur M. A. Héron de Yillefosse avait été chargé d'une
mission d'exploration archéologique en Algérie et en Tunisie^ pour recher-
cher les inscriptions latines qui auraient échappé aux explorateurs précé-
dents. D est revenu avec une abondante moisson ; un des documents les plus
curieux dont il ait rapporté un calque exact est le tarif des douanes de Zraia
qu'il a retrouvé dans le pretortumde Lambèse. M. Léon Rénier a communiqué
à l'Académie, dans la séance du 2 juillet, le résultat de la mission de M. de
Yillefosse.
— Un grand travail, qui aura peut-être abouti au moment où cette
livraison paraîtra, s'est produit, depuis quelques années, en faveur de la
liberté de l'enseignement supérieur. Les régions du nord de la France sont
peut-être celles où il s'est accompli avec le plus de zèle, d'intelligence et de
dévouement. Il s'est manifesté par la création de cours libres, préparation
naturelle à une université catholique, par d'importantes souscriptions, et par
la création d'un comité d'études, chargé de suivre et de diriger ce mouve-
ment pour le faire aboutir à des résultats pratiques. Ce comité a pour or-
gane le BuUetin de la Ccmmissicn formée peur la aréaiwn d^une untoenUé oo-
tholique dans le nord de la France. Quatre numéros ont déjà parus. Nous y
trouvons, avec les procès-verbaux très-intéressants des séances de la commb-
sion, d'excellents travaux sur les questions qui touchent à l'enseignement
supérieur et des documents qui font connaître l'organisation adoptée dans
les pays étrangers.
— En attendant une histoire des Baux, en Provence, à laquelle travaille
un élève de l'École des chartes, M. Common publie des notes historiques,
archéologiques et descriptives, mêlées d'impressions poétiques empruntées
à Miréio (Les Baux en Prwence. DescripHons et souvenirs, par M. C***. Avi-
gnon, F. Séguin, 487.5, in-18 de 39 p.), qui appelleront l'attention sur cette
antique seigneurie possédée par une des plus illustres et puissantes maisons
de Provence, éteinte au quinzième siècle. Elle passa ensuite dans le domaine
comtal, et, au dix-septième siècle, fut érigée en marquisat en faveur des
Grimaldi-Monaco.
— M. Léopold Pannier, de la Bibliothèque nationale, vient de publier en
même temps deux opuscules qui méritent, à divers titres, d'être reconmian-
dés à nos lecteurs. L'un intitulé: Le Pâté et la tarte, farce du quinLiéme siècle
mise en langage moderne, (Saint-Prix^ 1875, in-18 de 56 p.), et l'autre : Etat
des inventaireS'Semmaires et des autres travaux relaHf s aux diverses archives de
la France au i*^ janvier 1875 (Paris, H. Champion, 1875, in-8 de 80 p.). Le
Fàté et la tarte (tiré à 120 exemplaires) est dédié au fils de l'auteur, enfant
de six ans, et c'est le premier volume d'une collection qui, sous le titre
général de BiWaUiéquede Jacques, renfermera un choix de contes et fabliaux
— 485 —
du bon Tienx temps accommodés à l'usage des petits lecteurs. La pièce, tra-
duite aDgo^^*^^ P^ M. Pannier avait été classée par M. Magnin parmi
«les phis remarquables imitations de Patheltin.» M. Pannier ne pouvait
trouver une plus agréable bluette à mettre en tète de la série des volumes
dont se composera sa bibliothèque enfantine, et tous les pères de famille
devront le remercier de si bien rajeunir notre vieille littérature au profit de
leurs chers bébés. — VÉtat des inventavres-sûatmaires^ etc., au i*' janvier 1875
(extrait de la Bibliothèque de TÉeole des chartes) est un travail aussi bien fait
qu'il est important. M. Pannier a pris beaucoup de peine pour nous en épar-
gner beaucoup, et sa bibliographie, qui ne comprend pas seulement Ténumé-
ration des publications de nos archivistes, mais encore Tônumération de
toutes les publications qui se rattachent aux archives nationales, départe-
mentales, communales, hospitalières, etc., ainsi qu'aux archives des grandes
familles, ne saurait être trop louée. T. db L.
^ On annonce Tapparition de la Colieetion des inscriptions grecques antiques
du British Muséum, publiée par H. Gh. Newton, conservateur du Musée des
antiques, avec le concours de H. Hicks. Cette première partie contient les
inscriptions de TÂttique, au nombre de 436, en grande partie insérées déjà
dans le Corpus de Bœcidi. Elles ont subi des corrections nombreuses et
parfois très-importantes. Certaines ont été complétées à l'aide de fragments
retrouvés à Athènes depuis la publication du Carjpas.
— Le premier volume des Ftslorîei» grecs des Croisades vient de paraître
par les soins de H. Miller. Il contient les Prolégomènes de M. Hase, où Ton
explique les causes qui ont amené les Croisades et où Ton étudie l'état de
l'empire d'Orient à cette époque; des fragments de l'historien grec Midiel
Attaliate; des opuscules de Michel Psellos; dbs textes historiques d'Anne
Commène et de Nicétas Choniate, accompagnés d'une traduction latine. Le
second volume, actuellement sons presse, contiendra les notes.
— M. Hocher, correspondant du comité des travaux historiques, vient de
faire pari^tre k> preimer volume d'une édition qu'il publie du Boman du
Saxnt^QraaL Le texte ancien est accompagné d'une traduction et de notes
formant un véritable commentaire. L'ouvrage est précédé d'une introduction
où M. Hucher traite les questions encore débattues de la date de composition
et de l'origine du livre du Saint-Graal; il croit être parvenu à établir comme
très-probable l'opinion qui attribue à la littérature française du dou-
zième siècle, et à un auteur du Gàtinais, le roman qui fait partie, comme
on sait, du cycle de la Table-Ronde avec MerUn^ Artus et Lmcelot du Iaxc.
— Nous devons au même auteur[une autre publication : Le Jubé du cardinal de
Luxembourg, à l'entrée du chœur de la catiiédrale du Mans, détruit en i562;
reproduction en fa&^imile d'après un dessin d'architecte de la fin du quin-
zième siècle, comprenant huit planches lithographiées et quatre planches
de texte, documents inédits.
— VEneyclopcsdiia de Chambers jouit, dans la Grande-Bretagne, d'une répu-
tation attestée par une vogue soutenue; mais le sort des ouvrages de ce
genre est de vieillir promptement et de perdre ainsi beaucoup de leur uti-
lité ; il faut les refaire de temps en temps; aussi a-t-on entrepris, pour l'ou-
vrage que nous signalons, une édition nouvelle, complètement revue et mise
au niveau des connaissances actuelles; elle forme dix volumes in-8, compre-
nant 27,000 articles différents, 3,400 figures sur bois et 30 cartes coloriées.
— Un célèbre éditeur écossais, dont la réputation date de loin,
M. Blackwood, d'Edimbourg, publie une collection de traductions d'auteurs
anciens destinée aux lecteurs anglais {Andent Cktssics far engiish readers);
e]l« est Méentée vna aoiii et avec goftt; les IMrm de Pline le Jeune ont
para réoemment; la Wmimin»ief Beviêw (tomel*' de 1875, p. 312-329) lenr a
ooBiaeré un artide digne de l'attention des personnes qii ont nn goût bien
légttinie ponr Tétnde de la littérature romaine,
«- La Qaleriê naticnalê de Londres est un des musées les plus riohes de l'Eu-
rope, grâce à Tampleur des allocations mises à la disposition de ses oonser*
Tateurs. Elle a déjà été l'objet d'une publication qui a reproduit un certain
nombre des plus beaux tableaux qu'elle renferme; une édition nouvelle de
cette SêleaUon^ gravée par d'babiles artistes» a vu le jour. Le texte n'apprend
rien de nouveau, mais diverses gravures ont du mérite. On a signalé le
portrait d'un marchand juif, d'après Rembrandt, gravé par John Bumet, et
la reproduction d'une des meiHeures compositions de David Wilkie; elle sert
de frântispiee au volume que nous signalons.
— Les ouvrages du pontife des spirites français, d'Allan Kardec (pseudo«
ttjme d'H. L. Denison-Rival, ancien chef d'institution), trouvent, paralt>il,
des admirateurs en Angleterre. Une dame, Mistress Anna Blackwell, a traduit
le LHfr€ dm espriiê et le livre de$ méditims. On a sojin d'annoncer que le pre-
mier de ces ouvrages a déjà été imprimé en France 4 plus de 1 20,000 exem*
phiires, et le second à 80,000 au moins.
-«• Les dialectes que parlent les Bohémiens ont attiré & diverses reprises
l'attention des philologues; signalons un recueil, publié à Londres, de (àiants
de ce genre : Ènglish gip$y Swiqi, In Benuiuviyi le texte est accompagné
d'une traduction anglaise en vers.
-- Des Chinois ont*ils, dix siècles avant Colomb, découvert l'Amérique?
Il est permis d'en douter; mais les personnes que cette question intéresse
feront bien de lire l'écht de M. Charles C. Leland : i^so-vt, et the JHMnftfi
ùf AmÊfioa by CMness Buddhùi PHestt.
— Un éditeur anglais, placé à la tête d'une importante librairie d'éduea*
tlon, M. Thomas Murby, a entrepris la publication d'une série d'ouvrages
seientiflques et de manuels destinés aux écoles; ils comprennent la Chimk
inùrganlquey par M. R. Meldela; la MinérahoUf par M. F. Rutlej; Proj&aUm
eu la ffoÊiquê de ia géométrie des eolideê, par M. J. Payne; Qéométnephy
êique, par M. Skertchly. D'autres manuels concernent la botanique, laminé-»
ralogie, la physiologie animale. Les étudiants trouveront une grande utilité
dans ces résumés, qui mériteraient d'être traduits en français.
— Un Allemand, le docteur Geiger, est mort réoenmient, laissant une eol«
lection importante de livres hébreux. Une somme de 6,000 marcs, provenant
de souscriptions volontaires, a fourni le moyen d'acquérir cette bibliothèque,
qui a été placée dans le local de l'université Israélite de Berlin. C'est la
troisième collection de ce genre que cet établissement obtient par le même
procédé.
— Un nouveau journal hebdomadaire, vient de paraître à Londres, sous
le titre de Conoordia; il s'occupe spécialement de musique et de théâtre.
-~ Mgr Vaughan, achevéque de la Nouvelle-Galles du sud, vient de réussir,
après de longs, coûteux et pénibles efforts, à relever le collège catholique
de cette colonie, dont il a fait une université rivale de celle de Sidney. Il a
Établi des chaires de théologie, de philosophie, d'histoire, d'écriture sainte,
de langues classiques, de mathématiques et de sciences naturelles, qui ont
été pourvues de professeurs capables. Les onze évéques de l'Australie
ont joint leurs efforts à ceux de leur métropolitain pour remettre sur pied
eat établissement, fréquenté aiijourd'hui par la jeunesse des diverses par-
ties de la oc^onie. L'archevêque en est le recteur, et a choisi pour vioe-
reetour éam AnMlme Gillett, moine béoédictiii dn pneuré de
d'Hereford.
— La Caimdm Soeiêtyf dont l'objet eat la pnblieation des doeoments origi-
naux de rhistoire d'Angleterre, vient de faire imprimer nne CAromgfue
SA^Utem dynmi lu réfinee des Tudors d9 1485 à i559, par Charlea Wrio«
tbeslejs héraut de Windsor, d'après un manuscrit appartenant à lord Per^.
Cette chronique est d'une grande importance, pour édairoir une foule
de questions restées obscures dans rUstoire de eette période si agitée.
— Une mer?eille de calligraphie du n^yenàge rient, nous dit thé Aeademi^^
d'âtre envoyée à Paris par un libraire anglais, qui Ta achetée 36,000 firanos.
C'est un psautier provenant du monastère de Saint-Hubert, dans les
Ardennes, et connu sous le nom de Psautier de Louis le Pieux, qudique
M. Paulin Paris, qui l'a examiné, incline à penser qu'il ne remonte pas
plue haut que Lothaire son fils. Il est écrit en ondales^ La reliure présente,
d'un cûtéy un ivoire admirablement ciselé, de l'autre^ une plaque de cuivre
repoussé représentant le souverain auquel le manuscrit a appartenu. Ce
psautier avait été décrit par Mabillon au dix-<septième sièole ; mais, depuis
la an du dix-huitième siècle, on Je croyait perdu.
— The Aeademy annonce qu'une bibliothèque publique, contenant
30,000 volumes, a été formée k Yedo par la seetion d'éducation du gouver-
nement japonais, à 1* usage des naturels et des étrangers. Elle est ouverte
toute l'année de neuf heures du matin à dnq heures du soir.
-<** MM. Mommsen et Studemund ont publié récemment à Leipiig, sous
le titre de Analeeta Ltvtona, un ouvrage de peu d'étendue, mais intéree-
Bunt surtout pour ceux qui veulent se rendre compte de la forme sous
laquelle le texte de l'illustre historien de Rome nous a été conservé. H
renferme cinq planches photo-lithographiques, offirant un spécimen des
quatre plus anciens manuscrits de Tite-Live. La l** est prise dans le palimp-
seste de Vérone; la 2*, dans le manuscrit de Du Puy (Bibliothèque
nationale de Paris, f.*lat., 57^) ; la 3* et la 4*, dans le manuscrit de Vienne;
la 5* dans un fragment du livre Xd de la bibliothèque du Vatican. Les
éditeurs y ont Joint de savantes dissertations sur les nombreux manuscrits
de l'historien latin.
— Un correspondant du Tûmes & Rome annonce la découverte, faite è
Milan, de manuscrits irlandais de l'époque de Saint-Golomban, renfermant
un glossaire de la langue irlandaise. Ces manuscrits avaient fait partie de la
bibliothèque du monastère de Bobhio, et avaient été, depuis, donnés par saint
Chartes Borromée à la bibliothèque Ambrosienne de Milan. Le chevalier Nigra
prépare, dit-on, un travail sur ces manuscrits, qu'il se propose de publier.
— Une collection des actes consistoriaux du SaintrSiége, relatifs aux
afibires ecclésiastiques de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, durant le
quinzième et le seiiième siècle, a été formée par le docteur Masièr»*Brady,
dans les bibliothèques et les archives de Rome.
— On annonce la publication de la MhHaihéque de Shahetpeare^ ou coUee-
tion des pièces, romans, nouvelles, poèmes et histoires employés par
Shakespeare dans la composition de ses œuvres, par M. W. C. Haalitt.
— Une découverte importante est signalée par the Aeademy, dans la
bibliothèque du monastère de Grottoferrata près dé Frascati, si riche en
manuscrits grecs. Le Père Joseph Cosia, chargé, depuis plusieurs années par
le cardinal Angelo Mal d'étudier les manuscrits de TËcriture sainte qui
s'y trouvent, a découvert plusieurs palimpsestes, dont l'un offiv le texte
de Strabon écrit sur trois colonnes en lettres onciales, et présente tous les
— 188 —
caractères d'an manuscrit du sixième siècle. Il était recouvert par une copie
de TAncien Testament du onzième siècle.
— On annonce la publication d*un ouvrage prédenx pour Tétude de
rhistoire de l'église d'Irlande, c'est le 8pieUegium Oiscrienie, eu Collection de
doùmneats erigmauas^ ceneerrunU Véglise irUxndam^ depuis la refermé jusqu'à
Van 1800, recueillis et annotés par le docteur Patrick-Francis Moran. Ces
documents sont extraits, pour la première série qui s'étend de i 537 & 1673, la
seule publiée jusqu'ici, des papiers d'État de l'Irlande, des collèges irlandais de
Rome et de Salamanque, des manuscrits de l'évêque Thomas de Burgo, des
archives de la Compagnie de Jésus, de la collection Rinuccini de Florence,
des archives du Vatican.
— - Le second volume de l'ouvrage anglais de M. Beames : Grammaire eom'
parie des idiomes ariens modernes de Vlnde^ vient de paraître. Il renferme de
remarquables dissertations sur les noms et les pronoms des diverses contrées
de rinde.
— Le général John Eaton, président de la Commission nationale d'éduca-
tion de l'Amérique du Nord, va faire paraître, lisons-nous dans the Athenmwrn,
un travail sur la BiXMoIhéque des BMs-JJnis. Aux détails statistiques et aux
notices historiques concernant les bibliothèques publiques, son livre joindra
des articles d'une utilité pratique relatifs à la formation et au catalogue des
collections littéraires.
— La maison Sotheran et C*, de Londres, publie VAri de la cérmnîque au
Japon, par MM. Âudslej et Bowes, de Liverpool. La première partie de cet
ouvrage, magnifiquement illustré, vient de paraître.
— Sous le titre de Fragments et spécimens du /oltn amien, M. J. Wordsworths
a recueilli, dans un fort volume, enrichi de dissertations et de notes, des
extraits d'anciennes inscriptions latines, des lois romaines parmi les plus impor-
tantes, des fragments qui nous ont été conservés des poètes et des prosa-
teurs antérieurs au premier siècle avant Jésus-Christ. Ce livre est destiné à
l'usage classique des universités d'Oxford et de Cambridge.
— Le savant et obligeant président de la salle de lecture du BrUuk Muséum,
M. Bullen, vient d'être nommé à l'emploi de conservateur des imprimés du
même étâJ)lissement, en remplacement de M. Rye, démissionnaire.
— La Société des anciens textes anglais vient de faire paraître le Cursar
Uvmdi, poème northumbrien du quatorzième siècle, en quatre dialectes
différents, dont les variantes de diction et d'orthographe oflOrent le plus
grand intérêt pour l'étude de la formation de l'idiome anglais moderne.
— M. Firkovitz vient de recueillir en Crimée plus de 900 manuscrits
hébreux et arabes de la plus haute antiquité. Il en a proposé l'acquisition
au gouvernement russe.
— Un exemplaire du TrasU de médecins de Galien, de l'édition princeps
des Aide de 1525, appartenant & l'hôpital général de ShefiBelds, oflôre, nous
aprend ihe Athenaum, des notes marginales assez nombreuses qui paraissent
être de la main de François Rabelais. Le docteur Law, un des médecins de
cet hôpital, en a fait faire des photographies.
— Nous pouvons annoncer à nos lecteurs la publication prochaine, à la librai-
rie Didot, du troisième et dernier volume des (kmtemparains de ÊÊoHére, par
M.Victor Fouroel. Le premier avait paru en 4863; le deuxième en i866javant la
création du PotyhibUan. Ce dernier volume comprendra le théâtre du Marais
et le théâtre de Molière, c'est-à-dire un choix de pièces rares et non restées
au répertoire jouées sur ces deux théâtres, et choisies surtout, comme dans
les autres volumes, parmi les ouvrages qui ont un intérêt plus ou moins
— 189 —
'historique au point de vue des mœurs, des usages des modes, et ceux qui
ont trait directement ou indirectement à Molière. On y trouvera^ en parti-
culier, le Parasite de Tristan rHermite, ie Campagnard, de Gillet de la Tesson-
nerie» la Désolation des fUouSf et les Amours de Calotin (relative à Molière) de
Chevalier, Champagne le coiffeur, de Boucher, la Joueuse dupée, de Chappuzeau,
lelVotnMOtt Festin de Pierre, de Rosimont, qui offre des points de comparaison
curieux avec le don Juan de Molière, etc., etc ; le tout avec des notes^ des
notices biographiques et bibliographiques sur chaque pièce et chaque
auteur, enfin Thistoire de chaque théâtre.
— Sous ce titre : A propos de la reconstruction de régisse SaiiU-Pierre (Bor-
deaux, Féret, br. de 21 p.}» M. Ch. Ghauliac^ examinant la question du trans-
fert de la paroisse Saint-Pierre dans le local de Tancienne église Saint-
Remy, au lieu de la reconstruction sur l'emplacement actuel, appuie son
projet sur des considérations économiques et historiques très-intéressantes;
il donne des renseignements peu connus dans le public sur l'histoire de ces
deux églises^ Saint-Rémy et Saint-Pierre, fort anciennes Tune et l'autre ; car
la première date du cinquième siècle. Quoique partiellement reconstruito
à des époques postérieures^ la seconde remonte au treizième siècle. Cette
brochure sera lue avec un v^ intérêt par tous ceux qui s'intéressent à l'histoire
du Bordelais.
— Une soirée littéraire a eu Ueu récemment à Saintes, au profit des inondés
du Midi. Elle a été composée de diverses lectures faites par des membres
de la Société des archives historiques de la Saintonge. M. Letelié a lu une bio-
graphie de Charles-Esprit Le Terme, d'Angers, sous-préfet de Marennes,
décédé en 1847, qui a rendu d'éminents services à la population de l'arron-
dissement en desséchant les marais qui l'infectaient ; M. Hypolyte de Tilly
a raconté les souvenirs de Charlemagne en Sainlonge. M. Geay-fic^, acyointj
a dit, en vers patois, les impressions d'un paysan saintongeois au concours ré-
gional de Saintes, et M. Louis Audiat a improvisé une poésie de circonstance :
Somles et Toulouse.
— On vient de réimprimer LeIHt des rues de Paris (1300), par Guillot (de
Paris), avec préface, notes et glossaire. L'éditeur est M. Edgard Mareuse ; il a
joint au texte un plan de Paris sous Philippe-le-Bel (Paris, librairie géné-
rale). Cette publication a été tirée à 360 exemplaires : 350, papier de Hollande ;
2, peau de vélin ; 6, papier de Chine ; 2, parchemin.
— On annonce la réimpression, chez MM. Féret et fils, libraires à Bor-
deaux, des Œuvres de Pabbé Bouretn: Variétés bordelaises^ ou essai historique
et critique sur la topographie ancienne et moderne du diocèse de Bordeaux.
Cette nouvelle édition contiendra de nombreux renseignements complémen-
taires et formera trois volumes grand in-8, à 7 fr. 50 le volume, et par sous-
cription, à 6 fr. — • Il sera tiré 150 exemplaires de luxe sur papier de
Hollande, dont le prix est fixé à 15 ft. le volume. Chaque volume de ce
tirage spécial sera numéroté et portera le nom du souscripteur.
— L'admirable ouvrage de M. l'abbé Gay : De la vie et des vertus chrétiennes
considérées dans rétat religieux, dont nous avons parlé, et qui a obtenu un si
grand et si légitime succès, vient de parvenir à sa troisième édition. Cette
édition forme 3 volumes in-12 du prix de iO Dr. 50 (libr. Oudin).
^ M. le comte Anatole de Bremond d'Ars vient de remettre en lumière
l'oeuvre d'un de ses compatriotes dont le nom était bien oublié. C'est
l'Alphabet militaire de Jean Monigeon, sieur du Haut-Puy de Fleac, Angoumoisin,
avec les ordonnances du Boy sur le règlement de Vvnfanterie, réimpressùmâiOiprés
Us édiUiom de 1615 et 1620.(Angouléme, imprimerie charantoise de A. Nadaud,
— 190 —
1875, in>-8 de 88 p., tiré à cent exemplaires, sur papier mécanique, 3 fr;
et sur grand papier de Hollande, 8 fr.) C'est un tirage à part d*un travail paru
dans le Bidletin de ta SoeUté archéologique et artistique de la Charente, 1874.
M. de Bremond d*Ars y a joint des notes intéressantes et une notice sur
l'auteur et sa famille.
— L'éditeur Marietti, de Tarin, fient de mettre en vente le deuxième
volume de sa réédition de Surius. Ce volume est consacré au mois de février.
Publications nouvelles. — LePseudO'-Synode connudans rhiêUdrêsous Jenom
de Brigandage d^Ephèee^ étudié d'après ses actes retrouvés en syriaque, par
Tabbé Martin (in-8, Maisonneuve). — BisUrire de VÉglùe eaiholique, par
L. Jannay (in-12, Gaume). ^ Im Origines du texte masoréthique de VAneien
Testament^ par A. Kuenen, trad. d'A. Carrière (in-8, Leroux). — Mémoires
d^arehéologie^ d^éj^ofàie et d^histoire^ par G. Perrot (in-8, Didier). -^ Pie 11
#1 les études cUusiques^ par Mgr Gaume (in-8, Gaume). ^ Uistoriœ seu viUs
sanctorwnf del Surius, vol. n. Februarius (in-8, Torino, P. Marietti). —
Bistwe cki second Empire^ par T. Delord. T. VI (in-8, Germer Baillière). —
La Questùm d'Orient^ précédé» du conflit gréoo^lgare (in-8. Douniol). -^ Le
prceés d^Axtém^ recueil complet des documents politiques et autres pièces
produites à Taudience publique, traduit de Tallemand, annoté et mis en
ordre par F. Figurey et D. Corbier, avec une introduction de M. Yalfrey
(in-8, Pion). — X'JSapoflfne, spiendetirs et misères, voyage artistique et pitto-
resque, par P.-L. Imbert (in-18 illustré. Pion). — JBssoi sur le suffrage
universel direct avec scrutin de /isie, par le comte de Galembert (gr. in-i8,
Dentu). — La Défense de Parte, 1870-1871, par le général Ducrot. T. I*',
(in-8 cavalier, Dentu). — Histoire de Gustave-Ado/pAe, roi de Suède, par
M. de Parieu, de Tlnstitut (in-12, Didier). — La Grande Pyramide pharaoniqus
ds nom, par Piazzi Smyth, trad. de l'abbé Moigno (in-18, Lib. des Mondes).
— La Conservation de lénergie, par Balfour Stewart (iu-8. Germer Baillière).
— Le Soleil, par le P. Seccbi (in-8 et atlas, Gauthier-Villars). — Le Son, par
A. GuiUemin (in-18, Hachette). — Les Ouvriers de la ferme : le vachar et le
bouoier, par E. Menault (in-32, Hachette). -^ De la graoure de portrait en
France, par G. Duplessis (in-8, Rapilly). — Contes populaires de la Grande-
Bretagne, par L. Brueyre (in-8. Hachette). — Histoire abrégée des principales
littératures de l'Europe, par L. L. Baron (in-i2, Thorin). ^ Victorius, ou Borne
ouasprenders temps du christiat^isme, par le R. P. Fr. Gay (in-12, Haton). —
Géographie militaire de l Empire d'Allemagne, par E. X. H. Ruhière (in-18,
Sandoz et Fischbacher). — Les Droits de Dieu et les idées modernes, par Tabbé
Fr. Ghesnel (in-8, Oudin). — La Faillite dans le droit international pHvé, par
G. Carie, trad de £. Dubois (in-8, A. Marescq). — Bestauration de la science
polUique, par Ch. L. de Haller. T. IV, V, VI (in-8, Vaton). — La Foi et la
sdenos, parTabbé Moigno (in-18, Lib. des Mondes). — La Banque du diahk
et autres histoires, par Eug. de Margerie (in- 18, Téqui). — Le Marquis de
Montùolm, par le R. P. F. Martin (in-18, Téqui). — Carmela, par la princesse
Olga Cantacuzène (2 vol. in-18 j., E. Paul). — AmeUne du Bourg, par A.
Fjuklin (in-18, Sandoz et Fischbacher). -^ Un Chapitre d'art poétique, la rime,
par Ch. Le Vavasseur (in-8, Lemerre.) — Sonnets et Poésies, par E. Péhant
(in-18, Lemerre.) -— Poéstei de François Coppée, 1869-1874, (in-18, Lemerre.) —
La Femme politique, étude contemporaine, par J. de la Brenne (in-18, Douniol).
— La Noldesse ptiitique, étude contemporaine, par J. de La Brenne (in-18,
Douniol). — PrîMiie ei emprisonnement, par C. Breton (in-8, Durand). — Des
Conditions de gouvernement en France^ par A. Dubost (in-8, Germer Baillière).
ViSBNOT.
— 191 —
QUESTIONS ET RÉPONSES.
QUESTIONS.
GMendrler éqvlnoslal» —
On lit dans le Manuel de BUdêcçraphiiB
iméMne/Zé, par Dénia» Pinson et de
Martonne (Paris, encyclopédie Roret,
1897, 1 Tol. in*8 de 706 p.), page 44,
an mot Calbhdubr, colonne 3% § 11,
l'indication de l'ouvrage suivant:
il. Coneoréancê da calmdrier gré-
gcfiin avec le calendrier éqwnaxiaif
fOTF J. F. AZIord, 1805, in-8.
Cet oUTrage n'existe pas4 la Biblio-
thèque nationale. PeuVon indiquer,
dans quelle bibliothèque de Paris,
cet ouvrage se titmTerait et pourrait
être communiqué? -— Quelque li-
braire de Paris le possède?
Ce calendrier équinoxial n'est-il
pas tout simplement l'ancien calen-
drier républicain, baptisé d'un autre
nom? F. R.
Porcon de la Barbtneil». —
£adste-t-il quelque relation, men-
tionnant les hauts faits de Porcon
de la Barbinais, conmiandant d'un
petit navire de guerre dans la Médi-
terranée? — Ce marin avait pour
mission de protéger le commerce de
SaintrMalo. sa viDe natale, contre les
pirates d'Aiffer. Plus tard,.fait prison-
nier, puis cnargé de transmettre à
Louis aIV, les orgueilleuses proposi-
tions de paix du bey d'Alger, il eût
la tête tranchée, le grand roi n'a^t
Sas voulu accepter les propositions
u bey. A. DB Ba.
Madame la reine d*aoii-
srie. — Je lis dans le Journal de
Paris, du 30 juillet 1789 :
« Les dames de la halle ayant ac-
cepté la députation qui leur a été
fute par le district de Saint-Joeeph
pour coopérer au maintien de l'ordre,
M. Bélanger, président, et M. André,
commanoant de la milice bourgeoise,
ont été éhargés de porter Tadresse
suivante à Mmame la reine d* Hongrie^
première dame dee Halles.,. »
On voit enoore plus loin Madame la
reine d'Hengrie conduisant une dépn*
tation de ces dames ; Madame la reins
d^ffangrie recevant une somme de
800 livres pour la distribuer aux pau-
vres. Qu'est-ce que cette reine d*Hon'
grie? A-ton quelque connaissance
de l'existence de ce titre et de cette
dignité parmi les dames de la Halle?
Existe-il quelque autre passage où
Ton trouve l'emploi de la même dé-
nomination, et quelle peut en être
l'origine? V. F.
Liea OBavrea de Pierre de
Vermat. — Les ouvrages de ce
mathématicien illustre sont devenus
fort rares ; le projet d'en publier une
réimpression, aux frais de l'Etat, avait
été arrêté, il ^ a une trentaine d'an-
nées, par le ministre de l'Instruction
publique ; il avait même été demandé,
à cet égard, un crédit spécial à la
Chambre des députés; il y eut« à la
session de 1844, un rapport de
M. Arago, à cet égard. M. Libri avait
été chargé de diriger cette publioa^
tion, qui fut d'abord retardée, ensuite
oubliée.
A-t-il,par suite de diverses circons-
tances, été donné suite, k ce siûet,
depuis 1848? Et si personne ne aen
occupe, ne serait-il pas à propos de
reprendre une idée qui toucnait à une
des gloires scientifiques de la France ?
On peut consulter, entre autres
écrits relatifs à Fermât, un très-bon
article de M. Maurice dans la Biogra-
phie universelle ; le Précis des Œuvres
de Fermatf par M. Brassine (inséré
dans les Mémoires de VAoadénie de
Toulouse^ 1853, p. l-ltf4; il y a des
exemplaires tirés à part). Les ar-
ticles de M. Libri, dans le Journal des
SaoantSf septembre 1839, mai 1841,
novembre 1845, et Revue des Deux
Mondes, 15 mai 1845; la Biographie de
Tamel'Garonne, 1860, t. JL p. 468-
506; un article signé F. E. (Ferdi-
nand Hofer), dan<} la Nouvelle Bfogra-
phie générale., t. XVII, col. 438-451.
E. V.
Eiea Gollegla da 0aa-Em«
pire. — Nous voudrions avoir la
bibliographie des ouvrages où sont
examinées les conditions des curfio-
rations au Collegia du Bas-Empire
romain. P. de M.
Eiea Mémolree du comte
de XUly. — Les Mémoires du
comte Alexandre de Tilly, ancien page
de Marie-Antoinette, ont-ib été l'ob-
jet d'études critiques? Quel degré de
créanc3 méritent-ils ? H.
RÉPOiNSES.
OeiuL raret6a bibliogra-
phique» (X1V.93). -- La Vie de
saint Menouxy evesque breton, par
Sébastien Marcaille, Moulins^ 1606,
— i92 —
doit se trouver à la Bibliothèque de
Moulins, formée de la Bibliothèque
des Béaédictios de Souvigny, où Ifar-
caille était sous-prieur. A.
Kfe Saonnol». — M. R. S. ne
pouvait mieux tomber : Perchon est le
pseudonyme d*un membre de la
Société Bibliographique, abonné au
Polyb^lionj et voici sa réponse :
Le Saonnois a existé conmie le
Thymerois, le Dunois et tant d'autres
pays tributaires des grandes pro-
vinces. Sa capitale était Saône, autre-
fois vil^e et aujourd'hui simple com-
mune du canton de Mamers. On
trouve Neufchateî en SaormoiSy Scdnt-
CaUz en Saonnois, Mcncé en Saonnois.
etc., dans le territoire qui s'étend
entre Bonnétable et Alençon, ce qui
permet de déterminer assez exacte-
ment la situation de notre Saonnois.
Les géographes et auteurs qui ont
Sarlé de lui ne sont toutefois pas
'accord sur l'orthographe de son
nom, les uns ont écrit Saonnois,
d'autres Sonnois et quelques-uns
Sosnois. Le cadre de cette partie du
Polybiblion ne me permet pas d'en
dire plus, mais comme lAnd du
foyer se trouve indirectement mis en
cause, je dois dire que s'il a pris
pour sous-titre : Almanach du Perche
et du Saonnois. c'est qu'à son début
il paraissait oans les seuls arrondis-
sements de Mortagne, Nogent-le-Ro-
trou et Mamers. R. G.
— Le Saonnois est une partie
de l'ancienne province du Maine,
située au N. E. du département
de la Sarthe et comprenant, en
totalité ou, au moins, en très-
grande partie, les cantons de Ma-
mers, La Fresnaye, Saint^Pateme,
Fresnay, Beaumont-sur-Sarthe, Bal-
lon et Marolles-les-Brault. Il conQ-
nait au Nord, à l'Alençonnais, dont
il était séparé par la rivière de la
Sarthe, et à l'Est, au Perche. On le
trouve désigné dans les anciens do-
cuments sous les noms de Pagus
Sagonensis^ Sanonia patria^ Terra Sa-
gonensiSf SavonemiSf Suenensis.
Avant la Révolution, le Saonnois
formait une des sept grandes divi-
sions du diocèse du Mans, le grand
archidiaconé {me^or arekidiaconaius),
qui comprenait cinq doyennés, Bal-
lon, Beaumont, Fresnoy, Saonnois et
Linières.
Les ouvrages & consulter sur la
configuration, l'importance et l'his-
toire de cette partie du Maine sont :
Le Livre Biane du ehapUre de l'anse
du ManSf in-4. Le Mans, Monnoyer,
1869 ; Géographie ancienne du diocèse
du Mans, par Th. Gauvin, in-4, Paris,
Derache, 1845 ; Dictionnaire siatisti-
que de la SortAe, par Pesche, in-8.
Le Mans, Belon, 1841, t. V ; DicHon-
navre topograiûMque , hîsioriquef gé-
néalogique et oif>lhgr€^phique de lawo-
vince et diocèse du Maine, par M. le
Paige, chanoine de la cathédrale,
2 vol. in-8. Le Mans, Toutain, 1777,
etc. X.
Périssent les Colonies
(Xin-556). — Je trouve un pareil senti-
ment de l'abbé Bergier cité d'après son
Dictionnaire théologique, par M. Victor
Schœlcher dans 1 introduction de
son ouvrage Les Colonies françaises
(Paris, 1842): Inutile de dire que
l'ancien abolitionniste l'adopte : « Il
n'est pas possible, dit-on^ de culti-
ver les lies autrement que par des
esclaves. Dans ce cas il vaudrait
mieux renoncer aux colonies qu'à
l'humanité^. » P. G.
— Le Pdyhiblion demande qui a
prononcé ces paroles : « Périssent les
colonies plutôt qu'un principe.» Quel-
ques journaux ont cru un peu légè-
rement qu'elles dataient de 1848. Ils
auraient dû se souvenir combien de
fois elles avaient été répétées pendant
la Restauration. Ge mot remonte à
1791, et il n'a point été prononcé
ainsi. Robespierre, & la Gonstituante,
voulait faire rayer le mot esclave que
les colons prétendaient maintenir.
Irrité, il lança ces paroles un peu
diffuses dans leur violence : « Péris-
sent les colonies, s'il doit vous en
coûter votre bonheur, votre gloire et
votre liberté. Si les colons veulent,
par les menaces, vous forcer à décré-
ter ce qui convient le plus à leurs
intérêts. » Naturellement la phrase a
été modifiée plus tard, comme tant
d'autres. A. V.
Le Gérant^ L. Samdrbt.
SlIIfT-QUENTIK. — IXP. J0LB8 UOmiBAU.
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
INSTRUCTION CHRÉTIENNE ET ASCÉTISME
L'Art d^ini9igner la religion, ouvrage posthame de M. l'abbé Martinet. Paris, Palmé,
1874. Ir.-t2 de xvi-250 p. Prix : 2 fr. — Cours abrégé de religion, ou vérité et
beauté de la religion chrétienne, Manuel approprié aux établissements d'instruction,
Ear le R. P. J.-X. Schouppb. de la Compagnie de Jésus. Bruxelles, Glosson ; Paris,
onniol, 1874. In-12 de 292 p. Prix : 2 fr. — Conférences aux jeunes filles, ou Consi"
dérations sur certains défaut» plus particuliers à ùur âge et à leur condition, par
M. Pabbé F. MécHiN, chanoine honoraire, curé de Saint-Urbain de Troyes. Bar-le-
Duc, les Célestins; Paris, V. Palmé, 1874. In-18 j. de viii-307 p. Prix : 2 fr. —
Petit Catédiisme protestant et catholique raisonné, ou les Croyances protestantes et cathù^
Uques devant la Bible et la raison, par M. Tabbé Jules Louche. Avignon, Aubanel,
1873. In-18 de Xix-6i7 p. Prix : 4 fr. — Mois de Marie des paroisses et des familUê
chrétiennes, par M. l'abbé Ant. Ricard, docteur en théologie, chanoine honoraire
de Marseille et de Carcassonne. Paris, V. Palmé, 1874. In-12de 330 p. Prix : t fr. 50.
— Mois de Marie de l'âme religieuse, ou simples élévations *ur les litanies de la Très-
Sainte Vierge pour tous les jours du mois de mai, par Tabbé F. Demore, chanoine
honoraire de Marseille. Paris. Bruy& Retaux, 1875. In-12 de 316 p. Prix: l|fr. 50,
— La Première-Communion, Causeries familières d^uru mère avec ses enfants, par
M-* G. R. Paris, V. Palmé, 1874. In-18 j. de 280 p. Prix : 2 fr. — Année liturgique
du prédicatew\ ou Cours d> instructions familières sur la liturgie des dimanches et des
fêtes de l'année, par M. l'abbé J. Grand. Paris, Martin & Audier, 1874. In-8 de
11-346 p. Prix : 5 fr. — Saint Joseph : Etude historique sur son culte; premier office en son
honneur, nnblié aveo variantes, notes et traduction, sur des documenls du zv* et
et XVI* siècles; recueil de prières tirées des anciennes liturgies : par M. l'abbé
LucOT, chanoine honoraire de Gh&lons. Paris, Pion, 1875. In-18 de viu-376 p.
Prix: 3fr. — L'Evangile proposée ceuw qui souffrent, parTauteur des A^is spiriluele,
Paris, Donniol, 1875. In-18 de vi-676 p. Prix : 3 fr. 25. ~ Le liègne de Jésus^
Christ et la question sociale, à l'occasion des malheurs de la France : Conférences, par
M. Tabbé JOLY, curé de Saint-Pierre à Tonneins. 2* édition. Paris, Bray & Retaux;
Agen, Michel & Médan, 1875. In-12 de 295 p. Prix : 2 fr. 50. — Mietttes évangéli^
ques. Sujets de méditations pour tous les jours de Vannée, p&T le R. P. ThéODOHB Ratis-
BONNB, supérieur des prêtres missionnaires et des religieuses de Notre-Dame de
Sion. Paris et Lille, Lefort, 1873. In-18j.de X-484 p. Prix : 3 fr. 50. — VArméeetla
mission de la France en Afrique : Discours prononcé dans la cathédrale d'Alger, le
25 avril 1875, pour l'inauguration du service religieux dans Tarmée d'Afrique, par
Mgr V Archevêque d'Alger. Alger, Jourdan, 1875. Gr. in-8 de 64 p. Prix : 1 fr.
— Union des chrétiens dans le ccsur de Jésus pour ramener les âmes a Dieu. Paris,
Douniul, 1875. In-18de vi-276 p. Prix : 2 fr. — La Manne du prêtre, ou Recueil de
prières, tCexamens, de méditations et pieuses pratiques, très-efficaces pour la sanctification
du prêtre, par le R. P. J. Mach, de la Compagnie de Jésus. Traduction de M. Tabbé
A. Gaveau. Paris, Lethielleux, 1875. In-18 de in-488 p. Prix : 2 fr. — Exercice du
Chemin de la Croix, par le R. P. Mach, illustré de 15 belles gravures. Paris,
Lethielleux, 1875. ln-32 de 41 p. Prix : 50 c. — Les Vertus de Marie Mère de Dieu,
par le R. P. Arias, de la Compagnie de Jésus; traduit de l'espagnol par M. Tabbé
A. Gaveau. Paris, Pion, 1874. In- 18 de xn-242 p. Prix : 2 fr. 30. — Retraite epiritueUe
du P. Claude de la Golombière, avec une introduction historique et divers docu-
ments sur Torigine de la dévotion au sacré cœur de Jésus. Paris, Haton, 1874. In-32
de XLVllI-192 p. Prix: 75 c. ~ Maximee et avis spirituels sur Vadmirabte docteur
mystique Jean de la Croix, pour conduire les âmes dans les voies de Dieu jusqu'à
r union du parfait amour : traduits pour la première fois sur Tédition espagnole de
1702, par un Père de la Compagnie de Jésus. Paris, Douniol, 1875. I0-I8 de
ViU-190 p. Prix : 1 fr. — Xo Vierge Marie et la Femme, par M"»* Marib-Elisabeth
Gav&. Paris, Dillet, 1875. In-32 de xtv-223 p. Prix : 50 c. — VisiUs à Jésus-Hostie,
par Tauteur des Avis spirituels. Paris, Douniol, 1875. 2 vol. in-32 de 239-255 p.
Prix : 2 fr. 50. — VOraiion mentale, d'après sainte Thérèse, saint Liguori, saint François
de Saks, Rodrigue», et autres maîtres spirituels, par le R. P. Pbtitalot, mariste.
Septembre 1875. T. XIV, 13.
— i9i —
Avignon, Seguin; Paris, Bray & Retanx, 1874. In-32 de 173 p. Prix : 75 c. —
Pailleiles d'or; Cueillette de petits conseils pour la sancti/ica ion et le bonheur de la vie.
Publication périodique 1'* et 2« séries (de 1868 à 1873). 27* et 7* éditions. Avignon,
Aubanel. In- 18 de 138-131 p. Prix : 3 fr par abonnement d'un an; 50 c. le volume
de livraisons réunies. — Les Œuvres eucharistiques, par J. Blaxcqox, directeur de
ÏEcho de Fourvière. 3* édition. Lyon^ Gérard, 1874. In-18 de xii-95 p. Prix : 80 c.
Ce n'est pas chose facile et commune que d'enseigner bien la reli-
gioD, d'exposer la doctrine, de dire les commandements^ et d*en tirer,
pour tous les états do la vie, les applications pratiques. Il y faut de la
clarté, de la méthode, du trait, une connaissance sûre de renseigne-
ment de rÉglise. M. Tabbé Martinet, auteur d'une Théologie morale
estimée et de plusieurs ouvrages qui eurent, dans leur temps, quelque
retentissement, à cause de la solidité du fond et de la singulière origi-
nalité de la forme {Solution des grands problèmes et Platon-Polichinelle»
entre autres), avait promis d'écrire quelque jour, sous les lumières de
. son expérience, l'Art d'enseigner la religion^ et il j avait mis une main
active, lorsqu'il fut surpris par la mort. Le manuscrit restait, et
M. Tabbé Colomb, chanoine et supérieur du grand -séminaire de
Moûtiers, nous le donne aujourd'hui. C'est un travail, en effet, qu'il
ne convenait point de laisser périr. Ce livre est spécialement destiné
aux prêtres, et néanmoins il n'est pas une persoune du monde qui ne
le lût avec intérêt et avantage. La pensée mère de M. l'abbé Martinet
est qu'on doit suivre, en matière d'enseignement, la voie que Dieu
lui-même indique dans la sainte Écriture, c'est-à-dire pas d'abs-
trait, beaucoup de faits ; l'histoire de l'action divine plus que la dis-
sertation. La vérité est un fait, la révélation un fait; la création, la
chute de l'homme, la réparation, sont des /atï^; la mission de Jésus-
Christ est le plus grand des faits. Tel est le besoin, telle la nature de
l'esprit humain, qu'il s'attache toigours aux faits, s'éloigne de Va-priori,
et veut, pour ainsi dire, une incarnation de la pensée. C'est pourquoi,
après avoir exposé la fin de l'enseignement religieux, qui est de sus-
citer, de nourrir et de développer dans les âmes la vie chrétienne par
la parole même du Maître par excellence, Jésus-Christ, M. Martinet
montre que, pour être puissante, la parole apostolique doit s'approprier
aux dispositions des auditeurs, et que le meilleur moyen de se confor-
mer à ces dispositions ordinaires et actuelles des esprits, dès qu'il s'agit
des choses de Dieu, c'est do s'appliquer à rattacher à la vie et à l'his-
toire de Notre- Seigneur tout ce que l'on veut rappeler des vérités
étemelles et révélées. « Œuvres de Dieu envers les hommes, écrit-il,
œuvre des hommes envers ou contre Dieu, cette histoire se résume et
se déploie avec un merveilleux éclat dans la vie et la mort de Jésus-
Christ (p. vin). » Du reste, cette méthode ne fut-elle pas celle des
Pères apostoliques comme des Apôtres, de qui ils l'avaient reçue ?
Elle n'a rien de nouveau, assurément, mais elle a été trop oubliée, et
il importe de la reprendre, en face de besoins semblables k ceux
— 195 —
des premiers siècles chrétiens. Le moyen âge l'avait comprise : il
faisait tout dériver de la réalité palpable de Thistoire biblique, illus-
trée par lui et symbolisée de mille manières dans Tarcbitecture et les
beaux-arts, tous y voyant Tunique fondement des annales du monde
et de sa destinée future. Cette histoire, elle était alors et sera tou-
jours, observe à bon droit M. Tabbé Colomb, le plus efficace des rai-
sonnements pour le grand nombre des intelligences, parce que c'est
celui qui exige le moins d'efforts et laisse moins de place à Tesprit
d'opposition et de négation. — Dans les classes influentes comme dans
la multitude, aigourd'hui, les dispositions d*àme, comparées à ce
qu'elles étaient il y a seulement un siècle, peuvent paraître désespé-
rantes. Alors, la religion était encore Tâme des institutions sociales ;
même sous une apparence de scepticisme on trouvait, sinon des con-
victions bien assises, du moins des principes, à l'aide desquels on pou-
vait les affermir. On sait ce qu'est Tesprit de notre âge matériel et
mécanique, et combien sont restreints les moyens de l'atteindre et de
le gagner. Les populations ouvrières sont entraînées loin de Dieu par
une force de corruption qui fait frémir, et qui dérive, en partie^ d'une
législation où Dieu ne compte plus. Malgré cela, grâces au Ciel, il
reste dans les âmes un besoin de religion que le catholicisme seul
peut satisfaire, et aussi, dans ce qu'on appelle les idées modernes, une
furie de destruction que lui seul peut arrêter. De là, sans doute, la
haine profonde, fanatique, effrontée, que lui portent tous les destruc-
teurs. Donc, Tabbé Martinet repousse de lachaire laméthodescolastique,
pour s'en tenir à celle de l'Évangile et des Pères. Ses observations et
ses conseils dans ce genre sont fort précieux. Il réfute sommairement
les redites plus que ridicules de l'athéisme et du panthéisme^ ainsi que
le principe sur lequel repose tout l-édifice de la politique contempo-
raine, à savoir Tindifférentisme religieux voilé sous le mot spécieux
de tolérance. Il montre la beauté de l'apostolat catholique, en regard
des fausses doctrines et notamment de l'idolâtrie avec ses trois carac-
tères de niaiserie, de cruauté et de luxure, et de la morale des gens
opposés au règne de l'Évangile. On remarquera de bien belles pages
sur l'humilité, et, par contre, sur ce levain de folie qui fermente dans
tous les cœurs, Vorgueil, dont il fait connaître la nature, les degrés,
les œuvres, le rôle dans le temps, le rôle dans l'éternité même. —
Ouvrage recommandable, éloquent et fort.
— Tout en ayant le même but, le R. P. Schouppe, avantageusement
connu par des publications antérieures, adopte une marche un peu
différente dans son Cours abrégé de religion^ parce qu'il envisage surtout
renseignement catéchistique des paroisses et des maisons d'éducation.
Il y a^ observe-t-il, dans Tinstruction religieuse, deux périodes ou
degrés, qu'on pourrait appeler le degré de la mémoire et le degré de
— 196 —
Y intelligence. Le premier correspond à renseignement élémentaire et
regarde les jeunes enfants, avec qui les dissertations et les preuves
avancent peu le résultat poursuivi; le second est Toeuvre de l'ensei-
gnement moyen, et plus encore de renseignement supérieur. Dans les
écoles primaires^ on doit s'attacher au texte du catéchisme diocésain,
qui sera imperturbablement su et compris quant à la lettre. Ce
bon grain germera plus tard; il est d'ailleurs fondamental pour la
culture religieuse. A la jeunesse plus instruite^ élevée dans des éta-
blissements d'instruction secondaire ou scientifique, il est nécessaire
de présenter la démonstration, une explication approfondie, une vue
philosophique, des arguments en un mot, çt ces preuves devant les-
quelles s'incline toute raison droite et en fonction correcte. Ces esprits
ont besoin qu'on leur donne la véritable intelligence des dogmes, qu'on
les mette à même d'en contempler l'harmonie admirable. A cette con-
dition se dissipent une foule d'objections ou de préjugés qui n'ont
d'autre fondement que l'ignorance ou bien une fausse idée. Et puis,
ajoute l'auteur, les vérités de la foi sont si belles de leur nature qu'il
n'est pas possible de les voir dans leur vrai jour sans que l'esprit en
soit ravi. Cette démonstration de la foi, cette explication de ses
dogmes, cette revendication des titres chrétiens, toujours à la portée
des intelligences neuves encore, tel est l'objet de l'ouvrage du R. P.
Schouppe. ^ Il se divise en deux parties : V Apologétique, renfermant
les principes rationnels, les preuves de la foi chrétienne, ainsi que la
réfutation des principales erreurs modernes ; la Dogmatique^ ou exposi-
tion méthodique des dogmes de la foi, depuis l'existence et les attributs
de Dieu, la création, etc., jusqu'au jugement universel^ dernier terme
de l'œuvre divine dans le monde. — Voilà le plan. L^exécution nous
en a paru réussie. Outre que la division est excellente, qu'on y fait
rentrer sans peine absolument toute la doctrine catholique, l'auteur a
le don d'une exquise clarté; il évite toute prolixité, se bornant à l'in-
dication nette des idées, et laissant au maître des développements
faciles. Par-dessus tout, sa marche est d'une logique et d'un enchaîne-
ment qui frappent dès les trente premières pages, les propositions
se déduisant l'une de l'autre, s'appelant mutuellement, se fortifiant et
8*éclairant. Dans l'apologétique notamment^ il ne laisse passer aucune
des objections, historiques, scientifiques ou autres, sans y répondre
par quelques lignes irréfutables : intolérance. Inquisition, Saint-Bar-
thélémy, Galilée, les mauvais papes, la civilisation, le progrès, la
liberté, toute la kyrielle, tous les oripeaux, toute la phraséologie.
Le Syllabus aussi, le Syllabus occasion de tant de clameurs insensées,
a son petit article, fort recommandable, où les distinctions entre libé-
ralisme et libéralisme s'offrent aussi nettes que possible. — La Dog^
taatique part aussi des hauteurs pour descendre à l'homme, et expli-
— 107 —
quer d'une part ce que Dieu a fait pour lui sous les deux Testaments,
et de Fautre comment Thomme se doit comporter en face et sous
Faction de ces mystères. Naturellement, ce qui regarde propre-
ment les commandements et la morale n*entre point dans cette étude ;
nous supposons et noud désirons qu'un autre volume, aussi heureuse-
ment'conçu, leur soit ménagé. — Ajoutons, comme détail non dépourvu
de valeur, que des titres courants en marge, ou manchettes^
couvrent les marges à chaque alinéa, le résumant en trois mots et
facilitant à Tattention rintelligence très-claire de la marche. Combien
il serait à souhaiter que cette vieille pratique, abandonnée pour des
raisons d'économie typographique, fût reprise partout dans les ouvrages
du genre de celui-ci !
— Avec M. Tabbé Méchin, dans ses Conférences aux jeunes filles^
nous avons de tout autres matières et une forme nécessairement diffé-
rente. C'est aux jeunes personnes quMl s'adresse, ce sont leurs défauts
qu'il combat, c'est leur cœur qu'il veut atteindre, au nom de la religion,
et c'est, par conséquent, au côté moral qu'il s'attache. L'ouvrage est
bien écrit comme langue, intéressant comme forme, abondant en pen-
sées judicieuses et fines. M. l'abbé Méchin sait par cœur son petit
monde, et son petit monde devait avoir grand bonheur à l'écouter, si
nous en jugeons par le charme de la simple lecture. Il nous dépein-
dra donc, dans une série de portraits dont chacun occupe une confé-
rence, la jeune fille envieuse, la jeune fille bavarde ou médisante, ou
menteuse, ou dissimulée, ou trop prompte à juger; la jeune fille
paresseuse, celle qui est molle, celle qui est légère, ou bien celle qui
est inconstante, irritable, orgueilleuse, coquette, et encore la liseuse
de romans, à qui sont attribués deux chapitres. Le portrait de ces
divers caractères esquissé, l'auteur demande où serait bien la source
du vice en question, et il tarde peu à la découvrir; puis les maux où il
entraîne fatalement, et enfin le remède qu'on lui doit opposer. Tout
cela est dit clairement, dignement, solidement, d'une manière persua-
sive. Quelques traits d'histoire eussent ajouté au mérite d'un pareil
travail.
— M. l'abbé Louche, du diocèse de Viviers, n'écrit pas avec moins
de talent, et nous pouvons recommander son Petit catéchisme protestant
et catholique comme un modèle tout à la fois et un trésor de polémique
religieuse. Un grand mouvement s'opère actuellement, nous dit-il, au
sein du protestantisme. Le principe fondamental des diversrs coi^es-
sions réformées, destructeur de l'unité, et, partant, de tout accord
aussi bien dans le dogme que dans la morale, a poursuivi à travers les
siècles son œuvre de destruction et de ruines. Pour qui veut aller au
fond des choses, il est avéré qu'un protestant ne saurait plus exposer
nettement ni ce qu'il est obligé de croire ni ce qu'il est tenu de faire
— 198 —
pour appartenir à son culte. On a beau vouloir se cramponner à la
Bible comme à la dernière planche de salut, dans ce naufrage des
croyances religieuses : le livre sacré, interprété par la raison indivi-
duelle, contient pour chacun juste ce que chacun veut ou s'imagine j
découvrir, et personne, à s'en tenir au principe constitutif du prote»-
tantisme, n'a droit de reprocher à un autre de ne pas entendre le teite
comme il Tentend lui-môme. Deux mots résument renseignement théo-
logique protestant : liberté absolue pour chacun de croire et de faire
ce que bon lui semblera, sans avoir à relever d*aucune autorité, sous
peine de cesser par le fait même d*étre protestant. Or^ de toute évi-
dence, ce n'est pas là une religion, ni quanta l'esprit ni quant à la con-
duite. La religion n'étant autre chose que T ensemble des devoirs de
Thomme envers Dieu, sous ce double rapport, il est absurde d'admettre
que ce soit à l'homme môme de se tracer ces devoirs; il ne peut que
les accepter du Créateur. Ce point compris, les plus obscures diffi-
cultés disparaîtraient. Notre écrivain fait donc appel à la réflexion et
à la bonne foi, en débattant ces trois questions : — Les ministres
réformés répètent tous les jours qu'ils sont en possession du pur ensei-
gnement de Jésus-Christ et des Apètres : et cela est complètement
faux; — qu^ils ont entre les mains la vraie parole de Dieu et l'en-
tendent mieux que l'Église romaine : et c'est complètement faux; —
que l'Église catholique a dénaturé l'enseignement des Apôtres en 7
mêlant une foule de pratiques superstitieuses et idolàtriques : et c'est
complètement faux. — Nous disons qu'une telle lecture sera aussi d'une
notable utilité pour les catholiques, qu'elle instruira et confirmera dans
leur foi. — Suivant les lois de son titre, M. l'abbé L(^uche procède par
demandes et par réponses, dans une suite de vingt*deux leçons, où il
traite tour à tour l'histoire du protestantisme, les noms divers qu'on
lui a donnés, l'absence de fondement dans ses doctrines, les erreurs
particulières dont il a fait son lot, et qui sont ici réfutées solidement.
Une bonne table analytique permet de trouver tout de suite la ques-
tion désirée. L'auteur a eu, de plus, la très-pratique idée de terminer
par une liste d'ouvrages à consulter sur ces matières. Peut-être eût-
il été & propos de préciser un jugement sur la valeur et le mérite
propre de chacun d'eux. Deux ou trois de ces titres sont d'ailleurs
inexacts : ainsi, M. Audin a écrit Y Histoire de la vie, des ouwragei et det
doctrines de Luther^ puis l'Histoire de Calvin : nous ne sachions pas
qu'il existe de lui un livre intitulé : Vie de Luther et de Calvin. Dans
l'Esquisse de Rome chrétienne^ de Gerbet, indiquée aussi, quelle partie
consulter? on ne le dit pas.
— M. l'abbé Antoine Ricard, dans son Moisde Marie, a principalement
en vue les paroisses et les familles chrétiennes. Ses trente-deux instruc-
tions (y compris celle de la veille de l'ouverture) sont bien divisées,
d'une longueur oonvenable, et se terminent par un trait historique. Pre-
nant la Tie de la Sainte Vierge dés sa conception immaculée, l'auteur la
conduitjusqu'à l'Assomption et au couronnement dans le ciel, tirant
toujours de chaque circonstance l'application au fidèle, et y rattachant
la méditation sur une des vertus de la vie chrétienne. Le sujet a l'in-
convénient de faire retomber très-souvent dans les faits évangéliques
propres à Notre-Seigneur, qui ont pu être déjà touchés pendant le
carême, et qui, en tout cas, le sont régulièrement le dimanche*
M. Tabbé Ricard, cependant, cotoio assez bien cet écueil ; mais en
général, à notre avis, il ne serre pas d'assez prés la doctrine ; il eût
fallu établir mieux et plus à fond les principes. Où il excelle, c'est dans
le côté pieux et l'exhortation de cœur. Citons au hasard ce passage
(p. 173) : — « Pourquoi me cherchiez-vous? (dit Jésus k Marie qui le re-
trouvait au temple). 0 parole déchirante pour le cœur de Marie I
Voilà donc la seule consolation qui la dédommage de ses alarmes et
de ses souffrances I Pourquoi me cherchiez-vous? 0 Jésus, pouvez- vous
le demander ? Elle vous cherche parce qu'elle ne peut pas vivre sans
vous; elle vous cherche parce qu'elle souffre depuis trois jours
d'inexprimables douleurs; elle vous cherche, parce qu'elle est votre
mère. Pourquoi me cherckiez-vous? Fallait-il donc qu'elle s'en allât
tranquille après vous avoir perdu? Ohl c'est un sacrifice que vous
n'obtiendrez pas de son amour... »
— Le Mois de Marie de M. Fabbé Demore est une œuvre posthume.
L'auteur l'avait écrite pour répondre aux instances des religieuses
clarisses de Marseille, dont il était l'aumônier. C'est à lui que l'on doit
aussi une Vie fort estimée de sainte Claire d^ Assise. Le livre n'étant
pas absolument achevé, l'éditeur littéraire a pu lui ménager les addi-
tions indispensables, au moyen des notes laissées par le vénérable
défunt, de sorte que l'ouvrage est complet dans sa forme actuelle.
Mgr rÉvéque de Marseille. lui décerne, en l'approuvant, un bel éloge :
« Parmi tant d'ouvrages écrits depuis un demi-siècle pour honorer le
mois consacré à la Sainte Vierge, celui-ci nous a paru se distinguer,
indépendamment de son but spécial, par sa ; doctrine, qui est em-
pruntée aux commentaires des saints docteurs, par les excellentes et
ingénieuses applications morales que l'auteur en déduit, non moins
que par la douce et pénétrante onction de sa forme littéraire. » Le sujet
choisi par M. l'abbé Demore est la suite des invocations des litanies de
Lorette. D'immenses ouvrages ont été composés sur cette riche matière ^
entre autres celui du P. Mieckowitz (dix-septième siècle), en deux
volumes in-folio : il s'agissait d'être infiniment plus court, et de tirer,
néanmoins, de ces douces et poétiques invocations tout le suc utile à la
piété. C'est à quoi on a ici réussi à souhait. Chaque jour donc du mois,
on prend une des invocations, on la médite dans son sens littéral, dans
— 200 —
sa signification mystique, dans ses rapports ou ses allusions à la vie
réelle de Marie, et l'on passe de là aux retours personnels, suivis d'une
prière, d*une oraison jaculatoire et d*un bouquet spirituel. — A peine
est-il besoin de le dire, bien que composé en vue des humbles et aus«
tères religieuses de Tordre séraphique et des personnes appelées à vivre
en communauté, l'ouvrage de M. Tabbé Demore répond également aux
aspirations des âmes intérieures placées au milieu du monde : ce qu'on
peut dire, au reste, de tout livre spirituel bien fait.
— C'est une mère qui, dans la Première'Communion^ par madame
G. R., s'entretient avec ses enfants, pour les préparer à cette action
si grave. Elle le fait, sinon avec un grand mérite de style, du moins
avec une onction et une piété qui touche. L'auteur croit que la plupart
des autres livres de ce genre surexcitent l'imagination et la sensibilité
a sans rien apprendre de la vertu la plus simple. » Jugement sévère,
assurément immérité, car les très-bons livres sur la première-com-
munion sont nombreux. « On y fait trop souvent de la religion, conti-
nue madame G. R., une sorte de poésie vague; on y affadit les imes
sans les rendre capables d'un efifbrt sérieux. C'est pourquoi nous avons
écrit ces simples entretiens, qui, nous l'espérons, seront compris de tous
les enfants, et pourront les aider à préparer chrétiennement leur cœur
pour la venue de leur Dieu. » Bref, l'auteur espère avoir fait mieux
que ses devanciers, et cela dans un bon sentiment. Nous n'oserions
assurer qu elle a atteint ce but spécial, mais elle a certainement fait
un très-bon travail, qui sera un secours pour les mères de famille sou-
cieuses de la préparation de leurs enfants, autant que pour les enfants
eux-mêmes. Le frère et la sœur, Edouard et Thérèse, sont interrogés,
avant ou après le catéchisme paroissial, par leur mère, non point sur
la lettre de la doctrine, mais sur les vertus qui doivent orner leur
cœur à l'approche du grand jour. Eux-mêmes interrogent aussi quand
ils veulent une explication. On parcourt de la sorte les diverses prières
habituelles au chrétien pendant le jour, la méditation, le travail, les
récréations, les repas, la lecture pieuse ; puis le travail intérieur, la
lutte contre le défaut dominant, les secours ménagés dans la confes-
sion, la visite au Saint-Sacrement, la dévotion envers la Sainte
Vierge, etc. La retraite a ses chapitres à part, où Ton a tort de
donner, comme réglementaire. Tordre des sujets, le prédicateur les
choisissant selon son auditoire ou selon ses goûts, et, de fait, ces sujets
variant chaque fois dans leur distribution. Un règlement de vie court
et d'une rédaction claire, couronne les entretiens. Au résumé, ouvrage
digne d'éloges, et qui sera bien accueilli.
— Ij Année liturgique du Prédicateur fait partie de la vaste publi-
cation entreprise, depuis longues années, par M. Tabbé G. Martin,
sous le titre général de Bibliothèque des Prédicateurs, qu'il ne faut pas
— 201 —
confondre avec celle da P. Houdry, plue ancienne, dernièrement réé-
ditée en dix-huit volumes grand in-8®, rédigée sur un plan différent^ et
qui fournit d*abondantes ressources sans donner les discours tout faits :
méthode que, pour notre part, nous estimons de beaucoup la meilleure.
Kœuvre de M. C. Martin compte déjà vingt-huit tomes^ dont plusieurs
ont eu un grand et mérité succès. Celui-ci aborde des matières dont,
malheureusement, on parle trop rarement en chaire. N'importe-iril
pas que le peuple soit initié aux prières et aux cérémonies de la litur-
gie, qu'il en comprenne le sens, la distribution, la marche et Tesprit?
Au moyen de ce nouveau volume, tout pasteur sera à même de com-
bler facilement cette lacune de renseignement ordinaire. Les discours
n'y ont qu'une étendue de prône; ils sont bien divisés; l'œil en saisit
tout de suite l'ensemble, grâce à la disposition typographique : avantage
précieux. Que si, sur un point particulier que Fauteur ne développe
pas, il prévoit qu*un orateur désirera insister, il indique aussitôt les
ouvrages qu'il peat consulter ou les volumes de la collection qui trai-
tent cette matière. Excellente idée, assurément. Toutefois, on n*y
trouvera point Texplication de la Messe dans sa partie invariable, le
JTyrie, le Gloria in excebis, le Credo^ le Sanctus et le Canon; ce sera
l'objet d'un volume à part. On s'arrête aux prières liturgiques qui
changent chaque dimanche, telles que Tintroït, la collecte, l'épître,
le graduel, l'évangile, Toifertoire, etc. Les vêpres ne sont point
oubliées ; antiennes, capitules et hymnes ont leur place dans ces com-
mentaires pieux. Avec quel intérêt les fidèles suivront des instructions
de ce genre, il est superflu de le dire. La piété y peut gagner beau-
coup, et Tattention y gagne tout. Du reste^ ce ne sont pas les di-
manches seulement auxquels s'attache l'auteur, il s'occupe aussi, de la
même manière, des principales fêtes de Tannée. — Voici l'ordre
qu'il suit régulièrement. Deux points, dont le premier concerne la
messe du jour, le second les vêpres. Au premier^ d'abord, l'esprit du
dimanche .ou de la fête, en quelques lignes; ensuite l'explication suc-
cessive de rintroït, de la collecte, de l'offertoire, de la commu-
nion, etc., mais surtout de Tépître et de l'évangile, qui ne sauraient être
jamais oubliés dans l'instruction pastorale. Au second, le capitule,
l'hymne et les antiennes. Pourquoi n'avoir rien dit des prières de la
bénédiction, ou salut du soir? Parfois aussi d'utiles éclaircissements
ont été omis. Au jour de Pâques, par exemple (p. 110), nous lisons :
(c Pendant l'aspersion de l'eau bénite, aujourd'hui et durant le temps
pascal, on chante l'antienne Vidi aquam à la place de V Asperges, » Et
c'est tout. Ne convenait-il pas d'expliquer la raison de ce changement et
la nouvelle antienne elle-même? — Un inconvénient se présentait : les
dimanches où l'on faitl'office dujoursont rares dans la liturgie romaine,
maintenant adoptée partout ; le plus souvent ce sont des saints ou des
— 202 —
fêtes spéciales qu*on y célèbre : dès lors, une explication, du haut de
la chaire, de ce qui ne se dit pas à Tautel devenait pour le moins un
hors-d'œuvre. Notre]auteur j a paré, soit par les articles consacrés aux
fêtes spéciales^ ainsi que nous l'avons remarqué plus haut, soit par
d'autres instructions sar les offices du commun des apôtres, martjrs»,
pontifes, justes, vierges, saintes femmes. Nous serait^il permis d'ex-
primer ici le désir que la désignation de confesseur, mal comprise du
peuple, qui toujours y voit un prêtre, fût remplacée, dans nos livres
français, comme autrefois, par celle de juste, qui est plus claire?
— Lelivre de M. Tabbé Lucot, sur Saint Joseph est surtout une œuvre
d'érudition^ tenant par différents côtés à la liturgie. La piété n'en
est point exclue cependant; loin de là; il peut servir de livre de dévo-
tion à cause des riches prières qu*il renferme. L'auteur étudie Fhis-
toire du culte du saint patriarche qu'un récent décret pontifical a
proclamé patron de l'Église universelle. Encore que TÉvangile parle
peu de Joseph, les plus glorieuses prérogatives découlent pour lui de
ses titres de père adoptif de Jésus et d'époux de Marie. « Sentier
étroit d'abord, peu connu, peu frayé, cette dévotion est devenue,
selon la parole de nos saints livres, ce grand chemin, tout resplen-
dissant de sainteté, où germent les plus merveilleuses vertus.
Tant d'àmes y ont passé qu'il est devenu deux fois glorieux ; tant
de cœurs attristés y ont retrouvé la paix et la sérénité, qu'en cette
vallée de larmes on y court avec bonheur (p. 0). » Que saint Joseph
ait été honoré dès les premiers siècles de l'Église, les peintures des
catacombes romaines le démontrent. Détail curieux à noter : elles ne
le représentent point, comme on le fait aujourd'hui, sous les traits
d'un vieillard, mais comme un jeune homme. Ce culte reçut des
ordres religieux, appelés à imiter Joseph dans sa vie de recueillement
et d'humilité, un développement sensible. Les franciscains en
adoptent solennellement la fête en 1399 ; elle était inscrite en divers
martyrologes depuis la fin du neuvième siècle. On sait l'extraordi-
naire dévotion du vénérable chancelier Gerson pour saint Joseph, « et
tout ce qu'il fit pour la propager dans l'Église, entre autres, son poème
de Josephina, en douze chants. Sainte Thérèse ne devait pas moins
faire, au siècle suivant. Le premier ofiSce composé en l'honneur du
saint patriarche parait dater de 1481 environ : c'est l'époque où la fête
est instituée à Rome; en 1621, Grégoire XV la déclare obligatoire,
avec interdiction des œuvres serviles et fermeture des tribunaux.
Quant à l'office actuel, il est du pape Clément XI et de l'année 1714. n
Ces détails historiques occupent la première partie de l'ouvrage
(vraie perle de typographie, disons-le en passant). La seconde pré-
sente le texte du premier office connu en l'honneur de saint Joseph,
et qui est vraisemblablement l'œuvre des religieux carmes, toi^ours
— 203 —
les premiers dans ce culte. Presque tout y est en vers rimés^ introït,
graduel, antiennes des vêpres, etc. De la piété, de la naïveté tant
qu*on voudra; mais, en vérité, quelle indigence littéraire, àTexcep-
tion des leçons de matines et des oraisons I Est-ce que, pour parler à
DieU; ou des choses saintes, il ne convient pas d*emprunter àlalangue,
au verbe humain, toute sa noblesse, au génie de l'homme ses plus
belles élévations? M. Tabbé Lucot a recueilli dans son livre plusieurs
autres offices, la messe composée par Gerson, une hymne de
la liturgie grecque, des proses d'Allemagne des quinzième et dix-
huitième siècles, une préface du rite ambroisien, des hymnes, des
litanies, des antiennes. Il j a là un travail d'érudit et de chercheur
qui mérite tout éloge. Ce qui regarde la piété proprement dite se
compose de prières anciennes pleines d'onction et de charme : prose
de Chartres en 1529 ; antienne rimée du quinzième siècle ; liturgies
de Paris, Strasbourg, Reims, 1504 et 1545; de Sens, 1593; oraison
de Fontevrault, 1595; litanies de Châlons, 1638, prose de l'^bbaje
de Sainte-Geneviève, 1665; Heures royales, 1667; de la princesse de
Conti, 1657; etc.
— Bien peu d'ouvrages de spiritualité, en notre temps, ont trouvé
un accueil comparable à celui qui continue d'être fait aux divers
volumes sortis de la plume de l'auteur inconnu des Avis spiritueb.
Les âmes mettent leurs délices dans cette exposition approfondie, et
en même temps touchante et pleine de sève, des principes de l'union
à Dieu par la séparation des objets sensibles et par le combat contre les
déchéances de la nature. L'Évangile proposé à ceux qui souffrent est
digne en tout de ses aînés. Ces pages, nous dit Tauteur en com-
mençant, ont été primitivement écrites pour une personne que la
main de Dieu avait touchée d*une des plus grandes épreuves de cette
vie : elle y a trouvé un secours dans les instants de faiblesse où
rame la plus courageuse se sent quelquefois plongée. Nous espérons
que d'autres pourront également s'en servir avec profit spirituel :
car l'âme souffrante ou affligée a besoin d'un aliment spécial. La
prière et la méditation mettent cet aliment toujours à notre portée.
— Or, l'Évangile s'adresse aux âmes de bonne volonté, et princi-
palement aux pauvres, aux petits, aux affligés; il est par excellence
le livre de ceux qui souffrent; et, quand on Ta lu à travers les larmes,
médité sous la pression de la croix, il s'en échappe une magnifique et
fortifiante lumière. On y puise, avec la résignation, un courage qui
rend capable des plus généreux sacrifices. C'est pourquoi, prenant le
récit sacré, l'auteur le divise en autant de semaines et de jours qu'il
y en a dans l'année; il suit pas à pas Notre-Seigneur depuis sa nais-
sance jusqu'à son immolation, se conformant autant que possible à
Tordre de l'année liturgiquei et de chacun de ces mystères, de ces
— 204 —
faits, de ces paroles, de ces pai^aboles, il fait sortir Tinstraction
capable de consoler et de raviver un cœar endolori. Point de lon-
gueurs, point de phrases : le sujet indiqué en peu de mots, puis la
doctrine de consolation tirée clairement, et enfin une élévation à Dieu
comme corollaire et conséquence pratiquée. On ne saurait dire tout ce
qu'il 7 a de pensées élevées, d'aperçus heureux, d'effluves de piété»
dans un volume assez considérable rédigé tout entier sur ce pro-
gramme. Les fêtes n'ont pas été omises. Les Actes des Apôtres sont
commentés comme le reste de l'Évangile. Une simple citation, afin de
faire mieux saisir le genre du livre : — « Le parfum n'est odoriférant
qu'autant qu'il brûle : ainsi je ne serai la bonne odeur de Jésus-Christ
qu'autant que son amour débordera de mon cœur. Cet amour donne
aux vertus la subtilité de l'encens. J'aspire avec délices l'Eucharistie,
qui me parfume de la douceur, de la patience, de Thumilité de Jésus,
dans Tanéantissement perpétuel où il se réduit pour la gloire de son
Père et pour mon amour. Mais, après avoir recueilli ces parfums, je
dois à mon tour les répandre. Le premier est celui de la piété : il n'y
a rien de plus extensible que la vraie dévotion. Le second est le
parfum de la patience : il n'y en a pas de plus fort et de plus doux ;
pour moi il peut être continuel, car j'ai toujours occasion de l'exhaler.
Le troisième est celui du détachement : la souffrance m'avertit d'être
toujours prêt à quitter ce monde. Je demanderai à Notre-Seigneur
de cheminer, entre le tabernacle et la croix, vers l'autel sacré où
s'immolent avec lui les saintes victimes de son amour et de sa croix,
mais dans l'extase de la vision divine (p. 353). » Tout l'ouvrage est à
cette hauteur.
— A Tonneins^ M. Tabbé Joly, curé de la paroisse de Saint-Pierre,
prononçait naguère une suite de discours dont il vient de faire impri-
mer la seconde édition, sous ce titre : Le Règne de Jésus-Christ et la
question sociale, à V occasion des malheurs de la France, Touché de ces
effroyables doctrines répandues dans les centres ouvriers par une presse
odieuse et d'indignes émissaires, il a jugé de son devoir d'aborder ces
matières du haut de la chaire, de montrer le néant des séduisantes
promesses et l'infamie de tant de calomnies colportées contre
l'Église catholique. C'était côtoyer de très-prés la politique, s'expo-
ser à, des interprétations hostiles : ces considérations ne l'ont point
fait changer de dessein, et il a eu raison. Outre la prudence qu'il sait
mettre dans ses paroles, la politique, à ces hauteurs, n'est que de la
morale, et Ton sait quelle espèce de gens en prétend éloigner le
ministre de la religion. Nous voudrions que cette pensée eût été plus
fermement accentuée dans sa neuvième conférence, et que, comme
précaution oratoire, il n'eût pas rangé tous les partis sur la même
ligne (p. 116) : car enfin, il y a ici-bas des hommes qui défendent la
— 203 —
vérité sociale et Téternelle justice, et ily en a qui leur font la guerre :
on appelle ces deux écoles différentes des partis : comment tenir entre
eux la balance égale ? Nos ennemis nous appellent bien le parti catho-
liquel A ce point do vue, Tindifférence pour les partis est une abdica-
tion et comme une apostasie. L'essentiel est d'être du bon côté. Mais
nous ne relevons qu'en passant cette erreur, sur laquelle l'orateur
n'insiste guère, et que dément tout son livre. — Dieu châtie les
peuples quand ils l'ont mérité ; de ces châtiments il faut tirer profit ;
c'est-à-dire régénération, et non point occasion de blasphème : telle
est la pensée dominante de ces dix-neuf instructions. Après des con-
sidérations préliminaires sur l'opposition que rencontre ordinairement
la vérité parmi les hommes, M. l'abbé Joly s'applique à démontrer
que nos cruels et immenses revers sont une punition, et que Dieu a
bien pu se servir de la Prusse hérétique pour cette œuvre rigoureuse,
sans, pour cela donner gain de cause à l'égarement protestant.
Les peuples, ainsi que l'a remarqué saint Augustin, n'ont point d'éter-
nité comme les individus : c'est ici-bas qu'ils sont collectivement
châtiés ou récompensés. Or, quelles sont les infidélités dont la France
s'est rendue coupable ? La liste en est, hélas I facile à dresser : foi
amoindrie, diminution de la vertu dans toutes les classes, profanation
effrontée du dimanche et des fêtes; à quoi il eût fallu ajouter Thor^
reur du blasphème, universellement répandu depuis la Révolution.
Ces causes attiraient autrefois la colère de Dieu sur les Juifs.
Mais il est un péché qui est plus spécialement le péché des peuples,
un péché où notre pays a roulé^ et dans lequel on peut voir la raison
plus particulière, plus immédiate^ de nos calamités publiques : le péché
social, par lequel les droits de Dieu sur le gouvernement de ce monde
ont été repoussés et niés. L'État, chez nous, ne reconnaît plus Jésus-
Christ, ne tient pas compte de Dieu, légifère en-dehors de Dieu, et,
non content de cette extrémité, semble travailler à soustraire à Dieu
la famille comme famille, et les individus qui la composent. Le main-
tien d'un tel état de choses, c'est la mort à bref délai, c'est, en tout
cas, la cause incessante et pressante du châtiment. — Est-il temps de
revenir et reste-t-il quelque espérance ? Oui. Ici (p. 101, 8' instruc-
tion), l'orateur part de ce texte de la Sagesse : Sanabiles fecit {Deus)
nationes orbis terrarum; qu'il traduit : « Dieu a fait les nations guéris-
sables. » Ce n'est point le sens exact de ce verset, trop- souvent
invoqué dans le même but, et qui signifie autre chose, comme on peut
s'en assurer auprès des traducteurs et des commentateurs de quelque
poids. La thèse n'en souffre point, d'ailleurs, et M. l'abbé Jolj afiSrme
légitimement que le salut est à notre disposition, et que l'unique con-
dition en est le retour au règne de Jésus-Christ. Nous apprenons donc
en quoi consiste ce règne, et comment nous incombe le devoir de con-
— 204 —
faits, de ces paroles, de ces pafaboles, il fait sortir l'instruction
capable de consoler et de raviver un cœur endolori. Point de lon-
gueurs, point de phrases : le sujet indiqué en peu de mots, puis la
doctrine de consolation tirée clairement, et enfin une élévation à Dieu
comme corollaire et conséquence pratique. On ne saurait dire tout ce
qu'il 7 a de pensées élevées, d'aperçus heureux, d*ef9uves de piété»
dans un volume assez considérable rédigé tout entier sur ce pro-
gramme. Les fêtes n'ont pas été omises. Les Actes des Apôtres sont
commentés comme le reste de l'Evangile. Une simple citation, afin de
faire mieux saisir le genre du livre : — « Le parfum n'est odoriférant
qu'autant qu'il brûle : ainsi je ne serai la bonne odeur de Jésus-Christ
qu'autant que son amour débordera de mon cœur. Cet amour donne
aux vertus la subtilité de l'encens. J'aspire avec délices l'Eucharistie,
qui me parfume de la douceur, de la patience, de l'humilité de Jésus,
dans l'anéantissement perpétuel où il se réduit pour la gloire de son
Père et pour mon amour. Mais, après avoir recueilli ces parfums, je
dois à mon tour les répandre. Le premier est celui de la piété : il n'y
a rien de plus extensible que la vraie dévotion. Le second est le
parfum de la patience : il n'y en a pas de plus fort et de plus doux;
pour moi il peut être continuel, car j'ai toujours occasion de l'exhaler.
Le troisième est celui du détachement : la souffrance m'avertit d'être
toujours prêt à quitter ce monde. Je demanderai à Notre-Seigneur
de cheminer, entre le tabernacle et la croix, vers l'autel sacré où
s'immolent avec lui les saintes victimes de son amour et de sa croix,
mais dans Textase de la vision divine (p. 353). » Tout l'ouvrage est à
cette hauteur.
-— A Tonneins^ M. l'abbé Joly, curé de la paroisse de Saint-Pierre,
prononçait naguère une suite de discours dont il vient de faire impri-
mer la seconde édition, sous ce titre : Le Règne de Jésus-Christ et la
question sociale, à V occasion des malheurs de la France, Touché de ces
effroyables doctrines répandues dans les centres ouvriers par une presse
odieuse et d'indignes émissaires, il a jugé de son devoir d'aborder ces
matières du haut de la chaire, de montrer le néant des séduisantes
promesses et l'infamie de tant de calomnies colportées contre
l'Eglise catholique. C'était côtoyer de très-près la politique, s'expo-
ser à des interprétations hostiles : ces considérations ne l'ont point
fait changer de dessein, et il a eu raison. Outre la prudence qu'il sait
mettre dans ses paroles, la politique, à ces hauteurs, n'est que de la
morale, et Ton sait quelle espèce de gens en prétend éloigner le
ministre de la religion. Nous voudrions que cette pensée eût été plus
fermement accentuée dans sa neuvième conférence, et que^ comme
précaution oratoire, il n'eût pas rangé tous les partis sur la même
ligne (p. 116) : car enfin, il y a ici-bas des hommes qui défendent la
— 203 —
vérité sociale et l'éternelle justice, et il y en a qui leur font la guerre :
on appelle ces deux écoles différentes des paî'ti's : comment tenir entre
eux la balance égale ? Nos ennemis nous appellent bien le parti catko-
lique! A ce point do vue, l'indifférence pour les partis est une abdica-
tion et comme une apostasie, ^essentiel est d'être du bon côté. Mais
nous ne relevons qu*en passant cette erreur, sur laquelle l'orateur
n'insiste guère, et que dément tout son livre. — Dieu châtie les
peuples quand ils l'ont mérité ; de ces châtiments il faut tirer profit ;
c'est-à-dire régénération, et non point occasion de blasphème : telle
est la pensée dominante de ces dix-neuf instructions. Après des con-
sidérations pçéliminaires sur l'opposition que rencontre ordinairement
la vérité parmi les hommes, M. Tabbé Jolj s'applique à démontrer
que nos cruels et immenses revers sont une punition, et que Dieu a
bien pu se servir de la Prusse hérétique pour cette œuvre rigoureuse,
sans, pour cela donner gain de cause à l'égarement protestant.
Les peuples, ainsi que l'a remarqué saint Augustin, n'ont point d'éter-
nité comme les individus : c'est ici-bas qu'ils sont collectivement
châtiés ou récompensés. Or, quelles sont les infidélités dont la France
s'est rendue coupable ? La liste en est, hélas I facile à dresser : foi
amoindrie, diminution de la vertu dans toutes les classes, profanation
effrontée du dimanche et des fêtes; à quoi il eût fallu ajouter Thor-
reur du blasphème, universellement répandu depuis la Révolution.
Ces causes attiraient autrefois la colère de Dieu sur les Juifs.
Mais il est un péché qui est plus spécialement le péché des peuples,
un péché où notre pays a roulé^ et dans lequel on peut voir la raison
plus particulière, plus immédiate^ de nos calamités publiques : le péché
social, par lequel les droits de Dieu sur le gouvernement de ce monde
ont été repoussés et niés. L'État, chez nous, ne reconnaît plus Jésus-
Christ, ne tient pas compte de Dieu, légifère en-dehors de Dieu, et,
non content de cette extrémité, semble travailler à soustraire à Dieu
la famille comme famille, et les individus qui la composent. Le main-
tien d'un tel état de choses, c'est la mort à bref délai, c'est, en tout
cas, la cause incessante et pressante du châtiment. — Est-il temps de
revenir et reste-t-il quelque espérance? Oui. Ici (p. 101, 8* instruc-
tion), l'orateur part de ce texte de la Sagesse : Sanabiles fecit {Deus)
nationes orbis terrarum; qu'il traduit : « Dieu a fait les nations guéris-
sables. )) Ce n'est point le sens exact de ce verset, trop* souvent
invoqué dans le même but, et qui signifie autre chose, comme on peut
s'en assurer auprès des traducteurs et des commentateurs de quelque
poids. La thèse n'en souffre point, d'ailleurs, et M. l'abbé Joljr affirme
légitimement que le salut est à notre disposition, et que l'unique con-
dition en est le retour au règne de Jésus-Christ. Nous apprenons donc
en quoi consiste ce règne^ et comment nous incombe le devoir de con-
— 204 —
faits, de ces paroles, de ces paraboles, il fait sortir l'instruction
capable de consoler et de raviver un cœur endolori. Point de lon-
gueurs, point de phrases : le sujet indiqué en peu de mots, puis la
doctrine de consolation tirée clairement, et enfin une élévation à Dieu
comme corollaire et conséquence pratiqi^e. On ne saurait dire tout ce
qu'il 7 a de pensées élevées, d'aperçus heureux, d'effluves de piété»
dans un volume assez considérable rédigé tout entier sur ce pro-
gramme. Les fêtes n'ont pas été omises. Les Actes des Apôtres sont
commentés comme le reste de l'Évangile. Une simple citation, afin de
faire mieux saisir le genre du livre : — « Le parfum n'est odoriférant
qu'autant qu'il brûle : ainsi je ne serai la bonne odeur de Jésus-Christ
qu'autant que son amour débordera de mon cœur. Cet amour donne
aux vertus la subtilité de l'encens. J'aspire avec délices l'Eucharistie,
qui me parfume de la douceur, de la patience, de l'humilité de Jésus,
dans l'anéantissement perpétuel où il se réduit pour la gloire do son
Père et pour mon amour. Mais, après avoir recueilli ces parfums, je
dois à mon tour les répandre. Le premier est celui de la piété : il n'y
a rien de plus extensible que la vraie dévotion. Le second est le
parfum de la patience : il n'y en a pas de plus fort et de plus doux ;
pour moi il peut être continuel, car j'ai toujours occasion de l'exhaler.
Le troisième est celui du détachement : la souffrance m'avertit d'être
toujours prêt à quitter ce monde. Je demanderai à Notre-Seigneur
de cheminer, entre le tabernacle et la croix, vers l'autel sacré où
s'immolent avec lui les saintes victimes de son amour et de sa croix,
mais dans l'extase de la vision divine (p. 353). » Tout l'ouvrage est à
cette hauteur.
— À Tonneins^ M. l'abbé Joly, curé de la paroisse de Saint-Pierre,
prononçait naguère une suite de discours dont il vient de faire impri-
mer la seconde édition, sous ce titre : Le Règne de Jésus-Christ et la
question sociale, à l'occasion des malheurs de la France. Touché de ces
effroyables doctrines répandues dans les centres ouvriers par une presse
odieuse et d'indignes émissaires, il a jugé de son devoir d'aborder ces
matières du haut de la chaire, de montrer le néant des séduisantes
promesses et l'infamie de tant de calomnies colportées contre
l'Eglise catholique. C'était côtoyer de très-près la politique, s'expo-
ser & des interprétations hostiles : ces considérations ne l'ont point
fait changer de dessein, et il a eu raison. Outre la prudence qu'il sait
mettre dans ses paroles, la politique, à ces hauteurs, n'est que de la
morale, et Ton sait quelle espèce de gens en prétend éloigner le
ministre de la religion. Nous voudrions que cette pensée eût été plus
fermement accentuée dans sa neuvième conférence, et que, comme
précaution oratoire, il n'eût pas rangé tous les partis sur la même
ligne (p. 116) : car enfin, il y a ici-bas des hommes qui défendent la
— 20S —
vérité sociale et Téternelle justice, et il y en a qui leur font la guerre :
on appelle ces deux écoles différentes des partis : comment tenir entre
eux la balance égale? Nos ennemis nous appellent bien le parti catho-
liquel A ce point do vue, l'indifférence pour les partis est une abdica-
tion et comme une apostasie. L'essentiel est d'être du bon côté. Mais
nous ne relevons qu'en passant cette erreur, sur laquelle l'orateur
n'insiste guère, et que dément tout son livre. — Dieu châtie les
peuples quand ils l'ont mérité ; de ces châtiments il faut tirer profit ;
c'est-à-dire régénération, et non point occasion de blasphème : telle
est la pensée dominante de ces dix-neuf instructions. Après des con-
sidérations préliminaires sur l'opposition que rencontre ordinairement
la vérité parmi les hommes, M. l'abbé Jolj s'applique à démontrer
que nos cruels et immenses revers sont une punition, et que Dieu a
bien pu se servir de la Prusse hérétique pour cette œuvre rigoureuse,
sans, pour cela donner gain de cause à l'égarement protestant.
Les peuples, ainsi que l'a remarqué saint Augustin, n'ont point d'éter-
nité comme les individus : c'est ici-bas qu'ils sont collectivement
châtiés ou récompensés. Or, quelles sont les infidélités dont la France
s'est rendue coupable ? La liste en est, hélas I facile à dresser : foi
amoindrie, diminution de la vertu dans toutes les classes, profanation
effrontée du dimanche et des fêtes; à quoi il eût fallu ajouter l'hor-
reur du blasphème, universellement répandu depuis la Révolution.
Ces causes attiraient autrefois la colère de Dieu sur les Juifs.
Mais il est un péché qui est plus spécialement le péché des peuples,
un péché où notre pays a roulé, et dans lequel on peut voir la raison
plus particulière, plus immédiate, de nos calamités publiques : le péché
social, par lequel les droits de Dieu sur le gouvernement de ce monde
ont été repoussés et niés. L'État, chez nous, ne reconnaît plus Jésus-
Christ, ne tient pas compte de Dieu, légifère en-dehors de Dieu, et,
non content de cette extrémité, semble travailler à soustraire à Dieu
la famille comme famille, et les individus qui la composent. Le main-
tien d'un tel état de choses^ c'est la mort à bref délai, c'est, en tout
cas, la cause incessante et pressante du châtiment. — Est-il temps de
revenir et reste-t-il quelque espérance? Oui. Ici (p. 101, 8' instruc-
tion), l'orateur part de ce texte de la Sagesse : Sanabiles fecit {Deus)
nationes orbis terrarum; qu'il traduit : « Dieu a fait les nations guéris-
sables. )) Ce n'est point le sens exact de ce verset, trop- souvent
invoqué dans le même but, et qui signifie autre chose, comme on peut
s'en assurer auprès des traducteurs et des commentateurs de quelque
poids. La thèse n'en souffre point, d'ailleurs, et M. l'abbé Joly afiirme
légitimement que le salut est à notre disposition, et que l'unique con-
dition en est le retour au règne de Jésus-Christ. Nous apprenons donc
en quoi consiste ce règne^ et comment nous incombe le devoir de con-
— 200 —
courir à un tel rétablissement. En premier, il faut agir sans nous
laisser dérouter par l'égoïsme ambiant ou par le respect humain ;
il nous faut agir, tous, parfaitement convaincus de la lutte inévitable,
séculaire, indestructible, entre le bien et le mal; il faut agir en nous
groupant, Tassociation décuplant les forces; il faut agir, mais
avec un plan aux lignes définies, c'est-à-dire : Jésus- Christ est roi de
la société, mais aussi de la famille, de Tindividu, et ces trois règnes
sont liés entre eux par d'intimes relations, sont inséparables, n*en
font qu'un dans la réalité. Dès lors, au lieu de s'adresser directement
à rÉtat, besogne inabordable présentement, nous travaillerons à faire
régner Jésus-Christ sur Tindividu et sur la famille, et ^ nos mœurs
ainsi régénérées la réforme passera d*elle-même dans nos institutions.
Il faut que Thomme, le père, le mari, revienne au christianisme, non
à un christianisme conventionnel, de pure théorie^ mais au chris-
tianisme de pratique, descendant de Fesprit dans les mœurs;
Thomme, le mari, le père, doit reprendre sa place en tête du mouve-
ment religieux de l'humanité . — Suivent des conseils, des indications,
pour préparer, puis pour amener ce résultat. Nous signalerons les
deux dernières conférences, où sont rappelées et flétries les armes
dont se sert la presse impie, avec d'utiles avis sur la manière de se
préserver de ses poisons.
— La dissipation de Tesprit figure en bonne place parmi les carac-
tères qui distinguent notre temps. Chose remarquable, cependant :
nous ne connaissons pas d'époque où l'on ait publié autant de cours de
méditations, et où ces livres aient été mieux accueillis. Celui de
M. Tabbé Th. Ratisbonne, Miettes évangéliques, a droit à être signalé
parmi les bons. L'auteur ne se préoccupe pas du nombre de ses devan-
ciers. L'Église, observe-t-il, est comme un jardin où se diversifient,
avec une inépuisable fécondité, les plantes nourrissantes ou curatives
qui se renouvellent avec les saisons pour répondre à des besoins nou-
veaux. Son intention, à lui, est principalement d'exercer l'esprit de
prière; et, à cet effet, il renferme dans le moins de mots possible des
vérités substantielles, capables de fortifier les-àmes, de les éclairer,
de les maintenir en harmonie avec l'Église. Il no s'agit point d'une
distribution graduelle des sujets, sur un plan d'enseignement ou même
d'exhortation doctrinale. On prend l'Évangile du jour, en suivant
l'ordre des dimanches de l'année, et, du texte on tire, pour la nour-
riture de l'âme, quelques miettes* Hâtons-nous de dire que ces miettes,
au nombre de deux par méditation, sont fort substantielles et valent
l'aliment le plus riche. La prière, l'habitude de l'union à Dieu, qu*en-
visage avant tout le P. Ratisbonne, se réduit à aimer Dieu, suivant
le premier des préceptes : et c'est pourquoi l'ouvrage ramène con-
stamment à ces pensées d'amour divin, a L'avancement, le progrès
— ^7 -
spirituel ne dëpond ni de la multiplication ni de la longueur des
prières, il dépend des communications intimes et incessantes arec
Jésus-Christ» le saint des saints. Ce n'est pas par les œuvres exté-
rieures, c'est par les affections, les aspirations et les élévations de
notre âme que nous allons à Dieu. Non pedibus sed affectibus, dit
saint Augustin (p. iv). » — Un supplément a été ajouté pour les
principales fêtes. Le manuel est donc aussi complet qu'on le peut
souhaiter. Rédigé d'abord pour les religieuses de Notre-Dame de
Sion, il ne fera pas un moindre bien dans les autres communautés
et parmi les âmes fidèles qui, vivant dans le monde, j cherchent les
voies de la sanctification et du salut.
— On doit compter au nombre des mesures qui honorent l'Assem-
blée Nationale actuelle d'avoir eufin accordé à nos soldats ces secours
religieux qui ne leur font défaut dans aucune armée de peuple civiliéé,
et qui étaient, par exemple^ si sagement et si puissamment organisés
chez nos ennemis de 1870. L'armée d'Afrique a bénéficié , comme les
autres (elle en a plus besoin encore), de la loi nouvelle. Le 25 avril
dernier, ses chefs étaient réunis dans la cathédrale d'Alger, et
Mgr l'Archevêque prononçait devant eux un discours qui a été impri-
mé, et qui peut passer pour une œuvre merveilleuse d'éloquence et de
vérité. Si nous en parlons ici^ c'est que là, dans ce discours et dans
cette brochure, est reproduite à grands traits toute l'histoire de
l'Afrique chrétienne. Le prélat n'a rien écrit encore qui égale la
beauté de ces pages, et il n'est guère possible que la parole humaine
s'élève plus haut. L'orateur insiste sur le côté providentiel de notre
conquête africaine, et sur la mission de la France dans ces contrées
si longtemps abandonnées à la barbarie . a Lorsqu'une nation s'arme
pour servir les grandes causes de l'humanité et de la justice, lors-
qu'elle porte avec elle la lumière et le nom de Jésus-Christ jusque
dans les régions barbares, lorsque, dans le sentiment élevé du devoir
elle s'impose le sacrifice de ses trésors de son sang pour arracher
un peuple à la mort, lorsqu'elle souffle sur ces ossements arides et
que peu à. peu elle leur rend la vie, il faut proclamer, dans une si
généreuse entreprise, une action supérieure à celle de lliomme, et
confesser^ avec le Prophète, que c'est Dieu même qui inspire ces
courages désintéressés et appelle du tombeau ces autres Lazares
(p. 7). » Nous voudrions reproduire l'énergique et brillant tableau
des ravages exercés par les pirates algériens sur les côtes de la Médi-
terranée, celui de l'expédition commandée par Bourmont, ceux de la
bataille de Stouëli et de la prise d'Alger, a Vous étiez là, attendant do
donner vos premiers coups, obscurs encore^ mais portant déjà vos
victoires dans la mâle fierté de vos regards, capitaines futurs des
grandes guerres de ce siècle : Lamoricière, Changarnier^ Duvivier,
— -208 '—
Damrémont, qui deviez attacher vos noms à nos batailles africaines ;
Pélissier, vainqueur de Séb'astopol ; Mac-Mahon, soldat intrépide
de Malakoff et de Magenta ; Baraguey-d'Hilliers, Vaillant, Forej,
Magnan, Chabaud-Latour; et vous^ brave Dumesnil, qui deviez
écrire cette noble histoire ; et vous, digne fils des croisés, Quatre-
barbes, qui deviez demander à la France, dans ses assises solen-
nelles, de terminer par la croix cette conquête commencée par
Tépée^ et subir à Ancône une défaite plus noble que les plus nobles
victoires (p. 17). » On ne s* arrache pas à ces pages, et nous trans-
cririons toute la brochure. Ce passnge encore cependant, où revient
le dessein de Dieu : « En nous donnant le triomphe, il semble que Dieu
s'en montre jaloux. Le drapeau de la monarchie, qui a guidé nos sol-
dats, tombe au lendemain du jour où il était arboré sur les murs de la
Kasbah ; le vieux roi qui a préparé la conquête prend le chemin de
l'exil ; Bourmont quitte Alger en fugitif, n'emportant avec lui^ sur
une barque étrangère, que le cœur do son fils... Et, tandis que les
noms des princes, des capitaines qui ont pris part à nos guerres afri-
caines sont restés attachés à nos villes, à nos villages, tandis que
nous leur avons élevé des colonnes et des statues, aucun hameau ne
garde les noms de ces premiers vainqueurs. Rien d*humain n'a sur-
vécu à leur victoire, et le seul monument qui soit resté d'elle est la
croix (à Staouëli) qu'ils ont replantée sur ces rivages comme un signe
de pardon et de vie. Qu'on cherche à cet oubli des raisons humaines,
j'en pourrais trouver moi-même, et je sais que la Providence n'a pas
toujours besoin de miracles pour se fairç entendre de nous; mais je no
vois pas moins que le seul signe qui soit resté de la conquête est un
signe divin, et que Dieu n'a voulu, durant un demi-siècle, laisser ins-
crire à côté du sien le nom d'aucun autre vainqueur. C'est moi,
semble-t-il nous dire, c'est moi qui, par les mains de ces vaillants
hommes, ai ouvert ce sépulcre où un monde était enseveli (p. 24). »
On ne saurait rien lire de plus véritablement beau que ce qui suit,
sur l'aveuglement de la France, qui n'a pas su reconnaître la divine
hauteur de sa mission, reprendre l'œuvre des Cjprien^ des Optât, des
Augustin, des Fulgence. Ne devions-nous pas, dès le premier jour,
jeter à ces montagnes et à ces vallées le cri de la délivrance et lui
dire : a Afrique chrétienne, sors du tombeau 1 réunis tes débris épars
sur tes monts et dans tes déserts. Reprends ta place au soleil des
nations, tes sœurs dans la civilisation et dans la foi ; que tes enfants,
apprenant de nouveau ton histoire, sachent que nous ne sommes venus
à eux que pour leur rendre la lumière, la grandeur, l'honneur du
passé ! D
^ L'état présent de la société, désespéré, ou à peu près, aux yeux
de la sagesse humaine, se résume en ces quelques mots : a Jésus-Christ
— 209 —
absent des âmes, de la famille et da monde. » C'est ce que rappelle^
dans sa préface, Fauteur de Y Union des chrétiens dans le ccsurde Jésus ^
ouvrage plein de foi et de tendre piété, et dont la doctrine est aussi
très-profonde. La condition du salut pour la société est donc le Sauveur
restauré, reconnu, adoré, obéi, aimé, au foyer de la famille et dans
les institutions publiques ; au résumé, le sens de Jésus rétabli dans tout
ce qui intéresse notre vie. Mais par quels moyens et comment opérer
cette conversion de toute une multitude livrée à l'esprit d'erreur,
à Tambition, à la poursuite exclusive de la richesse et des plaisirs ?
C'est que tous s'unissent dans le Cœur de Jésus pour y travailler; non
pas seulement le prêtre, le catéchiste, l'apôtre, dont c'est la vocation
et le devoir, mais tous les chrétiens sans exception, les plus humbles
comme les plus forts. Il faut une croisade universelle, où chacun
gagne autour de lui des âmes et s'occupe à convertir; il faut prendre
l'habitude de s'unir et de s'entendre pour la gloire de Dieu, au prix de
quelques efforts et de quelques sacrifices, comme on le fait pour
assurer l'honneur et les intérêts de la famille naturelle. — Après cette
indication du but, l'auteur établit^ comme base de Taction, la dévotion
au Sacré-Cœur, dont il redit les titres divers à notre amour^ à notre
gratitude, à notre confiance. Puis il revient à exhorter plus vivement,
sur des considérations multiples, les fidèles à s'unir ainsi pour un
immense et courageux apostolat ; et enfin il leur indique les disposi-
tions intérieures auxquelles ils doivent s'attacher, les pratiques de piété
qui les peuvent maintenir, les vertus qui leur sont nécessaires. Une
note de la page 135 nous a particulièrement frappé, sur Vempreinte de
Dieu dans les différents ordres de sa création: il y a là de merveil-
leux aperçus. Le livre se termine par une indication de l'organisation
qui pourrait être adoptée, et qui parait tout à fait sage. Un tel ou-
vrage ne doit point passer sans attirer l'attention des chrétiens zélés,
et les pasteurs y rencontreront pour eux-mêmes bien des instructions
de valeur sur l'art d'atteindre les âmes.
— C'est à eux seuls que s'adresse un nouveau manuel du R. P. Mach,
la Manne du Prêtre^ véritable vade-mecum pour la prière, l'oraison,
l'examen de conscience, les rubriques, etc. Ce qui concerne la Messe
y est largement développé, et comme exhortation, et comme exposi-
tion et comme paraphrase, et comme moyens de célébrer dignement.
Il y a, en outre, des méditations pour un mois entier, des avis éten-
dus et multipliés sur l'avancement dans la vertu et un très-riche
recueil de pièces pour les diverses circonstances de la vie pastorale
et delà vie intérieure. Notons encore des visites au Saint- Sacrement,
des formules nouvelles pour Texercice du chemin de la croix, et des
extraits du rituel pour les bénédictions qu'un prêtre est appelé à
donner d'un instant à l'autre. Il règne beaucoup d'ordre dans le clas-
Sbptxmbre 1875. T. XIV, 14.
sèment des matières. — Du reste, le Chemin de la croix a été tiré à
part, en une piqûre très-soignée, papier de Chine, quinze belles gra*
vures. Varier les formules, afin de remédier à la froide routine, est
chose excellente.
— A M. Tabbé A. Gaveau, traducteur du P. Mach, nous deyons
aussi d'avoir fait passer de l'espagnol en français un précieux traité du
P. Arias sur les Vertus de Marie Mère de Dieu, traité appartenant à la
grande école ascétique qui a enrichi l'Église de tant de livres précieux,
où Texactitude rigoureuse de la doctrine et la précision du langage
sont comme embaumées dans le parAim de la plus suave piété. Le
P. Arias a vécu de 1533 à 1605. Il était de Séville, et saint François
de Sales met les opuscules du fervent et savant religieux au nombre
des a beaux livres de dévotion n qu'il conseille à sa Philothée, à côté
de ceux de saint Bonaventure, de Louis de Blois, de Grenade. Arias est
solide théologien, et n*avance rien qu'il n*appuie sur TÉcriture ou
l'enseignement de l'Église. Ici, il commence par décrire la vertu dont
il parle, avec ses degrés différents ; puis, extrayant de TÉvangile les
passages qui montrent de quelle manière la Sainte Vierge l'a pratiquée,
il les enchâsse dans quelque belle sentence des Pères ; enfin, il indique
au lecteur comment il peut et doit reproduire en lui cette vertu : c'est
la conclusion pratique. On parcourt ainsi, avec des subdivisions, les
vertus d'humilité^ de foi^ d'espérance, de charité, de piété, de bonté
envers les hommes, d'obéissance, de pureté, d^amour de la retraite,
de modestie, de pauvreté volontaire, de patience dans les afflictions.
— Dans un appendice de quelques pages, M. Tabbé Gaveau a réuni
plusieurs pièces intéressantes : un passage de saint Bonaventure sur
la circoncision de Notre-Seigneur, un cantique de saint Liguori sur l'en-
fance de Jésus bercé par Marie, une prose latine du moyen âge sur
la purification de la sainte Vierge par Adam de Saint-Victor.
— Les ouvrages de saint Jean de la Croix, le glorieux coopérateur
de sainte Thérèse, sont fort goûtés de toutes les âmes spirituelles qui
ontpu les connaître. C*était, lui aussi, un maître éminent, de qui la
vie prêchait encore plus que les paroles, et qui avait reçu du ciel le
don d'entrer dans les cœurs et de les émouvoir profondément.Se8ifaxi-
mes et Avis spirituels embrassent à peu près tout ce qui regarde l'œuvre
de la sanctification. C'est comme une série de Bentenoes,courte8, daireSi
saisissantes, appuyées sur des textes d'Écriture-Sainte. Le saint
s'adresse directement au lecteur dans le plus grand nombre des oas«
Les sujets qu'il présente sont surtout les vertus: le soin d'imiter Jésus-
Christ, les vertus théologales, la crainte de Dieu, l'amour du pro-
chain, J'oraison, la vertu de religion, la patience, la modestie, la pau*
vreté volontaire, l'humilité, le silence, eto. Citons la première venue
de oes maximes, oomme exemple du genre et du mérite du livre : «^
— 211 —
a Dieu ordonna, dans rancieone loi, quo Taixtel où se devaient offirir
les sacrifices fût creux et vide àTintérieur : pournous faire comprendre,
par ce symbole, combien il yeut que notre âme soit vide de toutes
les cboses créées, aûn qu'il devienne un autel digne de la présence de
sa divine Majesté (p. 171). »
— Le P. de la Colombière, dont la cause de béatification est,
orojons-nous, introduite à Rome, fut un parfait modèle de la
vie sacerdotale et religieuse. Cette vie a été récemment publiée
et Ton sait que, choisi miraculeusement pour coopérer avec la
bienheureuse Marguerite-Marie à rétablissement de la dévotion au
sacré Cœur de Jésus, il j consacra la meilleure partie de son action
apostolique. C'est lui qui le premier l'établit en Angleterre, dès le
début des révélations de Paraj-le-Monial. La Retraite spirituelle qu'on
vient de publier, avec une introduction sur sa vie et sur la dévotion
elle-même, forme un livre de haute piété qui sera lu avec empresse-
ment. Le F, de la Colombière ne l'adresse à personne, ne Ta point
composée pour les autres; ce sont les réfiexions, les sentiments, les réso*
lutions que lui inspire une solitude de trente jours, telle que la prati-
quent les Pères de la Compagnie de Jésus. C'est là que l'on peut voir
tout à la fois le degré de vertu où était parvenue cette âme d'élite,
les hauteurs où peut atteindre toute âme docile aux mouvements de
la grâce intérieure et amoureuse de la perfection. Tous les mjstères,
toute l'histoire de Notre-Seigneurj sont médités, appliqués à la vie
du chrétien, en même temps que les considérations ordinaires de la
fin de l'homme. On 7 remarquera la justesse des retours sur soi-même,
la discussion douce mais efficace des moindres mouvements de la
nature, l'attention pieuse à ne perdre rien de ceux qui viennent du ciel.
L'on apprendra à connaître le vrai chemin du bientôt on se sentira
entraîné à le parcourir avec une sainte fermeté.
— D'un tout autre genre est le petit livre de M*"* Cave, la , Vierge
Marie et la Femme, Ce n'est point, dans la réalité, un cours de médi-
tationSi et cependant on j médite, et il fuit du bien. Nous eussions
voulu que la langue j eût été moins oubliée en vingt endroits, et que
certaines expressions en fussent absentes. Telle la première phrase
de rintroduction : a La Vierge n'est pas ce qu'un monde vulgaire
pense : une simple fille, pure par ignorance, marchant les jeux
baissés, et se trouvant mal le jour de la mort de son fils. » En
vérité, nous ne sachions pas que jamais la divine figure de Marie ait
été réduite à ces indignes proportions par qui que ce soit du monde
le plus vulgaire^ à moins qu'au fond de quelque cabaret un inepte pan-
dour ait une fois blasphémé sous cette forme. Une comparaison de la
pages 10 pourrait être mal interprétée sur le dogme de la présence de
Jésus-Christ dans TËucharistie. La voici : a Comment vojea-vous,
— 212 —
homme plein de raison, qu'un chiffon de papier déchiré et sale a
exactement la valeur de mille francs d'argent ? Parce que vous avez
confiance que la Banque vous l'échangera pour du bel et bon or.
Eh bien, noas, nous avons confiance en Dieu : nous croyons qu'au
ciel rhostie nous est échangée contre Jésus-Christ le fils de Dieu,
qui se donne tout entier. » Observons encore (p. 185) une erreur de
détail : ce n'est point à la troisième heure du jour, mais à la neuvième^
que fut crucifié le Seigneur. — La marche de Tauteur est de partager
la vie de la Sainte Vierge en sept époques^ envisagées comme ses
joies et ses gloires, et d'en rapprocher chacune des périodes de la vie
de la femme, principalement dans sa qualité de mère de famille. Elle
sait heureusement peindre, et ses tableaux se relèvent par les effu-
sions d'un noble cœur, pénétré des enseignements chrétiens. Le mot
n*est pas toujours celui qu'il fallait, mais les sentiments sont à leur
place et vrais. Du trait ici et là. « La femme meurt pour se repro-
duire, puisque par le mariage elle n'a plus de nom, elle ne possède
rien et n'a plus de volonté. Elle doit donc revivre entièrement dans
ses enfantSf et retrouver en eux son nom, sa fortune et sa volonté,
(p. 76). » Une seconde partie conduit aux neuf stations des douleurs
de Marie^ suivies des neuf stations des douleurs de la fenmie ici-bas.
Beaucoup d'observation, de sensibilité, de finesse dans l'analyse.
(( Ce qui doit nous consoler, nous encourager dans notre mission
maternelle, conclut M'"^ Cave, c'est de voir notre persistance à suivre
Jésus-Christ depuis dix-huit siècles. Dans la maison de Dieu, le sanc-
tuaire de son Fils, vous trouverez toujours une femme^ n'importe à
quelle heure de la journée... Toutes ces âmes, tous ces cœurs, sentent
que là seulement repose l'espérance par la foi et l'amour (p. 213). »
— En ouvrant les deux gracieux et pieux volumes des Visites à
JémS'Hostiey par l'auteur des Avis spirituels^ de qui nous parlions plus
haut, arrêtons-nous d'abord devant le bon goût, le luxe charmant de
l'exécution typographique. Elle fait le plus grand honneur et à l'au-
teur, qui vraisemblablement l'a indiquée et dirigée, et à l'imprimerie
Ooupy qui l'a si bien compris. C'est vraiment un bijou, et le fond
méritait un si beau soin. Toutes les qualités de l'écrivain anonyme se
retrouvent dans cette nouvelle production : fervent amour de
Dieu, aspirations admirables, connaissance des voies divines, ten-
dresses suaves, inépuisable abondance d'idées et de sentiments. Char
cun des deux volumes complète l'autre, encore qu'ils puissent se sépar
rer; car ce sont deux séries distinctes. L'une et l'autre commencent
par des prières nouvelles pour la sainte Messe : personne n'ignore ce
que la piété gagne à cette variété d'expressions qui ranime l'attention
et soutient l'âme dans le travail sublime de la prière. D'une part,
trente-trois Visites au Saint- Sacrement, trente-trois encore au tome
— 213 —
second ; sans compter de nombreuses prières, liturgiques ou autres,
couronnant chaque volume. Et quelles élévations d'âme, quelle intel-
ligence du mystère divin , quelle impatience d'y conformer toutes les
puissances intérieures de l'homme! L'ouvrage si connu de saint Liguori,
le dirons-nous? est pour nous inférieur à celui-ci sous plus d'un aspect*
La visite débute par une considération ascétique, sur le plan des
mystères évangéliques, et de là part dans une adoration palpitante de
reconnaissance, d'admiration, de désir du sacriâce et de généreux
propos d'avenir, résumés dans une demande intime, A peine s'il est
besoin de recommander un tel manuel ; il fera la joie, la consolation
et le bonheur des âmes vouées à la pratique de la piété, qui aiment à
trouver la richesse de la pensée unie aux trésors du cœur, c'est-à-dire
l'homme tout entier prosterné devant le Créateur et lui faisant hom-
mage de la dignité de sa nature immortelle.
— > En réunissant, dans son opuscule VOraison mentale^ les leçons, avis
et conseils de saint Liguori, de sainte Thérèse, de saint François de
Sales, de Suarez, etc., le R. P. Petitalot n'a pas eu pour objet de les
reproduire textuellement les uns après les autres, mais de composer
avec ces précieux éléments un ouvrage qui fût bien le sien. L'oraison
étant, comme le dit sainte Thérèse, un intime commerce d'amour où
l'âme s'entretient seule à seul avec Dieu, et ne se lasse pas d'expri-
mer son amour à celui dont elle sait qu'elle est aimée, il n'y a point
d'exercice spirituel plus important dans la vie chrétienne. Il semble-
rait, observe l'auteur (p. 15), que Dieu, ne pouvant s'adorer lui-même,
s'humilier devant lui-même, se prier en un mot, ait voulu se faire
homme afin de compléter son éternelle oraison. Non-seulement Jésus-
Christ voit Dieu, aime Dieu, agit et opère pour la gloire de Dieu,
mais il adore, il s'abaisse et s'humilie devant la majesté du Père,
disant : a 0 Seigneur, je suis votre serviteur, oui votre serviteur,
et le fils de votre servante. » Or, après avoir expliqué ce qu'est
l'oraison, en avoir établi la grande utilité, et pour certains cas la
nécessité, avoir prémuni son lecteur contre ces infirmités inévitables
qu'on appelle les distractions et les sécheresses, l'auteur entre pleine-
ment dans son sujet, trace les règles de la préparation éloignée et de
la préparation prochaine, et expose la méthode de l'oraison elle-
même ; car, en toute chose, il faut de la méthode et des règles, et
l'audience que Dieu daigne nous accorder en exige comme le reste. Ici
elle se réduit à ces termes : saluer convenablement le Maître sou-
verain en se présentant devant lui, traiter sérieusement avec lui
l'affaire qui nous amène, ne se retirer qu'après avoir gagné ses bonnes
grâces et en le laissant favorablement disposé. — Le P. Petitalot a
rassemblé en notes des extraits d'auteurs et de Pères qu'on aimera à
rencontrer là, surtout un passage tout à fait remarquable de saint
— 214 —
Angnstin sur le psaume oxlvui*. C'est en latin, sans traduction : quel-
ques-uns peut-être s'en plaindront.
— Et yoioi maintenant les Pailkties (for. Quel mérite aurions-nous
à louer un opuscule vingt-sept fois réimprimé en six ans? Que suaye,
fleuri, gracieux et fécond est l'esprit de l'écrivain anonyme à qui nous
le devons I quelle variété dans ces petits conseils, quel heureux choix
d'exemples, quelle fraîcheur dMdées et d'expression I 9 Dans le midi
de la France, nous dit-il, aux jours d*été, de petits enfants et de
pauvres infirmes, incapables de tout labeur pénible, s'occupent, pour
apporter un peu de pain au foyer, à recueillir au fond de quelques
rivières à demi desséchées des paillettes d'or qui brillent au soleil et
que Teau entraine dans sa course. Ce que font ces pauvres et ces
petits pour les paillettes d'or que Dieu a semées dans ces rivières
ignorées, nous voulons le faire pour ces enseignements que Dieu
sème presque partout, qui brillent, qui éclairent, qui échauffent un
instant, et disparaissent, laissant à Tâme le regret de n'avoir pas
pensé à les recueillir. » Un mot lu dans un livre oublié, un trait
entendu dans la conversation, une illumination soudaine de la pensée,
le regard limpide d'un enfant innocent, en faut-il davantage, ordi-
nairement, pour causer au cœur les plus vives impressions, et les
^lus salutaires ? Les Paillettes sont ce mot, ce trait, ce sourire, cet
innocent regard, cette pensée tout à coup dégagée. C'est la piété qui
en fait les frais, mais tout y est aussi de ce qui forme la bonne édu*
cation, la vie honorable dans le monde, le contentement>u milieu des
siens. Morale douce, exhortations amicales, élans de chrétienne
poésie, sentences pénétrantes sur tous les sujets de la vie supérieure
et de la vie pratique : où chercherait-on mieux ? Les Paillettes
devraient être dans toutes les familles.
— Les Œuvres eucharistiques de M. Blanchon, promptement arri-
vées à la troisième édition, offrent un tableau animé des institution
catholiques ayant pour objet d'honorer le Saint- Sacrement, et par lui
d'exercer la vraie charité. « Par la pratique des œuvres de charité, le
chrétien peut accomplir les préceptes et les conseils de l'Evangile ;
par la pratique des œuvres eucharistiques, il devient apôtre (p. ix). »
Ces œuvres sont: la Confrérie du Saint-Sacrement, l'Œuvre des
Lampes, celle des Tabernacles, l'Association du saint Viatique, l'Ado-
ration nocturne, TAdoration perpétuelle. M. Blanchon en explique la
pensée, constate le bien qu'elles font, exhorte à s'y engager, et dans
des termes nobles et pressants. Viennent, après cela, le même zèle et
les mêmes soucis religieux se portant sur trois époques capitales de
la vie : la première-communion, le mariage et la mort : là encore, au
nom de l'Eucharistie, sont des œuvres touchantes. Ne faut-il pas y
faire entrer aussi les fêtes, que le concours des fidèles peut embellir?
— 2IB -
Noos ëtadierons, enfin^ les trois ohefs-d'œavre eucharistiques : le
chrétien dans le inonde, la vie monastique et ses fécondes créations
et ses sublimes exemples, le prêtre gardien de la vérité, prédicateur
de la charité, illuminateur et médecin des âmes. — On voit ce que
peut contenir un tel livre : nous disons qu'il est écrit avec le cœur,
par une plume habile^ et que la faveur qui Ta accueilli est pure
justice. V. PosTBL,
JURISPRUDENCE
Orgaalsatlon Jadlolalre et administrative de la Pranoe et
de la Belgique» 1814 i^ 18T€I, par Émilb Flourens, maître des
requêtes au Conseil d'État. Ouvrage couronné par Tlnstitut. Paris, Garnier
frères, 1875. In-8de395 p. —Prix : 5 fr.
L'Académie des sciences morales et politiques a eu une heureuse
pensée en proposant Tétude de Torganisation judiciaire et administra*
tive en France et en Belgique. Ce concours nous a valu un excellent
livre sur une belle question de législation comparée.
Au commcement de ce siècle, la France avait donné ses lois à la
Belgique; parties du même point, les deux nations sont aujourd'hui
dans des situations assez différentes. La Belgique, sagement libérale,
montre beaucoup d'attachement à ses institutions, la France, hélas!
n'est pas sortie des agitations révolutionnaires. Comment une même
législation a«t*elle produit des résultats si divers? Il faut en chercher
l'explication dans des différences de détails et d'application. C'est
cette recherche qui fait l'objet du livre de M. Flourens.
Une première partie, consacrée à l'organisation judiciaire, en con-
tient l'historique rapide, mais complet. L'auteur ne se contente pas
d'indiquer avec exactitude les changements successifs 4Bipportés aux
institutions, il examine l'esprit qui a dicté ces changements, l'effet
qu'ils ont produit. Après avoir montré les modifications diverses subies
par l'organisation judiciaire des deux peuples depuis 1814 jusqu'à nos
jours, il en fait la comparaison, signalant les différences peu nom-
breuses qui les séparent, critiquant certaines dispositions, proposant
certaines réformes.
L'organisation administrative occupe plus longtemps M. Flourens
(qui s'j trouve dans son domaine), et d'ailleurs cette partie de la légis-
lation touche plus intimement à la constitution du pays; les pro-
blèmes d'administration se discutent aujourd'hui en France, leur
solution aura une grande influence sur nos destinées politiques.
L^auteur examine d'abord l'organisation communale dans son déve-
— 216 —
loppement historique^ puis dans les détails dd son fonctionnement. Le
département et la province sont ensuite étudiés avec laméme méthode;
enfin, une troisième partie traite de ladministration centrale : ministres
Conseil d'Etat, Cour des comptes. Il y a dans^ cette étude, des cha-
pitres fort intéressants et par le sujet même, et par la façon dont il
est traité. Les questions qui divisent nos pubUcistes et nos hommes
d*État sont exposées avec clarté; à côté, sont proposées des solutions
toujours soigneusement motivées. La comparaison entre la commission
départementale de nos conseils généraux et la députation permanente
du conseil provincial belge (qui a servi de modèle au législateur de
1871), est pleine d'intérêt et d'actualité.
La nécessité d'exposer ainsi parallèlement deux législations aurait
pu être une cause d'obscurité. Ici elle a été évitée. L'ouvrage est
clair, divisé méthodiquement en titres et chapitres, enfin fort bien
écrit, dans un stjle simple, toujours facile à lire et à comprendre.
Une conclusion résume brièvement tout l'ouvrage et en précise Tesprit
général. Cet esprit nous semble sage et modéré ; nous l'aimerions
mieux un peu plus favorable encore à ces grandes idées de décentrali-
sation dont nous attendons les meilleurs résultats pour l'avenir de
notre pajs. On peut d'ailleurs ne point partager toutes les opinions de
l'auteur, mais on ne saurait lire son livre sans intérêt et sans profit.
A. C.
Ites CkmaéquenceB Juridiques de la déconfiture, par Ernest
Pannier, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Paris.. Paris,
Marescq aîné, 1875. In-8de 340p. — Prix: 5 fr.
Voici une thèse, pour le doctorat en droit, qui se distingue de beau-
coup d'autres par un mérite, rare chez nos jeunes jurisconsultes, le
souci de recourir à des sources riches et cependant presque inexplorées
les chartes, où la législation, en vigueur dans notre ancien droit cou-
tumier apparaît mieux que dans des compilations ou des travaux de
seconde main, trop souvent consultés quoique insuffisants. Aussi estrce
avec un véritable plaisir que nous avons lu, au bas des pages de ce
remai*quable travail, des notes presque aussi nombreuses que celles
qui font Taccompagnement ordinaire des thèses de l'École des chartes.
Nous n'entrerons point dans le détail de ces graves et célèbres ques-
tions des nexi et des addicli en droit romain, que l'auteur nous paraît
avoir clairement et savamment exposées. La bomrum vendùio ne nous
arrêtera pas davantage, et le droit gaulois, que des auteurs modernes
ont tenté de reconstituer, ne nous semble pas, quant à présent du
moins, offrir assez d'éléments aux dissertations des savants. Le droit
coutumier est, à notre avis, la partie la meilleure et la plus approfondie
— 217 —
du travail de M. Pannier. Des notes plas nombreuses, des citations de
chartes^ des extraits intéressants de coutumes locales, des recherches
philologiques même, soulignent un texte toigours clair et concis. Le
Grand eoutumier, que le quatorzième siècle nous a légué ; la Somme
rurale, de Jean Bouteiller; la coutume de Lille^ rédigée vers 1297,
croyons-nous, par Roisin, clerc de la ville ; la coutume du Hainaut,
celle de Malines ont été, pour l'auteur, des documents précieux à con-
sulter. Leur lecture l'a conduit à se demander pourquoi certaines
coutumes du Nord de la France et des Pays-Bas ont conservé une
empreinte du droit romain bien plus accentuée qu'elle ne l'est dans
d'autres coutumes moins septentrionales. Un titre de la coutume de
Malines, par exemple, a une rubrique copiée du Digeste : De bonis
avthoritatejudicispossidendis.,. La critique n'a pu encore, que nous
sachions, donner le mot de cette énigme. Nous ne ferons qu'un repro-
che à Tauteur d'une étude remarquable à tous égards, celui d'avoir
défiguré les textes originaux, écrits en langue romane, qu'il a cités.
Ch. Lebrun.
SCIENCES ET ARTS
E«sEieçon« de l'Histoire. I^e Chplstlanlsme et la llbre-pen-
•ée» ou le dlaL-nenviéme «técle* Ouvrage posthume de M. Edouard
Haus, procureur du roi à Gand, membre correspondant de l'Académie de
législation de Toulouse, membre de la Société des arts et des sciences
d'Utrecht,- chevalier de Tordre du Christ de Portugal. Bruxelles, Goemaere;
Paris, Bray et Retaux, i875. Gr. in-8 de vi-502 p. — Prix: 7 fr.
Frappé des ravages produits dans les intelligences et dans les âmes
au dix-neuvième siècle par la libre-penaée, M. Haus avait consacré
les dernières années de sa vie à la combattre d ans l'ouvrage solide et
plein de faits qu'on vient de publier après sa mort. Toute son argu-
mentation se résume en quelques points incontestables. La libre-pen-
sée proclame l'indépendance complète de la raison; le christianisme,
au contraire, tout en reconnaissant la valeur de la raison humaine,
prêche la soumission à la révélation qui est au-dessus de la raison. Les
limites de l'intelligence sont un fait patent, incontestable. Elle ne
peut s'élever assez haut pour pénétrer la cause de ce qui existe en
Dieu. De plus, la libre-pensée a toujours produit des résultats funestes,
elle a constamment varié en tournant dans le même cercle. Au con-
traire, le christianisme a été une source de l)ienfaits pour l'humanité,
et il est resté fondamentalement invariable. L'auteur développe ses
arguments en les appliquant tour à toar, en trois livres distincts, à la
philosophie, au droit et aux beaux-arts. Il étudie successivement la
*-Si8 —
philosophie de la libre^pentëe et la philoiophie da chrietlâaiime, le
droit d'après la libre-pensée et le droit d'après le ohristiaiiisme, les
beanx-arts inspirés par la libre-pensée et les beanz-arts inspirés par
le ohristianisme. Ce dernier livre, véritable histoire littéraire» est
parUcnlièrement attachant, mais les trois livres sont également solides
et convaincants. Oomme M. Hans fait toncher an doigt le mal de notre
époque, quand il dit: c< En matière d'art, oomme en philosophie et en
politique, la libre-pensée aboutit au matérialisme, à l'oubli, à la néga-
tion de la divinité 1 (p. 492) » Le remède au mal est donc dans le retour
sérieux aux pratiques de la religion. C'est là seulement qu'est la vraie
liberté, comme l'explique très-bien l'auteur. «« La phrase de M. Haus
est parfois un peu traînante : c'est le seul reproche que nous lui adres-
serons. O, E.
XteaCaoratlon de 1a set enoe polltl<iae, ùu théorie de VÊiat iodal
naturel opposé à la fiction éPunÉtat civil factice, par Chables-Louis de Hallbb.
Ouvrage traduit de Tallemand, par l'auteur, sur la seconde édition. Paris,
Vaton, i875. 3 volumes in-8, formant ensemble 92i pages. — Prix : 9 fr.
Cet ouvrage se présente en trois volumes, dont le premier (t. lY)
est intitulé : Des Empires militaires, dont le second (t. Y) est intitulé :
Des Seigneurs spiHtueb indépendants ov des États pontificauXy dont le
troisième (t. YI, deuxième partie) a pour titre : Des Républiques ou des
communautés indépendantes. Si, en ouvrant ces volumes, nous cherchons
comment nous avons soas les jeux l'apparence d'une suite pans son
commencement, puisque les trois premiers volumes ne sont pas entre
nos mains, en voici l'explication. L'ouvrage allemand en six volumes,
intitulé : Restauration de la science politique, a été publié en Allemagne
après la chute du premier empire. La traduction des trois premiers
volumes parus avant la révolution de Juillet fut interrompue d'a«
bord par cette révolution, puis par la mort de l'auteur qui été son
propre traducteur, laquelle survint en 1854. Quant aux trois derniers
volumes, leur apparition est de date très-récente, et ils sont du fils
de l'auteur, M. Charles de Haller.
Cette œuvre, comme on le voit, entreprise après un long intervalle
de temps, n'a pas eu seulement pour but de traduire l'ouvrage primitif,
mais de le réduire en présentant dans un cadre plus restreint l'en-
semble des idées dont la prolixité germanique pouvait ofBrir un obs-
tacle à des lecteurs français, habitués à un stjle vif et concis : c'est
ainsi que le traducteur s'est trouvé amené à faire paraître la série
de ces trois volumes, qui sont comme le résumé de la pensée pater-
nelle, et que, cependant, par une déférence flliale, il n'a voulu offrir au
public que comme une suite des trois premiers précédemment com-
posés et traduits par son père. Tout en regrettant cette anomalie
— 219 —
bibliographique, qui a pour effet de oous présenter comme incomplet
un ouvrage qni forme réellement un tout dans ses trois derniers
tomeSf nous nous empressons de signaler aux lecteurs l'importance de
cette publication. Les questions sociales et politiques y sont étudiées
et traitées avec la plume d*un maître et une vigueur de pensées à
laquelle on reconnaît facilement un philosophe chrétien. Kanteur,
remontant à l'origine des institutions politiques, conduit le lecteur à
irayera le dédale de l'histoire, trop souvent altérée au profit des pas-
siens intéressées ; il montre Tabime inévitable où tombent les peuples
qui s'écartent des lois que la nature des choses leur impose ; et il va
sans dire que la nature des choses se confond pour lui avec l'ordre
providentiel. Les déviations survenues dans les événements des
trente dernières années ne servent qu'à mettre plus en relief la vérité
de ces lois fondamentales qui président à toutes les institutions
sociales et politiques ; cette démonstration est surtout saisissante
dans le tome cinquième, où le lien providentiel établi entre les deux
puissances, la puissance spirituelle et la puissance temporelle, apparaît
sous son double aspect, à Rome d*abord, par leur pénétration réci-
proque, puis dans les autres pays, par les relations naturelles qui
doivent exister entre TÉglise et les États séculiers. Le tome quatrième
avait traité des institutions monarchiques, que l'auteur identifie peut*
être un peu trop avec les empires militaires. Le tome sixième, spécial à
la forme républicaine, jette, sur ce genre de gouvernement, des aspects
que Ton pourrait appeler nouveaux, et seront propres à nous éclairer
tout particulièrement, nous autres Français, en nous montrant les dif-
férences qui séparent une république viable et pratique des théories
soi-disant républicaines et purement révolutionnaires, qui, sous nos
yeux, éclosent de tant de cerveaux malades, outre qu'elles sont oppo-
sées à ce que Tauteur nomme si justement les conditions naturelles
qui président à l'existence et à la durée des nations.
Mous engageons vivement les politiques qui se disent catholiques,
mais qui résument toute leur politique dans la lecture de certain
journal^ à méditer les théories républicaines de M. de Haller ; ils
seront surpris de leur ignorance, et se demanderont s'ils ne prennent
pas trop souvent des fantômes pour des réalités ; peut-être, alors,
s'ils sont sincères, en arriveront-ils à conclure avec nous que, dans
notre vieux pays, la meilleure, la seule forme de République, c'est
encore la monarchie, A. db Richscoue.
l^ft C3onditlon» de converaen&ent en France* par ÀNiomN Ou-
BosT. Paris, Germer Baillière, 1875. In-8 de 750 p. ^ Prix : 7 fr. 50.
L'auteur, qui est et qui se dit le disciple d'Auguste Comte, avait
d'abord destiné, nous apprend sa préface, les matériaux de ce travail
— 220 -
pour les publier dans la Revue de philosophie positive^ place désignée
pour un pareil travail ; puis il s^est ravisé, et publie ce volume, en le
plaçant sous l'égide de cette maxime de son maître : « Il n'y a
qu'un absolu en ce monde, c'est que tout est relatif. »
Ce patronage du père de la philosophie positiviste, invoqué en tête
du livre, nous instruit suffisamment sur le but qui est poursuivi et
d'ailleurs franchement avoué dans ces pages, à savoir de substituer la
démonstration scientifique à ce queTauteur appelle la révélation théo-
logique, sur tous les problèmes que soulève la science sociale et poli-
tique.
L'histoire, dans cette donnée étrange, n*est autre chose queTétude
de la loi du changement : toute la philosophie de Thistoire ne sert
qu'à nous montrer le sens des inévitables mutations. Selon cette école,
nous en avons'à tout jamais fini avec le passé, qui n'est que la transi-
tion antérieure des sociétés de l'état polythéiste et militaire à l'état
catholique et féodal, pour faire place enfin à l'état présent, ce bienheu-
reux état scientifique et industriel qu'il s'agit de préciser, de systé-
matiser et de développer. Ace prix, selon l'auteur, nous en aurons fini
avec la révolution, alors que nous aurons bien compris les lois qui
nous font connaître d'où nous venons et où nous allons, et, par suite,
& quel point du développement général la révolution sera terminée I
Nous sommes, selon M. Dubost, à cette phase de transformation où
la science tend définitivement à prendre la place de la théologie. La
théologie, c'est la vérité selon l'imagination ; la science, c'est la vérité
selon la raison. C'est en présence de cette évolution irrésistible que les
gouvernements ont à prendre une attitude pour laquelle l'auteur pré-
tend leur donner de sages conseils. Il leur suffirait, pour réaliser les
espérances du philosophe, de ne pas s'obstiner à soutenir des vérités
qui échappent à l'expérience, et de prendre résolument parti pour tout
ce qui doit favoriser le développement humain; or, pour cela, il suffit
de mettre en quarantaine toute doctrine, toute règle pratique jusqu'ici
reconnue comme universelle et absolue, pour lui substituer des règles
politiques purement relatives et contingentes selon l'état de la société
et les circonstances.
Dans cette théorie, on peut facilement voir ce que deviennent
la religion, la morale, le droit naturel, le droit des gens, et tons les
principes d'ordre et de justice étemels sur lesquels, jusqu'à ce jour,
a reposé la société. Il suffit de présenter à nos lecteurs l'exposé
de ces idées, par lesquelles l'auteur lui-même s'attend « à choquer
bien des gens, o pour mettre en lumière le mensonge radical et total
de ce livre. — Nous n'avons pas besoin d'ajouter que les solutions prati-
ques sont en rapport avec de semblables prémices ; tout étant relatif et
contingent dans les principes de la société, il n'y a de gouvernement
— 221 —
fort et stable que celui qui émane d'un accord explicite ou implicite
des diverses volontés individuelles : cet accord lui-même ne peut être
que relatif et provisoire, parce qu*ildbit naturellement varier au fur et
à mesure que les progrès scientifiques et pratiques modifient les
crojances et les opinions ; voilà pourquoi la république est la seule
forme qui puisse se prêter aux modifications inhérentes à la mobilité
sociale! II II y a donc urgence à remettre les pleins pouvoirs à la nation
elle-même, qui en usera suivant ses tendances et ses intérêts. Pour
préparer cet avenir, il faut mettre en pleine application Tœuvre d* Au-
guste Gomte^ et, basant Téducation universelle sur ce principe que
chacun, « en quelque rang que sa naissance Tait jeté, » doit être placé
dans une situation en rapport avec sa valeur intellectuelle, morale et
pratique; dès lors la meilleure application consistera à remettre cons-
tamment la direction gouvernementale entre les mains des esprits à la
fois plus pénétrés des désirs et des besoins sociaux, et les plus capa-
bles de combiner les procédés propres à y satisfaire dans la limite des
possibilités. Alors (et c'est ici que l'auteur s'occupe pour la première
fois de la vertu), Thomme sera vertueux sans aucun motif bas et servile :
car la vraie morale consiste à vouer au bien commun toutes les forces
réelles de la société. Quel étrange mystère que celui qui nous fait
voir un esprit pourtant sagace^ s'ingéniant à donner à toute la science
sociale pour unique fondement le relatif, le caprice individuel, la bana-
lité grotesque et odieuse du nombre, tout ce qui constitue Tobstacle et
le danger à toute fondation, à tout principe , à toute règle sur lesquelles,
depuis Torigine des choses, repose l'économie général du salut indivi-
duel et social I
Cet ouvrage est une démonstration saisissante de la maladif de ce
temps : de même qu'à Sparte le spectacle d'un ilote ivre était recom-
mandé comme un moyen de pratiquer la sobriété^ de même il suffit de
lire ce livre pour croire à la nécessité des principes placés au-dessus
du délire individuel. A. db Richbcour.
Intempérance et MIsètre, par Jean Lefort, avocat à la Cour d*appe],
membre de la Société d'Économie politique, lauréat de Flnstitut. Paris,
Gnillaumin, 1875. In-8do xiv-3o3 p. — Prix : 6 fr. Ouvrage récompensé
par TAcadémie des sciences morales et politiques.
La division de cet ouvrage est simple. Dans trois parties successives,
Tauteur étudie Tintempérance elle-même; puis il montre comment,
fatalement, l'intempérance produit et accroît la misère; enfin il recher-
che par quels moyens on peut. essayer de combattre Tintempérance et
d'enrayer ses progrès. Dès le début, M. Lefort définit l'ivrognerie
qui, BOUS les facilités obtenues par l'industrie, souvent peu scrupuleuse,
dégénère aisément dans ce mal profond que Ton a décoré du nouveau
— 2M —
nom d'alcoolisme. L'histoire de rintempërance montre comment, peu
à peu, dans la suite des siècles et par suite même des progrès de la
science, notre époque en est arrivée à ce point. U ne faudrait pas
croire que partout il en a été de même et aussi rapidement ; Tintem-
pérance a sa géographie* Un chapitre spécial est consacré à cette
étude, dont les développements présentent un triste mais réel intérêt.
Les statistiques Ont une grande éloquence. De même que l'intempé-
rance est plus répandue dans telle ou telle région, de même elle
est favorisée davantage par telle ou telle cause. C'est par Texamen de
celles qui ont la plus large part dans le développement du mal qui se
termine la première partie du volume.
' Ce que les habitudes d'ivrognerie enlèvent au bien-être des travail-
leurs est incalculable. Elles absorbent d'abord ce que d^honnétes gens
pourraient épargner; peu à peu^ réduisant les forces de Touvrier,
elles diminuent son gain, en même temps qu'elles prennent plus d'em-
pire et deviennent plus irrésistibles. C'est la misère à bref délai,
pour eux, pour leur famille; et, comme cette misère toute volontaire
pèse sur la société, o*est une calamité et un danger publics. A ce
point de vue, les deux chapitres de la seconde partie sont pleins de
révélations; ils énumèrent d'abord les pertes produites par Tivro-
gnerie, et indiquent ensuite quels dommages elle occasionne. Perte de
force, d'énergie, au physique comme au moral ; ruine de la santé, et
trop souvent mort du malheureux alcoolisé. L'auteur nous permettra de
regretter qu'il n'ait pas insisté plus longuement sur le rôle antisocial de
l'intempérance ; il s'appesantit à bon droit sur le tort que l'ouvrier se
fait à lui-même par ces habitudes; il aborde également, quoique plus
brièvement, le mal qui rejaillit sur les siens, sur ses enfants surtout ;
mais pourquoi ne pas exposer, avec autant de développements, ne
pas faire toucher le mal que l'intempérant^ ou plutôt les intempérants
causent & la société? L'abrutissement auquel chacun se condamne ne
sera-t^il pas fatalement suivi d'un affaiblissement dans les facultés
morales de la société qui compte tant de ces ivrognes? La santé
publique n'en sera-t-elle pas affectée ? Sans doute, l'auteur touche ces
poLuts, mais il le fait trop légèrement.
A ces maux quels remèdes opposer? C'est l'objet de la troisième
partie. Au nombre des remèdes propres à combattre l'ivrogne rie, les
uns Sont personnels, physiques ou moraux, tels que l'alimentation, la
volonté, la religion, l'éducation surtout, dit l'auteur, qui lui attribue
«ne influence plus graode peut-être que, seule, elle ne peut en avoir en
réalité. Pais, viennent les remèdes qui ont leur base dans l'association.
Ils cbnsistent dans ces règles qu'imposent certains patrons à leurs
ouvriers, certaines sociétés à leurs adhérents. Enfin il j a ce qu'on peut
appeler les remèdes publics^ et découlant des lois. Les unes punissent
— 223 —
riYrognerie et ses oonséquenoeft^ d^autres frappent certaines boissons
d'impôts qui^ élevant le prix, rendent Tasage moins facile, Kauteor
n*est nullement partisan de la loi réprimant l'ivresse. Il ne croit pas
que l'intempérance puisse être un délit, parce que, dit-il, il n'j a dans
le fait de s'enivrer aucune atteinte ^ ni aux biensi ni aux droits^ ni à la
personne d*autrui. £n droit, on pourrait contester ce principe, et puis-
qu'à diverses époques il j a eu des faits personnels que la loi punissait,
la loi peut en punir ai:gourd*hui ; répugnerait-il à considérer comme
un délit, la tentative de suicide et certains faits punis par la nouvelle
loi comme par notre ancien droit? Et cependant, il n'en résultait
aucun tort pour les biens, les droits ni la personne d'autrui? Il semble
de plus que Fauteur n'a aucune foi dans l'efficacité de lois répres-
ûves. Sur ces points, sans aller jusqu'à penser, comme plusieurs, que
tout sera sauvé si ces lois existent, nous croyons à leur influence.
Deux chapitres terminent Touvrage : l'un est consacré à combattre
le chômage du lundi; Tauteur y résume, en quelque sorte, Texcellent
ouvrage qu'il a écrit spécialement sur ce point ; le dernier parle des
sociétés de tempérance. Leur nombre est considérable, en Amérique
et en Angleterre surtout, puis en Nowége et dans quelques autres pays
d'Europe. De création récente chez nous, ont-elles beaucoup d'avenir?
M. Lefort n'ose l'espérer, et il développe en terminant ses raisons
d'en douter. O. db Senmbvillb.
Prluclpea de la •ctence de« financer» par R. Gaudillot, docteur
en droit, conseiller à la Cour d'appel d*Alger, ancien professeur à l'uni-
versité de Bruxelles. Paris, Guillaumin, 1874. 3 vol. in-B de 592-563-587 p.
— Prix 2 18 fr.
Le titre de cet ouvrage n'est pas moins général, pas moins étendu
que le bntde l'écrivain. Par le mot finances^ il entend « toutes les valeurs
perçues et employées par le gouvernement, qu'elles figurent au
budget ou n'y soient pas comprises, qu'elles consistent en monnaie ou
en prestations diverses, qu'elles proviennent d'impôts ou d'autres
sources. » Cette acception appellera naturellement des développe-
ments importants sur les divers sujets suivants : les bases des impôts
(t. P')i les emprunts publics (t. II), les droits de l'État (t. III}, ses
monopoles, que l'auteur décore de ce titre plus modeste : « les indos-
tries exercées par l'État (t. lY], s la comptabilité publique (t. Y). Ce
dernier titre ayant un objet plus spédal, comprend, à lui seul, la
mi^e^o partie du troisième volume.
Disons d'abord que l'auteur ne peut se défendre d'appartenir aux
éeoleq modernes, et d'avoir, pour les idées nouvelles, une vive propen«
sion. U les considère et les admet par un côté élevé et généreux] maiS|
— 224 —
pour avoir ce mérite, sont-elles plus justes et offrent-elles moins de
dangers? Dans sa pensée, TÉtat paraît être la plus haute personnifica-
tion de la justice. Sans doute, à bien des pages, le mot de liberté
revient^ mais les droits de VÉtat reviennent plus souvent encore, et
c^est à les bien établir que Fauteur apporte une partie de ses efforts.
En maints endroits on voit affirmer ce principe que, nécessairement,
« un instinct civilisateur pousse les nations jeunes, vigoureuses, auda-
cieuses, soit contre les races autochtones ou les races vieillies, pour
les confiner, pour les remplacer, soit contre des nations plus mûres,
plus avancées, plus perfectionnées, plus douées d'avenir, pour s'initier
à leur pratique, s'inculquer leur savoir, se pénétrer de leur génie, n
Ainsi les peuples sont soumis à une loi de progrès, fatale si on ne la
suit : et le progrès doit être indéfini. Car « toutici-bas se modifie pour
grandir, o •» Le premier défaut de cette théorie absolue ^ c'est d'affir-
mer que rien, dans le passé, n'est bien ni bon, auprès de ce qui, consé-
quence du progrès, existe aujourd'hui. Cette marche de l'humanité est
d'ailleurs dans les «voies delaProvidence,» — car l'auteur a des instincts
religieux. Souvent il parle de « Dieu, » des a destinées providentielles
des nations, b de a la Providence vigilante, » de « ses volontés au-devant
desquelles nous devons aller, sans contrainte comme sans illusions. »
Mais si Tauteur est religieux et tient à le témoigner, il ne paraît
pas d'ordinaire favorable à TÉglise catholique^ ni à sa hiérarchie.
Tout son désir de rester impartial échoue devant les nombreux pré-
jugés qu'il partage. Il en est de même à Toccasion de son exposé de
Torganisation publique au moyen âge. C'est une époque complètement
fermée pour lui. Il semble^ à lire les pages qu'il a consacrées à cette
étude, qu'il n'y avait alors ni justice, ni équité; que la force primait
tout, et naturellement que tout, dans l'organisation des impôts ouplutôt
des institutions financières, était arbitraire, sans règle et sans raison.
A ces redevances, à ces corvées o dans lesquelles se résolvaient, pour
l'ancien conquérant, les bénéfices de la conquête, » il faut igouter ces
droits de mille sortes... créés pour satisfaire un insolent orgueil, ou
des fantaisies honteuses et méchantes^ ou une vanité méticuleuse et
stupide. » Et alors il est naturel de rappeler (bien qu'en note seule-
ment) les grenouilles de l'abbaye de Luxeuil, le droit de jambage
aggravé d'exigences odieuses, etc., etc.
Franchement, toutes ces choses devraient-elles trouver place dans
un ouvrage sérieux? Loin de nous de prétendre que tout fût alors
rréprochable, qu'il n'y eût aucun abus. Mais il ne faut pas nier ce qui
existait de bon, et, au point de vue qui l'occupe, M. Qaudillot réfor-
merait bien des idées et des jugements, s'il prenait la peine de lire les
doctes travaux des Quérard, des Delisle et des Wailly sur liobjet
même de ses études. Q. de Sbnnbvillb.
— 225 —
Oen Force» physlco- chimique» et de leur Intervention
dan» la production de» pliônonoiône» naturel»* par M. Bec-
querel. Paris, tjp. Firmin-Didot, 1875. In-8 de 648 p., avec un atlas de
onze planches. — Prix : 15 fr.
Le mouvement produit la chaleur, rèlectricité et le magnétisme ;
la chaleur se transforme en lumière ; rélectrtcité^ selon ses différentes
formes, favorise ou contrarie Taffinité chimique. Toutes ces forces ne
sont que des modalités d'un même fluide, Téther, qui pénètre entre les
molécules de tous les corps. Telles sont, en substance^ les vérités natu-
relles, acceptées aujourd'hui de la généralité de nos savants, à la
démonstration desquelles M. Becquerel a consacré la pins grande
partie de sa vie, car son premier mémoire est de 1823. Le livre qu'il
publie est le bilan de ses découvertes et le résumé de mémoires spé-
ciaux insérés aux Comptes rendus de l'Académie des sciences, ou d'ou-
vrages étendus publiés par lui seul ou en collaboration avec son fils,
M. le professeur Edm. Becquerel. L'origine de toutes ces recherches
est Tétude de Télectricité dégagée dans les dissolutions de deux natures
qui réagissent chimiquement l'une sur l'autre, par Tintermédiaire
d'une cloison perméable, c'est-à-dire percée d'innombrables espaces
étroits, dits capillaires. Plusieurs physiciens, Œrsted, de la Rive,
Ritchie, Pouillet, Schœnbein, etc., ont contribué à perfectionner cette
étude. Mais c'est à M. Becquerel que revient l'honneur d'avoir subs-
titué à la théorie du contact, par laquelle Volta expliquait les phéno*
mènes de sa pile, la théorie des actions électro-chimiques. Il a, de plus,
été le premier à aborder l'examen des phénomènes électro-capillaires
(produits par les courants électriques qui circulent dans les espaces
électro-capillaires), phénomènes qui ont donné la clef de bien des
effets rapportés auparavant à une force spéciale, aveugle, la «force
cataljtique, » que Ton invoquait pour expliquer l'inexplicable, sans
pouvoir la définir elle-même. M. Becquerel emploie la plus grande
partie de son ouvrage à démontrer les propriétés des courants élec-
tro-capillaires dans les trois règnes de la nature : chez les minéraux,
où produisent les filons de substances pures, cristallisées à l'intérieur
des fêlures des grandes roches ; chez les végétaux où ils entraînent la
circulation de la sève et les dépôts & la surface des cellules ; enfln,chez
les animaux, dont ils régissent la respiration, la nutrition, et, par suite,
la température, dans les espaces capillaires où ne se fait plus sentir
l'action foulante du cœur. La force est ainsi mise au service de la vie.
L'étude de l'électricité terrestre a conduit l'auteur à élever ses
inductions vers l'origine de l'électricité atmosphérique, et celle dos
actions physico-chimiques exercées à la surface ou dans Tintérieur de
notre globe, l'amène à rechercher s'il ne s'en produirait pas de sem-
blables sur le soleil, dont l'origine est la même que celle de la terroi
Septembbe 1875. T. XIV, 15.
— 226 —
et dont le refroidissement a dû être beaucoup plus lent, puisque son
volume est 1,326,480 fois plus considérable que celui de notre planète.
Uanaljse spectrale^ en comparant la lumière que nous produisons
avec celle qui émane du soleil ou des astres, a révélé à la science que
ceux-ci recèlent les mêmes éléments matériels que notre globe. Ces
présomptions et ces faits ont permis à Fauteur d'aborder l'étude de la
constitution actuelle du soleil, et de comprendre par quelles phases a
passé la terre en se reportant aux bouleversements, sortes d'érup-
tions volcaniques, dont la surface de cet astre offre aux astronomes le
spectacle continuel. Ces phases et ces bouleversements, si la science ar-
rive à en prouver définitivement l'identité, seront les meilleures preu-
ves, disons-le en passant, de la nature périssable de notre monde.
Après ces recherches^ dont nous écrivons seulement la table, M. Bec-
querel a cru devoir exposer les principaux phénomènes de l'atmos-
phère ; phénomènes lumineux, électriques et aqueux, ce qui Ta conduit
à parler des climats, de leur constance, de leur variabilité et de l'in-
fluence qu'exercent sur eux les forêts. Ici se placent des recherches
spéciales à l'auteur, entreprises avec les registres des compagnies
d^'assurance et avec ceux de Tadministration des forêts, dans lesquelles
il est parvenu à dresser, pour le département du Loiret qu'il habite
et pour les départements voisins, la statistique des orages, et surtout
des orages à grêles. Cela Ta mis à même de prouver Tinfluence bien-
faisante qu'exercent, contre ces météores, les surfaces boisées, en
absorbant Télectricité atmosphérique, cause principale de la forma-
tion des grêlons.
Nous n'avons fait que mentionner les principaux sujets traités par
Tillustre auteur de ce livre, mais signaler une telle œuvre suffirait
pour en montrer à tous l'importance scientifique, bien que celle-ci
s'efface encore devant sa portée philosophique. M. Becquerel ne
confond point les forces physico-chimiques avec les forces vitales,
à l'exemple de tant de natursdistes modernes. La vie dispose, selon lui,
des agents naturels qui, dans les corps vivants, n'agissent qu'en subor-
donnant leurs propriétés à l'existence de ce nescio quid divinum qui est
la vie^ à moins qu'ils ne soient assez forts pour la détruire. Il sont dis-
tincts d'elle et incapables de la produire. Aussi, l'auteur déclare-t-il
ne pas comprendre comment elle a pu se manifester à la surface du
globe refroidi : là est, dit-il, le secret du Créateur. Euo. Fournibr.
CSarbonIsaUon des bol» en vase* clos et utilisation de»
produit» dériva», par M. Camille Vincent. Paris, Gauthier-Villars,
1873. In-8 de 156 p. — Prix : 5 fr.
L'auteur, qui est répétiteur de chimie industrielle à l'École centrale,
et qui s'est occupé pendant près de douze ans des procédés et appareils
— 227 —
qui servent à l'extraction des produits si nombreux de la distillation
du boiS| avait une compétence spéciale pour grouper les renseigne-
ments qui concernent ces procédés et ces appareils, et en discuter la
valeur relative. Il a pensé judicieusement qu'il serait utile de joindre
k cet ensemble Texposition des propriétés que possèdent certains
dérivés de l'acide acétique et de l'alcool méthjlique, auxquels Tusage
industriel peut, d'un moment k l'autre, donner une importance qu'ils
n'ont point encore. Il a été conduit ainsi à réunir tous les documents
qu'il pouvait avoir sur le traitement et l'emploi des produits, buts obte-
nus par la carbonisation du bois en vase clos, notamment sur la fabri-
cation du gaz au bois, qui a de Tavenir dans les localités forestières où
l'on peut se procurer à bon marché la chaux jiécessaire à l'épuration
du gaz obtenu. Le livre de M. Vincent sera utile pour les gens du
métier ; l'auteur pourra se rendre plus utile encore à la science en
étendant ses travaux à des bois de nature diverse, et en faisant con-
naître quels sont ceux dont la carbonisation donnerait le meilleur
rendement à l'industriel, selon le but qu'il se proposerait. Il j a là un
champ encore inexploré que nous nous permettrons de recommander
à ses recherches. E. F.
Priacipe» de géologie transformiste. Application dé laihéùhe
de révolution à la géologie^ par Gustave Dollfus. Paris, F. Savy, 187^.
In-18 de vn-178 p. — Prix ; 2 fr. 50.
M. Gustave Dollfus a voulu démontrer^ dans ce volume, « que la
doctrine transformiste donne la seule explication plausible des faits
naturels, n Mais il n'a donné aucune explication nette et plausible de
la doctrine transformiste. Il a prouvé seulement la variété de ses
connaissances géologiques et la confiance trop facile avec laquelle il
accueille des idées vagues, des formules ambiguës, des assertions
gratuites et discordantes, accréditées, non par des preuves solides,
mais par le nombre et l'activité passionnée de leurs propagateurs,
a Le transformisme, dit-il, n'atteint pas plus la foi que les doctrines
de Galilée et de Laplace ne l'avaient fait (p. 38). » Sans doute, le
transformisme est susceptible de restrictions et d'explications qui lui
enlèvent tout caractère hétérodoxe. Mais les propagateurs les plus
vantés de cette hypothèse variable lui impriment un caractère abso**
lument matérialiste et athée. Je suis heureux de constater que
M. G. Dollfus ne professe ni le matérialisme, ni l'athéisme. Mais il
inclicine ouvertement à croire qu'à l'époque miocène, l'homme était
un animal anthropomorphe à peine supérieur au gorille (p. 113-114),
et qu'il a eu besoin d'un temps incalculable pour devenir peu à peu ce
qu'il est aigourd'hui, par la grâce de Vévolution. Cette foi conjectu-
rale n'est pas la nôtre.
— 228 -
M. Dollfus oppose le caractère libéral {sio) des hypothèses transfor-
mistes à celui des théories systématiques et autoritaires professées par
Cuvier, A. d'Orbigny, Agassiz et M. Barrande. Mais les nouveaux théo-
riciens sont-ils moins systématiques que leurs devanciers? Ne tendent-
ils pas à devenir ^\\x^ autoritaires que les plus dogmatistes? « Ni pertur-
bations générales, disent-ils ; ni extinctions subites , ni naissancer
inopinées (p. 8). n II est facile de proclamer dogmatiquement ces
aphorismes; mais il reste à les prouver I
Suivant M. G. Dollfus, Constant Prévost a eu la gloire de fonder,
en 1827, • la théorie des causes actuelles en opposition à la théorie des
causes anciennes ou surnaturelles {i^. A), n Mais Topposition des causes
actuelles et des causes anciennes est chimérique ; Tidentité des causes
anciennes et des causes surnaturelles ne Test pas moins. Dieu, qui est la
cause iumaturelle par excellence, est encore et sera toujours, quoi
qu'on fasse, la plus actuelle de toutes les causes,
Aux yeux de M. Dollfus, Constant Prévôt est un naturaliste libéral^
en opposition aux naturalistes doctrinaires et autoritaires dont M. Bar-
rande est aujourd'hui le type le plus éminent(p. 12 et 15). Que signifie
cette antithèse? Constant Prévost n*a jamais eu d'autorité, et toujours
il a contredit les maîtres qui en avaient une très-^ande. Cela suffit- il
pour être un naturaliste libéral? — M. Barrande est un observateur
très-positif et très-patient, dont la doctrine est aussi ferme que
mesurée. Il maintient vigoureusement Tautorilé des faits qu'il a
constatés, et refuse de sacrifier leurs enseignements aux hypothèses
conjecturales qui les contredisent. Un naturaliste libéral doit-il renon-
cer à cette liberté scientifique?
M. Dollfus appelle MM. Broca et Rohln des hommes de progrès/ A
coup sûr, M. Barrande a contribué beaucoup plus qu'eux km progrès de
la géologie et de la paléonthologie. H. db Valhoger,
de l'Oratoire.
Eieçons élémentaires d*liygléne faite» au collège de
Falaise, par H. le Dr Desceux, rédigées et publiées par L.-A. Dcche-
MiN, principal. Paris, Ch. Fourraut et fils, 1875. In-i2 de 175 p. —
Prix: 1 fr. 25.
La connaissance de Thygiène, c'est-à-dire des moyens de conserver
la santé, repose sur l'ensemble des connaissances médicales qu'elle
suppose chez celui qui veut rétudier. Aussi, est<ce une tâche difficile
d'enseigner cette science à des intelligences qui n'y sont pas préparées,
bien que cette tache soit maintenant prescrite dans les lycées, les
collèges et les écoles normales primaires, et que les kcons élémentaeres
d'hygiène, dont TAcadémio de médecine a rédigé le programme,
soient maintenant obligatoires pour les élèves de philosophie et de
mathématiques spéciales, d'après^ un arrêté ministériel du 6 mai 1S72*
— 229 —
C'est M. le D' Deacieux, ancien professeur d*hjrgiène à rinsiitut
agronomique de Grignon^ qui avait provoqué ces mesures dans un
mémoire adressé à l'Académie de médecine^ mémoire où il démontrait
la possibilité de [mettre Thygiène à portée des élèves de toutes les
écoles. Il lui appartenait de participer au mouvement qu'il avait fait
naître. Depuis Tarrêté ministériel de mai 1872, un grand nombre d*au-
teurs se sont occupés de rédiger des leçons d'hjgiène suivant le pro-
gramme dressé par l'Académie; mais aucun d'eux n'a autant que
M. Descieux soigné la partie morale de rhjgiène, dans laquelle il a
même outrepassé les limites du programme. Admirablement préparé
par un enseignement antérieur, par de nombreuses publications où il
avait mis l'hygiène à la portée des enfants de nos écoles et des habi-
tants de nos campagnes, et même par un Manuel tt hygiène plus étendu
destiné aux lycées, collèges et séminaires, M. Descieux a bravement
abordé cette immense difâculté d'enseigner l'inconnu sans procéder
par le connu. Il a bien dû, en quelques endroits, faire un abrégé
(très-abrégé) d'anatomie et de physiologie humaines qui n'est point
dans le cadre de Thygiène, et, comme il s'adressait à des lycéens arri-
vés à la fin de leurs études, il pouvait heureusement s'appuyer sur
leurs notions élémentaires de chimie. Il en a profité pour rédiger un
traité clair et substantiel^ presque toigours exacte court, et qu'un
autre professeur abrégerait, malheureusement peut-être, en enlevant
la couleur propre au maître de Falaise, ces historiettes que suggé-
raient à M. Descieux les souvenirs déjà anciens de sa longue pratique
médicale, et qui perdraient beaucoup à n'être plus contées par lui.
Nous souiiaiterions, en tout cas, à son imitateur de bien saisir avec
quel art il a rattaché la morale à l'hygiène, en insistant sur le malaise
de notre ftme que causent les passions mauvaises, et sur le bien-être
que ressent tout notre organisme quand nos facultés sont bien dirigées.
Le lien est léger peut-être, mais bien ingénieusement attaché, et l'on
s'inspirera avec utilité de cette paraphrase chrétienne du mens sona
d'Horace. M. Descieux ne s'abuse pas sur les résultats que peut obte-
nir l'hygiéniste ; il n'espère pas anéantir les maux de l'humanité. Nous
savons, dit-il, qu'il entre dans les desseins du Créateur que nous souf-
frions sur cette terre. Mais il est plus que permis, il est ordonné de
lutter contre le mal. A l'œuvre donc ; faisons de la propagande
morale? — Ce peu de mots suffira à nos lecteurs pour qu'ils fassent de
la propagande en faveur du livre. Euo. Fournibr.
Corot. Souvenirs intimes, par Henri Dumesnil, avec un portrait dessiné par
Aimé Millet, gravé par Alph-Leroy.- Paris, Rapilly, 1875, In-8 de 138 p.
— Prix : 3 fr.
Le portrait, placé en tête de cette monographie, rend bien la physio-
-. 230 —
nomie du grand artiste que nous avons perdu ; il exprime Tintelli-
gence, la simplicité, la bonté et le naturel. A regarder ce médaillon,
on comprend que telle a dû être la figure de Thomme qui a su rendre
la nature d*une façon si saisissante, et donner à ses créations un
charme pour moi irrésistible. Corot a su se dégager des entraves de ce
classicisme qui, suivant une expression heureuse de M. Henri de Bor-
nier, « est la mort de tous les arts, n II n*7 a pas beaucoup d'artistes,
8*il j en a, qui aient été doués d'une originalité aussi caractérisée dans
la manière de sentir et de rendre. L'un de ses plus précieux mérites
est d*être resté constamment fidèle à lui-même. Indulgere geniof II a
été lui-même, mais sans tapage, et, pour ainsi dire^ sans provocation.
Le génie particulier, et très-particulier^ de Corot, c'était une faculté
hors ligne pour donner à ses paysages la vie, la lumière, l'espace et
surtout le charme. Ce charme, tant par le procédé que parle résultat
obtenu, avait incontestablement quelque chose de profondément hon-
nête. La contemplation d'un paysage de Corot apporte à l'âme du
calme et de l'équilibre. Toute âme réellement artiste lui a dû des
moments délicieux.
L'œuvre de Corot restera. Il était donc à propos de ne pas oublier
l'homme. M. Dumesnil, qui a été son ami, a recueilli minutieusement
tous les souvenirs qui se rattachent à la vie paisible et bien ordonnée
du cher artiste. La biographie est en harmonie avec l'œuvre. C'est
trop détaillé, comme toutes les monographies qui se font de nos jours ;
mais M. Dumesnil aura Texcuse àe ramitié, et il trouvera autant de
complices que de lecteurs dans la profonde sympathie de tous ceux
qui, comme nous, ont été sous le charme pénétrant de Corot.
Adolphb d'Avril.
BELLES-LETTRES
Eli I^ouman» de Berto an» in^^ns plé» i»ar i%.dené« Il Roi»*
Poème publié diaprés le manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenalf avec notes
et variantes, par M. Aug. Scheler, associé de TAcadémie royale de Bel-
gique, bibliothécaire du roi et du comte de Flandres. Bruxelles, Comptoir
universel, M. Closson etC*; G. Muquardt, H. Merzbach, successeur, libraires
de la Cour, 1874. In-8 de xi-190 p. — Prix : 3 fr.
Bueve»' de Gommareiil», par Adenéa II Itola» chanson de gestCf
publiée pour la première fois et annotée par M. Aco. Scheleb, etc.
Bruxelles, Closson et C% 1874. In-8 de vii-i86 p. — Prix : 3 fr.
La publication de ces deux poëmes complète la mise au jour de Tobu-
vre du trouvère Adenés, entreprise par l'Académie rojale de Belgique.
Elle vient se joindre à celle du roman de Cléomadès, par M. Van
Hasselt (2 vol. in-8, prix : 10 fr.) et à celle des Enfances Ogier (1 vol.
— 231 -^
in-8, prix : 3 fr.), par M. Soheler, l'éditeur de Berie am gram pies et
de Bueves de Commarchis^ qui sont Tobjet du présent article. Le roman
de Berthe avait déjà été publié en 1832 par M. Paulin Paris, qui
commença par ce poëme la collection connue sous lé nom de Bornons
des douze Pairs. Cette édition fut réimprimée en 1836. Elle est aigour*
dliui presque introuvable. On connaît six manuscrits de Berie aux
granspiéSj un à la bibliothèque de F Arsenal (Belles-lettres françaises ,
175, fin du treizième siècle), quatre à la Bibliothèque nationsde (fonds
français, 778, quatorzième siècle; 1447, fin du treizième siècle ; 12467,
id. ; et 24404, commencement du quatorzième siècle), et un à la biblio-
thèque de Rouen (Belles-lettres, 42). M. Francisque Michel en a
signalé un septième, qui est décrit dans le catalogue de feu Richard
Heber (partie XI, page 10, n* 3; F. Michel, Chanson des Saxons^
préface, page lxi). En faisant abstraction de ce dernier manuscrit et
même de celui de Rouen, les cinq manuscrits de Paris offrent ample-
ment la matière d'une édition critique^ c'est-à-dire remontant, autant
que possible, à Toriginal par la classification généalogique de ces
manuscrits, et tirant vers par vers la leçon la plus ancienne du rappro-
chement des leçons qu'ils offirent, contrôlées et rectifiées par le tact
historique et philologique de l'éditeur. C'est là une tâche très-longue
et très-laborieuse, devant laquelle^ nous ne ferons pas un crime à
M. Soheler d'avoir reculé, dans Tétat présent des choses. Mieux vaut
assurément une bonne édition semi-critique^ comme celle qu'il nous
donne, que pas d'édition du tout. Il a choisi, de préférence, pour son
édition, le manuscrit de l'Arsenal, dont une copie, faite par Mou-
chet au siècle dernier^ existe à la Bibliothèque nationale. Cette copie
(c'est M. Scheler qui le déclare dans sa préface) a été transcrite et
vérifiée sur l'original par un archiviste-paléographe dont la modestie
dissimule trop l'esprit exact et judicieux, M. Michel Deprez, qui a
aussi relevé les variantes de deux autres manuscrits. M. Scheler a
recueilli lui-même^ un peu rapidement, mais suffisamment pour le but
qu'il se proposait, dit-il, celles des manuscrits 12467 et 24404, et il a
dressé une liste de notes et rectifications^ que sa science philologique rend
fort intéressante et fort utile pour l'étude de notre ancienne langue.
Les corrections qu'il a introduites dans le texte du manuscrit par lui
choisi, et les matériaux rassemblés, dans ses variantes et dans ses notes^
pour le futur auteur d'une édition critique^ donnent à son travail une
réelle valeur. Il en est sorti une bonne version soit de lecture, soit
d'étude.
Bueves de Commarchis ne nous ayant été conservé que dans un seul
manuscrit (celui de l'Arsenal, mentionné plus haut), la tâche de l'éditeur
était ici fort simplifiée. M. Scheler a joint à son texte l^* Un sommaire
de la chanson ; 2® Des notes et rectifications ; 3"^ Une liste des person*^
— 232 —
nages qui figurent dans le poSme ou y sont simplement cites ; 4^ Un
vocabulaire comprenant les mots les plus intéressants relevés dans
les notes des trois ouvrages d'Adenés publiés par le même éditeur, ou
dans le texte de Cléomadès que M. YanHasselt avait publié sans com-
mentaire. Le texte de Bueves de Commarchii pourrait, ce semble, être
amélioré, quoiqu'il n'y ait point d'autre manuscrit que celui de
TArsenal, par une comparaison minutieuse avec le poëme dont Tœuvre
d'Adenés n'est qu'un remaniement, c'est-à-dire avec le Siège de Bar-
bastret chanson qui fait partie du grand cycle formé autour de Guil-
laume au court nez. Mais, comme le Siège de Barbastre est encore
inédit^ il serait plus juste, peut-être, de dire que Bueves de CommoT"
ehis devra être mis en usage pour une édition critique de cette plus
ancienne chanson. Nous renvoyons, pour l'analyse et l'appréciation de
l'œuvre d'Adenés en général, et en particulier, pour les deux poëmes
dont il s'agit dans ce compte rendu, à la notice développée publiée par
M. Paulin Paris dans le tome XX de V Histoire littéraire de la France^
et aux deux ouvrages qui sont aujourd'hui le fondement nécessaire de
toute étude sur l'épopée nationale : YBistoire poétique de Charkmagne^
de M. Gaston Paris, et les Épopées françaises^ de M. Léon Gautier.
Voyez notamment, dans ce dernier ouvrage, l'analyse de Berte aux
grans pies et la savante i\otice historiq^ie et bibliographique qui raccom-
pagne (tome II, chapitre ii, p. 7-27). Il est à propos de remercier,
en terminant, l'Académie royale de Belgique de ses publications déjà
si nombreuses, et si utiles pour l'histoire politique et littéraire de la
France. Il est à propos de remercier, en particulier, M. Scheler, qui a
donné ses soins à beaucoup d'entre elles. Marius Sepbt.
Manuel de la Revilla. Dudaa y triatezaa, poesiad, con un prologo
de D. Ramon de Cahpoamor, de la Academia espanola. Madrid, Médina y
Navarro, 1875. In-18 de xxxn-196 p. — Prix : 12 réaux.
Ce volume prouve que l'Espagne, au milieu de toutes les commo-
tions qui l'agitent, comme au temps de toutes ses perturbations pas-
sées, est restée une terre de poésie et d'imagination. Seulement, au-
trefois, à ses plus belles époques littéraires, je ne crois pas qu'elle eût
produit un livre portant ce titre : Doutes et tristesses. Il y a dans ces mots
une trace de l'invasion d'idées étrangères qui ne sont pas dans la
nature* dans le caractère de ce noble pays. M. de la Revilla n'est, du
reste, pas encore arrivé au scepticisme absolu. Quelques-uns de ses
vers : Bios et Buseando à Dios^ par exemple, peuvent même donner à
espérer qu'il s'arrêtera en chemin. Son esprit y gagnerait du calme,
son talent peut-étre plus d'ampleur. Tel qu'il est maintenant, M. de
la Revilla est un poëte un peu sec. Ce n'est pas lui qui cherchera à
exprimer tout ce qu'un sentiment peut produire, qui retournera une
— 233 —
pensëd dans tous les sens, qui s'efforcera de rendre» à force d*ëcla-
tantes images, nne sensation, pour ainsi dire, palpable et visible. On
dirait que, quand il fait des vers, M. de la Revilla est pressé d*en finir*
Il est rare que sa verve lui fournisse des idées pour deux pages. Man-
zoni, Yictor Hugo, Lamartine ont vu^ au nom de Napoléon, Tinspirar
tion remplir leurs strophes. Napoléon ne donne à M. de la Revilla que
quatorze vers. M. de la Revilla aurait pu enfermer le grand empereur
dans un sonnet. Dante ne rend pas notre poète beaucoup plus fécond;
cinquante vers lui suffisent pour dire, — et ce n*était pas très-nou-
veau, — tout ce qu'il avait dans l'imagination sur Tillustre Florentin.
M. de la Revilla fait des vers comme un mathématicien. Cette préoi-
sion, ce laconisme, on doit le reconnaître, donnent un certain charme
à plusieurs pièces du recueil qui^ par leur nature, ne se prêtaient pas
à de grands développements. D'ailleurs, on a eu affaire à tant de
poëtes diffus, qu'on n'est pas fâché d'en rencontrer un d'un tout autre
caractère. Ajoutons encore que ce poëte aime les sentiments honnêtes,
— ce qui nous fait beaucoup douter de son doute : — qu'on lise la
pièce : Le$ Fruits du jardin (Tautrui. En politique, M. de la Revilla
semble aussi un homme impartial et de bonne foi ; il n'hésite pas à
dire son fait à Marcus Brutus, et ne se gêne pas pour proclamer ce
qu'il pense de la façon dont certains hommes entendent la liberté.
Le nouveau poëte est présenté au public par M. Ramon de Campoa-
mor, de l'Académie espagnole ; ce dernier, dans une préface spiri-
tuelle^ montre les qualités d'un critique distingué.
Th. ns PUYHAIORB.
Mjtk Ijansue et la llttératore hlndouatanlea de IdllO ik
isaQ. Discours Scuoerture du cours d*hindousimi, par M. Garun dk
Tasst, membre de Flnstitut. ^ édition, Paris, Maisonneuve, i875. In-8 de
488 p. — Prix : 6 fr.
C'est une idée excellente qu'a eue le savant orientaliste d'ouvrir,
chaque année, le cours d'hindoustani dont il est chargé au Collège de
France, par an discours où il nous fait connaître l'état actuel de cet
idiome et de sa littérature. Grâce à cette précautiiSn, Thistoire et les
développements du principal des dialectes de l'Inde cesseront d'être
ignorés du public français. L'on peut les suivre pas à pas, et, pour
ainsi dire, jour par jour. Il devient facile de se rendre compte du pro-
grès de l'infiltration des idées européennes chez les Indous, de l'état
des missions chrétiennes dans leur pays, et d'assister, pour ainsi dire,
aux débuts de ce mouvement intellectuel et moral dont le résultat sera,
dans un temps donné, la transformation totale de la société indienne.
Naturellement, le docte professeur débute par nou; donner un
tableau succinct des origines de la langue par lui enseignée. On sait
— 234 —
qne rancien sanscrit, celai des Védas, par une première transforma-»
tion, donna naissance à la langue des Paranas et des Sohàstras, laquelle
diffère assez sensiblement de celle des hymnes. Enfin, cet idiome loi,
môme finit par disparaître, an moins de la bouche du peuple, et divers
dialectes, fils de la yieille langue sacrée, se partagent le territoire de
rinde septentrionale. Lorsque, vers les neuvième et dixième siècles de
notre ère, les Musulmans pénètrent dans ces régions iTusage de l'Ath-
dotwi ou Atne/ottt était devenu prédominant. G^étaitun idiome qui, formé
d*éléments presque tous sanscrits, mais relativement assez pauvre de
formes, se trouvait, vis-à-vis de l'idiome védique, à peu près dans le
même rapport que l'italien vis-à-vis du latin, ou même Farabe vulgaire
vis-à-vis de l'arabe littéral. Les conquérants venus de la Perse conti-
nuèrent même sur le sol indou à parler la langue de leur pays d'ori-
gine. Ainsi ont fait les Espagnols qui^ établis en Amérique, portèrent
presque partout avec eux Tusage du castillan. Toutefois, si le persan
restait Fidiome des vainqueurs, il n'avait aucune chance de se faire
accepter par la race conquise.
L'hindouvi, déchu de son rang de langue officielle, se fractionna en
un grand nombre de dialectes, ou plutôt de patois vivants encore
aujourd'hui. Tels sont le penjabi, le gnzerati, le langage du Bengale,
enfin, le plus cultivé de tous, le bridj-bakha ou hindi. En môme temps,
le besoin des relations entre mahométans et Indous amenait la forma-
tion d'une sorte de lingua fronça^ comprise presque partout dans la
péninsule indostanique, et à laquelle certains auteurs donnent ce nom
assez impropre d'hindoustani.
Pour notre auteur, tous ces dialectes néo-indous constituent autant
de formes d'un seul et même idiome, auquel il convient de réserver le
nom d*hindoastani. G^est dans le dialecte hindi qu'écrivent la plupart
des auteurs encore païens; Quant aux littérateurs musulmans, ils pos-
sèdent, si Ton peut se servir de cette expression, deux dialectes à leur
service, le dakchani ou décanais, né dans le midi de l'Inde, et Vurdu,
originaire de la vallée du Gange, le plus répandu des langages de
rinde moderne. Tous deux, au reste, ont subi un fort mélange d* arabe
et de persan. Geci nous explique la lutte existant aujourd'hui entre les
sectateurs de la religion indoue, qui voudraient faire adopter le dia-
lecte hindi comme langue officielle, et les mahométans, qui n'entendent
point sacrifier les droits de Turdu. Ajoutons que M. G. de Tassy donne
raison aux derniers. Leur dialecte, fait-il observer, a pour lui l'avan-
tage de la possession d*état. Il est littérairement plus cultivé que
l'hindi, et, d'ailleurs, si Ton prétendait en bannir tous les mots persans
et arabes, on aurait bien de la peine à les remplacer d*une façon satis-
faisante par des composés d*origine indigène. Nous ne parlerons pas,
bien entendu, de ces fantaisistes qui veulenti les uns, en revenir à
— 23» —
Tusage du sanskrit^ mort depuis tantôt trente siècles, les autres, faire
de l'anglais Tidiome courant de toute la péninsule.
Mais en yoici assez sur la langue. Disons maintenant un mot de sa
littérature. Pendant bien longtemps, les musulmans continuèrent à
faire usage du persan, et l'hindoustani, relégué au rang de patois, ne
commença que vers le quinzième siècle de notre ère à être employé
dans les œuvres de poésie. Le dialecte du Décoas, dont le développe-
ment avait précédé celui de Furdu, se trouva rapidement supplanté par
ce dernier. Au reste, Toriginalité fait généralement défaut à la litté-
rature hindoustanie. Comparable, sous ce rapport, à celle du turk,
ellen'oifre point le même intérêt que les littératures persane, sanskrite
ou arabe. Généralement, les poëtes de llnde moderne, s'ils sont
païens, imitent les vieax auteurs indigènes^ et, quant aux Musulmans,
c^est dans la langue de Tlran qu'ils vont chercher leurs modèles. Bon
nombre d'indigènes, sans doute, savent l'anglais et le parlent avec
facilité. Différents ouvrages de cette langue ont même été traduits en
hindoustani. Toutefois, la manière de voir et de sentir des Orientaux
diffère trop de la nôtre, pour que la littérature de la Grande-Bretagne
ait exercé une grande influence sur le développement de celle des
Indiens. En revanche, ils goûtent assez 4es traductions d'ouvrages de
sciences, car, à cet égard, ils ne peuvent s'empêcher de rendre justice
à la supériorité de l'EuropCi Ajoutons qu'une presse indigène s'est
formée depuis longtemps déjà, laquelle a joui, jusqu*au moment de la
grande insurrection, d'une liberté presque illimitée. Enflo, chaque
année voit éclore quantité d^écrits de controverse religieuse, rédigés
dans les dialectes du pays, et spécialement en urdu. Missionnaires
catholiques et protestants s'y accordent à réfuter les erreurs de l'ido-
lâtrie, aussi bien que de Fislamisme. Les païens ne répondent guères
à ces attaques, se bornant à suivre les pratiques bonnes ou mauvaises
transmises par les aïeux. Au contraire, les Musulmans ne manifestent
pas la même indifférence pour la polémique, et, de temps à autre, ils
font paraître des ouvrages consacrés à la défense de leur foi. On ne
saurait nier Timportance capitale de la question religieuse, dans l'Inde
comme ailleurs. C'est seulement par leur conversion au christianisme
que les habitants de la péninsule gaogétique, abandonnant leurs pré-
jugés séculaires, deviendront réellement nos frères en civilisation. On
a reproché, et parfois avec raison, au gouvernement anglais un peu
trop de tolérance pour certains usages du polythéisme, entachés de
cruauté, d'extravagance ou d'immoralité. Toutefois, on doit lui rendre
cette justice qu'il est parvenu à extirper presque complètement les
sutttes ou sacrifices des veuves, ainsi que les assassinats quasi-reli-
gieux des thugs ou étrangleors. Quoi qu'il en soit, l'œuvre de la pré-
dication évangélique, bien qu'elle marche lentement, ne laisse pas que
— 236 —
d'être en progrès. Le nombre des catholiques indigènes peut être éva-
lué à plus d'un million, tandis que celui des réformés ne dépasse pas la
moitié de ce chiffre. Du reste, un résultat, etnon le moins curieux, de
l'influence exercée par les missionnaires, c'est le mouvement intel-
lectuel qui se manifeste au sein même du paganisme. Les sectateurs de
la religion indienne montrent une tendance de plus en plus marquée
vers la croyance en un seul Dieu. Certains pandits prêchent le mono-
théisme, comme un retour à la foi primitive de Tlnde^ bien qu'il n'en
soit nullement question dans leurs livres sacrés par excellence, les
védas. C'est ainsi que nous vimes, vers les premier et deuxième siècles
de notre ère, certaines sectes,celle des gnostiques, par exemple, tenter
une sorte de compromis entre la religion du Christ et Tidolàtrie. Il en
sera pour Tlnde comme il en a été pour le monde gréco-romain ;
et cet essai de transaction ne peut être considéré que comme le signe
avant coureur de la victoire du christianisme.
Ce compte rendu permettra de juger de l'intérêt présenté par le
livre de M. Garcin de Tassy. Parmi les publications orientales récentes,
il en est peu qui nous semblent autant de nature à être goûtées et
appréciées du public. H. db Charbngby.
HISTOIRE
L.*B«pagne« Aplendeups et misères» Voyage oxiUHqw et pitio-
resgiM, par P. L. Imbeert. Illustrations d'Alexandre Prévost. Paris, Pion,
i875. Id-12 de 384 p. — Prix : 4 te.
A ce titre, on pourrait croire que le volume de M. Imbert contient
ce qu'on n'y trouve pas. L'auteur n'a pas voulu, comme M. de la Borde
et comme M. Oermon de Lavigne, écrire un itinéraire ; il n'a pas
cherché, comme Dumas, dans ses Impressions de voyage de Paris à
CadiXy à divertir ses lecteurs par les procédés habituels aux roman-
ciers; comme MM. Teste et Fr. Maguard, comme M. Cherbuliez
ensuite, il n'a pas tenté d'examiner l'Espagne à un point de vue poli-
tique. Il s'est rappelé un peu plus, peut-être. Th. Gautier et les écla-
tants tableaux de Tra lo$ Montes; il s'est rappelé un peu plus encore
la manière de M. Taine dans son Excursion aux Pyrénées, M. Imbert
n'étudie l'Espagne ni en historien, ni en littérateur, ni même en
artiste ; les événements du passé, les poëtes Toccupent peu, les arts ne
le frappent pas très-vivement, et ses descriptions de musées et de
tableaux n'apprendront rien à personne. M. Imbert a tâché de repro-
duire surtout ce qu'il avait sons les jeux, cela fûi-il d'un intérêt
médiocre, cela ne servtt-il qu'à montrer l'habileté de l'écrivain. Là,
il a souvent réussi, et son volume, comme esquisse de paysages et de
— 237 —
lûœurs, a de la vérité et du charme. On le lit avec plaisir, comme Ton
placerait dans un stéréoscope une série de photographies^ seulement,
rœil se fatigue de cet exercice, et l'esprit se fatiguerait d'une lecture
trop suivie du livre de M. Imbert; mais quitté et repris, je le répète,
il distrait, il plaît, il donne quelque chose des émotions de voyage, et
cela n'est pas un petit mérite. Que toutes les anecdotes que raconte
M. Imbert soient espagnoles, nous en doutons ; on trouve à la page 58,
sous le titre : VFuêque et le Barbier, une petite histoire qui traîne dans
les anas de tous les pays. Souvent M. Imbert, dans son désir de trop
peindre, emploie des comparaisons plus que bizarres; ainsi, en parlant
d'une vieille église : o Les ouvertures^ dit-il, en sont éraillées comme
les yeux d'une vieille fille, les murs atteints d'une colique de pierres,
se tiennent debout par je ne sais quel prodige. » Ailleurs, il trouve
qu'en s'avançant dans le lit desséché d'une rivière, tt on croirait, dans
de certains endroits, marcher sur un immense morceau de lard durci. »
Le volume de M. Imbert est illustré de seize dessins de M. Al. Prévost,
son compagnon de voyàjge. Ils ont du mouvement, ils semblent bien
pris sur le fait, mais ils n'ont pas, sans doute, été reproduits aussi
heureusement que le peintre l'eût désiré. Th. P.
Histoire ancienne de» peuples de POrlent, par G. Maspero,
professeur de langue et d'archéologie égyptiennes an Collège de France.
Ouvrage contenant neuf cartes et quelques spécimens des écritures hiéro-
glyphiques et cunéiformes. Paris, Hachette, 1875. In-12 de 608 p. —
Prix : o fr.
Anolent BUstory from the nfonuments. Published under the
Direction of the Committeeof gênerai literature and Education, appointed
bythe Society for promoting Christian Knowledge: i. Egypt from the
eifrUest Tîmes, to B. C 300, by S. Bibch, L. L. D. ; — 2. Assyriat from the
earîiest Times to tke Fall of Ninevehf by Georges SiUTB^of the Département
of oriental Antiquities, Bristish Muséum; — 3. Fersia from the earîiest
Period to the arab Conquesty by W. S. W. Vaux, M. A., F. R. S. Londres,
Society for promoting Christian Knowledge. 3 vol. in-18 de xxii-192, 192
et 192 p. — Prix : 2 fr. 60 le vol.
Le successeur de M. de Rougé dans la chaire d^archéologie égyp-
tienne au Collège de France, M. Maspero, vient de publier une His*
toire ancienne des peuples de f Orient , remarquable à bien des titres. Par
malheur, il est loin d'avoir l'esprit chrétien qui animait son maltre,et^
tout en reconnaissant le mérite exceptionnel de son travail, nous
sommes obligés de faire les plus graves réserves au nomde la critique
religieuse. ^
Son histoire est divisée en cinq livres, comprenant chacun une des
grandes phases de la vie des peuples orientaux. Le premier étudie
rÉgypte jusqu'à Tinvasion des pasteurs; le second, l'Asie avant et
pendant le temps de la domination égyptienne ; le troisième, Tempire
— 238 —
assyrien et le monde oriental jusqu^à Tavénement des Sargonides ; le
quatrième, les Sargonides et le monde oriental jusqu'à ravénement
de Kjros (Cyrus); le cinquième, Tempire perse. Le dernier chapitre
est consacré à récriture : aux procédés employés dans la formation des
écritures antiques» en particulier de récriture cunéiforme et hiéro-
glyphique, hiératique et démotique ; à Torigine de Falphabet phénicien
et de ses dérivés ariens. Neuf cartes, malgré des lacunes quelque-
fois considérables, permettent de suivre, sur les lieux, la marche
générale des événements racontés. Tous les faits sont étudiés avec
beaucoup de soin ; les sources originales sont souvent citées dans une
traduction française. La compétence de rautenr,en tout ce qui touche
à rÉgypte, est incontestable. Pour ce qui concerne TAssyrie, il a ana*
lysé soigneusement tous les travaux de MM. Oppert, Lenormant,
Schrader, Menant, G. Rawlinson. Il a suivi M. Schrader sur cer-
tains points où il aurait mieux fait de l'abandonner. Le plus grand
mérite de son travail consiste cependant à présenter, dans un seul
tableau, Thistoire de tous les peuples d'Orient. Les historiens qui Tout
précédé, M. Georges Rawlinson, M. François Lenormant ont raconté
séparément l'histoire des nations diverses de l'antique Orient.
M. Maspero nous les présente jouant leur rôle dans ce grand drame
de la civilisation antique ; il ne les fait pas paraître isolément, mais
elles se montrent à nous à la fois, lorsqu'elles se sont rencontrées en
effet sur le théâtre des événements. Le récit est ainsi plus vivant, et
surtout l'ensemble des faits et leur enchaînement apparaissent d'une
manière plus claire et plus saisissante.
Nous avons maintenant à adresser k M. Maspero quelques légères
critiques et un reproche grave. Il se moque, p. 838, « des raffifés de
Thèbes et de Memphis qui trouvaient autant de plaisir à sémitiier que
nos contemporains à semer le français de mots anglais mal prononcés.»
Pourquoi alors tourmenter certains noms propres comme il l'a fait?
Pourquoi surtout les écrire dans notre langue avec l'orthographe
anglaise? Pourquoi appeler le prophète Isaïe Éiate (p*d77) et ailleurs
Jésaiah (p. 896), lorsque aucune de ces formes ne représente exacte-
ment la forme originsde hébraïque? Pourquoi aussi défigurer le nom si
connu de Cyrus en Kyros, qui est la forme grecque mais non la forme
perse du nom du grand roi ? Un pareil système ne peut que produire la
confusion et être une source d'embarras pour les lecteurs. Que l'on
donne aux noms propres leur orthographe originale, soit,mais que Ton
s'y tienne.
Un reproche beaucoup plus grave que l'on doit faire à V Histoire
ancienne des peuples de COrient, reproche que nous avons déjà indiqué,
c'est qu'elle est tout imprégnée de rationalisme. La Bible est traitée
comme la traitent les incrédules d'en- deçà et d'au-delà du Rhin. Pour
— 230 —
M. Maapero, le surnaturel n* existe pas, ety dans certains passages, il
parle de Dieu sur un tel ton que Ton se demande s'il croit à son exis-
tence (p. 317, 319, etc.). C'est assez prévenir les parents chrétiens
que ce livre, qni fait partie de la collection Duruj, n'est pas à mettre
entre les mains des jeunes gens.
— Les trois volumes d'Histoire ancienne i après les monuments, publiés
par la Société pour le développement de t instruction chrétienne^ racontent
les mêmes événements que le volume de M. Maspero, à l'exception des
événements bibliques; mais chacun d'eux est consacré exclusivement
à un seul peuple. La rédaction en a été confiée à des hommes spéciaux,
d'un mérite et d'une science reconnus. M. Birch et M. G. Smith sont
célèbres, même en France, le premier comme égjptologue, le second
comme assyriologue. V Egypte de M. S. Birch, s'ouvre par une intro-
duction où sont traitées toutes les questions générales d'origine, de
religion, d'administration, de mœurs. Les faits sont racontés en quatre
chapitres, dont le premier comprend l'ancien empire ou les six pre-
mières dynasties; le second, le moyen empire ou de la septième à la
dix-huitième dynastie ; le troisième, le nouvel empire, depuis la dix-
hoitième jusqu'à la vingtième dynastie; le quatrième, depuis la ving-
tième dynastie jusqu'à la conquête de l'Egypte par Alexandre le
Grand. L'histoire ùl Assyrie est moins bien divisée. Elle est partagée
en seize chapitres, consacrés, pour la plupart, à l'histoire particulière
d'un roi assyrien. Cette division ne permet pas de voir, du premier
coup d'œil, les grandes lignes de l'histoire assyrienne. On peut faire
un reproche à peu près semblable à l'htstoire de la Perse^ au moins
pour les premiers chapitres. Lesqoatre premiers s'occupent des Aché-
ménides, le cinquième, des Arsacides et le sixième, des Sassanides.
Le chapitre troisième n'est que l'analyse du livre de Daniel.
l^' Egypte i l'Assyrie^ la Perse sont trois résumés remarquables qu'on
ne saurait trop recommander. Les auteurs ont su condenser, dans
quelques pages, tout ce que les récentes découvertes archéologiques
nous ont révélé de plus utile et de plus intéressant sur ces pays.
Personne n'était mieux préparé qu'eux à cette œuvre de vulgarisation.
Rien de ce qui concerne la terre des Pharaons n'est étranger à
M. S. Birch. M. Smith vit, au British Muséum, au milieu de l'ancienne
bibliothèque de Ninive ; il a fait deux voyages en Mésopotamie, il a
publié V Histoire à'Assurbanipaly les Découvertes assyriennes et un grand
nombre d'articles sur l'histoire de l'Assyrie, dans les revues et les
journaux anglais et dans la Zeitschrift de Lepsîus. Il n'a donc eu
qu'à abréger ses propres travaux et à faire connaître, en partie, ses
propres découvertes pour écrire son Assyrie. L'épigraphie n'a pas jeté
autant de lumière sur l'histoire de la Perse que sur celle du bassin de
de l'Euphrate et du Tigre et sur celle de la vallée du Nil. Les inscrip-
— 240 —
lions perses sont cependant encore nombreuses et fort importantes,
et M. Vaax les a bien mises à profit.
Ces trois publications sont ornées d'illustrations sur bois, repré-
sentant des œuvres d*art et des monuments originaux ou des inscrip-
tions. Elles parlent aux jeux des lecteurs, et lui en disent bien plus que
des pages entières de descriptions. Il est seulement à regretter que
chaque volume ne soit pas accompagné d*une carte du pays.
G. K.
Dictionnaire pratique de Tantlqulté, par Patrice Ghâovièbe.
Paris, Casimir Pont, 1875. In-12 de 493 p. — Prix : 2 fr.
Je commencerai par adresser un reproche à l'auteur de cet ouvrage,
c*est d'avoir voulu faire un dictionnaire d'antiquités sans la moindre
figure ; mettre quelques représentations sous les jeux de ses lecteurs
était le seul moyen de justifier son titre de dictionnaire pratique. La
connaissance des monuments, leur interprétation, Tétude de Tarchéo-
logie figurée sont ai:gourd*hui si indispensables aux amateurs de Tanti-
quité qu*il est permis d'affirmer qu'on ne peut approfondir la vie, les
mœurs, les usages et les coutumes des anciens sans avoir sans cesse
sous les yeux les représentations qu'ils nous ont laissées. Il est néces-
saire de connaître les textes des auteurs : mais combien de passages
seraient restés pour nous obscurs, si nous n'avions pas eu des monu-
ments pour leur servir de commentaires ; et, réciproquement, combien
de monuments en tous genres n'auraient pour nous qu'une significa-
tion très-vague^ si un petit texte, un court passage, un mot quelque-
fois n'étaient venus nous aider à leur donner un sens précis et clair, à
en déterminer l'usage. Si on veut expliquer ce que c'est qu'ui^ cratère,
on le fait bien mieux comprendre en en plaçant l'image devant le lec-
teur qu'en lui citant les plus beaux vers d'Homère et de Virgile !
M. P. Ghauvière en est encore à l'ouvrage de Montchablon, qui lui a
servi de base pour rédiger ses articles; et cependant, il doit reconnaître
que^ depuis cent quinze ans, l'archéologie a fait quelques progrés.
Sans parler des livres spéciaux de Krause, du résumé d'Hermann pour
la Grèce, de celui de Becker etMarquart pour Rome, de la RealEncy-
chpédie, etc., il eût trouvé, dans le manuel si connu d'Antony Rich,
un meilleur modèle à suivre et souvent à corriger sur beaucoup de
points. Un grand nombre de mots manquent dans son dictionnaire,
même parmi ceux dont l'usage est le plus fréquent et que les gens du
monde rencontrent dans leurs lectures de chaque jour. On y cherche-
rait en vain les termes, acropole, pétasCy rouelle, stratég€,portorium, etc.
Les notions de l'auteur sur l'administration romaine laissent aussi à
désirer : au mot legatus, par exemple, on voudrait trouver l'explica-
— 241 —
tion du terme legalus Auguêtipro prœlore; au mot légion, on serait fort
aise de rencontrer la liste exacte des légions avec les surnoms qu'elles
portaient et l'indication de leurs ^iKir^iers habituels. Ces renseignements
font absolument défaut. Les articles consacrés aux proconsuls et aux
procurateurs ne contiennent rien de précis sur ces fonctionnaires, dont
il est si important de définir nettement le rôle et les attributions. Dion
Gassius nous a pourtant laissé des détails très-clairs sur le système
d'administration des provinces impériales inauguré par la célèbre
constitution d'Auguste de Tan 727, et les renseignements qu*il nous a
transmis sont confirmés chaque jour par Tétude des monuments épi-
graphiques. Puisque je parle de Tépigraphie, la partie la plus neuve de
ce petit manuel serait peut-être les listes d'abréviations que l'auteur
donne à propos de chacune des lettres de Talphabet^ s'il n'avait pas
confondu les abréviations fournies par les médailles avec celles qu'on
rencontre dans les textes lapidaires romains. Les premières ne sont
soumises à aucunes règles fixes; les secondes^ au contraire, sont les
mêmes pour la même époque à Rome et dans les autres provinces de
l'empire. Et parmi ces dernières les unes sont immuables, notammentles
abréviations des prénoms ou des noms de dignités ; les autres sont
purement accidentelles, et il est dangereux de les citer dans un dic-
tionnaire. En somme l'antiquité, pour devenir familière aux gens du
monde, et je crois que ce petit manuel s'adresse à eux spécialement,
aurait besoin d'un apôtre, je ne dirai pas plus convaincu que M. Chau-
vitee^ mais mieux préparé à la tâche difficile qu'il a entreprise.
Antoine Héron db Villbfossb.
Eie Pseudo-Synode connu dans l*lit»tolre ftons le nom de
Bri^andagpe d'Ephèse, étudié d'après ses actes retrouvas en syriaque,
par H. Tabbé Martin, chapelain de Sainte-Geneviève. Paris, Maisonneuve,
1875. ln-8 de xxi-214 p. — Prix : 4 fr.
Le conciliabule que le pape saint Léon et Thistoire, après lui, ont
flétri du nom mérité de Brigandage d*Éphèse, a été jusqu'à ces der-
niers temps, malgré sa grande importance, emveloppéd'obscurité.Tout
n'est pas encore parfaitement clair aujourd'hui, mais beaucoup de
nuages ont été dissipés, grâce à la publication des actes syriaques du
Pseudo-Synode d'Ephèse, trouvés au couvent de Nitrie et conservés
aujourd'hui au British Muséum. M. G. Hoffmann en a donné une tra-
duction allemande, et M. Martin une traduction française, pendant que
M. G. Parry travaille, à Londres, à la publication du texte en même
temps qu'à une traduction anglaise. Les actes du Brigandage d'Ephèse
n^étaient que très-imparfaitement connus par le concile de CalcédoinCf
Ils ne le sont pas encore complètement par la version syriaque, car le
manuscrit a malheureusement souffert des ravages du temps, et, de
Septembre 1875. T. XIV, 16.
— 244 —
site parfois un sarcroit d'attention de la part da lectear, en s* étendant
sar des sigets qui, par leur nature même, ne sont pas toujours aisément
accessibles. Th. de Puymaiorb.
Étude» sur les temps primitifs de l'ordre de Saint-Domi-
nique, par le R. P. Amtonin Danzas. Tome QI. Poitiers, Oudin, 1875.
In-8 de xvi-520 p. — Prix : 6 fr.
Le P. Danzas vient de publier le troisième volume de l'intéressant
ouvrage dont nous avons naguère signalé à nos lecteurs (t. XII,
p. 275) la première partie. Au lieu de suivre, dans son exposé, la
méthode chronologique, qui semble plus naturelle et qui est plus
accessible à tous les esprits, Fauteur a cru devoir adopter la méthode
syntéthique. Après avoir successivement traité de la vie religieuse et
monastique, de la vie doctrinale et de la vie apostolique, le savant
historien aborde, dans le volume qui nous occupe, la question du gou-
vernement de Tordre. Si Ton trouve, à la base, des institutions
libérales^ il faut avouer qu'elles ne sont pas sans contre -poids au
sommet, et Ton reconnaît bien la vérité de la définition qu* Albert le
Grand donna du pouvoir souverain: Est totasimulin unostanspotesCas..,
stans et non nutans : une puissance stable réunissant dans les mains
d'un seul tous les attributs souverains... stable et ne vacillant pas.
Cependant, à côté du pouvoir exécutif, se trouve une autorité qui
délibère : c'est le chapitre, dont la constitution est appliquée d'une
façon aussi exacte qu'intéressante.
A la suite de l'exposé d'ensemble du système de gouvernement
adopté par les saints fondateurs, le P. Danzas entre dans les détails
spéciaux à la discipline monastique et religieuse, à la discipline
scolaire et à la vie apostolique.il aborde ensuite Tétude des privilèges
de l'ordre, dont le principal était l'exemption. Les luttes engagées pour
la défense des immunités furent aussi longues que difficiles: elles
éclatèrent dans toute leur effervescence vers le milieu du treizième
siècle; mais elles se prolongèrent bien au* delà, et il est intéressant
d'en suivre les détails et les alternatives.
Le volume se termine par deux chapitres intitulés : l'ordre de Saint-
Dominique et l'Empire; l'ordre de Saint-Dominique et la France, que
suit une longue et intéressante étude sur les doctrines de l'ordre relati-
vement aux rapports entre les deux puissances. Il serait difficile de
suivre l'auteur dans les développements qu'il donne sur ce point, et
plus difficile encore de se prononcer sur la valeur de l'hypothèse qui
forme, en quelque sorte, la conclusion du volume. a L'absolutisme, dit le
P. Danzas, a pris la place de la royauté de Jésus-Christ, en attendant
qu'il cède le sceptre à la Révolution. Serait-ce cet avenir, alors si
lointain, aujourd'hui si présent, qu'avait entrevu Hugues de Saint-
— 243 —
but de vulgarisation, M. Pidal y Mon ne s^est pas cru permis, comme
cela arrive trop sonvent en pareille occorence, de coordonner des
redites. En s'aidant, ainsi que c'était son droit, .du labeur de ses nom-
breux devanciers, il a tenu à examiner par lui-même le sujet si impor-
tant qu'il voulait mettre à la portée de tous les lecteurs, et a réussi, dans
un nombre de pages relativement restreint, à bien raconter la vie et
à exposer suffisamment la doctrine du puissant théologien. M. Pidal j
Mon a divisé son livre en dix parties : — Vie de saint Thomas ; —
histoire de ses reliques; — ses œuvres; — sa doctrine ; — ses dis-
ciples; — son siècle; — Tordre fondé par lui; — sa mission; — les
éloges qui furent faits de lui, les honneurs qui lui furent rendus ; — sa
bibliographie, son iconographie. — Tout est, pour ainsi dire, intéres-
sant dans ce livre ; mais les deux chapitres qui nous ont le plus frappé
sont celui qui renferme Tanaljse des œuvres de saint Thomas et celui
qui contient des considérations sur sa mission, mission qui se continue
encore aujourd'hui. Le premier de ces chapitres cause une réelle admi-
ration par la lumière que saint Thomas a projetée sur tant de questions
ardues et obscures. Il j a là, en-dehors même des problèmes théo-
logiques ou philosophiques, des déûnitions d'une netteté surprenante,
et l'on est émerveillé de la justesse avec laquelle le docteur angélique
se prononce sur les diverses formes de gouvernement. Les inconvé-
nients de la monarchie absolue se corrompant si facilement en tyran-
nie, les dangers de la République si portée à dégénérer en anarchie,
les avantages d'une combinaison mixte, de ce que nous appellerions
aigourd*hui une royauté constitutionnelle, ont été remarquablement
exposés par saint Thomas : a Toutes les grandes questions théolo-
giques, philosophiques, politiques, sociales, économiques de notre
temps ont été, dit l'écrivain espagnol, traitées d'une manière émi-
nente par saint Thomas. Le panthéisme idéaliste, le matérialisme posi-
tiviste, le socialisme, l'individualisme, la morale indépendante, les
fondements de la légitimité des pouvoirs, leur division, leur distinc-
tion, les principes économistes, les règles du travail, le droit de pro-
priété, enfin tout ce qui constitue l'essence de la polémique contem-
poraine, trouve là une réponse ou une solution, une indication ou une
direction, des limites ou des développements. »
Nous sommes obligé d'abréger le passage enthousiaste d'où nous
extrayons ces lignes, passage écrit, comme beaucoup d'autres de ce
volume, d'un style trop déclamatoire. Pour les méridionaux, U est dif-
ficile de ne pas chercher la phrase brillantée, ou plutôt de ne pas la
trouver sans même la chercher. Leur imagination ardente, leur idiome
sonore et hyperbolique les poussent hors de la simplicité et de la pré-
cision. M. Pidal y Mon n'a pas toujours assez résisté à des entraîne-
ments de cette espèce ; son langage, trop solennel, trop imagé, néces-
- 246 —
NouR anrionfl aimé pourtant à voir figurer, parmi les docoments con-
ceroant le 18 fructidor, V Histoire du chevalier de La Rue. Le aecond
volume se termine parun appendice de pièces relatives, pour la plupart,
au 31 mai et au 2 juin. Nous avouons ne pas bien comprendre les raisons
qui ont empêché M. de Lescure de classer ces journées parmi les jour-
nées révolutionnaires ; et le soin même qu'il a pris de donner des
fragments de Dulaure et de Lanjuinais, qui racontent la proscription
des Girondins, nous semble prouver qu'il n'a exclu qu'à regret ce grand
drame révolutionnaire de son programme. Nous regrettons encore
qu'il ait été si sobre de détails pour la journée du 13 vendémiaire, et
muet sur celles du 12 germinal et du 1*' prairial.
La nouvelle série s'augmentera bientôt, nous l'espérons, des mé-
moires annoncés sur les Assemblées politiques de la Révolution, sur les
Comités révolutionnaires^ sur les Procès célèbreSy sur la F!end^,sur VÉmi-
gration. Nous souhaitons vivement que les volumes promis^ tout en
nous apportant des documents inédits, puisent largement aussi dans
les documents déjà connus, et les reproduisent, autant que possible,
intégralement. Les éditions de 1823 et de 1825 sont devenues presque
introuvables. La grande collection Baudouin des Mémoires sur la
Révolution, est très-chère et ne se rencontre plus que très-difficile-
ment. Pourquoi ne la réimprimerait-on pas, en l'augmentant des prin-
cipaux documents livrés depuis au public ? Il appartiendrait à un
érudit, comme M. de Lescure, et à un éditeur, comme M. Didot^ de
tenter cette entreprise, et nous sommes convaincus qu'entre leurs
mains, elle réussirait. Maxime de la Rochbtbrib.
IVapoléon !«' et le rot JjauMm, d*aprés les documents conservés aux Ar^
chives nationcdes, par Félix Rocquâin. Paris, Didot, 1875. Grand in-8 de
cxxviii-338 p. — Prix : 9 fr.
On connaissait, depuis longtemps les querelles de Napoléon P' et
et de son frère, le roi de Hollande ; on n'en connaissait point les do-
cuments authentiques. En 1820, Louis avait publié quelques pièces
que Napoléon s'était empressé, sans les avoir lues probablement, de
traiter de « libelle. » En 1868, un écrivain hollandais, M. Théodore
Jorrîssen, avait imprimé, dans une brochure sur Napoléon P' et le roi
de Hollande, sept lettres conservées dans les archives de Hollande.
Mais la plus grande partie de ces documents appartenaient aux archives
de France, et ceux-là étaient restés secrets. En publiant la fameuse
correspondance de Napoléon, le gouvernement impérial avait sup-
primé ou tronqué plusieurs des lettres de Napoléon à Louis, et s'était
bien gardé de donner les lettres de Louis à Napoléon. C'est cette
lacune qu'est venu combler M. Rocquâin, dans un beau volume imprimé
— 247 —
ohez Didot. Gomme pour son intéressant ouvrage sur tÉtai de la
France au 18 brumairey M. Rocqnain a fait précéder les pièces
' officielles d'une étude approfondie sur ces pièces. Il j établit, de la
façon la plus nette et la plus impartiale, l'antagonisme des deux
frères, antagonisme qui se révèle, en quelque sorte^ dès le premier
jour.* Louis prend son rèle de souverain au sérieux; devenant roi de
Hollande^ il adopte son peuple et les intérêts de son peuple ; il se fait
Hollandais en quelque sorte. Ce n'est point ainsi que Ta entendu
Napoléon. En donnant un trône à son frère, il n'a nullement voulu
rétablir indépendant : il prétend faire de lui moins un souverain qu'un
serviteur fidèle, moins un roi de Hollande qu'un préfet français, exé-
cuteur scrupuleux des volontés du puissant empereur d'Occident. Peu
importe que le blocus continental ruine le commerce de la Hollande;
peu importe que ce petit pays ait ses finances épuisées et sa popula-
tion misérable. La Hollande doit fermer ses ports aux marchandises
anglaises, et entretenir, moins pour sa défense que pour celle de l'em*
pire, une armée qui la ruine. En vain, Louis proteste, supplie, implore ;
il n'obtient rien que des reproches et de nouvelles rigueurs. Napoléon
en vient même à interdire en France l'entrée des denrées hollandaises,
achevant ainsi de porter le dernier coup au commerce de ce malheu-
reux pajs, jadis si florissant. On est véritablement tenté de croire, et
M. Rocquain d'ailleurs le soupçonne, que Napoléon veut pousser à
bout son frère ; pour trouver dans son abdication un prétexte d'an-
nexer purement et simplement la Hollande. C'est ce qui arriva en
effet, après des négociations et des discussions où le caractère de Louis
rêvât une réelle grandeur, et où celui de Napoléon apparaît plus tj-
rannique et plus faux que jamais. Louis, en renonçant à la couronne,
quitte furtivement la Hollande pour n'être point arrêté par la police
impériale, et Napoléon déclare la Hollande réunie à l'empire français.
En contemplant de si près lesmjstères de la politique impériale, on
voit tout de suite où devaient fatalement aboutir ces violences et ce
despotisme. M. Félix Rocquain a rendu un nouveau service à ceux
qui ne veulent dans l'histoire que la vérité. Son livre sur VÉtat de la
France ou 18 brumaire avait singulièrement entamé la légende
républicaine ; son volume sur Napoléon et le roi Louis ne contribuera
pas peu à détruire le prestige de l'Empire. M. db la Roohbtbrie.
l^aOuerre au Jour le Jour» 19TO-19Tl« suivie de considérations
sur les causes de nos désasfreSj par le baron A. du Casse. Paris, J. Dumaine,
1875. In-8 de 437 p. — Prix : 6 francs.
Cet ouvrage, qui a paru d'abord dans le Spectateur militaire^ échappe
un peu à l'analyse, en raison de sa forme môme. C'est un tableau et jour
par jour d de tous les faits qui, sur divers théâtres, se sont passés
— 218 —
dorant la dernière guerre . On se perd un peu dans cette longue suite
de reoherohes trop décousues, qui, étant le simple résumé de tons les
travaux publiés en France et en Allemagne, ne peuvent évidemment
rien apprendre de très-nouveau. Les quatre-vingts dernières pages sont
plus personnelles et attirent mieux l'attention. Ce sont des considéra-
tions sur les causes de nos désastres, dont beaucoup sont aussi justes
que sévères. La part de la nation et celle dç ceux qui la dirigeaient est
faite par M. du Casse avec une rigueur toute militaire. Selon lui,
Napoléon III ne devait pas se mêler de commander en chef, quand il
avait été prouvé^ lors de la campagne d'Italie, qu'il a ne savait pas
faire la guerre. » Et, quant à nous, « Tordre, la méthode^ Tintelli-
gence, l'étude sérieuse et prolongée, la discipline inflexible et acceptée
de tous, $ur la rive droite du Rhin; le désordre, la présomption, le
défaut d'étude, la vantardise et la tendance à Tindiscipline, sur lame
gauche du fleuve, t nous donnaient une infériorité dont nous devions
forcément être victimes. G. B. db P.
Histoire du traité de Prancrort et de la libération du
territoire fk^nçals» par J. Valpbby. Deuxième partie. Paris, Âmyot,
4875. In-8 de 271 p. — Prix : 6 fr.
M. Yalfrej vient de terminer Tintéressante série d'études historiques
qu'il a consacrées aux négociations diplomatiques et aux traités de
paix nécessités par la dernière guerre entre la France et la Prusse. Le
volume qu'il publie est le cinquième (voir pour les précédents, t. YII,
p. 151, et t. XII, p. 34) ; et les matières traitées s'étendent entre le
12 octobre 1871 et le 5 septembre 1873. Trois milliards sont encore à
payer; il s'agit de les trouver, et l'appel au crédit public ayant dépassé
toutes les espérances, de profiter de ce succès pour hâter la libération
définitive du territoire. C'est la fin de l'œuvre de M. Thiers, c'est en
même temps la fin de son pouvoir. M. Yalfrej trouvera donc ainsi
l'occasion de faire plus d'une fois excursion dans la politique propre-
ment dite, ou plutôt, ramenant tout à son siget, il nous exposera l'opi-
nion des divers cabinets européens sur les événements qui se sont
accomplis en France durant cette période. C'est la partie la plus nou-
velle et la plus piquante de son ouvrage, car, pour le détail des négo-
ciations avec la Prusse, il ne donne guère que les documents et les
informations qui se trouvent dans toutes les mains et que les journaux
du temps ont déjà reproduits.
Ainsi on n'a pas compris, paraît-il, à l'étranger^ où l'on est peu au
fait de nos passions et de nos rancunes de parti, comment^ après les
services rendus par M. Thiers^ après le succès de l'emprunt de 1872,
la droite conservatrice, au lieu « de l'entourer, de le retenir, » choisit
ce moment pour « entrer en lutte » avec le chef de l'État qu'elle avait
— 249 —
choisi, • s'engageant dans un conflit où l'opinion ne suivrait pas les
députés et prendrait, au contraire, fait et cause contre la représenta-
tion nationale et pour le pouvoir exécutif, qui s'afârmait par des actes
et des résultats, a De là, Tunion de plus en plus intime de M. Thiers
avec la gauche et la révolution parlementaire du 24 mai 1873. A cette
occasion encore, M. Yalfrey ne dissimule pas Témotion ressentie par
les gouvernements étrangers, la Russie en particulier, et Thahilité avec
laquelle Tltalie exploita, dans son intérêt, d'accord avec celui de la
Prusse, la situation nouvelle. Si hienque M. le duc de Broglie, le prin-
cipal auteur de la chute de M. Thiers, était ohligé, dans une circulaire
aux puissances, d'annoncer qu*il suivrait la même politique étrangère
que le gouvernement précédent. Nous ne comprenons pas seulement
que M. Yalfrej puisse reprocher à M. Thiers de n*avoir pas gardé le
pouvoir au 24 mai, comme la constitution Rivet l'y autorisait; car,
en présence d'une majorité ouvertement hostile, il aurait forcément
perdu tout crédit, toute autorité et tout prestige.
Les autres critiques qu^il adresse à l'ancien président sont plus
justifiées. Ainsi, ses idées économiques et son fatal impôt des matières
premières mécontentaient inutilement l'Angleterre. Puis, son dessein
arrêté d'empêcher la constitution d'un gouvernement définitif rendit
impossible pour la France les négociations d'alliances à longue durée
capables de neutraliser l'entente que les trois empereurs du Nord con-
clurent à Berlin en 1872. Mais n'est-ce pas beaucoup dire que de
prétendre que M. Thiers s'est cru l'homme nécessaire de la France ; —
qu'il a voulu arrêter sur sa tête les destinées du pays ; — qu'au lende-
main de la paix de Francfort, il a réalisé l'idéal de gouvernement que
nous souhaitait la Prusse victorieuse?... » Il faut être plus juste, même
contre des adversaires politiques, surtout, lorsqu'ils sont tombés. Et,
si nous avons relevé ce que ces appréciations avaient d'exagéré, c'est
qu'il nous a semblé que les opinions de M. Yalfrey s'étaient singu-
lièrement accentuées à mesure qu'il avançait dans la confection de son
ouvrage, et qu'il a plus d'une fois abandonné cette modération vrai-
ment digne de la grande histoire que nous avons été heureux de consta-
ter dans ses premiers volumes. Gustavb Baqubnault de Puchbssb.
La Question d*Orleiit, précédée du Conflit gréco-bulgare^ Alençon,
Ch. Thomas; Paris, Douniol, 4875. In-42 de xxix-i99 p. — Prix : 2 fr.
Il j a beaucoup de choses dans ce livre ; je dirai même qu'on y a
mis trop de choses pour qu'il en ressorte des idées bien nettes. Voici
d'abord un mémoire, déjà connu , sur la question arménienne. Vien-
nent ensuite : La question bulgare; — Origine du schisme d'Orient et
causes de sa durée ; — Moyens de convertir les musulmans ; — Avenir
de la Cjrénaïque ; — Avenir de la mission des chrétiens du Liban et
de la Sjrrie \ — Moyens d'avancer le retour de la Russie à l'unité
— 250 -
catholique, etc. Je sais que tout cela se tient; mais ce n'est pas assez
lié dans la compilation qui nous occupe. Est-ce à dire qu'on ne doive
pas s'jr intéresser ou qu'on n'y puisse apprendre beaucoup? Non: il j a
du bon et du vrai dans les idées sur lesquelles on s'appuie, et qui
émanent principalement du R. P. Gagarin, de Fabbé Bourgade, de
M. de Bertou,de M. François Lenormant^ etc. L'auteur en tire un
utile parti. Ainsi, il a raison de plaider la cause des Grecs, contre les
ignorances ou les préjugés de TOccident. En rappelant que beaucoup
de Grecs sont venus combattre dans nos rangs en 1870, il fait acte de
justice ; mais il aurait dû mentionner que le même mouvement s'est
manifesté aussi en Valachie, tandis que les Turcs faisaient étalage
de leurs sympathies prussiennes.
Arrivant à parler de l'attitude des puissances chrétiennes, et,
en particulier^ de la France, notre auteur insiste avec beaucoup
d'a-propos sur la nécessité de rompre avec une politique qui
ferait de nous les suppôts de l'islamisme et les soutiens de la
révolution; mais, sur le terrain des solutions pratiques, il aurait
fallu apporter une connaissance plus exacte de l'état des choses.
Ainsi, pour le conflit bulgare, les intéressés arrivaient à un arran-
gement, si la Porte n'avait pas exigé que l'exarque bulgare ré-
sidât à Gonstantinople à côté du patriarche grec ; mais il restait
encore à s'entendre sur le partage de certains diocèses où Grecs
et Bulgares sont mêlés, en d'autres termes, sur la question de savoir
si la Thrace et une partie de la Macédoine seront attribuées au
monde hellénique ou au monde slave. [L'auteur de l'ouvrage ne paraît
pas se douter non plus de l'invasion du laïcisme dans toutes les com-
munautés de l'Orient. Je ne sais pas s'il voit bien clairement que
les questions nationales tendent à prendre le pas partout sur les
intérêts religieux, ce qui est une des conséquences du laïcisme.
Dois-je ajouter que je n'ai pas confiance dans les institutions parle-
mentaires proprement dites pour la régénération de l'Orient )
Enfin, en ce qui concerne les Turcs, il y a une certaine candeur à
croire que, par de bons raisonnements, on amènera les hommes im-
portants à prendre en main la cause d'une réforme plus sensée et
plus appropriée que celles qui ont précédé. La Turquie est entrée à
pleines voiles sur la mer orageuse de Farà da st. Qui peut prévoir
par quelle porte elle en sortira? Adolphe d'Avril.
L.e»Orands Hommesde la France. Marins: Du Quesne; TowrvUle;
par Edouard Gœpp, chef de bureau au ministère de l'Instruction publique
et Hbnrt de Mannoury d'Ectot, ancien capitaine au long cours. Paris,
P. Ducrocq, 1875. InH2 de 388 p. — Prix : 4 fr.
Trois hommes ont fait la marine française : Richelieu, Golbert et
Du Quesne. Le dernier fut non-seulement un homme de mer, mais
encore un organisateur habile. Cette double aptitude explique le rAle
— 281 —
important joué par Du Quesne dans le développement de notre puis-
sance navale au dix-septième siècle. — MM. Gœpp et d'Ectot, dans
le livre que nous annonçons, suivent Tordre chronologique pour
Texposé des hauts faits de Ou Quesne et de Tourville. Les événements
sont notés par années, par mois et par jours, ce qui a permis aux
auteurs d'ém ailler leurs récits de quelques extraits des mémoires ou
correspondances du temps. Dangeau, Golbert et Seignelaj, Saint-
Simon et d'autres leur fournissent tour à tour des citations. Les docu-
ments historiques proprement dits sont toigours puisés aux sources les
plus sûres. Le présent volume n'est, au surplus, que la troisième
partie d'un travail d'ensemble publié par M. Gœpp, les Grands Hommes
de la France. — Deux séries de ce travail ont déjà paru (voir t. XIII,
p. 156). Elles sont chacune à leur deuxième édition. — La publi-
cation relative aux marins a été entreprise par M. Gœpp, avec la col-
laboration d'un ancien capitaine au long cours, M. H. de Mannoury
d'Ectot, dont le nom est célèbre dans les fastes maritimes du dix-
septième siècle. Les connaissances pratiques de M. d'Ectot et son
expérience des choses de la mer ont dû être d'un précieux secours
pour la rédaction de la partie technique de l'œuvre. On lira avec inté-
rêt la description des batailles navales. Tout ce qui touche à la com-
position et aux manœuvres des flottes est traité avec une sûreté de
vues qui dénote l'homme du métier.
L'histoire de Du Quesne et de Tourville est l'histoire des guerres
maritimes de Louis XIV : MM. Gœpp et de Mannoury d'Ectot ne sont
pas restés au-dessous d'un pareil sujet. Leur livre est écrit dans un
style simple, clair et méthodique. Il se recommande également par
l'exactitude rigoureuse des faits, par Tabondance et la richesse des
détails. Nous regrettons toutefois que les auteurs aient cru devoir se
borner à une peinture souvent minutieuse des événements, sans les en
visager au point de vue, d'ailleurs si sérieux, de leurs causes et de
leurs résultats. Un examen critique n'eût certes pas été déplacé dans
la biographie de deux hommes qui ont exercé une influence prépondé-
rante sur les destinées de la marine française au dix-septième siècle.
Cette réserve ne nous empêche pas de savoir gré aux auteurs des efforts
consciencieux qu'ils ont faits pour vulgariser l'histoire de nos hommes
célèbres. Les ouvrages de M. Gœpp ont été adoptés par la commission
des bibliothèques scolaires, par la réunion des officiers, pour les biblo-
thèques de l'armée, et honorés de la grande médaille d'honneur de la
Société d'encouragement au bien. — Le livre qui rend hommage aux
vertus et aux talents de Du Quesne et de Tourville mérite d'être
répandu. Tous ceux qui ont quelque souci de la grandeur de la France
y trouveront des enseignements salutaires et de patriotiques^exemples.
Etibnnb Héron de Villkfosse.
.*2S2 -
BULLETIN
Instructions et «conseils adressés anic familles chrétiennes.
Le Mariage; — les Enfanis; — la Famille^ par Mgr Meignan, évéque de Chà*
Ions. Paris, Douniol; Ghàlons, T. Martin, 1875. In-i6 de 218 p. — Prix :
2 fr. 50.
Mgr révoque de Chàlons a voulu, dans ces pages courtes mais substan-
tielles, offrir aux époux chrétiens des enseignements simples et pratiques,
des conseils dictés par le véritable esprit de TEglise, trop souvent oublié ou
méconnu; il leur recommande de les lire et de les méditer avec « la ferme
volonté de confesser la vérité et de la suivre, malgré les préjugés d'aujour-
d'hui. » L'ouvrage est divisé en trois parties. Dans la première, Féminent
auteur examine les conditions constitutionnelles du mariage, son caractère
sacramental, les devoirs mutuels qu'il impose ; dans la seconde, il parle des
fins du mariage, de la stérilité coupable et volontaire et des maux qui en
découlent, de la peur des familles nombreuses, du baptême, des nourrices,
de la mère, première institutrice, du collège et de la pension, de la première-
communion, des devoirs des parents à l'égard de leurs enfants pension-
naires, du jeune étudiant ft Paris, de la jeune fille sortie de pension; dans
la troisième, il passe en revue ce qui est la base du bonheur des familles,
à savoir : la religion, le travail et les vocations, la discipline et l'ordre ;
l'union entre tous les membres de la famille. — Ce rapide aperçu suffit &
montrer l'importance et la variété des sujets abordés. Le livre que nous
annonçons résume, sous une forme brève et saisissante, des instructions et
conseils donnés dans de gros livres qu'on lit peu; il a sa place marquée dans
la bibliothèque de choix des parents chrétiens. G. de B.
Lies Dangers du mariage et les dangers de la flsmllle» par
M. DE MoNTRouL Paris, Larcher, i875. In-42 de 402 p. — Prix : 2 fr. 50.
Le titre ne répond pas à ce qu'on serait tenté d'en attendre. On se demande
si on a sous les yeux l'œuvre d'un célibataire endurci, ou d'un mari désabusé,
prêchant croisade contre le mariage et la famille. La lecture semble donner
raison à la dernière de ces hypothèses. Mais, hàtons-nous de le dire, l'attaque
est sans portée : l'auteur, septuagénaire, a pris soin, dans sa préface,
d'avouer son inexpérience en matière de publications. N'ayant encore rien
livré à la publicité, il a cru néanmoins qu'il ne serait point sans utilité pour
ses semblables de lire le résultat de ses observations, mûries par une longue
expérience. Il réclame de ses lecteurs « une indulgence plénière » pour son
style, auquel il attache beaucoup moins de prix qu'au fond même des idées
qu'il a mises dans son ouvrage, en vue d'apporter c sa petite pierre à la
rectification de l'ordre moral et social. » Le sensualisme, l'égolsme et sur-
tout l'orgueil, trois sources d'où dérivent et découlent, selon l'auteur, tous
les maux de l'humanité ; la feoune, parce qu'elle est la base, le soutien et le
support de la société domestique, — tels sont les sujets d'études qu'il a
choisis. Beaucoup de digressions, quelques redites, et même, à ce que nous
croyons, des personnalités, donnent à ce travail un caractère étrange que
nous n'oserions, par crainte d'être indiscret, attribuer à des souffrances per-
sonnelles à l'auteur. Ainsi, cependant, s'expliqueraient des attaques fort vives
contre l'immixtion des frères et sœurs dans la vie coigugale d'un d'entre eux,
et, ce qui étonne moins, contre l'intervention des belles-mères dans l'intérieur
— 2o3 —
ment choisies et appropriées au sujet traité, apprennent tout ce qu'il
importe de connaître sur les conditions de paix et de bonheur du foyer
domestique. Gh. Lebruiï.
Rénovation soclalo basée aur lea lofa de la nature. —
FhUosophie'reîiQion. Discussions entre Mlle Nina Golovine, à Tâge de treize
ans, et Démétrics Gocbareff, auteur du Testament c(mtemûorain. 2' édition.
Paris, A. Ghio, 1875. In-12 de 229 p. — Prix : 3 fr.
Ami lecteur, si tous êtes de ces curieux qui recueillent les monuments de
la folie ou de la bêtise humaine, ceci est votre fait. Il faut tenir, palper,
lire et relire de tels livres, pour croire & la possibilité de certains cas de
pathologie intellectuelle. Les pages les plus raisonnables du volume sont
celles d'une enfant de treize ans, qui plaide la cause de la foi chrétienne ;
mais le philosophe qui lui répond et prétend la réfuter prend presque toute
la place, pour démolir les Évangiles avec un merveilleux aplomb, sans
ombre de critique sérieuse ou seulement de sens commun. Il mêle à cela
des morceaux de prose sans idée et sans style sur toute sorte de sujets, et
parfois des vers. — Le Testament contemporain, placé à la suite de cette
correspondance, la dépasse encore de beaucoup. On y trouve, sur IDieu,
rhomme et le monde, une philosophie d'estaminet des plus indépendantes.
Les conséquences pratiques sont à l'avenant : « supprimer les mariages
indissolubles et obligatoires à vie ; admettre l'union des deux sexes par
contrats à termes limités, cela dépend de la volonté des contractants, etc. »
A la fin du volume, se trouve une lettre de l'auteur à Pie DC, où les idées du
Testatnent c(mtemporain sont présentées au Souverain Pontife, conmie l'esprit
vierge de Jésus-Ghrist qui parle à la société moderne. » ^gri somma! Mais,
au fond^ c'est à peu près la philosophie courante d'une bonne portion de la
société moderne, dans presque toute l'Europe ! LioNCE Gouture.
I>lea et Patrie. — Vathéisme réfixté par le bon sens et par le patriotisme,
par Ernest Garon, chef d'institution à Paris. Paris, F. Wattelier et G*
1875. In-32 de 70 p. — Prix : 50 cent.
L'auteur de Nos libres-penseurs, Nos vrais sauveurs, la Famille, VEcole, et
de plusieurs autres excellentes brochures de propagande n'a pas encore
publié d'œuvre aussi réussie que celle où il a entrepris de prouver qu'il n'y
a point de patrie sans Dieu. Gett« démonstration, qui n'est pas aussi facile à
faire qu'on serait tenté de le croire, pour un public prévenu et borné du
moins, nous a paru complète. L'excellent petit livre de M. Garon est arrivé
à ce résultat en montrant comment un peuple devient grand, et ce qu'il
devient en se faisant athée. Le tableau que l'auteur a fait de ces deux périodes
dans la vie d'un peuple est vif, excite l'attention et la retient. Nous pensons
que la lecture de cet opuscule pourra profiter à beaucoup. Gh. L.
Obaervatlon» pratiques sur Vapplication de différents articles du
Code pénal en matiéi^e correctionnelle et sur les modijUalions à apporter
au régime des amendes, par G. Gbarles Gasati, juge au tribunal civil de
Lille, docteur en droit, archiviste-paléographe. Pans, Gosse, Marchai, Bil-
lard et G«, 1875. Br. gi-. in 8.
Dans ces observations, qui ont surtout un but pratique et portent sur l'ap-
T
— «2 -.
BULLETIN
Instructions et conseils adressés aaiL femlUes chrétiennes.
Le Mariage; — les Enfants; — la Famille, par Mgr Meionan, évéque de Ch&-
Ions. Paris, Douniol; Ghâlons, T. Martin, 1875. In-16 de 218 p. — Prix :
2 fr. 50.
Mgr rôYéque de Châlons a voulu, dans ces pages courtes mais substan-
tielles, ofirir aux époux chrétiens des enseignements simples et pratiques,
des conseils dictés par le véritable esprit de TEglise, trop souvent oublié ou
méconnu ; il leur recommande de les lire et de les méditer avec u la ferme
volonté de confesser la vérité et de la suivre, malgré les préjugés d'aujour-
d'hui. » L'ouvrage est divisé en trois parties. Dans la première, Téminent
auteur examine les conditions constitutionnelles du mariage, son caractère
sacramental, les devoirs mutuels qu'il impose; dans la seconde, il parle des
fins du mariage, de la stérilité coupable et volontaire et des maux qui en
découlent, de la peur des familles nombreuses, du baptême, des nourrices,
de la mère, première institutrice, du collège et de la pension, de la première-
communion, des devoirs des parents à l'égard de leurs enfants pension-
naires, du jeune étudiant à Paris, de la jeune fille sortie de pension; dans
la troisième, il passe en revue ce qui est la base du bonheur des familles,
à savoir : la religion, le travail et les vocations, la discipline et l'ordre ;
l'union entre tous les membres de la famille. — Ce rapide aperçu suffit à
montrer l'importance et la variété des sujets abordés. Le livre que nous
annonçons résume, sous une forme brève et saisissante, des instructions et
conseils donnés dans de gros livres qu'on lit peu; il a sa place marquée dans
la bibliothèque de choix des parents chrétiens. G. de B.
Lies Dangers du mariage et les dangers de la ftsmlUe» par
M. DE MoNTRouL Paris, Larcher, 1875. In-i2 de 402 p. — Prix : 2 fr. 50.
Le titre ne répond pas à ce qu'on serait tenté d'en attendre. On se demande
si on a sous les yeux l'œuvre d'un célibataire endurci, ou d'un mari désabusé,
prêchant croisade contre le mariage et la famille. La lecture semble donner
raison à la dernière de ces hypothèses. Mais, hâtons-nous de le dire, l'attaque
est sans portée : l'auteur, septuagénaire, a pris soin, dans sa préface,
d'avouer son inexpérience en matière de publications. N'ayant encore rien
livré à la publicité, il a cru néanmoins qu'il ne serait point sans utilité pour
ses semblables de lire le résultat de ses observations, mûries par une longue
expérience. Il réclame de ses lecteurs « une indulgence plénière » pour son
style, auquel il attache beaucoup moins de prix qu'au fond même des idées
qu'il a mises dans son ouvrage, en vue d'apporter c sa petite pierre & la
rectification de l'ordre moral et social. » Le sensualisme, l'égolsme et sur-
tout l'orgueil, trois sources d'où dérivent et découlent, selon l'auteur, tous
les maux de l'humanité ; la femme, parce qu'elle est la base, le soutien et le
support de la société domestique, — tels sont les sujets d'études qu'il a
choisis. Beaucoup de digressions, quelques redites, et même, à ce que nous
croyons, des personnalités, donnent à ce travail un caractère étrange que
nous n'oserions, par crainte d'être indiscret, attribuer à des souffrances per-
sonnelles à l'auteur. Ainsi, cependant, s'expliqueraient des attaques fort vives
contre l'immixtion des frères et sœurs dans la vie conjugale d'un d'entre eux,
et, ce qui étonne moins, contre l'intervention des belles-mères dans l'intérieur
— 2o3 —
(les ménages. En somme, ce Jivre intéressera surtout par les conseils pour
la conduite de la vie tirés de TÉcriture et les vérités et préceptes tirés de
saint Paul, qu'il renferme en grand nombre. Ces maximes, judicieuse-
ment choisies et appropriées au sujet traité, apprennent tout ce qu'il
importe de connaître sur les conditions de paix et de bonheur du foyer
domestique. Ch, Lbbbun.
Rénovation socialo basée aur lea lots de la nature. —
Thilosophie-religion. Discussions entre Mlle Nina Golovine, à Tàge de treize
ans, et DéuÉTRins Gocbareff, auteur du Testament contemporain. 2' édition.
Paris, A. Ghio, 1875. In-12 de 229 p. — Prix : 3 fi?.
Ami lecteur, si vous êtes de ces curieux qui recueillent les monuments de
la folie ou de la bêtise humaine, ceci est votre fait. Il faut tenir, palper,
lire et relire de tels livres, pour croire à la possibilité de certains cas de
pathologie intellectuelle. Les pages les plus raisonnables du volume sont
celles d*une enfant de treize ans, qui plaide la cause de la foi chrétienne;
mais le philosophe qui lui répond et prétend la réfuter prend presque toute
la place, pour démolir les Évangiles avec un merveilleux aplomb, sans
ombre de critique sérieuse ou seulement de sens commun. Il mêle à cela
des morceaux de prose sans idée et sans style sur toute sorte de sijgets, et
parfois des vers. — Le Testament contemporain, placé à la suite de cette
correspondance, la dépasse encore de beaucoup. On y trouve, sur IDieu,
l'honmie et le monde, une philosophie d'estaminet des plus indépendantes.
Les conséquences pratiques sont à Tavenant : « supprimer les mariages
indissolubles et obligatoires à vie ; admettre Tunion des deux sexes par
contrats à termes limités, cela dépend de la volonté des contractants, etc. »
A la fin du volume, se trouve une lettre de l'auteur à Pie IX, où les idées du
Testament contemporain sont présentées an Souverain Pontife, conrnie Tesprit
vierge de Jésus-Christ qui parle à la société moderne. » JEgri sommai Mais,
au fond^ c'est à peu près la philosophie courante d'une bonne portion de la
société moderne, dans presque toute l'Europe ! Léonce Couture.
Dieu et Patrie. — V athéisme réfaié par le bon sens et par le patriotisme,
par Ernest Gabon, chef d'institution à Paris. Paris, F. Wattelier et G*
1875. In-32 de 70 p. — Prix : 50 cent.
L'auteur de Nos libres-penseurs, Nos vrais sauveurs, la Famille, VEcole, et
de plusieurs autres excellentes brochures de propagande n'a pas encore
publié d'œuvre aussi réussie que celle où il a entrepris de prouver qu'il n'y
a point de patrie sans Dieu. Cette démonstration, qui n'est pas aussi facile à
faire qu'on serait tenté de le croire, pour un public prévenu et borné du
moins, nous a paru complète. L'excellent petit livre de M. Caron est arrivé
à ce résultat en montrant comment un peuple devient grand, et ce qu'il
devient en se faisant athée. Le tableau que l'auteur a fait de ces deux périodes
dans la vie d'un peuple est vif, excite l'attention et la retient. Nous pensons
que la lecture de cet opuscule pourra profiter à beaucoup. Ch. L.
Obaervotlons pratiques sur ^application de différents articles du
Code pénal en maiiéi*e correctionnelle et sur les modijicalions à apjporter
au régime des amendes, par G. Charles Gasati, ju^e au tribunal civil do
Lille, docteur en droit, archiviste-paléographe. Pans, Cosse, Marchai, Bil-
lard et C; 1875. Br. gr. in 8.
Dans ces observations, qui ont surtout un but pratique et portent sur l'ap-
— 254 —
piication de différents articles du Code pénal, notamment des articles 463,
423, 433, 408, 406, 153, i62, de la loi du 26 juillet 1873 ; 1 et 2 de la loi da
22 avril 1871, et 2 de la loi du 23 janvier 1873, l'auteur a évité de se lancer
dans les théories générales sur le droit de punir. Il a compris que ces théo-
ries sont un danger et souvent un écueil pour le jurisconsulte, et il s'est
borné à poser en principe que la théorie la plus généralement admise donne
pour fondement au droit de répression la justice absolue et l'utilité sociale,
proportionnant la peine à la fois à la violation de la loi naturelle et au dom-
mage éprouvé par la société. On peut constater avec M. Gasati que les ques-
tions de principe du droit criminel sont un peu négligées depuis le Code
pénal, et s'étonner avec lui, par exemple, au point de vue des mœurs, de ne
voir la sodomie et la bestialité punies qu'à la condition d'être consommées
dans un lieu public, comme outrage à la pudeur (art. 330). La première obser-
vation de l'auteur porte sur le texte même de l'un des plus importants arti-
cles du Code pénal, qui est aussi l'un des plus fréquemment appliqués, l'ar-
ticle 463. Les autres portent sur le taux des amendes, et spécialement sur
l'art. 423, complété par les art. 1 et 2 de la loi du 27 mars 1851 . Enfm, des
réflexions sur l'application de la loi du 22 avril 1871, qui se trouve modifier
un certain nombre d'articles du Code pénal et soumet au jury un grand nom-
bre de délits attribués jusque-là à la juridiction des tribunaux correctionnels,
terminent les importantes observations qu'un magistrat de savoir et d'expé-
rience a présentées à l'attention des jurisconsultes. Nous pensons qu'on ne
pourra les lire sans être frappé de la netteté des critiques formulées par
l'auteur, et sans être convaincu qu'il y a, pour nos législateurs, nécessité
d*agir dans le sens des réformes demandées par lui^ d'une façon si com-
pétente. Cu. Lebeun.
Oe la Pemoniiallté civile du diocèse» par Ch. de Franqukvillb,
maître des requêtes au Conseil d'Etat Paris, Lecoffre, 1875. Gr. in-8 de
52 p. — Prix : 1 fr. 50.
M. Ch. de Franqueville vient de faire paraître, sous les auspices do la
Société d'éducation et d'enseignement, un écrit trés-substantiel et très-
concluant sur une question qui a été fort dénaturée dans la presse et à la
tribune, et qui pourtant, quand on y regarde de près, se résout de la
manière la plus simple et la plus péremptoire. Le savant auteur établit,
preuves en main, que la personnalité civile du diocèse était, avant 1840, uni-
versellement admise, en fait comme en droit; que le Conseil d*État, en
repoussant la doctrine de la personnalité civile du diocèse, a, comme Ta
remarqué M. Jules Simon lui-même, obéi à des considérations législatives,
et a plutôt songé « à refaire la loi qu'à rappliquer ; )> qu'entre les partisans
des doctrines contraires, il n'y a guère qu'une querelle de mots, et qu'il
faut arriver à reconnaître la personnalité civile du diocèse, parce que là est
la vérité, là est la justice. Il a joint à son écrit plusieurs documents qui en
sont le très-opportun complément. L. C.
Dlscourf» prononcé» par M^r l*évÔc|ue <l*OrléanB à l'il.miem-
blée nationoile, pour appuyer le projet de loi présenté par M. le comte
Jaubert sur la liberté de renseignement supérieur, Paris, Douniol, 1874-75.
2 br. gr. in-8 de 48 et 72 p. — Prix : 1 fr. chaque.
Voilà des documents qui ne sont pas seulement un admirable titre d'hon-
ueur pour l'illustre prélat qui a si éloquemment et si courageusement
revendiqué une des premières libertés de l'Église catholique, que la Révolu-
lion Ini avait enlevé, mais une mine de renseignements précieux, d'armes
savamment rassemblées, pour lutter contre Terreur. Les discours prononcés
par l'évêque d'Orléans dans les mémorables séances des 4 et 5 décembre i874,
conrnie ceux qui ont retenti à la tribune aux mois de mars, de mai et de
juin, doivent rester dans toutes les mémoires et seront d'un puissant secours
à ceux qui ont maintenant, en profitant de la faculté si vaillamment con-
quise, à soutenir le bon conibat. G. de B.
Recheroiie» sur restlniAttoii de la rlehe«»e nationale et
privée en Prance et en ilin^leterre^ par le duc d'Aybn. Paris.
Guillaumin, i 875. Gr. in-8 de 47 p. (Extrait du Jowmal des Économiste,)
Nos lecteurs ont conservé le souvenir de la remarquable étude de M. le
ducd'Âjen sur le Revenu^ le Salaire et le Capital, qui, publiée en 1872 dans
la série des Questions du jour de la Société bibliographique, obtint alors un si
légitime succès. Ses conclusions, que la science économique n'a pas hésité à
accepter, tendaient à établir qu'une étroite solidarité relie entre eux ces
divers facteurs de la richesse ; que le capital disponible, ainsi que le revenu
des consommateurs non producteurs, passent tout entiers en salaires, que,
dès lors, la part des travailleurs ne peut s'accroître que corrélativement aux
produits réels et définitifs eux-mêmes. L'auteur s'est aujourd'hui pro-
posé de compléter sa précédente étude par un inventaire raisonné des dif-
férents éléments qui constituent la richesse nationale. De cet inventaire,
dont le récent ouvrage de M. Baxter lui a permis de faire une intéressante
comparaison avec la situation économique de l'Angleterre, il a pris grand
soin d'exclure la fortune de seconde main, la valeur des produits inter-
médiaires, lesquelles ne sauraient y figurer sous peine de faire double
emploi. Nous l'en félicitons ; car c'est là une distinction capitale, trop sou-
vent négligée, et, faute d'avoir su en tenir suffisamment compte, bon nom-
bre de statisticiens sont tombés dans d'étranges méprises.
Le travail de M. le duc d'Ayen n'est pas de ceux qui comportent une
analyse. Il veut être lu en son entier. Nous nous contenterons de signaler
ici certaines équivalences fort curieuses qu'il semble avoir reconnues entre
les économies annuelles de la France, les revenus des particuliers, le bénéfioe
des classes laborieuses, et les charges totales du budget. Nous appellerons
en même temps les méditations de nos réformateurs modernes sur les con-
clusions suivantes, qui se dégagent d'un examen consciencieux des faits et
des chiffres. En Angleterre comme en France, les grosses fortunes sont bien
moins nombreuses, bien moins considérables qu'an ne serait porté à le
croire ; 57,300 familles seulement dans la première et 31,390 dans la seconde
jouissent, en-dehors du commerce et du travail, d'un revenu de 25,000 fr. et
au-dessus. L'accumulation relative des fortunes en Angleterre n'est pas une
cause de misère pour les masses, puisque le nombre officiel des assistés est
identiquement le même dans les deux pays (1 sur 22). D n'y a pas d'un côté
de la Manche plus que de l'autre de classes spoliatrices, car celles qu'on
désigne ainsi, loin de faire tort à l'ouvrier, lui sont nécessaires ou utiles,
en lui assurant par leurs fortunes un bénéfice annuel et certain. Aussi
« peulon affirmer sans réticences, en restant sur le terrain des intérêts
positifs, qu'il y a plus à gagner pour chacun dans l'ordre social actuel que
dans tout autre connu jusqu'ici. » H. de Luçay.
— 256 —
Esfcal sur le ftuffk*a||^e universel direct avec scimtln de
liste, par le comte deGalehbert, précédé d*une lettre de M. F. Le Play.
Paris, Dentu, 1875. Gr. in-i8 de xxiv-180 p. — Prix: 2 fr.
Le livre de M. de Galembert se compose de deux parties distinctes. Dans
la première, toute théorique, Fauteur étudie le suffrage an point de vue
des principes et du droit, et après avoir discuté les différentes formes qull
comporte, se prononce pour son universalité avec exclusion du vote direct,
du moins en ce qui concerne les élections politiques. La commune rurale de
cinq cents électeurs, au maximum, constituerait le type de Funité élec-
torale et nommerait un délégué à l'assemblée électorale du canton ; celle-ci
déléguerait à son tour au chef-lieu de département, où les députés) seraient
choisis au scrutin de liste, scrutin qui, ainsi pratiqué à plusieurs degrés,
semblerait donner moins de prise que le scrutin d'arrondissement aux
rivalités des intérêts locaux.
La seconde partie du volume est consacrée à Thistoire de l'élection du
2 juillet 1871 dans le département d'Indre-et-Loire, à l'exposé des moyens
légaux, patents et honnêtes par lesquels les conservateurs de ce dépai*-
tement cherchèrent alors à compléter et rendre praticable une législation
défectueuse. Le succès a trahi les efforts des comités électoraux, dont M. de
Galembert fut un des membres les plus actifs. Il a voulu néanmoins fixer le
souvenir de cette patriotique tentative, et, en agissant ainsi, il a bien mérité
non-seulement de ses concitoyens d'Indre-et-Loire, mais encore de tous
ceux qui appartiennent en France au grand parti de l'ordre, et qui trou-
veront dans son récit, appuyé de pièces justificatives, d'utiles enseigne-
ments pour de trop prochaines éventualités. H. de Luçay.
Révolution, par M. G. de Bbrnabdi. Paris, Albanel, 1875. In-B de
v-177 p. — Prix : 2 fr.
Que d'idées soulève et que de points de vue implique ce mot de Béw>ltttiKm!
M. de Bernardi a su se rendre compte des difficultés et de l'étendue du s^jet :
son livre réalise les promesses du titre. Il commence par définir a cette doc-
trine nouvelle qui aspire à régénérer l'espèce humaine... On trouve où elle
commence, mais on ne sait pas où elle finit... Elle va du rationalisme à
l'athéisme, de la libre-pensée à la négation de la pensée, de la souverameté
du peuple au droit d'insurrection en permanence, du socialisme au commu-
nisme, du sensualisme à la théorie de l'honune-singe. » Puis, faisant en
quelque sorte la genèse de la Révolution, il indique son affinité avec le prin-
cipe du libre examen en religion. Il la suit dans ses manifestations multi-
ples : il nous la montre bourgeoise, radicale, socialiste, t'jtgours impie dans
son point de départ, tovgours funeste dans ses résultats, soit qu'elle abou-
tisse pratiquement à l'anarchie ou au despotisme. Enfin, l'auteur apprend
aux conservateurs quels sont leurs devoirs; il prouve que « les dangers de la
Révolution tiennent moins aux doctrines et aux entreprises des radicaux,
qu'à l'attachement des conservateurs aux idées et aux institutions qui con-
duisent logiquement au radicalisme. » — Ce livre est l'œuvre d'un penseur
et d'un écrivain ; c'est en même temps un acte de courage et un acte de foi
catholique. A. db Claye.
Eie I^rocé» d'Aralm, traduit de l'allemand par E. Pigurky et D. Gor-
BiER. Introduction de M. J. Valfrey. Paris, Pion, 1875. Pet. in-8 de xxx-
226 p. — Prix : 4 fr.
Il était bon de conserver la mémoire des divers incidents de cet
étrange procès d'Ârnim ; il était bon de réunir les documents diplomatiques
~ 257 —
si curieux qui n'ont dû qu'à cette querelle fortuite du chancelier allemand
avec un de ses subordonnés leur divulgation très-prématurée. Nous ne
sommes plus les seuls à étonner l'Europe par nos indiscrétions offîcielles ;
et nous pouvons proAter de révélations dont on a si souvent abusé contre nous.
Un intelligent éditeur a ajouté dernièrement ce petit volume à sa collec-
tion déjà nombreuse d'ouvrages relatifs aux affaires contemporaines; et un
écrivain très-versé dans ces matières, M Valfrey, a tiré, en quelques bonnes
pages, la moralité de cet épisode, qui, il faut bien le dire, n'est pas tout
entier à l'honneur de l'ambassadeur léger, susceptible et arrogant qui
représentait la Prusse victorieuse à Paris, et aurait voulu que toute l'aris-
tocratie française vint à lui à bras ouverts. Les dépêches confidentielles de
de M. de Bismarck nous avertissent assez cyniquement de la manière d ont
l'Allemagne prétend traiter la France ; et, à tous les titres, les enseigne-
ments contenus dans cette publication étaient aussi utiles qu'intéressants à
recueillir. G. B. de P.
E<ettreii d*un rural, par le vicomte de Sarctjs, ancien capitaine de di^a-
gons. — Dijon, Darantière, 1875. In-12 de 22Ï p. — Prix : 2 fr. 50.
Dans doux premières séries do Lettres d*un rural, parues en 1872 et en 1873,
M. le vicomte de Sarcus avait donné ses impressions, curieuses et intéres-
santes à plus d'un titre, sur les événements de ces années. Une nouvelle série
de lettres, que lui ont dictées les événements de 1874, nous donne des
observations qui ne sont ni moins vraies ni moins judicieuses que les pré-
cédentes. Des tableaux comparatifs de ce que sont les budgets en temps de
monarchie et en temps de république, et le programme de la royauté
traditionnelle : « Tout pour la France et par la France, » mis en regard de la
devise de la démagogie internationale : « Périsse la France plutôt que la
République!» — sont opportunément mis sous les yeux et en disent plus
long que bien des discours. Parmi les trente-huit lettres qui composent ce
volume, écrit avec le sens droit et la franchise militaire qui caractérisent
l'auteur, deux surtout nous ont frappé. Dans la vingt-deuxième, cherchant à
se rendre compte des raisons qui font perdre du terrain, tous les jours, aux
conservateurs, ce qui, pour beaucoup, parait difficile à expliquer, l'auteur
démontre que ce fâcheux résultat est dû surtout à l'indifférence qu'on ren-
contre trop souvent dans les classes aisées à l'endroit des journaux qui
luttent énergiquement pour défendre les bonnes doctrines menacées, et des
revues savantes et consciencieuses qui mettent la science au service de la
vérité. A ces journaux qui combattent le bon combat, on préfère des jour-
naux sceptiques, gouailleurs, u boulevardiers » et vivant de scandale ; on
s'abonne à des revues matérialistes et athées qui, « avec un grand étalage de
théories nuageuses et d'éi*udition sophistiquée, démolissent, une à une, les
traditions et les croyances. » L'auteur nous parait avoir mis à nu une des plaies
du parti conservateur, l'indifférence. Le moins qu'on doive aux journaux et
revues catholiques, c'est de s'y abonner ou d'aider à leur diffusion, alors qu'on
se pique d'être conservateur et qu'on s'honore d'être chrétien. Dans la trente-
septième des Lettres d'un rural, M. le vicomte de Sarcus, fait appel, avant
la reprise de la session, aux députés monarchistes et les presse d'agir ; sinon,
dit-il : andiamo al fondo. Il a vu juste, et ses prévisions ont été en pai-tie
réalisées. Cm. Lebrun.
Sewembee 1875. T. XIV, 17.
— 258 —
19yi*18T£l. AvL Jour le Jour, par M. le marquis de Biencoort.
Paris, Dentu ; Tours, Georget-Joubert, 1875. In-8 de ix-323 p. — Prix : 5 fr.
M. le marquis de Biencourt a réuni, dans ce Tolume, une série d*artic]es
écrits au jour le jour^ comme le dit le titre, et qui sont comme une revue
rétrospective des événements de ces dernières années, comme le thermo-
mètre des variations de la température politique au milieu des péripéties
que nous avons traversées. L'auteur a toujours été inspiré par une même
pensée : la fidélité à nos traditions nationales : « Je suis royaliste et je
le proclame, écrit-il dans son avant-propos. L'Empire et la République sont
cause de nos malheurs. La monarchie légitime et nationale peut seule
sauver et relever la France. » Le volume s'ouvre par un article de février
1871, intitulé : Uarbiirage du monde; il se ferme par Taperçu d'une nou-
velle loi sur la presse, en date du iO mai 1875. Les années 1871 et 1872 n'ont
fourni que onze articles; les soixante autres appartiennent aux deux années
et demi qui ont suivi. En rendant hommage au patriotisme et à la loyauté
de l'auteur, on lui reconnaîtra en même temps un sens politique, une net-
teté, un esprit pratique qui donnent aux pages sorties de sa plume un véri-
table intérêt et une valeur réelle. G. de B.
Table^tu résumé de» principaux scrutins de l*A.sseniblée
nationale, pendant les années 1871, 1872, 1873 et 1874. Dépouillement
fait d'après le Journal ofUdel, par L.-J. N. Paiis, Le Chevallier. 1875. Gr.
in-8 de 40 p. ^ Prix : 1 fr.
Cette brochure contient : le texte officiel des propositions soumises au
scrutin ; les noms des députés par ordre alphabétique ; les suffrages simples
et multiples qu'ils ont obtenus lors de leur élection ; la nuance politique
basée sur les votes et les goupes parlementaires; enfin l'indication des votes
de chaque député dans>48 scrutins. — On comprend l'utilité pratique d'un
tel travail ; mais la première condition en pareil cas doit être, outre une
exactitude rigoureuse, un choix intelligent des scrutins. Or, par exemple,
au lieu de donner le scrutin d'abrogation des lois d'exil du 8 juin 1871, on
donne un premier scrutin du même jour sur une proposition tendant à ce
que les membres des familles ayant régné sur la France ne puissent rentrer
qu'après le vote et la promulgation de la Constitution. Ajoutons que la clas-
sification des députés n'est pas toujours faite d'une manière irréprochable.
B.
I^a Mission de Clmrles VII. Extrait de la CMltà cattolica. Traduit
par M. Abel Gaveau, prêtre. Paris, Pion, 1875. In-8 de 30 p. — Prix : 1 fr.
Charles YII est suscité de Dieu pour s'opposer à la Révolution qui nie les
droits de Dieu de la Patrie et du Roi ; il est en butte à ses colères, il dédaigne
ses outrages; il marche d'un pas fertne vers le terme assigné à ses efforts ; il
a commencé avec trente hommes : cent mille soldats sont sous ses drapeaux ;
rien ne l'abat^ rien ne l'arrête ; son gouvernement s'organise ; il a, par sa
noble attitude, remis en grand honneur la cause du bon droit et de la
monarchie; il a, par l'évidence des faits, arraché à ses plus furieux ennemis
des paroles d'admiration pour lui et pour son armée. — C'est là ce que cons-
tate, dans une première partie, l'auteur de cet opuscule. Dans une seconde,
il se demande quelles sont lesjdées, la politique du prince, et il termine
par un cri d'enthousiasme et d'espoir. G. de B.
— 259 —
Question esiMifl^nole. Don Carlos rot lésttlme. I. La pragmati-
que de iliZ, par M. Henri Lemoine. — U, La pragmatique de 1789 e//e
tettameiU de Ferdinand yjf, par M. Victor Gay. Paris, Féchoz, 1875. In-18
de 2i p. — Prix : 30 cent,
Les jeunes auteurs auxquels nous devons cette petite brochure ont
essayé de serrer d'aussi près que possible la question dynastique en Espagne
en y consacrant un petit nombre de pages. Ils n'ont fait, d'ailleurs, que
résumer les démonstrations d'écrivains autorisés, dans des écrits étendus, et
s'ils ne réussissent pas à convaincre tout le monde, ils ont au moins le
mérite d'avoir apporté à leur tâche deux choses qu'on ne trouve pas tou-
jours réunies en pareil cas : la clarté et la brièveté. G. de B.
l4*Berzé||ovlne, par E. de Sainte-Marie, premier drogman du consulat
général de France à Tunis. Paris, Gh. Delagrave, 1875. In-8 de 31 p. —
Prix: 1 fr.
M. E. de Sainte-Marie a passé trois ans en Herzégovine : il y a réuni les
matériaux d'un grand ouvrage qui est sur le point de paraître et dont il a
détaché la présente notice, entièrement consacrée à la géographie du pays.
Pour la partie physique, il a pu faire de visu un grand nombre de rectifi-
cations aux travaux antérieurs ; quant à la partie administrative ses docu-
ments sont puisés aux meilleures sources, dans les rapports ofûciels de la
Sublime-Porte et dans l'almanach annuel, imprimé en langue turque, à
Serayévo. L'auteur a su rendre attrayant cet opuscule, en y joignant
des renseignements sur les œuvres littéraires du pays, les mœurs et les
usages des habitants et les antiquités recueillies dans la contrée. Les trou-
bles qui viennent d'éclater en Herzégovine ont attiré l'attention de l'Europe
sur cette petite région ; aussi, tout ce qui peut contribuer à la faire con-
naître davantage est-il accueilli par le public avec une faveur marquée.
A. H. DE Y.
«losepli Stur^e, membre de la Société des Amis. Traduit et abrégé de
l'anglais. Paris, Bonhoure, 1875. In-8 de vi-222 p. — Prix : 2 fr.
Joseph Sturge, né en 1793 à Elberton (Angleterre), et mort à Birmin-
gham en 1858, a joué un rôle parfois important dans plusieurs des événe-
ments de ce siècle. H prit, de 1823 à 1838, une part très-active au mouve-
ment qui aboutit à l'acte d'émancipation ded Noirs. Il fut un des promoteurs
de l'agitation électorale dans le Royaume-Uni ; il se signala par ses travaux
dans la Société de la Paix. Médiateur aussi officieux que malheureux, il
intervint dans les questions de Grimée et du Schleswig-Holstein. Sa vie pou-
vait donner lieu à une curieuse étude. Malheureusement pour lui et aussi
pour nous, Sturge était quaker, et sa biographie a été écrite par un
quaker, préoccupé surtout de faire œuvre de propagande religieuse. Gela
est fâcheux, tant pour l'agrément que pour l'instruction du lecteur.
A. DE Glate.
Marie Guynrd et les Ursullnes an Genada, par Jean d'Estibnnb.
2« édition. Paris, Haton, 1875. In-32 de 34 p. — Prix : 15 cent.
Extraite du Contemporain^ cette brochure de propagande est intéressante
par le style et les faits qu'elle relate. La vie de Marie Guyard, en religion,
sœur Marie de l'Incarnation, fondatrice des umulines au Ganada, y est retracée
avec un charme où la foi a sa large part. La conclusion de cette brochure
est que, depuis deux siècles, la population canadienne n'a jamais cessé de
— 260 —
considérer la mère Marie Guyard de rincarnation comme méritant des autels.
Rome a commencé à donner raison à cette vox populi. En 1867, la question
du procès de béatification de la fondatrice des ursulines canadiennes est
venue devant une commission nommée par les soins de Mgr Baillargeon.
Pie IX a accueilli avec une faveur marquée la supplique que lui a
adressée le concile de la province de Québec avec les procès-verbaux de la
conmiission, puisque, sans vouloir que ces pièces attendent dix ans à la
chancellerie romaine avant que les sceaux en soient rompus, Sa Sainteté les
a fait aussitôt rompre, puis remettre à la Congrégation des Rites. Il y a
donc lieu d'espérer avec Tauteur que la France ancienne, en même temps
que la Nouvelle-France, compteront bientôt au ciel une protectrice de plus.
Ch. L.
. Sam«oii et mem élève», par E. Legouvé, de l'Académie française.
Paris, Hetzel, 1875. In-8 de 40 p. — Prix : 2 francs.
Sous ce titre, on a eu la bonne idée de publier une remarquable conférence,
faite, aux matinées littéraires de cet hiver, par le meilleur lecteur de l'Aca-
démie française. D'une lecture fort attrayante, très-mouvementée d'allure,
comme tout ce qui sort de la plume de M. Legouvé, cette étude sur
Samson et ses élèves est pleine de conseils pratiques pour ceux dont la
profession réclame l'art de la lecture. Tout ce qui concerne l'art de lire à
hante voix, l'art de parler en public avec une diction correcte, une pronon-
ciation claire» une articulation nette est l'ol^jet de précieuses remarques que
l'auteur, élève du célèbre sociétaire de la Comédie -Française, a puisées, on
le voit, à bonne école. Le spirituel académicien, qui a pourtant, au suprême
degré, le don de la lecture à haute voix, s'est efforcé d'établir qu'il y a là un
art plus qu'un don, parce que, soutient-il, le naturel s'enseigne et qu'il faut
prendre des leçons pour être soi-même. A ceux qui se destinent aux profes-
sions oratoires, à la chaire, au barreau, à l'enseignement, M. Legouvé rap-
pelle une des maximes de son maître en l'art de bien dire : » On n'est maître
du public que quand on est maître de soi; on n'est maître de soi que
quand on est maitre de sa voix, et on n'est maître de sa voix que quand on
apprend à s'en servir. » D'intéressantes anecdotes sur Lekain, Mlle Mars,
Mlle Rachel surtout, contribuent à l'attrait de cette étude sur M. Samson et
ses élèves. Ceux-ci ont illustré et enchanté la scène française depuis trente
ans, et tous, ainsi que le démontre l'auteur, portent la forte empreinte de
l'école d'un homme d'un vrai talent comme acteur et comme auteur, et
d'un génie réel comme professeur. Ch. L.
Oramaii lirlcos d'Antonio Arnâo. Madrid, Médina y Navano, 4875. In-i2
de xiv-245 p. — Prix : 10 réaux.
Quinaut et Métastase sont, je crois, les seuls auteurs de livrets d'opéra qui
aient obtenu une réputation littéraire. Tout en reconnaissant que le compo-
siteur qiii, sans le parolier^ ne pourrait rien faire, accapare tout l'honneur du
succès, — quand succès il y a, — M. Antonio Arnao a voulu composer divers
drames lyriques dans l'espoir de favoriser la création d'un opéra national en
Espagne. A l'exception de la fllle de Jephté, tous les sujets qu'il a traités
appartiennent à l'histoire de sa patrie. Son volume renferme deux pièces en
trois actes : Pelage et Bodngtie, et cinq pièces en un acte. Ces dernières nous
semblent toutes manquer de l'intérêt nécessaire à des œuvres de cette nature.
L'une d'elles a cependant été représentée, et, à ce qu'il parait, a réussi, c'est
celle qui est intitulée les Vaisseaux de Cartes, En France, nous n'avons, je
— 261 —
crois, qu'un seul grand opéra en un acte : Le Rossignol; aussi peut-il nous
sembler singulier que, pour une production de cette espèce, on puisse se
contenter d'un cadre si étroit. Th. P,
Fabuliste olirétlen, par J.-M. Villepeanche. Paris, Delagraye; Lyon,
Briday, 1875. In-18 de xviii-196 p. — Prix : 1 fr.
Il y a longtemps que M. Jf.-M. Villefranche écrit des fables; c'est par là qu'il
a débuté. Aujourd'hui, il fait un choix de ces fables; il en compose un grand
nombre d'autres, et, du tout, il tire le Fabuliste chrétien. La fable a toujours
une moralité, même quand elle n'est pas morale. Mais cette moralité a sou-
vent le tort de s'inspirer de la morale indépendante. La Fontaine, par
exemple, montre-t-il jamais qu'il a été baptisé? C'est un sage, un sublime
artiste, un philosophe de la Grèce ou de Rome, un artiste païen, même un
précurseur du dix-huitième siècle en certains . endroits. Ajoutez à cela que
le bonhomme est au-dessus de la portée de tout jeunes enfants; il faut avoir
déjà une culture intellectuelle développée pour apprécier les plus impor-
tants de ses chefs-d'œuvre. M. Villefranche, suivant les traces du maître, a
voulu pourtant que ses fables fussent un peu différentes : il les a envoyées à
l'église ; elles sont chrétiennes et catholiques. Disons bien vite que l'inspiration
religieuse n'a point nui à l'inspiration poétique. On n'a qu'à parcourir
le recueil de ses cent trente petits poèmes pour le constater. Que de pages
charmantes nous aurions à citer dans ce volume I charmantes par le cœur,
par l'inspiration, par la poésie, par le sentiment chrétien. M. Villefranche
est un penseur chrétien et un père. La bonté d'âme n'exclut pas chez lui,
pourtant, la malice. « Il y a de l'esprit dans ces productions, lui a dit
Mgr Mermillod, et de bon esprit; elles sont faciles, malicieuses, charmantes,
enfin elles laissent dans l'ûme de salutaires et fortifiantes pensées. » On
pourrait seulement reprocher à l'auteur quelques expressions un peu tech-
niques, peut-être, quand elles s'appliquent aux révolutionnaires de notre
temps, et que je voudrais voir plus châtiées sans perdre de leur force.
L. A.
K^a Dauphlne Marle-«Vo»èplio de Saxe, mère de IjOuI» IK. VI,
par le P. Emile Régxault, de la G* de Jésus. Paris, Lecoffre, 1875. Gr. in-18
de viii-316 p. — Prix : 2 fr.
Le R. P. Régnault a donné successivement, dam les Étiules religieuses f etc.,
une série d'articles sur Madame Louise de France et sur la Dauphine, mère
de Louis XVI. La première étude n'a jusqu'ici été l'objet que d'un simple
tirage à part, et nous espérons que le pieux et savant auteur en donnera
bientôt une édition augmentée ; quant à celle sur la Dauphine, la voici
mise à la portée de tous, avec tous lés documents nouveaux que le P. Ré-
gnault a patiemment recueillis et, en particulier, les lettres que lui ont
fournies les archives de la maison de Luynes. Le récit est attachant, bien
conduit; il met parfaitement en lumière la touchante figure de Marie-
Josèphe de Saxe. Nous y aurions souhaité parfois un peu plus de sobriété, et
nous espérons que certaines pégligences de style, qu'on pourrait relever à
d'assez nombreuses pages du livre (v. p. 2, 15, 26, 63, 102, 103, 160, 174,
181, etc.), disparaîtront de la prochaine édition. Nous engageons aussi l'au-
teur à faire toutes les citations de lettres avec l'orthographe moderne. — Une
dernière observation : nous ne nous porterions point garant de l'authenticité
du triple autographe cité à la p. 290. G. de B.
-l
— 262 —
Ma Mère. Souvenirs de sa vie et de $a sainte mortf par Mgr de Séocb. Pari»,
Tolra, 1875. In-12de i80 p. — Prix : 1 fr. 50.
Mgr de Ségur avait écrit ces pages « pour Tintimitô de la famille ; »
cédant à de nombreuses instances, il les donne aujourd'hui au public, après
en avoir retranché « certains détails par trop intimes. » C'est moins une
biographie complète de cette grande dame russe unie à un Français — et
qui, née schismatique grecque à Saint-Pétersbourg le 19 juillet 4799, devait
mourir à Paris, le 9 février 1874, sous la robe de saint François, après avoir
vécu soixante ans en catholique fervente, — qu'une silhouette tracée avec
la tendresse et l'émotion d'une plume filiale, et quelle plume 1 silhouette
à c6té de laquelle apparaissent divers membres de la famille, et, au premier
rang, le pieux et admirable prélat qui fut le premier-né de cette race bénie
de Dieu. Le récit des derniers moments occupe une bonne partie du livret
et l'on regrette de n'avoir pas plus de détails sur une vie si bien remplie,
et que la renommée méritée de l'écrivain avait, depuis longtemps^ fait
sortir du cercle restreint de la famille. G. de B,
Quatre conférence» faites en Belgique au mois d^ayml 4874, par
M. Jules Favre, de l'Académie française. Paris, Pion, 1874. Gr. in-18 de
xxxviii-244 p. — Prix ; 3 fr.
Nous sommes en retard avec ces Conférences, qu'il nous sufQra de signaler
brièvement, le nom de l'auteur disant assez dans quel esprit elles ont été
faites. La première est consacrée aux Devoirs internationaux et l'on y expose
les lois morales qui déterminent les rapports des nations entre elles : « L'hu-
manité appartient au droit, non à la force, et il lui suffit de se ressaisir
elle-même pour se mettre à l'abri des entreprises de la violence ; » la
seconde est un Éloge de Washington, entrepris dans le but de « corroborer et
de défendre les grands sentiments qui ont fait la gloire et le bonheur de son
existence ; » en troisième lieu, M. Jules Favre examine la condition des
femmes dans les sociétés démocratiques : prétexte à bien des déclamations et à
plus d'une erreur (qu'est-ce que ce texte de la Bible (p. 140) Marem et femi-
nam fecit eos ?) ; enfin Jeanne d'Arc, (ou plutôt Darc) a tenté la verve du
conférencier, qui a voulu présenter à ses auditeurs d'Anvers « le modèle
incomparable du patriotisme, du sacrifice, de la liberté de conscience »
— Le volume est précédé d'un avant-propos sur la Belgique et sur les
avantages du programme de liberté en tout et pour tous. L. G.
E«*/krrlqne éqnatorlale, Gabonais, Pahouln», Gallois, par le
marquis DE CoMPiÊGNE. Paris, Pion 1875. Gr. in-18 de vi-360 p.— Prix : 4fr.
Voilà certes un titre capable d'éveiller l'intérêt du lecteur. Rien de plus
actuel, en fait de géographie, que l'étude de l'Afrique équatoriale. Rien de
plus intéressant que de suivre les traces d'un voyageur, surtout lorsqu'il est
Français, au milieu de ces contrées sauvages et inconnues. Aussi l'ouvrage
du marquis de Compiègne sera-t^il apprécié par tous ceux qui se lanceront à sa
suite dans les déserts de l'Afrique. Ils y trouveront une description détaillée
des mœurs des différents pays, de nombreuses remarques sur l'histoire natu-
relle, une description des lieux éclaircie pas une carte spéciale. Plusieurs gra-
vures complètent les détails donnés sur les indigènes, les lieux ou les animaux.
Le marquis de Compiègne a eu soin de relever les quelques erreurs commises
par ses devanciers, surtout en fait d'histoire naturelle. Son livre est une œuvre
de mérite, indispensable à quiconque veut avoir une idée nette du présent
et de l'avenir de nos comptoirs du Sénégal et du Gabon. E. de B.
— 263 —
VARIÉTÉS
I
LE CONGRés INTERNATIONAL DE GEOGRAPHIE DE PARIS.
Le Congrès international de géographie vient de tenir sa deuxiftmo
session à Paris, du 1*' au ii août. On comprendra, sans peine, la difficulté
qu'il 7 a à rendre un compte, môme sommaire, des travaux de cette réunion,
en considérant que, pendant ces dix jours, il a été tenu huit séances géné-
rales, et plus de soixante séances de groupes, et que le programme com-
prenait plus de cent questions, chiffre qui s*est trouvé presque douhlé
par les communications faites aux divers groupes, pendant la durée du
congrès. '
Plus de i ,500 membres s'étaient fait inscrire, et, sur ce nombre, la moitié
an moins a assisté au congrès et pris part à ses travaux. Tout ce que l'Europe
comprend de voyageurs, de géographes et d'érudits, semblait s'être donné
rendez-vous à Paris, et, auprès de l'amiral de la Roncière Le Nourry, pré-
sident du congrès, de MM. de Lesseps, Daubrée, Laussedat, de Langle,
Mouchez, de Quatrefages, Delesse, Em. Desjardins, Deloche, Vivien de Saint-
Martin, Levasseur, Rey, Gortambert, Duveyrier, Grandidier, de Gompiègne,
Maunoir, Ney, on trouvait MM. de Semenow, de Kanikow, Bogdanowitch et
Malnow, de Richtofen, Nachtigal, Gérard Rholfs, Schweinfurth, Schlagenweith
et Kiepert ; sir Rawlinson et le colonel Montgomerie, de Hochstetter, Harm ;
Vambery, Humfalvy et de Déchy, le comro. Gorrenti, le général Mena-
brea et l'amiral Acton; le colonel Goello et Arnllaga; de Beaumont, de
Saussare et W. Huber, de Borchgrave, d'Hane Steenhuyse, le général TJagre
et Ruelens, Erslev et Waldmar Schmidt; Forell, Rubenson, Sagre et Fabri-
cius, le colonel Versteeg et Veth, Vasconcellos-Abreu et Rodriguez, Mahmoud-
Bey, Uricochea et tant d'autres que le défaut de place nous empêche de
nommer.
Le gouvernement, désireux de donner au Gongrès une preuve de son estime
et de son intérêt pour les études géographiques, avait mis à la disposition
de M. le commissaire général baron Reille, le pavillon de Flore et la partie
des Tuileries, qui s'étend sur le quai jusqu'à la nouvelle salle des Etats.
Quarante et nne salles avaient pu être ainsi disposées par les soins de M. le
capitaine de Torcy et de M. Napoléon Ney, commissaires de l'exposition, et
ont reçu les collections envoyées de toutes parts et dont M.Foumierarédigé
un catalogue qui restera comme une mine d'utiles renseignements à con-
sulter. Diverses annexes, élevées sur la terrasse du bord de l'eau, contenaient,
en outre, des collections supplémentaires de la Russie et de l'Autriche et une
exposition de géographie commerciale.
Malgré l'intérêt qu'offrirait l'examen détaillé des objets envoyés à l'exposi-
tion, nous nous trouvons dans l'impossibilité de conduire nos lecteurs dans
les différentes salles, et il faudrait une série spéciale d'articles (série qui
paraîtra, nous l'espérons, dans cette Revue), pour leur faire examiner les belles
cartes des dépôts de la guerre et de la marine, les minutes de l'état-major
russe en Asie, groupées à c6té ' des bijoux du khan de Khiva, les remar-
^quables cartes allemandes, la célèbre carte de Suisse du général Dufour,
mort au jour même de l'ouverture de l'exposition, les nombreuses cartes en
relief dont l'emploi commence à se généraliser dans l'enseignement. Quel-
ques bibliothèques étrangères ont envoyé leurs plus beaux manuscrits;
— 2Ô4 —
Bruxelles et Lejden nous montrent les atlas de Mercator et d'Ortélius, les
globes de Blaeu ; la Société de géographie de Londres s'est dessaisie, pour
quelques jours, des dessins originaux de Livingstone, de Burton, de Speke
et de Grant. Le Danemark a presque seul compris le côté ethnographique
de cette exposition, et, à côté [de remarquables cartes marines et d'instru-
ments de précision, il nous donne un aperçu complet du Groenland, types,
costumes, modèles d'habitations et de canots, outils analogues, pour la plu-
part, à ceux de nos collections préhistoriques, vues, paysages et une suite
complète des historiens du Groenland, dans leurs éditions originales.
Dans l'Autriche, nous mentionnerons le magnifique portulan dessiné par
Philippe 11 et qui fait partie des splendides collections de M. Spitzer.
L'Espagne a envoyé de beaux travaux géodésiques, et l'exposition portugaise
se fait remarquer par de nouveaux systèmes de reproduction héliographique
dus au professeur Rodrigues. Une exposition collective des divers services
reliés au ministère de l'instruction publique comprend des cartes et plans
empruntés aux archives nationales i, de nombreux dessins rapportés de
leurs missions scientifiques par MM. de Saulcy, de Vogué, Grandidier,
Joyaux, Rey, Mauss et de Cessac, les diverses cartes de la Gaule dressées par
la Commission et des spécimens nombreux des monuments du musée de
Saint-Germain, portant des noms géographiques, etc. L'École des langues
orientales a fourni un ample contingent de cartes turques, japonaises et
chinoises, et les diverses missions envoyées pour l'observatian du passage
de Vénus ont réuni, à côté des résultats obtenus, les instruments qui ont
permis à MM. Mouchez, Janssen, Vélain, etc. d'observer ce curieux phénomène
astronomique.
Puisque nous ne pouvons nous arrêter plus longtemps^ entrons dans la
salle des États, destinée aux séances générales, et sur le mur de laquelle se
dresse la carte de l'État-Major, montée pour la première fois, croyons-nous,
et qui n'occupe pas moins de seize mètres de hauteur sur treize de
largeur.
Dès le lendemain de la séance solennelle dans laquelle le bureau du pre-
mier congrès géographique, tenu à Anvers en 1871, avait remis à celui de
Paris ses pouvoirs, les menibres se partagèrent en sept groupes suivant leurs
tendances et leurs aptitudes spéciales. »
Dans le premier groupe (mathématiques), les principales questions traitées
ont été celles de la substitution de la division centésimale à la division
sexagésimale du quart de circonférence ; de l'unité d'angle ; du choix d'un
zéro pour le nivellement général ; des attractions locales ; de la définition
exacte de la forme de la terre, etc.
Le second groupe s'est occupé de la géographie maritime et de l'hydro-
graphie. Les discussions ont porté sur la révision des aires du vent du com-
pas, sur les ras de marées et leurs causes, sur la cote à adopter pour
indiquer l'iniluence des marées dans les rivières, sur la coincidence des
ouragans avec les phases de la lune, etc.
Le troisième groupe : géographie physique, météorologie, géologie et
anthropologie générale, n'a pas tardé à se scinder en deux, et les anthropolo-
gistes ont formée sous la présidence de M. de Quatrefages, une section qui
a donné de fort utiles résultats. Elle a entendu notamment des communica-
tions de MM. Waldmar Mainow, sur les races actuelles de l'Empire russe,
1. Le règlement de la Bibliothèque nationale ne lui permettant pat de lais&er sortir
les objets Tes plus précieux, MM. Delislc et Cortambert ont placé dans la galerie
Mazarine tous les monuments géographiques, et nous espérons que, de provisoire, cette
exposition deviendra définitive.
— 265 —
de M. Pinard, sur les Esq[uimaux; de M. W. Schmidt, sur les Groenlandais; de
M. de Quatrefages, sur les Peaux-Rouges ; de M. Yeth, sur les populations
des Indes néerlandaises, et du comte Miniscalchi, sur les Akkas. La première
section du troisième groupe s'est occupée des inondations et des systèmes de
barrages usités dans les divers pays, des reliefs du sol et de la formation
des vallées. MM. Perschtein et Marié -Davy ont fait connaître le résultat de
leurs observations sur l'action chimique des rayons solaires sur les rochers;
MM. Doretle vice-amiral de Chabannes ont traité divers points de la forma-
tion des glaces; M. l'amiral de Langle a signalé les progrès de la navigation
dus à l'étude du régime des vents et rappelé les beajix travaux du commodore
Maury et de M. Brau. MM. Alph. Milne-Edwards et de Saporta ont fourni
leur contingent aux études d'histoire naturelle, en traitant, le premier de
la géographie zoologique, et le second de la flore fossile du Spitzberg et du
Groenland.
L'étude des questions de géographie historique appartenait au quatrième
gi*oupe, et, parmi les nombreux travaux qui lui ont été soumis, nous signale-
rons les communications de M. W. Schmidt, sur la géographie de l'Egypte
sous Toutmès m et Ramsès le*;Grand, et sur la division des pays soumis à leur
empire en Asie et en Afrique ; de M. de Mortillet, sur la division des popula-
tions de l'Europe à l'époque préhistorique ; de M. A. Bertrand, sur les inva-
sions des Gaulois et sur la marche qu'ils ont suivie en quittant les bords du
Danube pour venir en Italie ; de M. Ern. Desjardins, sur la division de
ritâlie en onze régions donnée par Pline, division cadastrale qui correspon-
dait à la Vigesima hereditatum^ sur la douane quadragésimale des Gaules et
sur les rapports des circonscriptions du culte de Rome et d'Auguste avec
celles des diocèses ; de MM.Hardouin et Deloche, sur la centaine et la viguerie,
de MM. Picot, D' Obédénare et Henri Martin, sur les Daces et l'origine des
Yalaques ; de M. Henri de Longpérier, sur le choix d'un premier méridien au
point de vue des études de géographie historique ; de M. de Marsy, sur ta
géographie de l'Orient-Latin ; de M. Gravier, sur les voyages à la côte occi-
dentale de l'Afrique, antérieurs à ceux des Portugais ; de M. Gaudet, sur les
Blaeu ; de M. Genart,sur l'imprimerie plantinienne et la correspondance des
géographes, qui s'y trouve conservée ; de M. Desnoyers, sur la Mappemonde
de Salomon de Caus, etc.
Au cinquième groupe, revenait l'examen des questions économiques, com-
merciales et statistiques. On y a traité successivement les problèmes qui, en
ce moment, captivent plus particulièrement l'attention des économistes, et,
en première ligne, celui du percement de l'isthme de Panama.
M. de Lesseps, qui présidait la séance, a rappelé les moyens qu'il avait mis
eii œuvre dans le percement du canal de Suez, et a vivement recommandé
l'étude des projets dans lesquels on peut se passer d'écluses et de barrages.
Les différents plans de MM. Bionne, de Gogorza, de Puydt, Blanchet et
Thomé de Gamond ont été successivement exposés par leurs auteurs, ainsi
que celui du colonel Siegfried, dont M. Levasse ur s'est fait l'interprète. Le
colonel Bogdanowitch a présenté ensuite le résultat de ses études sur le
chemin de fer européen-asiatique, dont la partie russe semble être déûni-
tivement adoptée jusqu'à Fioumen.M. le capitaine Roudaire a donné, sur la
mission qu'il a remplie dans les chotts algénens,des renseignements les plus
étendus. Malgré les assertions de M. Fingénieur Fuchs et l'avis émis, dit-on,
par la Commission italienne, il ne doute pas de la possibilité de la création
d'une mer intérieure dans le Sahara. M. Napoléon iNey a fait, d'après les
historiens arabes, un curieux récit des relations commerciales en Afrique
au moyen &ge.
Une commission spéciale, formée dans le sein du cinquième groupe, s^est
chargée de l'examen des question d*émigration et de colonisation, et a en-
tendu d'importantes communications de MM. Carlos Galyo, d'Hane Steen-
huyse, de Borchgraye, Bouche, Levasseur, Delamarre, etc.
M. Havard, enfin, a également traité dans ce groupe la question de
Talliance des intérêts commerciaux et scientifiques, au point de yue du dé-
yeloppement géographique et commercial, et le groupe a émis le vœu de
voir se former, dans les villes maritimes, des sociétés de géographie com-
merciale ou des chambres syndicales reliées aux sociétés géographiques.
Les questions soulevées au sixième groupe sur renseignement et la diffu-
sion de la géographie sont trop nombreuses pour que nous puissions en
parler avec quelques détails. Il nous faudrait d'ailleurs entrer dans la dis-
cussion de questions techniques, et nous nous bornerons à rappeler le vœu
porté à la tribune par M. Maze et approuvé à l'unanimité par le Congrès,
pour la séparation de l'enseignement géographique et de l'enseignement
historique, pour la création de chaires spéciales et de professeurs spéciaux,
et, par suite, pour l'établissement d'une agrégation de géographie.
Le septième groupe,consacré aux explorations et aux voyages scientifiques,
commerciaux et pittoresques,réunissait le plus grand nombre des membres
du congrès, avides d'entendre les récits de hardis explorateurs de contrées
presque encore complètement inconnues.
Les premières séances ont été consacrées à l'étude des mesures à prendre
dans les voyages, à l'examen de divers appareils, tels que le podomètre et le
télémètre et d'un procédé d'occultation des étoiles, de M. Grandidier.
L'établissement d'un bureau central de renseignements pour les voyageurs
a été aussi mis en avant par M. Babinet.
MM. Nachtigal, Schweinfurth et Gérard Rholfs ont ensuite exposé les ré-
sultats de leurs grands voyages dans l'Ouest et dans le centre de l'Afrique ;
M. Soleillet, après avoir résumé son expédition dans le Sahara, a donné des
détails sur le possibilité de relations à établir entre le Sénégal et le Maroc,
par Tombouctou. M. RafiQray a annoncé son intention de visiter le pays des
Massai, et M. de Brazza a développé le plan du grand voyage d'exploration
qu'il va entreprendre sur l'Ogoué, au Gabon, de concert avec M. Marche.
M. Guido-Cora a présenté l'itinéraire de son ouvrage en Albanie, M. le
D' Meyer, de Dresde, a communiqué la carte de son exploration de la
Nouvelle-Guinée, et M. le commandant Camperio a rappelé le souvenir des
dernières expéditions de Miani.
Le groupe a aussi entendu l'exposé fait par M. de Severtsow du projet de
réunion de la mer Caspienne et de la mer d'Aral, ainsi que diverses com-
munications sur les explorations des Russes dans l'Asie centrale ; et M. Malte-
Brun, en exprimant le regret de ne pas voir au Congrès MM. Payer et
Weyprecht, a retracé l'historique des expéditions polaires.
Pour terminer le tableau des travaux du Congrès, il nous reste à rappeler
les communications faites aux séances générales et les conférences. Nous
citerons d'abord l'étude de M. Lalanne, sur la loi mathématique des centres
de population; les remarques de M. Van Bénéden,8ur les diiférentes espèces
de baleines et leurs stations ; TexplicHtion des aurores boréales proposée
par M. Lemstrôm et présentée par le professeur Rubenson ; le récit de la
mission scientifique remplie au Cap- Vert par M. de Cessac. Signalons, ea
outre, les conférences de M. Delaporte, sur le Cambodge et l'art khmer ; de
M. Nachtigal, sur le Wadal, de M. Barande, sur les routes de l'Asie centrale,
de M. L. Leduc, sur la femme chez les Scandinaves, etc.
Le mercredi 11, une séance générale à laquelle assistaient le Maréchal-
— 267 —
Président et le grand-duc Constantin de Russie, a clos les travaux du Con-
grès par la distribution des récompenses aux exposants. Des discours ont été
prononcés à cette occasion par M. Wallon, ministre de Tinstruction publique,
M. Maunoir, rapporteur général du jury, l'amiral de la Rondère et le com-
mandeur Négri.
Presque tous les soirs, des fêtes ont été données en Tbonneur des mem-
bres du Congrès, à la présidence, chez le ministre de Finstruction publique,
à la préfecture de la Seine, à l'Observatoire, chez M. de Lesseps, etc.
De plus, deux excursions ont eu lieu : l'une à Saint-Germain,pour la visite
du Musée des antiquités nationales et les expériences des machines de
guerre romaines reconstituées par le colonel de Reffye, et mises en mouve-
ment avec grand succès, par M . Abel Maître ; l'autre & Compiègne, où le
Musée Khmer,formé par M. Delaporte, des objets rapportés de son explora-
tion du Cambodge, oflfrait un vif attrait de curiosité à la plupart des mem-
bres du Congrès.
Avant de se séparer, le Congrès a remis entre les mains du bureau, le
soin de convoquer une nouvelle session, qui se tiendra probablement dans
quatre ans à Saint-Pétersbourg ou à Florence, et assurera ainsi d'une manière
déûnitive la périodicité des réunions dont les heureux résultats sont ai^gour-
d'hui surabondamment établis. A. de Mabst.
II,
l'orient latin a l'exposition de géographie.
Malgré l'article qui précède, nos lecteurs nous permettront une seconde
étude sur l'exposition des sciences géographiques, renfermée dans un cadre
tout spécial.
Pendant l'une de nos excursions aux Tuileries, nous avons entendu une
personne indiquer à son voisin une image du fond de la mer. Poussé par la
curiosité, nous avons voulu voir à notre tour cette représentation figurée, et
nous avons reconnu que l'objet ainsi désigné était... le plan en relief de la
presqu'île du Sinal. Dès lors, nous nous sommes promis de nous arrêter
spécialement dans cette section de l'Orient, qui touche de près au berceau
de l'humanité et qui est en même temps le berceau de la religion. Il nous
semble assister ainsi d'une manière beaucoup plus intime et suriout plus
* rapprochée, aux tâtonnements des premiers pas de l'homme; nous le voyons
hésiter à sortir du premier cercle de sa demeure; il n'ose encore traverser
les fleuves et encore moins se confier à la mer. Combien l'on comprend
l'exclamation du poète :
Illi robur et »• triplex
Gircum pectas erat...l
Mais que de changements accomplis depuis ea moment, que de progrès,
que d'innovations, que d'améliorations, pour faciliter les voyages et les
rendre même agréables. Que d'instruments successivement perfectionnés et
combien d'heureuses applications sont venues guider nos pionniers dans
les routes à suivre. Nous voudrions examiner une à une toutes les solu-
tions diverses de la science, nous en rendre compte dans leurs détails tech-
niques ; mais le sujet est beaucoup trop vaste, et force nous est de nous
maintenir dans certaines limites. Notre but, désormais restreint, est d'en-
registrer ici une série de notes pouvant servir aux histoires futures des croi*
sades.
— 268 —
Le bilan, du reste, est trop étendu : Ton peut en juger en additionnant
simplement les six ou sept salles au-rez-de-chaussée du pavillon de Flore,
autant à chacun des quatre étages, sans compter les deux annexes, A: celle
de la Bibliothèque nationale ; B : celle de la terrasse du bord de Teau, où
plusieurs pavillons sont consacrés aux expositions de nos voisins. Évidem-
ment, nous aurions grand tort de nous plaindre d*un si bel ensemble, dont
Teifet est merveilleux. Mais il manque d'harmonie. Nous nous sentons
dépaysé et comme étranger au sein même de nos études de prédilection
et toutes spéciales, que nous souhaitons voir réunies en un groupe compact.
Nous n'essayerons même pas de suivre une classiflcation quelconque dans cette
masse considérable de matériaux qui, certes, concourent tous à un même
but, à l'extension de la science, à une connaissance meilleure et plus
complète de tous les points du globe, mais dont le nombre effraye. En vain,
les organisateurs ont-ils voulu, en principe, adopter la division par groupes :
elle n'existe qu'en théorie, sur les premières pages du catalogue, tandis
qu'en réalité, on a classé le tout et distribué les salles au proraUi des expo-
sants, qui sont rangés par nationalités, non par pays, ni par climats, ni par
divisions territoriales. Ainsi, nous prions les pères de famille et lecteurs de
ces lignes de ne pas dire à leurs enfants que, dans cette exposition de géo-
graphie, les notions les plus exactes et les plus précises sur la Palestine se
trouvent... en Angleterre.
Abstraction faite de cette bizarrerie de disposition, il faut bien recon-
naître que nos voisins d'Outre-Manche ont accompli les progrès les plus
sérieux dans l'exploration de la Terre-Sainte. Ils peuvent être fiers des
résultats obtenus et les montrer au grand jour. Nous n'avons pas à examiner
si, au fond, il se cache quelque arrière -pensée de prosélytisme l)rotestant à
l'ombre de ces recherches et de ces découvertes, aussi intéressantes pour
l'explication philologique des termes de la Bible, qu'importantes pour l'his-
toire du théâtre des écritures saintes.
Nous ne voyons et nous n'admirons que ce qui est sous nos yeux, bien
palpable, et nous sommes tenu de reconnaître que les découvertes faites
sont bien dignes des conquêtes de la science moderne, appliquée aux fouilles,
aux investigations géologiques, aux procédés de topographie, aux trian-
gulations des moindres accidents de terrain, aux tracés des cartes et aux
levés de plans, ainsi qu'on le verra dans l'énumération qui va suivre.
Les Anglais occupent, — heureusement au rez-de-chaussée, — les salles IV
et V. A côté de descriptions splendides concernant leurs colonies dans l'Inde,
au milieu de tableaux éclatant de couleurs et figurant les indigènes de l'ex-
trême Orient, leui*3 costumes et leurs mœurs ; au centre même, on remarque
de prime-abord les divers monuments figuratifs concernant le pays d'Israël ;
on voit briller le zèle et la conviction profonde avec lesquels des adorateurs
du livre sacré cherchent à en expliquer les moindres détails et y consacrent
soit leur fortune, soit leur talent, soit leur existence.
Le bureau trigonométrique et topographique de l'Inde a présenté, pour la
section de la présidence de Bombay, des vestiges de l'Assyrie, de la Méso-
potamie et de Babylone, sous les numéros 51-54, compris dans le quatrième
groupe, qui est consacré à la géographie historique, à l'ethnographie, à la
philologie, parce que, en effet, ils peuvent servir à constater les premières
migrations du genre humain.
Si ces objets sont d'un intérêt secondaire pour nous, en revanche, on remar-
quera l'exposition faite par la Société qui a pris le titre de Palestine Eoppkh
roHon Fund^ dans le 7' groupe, comprenant les explorations scientifiques et
les missions :
— 269 —
N** 85. Exploration accomplie par MM. le major du génie Wilson et le capi-
taine Anderson, Carte dressée à réchclle de 1/63360. Manuscrit et orignal de
l'esquisse de campagne. Spécimen.
86. Exploration de M. le capitaine du génie Warren. Même échelle.
87. Carte-Table indiquant le progrès du levé de plan (y compris les divi-
sions du pays entre les expéditions anglaise et américaine).
88. Triangulation ; diagramme d'une partie du manuscrit de cette opéra-
tion. Spécimen du levé de contour, manuscrit par M. le commandant Conder,
du génie royal.
89. Spécimens des croquis, minutes de'campagne, du même.
90. Spécimens des plans minutes, par M. le major Wilson.
91. Spécimens des plans originaux de construction, du commandant
Conder.
92. Spécimens des plans originaux de constructions, par M. Charles Cler-
monMianneau.
93. Photographies de la Palestine (y compris les clichés sur verre).
94. Publications relatives & la Palestine, faites par la société de l'explo-
ration.
On y remarque, outre les comptes rendus mensuels ou trimestriels des tra-
vaux de cette société, le résumé de ses recherches intitulé : Our Work in
Palestine (1875, in-12), ainsi qu'une œuvre analogue de Morrisson (1871).
C'est ici que nous aurions voulu placer, — à titre de pendant et comme
point de comparaison, — la collection française du Bulletin de l'œuvre des
pèlerinages en Terre-Sainie, œuvre qui fonctionne depuis plus de douze ans
(depuis 1862 environ) et que l'on peut considérer comme une suite très-
convenable aux Lettres édifiantes sur l'Orient. On n'y trouve pas seulement
les récits pleins de foi et d'onction des missionnaires venus de la France,
mais une foule de renseignements précieux sur l'histoire et la géographie
de la Syrie, de véritables mémoires scientifiques, émanant de la plume
vénérable des abbés Barges, Rignon, Laurent de Saint-Aignan, etc. Et
cependant, ce n'est pas le seul élément apporté par les nôtres pour la con-
naissance de cette terre mémorable.
Nous aimerions à attribuer au compte de notre pays, — quoiqu'ils soient
rangés dans la section anglaise, — les travaux de M. Ch. Clermont-Ganneau,
ancien attaché au consulat de France à Jérusalem, et maintenant à Constan-
tinople, travaux dont l'inventaire-catalogue ne parle pas. Il se contente de
mentionner, au numéro 92, des spécimens de plans. En voici donc l'énu-
mération :
Au-dessous du numéro 85, un cadre étendu renferme une inscription
hébraïque, et une autre grecque, gravée sur un roc, marquant la limite de
l'antique Guezer, ville lévitique de la tribu d'Ephraim (Josué, xxi, 21), telle
qu'elle a été trouvée par M. Ganneau, en explorant la Palestine.
A coté, et toujours pour le compte du Palestine Exploration Fund^ le même
archéologue a réuni dans un cadre : {^ le plan de Jéricho ; 2^ Hadjar-el-
Asbah; 3* Tombeau de Siméon (un massif carré) ; 4» le Kébékiyeh (ogive,
surmontée d'une coupole) ; — 5<^ le tombeau de la vallée de Hinom ; 6° et
7* vues près de Jéricho (l'une coloriée) ; 8<* Neby Moussa (croquis de village
vus en regardant le Nord-Est).
Puis, un dessin ligure le chandelier à sept branches, avec dédicace hébraïque
et grecque « A Ananias, fils de Jacob, » trouvée par M* Ganneau sur l'une
des colonnes hautes de la nef d'une mosquée, à Gaza. — On y voit encore
maints autres objets d'antiquité de la même provenance.
Les voici en trois groupes différents. Le premier est relatif à la dite mosquée
— 270 —
de Gaza et offre la façade, avec tour sexagonale, percée sur chaqae coté d'ane
série de baies; puis une coupe longitudinale, à Téchelle de 0 mètre 01,
coloriée et agrémentée des constructions ayoisinantes. Le deuxième comprend:
i<>réglise des croisés à Yabné (coupes architecturales diverses); 2' idem (vues
de face) ; 3^ tombeau et habitation à Siioan (Jérusalem), avec inscription
phénicienne ; A^ église des croisés à Beit-Nouba (bénitier et autres détails)
5* tombeau à Emmaûs (vue à vol d'oiseau) ; 6* id. intérieur et inscription
grecque. Le troisième comprend : 1» Poteries et verreries trouvées à Beitr
Djala; 2^ tête impériale trouvée à Jérusalem; 3<* inscriptions diverses.
4. Ossuaire juif et inscription; 5* inscription, grand ossuaire juif ; objets
funéraires et autres .
Mais poursuivons la succession des numéros:
95. Levé du plan de Jérusalem, par le génie ; auquel on a joint :
i^ Notes pour accompagner le levé du plan (1 volume).
2* Photographies de Jérusalem. Carton contenant des plans.
Plan de Jérusalem. Échelle verticale et horizontale au 500 1/2.
Dans le plan en relief, les altitudes et les variations de terrain sont toutes
indiquées.
96. Levé du plan du Sinsd, par le génie (également en relief).
Partie L Compte rendu descriptif et illustrations.
Partie n. Cartes. — En traçant l'itinéraire d'Israël à la sortie d'Égjpte, les
auteurs ont pris soin d'y noter les moindres localités de l'Éxode, avec indi-
cation du chapitre et du verset.
Partie m. Photographies (volumes I, II, III).
97. Plan du Jebel-Musa à échelle verticale et horizontale, au 1/150,60.
98. Plan du Jebel-Musa, au 1/21,120.
99. Plan du Jebel-Serbal^ k l'échelle de 1/10,560.
100. Idem, au 1/21,120.
101. Vues stéréoscopiques de Jérusalem et du Sinal.
102. Vues transparentes de Jérusalem et du Sinal.
Entrons en France, salles 38 et 39 (môme groupe).
Voyons les objets exposés par M. E. Guii-Rey, numéros 1438-1444, relatifs
au nord de la Syrie ou à la Palestine des croisés, savoir :
N« 1438. Carte du nord de la Syrie, à l'échelle de 1/500,000.
1439. Fragment d'un des itinéraires de M. Rey, ayant servi à la coastruo-
tion de cette carte.
1440. Plan de Meimbedy (Hiérapoiis).
1441. Plans et photographies des ruines de Hosn Suleiman (Bœtocéoé).
1442. Plans et vues de l'enceinte sacrée de Naous.
1443. Châteaux du Krak, de Margat et de Tortose.
1444. Les monuments militaires des croisades (volume de la collection de»
documents inédits de l'histoire de France).
Le savant archéologue aurait pu y joindre son Voyage éUais le Haouran
aux bords de la mer morte et au pays des Druzes et desMaronistes, exécuté
pendant les années 1857 et 1858, région inexplorée où nul français n'avait
encore pénétré, sans compter son Étude historique et topographiquê sur la
tribu de Juda (gr. in-4). C'est probablement par un sentiment de réserve,
assurément excessive, que M. Rey s'est abstenu, ou préoccupé de son rùle
de délégué du Ministre de l'Instruction publique auprès de l'Exposition. Il
avait à remplir au nom du Gouvernement français, une tâche délicate, dont
il s'est acquitté avec autant de tact que de bon goût ; et, grÀce à lui, notre
pays a été représenté dignement et noblement, tout en faisant À ses hôtes
les honneurs du salon.
— 271 —
Par ses soins, le môme emplacement contient des œuvres analogaes, et
l'on y remarquera particulièrement les numéros suivants :
1445. Itinéraire de la mer Morte, par M. de Saulcj.
1446. Anunonitide, carte, plans et vues, du même.
1447. Deux plans de Jérusalem, par le conmiandant Gélis.
1448. Itinéraires divers, par le même.
1449. Garizim et environs de Naplouse. Plans.
1450. Environs de Jérusalem. Plans et dessins.
1451. Aqueduc de Béthléhem. Plan.
1452. Jérusalem, Hébron, Hérodium et Ramlet-el-Khalil. Plans, coupes,
Tues.
Le catalogue sgoute en nota, que M« de Saulcy s'était adjoint, dans sa
mission, le commandant Gélis, pour la topographie, et M. Mauss, conmie
architecte.
1456. Tombeau des Machabées. Plans et vues, par M. V. Guérin.
Nous passons maintenant aux œuvres de M. le comte de Vogué :
N' 1457. Kalat Semaln. — Église et couvent de saint Siméon Stylite, cons-
truits au cinquième siècle entre Âlep et Antioche (Syrie centrale).
a. Plan restauré à TécheUe de 0"'0025 par mètre.
b. Vue générale des ruines en 1862.
c. Intérieur de Téglise ; vue de la cour centrale (restauration).
d. Vue intérieure de TAbside (restauration).
1458. Lapais, Ancienne abbaye royale construite au quatorzième siècle,
sauf Téglise qui date du treizième (lie de Chypre).
a. Plan des ruines en 1865, k l'échelle de 0'*005 par mètre; b façade nord,
è l'échelle de O'^OOl par mètre, état des ruines en 1865; c façade ouest, id.;
d coupe suivant la ligne A. B.; e coupe suivant la ligne C. D.
1458 bis. Jérusalem, mosquée d'Omar, coupe transversale, prise en 1862.
Ajoutons encore les deux suivants :
1459. M. de Mas-Latrie : carte de Tile de Chypre, k l'échelle de 1/250,000.
1498. M. Mauss: Cloître du douzième siècle, à Béthléhem.
a Plan et vue de Koubeibek (Emmaûs). b Eglise Sainte-Anne à Jérusalem
et ses dépendances. 4 plans
Finalement, disons aussi que nous pouvions nous attendre à voir adopter
dans le même cycle littéraire l'ouvrage intitulé : Géogra/phie du Taknud, par
M. Ad. Neubaner (1868, gr-8), qui a pour origine, sinon une mission scien-
tifîquoy du moins un oncours académique. Cet orientaliste avait aussi
publié le texte hébreu des Lettres du voyage d'Obadia de Bertinoro en
Egypte et en Palestine au quinzième siècle (traduction française par le
signataire de ces lignes, 1865. in-8).
Telle est la nomenclature (que nous aurions voulu à la fois plus courte e
moins aride) des documents relatifs à notre sujet. Il n'est pas besoin de
remonter bien haut ni d'établir des comparaisons nombreuses pour prouver
la supériorité notable de ces topographes sur leurs devanciers. Un seul
exemple suffira pour nous en convaincre.
La magnifique carte de Ritter n'a pas assez circonstancié le moyen Age ;
par conséquent, elle ne saurait servir à expliquer les relations des narrateurs
qui ont employé les dénominations en usage parmi les croisés. Cette
remarque a déjà été exprimée par feu Joachim Lelewel dans sa lettre sur
la carte géographique de la Terre-Sainte d'El. Carmoly (Bruxelles, 1847),
accompagnant les extraits de narrations des pèlerins juifs de différentes
époques qui, pour la plupart, étaient sur les lieux, savoir : Bei^amin, de
Tudèle, en 1163 ; Petahia, de Ratisbonne, en 1173 ; Samuel bar Simson de
— 272
France, en 1210; Jacob de Paris, en 1258; Isaac Helo, deLaresa, en 1334;
Eliahde Ferrare, en 4438, outre deux auteurs de listes abondantes de tom-
beaux, du seizième siècle.
Or, aujourd'hui, — il est à peine besoin de le constater à nouveau, — le
point de mire de tant de recherches est atteint, ou peu s'en faut. Ce ne sera
pas un des moindres services rendus par le Congrès, d'avoir opéré la réunion,
sinon réelle, au moins possible, des matériaux les plus indispensables à la
géographie des croisades, de l'avoir élucidée, de l'avoir présentée au grand
public sous un jour favorable ; d'avoir enfin facilité l'accès de tous ces trésors
aux explorateurs futurs et aux pèlerins, ainsi qu'aux missionnaires de
l'Orient. C'est un avantage qu'à côté de bien d'autres, nous sommes
heureux de consigner, car il est assez important pour être signalé à la
gratitude du monde savant M** Schwab.
CHRONIQUE
Nécrologie. — Hans-Christian Andersen, célèbre poète et romancier
danois, est mort le 2 aoiU à Copenhague; il était né le 2 avril 1805 à
Odensée, dans l'ile de Fionie. Fils d'un cordonnier, il fut mis en apprentis-
sage chez un tailleur, dès l'àgo de onze ans. A cette époque, il faisait déjà
des vers. Comme il ne montrait aucune disposition pour les travaux manuels,
sa mère le laissa partir pour Copenhague. S'étant présenté au Théâtre-
Royal, il fut éconduit, parce qu'il était .trop maigre. Mais sa voix, fort belle,
lui valut la protection de plusieurs musiciens, qui l'aidèrent à vivre. Une
maladie subite lui ayant enlevé la voix, il eût recours à la poésie, et publia
plusieurs pièces de vers, parmi lesquelles VEnfant mourant, qui eut un
grand succès. Les poètes en renom, OEhlenschlœger et Jugeman, sollicitèrent
pour lui une bourse dans une école de Copenhague. Il commença ses études
à 23 ans, en 1828. Deux années après, il fit paraître une satire littéraire
intitulée : Voyage à pied à Amak, qui eut trois éditions. Il publia ensuite,
Fantaisies et Esquisses, qui révéla en lui l'un des plus grands poètes du
Nord. Il voyagea successivement en Allemagne, en France, en Suisse, en
Italie, ce qui amena la publication des Esquisses de voyage. L'Italie lui
inspira un de ses meilleurs romans : V Improvisateur, traduit en français par
M"* C. Lebrun (1837, 2 vol. in-8). Il alla ensuite dans l'Orient, le pays de
ses rêves, qu'il a décrit dans son Bazar du poète (1842). Il vint à Paris en 1843 ;
l'année suivante, il reçut des ovations en Allemagne. Il commença son auto-
biographie, le Récit de ma vie, en Italie. En 1847, il visita l'Angleterre et
la Suède. Dans les intervalles de ses pérégrinations à travers l'Europe, il
écrivit : O-T, c'est-à-dire la maison de réclusion d'Odensée (1835); — Rien
qu'un violoniste (1837, 2* édit. 1853); — Un drame qui réussit : le Mulâtre;
— Un autre moins heureux : Raphaèlla (1840). Cette même année, parût
encore son Album satis dessins. D donna ensuite ses Contes (3 volumes). Un
choix des plus jolis a paru sous le titre de Contes choisis (1855,in-16) ; puis sui-
virent : Livre d'images sans images (1 859, in-i 8) ;— Nouveaux contes (i 861 , in-1 8);
— Pantaisies danoises (1861, in-18). On a encore de M. Andersen un drame
symbolique : Ahasvérus, et un roman emprunté aux mœurs nationales, les
Deux baronnes, qui a paru dant l'édition générale de ses Œuvres (Leipzig,
1847-1848, 35 vol.)
— M. Etienne, recteur de l'Académie de Besançon, est mort le 6 août.
Professeur suppléant de litterature françabe à la Sorbonne* de 1870
— 273 —
à 1873; recteur à Chambéry et à Besançon depuis lors, il avait, du-
rant de longues années, analysé et apprécié, dans la Revue des Deux-
Mondes, les productions anglaises contemporaines. Dans son Histoire de la
lUtéraivre italienne, parue récemment, il a résumé, d*une façon concise et
magistrale, vingt ans d*études assidues, et il s'est montré critique fin et
élevé et historien d'une érudition consommée chaque fois qu'il s'est occupé
des littératures modernes.
— M. Fernand-Louis-Amoult le Proux, archiviste-paléographe, associé-
correspondant de la Société des antiquaires de France, né à Saint-Quentin
(Aisne), le 13 octobre 1844, mort dans la même ville le 23 juillet 1875, a publié
un certain nombre de travaux sur l'histoire de Picardie, et notamment: Chartes
françaises du Vermandois, antérieures à 1250 (Bibliothèque de l'Ecole des
Chartes, 1874) ; — Lettres du cardinal Mazarm à la Ville de Saint-Quentin,
1873 (extrait du Vermandois) ; — Saint-Quentin, notes d'histoire locale, neu-
vième et dixième siècles (Mémoires de la Société académique de Saint-
Quentin)', — Fondation d'une chapelle de Notre-Dame en 1468 à Compiégne
par le roi Louis XI {Bulletin de la Société historique de Compiégne, t. l*% 1872) ;
— En ilolkmde. Notes extraùes d'un carnet de voyage (avec A. de Marsy),
Arras, 1867. En outre, une série d'articles bibliographiques dans le Journal
de Saint-Quentin, M. le Proux laisse divers travaux manuscrits, en tôte
desquels ligure une Histoire des comtes de Yermandois, présentée comme
thèse à l'Ecole des chartes en 1869 ; une Histoire de Vahhaye de Fervacques, et
une édition de Guibert de Nogent, préparée pour la Société de l'histoire de
France. — A. de M.
— M. l'abbé Parâhelle, si connu par son talent pour la découverte des
eaux souterraines, est mort le 20 août a Saint-Géré, petite ville du dépar-
tement du Lot; il était né en 1790^ à Félizins, canton de Figeac. Savant
et saint prêtre, il a laissé un testament qui sera le monument de sa charité
et de son dévouement aux bonnes œuvres. Il a publié, en 1856, chez Dal-
mont : L*Art de découvrir les sources (in-8), dont une 'seconde édition,
augmentée, a été donnée en 1859.
— M. Gharles-Théodore-Edwin Tross, libraire-éditeur, à Paris, né & Hamm
(Prusse), en 1822, est mort le 30 août. Savant aussi modeste que anti-
quaire distingué, il parlait et écrivait la plupart des langues de l'Europe.
Ses vastes connaissances faisaient qu'il était souvent consulté par lesérudits
les plus éminents. Ses catalogues ont de la valeur. Il a publié : Cent cinq
rondeaulx d'amour, d'après un manuscrit du commencement du seizième
siècle (in-12, 1863, avec 2 vignettes).
On annonce encore la mort de M. Rohault de Fleury, architecte, admi-
nistrateur de l'École Saint-Nicolas; — de M. Gormon, rédacteur en chef
du Hainaut français, mort à Avesnes (Nord) ; — de M. le baron Lombard de
BuppiÊRES, ancien magistrat, ancien député ; — de M. André Leroy, pépi-
niériste distingué d'Angers, et auteur d'un Dictionnaire de Pomologie ; — de
M. Gonnop-Thirlwall, ancien évêque anglican de Saint-David, auteur d'ou-
vrages estimés ; — de M"^^ la duchesse de Storne, qui avait été l'amie de
Chateaubriand, de Lamartine et d'Alfred de Musset, et qui laisse des notes fort
curieuses sur ces grands honmies ; ses Mémoires seront publiés par les soins
de ses héritiers ; — de M. Auguste Pcjol, rédacteur en chef du Journal de
Toulouse, mort dans cette ville le 8 août ; — de M. le baron de Léonhardi,
professeur de philosophie à l'université de Prague et historien célèbre, mort
le 21 ao&t d'une attaque d'apoplexie ; — ^e Mgr Guillaume Sillani-Aretini,
né àSigillo, diocèse de Nocera (Italie), le 11 août 1786, mort le 12 août;
chanoine de Nocera, entré dans la congrégation ^es missionnaires du
Septembre 1875. T. XIV, 18.
— 274 —
PrécieuX'Sang, et préconisé évoque des sièges unis de Terracine, Piperno et
Sezze, le 6 avril 1835, donna sa démission en 1853, et se retira chez les
missionnaires du Précieux-Sang, où il est mort ; r- de M. Lochon, avocat,
collaborateur de V Union savoisienne, mort à Annecy le 22 août; — de
M. GoTTSCHALK, inspecteur d'académie, mort à Amiens, le même jour ; -^ de
M. le baron de Maistre, le cousin de Joseph et de Xavier de Maistre, et l'in-
time ami de Lamartine, mort en. son château de Coques (Nièvre), le 20 aoi^;
— de M. Jean Goethals, ancien membre du Congrès national et de la Cham-
bre des représentants, ancien commissaire d'arrondissement à Courtrai,
ancien membre de la députation permanente du Conseil provincial de la
Flandre occidentale, mort le 15 août, à Bruxelles, àTâge de 81 ans.
Institut. — Académie française. L'Académie française a tenu le jeudi
49 août, sa séance hebdomadaire ordinaire. La commission chargée de
prononcer sur les livres envoyés au concours du prix Guizot se composait
de BfM. Dufaure, d'Haussonville, Marmier, de Loménie, auxquels étaient
adjoints de droit les membres du bureau, savoir MM. Camille Doucet, Caro
et Patin. Le prix triennal de 3,000 francs, fondé par M. Guizot, et qui n'est
pas destiné, conune on l'a dit, au meilleur ouvrage en vers ou en prose paru
depuis dix ans, mais à tout ouvrage spécialement consacré, soit à mettre en
. lumière une des grandes époques de l'histoire de France^ soit à raconter la vie et à
apprécier les asuvres d'un grand écrivain français, a été décerné, pour la première
fois, à notre collaborateur M. Gautier, pour son livre sur la Chanson de Bokmd,
Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans sa séance du 6 août,
l'Académie des inscriptions a reçu conmaunication du rapport de M. Adrien
de Longpérier, au nom de la commission des antiquités de la France. La
première médaille a été décernée à l'ouvrage : les Vicomtes de Limoges^
par M. Robert de Lasteyrie ; la seconde, à VEtude sur l'architecture de VAge-
nais, par M. Tholin ; la troisième, aux deux ouvrages : Histoire et cmtulaire
de FlineSf par M. l'abbé Hautcœur. Les six mentions honorables ont été
accordées : la première, à VHistoire des institutions de VAuvergne,par M. Rivière;
la seconde, au Trésor de Clairveaiuû, et & onze autres mémoires présentés par
M. l'abbé Lalore ; la troisième, aux Inscriptions céramiques a*Autun, par M. Ha-
rold de Fontenay ; la quatrième, à divers ouvrages intitulés : Rcceuils de
chartes^ Visite pastorcUes à Grenoble, Choix de monuments diplomatiques inédits,
par notre collaborateur M. l'abbé U. Chevalier ; la cinquième k l'ouvrage :
Réunion de Lyon à la France, par M. Pierre Bonassieux ; la sixième aux Chro-
niques de saint Martial de Limoges, par M. Duplès-Agier.
^-Dans sa séance du 20 août, l'Académie, statuant sur un rapport de M.Adrien
de Longpérier, au nom de la commission du prix Louis Fould, a décidé
de donner un accessit, représenté par trois années de revenu du capital de
20,000 francs, à l'ouvrage de M. James Fergusson, intitulé Histoire de l'arcki'
tecture de tous les peuples depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours;
elle a pris d'ailleurs en considération les cinq publications du même auteur
dont les titres suivent: 1» Les Monuments de pierres brutes dans toutes les
contrées ; 2<» les Palais de Ninive et de Persépolis; 3<* Explioatùms des temples
taillés dctns le roc, dans Vînde ; k^ Illustrations de l'ancienne architecture de
VHindoustan ; 5<> le Culte de V Arbre et du Serpent ou Explication de la mythO'
logie de Flnde d'après les sculptures des monuments bouddhistes de Santchi et
d*Amraivati.
— Dans sa séance du 27, l'Académie, sur les conclusions de M. Adrien de
Longpérier, rapporteur de la conmiission du prix de numismatique, fondé
par Allier de Hauteroche, a décerné ce prix & M. Barclay Vincent Head,
conservateur ady oint du cfl^inet des médailles du Musée britannique, pour son
— 275 —
ouvrage intitulé : Série chronologique des monnaies de Syracuse, 1874 ; in-8,
accompagné de quatorze planches exécutées par le procédé autotype (hélio-
graphique).
Académie des sciences morales et politiques. — Dans sa séance du 28 août,
r Académie des sciences morales et politiques, a fixé les sujets des prix
suivants : — i* Prix Victor Cousin pour 1876 (3,000 îr,). Le sujet à
traiter sera : De la philosophie stoïcienne, — 2« Prix de M. le .baron Félix
de Beaujour pour 1877 (5,000 fr) : De V Indigence aux différentes époques de
la civilisation. — 3» Prix de M. le baron de Morogues pour 1877 (2,000 fr.).
L'auteur devra traiter la question du Paupérisme en France et indiquer
les moyens d'y remédier. — 4« Prix Stassart pour 1878 (3,000 fr.) :
(c Chercher les raisons de la diversité qui peut exister dans les opinions et
les sentiments moraux des différentes parties de la société, » — 5^^ Prix de
2,500 francs : Les modifications introduites dans les lois relatives aux titres
négociables, — 6« Prix Odilon Barrot pour 1877 (7,500 fr.); ce prix sera
décerné à l'auteur du meilleur ouvrage sur le jury et sur la procédure civile
et criminelle.
CoMCOUBs ET PRIX. — La section des lettres de l'Institut national genevois
a offert un prix de 500 francs à la meilleure traduction française de quatre
ballades allemandes de Schiller, Goethe, Uhland et Bûrger.
— Dans sa séance publique du 20 juin 1875, la Société académique ^de
Saint-Quentin a, entre autres prix, décerné , dans le concours de littérature,
le !<' prix à une Étude sur Jean Bodin, par M. Éd. de Barthélémy, membre du
comité des travaux historiques; et dans le concours d'Histoire locale, la seule
récompense, — une mention honorable avec médaille d'argent grand module,
— a été donnée au môme pour son Histoire de saint Marcou et du Prieuré de
Corbeny,
— La Société académique de Saint-Quentin a mis au concours, pour
l'année 1876, les sujets suivants : Poésie; le sujet est laissé au choix des
concurrents. — Littérature : i^ « Étude sur la poésie contemporaine; »
— 2** » Des moyens de développer le goût de l'étude dans toutes les condi-
tions. » — Histoire locale: 1® u Faire l'histoire d'une localité quelconque du
département de l'Aisne ou de l'un des départements limitrophes;» —
2° <( Histoire de l'Abbaye de Fervaques, & Saint-Quentin ; — 3° « Étude sur
l'Abbaye de Nogent-sous-Coucy et les travaux de ses principaux religieux; »
— 4® « Étude historique sur les comtes de Soissons ; » ^- 5® « Recherches
sur l'homme préhistorique dans l'arrondissement de Saint-Quentin. »
Congrès. — Le Congrès de l'union des associations catholiques ouvrières
a tenu sa cinquième session à Reims, du 23 au 28 août, sous la présidence
de son excellence Mgr Langénieux, archevêque de Reims, au milieu d'une
très-nombreuse afÛuence. Le congrès était partagé en sept commissions :
1. Union des bureaux diocésains ; 2. Propagation de l'union ; 3. Œuvres et
cercles d'ouvriers ; 4. Œuvres de jeunesse ; 5. Œuvres d'enseignement et de
bonnes lectures ; 6. Corporation chrétienne : Œuvres de l'union et de la
famille ouvrière ; 7. Aumènerie militaire. — Un rapport sur les biblio-
thèques populaires et la propagande des bons journaux, brochures et tracts,
a été présenté par le R. P. de Boylesve, et une monographie de la Société
bibliographique a été lue par M. de Beaucourt.
— Association française pour l'avancement des sciences — L'Association
fr'ançaise a tenu, à Nantes, son quatrième Congrès annuel, du 19 au 26 août
dernier, sous la présidence de M. d'Eichtal. On remarquait, au bureau de la
séance solennelle d'ouverture, sur la scène du Grand-Théâtre de la place
— 27» —
Graslin, cinq membres de l'Académie des sciences, IIM. Dumas, Claude
Bernard, Balard, Wurtz et de la Goumerie, un membre de l'Académie
des sciences morales et politiques, M. Levasseur; une foule de profes-
seurs, d'ingénieurs, d'industriels, de savants de toute classe ; et, parmi
les étrangers : Mahmoud-Bey, de l'Institut égyptien, le conmiandeur Negri,
M. Cari Vogt, le général Ricci, les docteurs Brandza, Grinwis, Schmidt et
Phené, l'amiral OManney, etc.. 11 nous serait impossible de donner ici une
simple nomenclature des travaux remarquables qui ont été produits dans les
quinze sections : des sciences mathématiques, — génie civil, — physique et
météorologie,-^- chimie, — géologie et minéralogie, — botanique, — zoologie,
— anthropologie, — sciences médicales, — agronomie, — géographie, — éco-
nomie politique et statistique. Des conférences publiques avaient lieu, en-
dehors des sections, en séances générales. Qu'il nous suflise de signaler, en
particulier, les conférences de M. Bureau sur les progrès des sciences naturelles
à Nantes ; de M. Lorieux sur les ressources minéralogiques et salicoles de la
Loire-Inférieure, et de M. Gavarret sur le son*. Cette dernière a été très-remar-
quée : mais le savant professeur a gâté tout son succès, en terminant par
une péroraison malencontreuse & l'adresse de la récente loi sur l'enseigne-
ment supérieur. Si réellement l'Université ne craignait pas la concurrence,
elle ne le crierait pas si haut. — Citons aussi, parmi les travaux des sections,
les mémoires de M. Collignon, sur la résolution des équations numériques ;
— de M. Fouret, sur une nouvelle méthode de calcul de la résistance des
poutres droites à plusieurs travées ; — de M. Bergeron, sur le tunnel du Pas-
de-Calais; — de MM. Roussin et l'abbé Durand, sur les expéditions au Pôle
nord ; — de M. Broca, sur un crâne préhistorique recueilli par M. René Ker-
viler dans les fouilles du nouveau bassin de Saint-Nazaire ; — de M. Foulon,
sur l'histoire des chambres de commerce ; — de M. Guieysse, sur la propaga-
tion de la marée dans les rivières ;^de M. Claude Bernard, sur la température
du sang et sur les effets du curare ; — de M. Goullin, sur l'amélioration de la
Loire ; — de M. Mannheim, sur les propriétés de la surface de l'onde ;
— de M. Cornu, sur la mesure de la vitesse de la lumière entre l'Obser-
vatoire et Montsouris; — de M. Viaud Grand Marais, sur le venin des
serpents; — de M. Ë. Lemoine, sur la substitution des alcalis dans les
règnes végétal et animal; — de M. Godard, sur les méthodes de l'école
Monge; — de M. Bourdelles, sur l'extraction de roches sous- marines; — de
M. le docteur Laénnec, sur la structure et le développement des tissus osseux;
— de M. Joly, sur l'application de la drague du système Bazin sur la
Loire, etc., etc... M. le docteur OUier, de Lyon, a lu un très-remarquable
compte rendu de la session du Congrès de Lille en 1874.
De nombreuses excursions ont eu lieu dans les environs de Nantes, dont
presque toutes les grandes usines, rafQneries, confiseries, fonderies, etc., ont
été successivement visitées. Les anthropologistes se sont rendus à l'Ile de
Batz et au Croisic ; les agriculteurs, à la ferme-école de Grand-Jonan ; les
géologues, à Ancenis; les métallurgistes, à Couêron, Basse-Indre et Indret, où
M. De Robert a fait les honneurs du bel établissement de la marine ; les ingé-
nieurs, à Saint-Nazaire,où M. Daymar a conduit le Congrès dans les ateliers
de la Compagnie transatlantique, et où M. Kerviler, ingénieur des travaux
d'achèvement du nouveau bassin, a exposé l'économie générale de ce grand
port et ses essais de fondation dans la vase sur puits coulés à 25 mètres
au-dessous du sol naturel. Enfin, après la clôture de la session, un grand
nombre d'excursionnistes sont partis pour Vannes, ont visité le Morbihan,
les monuments de Carnac et de Locmariaker;puis un navire de l'État leur a
fait visiter la baie de Quiberon et Belle-Dé. Les derniers membres du Congrès
— 277 —
se sont séparés à Lorient. Nous devons ajouter qu'une magnifique exposition
d'objets préhistoriques, gaulois et gallo-romains avait été réunie au Théâtre
de la Renaissance par les soins de MM. Mario nn eau et Parenteau. On y
admirait les collections de MM. de Limur, Parenteau, Fabbé Baudry, Seidler,
Fillon, de Girardot, etc., etc. — R, K.
Les FRàRBS des Écoles chrétiennes au Congrès de géographie. — Le Con-
grès international de géographie, dans sa dernière séance, a décerné à
rinstitut des Frères des Écoles chrétiennes, pour ses travaux de géographie
scolaire, la rare médaille de i'* dasse, la plus haute récompense qu'il pût
accorder. Et, chose digne de remarque, la nombreuse assemblée du Congrès
a accueilli cette nomination par des applaudissements et par des marques,
non équivoques de sympathie, ce dont elle n'était cependant pas prodigue.
L'institut se maintient donc, pour l'enseignement de la géographie, au
niveau des progrès accomplis dans ces derniers temps. La récompense qui
lui est accordée est égale à celle qu'ont obtenue les auteurs le plus en renom
et les premiers éditeurs de Paris. Et c'était justice. On pourrait rapporter
ici des témoignages de la plus haute valeur, et notamment celui d'un per-
sonnage étranger de distinction qui, dans un langage plus expressif que
correct, disait : u La collection des objets exposés par les Frères est encore
ce qu'il y a de plus mieux pour les écoles, n {Le Monde»)
Lectures faites a l'Acadéhie des inscriptions et belles-lettres. — Dans la
séance du 6 août, l'Académie a entendu une communication de M. le Dr Gus-
tave Lagneau sur Véthnographie des Ligures» Dans la même séance et dans celle
du 20, on a continué la lecture du mémoire de M. Ch.Tissot, sur la géographie
comparée de la Mauritanie tingiiane, — Dans la séance du i3, M. Egger, au
nom de M. Thomas-Henri Martin, a lu une note sur l'étymologie du mot latin
Dtclator, sur l'origine et le sens primitif de ce mot. — Dans les séances des '
43 et 20, M. Alfred Maury a lu un mémoire intitulé : Nouvelles observations sur
la langue étrusque, — Dans la séance du 27, M. Léon Renier a communiqué
un travail suggéré par une inscription latine, recueillie à £1 Arrouch, à mi*
chemin entre Gonstantine et Philippeville.
Lectures pattes a l'Académie des sciences morales et politiques. — Dans la
séance du 7 août, M. le baron de Gzœrnig, correspondant à yienne'(Autriche)
de la section d'économie politique, a lu une note intitulée : Les changemetits
du système fluvial survenus dans le comté de Goricd depuis le temps des Romains :
risonzo, le fleuve le plus récent de V Europe. — Dans les séances du 7 et du 44,
M. L. Drapeyron a lu la seconde et la troisième partie de son mémoire sur
le Caractère de la lutte de V Aquitaine et de VAustrasie sous les Mérovingiens et
les Carlovingiens» Les points abordés dans ce mémoire sont les suivants :
Médiation de Grégoire de Tours ; les Aquitains et les Basques ligués contre les
Austrasiens ; Sens de la lutte de Waiffre et de Pépin le Bref; Guerres et légende
de Waiffre; Padfication de Louis le Débonnaire, — Dans la séance du 14,
M. Giraud a repris la lecture du mémoire de M. le colonel de La Barre-
Duparcq intitulé : Henri IV 'et nos frontières, — Dans la séance du 24,
M. Jules Alaux, professeur de philosophie à l'académie de Neuchâtel
(Suisse), a lu la première partie d'un mémoire ayant pour titre : La méta-
physique, étude sur la philosophie première, — Dans la séance du 28, M. Bau-
drillart a commencé la lecture d'un mémoire sur le Luxe et les moralistes
Un coffret du douzième siècle découvert a la bibliothèque de Vannes. —
Ayant obtenu la permission de classer les archives capitulaires de la cathé-
drale de Vannes, il y a quelques années, M. l'abbé Chauffier, ancien élève
de l'École des chartes, qui consacre tous ses loisirs à l'étude de nos anciens
— 278 —
monuments, aperçut, après avoir enlevé la plupart des liasses, un cofflret
en bois, couvert; de peintures et rempli d'ossements qui gisait méprisé der-
rière de gros antiphonaires parisiens. Son attention fut aussitôt éveillée par
la bizarrerie fort archaïque des peintures, qu'une patine épaisse permettait
à peine de reconnaître. La serrure étant faussée, il était difficile aussi d«
constater Tauthenticité des reliques ; mais les costumes des personnages
représentés sur toutes les faces du coffret conduisirent Fauteur & penser qu'il
appartenait à la seconde moitié du douzième siècle. Quelques fragments de
parchemin, attachés aux ossements qu*il renfermait, portaient le nom de
saints en écriture de la même époque.
De patientes et laborieuses recherches ont enfin permis à M. l'abbé Ghauffier
d'établir que les reliques du cofiret sont dues à l'évoque Guéthenoc, qui
gouvernait le diocèse de Vannes de 1177 à 1227, et que les scènes de dieva-
lerie représentées tout autour du coffret, scènes que, au premier abord, on
pourrait croire détachées des romans de la Table Ronde, en particulier de la
belle et délectable histoire du noble chevalier Gauvain, sont antérieures au cjcle
d'Arthur, dont la critique la plus exacte fixe la composition de 1170 à 1250.
Tout concorde donc pour fixer la date du coffret à la moitié du douzième
siècle, et c'est merveille de voir comment l'abbé Ghauffier, analysant tous
les détails du costume, des armures et des attitudes des personnages, pour
les comparer avec ceux qui sont représentés sur les monuments déjà connus
ou avec les descriptions des auteurs contemporains, écarte successivement
toutes les hypothèses douteuses pour arriver à une conclusion qui s'impose
impérieusement à l'esprit. Rarement nous avons vu déployer une érudition
plus séduisante et de meilleur aloi ; aussi devons-nous féliciter hautement
la Revue de Vart chrétien, l'Association bretonne, et la Société polymathique
du Morbihan de n'avoir pas hésité à insérer l'étude de M. l'abbé Ghauffier dans
leurs publications. Le tirage à part, très-soigné, mérite une place d'honneur
dans toutes les bibliothèques qui se piquent d'honorer le moyen âge. (EsMi
iur un coffret du douzième siècle appartenant à la bibliothèque de Vannes. Extrait
de la RevuedeVart chrétien. Arras, Planque, 1875, in-8 de 38 p. et 2 pi.) ^R. K.
La Nouvelle-Guinée et le capitaine Lawson. — La Nouvelle-Guinée est
une des régions les moins connues du monde. Un marin anglais, le capitaine
Lawson, vient de lui consacrer, sous le titre de Wanderings in New Quinea^
un volume intéressant. Au mois de mai 1872,- accompagné d'un lascar et de
deux indigènes de l'Australie, il pénétra courageusement dans l'intérieur de
cette région; après six journées de marche, il atteignit une chaîne de mon*
tagnes qui arrivait à une hauteur de 19,500 pieds anglais; au delà, sont des
plaines où les buffles, les lièvres, les daims abondent. Les habitants sont de
fort petite taille, leur peau d'un brun très-foncé ; ils élèvent de la volaille,
des cochons, des chèvres; leur mets favori c'est la chair grillée du singe. Le
capitaine découvrit un lac d'une vaste étendue, autour duquel résident une
multitude d'oiseaux et des légions de grenouilles; il lui donna le nom
d'Alexandra, en l'honneur de la princesse de Galles, et il gratifia du nom de
Vulcain une montagne volcanique en éruption qui s'élève jusqu'à 16,700 pieds
au-dessus du niveau de la mer. Une autre montagne, le mont Hercule, pré-
sente, selon notre voyageur, la plus grande hauteur qui existe sur notre
planète; l'assertion est contestable. Les récits des exploits du voyageur
contre les sauvages, sa résistance à des fatigues extrêmes et à des dangers
nombreux ne semblent pas exempts de quelque exagération, et, tout en
ajoutant des détails utiles au peu qu'on savait déjà au sijget de la Nouvelle-
Guinée, ces Wanderings n'empêchent pas de désirer la publication d'un livre
qui fournira des notions bien précises relativement à cette (erra inoognita.
— «79 —
BmioTBÂQUES 8C0LAIBSS. — NoQs empruiitona à la StaUstiqtie de la France
de M. Blockj les renseignements suivants sur le mouTement des biblio-
thèques scolaires de i865 à 1871. Le nombre des bibliothèques était, en
1865, de 4,833, avec 180,854 vol.; — en 1866, de 7,789, avec 258,724 vol.;
— en 1867, de 11,417, avec 721,853 vol.; — en 1868, de 12,395, avec
988,728 vol. ;— en 1869, de 14,395, avec 1,239,165 vol.; — en 1870-1871,
de 13,638, avec 1,158,742 volumes.
Une académie en Chine. — Mgr Pemy, ancien provicaire apostolique de la
Chine, dont les savants travaux ont, plus d'une fois, été signalés & nos lec-
teurs, vient de concevoir le projet d'établir, en Chine même, une académie
destinée à mieux faire connaître ce vaste pays qu'il ne Ta été jusqu'à ce
jour (Projet d'une Académie européermej Paris, Jules Boyer, in-8 de 12 p.). Le siège
de cette société savante serait & Han-Kéou, ville sise sur le fleuve Bleu, au sein
môme du Céleste-Empire. Elle se composerait d'une vingtaine de membres, les
uns missionnaires ou savants européens, les autres lettrés du pays, et publie
rait, chaque mois, au moins, un fascicule d'annales. Les sujets les plus variés y
seraient successivement traités, et chaque volume constituerait ainsi un véri*
table essai d'encyclopédie chinoise. Questions commerciales, ethnographie,
histoire, littérature, sciences naturelles, tout s'y trouverait successivement
passé en revue. La création d'un musée et d'une bibliothèque au local de la
société est chose jugée, et avec raison, indispensable. Quant aux ressources
financières, on espère les trouver soit dans les dons des personnes s'intéres-
saut aux progrès des sciences, soit dans les abonnements, soit dans la vente
des dites annales. L'abonnement, qui ne pourra être de moins d'une annéOi
sera fixé au prix de 60 francs.
Par le résumé que nous venons de donner, l'on voit clairement le but
auquel vise Mgr Perny. Ce n'est pas tant, à proprement parler, de révéler
l'Europe aux Chinois, que de nous initier, nous autres barbares Occidentaux,
à la connaissance des choses et hommes de l'Empire du milieu. On ne saurait
nier qu'il n'y ait beaucoup À faire dans cette voie. Pour nous en tenir & la
question industrielle, combien de procédés connus depuis longtemps des
Chinois, et que nous aurions tout intérêt & leur emprunter? En fait d'accli-
matation, nous aurions également plus d'une leçon à recevoir du peuple à tête
noire. Déjà, au reste, l'on a tenté l'introduction de certaines plantes, telles
que le sorgho, qui n'a qu'un défaut, c'est de ne point valoir le mais, dont
on peut le considérer comme un succédané ; et une espèce de bambou,
propre aux régions tempérées du Céleste-Empire, et qui réussit fort bien dans
le midi de la France. Pourquoi, n'imiterions-nous pas, à cet égard, les Anglais,
gens pratiques, s'il en fût, et qui aujourd'hui, sont parvenus à récolter le
thé sur les versants de l'Himalaya? Diverses régions de l'Algérie et peut-être
même du midi de l'Europe semblent parfaitement convenir à la culture de
cet arbrisseau. Ce serait, à coup sûr, une grande économie pour le monde
entier que de n'être plus, sur ce point, tributaire de l'Empire chinois.
Quoi qu'il en soit, on ne saurait contester les services que rendra évidemment
l'Académie européo-chinoise, lorsqu'une fois elle sera parvenue à se cons-
tituer d'une façon sérieuse. Ajoutons que, grâce à son activité, à son énergie,
à sa prodigieuse érudition, nul ne semble plus capable que Mgr Perny de
mener une aussi laborieuse entreprise abonne fin. — H. de Ch.
Notre Géographie provinciale. — Le Polybiblion a donné (p. 192) d'inté-
ressants renseignements sur le Saonnois. En ce qui regarde la division de la
France en pays, n'y a-t-il pas d'ouvrages ou de cartes où l'on puisse se ren-
seigner avec quelque précision ? Nous pensons ici à la division de l'ancienne
— 280 —
France^ non en gouyemements mais en pays. Ces pays, lors même qu'ils ont
cessé de bonne heure de correspondre à des divisions administratives, judi-
ciaires ou ecclésiastiques, n'en vivent pas moins dans les souvenirs de la tra*
dition. Nos paysans savent cette géographie par cœur, en ce qui concerne
leur village et les villages voisins : ils savent où tel pays finit, où tel autre
commence, et, si on leur demande d'où ils sont, ils ne répondront pas par
le nom de leur département (du moins si ce sont de vrais et vieux paysans),
mais par le nom de leur pays : « Je suis du Gâtinais, de la Beauce, etc. »
S'il n'existe pas un travail d'ensemble pour notre pays, il serait intéressant
de le faire par l'apport de savants des différentes provinces. Le travail de
M. Longnon sur l'Ile de France, dans le premier volume des Mémoires de
la Société de l'histoire de Parts, quoique fait à un point de vue différent,
montre l'intérêt d'un semblable travail. — H. G.
Le Groupr en marbre de l'église Notre-Dame a Bruges. — Au moment où
l'Italie s'apprête à célébrer pompeusement le centenaire de Michel- Ange, la
petite brochure que M. F. Reiset vient de publier, sous le titre transcrit plus
haut (Paris, Gh. de Mourgues, in-12 de 8 p.), est toute d'actualité. Un passage
de Gondivi, mal compris par Yasari et rectifié par notre auteur, lui a
permis de restituer & Michel-Ange la Vierge de Bruges, que M. James Wheale
avait cru pouvoir attribuer au sculpteur florentin Torrigiani. Non-seulement
il y reconnaît une œuvre du maître lui-même, mais il parvient à préciser
l'époque à laquelle ce chef-d'œuvre a dû être exécuté. Ge fut évidemment
avant le mois de décembre de l'année 1506; c'est-à-dire au moment où son
génie était dans toute sa force, et où il a produit les plus parfaits de ses
ouvrages. — A. H. de V. '
ABOLmoN DE LA MORT. — De la peine de mort, direz-vous? Pas du tout, ou
plutôt, mille fois mieux, abolition de toute mort, naturelle ou violente! Et
ce beau projet n'est pas un rêve poétique; c'est l'objet d'un manifeste phi-
losophique des plus sérieux, des plus raisonnes, fondé sur de magnifiques
axiomes, comme ceux-ci : a l'être, l'intelligence, l'activité sont les trois élé-
ments constitutifs de la durée ou de la vie; » l'intelligence finie, qui contient
en elle le rapport du multiple fini au multiple absolu, a le droit de déve-
velopper à l'infini sa propre durée, etc. » Là-dessus, on arrive, par des pro-
cédés de raisonnement dont beaucoup de philosophes célèbres n'ont pas le
droit de se moquer, à démontrer que l'homme sera physiquement inmiortel,
quand il voudra. Du reste, nous y tendons, mais avec lenteur. 11 est évident
que la foi manque et que trop peu d'hommes sont arrivés à ce degré de per-
fection requis, où la différence entre le bien et le mal est absorbée dans une
vraie conception synthétique de l'univers. Quand ce progrès sera accompli,
comment la vie pourra-t-elle être à Tabri des accidents, comme la chute
d'une tuile, l'asphyxie? etc. Gomment la terre suffira-t-elle à recevoir et à
nourrir tant d'habitants? A ces questions, et à bien d'autres, M. Fr. Attardi
répond sans sourciller, et rien ne l'embarrasse. Lisez sa brochure : Filosofia
deW immortalità (Palermo, tipogr. Bondi, 1875, 95 p. in-12). Il se plaint que
les savants à qui, jusqu'à ce jour, il a fait part de son système » ont gardé
un dédaigneux silence. Nous, qui ne sommes pas savants, mais assez curieux
de philosophie, nous lui déclarons que sa théorie est un pur délire, mais
qu'elle vaut bien un grand nombre d'autres théories que nous sommes
obligés de traiter avec plus d'égards. — Léoivce Gouture.
Le Glossaire de Le Glerc de Douy. — On sait que le célèbre Glossaire de M
langue française de La Gurne de Sainte-Palayo va bientôt être réimprimé, pour
la plus grande utilité des travailleurs qui veulent étudier les origines de notre
vieux langage. Les mérites de ce glossaire sont connus; mais ce qu'on igno-
- 281 —
rait jusqu'à ce jour, c'est que La Gurne de Sainte-Palaye trouva, dans un
modeste savant de province, une collaboration à demi-volontaire qui lui fut
des plus utiles. Un certain Leclerc de Douy, procureur du roi au baillage
d'Orléans et gardien des archives du duché, avait presque achevé, pour son
propre compte, un semblable glossaire, en deux volumes in-4, que M. de
Silhouette, intendant du duc d'Orléans, le força de communiquer à La Gurne,
en i757. Un membre distingué de la Société archéologique et historique de
l'Orléanais, M. Gaston Vignat, vient de découvrir toutes les pièces de cette
affaire, et il en a fait l'objet d'un curieux travail qui sera prochainement
publié.
Les antiquités et chroniques de la ville de Dieppe. — Tel est le titre d'un
ouvrage important, resté inédit jusqu'ici, et dû à la plume de David Asseline,
prêtre habitué à Saint-Jacques de Dieppe, né en 1619 et mort en 1703. Get
ouvrage a été publié, sous les auspices du Conseil municipal de Dieppe, par
souscription, et forme deux beaux volumes grand in-8, du prix de 20 francs
et 25 francs sur papier vergé (Dieppe, Marais et V' Leblanc). Il a eu pour
éditeurs MM. Michel Hardy, Guérillon et l'abbé Sauvage^ et inaugure fort
heureusement une Biblioth^ue dieppoise, où M. l'abbé Sauvage a publié
aussi : Entrée de LouU HV dans la ville de Dieppe, et qui doit s'enrichir d'un
autre ouvrage, les Mémoires chronologiques pour l'histoire de Dieppe, par
Michel Glande Guibert, prêtre habitué en l'église de Saint-Remy en 1761,
qui formeront deux volumes in-8.
La vraie Groix de Bacgé. — Le récit de l'invention de la sainte Groix, la
description du fragment considérable conservé à Baugé et les preuves de son
authenticité viennent d'être l'objet d'une intéressante Notice historique, par
M. l'abbé J.-B. Barrau, supérieur de l'Institution de Saint-Joseph, à Angers
(Angers, Briand et Hervé, 1874, in-8 de 142 p.) Jean d'Alluye, qui, en 1241,
avait reçu ce fragment de Thomas, évêque d'Hiérapétra et d'Arcadie, l'offrit
à l'abbaye de la Boissière. Sauf pendant les plus terribles phases de la guerre
de Gent-Ans, la relique y resta^ et jusqu'à la Révolution : transférée d'abord à
l'église paroissiale de Baugé, elle fut acquise, moyennant 400 livres, par
Mlle de la Girouardière, fondatrice de l'Hospice des Incurables de cette ville.
G'est dans cet hospice que la précieuse relique est demeurée depuis le
17 octobre 1790. La notice de M. l'abbé Barrau est d'une lecture agréable
et intéressante ; elle a, de plus, le mérite d'avoir attiré l'attention sur une de
nos plus belles reliques, généralement peu connue, môme dans le diocèse
qui a l'honneur de la posséder. — G. R.
Les Ordres du jour de Santerre. — Nous avons sous les yeux le premier
fascicule d'une publication qui porte ce titre : Documents historiques, Ordres
du jour inédits de Santerre, oommcmdant des gardes nationales parisiennes en 1792
et 1793, coUationnés sur les textes originaux, mis en ordre et annotés par
Edouard Dutcmple, ancien attaché à l'Assemblée nationale; édition ornée
de gravures d'après les estampes du temps et d'un plan de Paris, sous la
Gonvention, par Frédéric Ghevallier (Paris, Desenne, 1875, in-8 de 26 p.)
Gomment les ordres du jour de Santerre ontrils été retrouvés? Quel est le
« heureux hasard » qui a mis M. É. Du temple en possession de ces documents?
G'est ce que l'auteur ne nous apprend pas encore, mais ce qu'il nous appren-
dra, nous l'espérons, dans les livraisons subséquentes. L'histoire, plus que
jamais, aujourd'hui, tient à connaître l'origine des pièces qu'on lui livre.
Gette première livraison, d'ailleurs, n'est, en quelque sorte, qu'un spécimen.
Elle retrace, au moyen des ordres du jour du Irop célèbre commandant de
la garde nationale parisienne, la physionomie de la capitale, le jour néfaste
du 21 janvier 1793. Elle donne surtout des renseignements txès-détaillés sur
— 282 —
la position des forces considérables déployées ce jonr-là, du Teii4>le à la
place de la Révolution, et un plan, très-bien fait, annexé à la liyraison»
aide à Tintelligence du texte. Les autres fascicules doivent paraître succes-
sivement, et former un volume de 44 francs, ou 10 francs pour les cinq
cents premiers souscripteurs. Nous en reparlerons quand la publication sera
plus avancée.
HoNORÀiBES PAYÉS A DIVERS AUTEURS. — H j aurait là un s^jet curieux de
recherches ; on a signalé, parmi les ouvrages de Peignot, restés inédits, un
travail sur ce sujet ; peut-être envisagera-t-on avec quelque intérêt des indi-
cations recueillies dans le cours de lectures dirigées vers un autre but. En
1845, la Bévue de Paris annonçait qu*Eugène Sue venait de vendre à un
libraire la publication du Juif errant^ pendant dix ans, au prix de
110,000 francs. C'était payer cher cette production monstrueuse, que Tesprit
de parti avait seul le courage de louer ; d'ailleurs, d'après le traité, il ne
revenait que 80,000 francs à l'auteur, attendu qu'il avait à payer 30, 000 francs
de dédit à ses anciens éditeurs, MM. Béthune et Gosselin, qui avaient acheté
tous les ouvrages futurs de M. Sue, avec la clause qu'il compterait 3,000 francs
de dédommagement pour chaque volume inédit qu*il céderait à un autre
libraire.
En 1846, divers journaux avancèrent que Lamartine avait vendu la pro-
priété de ses œuvres à une société à la tête de laquelle était l'éditeur Béthune.
Les conditions étaient satisfaisantes: 1° 350,000 francs payables en divers
termes; 2* une rente viagère de 8,000 francs avec réversibilité de moitié sur
une autre tête, au capital de 120,000 francs; 3<» une part dans le produit de la
vente des GirondifiSf part évaluée à 200,000 francs. C'était un total de
700,000 francs. On ajoute que Lamartine, se flattant de trouver mieux,
demanda et obtint la résiliation de ce contrat, mais tout ceci parait singu-
lièrement exagéré. Quoi qu'il en soit, personne n'ignore quels étaient les
embarras pécuniaires de Lamartine, pendant les tristes et dernières années
d'une carrière qui avait été si brillante.
Bfilton céda, dit-on, pour un prix des plus modiques, la propriété du
Paradis perdu ; il circule à cet égard diverses versions qui réclament Texa-
men d'une critique judicieuse. Circonstance singulière! Tédition originale
du Paradise lost, publiée en 1667, in-4, reparut avec sept frontispices suc-
cessifs et différents ; sur ces huit frontispices deux sont datés de 1667, quatre
de 1668, deux de 1669. Lowndes, dans son Bibliographer's Manual, p. 1557,
décrit minutieusement les différences qu'ils présentent. La seconde édition
vit le jour en 1674, puis la troisième en 1678, et la quatrième en 1688. Ces
dates attestent que ce poème célèbre n'obtint que lentement le succès qui
devait être son partage. — B. G.
La Shakespeare Society. — On formerait une bibliothèque fort considérable
avec les ouvrages publiés en Angleterre au sujet de Shakespeare, et dont le
nombre tend à s'accroître sans relâche. Il vient de se former une nouvelle Sha-
kespeare Society f destinée à continuer les travaux de l'ancienne, qui avait été
créée il y a quarante ans environ, et qui avait rendu de très-importants ser-
vices à l'histoire littéraire. — M. Furnival, qui est le principal promoteur de
l'entreprise nouvelle, vient d'ajouter une introduction remarquable à une
réimpression des Commentaires de Shakespeare, écrits par un professeur de Hei-
delberg, le docteur Gervinus; cette introduction a été signalée parles jour-
naux anglais comme une œuvre d'un grand intérêt ; l'auteur s'est attaché,
entre autres objets, à déterminer l'ordre chronologique de la composition
des diverses pièces, lesquelles, dans bien des éditions, sont placées conmie
au hasard et sans aucune méthode. Quant à la biographie de l'inmiortel
— «83 —
dramatiirge, il reste peu de découvertes à faire ; toutefois M. Furnival croit
pouvoir établir que la maladie à laquelle succomba Shakespeare était due
à rétat d'insalubrité de quelques maisons entourant sa demeure, et qu'elle
ne fut point, comme on Ta prétendu, le résultat d'un excès de boisson
commis en compagnie de Ben Johnson.
M. Edouard Dowden, professeur d'histoire d'Angleterre à l'université de
Dublin et vice-présidentde la nouvelle « Shakespeare Society, » s'est efforcé de
montrer son zèle en publiant un volume intitulé : Shakespeare, A critieal
Study of hii Mind and Art, On a rendu justice au mérite de ce travail, qui
envisage surtout le poète au point de vue de la critique esthétique.
La English Dialect Socibtt. — Un bibliophile instruit et qui s'est fait con-
naître par divers ouvrages estimables, M. Burgaud des Maretz, avait fait des
démarches afin d'arriver à la création d'une société qui consacrerait ses
efforts à l'étude des dialectes provinciaux de la France ; la mort l'a frappé
sans qu'il eût pu réaliser sa pensée*. En Angleterre, les choses sont plus avan-
cées ; il existe une Engli$h Dialect Society, qui a entrepris la publication
d'une série de glossaires provinciaux ; elle a débuté par publier celui des
expressions particulières au Swaledale, localité du Yorkshire, et, circons-
tance remarquable, ce travail est dû à un ancien officier presque nonagé-
naire, le capitaine Harland, qui donne un exemple bien rare d'énergique
dévouement à la science. Ce langage d'une population de mineurs et de
cultivateurs offre un véritable intérêt philologique, et il n'y a pas de temps à
perdre pour^en conserveries traces; car, en Angleterre tout comme en France,
les patois tendent à disparaître.
La Society dont nous parlons publie également des réimpressions d'an-
ciens glossaires devenus rares ; elle les accompagne d'additions et de notes
qui en augmentent la valeur ; c'est ce qu'elle a fait pour le North of England
Qlossary d'Hutton, auquel M. Lunbj a joint d'intéressantes observations.
Bien des mots en usage il j a quelques siècles se trouvent conservés au fond
des campagnes. — Il serait fort désirable que quelques personnes de bonne
volonté vinssent fonder chez nous la Société des dialectes françaiê. Ch. Nodier
a jadis, et bien mieux que nous ne saurions le dire, indiqué tout ce
qu'avaient d'utile des recherches de ce genre.
— La Société des archéologues cambriens a tenu sa trentième assemblée
annuelle à Carmarthen, dans le courant d'août. Ses excursions ont offert le
plus vif intérêt. Elle a visité successivement les anciens ch&teaux, églises
et monastères des environs, les monuments celtiques, les inscriptions anti-
ques que le district de Carmarthen offre en abondance.
— The Acadeniiy nous apprend que le Dr Roehl, de Berlin, auteur des
Queetioneê homeHeœ, s'occupe actuellement, à Oxford, de collationner sur les
marbres d'Arundel les inscriptions dont le texte, publié par Chandler, a été
reproduit par Bdckh dans le Corpus inecriptionum grœcarum. Il parait que,
malgré les soins apportés par le premier éditeur de ces précieux monuments,
un examen plus attentif a fait découvrir un certain nombre d'erreurs dans
le texte donné par Chandler.
— Un pareil travail de collation se fait dans la collection de manuscrits de
l'Angleterre, par le Dr Zangemeister, de l'université de Heidelberg, sur le
texte imprimé d'Orose. Cette collation doit servir à une édition de cet
auteur, destinée à faire partie de la collection des Pères latins, publiée à
Vienne.
— Le Dr L. A. March, professeur de philologie comparée au collège
Lafajette (Etats-Unis), a publié un choix d'hymnes de l'Eglise latine à l'usage
— 284 —
des classes. Dans ce collège, les élèves peuvent choisir, à leur gré, les auteurs
païens ou les auteurs chrétiens, comme objet de leurs études. Ainsi, pour
rétude du grec, Xénophon peut être remplacé par Eusèbe, etc.
— M. Georges Dennis, auteur estimé des Cités et cimetières d*Ètrurief va
publier en Angleterre un travail sur Syracuse et ses antiquités.
— Le fait important que nous avons signalé, dans notre précédente livrai-
son, de la découverte d'un texte palimpseste de Strabon, dans le monastère
de Grotto-Ferrata, demandait quelques explications que nous trouvons dans
The Academy. Les fragments retrouvés de Fauteur grec consistent en nom-
breux extraits des dix-sept livres de sa Géographie ; ils ne sont pas réunis
en un seul volume, mais dispersés sur un grand nombre de feuilles de par-
chemin. On assure que, parmi ces fragments, il se trouve des portions impor-
tantes du livre VII' perdu, et du Ym*, et que ces passages sont assez corrects
pour aider à la reconstruction du texte. Il paraîtrait que le P. Gozza doit sa
découverte au soin mintftieux qu'il a mi^ à examiner d'énormes tas de par-
chemins gisants depuis des siècles dans les caves du monastère, et que les
précédents explorateurs, y compris le cardinal Mai, n'avaient pas eu le cou-
rage de manier, & cause de la poussière et des décombres sous lesquels ils
étaient ensevelis.
— Nous avons sous les yeux un catalogue de livres en vente à la librairie
Bachelin-Deflorenne (gr. in-8 de 288 p., 4492 numéros). Nous le mention-
nons, parce que nous y avons remarqué quelques détails dont les bibliographes
peuvent faire leur profit. Diverses éditions de livres anciens sont signalées
comme ne se rencontrant pas dans le Manuel du Libraire, habituellement
si complet; nous les recommandons à M. Pierre Deschamps, qui prépare, pour
la maison Didot, un supplément au vaste travail de J. Gh. Brunet ; men-
tionnons en ce genre le Grand Blason des fauîcés amours (par Guillaume
Alexis), sans lieu ni date (probablement Lyon, vers 1497), 16 if. pet. in-4
(offert à 800 francs, n^ 515). — Un livret de quelques feuillets dont on ne
connaît positivement jusqu'ici qu'un seul exemplaire, VlmportunUé et malheur
de noi anSf parB. Bailly, conseiller à Troyes, Troyes^s. d, (1576), est porté à
600 francs, n* 613. Certains volumes sont estimés à des prix qui pourraient
paraître excessifs aux personnes étrangères à la passion de la bibliomanie :
l'édition des Essais de Montaigne, Paris, 1595, in-fol. 2,500 francs (inutile
de dire qu'il ne s'agit en tout ceci que d'exemplaires somptueusement revêtus
de maroquin par les plus habiles relieurs) ; — CEuvres de Racine^ 1676, 2 vol.
in-12 (première édition collective des neuf pièces publiées jusqu'alors),
2,500 francs. Le catalogue en question est rangé par ordre alphabétique;
nous avons déjà signalé les inconvénients de ce système : l'homme d'étude
est forcé de tout lire s'il veut découvrir quelque ouvrage se rapportant spé-
cialement aux objets qui l'occupent. A la fin, deux manuscrits précieux, l'un
du quatorzième siècle : Justiniani InstitutioiMS, l'autre du quinzième, Heures
d'Anne de Bourgogne ; tous deux renfermant de nombreuses miniatures ; ils
sont cotés 4,000 et 8,000 francs.
— Un des principaux éditeurs de Londres, M. John Murray, a mis au jour
une édition nouvelle et fort augmentée de la traduction de Marco Polo, par le
colonel du génie (armée du Bengale) Henry Yule ; elle forme 2 volumes in-8,
avec 19 cartes, des plans et 130 vignettes insérées dans le texte. Divers jour,
naux, notamment VEdinburgh Bemew (habituellement sobre de louanges)
font l'éloge de ce travail. Les récits du vieux et intrépide voyageur vénitien,
si précieux pour la connaissance' de l'Asie centrale, avaient déjà été (en 1818)
l'objet des travaux d'un savant orientaliste anglais (William Marsden); il a
provoqué, en France, deux publications importantes, dues, l'une à la Société
— 285 —
de géographie (Paris, 1824, in-4), Tautre à M. G. Pauthier (Paris, Didot,
1865, in-8); mais la nouyelle édition de Tœuvre du colonel Yule ajoute beau-
coup à tout ce que ses devanciers avaient recueilli.
— The Academy publie une lettre où est signalée Texistence d*un manus-
crit en français-normand de Tépoque du roi Jean-Sans-Terre (fin du douzième
siècle). C'est une traduction du traité de législation, écrit en latin, attribué
à Glanville, grand justicier du roi Henri II. Ce curieux manuscrit, unique
probablement, fait partie de la bibliothèque du duc de Northumberland à
Almwick-Castle.
— Mgr Tévêque catholique de Galway, déjà connu pour son remarquable
travail sur les épltres de saint Paul, dont la troisième édition vient d*ôtre
publiée, va faire paraître, avant la fin de Tannée, un commentaire sur les
saints Evangiles, approprié aux erreurs modernes.
— Les Réxaples, d*Origène, publiés au dix-septième siècle, par Mont-
faucon, viennent d*ètre édités à Oxford par le savant docteur Frederick
Field, avec des additions et des corrections importantes.
— Le Dr P. "W. Joyce vient de faire paraître, à Dublin, la seconde
partie d*un travail précieux pour Tétude des anciens idiomes de TEurope :
Origine et histoire des noms de lieux en Irlande,
-— > The Âtfienceum signale la décroissance notable des étudiants en théo-
logie dans les universités d'Allemagne depuis 1862. Â cette date, on comp-
tait, dans les anciennes provinces prussiennes, 1,180 étudiants en cette
science; en 1875, ccPnombre est descendu à 580. La même diminution s'eit
fait sentir dans les autres États d'Allemagne. Ce fait peut être attribué à
une double cause : l'exiguité du salaire des pasteurs comparé aux res-
sources que fournissent les autres professions ; en second lieu, le déclin
généralement remarqué du mérite des professeurs dans les universités. Les
Gésénius, les l^nder, les Lûcke, les Tischendorf, et bien d'autres savants
éminents, n'ont pas été remplacés. Il y a surtout une disette déplorable de
professeurs de littérature biblique. L'université de Halle, la première pour
les études théologiques, est réduite à moins de moitié du nombre des étu-
diants qui suivaient naguère les leçons de Gésénius. L'illustre hébralsant,
qui parlait quelquefois devant 500 auditeurs, a eu pour successeur Schlott-
mann, qui est bien loin d'atteindre même la moitié de ce nombre.
— Pendant les fêtes du centenaire de Michel-Ange, qui vont commencer
dans quelques jours, paraîtra une édition des lettres du grand artiste, au
nombre de sept à huit cents, et une bibliographie du même par le comte
Passerini.
— V Architecture eclésiastiqne en Irlande à la fin du douzième siècle, tel est
le titre d'un travail remarquable publié à Dublin, avec illustrations, par
M. R. Brash.
— On vient de publier à Londres la seconde édition des Élétnents de
paléographie de l'Inde du Sud, par M. Burnell. La première avait paru,
imprimée & très-petit nombre, à Mangalore.
— M. W. Chappel vient d'achever une Histoire de la musique (art et
science). Le tome I*% seul publié jusqu'ici, comprend les temps anciens
jusqu'à la chute de l'Empire romain.
— La librairie Trûbner, de Londres annonce la publication prochaine de
quelques ouvrages dignes de fixer l'attention des amis des lettres ; nous
remarquons une traduction d'une partie des Poésies d'Eu fis, par Herman
BickeJl, d'après le texte original (il est inutile de rappeler que c'est à peine
si cet écrivain est connu en France autrement que de nom) ; signalons aussi
une traduction, par le docteur James Legge, des Clasiiques chinois; Mencius
— 286 -
a déjà ya le jour, et le Ske King, traduit en vers anglais, est aa moment de
paraître. De son côté, va surgir le 5« et dernier volume du Ramayana de
Yalmiki, traduit en vers anglais par M. Griflithe, poème sanscrit où s^étale,
dans toute son exubérance, le génie de Tlnde antique. — Ces publications,
fort utile? pour faire connaître aux Européens les productions de l'Orient,
seront accompagnées de deux ouvrages qui offriront aux students de pré-
cieuses ressources : le Dictionnaire paU-anglais de M. Ghilders; le Dictionnaire
penan-anglais et anglms-persan de M. Palmer. — On ne peut que donner
des éloges à la courageuse activité de MM. Trûbner, et il faut espérer que
leurs efforts, tout & fait en-debors du domaine de la littérature facile qui
est une des plaies de notre époque, obtiendront le succès qu'ils méritent.
— La première paitie du tome troisième de la nouvelle édition du
Dictionnaire des anonymes^ de Barbier, ne tardera pas à paraître à la librairie
Paul Daffls. On sait que cette édition, dirigée par MM. René et Paul Billiard,
de la Bibliotbèque nationale, renferme un grand nombre d'ouvrages qui ne
se trouvaient pas dans la seconde édition, publiée de 1822 à 1824. Sans
parler d'une foule d'auteurs anonymes qui se sont fait imprimer depuis
cette époque, il reste, sans doute, dans cette vaste publication, bien des
lacunes inévitables ; on y relèvera bien quelques erreurs, mais elle n'en
constitue pas moins un grand service rendu à la science des livres.
— Le Polybiblion a annoncé (p. 187), d'après le Times, la découverte de
manuscrits irlandais à Milan. Le fait ainsi présenté n'^st pas complètement
exact. Le manuscrit de Milan, si riche en gloses irlandaises, est depuis
longtemps connu des celtistes. Zeuss en a donné des extraits dans sa
GrammaHoa celtica; M. Nigra en a publié d'importants fragments dans la
Bévue celtique de M. Gaidoz, et M. Ascoli en prépare une édition complète
qui forme tout un volume de son Archivio glottologico italiano,
— M. Joseph .Denais vienlT de publier, sous ce titre : Monographie de
Notre-Dame de Beaufort^en-Vallée, église et paroisse (Paris, Dumoulin ; Angers,
Lachèse, in-12 de 563 p.), un livre plein de faits puisés aux meilleures
sources, exposés avec clarté et précision, et tians un ordre excellent. Le
cadre est restreint, sans doute, et ne comporte pas de grands développements
historiques : mais le lecteur a sous les yeux un tableau exact et complet de
l'histoire religieuse de Beaufort. C'est une excellente monographie, dont
le plan a été bien conçu et bien exécuté, et qui dénote chez son auteur les
meilleures qualités de l'historien.
— Notre collaborateur, M. Claudio Jannet, vient de mettre sous presse un
travail considérable, qui paraîtra prochainement sous ce titre : V Amérique
contemporaine : moeurs et institutions, d'après les faits actuels et les documents
les plus récents. M. Claudio Jannet, déjà connu par de savants travaux, est
un disciple de M. Le Play.
— Un autre disciple de M. Le Play, notre habile et expérimenté collabo-
rateur M. Charles de Ribbe, l'auteur de l'ouvrage Les Familles et la société
en France avant la Révolution, qui a obtenu un si grand et si légitime succès,
prépare la publication d'un nouveau volume, intitulé : La Vie domestique.
— Enfin, nous sommes heureux d'annoncer l'apparition d'un nouveau
livre de l'illustre auteur de la Réforme sociale; il a pour titre : La Constitu»
tion de V Angleterre, et forme deux volumes.
— Nous insérons avec plaisir la conmiunication suivante, en la signalant à
l'attention de nos lecteurs. — cf Les personnes qui posséderaient ou connaî-
traient quelque autographe ou quelque lettre inédite de saint Vincent de
Paul, sont priés de vouloir faire connaître la date de la lettre et le nom du
destinataire au Secrétariat des Lazaristes, rue de Sèvres, 05» à Paris. »
— 287 —
^- Le Comité catholique de Paris a récemment publié le compte rendu
du Congrès qui s*est tenu à Paris au printemps dernier. Qa ; tmorora d'in-
téressants rapports sur les principales œuvres catholiques qui font honneur
à notre époque, et les renseignements les plus sûrs et les plus précis sur le
OMNrrement religieux et charitable qui se produit tant à Paris que sur les
divers points de la France.
— Le ministre des beaux-arts dltalie yient d*acheter la célèbre biblio-
thèque musicale rassemblée par le compositeur Alessandro Orsini. Cette
importante collection de livres et de partitions sera désormais accessible au
public. Le dépôt en a été confié à l'Académie de Sainte-Cécile, de Rome,
Congregazione pontificia ed academia di Sonia Cecilia, la plus ancienne insti-
tution mvLsicale de TEurope, fondée en 1583 par Palestrina.
Publications nouvelles. — Réfutationde la ChristoloQie de M. Albert Réville,
par Tabbé J. Troncy (in-8, Berche et Tralin). — Histoire de sairU Pierre,
prince des apôtres et premier pape, par Tabbô Janvier (in-8. Tours, Marne). —
Le vénérable Guillaume, abbé de Saint-Benigne de JOi/on, par Tabbé G. Che-
vallier (in-8. Palmé). — Eincmar de Reims, parTabbé Vivien (in-8, L. Larose).
— Hagiographie du diocèse d'Amiens, par Tabbé J. Corblet. Tome V (in-8,
Dumoulin ; Amiens, Prévost- Allô). — Histoire de France à Vusage des écoles
primaires, par G. Hubault (2 vol. in-18, Ch. Delagrave). ^Recherches sur les
ÉttUs de Bretagne, par A. du Bouêtiez de Kerorguen (2 vol. in-8, Dumoulin).
— Stofflet et la Vendée, par Edm. Stofflet (gr. in-18. Pion). — La Chanson de
Roland, par L. Gautier (in-8, Tours, Mame). — Alexis Clére, marin, jésuite et
otage de la Commune, par le R. P. Ch. Daniel (gr. in-18, Albanel). » Journal
de mon troisième voyage d'exploration dans l'Empire chinois, par Tabbé
A. David (2 vol. in-18, Hachette). — Au cœur de V Afrique, 1868-1871, par le
Dr Schweinfurth (2 vol. in-8, Hadiette). ~ Histoires de chasse^ par B. H. Revoil
(gr. in-18, Didier). — Ce que disent les champs, par M"»' la baronne
de Mackau, nouv. édit. (in-12, Ton», Mame). — - Un Gouvernement dédaigné,
par M. le comte de MacCarthy (in-18, Paris, imp. des apprentis catholiques).
— 1871-1878. Au jour le jour, par le marquis de Biencourt (in-8, Dentu). —
Jane et Germaine, par la comtesse de Mirabeau (gr. in-18, Didier). -^ La Loi
qui tue, par C. Delaville (in-18, Amyot). — Un Drame sous Philippe II, par le
prince Lubomirski (in-18, Didier). —Le Livre d'une mère, par Pauline L***
(in-8, Michel Lévy). — Les Deux Frères, par George Sand (gr. in-18, Michel
Lévy). — Portraits de grandes dames, par le baron Imbert de Saint-Amand
(gr. in-18, Pion). Visenot.
QUESTIONS ET RÉPONSES.
QUESTIONS.
Suger» son lieu de nals-
itaDce*— La question est depuis
longtemps controversée ; et plusieurs
villes, entre autres Saint-Denis, près
Paris, Toury en Beauce, Saint-Omer
se disputent l'honneur d'avoir donné
naissance au grand ministre de Louis
le Gros. Récemment, la Société des
antiquaires de la Morinie a pris
rinitiative d'une souscription natio*
nale pour élever une statue à Suj^er
sur une des places publiques de Saint*
Omer. Elle ne semble appuyer son
entreprise d'aucun document nou-
veau, d'aucun ensemble de preuves,
d'aucun titre local. L'affaire ainsi
engagée équivaudra-t-elle à la re-
connaissance d'un droit historique ?
Ou mieux, quelqu'un serait-il en
— 288
mesure de résoudre définitivement
un problème aussi intéressant que
difficile? G. B. de P.
Gaasien. — Quels sont les pu-
blications récentes ou anciennes qui,
en France où à l'étranger, pourraient
aider à un travail historique et cri-
tique sur Cassien ? X.
fHalal-ilLndré des A.rt». —
M. A. Albrier (t. XIV, p. 437], écrit
Saint-André des Arts; est-ce la véri-
table orthographe? Ne faut-il pas
Saint- André des Arcs ? Z. X.
Apre» mot le délace. — On
cite, en général, ce mot comme étant
de Louis XV, tandis qu'il faut,
croyons-nous, en faire honneur à
]){me de Pompadour. Quelles sont les
autorités qui ont été alléguées à ce
siyet? X.
Pari» vaut bleo une ufteaae.
— Voilà un mot bien souvent cité, et
fort à la légère. Je demande qu'on
indique la source où il a été puisé,
et qu'on éclaire le public sur la
question de savoir si c est à Sully, et
non à Henri IV, qu'il doit être
attribué. P.
Bannière» des corpora-
tions d'art» et métier». —
Quels sont les ouvrages où l'on pour-
rait trouver des dessins reproduisant
les bannières, blasons ou sceaux des
corporations d'arts et métiers du
nord de la France (Flandre).
P. L. D.
RÉPONSES.
Œuvre» poatiiunies d*A.u-
«uiftUn Xlilerry (XIII, 287, 383,
479). — Je retrouve un fragment de
lettre qui donne quelques renseigne-
ments curieux sur les dispositions
d'Augustin Thierry et de son entou-
rage ; elle porte la date de juin 4856,
et est adressée à un ancien conseiller
d'Etat, ai^ourd'hui décédé, par une
femme de mérite, bien placée pour
être au courant, et qui est morte
également. — Je copie textuelle-
ment :
« Cette àme droite aspirait à la
publication de son Histoire revue et
corrigée de la Conquête d'Angleterre.
« J'ai suivi les chroniques galhques, »
nous disait-il, « infectées de protes-
« tantisme; je n'ai pas assez consulté
« les autres ni remonté aux sources.
« Que faire, hélas 1 Le faux libéra-
le lisme avait tout séduit; la foule et
<( les applaudissements le suivaient.
« Gomment résister à l'entraînement
« général? Nous étions fous. Enfin,
« ajouta-t-il, je vais remettre le pre-
« mier volume à l'imprimeur. ' Les
« corrections fondamentales sont
« faites, et je pourrai les revoir pen-
te dant l'impression du premier. »
....Il s'y est pris trop tard, et a remis
le soin de ses publications à son
frère. — « C'est ce travail qui « l'a
tué, » disait son malheureux frère,
u Revoir un tel ouvrage, si beau, si
complet, le changer, n'est-ce pas
avouer qu'il manque quelque chose
à sa gloire ? » Mignet applaudissait.
Pour moi, je suis convaincue que les
manuscrits de Thierry ne verront pas
le jour. Les philosophes incrédules
frémissaient au discours du curé de
Saint-Sulpice. — Déjà la note de Re-
nan dans les DébatSj sur la mort de
Thierry, implique ce que je prévois.
Et cependant Renan était, avec Char-
rier et d'autres, présent à une lec-
ture que fit Thierry, l'autre hiver,
d'une partie renouvelée de son pre-
mier tome. Thierry avait appelé Re-
nan à titre d'impie, et comme pour
être avocat du diable. Il le conviait
aux critiques dont il jugeait la nou-
velle édition susceptible. La volonté
de Dieu soit faite ! » B.
Parçon de la Barbtnal*
(XIV, 191). — Il existe une ballade
inédite, mais en langue allemande,
racontant les hauts faits de Parçon
de la Barbinais ; l'auteur est un Fran-
çais naturalisé, M. Reichel, demeu-
rant au Grand-Montrouge. — Nota
qu'on a imprimé Foreon pour Parçon.
Un Abonné.
Le Gérant j L. Sandrbt.
SAINT-QUENTIN. — IMP. JULES UOUaBAD.
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
PHILOSOPHIE SCOLASTIQUE
Manuel d$ ta philoiophiê ehrétienne^ comparée avec les doctrinee anciennee et modernes, par
6. Saksevbrino, tradait par M. Tabbé Gordiol, ancien professeur de philosophie, sur
les dernières éditions, latine et italienne, données par N. Signoribllo, élève de Tau-
tear, seule traduction française autorisée et augmentée d'une table analytique.
Paris, Lethielleux, 1875. 2 vol. pet. in- 8 de m-352 et 498 p. Prix : 8 f r. — Examen
pkHosophieo-'tkeûlogicwn de ontologismo, autore âlbbrto Lbpidt, ord. prsdicatorum.
Lonvain, veuve Fonteyn; Paris, A. Ghio, 1874. In-8 de vi-434 p. Prix : 5 fr. —
Théodicée^ thèses de métaphysique chrétienne, par A. H. H. Dupont, chanoine honoraire de
Liège, professeur à l'université catholique. Louvain, veuve Fonteyn; Paris, A. Ghio^
1874. In-8 de vi-334p. Prix : 4 fr. 50. — Ontologie, thèses de métaphysique générale,
par LB MÈMR. Louvain, veuve Fonteyn; Paris, A. Ghio, 1875. Gr. in-8 de 488 p.
Prix : 7 fr. 50. — Methodue analytico-^ynthetica in seientiis metaphysicis. De tnteUeC'
tualismo juxta mentem Syllabi vaticanique eoncilii adversus errores philosophicos, prœci-
pue rcUionalismum, positinsmum et novam criticenf auct. P.-M. Brin, presb., philoso-
phie in maj. semin. Gonstantiensi prof. Paris, Bray & Retaux, 1874. Tomus I'
ïogica, In-8 de 423 p. Prix : 4 fr. — Délia eonoscensa inteUectuale , trattato del
P. Mattbo LiBBajiTORB, D. G. D. G. 2a edizione, corretta ed accresciuta. Roms
Aless. Befani, 1873. 2 vol. in-8 de 441 et 492 p. Prix : 12 fr. — Dell' uomo, trattato
di Mattbo Libbratorb. D. G. D. G. Vol. 1** del composto umano. 2« ediz. orr. et
acer. Roma, Befani, 1874. In-8 de 530 p. Prix : 7 fr. (On ne peut acquérir c«
volume et les deux précédents, qn^en souscrivant à toute la publication, qui com-
prendra encore un volume : DeW anima,) — Quœetiones philosophicœ, auctore Stlves-
TRO Mauro, s. J. presb.f olim, in coll. Rom. phil. et S. theol. prof., editio novis»
aima, cum epistola a R. P. Matth. Libbratorb prefata {sic). Tom. 1% continens
Summuleu et quœstiones proœmiales logicœ. Genomani, Leguicheux-Gallienne, 1875.
In-8 de vi-644 p. Prix : 5 fr. (Deux autres volumes parâtront dans l'année. Prix
des 3 vol. : 15 fr.) — Thésaurus philosophorum, seu distinctiones et axiomata philoso^
phica^ a Gborg. Rbbb S. J. proposita, a J. M. Gornoldi ejusd. S. recognita et
28 Bcholiis aucta. Ed. nova. Paris, Lethielleux, 1875. In-18 de viii-377 p. Prix : 2 fr. 50.
Nous avons plus d'une fois constaté la faveur accordée, dans beau-
coup d'établissements d'instruction chrétienne, à la philosophie scolas-
tique reconstituée par les efforts de plusieurs écrivains distingués, et
surtout des rédacteurs de la Civiltà cattolica. L'un des introducteurs
de cette réforme en France fut précisément le P. Bourard, de
glorieuse mémoire, qui tenait ici la plume avant nous. Les livres de
cette école ne sauraient être examinés avec le même critérium que
les autres : on sait d'avance leur manière de résoudre et d'exposer les
principales questions de logique et de métaphysique. Nous cherche-
rons pourtant à relever dans chacun ce qu'il peut offrir d'original^ soit
pour la méthode, soit surtout pour la polémique. Quant à la question
pratique que le système néoscolastique soulève de lui-même, ce n'est
pas ici le lieu de la résoudre. On nous permettra pourtant, au point
de vue de l'enseignement aptuel, deux ou trois remarques. — Il ne faut
pas exagérer l'unité qui résulterait nécessairement de l'adoption de la
scolastique : il est peu de thèses purement philosophiques, qui n'eussent
OciOBHE 1875. T. XIV, 19.
— 290 ■*
plusieurs solutions dans l'école; et runanimité, quand elle existait,
était parfois plus apparente que réelle, et semblait d'ordinaire se
fonder plutôt sur Y autorité d'Aristote que sur la raison. Il est vrai que
les nouveaux scolastiques en appellent à saint Thomas; mais les
autres écoles, surtout celle de Scot, n'ont-elles pas aussi droit
de cité dans l'Église? — Il est évident que renseignement philoso-
phique doit prendre les questions comme elles sont posées dans Tétat
actuel des esprits, et se préoccuper de la physionomie contemporaine
de Terreur. Or, certaines expériences permettent de dire que plusieurs
manuels scolastiques, d'ailleurs estimables, laissent à désirer à oe double
point de vue, et que des élèves, assez ferrés sur leur logique et leur
métaphysique thomistes, se trouvent trop étrangers au langage philo-
sophique courant et trop désarmés en face des systèmes les plus
connus. — Il ne faut pas non plus se figurer qu'en reproduisant superfi-
ciellement la savante synthèse des philosophes scolastiques» on peut
encore aujourd'hui la faire revivre. Toute une partie de leur science
est bien morte, et aucun homme de sens ne doit essayer de ressusciter
Tastronomie ou la physique d'Albert le Grand et de saint Thomas.
On a bien soin de dire qu'on n'y vise pas, et que, par exemple, en
réhabilitant la théorie de la matière et de la forme, on ne fait que de
la métaphysique. Soit! mais alors, cette théorie a changé de sens et
de portée : elle donne une explication plus ou moins profonde du
mystère de la substance étendue, et rien de plus, tandis que, pour les
scolastiques, elle contenait en germe toute une cosmologie, de laquelle
il faut bien faire son deuil. — En somme, on doit se féliciter du mou-
vement qui reporte les esprits vers saint Thomas; on doit se remettre
énergiquement à la philosophie chrétienne et traditionnelle. Mais il
faut aussi, parce qu'on la présente à des hommes du dix-neuvième
siède, la rapprocher du langage de nos jours, Tenrichir de tous les
progrès qui se sont produits, surtout dans la psychologie expérimen-
tale et dans la logique, lui donner la vie et l'intérêt des questions
actuelles, en se préoccupant de comprendre et de ruiner les erreurs
les plus funestes du temps présent.
— Feu M. Gaetano Sanseverino, chanoine de Naples, a fait la plus
vaste tentative de renouvellement philosophique dans le sens soolas*
tique qui se soit produite depuis Descartes. Son grand ouvrage, mal-
heureusement inachevé, Philosophia christiana cum antiqua et nova
comparata (Naples, 1862, 5 vol.), est surtout remarquable par Texa*
men approfondi auquel il soumet les diverses théories modernes en les
rapprochant du péripatétisme chrétien. Beaucoup de ces discussions
laissent place à des dissentiments raisonnables; mais il y en a aussi
qui sont tout* à-fait décisives. Ce vaste travail ne s'adressait qu'aux
savants ou à ceux qui veulent le devenir ; l'auteur Ta abrégé sms le
— 291 —
titre à^Fkmmta pkihsophiœ christianœ, mais les quatre YolDmes de ces
éléments conTiennent tout au plus aux établissements de hautes études.
L'enseignement élémentaire réclamait un simple manuel ; et il a été
trôs-habilement exéeuté par un élève deTauteur, qui déjà l'avait aidé
dans la composition de son principal ouvrage. En voici la distribution
générale : Logique (1'' partie, de la notion, du jugement, du raisonne-
ment; 2^ partie, du syllogisme sophistique, dialectique^ démonstratif;
8* partie, méthodologie) ; Dynamilogiey ou facultés de Tàme (f. végé-
tative, sensttive, intelleotive, facultés appétitives, y compris le libre
arbitre, faculté locomotrice), idéologie (origine des idées, langage,
question des universaux) , critériologie (divers critériums, scepticisme) ;
ontologie (propriétés communes des êtres et catégories); cosmologie
(principes des corps, vie végétale, âme des bétes, ordre, origine et
perfection du monde); anthropologie (union de l'âme et du corps, siège,
essence, origine, immortalité de Tâme humaine) ; théologie naturelle
(existence, nature et attributs de Dieu, panthéisme). On voit que la
morale n'est pas comprise dans ce manuel, mais que Tensemble de la
logique et de la métaphysique s'y déroule dans le plus bel ordre. La
rédaction est généralement digne du plan, et il est difficile d'être plus
net et plus précis. L'adaptation des théories scolastiques aux besoins
actuels est une des préoccupations évidentes de l'auteur; à ce point de
vue, l'idéologie est peut-être la partie la plus remarquable de son
manuel. Mais il y a aussi des lacunes et des points bien contestables,
en-dehors de tout parti pris d'école. La théorie de l'induction, aujour-
d'hui si importante, est éliminée plutôt que traitée dans quelques
pages très-insuffisantes (L 56, 303); la question du critérium n'est
pas menée à fond, et la critériologie manque d'unité; il est bien
difficile de ne pas voir une contradiction dans la théorie qui, attri-
buant le jugement à l'intellect (I, 182), prétend que l'acte libre de la
volonté est déterminé par un jugement (1, 219). Nous pourrions multi-
plier les remarques de détail; mais il faudrait en venir à faire dominer
l'éloge, et à reconnaître qu'il n'existe peut-être pas de meilleur manuel
de philosophie scolastique pour notre temps. Nous ajouterions, il est
vrai, que ce meilleur des manuels scolastiques ne nous paraît complète-
ment répondre, ni au tempérament intellectuel des jeunes générations,
ni même (malgré d'excellentes parties) aux besoins réels du moment.
-^ Quant à la traduction, elle laisse trop à désirer, même avec le
secours de l'important errata annexé au second volume.
— <• Une philosophie spéciale a régné, jusqu'à ces derniers temps, à
l'université catholique de Louvain. C'était une sorte de fusion de
l'ontologiune et du traditionalisme, qui, préparée par Arnold Tits,
avait trouvé, dans les divers traités du vénérable M. Ubaghs, sa forme
définitive* Il était difficile que Téoole de liouvain ne fût pas atteinte
— 292 —
par les censures plus ou moins formelles qui ont frappé ces deux
systèmes. Il j a plus : les livres mâmes de M. Ubagbs ont été Tobjet
de mesures improbatives directes. L'esprit profondément romain
qui anime renseignement de Louvain, et les lumières qui ont jailli de
polémiques, souvent trop ardentes, mais toi\j ours instructives, devaient
corriger les tendances systématiques de la pbilosophie professée à
l'université. Il était d'ailleurs inévitable que le mouvèlnent néoscolas-
tique, si répandu dans les diverses écoles catholiques, se prononçât
aussi à Louvain. Il s'est affirmé, en effet, nous le verrons tout à l'heure,
dans l'enseignement universitaire. Il règne d'ailleurs, dans des établis*
sements annexés à Yalma matery comme le collège de l'Immaculée-
Conception, qui a pour préfet des études le P. Lepidi, auteur d'une
réfutation très-méthodique de l'ontologisme. Cet «examen philoso-
phico-théologique » est écrit dans le latin de l'école, sans souci de
l'élégance, mais avec une parfaite clarté, et dans la méthode scolas-
tique, «definiendo, dividendo, per rationem et auctoritatem arguendo,
adversariorum argumenta refutando (p. 17), n toutefois sans aucune
sécheresse. Le P. Lepidi entend l'ontologisme dans le sens rigoureux
des idées immédiates et de Isl vision en Dieu; il le résume surtout d'après
Malebranche, Gioberti, Ubaghs et MM. Branchereau et Fabre d'En-
vieu. Il le réfute ensuite en prouvant : 1^ que la lumière intérieure par
laquelle nous connaissons la vérité n'est pas la lumière divine elle-
même (ch. III, IV, v) ; 2® que l'homme ne voit pas Dieu intuitivement
en cette vie, in statu viœ (vi, vu, viii) ; 3* que l'objet propre de nos con-
naissances rationnelles autres que Dieu n'est pas Dieu même (fx, x).
La seconde partie du livre est surtout consacrée à examiner les
autorités dont les ontologistes ont prétendu s'appuyer : l'Écriture
sainte, saint Augustin, saint Anselme, saint Bonaventure, saint Tho-
mas, les anciens philosophes, tels que Platon et Plotin. L'auteur
montre enfin, dans l'ontologisme, la confusion de l'ordre naturel et de
l'ordre surnaturel (ch. xxi), des dangers très-prochains de panthéisme,
d'illuminisme, etc., et une opposition formelle aux enseignements de
l'Église romaine. Nous ne ferons aucune remarque particulière sur ce
livre, dont presque tous les détails avaient déjà été traités par d'au-
tres auteurs, mais jamais peut-être sous une forme si méthodique et si
précise. Il est difficile de soutenir, contre des preuves si claires et des
autorités si formelles, le système de l'intuition directe, constante et
naturelle; mais tous n'avoueront pas que, dans sa partie positive, 1^
P. Lepidi soit aussi inattaquable que dans sa partie négative, et que
son chapitre viii% par exemple, atteigne le fond du procédé par
lequel l'homme s'élève de la créature à Dieu. On pourra, ai\jourd1iui
surtout que le P. Fidèle de Fanna a révélé un précieux traité de saint
Bonaventure sur la grave question de la connaissance rationnelle, lui
— 293 —
objecter que les scolastiques eux*inâmes faisaieat à Télément ontolo*
giqne une autre part que leurs disciples actuels.
— C'est dans le même esprit que sont écrits les deux traités de
Thiodicée et d'Ontologie générale^ de M. H. Dupont, professeur de phi-
losophie et de théologie dogmatique à l'université de Louvain. Nous
regrettons un peu que la théodicée surtout, quoique conçue d'après
un plan méthodique, se présente sous forme de thèses détachées, sans
les préambules qui, dans les maîtres de l'école et surtout dans saint
Thomas, font sentir Tunité de ToBUvre et les rapports des membres
entre eux. Une autre remarque plus essentielle, c'est que beaucoup de
thèses sont un peu trop étriquées : défaut inévitable, sans doute, dans un
traité de théologie naturelle où Ton veut englober^ comme des préli-
minaires indispensables, les réfutations de Tinnéisme, de l'ontolo-
gisme, du traditionalisme, etc., matière assez grave et assez étendue
pour exiger un livre spécial. Enfin, nous avons peur que M. Dupont ne
diminue quelquefois le trésor de la philosophie chrétienne, dans l'in-
tention, au fond très-louable, de la purger de tout argument « qui ne
résiste pas, comme il dit, à un examen sérieux. » Ainsi, la magnifique
démonstration de l'existence de Dieu par les idées nécessaires paraît
éliminée purement et simplement (p. 5) de sa théodicée. Mais quoi !
n'est-elle pas développée avec une autorité et un éclat incomparables
par saint Augustin lui-même? Il faut la dégager de tout lien avec la
vision de Dieu, sans doute 1 Mais elle subsistera ensuite dans sa forme
légitime, qu'on aimerait à trouver dans le volume, d'ailleurs, si précis
et si plein, de M. Dupont. Après les Questions préliminaires^ relatives
surtout aux idées et aux preuves à rejeter (j compris celle de saint
Anselme, et celle de Descartes), l'auteur donne les trois preuves les
plus connues, étudie l'essence divine {aséité\ ce qui lui donne lieu de
réfuter le panthéisme et le positivisme, traite ensuite successivement
des attributs négatifs et positifs de la divinité, de ses opérations
(création, conservation, concours), de la Providence, qui l'amène à
repousser le darwinisme et à défendre la prière, enfin du miracle et
des preuves du christianisme. On peut remarquer que, fervent disciple
de saint Thomas, il l'abandonne cependant sur la question de la possi-
bilité d'un monde étemel (p. 152); et, de plus, qu'il se rattache, par
les théories de la science moyenne, du concours simultané, etc., à
l'école des jésuites, et non à celle des thomistes proprement dits. — <
Le style ne manque pas de vigueur, dans sa simplicité nue ; il est
fâcheux que lanationalité de l'auteur s'y trahisse par quelques incor-
rections (V. l'énoncé de la thèse Lxiii,p. 67).
— ~ Le traité i^ Ontologie mérite les mêmes éloges ; il a même, à notre
avis, une valeur supérieure par l'arrangement général, la profondeur
et le complet des discussions. Après une courte introduction sur la
— 294 —
yraie notion de la métaphysique et de rontologle,rauteaF traite, dans
quatre parties successiveSi de Tétre et de ses propriétés^ des catégories
(réduites à quatre, substance, qualité, quantité, relation), des causes,
de la perfection. Fidèle aux traditions du péripatétisme catholique,
M. Dupont lui fait toujours parler un langage accessible au commun des
lecteurs lettrés* Il annexe, de plus, à ses doctrines et à ses démonstra-
tions trop oubliées, Texamen de celles que les philosophes modernes j
ont substituées. On trouve, dans la première partie, une réfutation de
la théorie de Rosmini sur l'idée d'être, de la thèse de Locke sur les
essences, du système des idées innées; dans la troisième, la discussion
des théories modernes sur Tidée de cause, et des systèmes relatifs à la
nature des corps; dans la dernière, une longue réfutation de Sans-Fiel
et d'autres ontologistes qui prétendent prouver que Tidée d'infini est
immédiate. Sans chercher les points où il serait permis de trouver trop
absolu le péripatétisme de Tauteur, et trop rigide sa critique de telle
ou telle théorie, nous aimons à citer, en les adoptant, ces paroles de
Tapprobation de Mgr Tévêque de Liège : «Le grand mérite deTauteur
et la raison de la solidité de son enseignement viennent de ce que,
connaissant parfaitement les erreurs modernes et possédant à fond la
doctrine des scolastiques et des grands maîtres de la science, il sait,
en signalant les erreurs, leur opposer cette doctrine, et prouver ainsi
que Terreur, quelque nouvelles, quelque multiples que soient ses
formes, trouve sa réfutation dans les principes depuis longtemps soli-
dement établis et qu'il met en lumière. »
— Nous saluons volontiers, dans V Intellectualisme de M. Tabbé Brin,
un exemple d'attachement sérieux à la philosophie traditionnelle joint
à une part notable d'innovation. Sa philosophie doit avoir trois
volumes ; le premier^ qui est depuis assez longtemps entre nos mains,
en renferme la partie la plus importante sans doute^ puisque c'est dans
la logique que l'auteur expose et ramène à ses principes essentiels le
système qu'il a décoré, peut-être mal à propos, du nom d'intellectua-
lisme. Au fond, en effet, ce système n'est pas nouveau, heureusement
pour lui. Il consiste surtout en ces trois propositions : l'intelligence est
capable d'atteindre la vérité ; la vérité est objective; l'évidence (à la fois
subjective et objective) est le critérium de la vérité. Chacune de ces
propositions forme, avec des thèses accessoires en petit nombre, une
des trois parties de cette logique. La préférence que Tauteur accorde
constamment aux définitions et aux divisions de l'école nous a porté à
le classer parmi les scolastiques. Il faut convenir cependant qu'il s'en
distingue, surtout par la part très-étendue, et même principale, qu'il
fait théoriquement et pratiquement à l'induction. Nous croyons, du
reste, qu'il a raison d'insister sur ce procédé intellectuel, et que les
règles qu'il établit à ce sujet sont dignes d'attention ; mais il nous
— 295 —
semble que ce qu^il nomme induction embrasse plasieurs espèces de
généralisations qu'il faudrait distinguer. Nous ne pouvoirs ici que ren-
voyer sur ce point Tauteur et ses lecteurs à ce que nous connaissons
de plus précis et de plus exact touchant les méthodes scientifiques,
l'essai de M. Th. H. Martin sur la Science et ks sciences (en tête du
Tolume le$ Sciences et la philosophie, 1869). — Il faut louer, dans
M. Brin, outre un esprit synthétique remarquable, une connaissance
trôs-étendue de la littérature philosophique contemporaine et un souci
constant d'en réfuter les erreura. Malheureusement, ses démonstra-
tions, dites inductives, sont parfois peu rigoureuses; il abuse des réfé-
rences et des répétitions, et on pourrait abréger de beaucoup son livre
sans tailler dans le vif. Enfin, le style a ce caractère peu correct que
nous pardonnons en France, à tort peut-être, aux manuels scolaires de
philosophie et de théologie ; mais des barbarismes sont de trop, et ce
n'est pas être cicéronien exalté que de proscrire Taffreux a(^ectif co-
gnoscitivus, qui revient à chaque pas ; c'est bien assez de cognitivus.
— L'homme qui a le plus contribué peut-être à la renaissance de la
philosophie scolastique, dans ces dernières années, est le P. Mathieu
Liberatore, l'un des principaux et des plus anciens rédacteurs de la
Civilià cattolica. Auteur d'un cours de philosophie en latin (3 voU
in-8, 5* édit. 1872) et d'un Compendium de ce cours en un seul volume,
il a fourni k l'enseignement un texte commode, où le péripatétisme de
l'école est très-fidèlement exprimé, dans une forme accessible aux
jeunes étudiants; il s'est surtout occupé de repousser les théories qui
lui font encore échec, surtout dans la péninsule : je veux dire les
systèmes de Gioberti et de Rosmini. Le P. Liberatore représente
depuis longtemps et soutient presque seul la polémique de l'ortho-
doxie scolastique contre ces brillantes synthèses, qui ont gardé encore,
malgré tout, un grand empire sur les esprits au-delà des monts. Les
deux ouvrages que nous annonçons ici ont encore plus d'importance
que les Institutiones, quoiqu'ils s'adressent à un public moins nombreux.
On peut les regarder comme l'expression la plus complète des doctrines
philosophiques pour lesquelles la Civiltà cattolica lutte avec tant d'ar-
deur et d'habileté depuis plus de vingt ans. Au reste, à peu près tous
les chapitres de ces deux ouvrages ont paru dans ce recueil si juste-
ment estimé. Us y ont même été publiés dans un ordre assez métho-
dique, fort étranger aux habitudes de la presse périodique en France.
Toutefois, ils ont été remaniés très-soigneusement pour constituer un
livre, une œuvre pleine d'unité, de proportion et d'harmonie. A l'égard
de la forme, les adversaires mêmes du P. Liberatore ne peuvent
s'empêcher de rendre hommage à son rare mérite. On peut trouver
chez d'autres philosophes italiens soit plus de fraîcheur et de grâce,
soit plus de nerf et de force, soit plus d'éloquence et d'éclat; mais il
— 296 —
n'a pas de rival pour raisance, la correction, et la clarté da langage,
Tampleur facile et naturelle des développements, la sagesse et la
fécondité des plans.
Il suffit^ après cela, de rappeler ici le contenu de ces ouvrages déjà
connus en France par d'assez bonnes traductions. Le traité de la
Connaissance intellectuelle comprend deux parties, dont la première est
purement critique et la seconde positive. La première expose, discute
et rejette quatre systèmes modernes, qui ont disputé le terrain à la
philosophie traditionnelle dans renseignement catholique : le sens
commun de Lamennais^ l'intuition divine de Gioberti, les diverses
formes du traditionalisme, enfin Têtre idéal de Rosmini. Les quatre
chapitres qui épuisent cette laborieuse discussion sont loin d'être
égaux en longueur^ et Tontologisme est le système qui a pris le plus
de place. Au reste, l'examen des théories est largement conçu et
Tauteur se préoccupe à juste titre des origines et des affinités des
systèmes. Ainsi, à l'occasion de Lamennais, il discute assez à fond la
méthode cartésienne ; à propos de Gioberti, il remonte à Gerdil et à
Malebranche. — Ce n'est pas cependant par l'érudition que brille spé-
cialement le P. Liberatore : il fournit peu-aux curieux d'histoire et de
bibliographie spéciales; mais il serre de près les doctrines qu'il discute
et, quelle que soit la rigueur de sa critique, il a la polémique modérée,
au moins & l'égard des contemporains catholiques qu'il doit combattre ;
il y a même tel de ses adversaires (le P. Romano^ ontologiste sicilien)
qui est traité avec une sympathie voisine de l'admiration. — La partie
doctrinale expose et défend la théorie de saint Thomas. L'originalité
du P. Liberatore, dans cette exposition, est surtout dans l'interprétation
qu'il donne à l^cte intellectuel, par lequel la connaissance sensible
perd son caractère individuel et concret pour faire place à l'universel :
d'après lui, l'intellect, par sa vertu propre, saisit la quiddité de l'objet
perçu par les sens, ce qui constitue Vuniversel direct^ qui devient, par
l'abstraction, Y universel réflexe ou proprement dit. On comprend, par
là, quelle est la doctrine générale des chapitres sur le réalisme de saint
Thomas et sur Vorigine des idées. Un autre chapitre important est
consacré à l'averroïsme ; la partie positive en est empruntée surtout à
M. Renan. Le dernier roule sur Yexemplarisme divin : le P. Liberatore
t&che de prouver qu'en empruntant quelque chose aux idées de Platon^
saint Thomas n'est pas infidèle au péripatétisme ; il est vrai que l'excel-
lent jésuite paraît avoir étudié Aristote beaucoup moins dans son texte
et ses interprètes primitifs que dans les commentateurs chrétiens qui
ont si profondément modifié beaucoup de points de l'aristotélisme.
— Le traité de U Homme doit comprendre également deux parties ;
du Composé humain et de l'Ame humaine. Le premier paraît ici en
deuxième édition, le second n'a pas encore paru en volume, et, à ce
- 297 —
titre, noas lui consacrerons plas de place, dès que nous aurons pu Texa-
miner. Le .traité du Composé humain a été traduit par un jésuite fran-
çais (Ljon, Bridaj, in-8) sur la première édition. La nouvelle est
améliorée, sans aucun changement essentiel. Nous avons remarqué,
dans la préface (p. 9 et 10), deux notes sur les progrès qu'a faits, depuis
1862, Tanthropologie scolastique : l'auteur se félicite de la voir adoptée
par Técole de médecine de l'université de Bologne et soutenue, en
France, par la Revue médicale du docteur Gajol. Le plan du livre est
resté le même : après avoir prouvé Tunité du composé humain (en
rejetant la plupart des définitions de la personnalité données par les
spiritualistes modernes), le P. Liberatore traite d'abord de la vie en
général (ch. ii),puis de la vie végétative (m) et de la vie animale (xv) ;
on remarquera une discussion étendue sur le principe vital des plantes,
distinct des forces physiques et chimiques de la matière. En revanche,
ce qui concerne Tabsence d'intelligence chez les bêtes est peut-être
un peu insuffisant, en face des théories contemporaines. Mais le fort
de la controverse est au chapitre sixième^ sur Tunité du principe de
vie dans Thonmie et son identité avec Tâme raisonnable; au septième,
sur l'union de Tâme et du corps ; au huitième, sur la théorie de la
composition substantielle du corps. Une longue polémique avec le
P. Tongiorgi, qui soutenait Vaiomisme chimique contre son confrère,
défenseur du système scolastique pur et simple de la matière et de la
forme ou des formes substantielles^ a été réduite de beaucoup dans cette
seconde édition, qui n'y a rien perdu d'essentiel. Nous signalerons^ au
contraire, une addition dans le dernier chapitre : c'est une discussion
contre le docteur Frédault, qui, dans ^n Traité d^ anthropologie physio-
logique et philosophique (Paris, 1863), d'ailleurs comblé d'éloges par le
P. Liberatore, s'est écarté de la théorie thomiste des formes substan-
tielles en admettant (ce que peu de philosophes lui reprocheront I) que
les éléments simples restent en acte dans les corps vivants.
— Un jésuite français^ qui réédite au Mans les Quœstiones philoso-
phicœ de Silv. Mauro, publiées à Rome en 1670, a placé, en tête de
cette reproduction pure et simple, une petite vie très-édifiante du
savant auteur, et une lettre du P. Liberatore, qui range Mauro parmi
les principes scholœ magistros^ et présente son ouvrage comme un
cours de philosophie très-complet, très-judicieux, très-propre à
rendre encore de grands services à l'enseignement. Les Quœstiones
philosophicœ étaient fort rares, au moins en France, et nous avouons
que, malgré un goût déjà assez ancien pour les scolastiques des der-
niers siècles, nous ne le connaissions pas du tout avant d'avoir reçu
le premier volume de l'édition du Mans. Mauro nous a paru exceller
par la clarté du langage, la disposition naturelle des questions, le
choix judicieux des exemples. Son livre n'est, d'ailleurs, autre chose
^208 —
qa'nne exposition dé la lo^qae aristotëliolenne, avec letqaalqnei
questions de détail que le moyen âge 7 a ajoutées. Le titre dji volume
peut tromper les lecteurs sur son contenu : outre les Summula
(manuel de logique élémentaire), il renferme, non-*seulement les
Questions préliminaires de la logique, mais Fesplication des Catégories,
du mp\ Sp[jiT]vc(a{, des Analytiques, c'est-à-dire de presque tout VOrganon
d^Aristote. L'édition est bien exécutée, d'une lecture facile et d'une
correction suffisante. Ce livre mérite donc assurément un excellent
accueil de ceux qui cherchent une exposition claire, précise, vrai-
ment classique de l'aristotélisme chrétien. Nous y reviendrons à
propos des volumes suivants, qui nous permettront de juger si Maure
possède quelque originalité personnelle dans ]es questions de méta-
physique, comme ses confrères Suarez et Arriaga.
«» Tous ceux qui fréquentent les scolastiques feront bien d*avoir
sous la main le Thésaurus philosophorum, publié en 1629, à Ingolstadt,
par le P. G. Reeb, et dont un autre jésuite, le P. J.-M. Cornoldi,
a donné, àBrixen, en 1871, une édition soigneusement revue, dimi«
nuée de certains détails devenus oiseux, mais augmentée de nom-
breuses scolies, parfois assez développées, sur les points de doctrine
les plus essentiels ou les plus ignorés. C'est cette édition que l'éditeur
Lethielleux vient de reproduire dans un petit volume élégant et com-
mode, qui ira de lui-même à son adresse. Nous nous contenterons de
dire que le travail du P. Reeb comprend deux parties : les Distinctions
et les Axiomes. On sait que, dans Targumentation soholastique, il
n'est rien de plus important que ces deux choses : une distinction vous
sauve d'un mauvais pas, un axiome ferme la bouche à votre adver-
saire. Mais il faut savoir le fondement, la portée, le vrai sens des uns
et des autres. Or, le Thésaurus présente Texplication nette et précise
de plus de cent cinquante distinctions usuelles {materialiter, forma^
liter; — eminenter, formaliter; — sensu diviso, composito, etc.), et de
presque autant d'axiomes {causa prior est effectu ; causa causœ est causa
causati; entia non sunt multiplicanda, etc.). On comprend assez que ces
explications, outre leur utilité pratique dans les écoles, sont très-
bonnes à consulter pour l'intelligence des mattres de la philosophie
scolastique. Il faut en dire autant des scolies du P. Comoldi, qui
s'est surtout préoccupé de faire connaître, d'après les meilleures
autorités de l'École, les points qui présentent le plus d'intérêt pour
les polémiques contemporaines : ontologisme, vitalisme, etc.
LÉONCB COUTTJ&B.
— *99 —
POÉSIE
Lacryma nrwnt poétUi^ par Lucibn Pat&. 2* édition. Paris, Jouaust, 1875. In-i2 d«
98 p. Prix : 2 fr. — Lu MélodUê intimti, poAiu, par LuciKK Patâ. Paris, Joaaast,
1874. In- 12 de 94 p. Prix : 2 fr. — Révettt devoirs, par Thêodobe Froment. Paris,
Alphonse Lemerre, 1873. In-12 de 193 p. Prix : 3 fr. — Un Chapitre d'art poéliqu9f
la Rimé, par GnsTAVB Lb Vavassbcr. Paria, Alphonse Lemerre, 1875. In-8 de 3t p.
Prix : 2 rr. — Les Champs et la tner, par JuLBS Breton. 2' édition Paris, Alphonse
Lemerre, 1875. In-12 de 178 p. Prix : 3 fr. — Pleurs et chantSy poésies, par
ARB0U89B Bastide. Paris, Sandoz & Fischbacher, 1875. In-18 de 232 p. Prix :
3 fr. 50. — L'Illusion, par H. Gazalis. Paris, Alphonse Lemerre, 1875. In-12 de
200 p. Prix : 3 fr. — JL« Cahier rouge, poésies, par FRANÇOIS Goppâb. Paris,
Alphonse Lemerre, 1874. In-12 de 143 p. Prix : 3 fr. -^ Idéal et nature, par QuT
DB BbadfOrt. Paris, Jouaust, 1875. In-12 de 167 ç. Prix : 3 fr. 50. — Du Cœur
aux Uereê, poésies par Fbrdinand Gartairadb. Paris, Jouaust, 1874. In-12 de xix-
251 p. Prix : 3 fr. — Les Fleurs sous l^herbe, poésies, par Ferdinand Gartairadb.
Paris, Joaaust, 1874. ln-12 de 245 p. Prix : 3 fr. ~ Le Jour et la Nuit, poésies,
par Ferdinand Gartairadb. Paris, Jouanst, 1874. In-12 de 249 p. Prix : 3 fr. —
Les Illusions, par Emile Favin. Paris, Jonaust, 1875. In-12 de 165 p. Prix : 3 fr.
— Mes Veillées au Paraelet. poésies, par le baron Gh. Walckbnabr. Troyes, A. Socard,
1874. 2 vol. in-12 de 361 et 286 p. Prix : 6 fr. ~ Exaltations poésies, par Ernest
PÊRIGAUD. Paris, Joaaust, 1875. Ib-12 de 72 p. Prix : 1 fr. 50. — Les Feux follets,
poésies, par Gh. Pjtou. Longny (Orne), chez Tantear. In-12 de XXiv-235 p. Prix :
3 fr. 50. — Xa France au Tribunal de Dieu, par M. Tabbé Démange. Paris, Palmé,
1874. In-8 de 40 p. Prix : 1 fr. 50. — Les Militanies, poésies, par M-« A. M. BlaN-
checotte. Paris, Alphonse Lemerre, 1875. In- 12 de 237 p. Prix : 3 fr. — Sans peur
et sans reproche^ poésies, par M** Fanny Dênoix DES Vebgnes. Paris Emile Blellier,
1875. Id-12 de 288 p. Prix : 3 fr. — Saint François-Xavier, poime en douze chanU,
ar l'abbé FàLix Halatestb. Paris, Bray & ReUux, 1875. In-12 de 434 p. Prix :
fr. 50. — Sonnets et poésies, par Emile Péhant. Paris, Alphonse Lemerre, 1875.
In-12 de xxxli-279 p. Prix : 3 fr. 50. — Yelléda, tragédie en cinq acUs, par LOUiS de
Gombbttbs Labourblle. Gaillac, P. Dugonrc, 1874. In-8 de 80 p. Prix : 1 fr. 50. —
Les Fantannagories, par LoniS Salles. Paris, Alphonse Lemerre, 1875. In-12 de
163 p. Prix : 3 fr. — In extremis, adieux om dix-neuvième siècle, par an sonriyant
da dix-huitième (Atranasb Renard), Paris, E. Deutu, 1875. In-12 de 36 p.
Prix : 1 fr. — Panthéia, étude antique, par FÉLIX Hbnnbgut. Paris, Joaaust, 1874.
In-12 de 149 p. Prix • 3 fr. — Premières Rimee, par Frédéric BataILLB. Paris, San-
doz & Fischbacher, 1875. In- 18 de 344 p. Prix : 3 fr. 50. — Chants du soldat, par
Paol Déroulède (ouvrage couronné par l^Académie ft-aoçaise). 21* édition. Paris,
Michel Lévy. 1875. In-18 de 127 p. Prix : 1 fr. ^- Nouveaux chants du soldat, par
Paul Déroulède. 19* édition. Pans, Michel Lévy, 1875. In-18 de 96 p. Prix : 1 fr.
C'est chose rare, dans tous les temps, qu'on poëte épris d'idéal et de
suayes pensées, en même temps que très-oublieux de l'heure et de la
rue. En ce siècle où les muses n'ont plus d'ailes, le poëte marche d'un
pas distraie, coudoyé par les gens de guerre ou de finance ; Tactuel le
saisit, et la fibre sonore qu'il porte au cœar entre en vibration pour
une cause périssable, pour un incident ou un nom sans grandeur. Là
est recueil. A l'homme inspiré de choisir sa voie. Des acclamations
nombreuses, mais courtes, accompagnent le barde contemporain. Elles
l'ont accueilli à son départ, elles le suivent parfois jusqu'à l'arrivée.
L'arrivée, c'est la tombe. Plus lentes à se lever autour d'une renom-
mée sont les approbations discrètes, réfléchies de ces esprits distin-
gués qui marchent de pair avec le poëte ou l'artiste dont les pensées
planent au-dessus des événements de la vie. Mais quelle n'est pas la
durée d'un libre jugement porté sur l'œuvre, souvent à l'insu de
ï
- 800 —
rhomme ! De pareilles réparations ont leur source dans les sujets
impersonnels traités avec une évidente personnalité. Le cœur humain
ressemble à TOcéan. Il en a la profondeur insondable et, par consé-
quent, toigours inexplorée ; mais ses tortures visibles, ses défaillances,
ses cris de foi, tout ce qui constitue, si j'ose dire, son expression, n'a
pas varié depuis six mille ans. Oser peindre le cœur humain, c'est se
mesurer avec Tinûni dans une langue vulgaire que seul le vrai talent a
le don de rajeunir et de relever.
Une édition nouvelle de Lacrymœ rerum, un second recueil, les
Mélodies intimes ramènent sous notre plume le nom de M. Lucien
Pâté. Ce poëte appartient-il à la Pléiade, comme M. Coppée? Non. Se
rapproche-t-il par l'allure de M. Deroulôde? Pas davantage. La nature,
ses bois, ses lacs, un coucher de soleil, un oiseau mort, une feuille qui
tombe, voilà ce qui Témeut et le captive. Or, comme son inspiration
n'a rien de voulu, comme elle est sincère, un parfum de jeunesse et
de vérité circule dans ses vers.
Qui me voit me croit seul, et je sais avec vous,
dira*t-il à la confidente aérienne de ses rêves. Une autre fois, médi-
tant sur la Mort des oiseaux, nous l'entendrons dire :
Pliez- vous pour tonjoan^ déployez-voas vos ailes?
Od donc les fermez-vous? Pour quel lieu B*OQvreat-eUes?
Il faut lire dans ces deux volumes le Retour aux champs, le Vieux
pêcheur, et de nombreuses pages sans titre, dans lesquelles l'auteur
paraît avoir noté les plus douces pensées de son esprit, les plus nobles
aspirations de son âme. Deux fois, dans Corneille et Napoléon, et dans
Rouget de Liste, M. Pâté s'est essayé dans un genre où l'histoire, élé-
gamment traduite par sa plume exercée, lui gagnerait promptement
une réputation sérieuse s'il consentait à publier quelques poëmes ayant
ce caractère. Mais notre poëte n'est pas historien par penchant, tandis
qu'il se sent paysagiste; il retourne donc plus volontiers à ses médita-
tions philosophiques sur la nature. Spiritualiste réservé dans ses
tableaux, éminemment distingué dans le choix de ses expressions,
M. Pâté n'a rien d'efféminé ni de langoureux dans ses vers. Il s'en
échappe, au contraire, en maint endroit, un parfum délicat et sain, qui
nous permet d'espérer que les croyances chrétiennes se feront jour
dans des pages nouvelles &u même auteur. Lacrymœ rerum et les
Mélodies intimes portent l'indice de nobles tendances, et l'Académie
française remarquera ce jeune poëte, essentiellement classique par la
forme, lorsqu'elle voudra couronner quelque volume de poésie récem-
ment écrit.
— Rêves et Devoirs/ s'écrie M. Théodore Proment. C'est sa devise,
et elle sied au jeune maître d'école qui se délasse de l'étude par la
poésie. Son volume porte une leçon soas chaque vers. On se sent en
— 301 —
face de quelqu'un qui a charge d'âmes et qui tient à s'acquitter digne-
ment de sa haute mission. Un cachet d'honnâteté, beaucoup de jeu-
nesse, une connaissance profonde de Tenfant, tels sont les caractères
du talent de M. Froment. La Langue des anciens. Premières épreuves.
Vieux livres, A un élève en vacancesy etc. sont des pages achevées aux-
quelles il convient d'tgouter la verte réplique à Victor Hugo, le ridi-
cule agresseur du mattre d'études dans ses Contemplations. M. Fro-
ment venge avec esprit une cause qui est la sienne.
— Boileau n'est pas mort. Des continuateurs de son œuvre se sont
nommés dans nos rangs, mais personne n'a plus de droits à l'héritage
du législateur en poésie que M. Gustave LeVavasseur, à qui nous devons
Un chapitre fart poétique^ la Rime, Ce n'est qu'une brochure, mais
elle vaut plusieurs livres. Dire l'histoire de la rime, depuis Clément
Marot jusqu'à Soulary, n'était pas chose facile. Enchâsser, dans des
alexandrins alertes, les noms oubliés de Mellin de Saint-Gelais, Bro-
deau, Michel d'Amboise, Scève, Peletier, Lancelot, Forcadel, Héroët,
JodeUe, Ronsard, Baïf, Rémi Belleau, Ponthus de Thjard, Magnj
et cent autres, demandait autant d'habileté que d'érudition. M. Le
Yavasseur n'a pas faibli au cours de son long Chapitre, qui tient tout
ensemble de l'histoire et de l'art poétique. Le poëte s'est pénétré du
génie parfois inculte et barbare de tous les ancêtres de notre langue
rimée ; il a cherché la raison de leur supériorité relative ou de leur
abaissement dans le respect qulls ont eu de cette puissance ombra-
geuse, la rime. Et c'est dans des vers d'une étonnante souplesse qu'il
résume ses observations unes, justes et neuves. Sans doute, en plus
d'un lieu, le versificateur domine le poëte, mais celui-ci n'abdique pas,
et bientôt il réparait à la place d'honneur. Il n'est personne qui n'ap-
plaudisse à l'éloquente prédiction de l'auteur lorsqu'il dit :
Demandez à Bornier, à Pnidhomme, à Goppée
Si la Rime n'est pas sauve comme Tépée.
Autran chante et sourit, Laprade chante et mord...
M. Le Yavasseur énumère alors, en quelques vers, les poëtes de notre
âge. Il ne pouvait, sans doute, sgouter son nom à ceux dont les strophes
font autorité de notre temps, mais plus libre que lui, nous saluons son
talent heureux.
— Ce qui manque absolument à M. Jules Breton, dans les Champs
et la mery c'est la justesse de l'expression. Les images de ce poëte
sont le plus souvent bizarres ou triviales. Ce qui le frappe, dans les
Partions de Bretagne, ce n'est pas la foi naïve des pèlerins, mais bien
leurs pieuses pratiques qu'il dénature et présente sous des couleurs
grotesques dans ses vers. M. de Lafajette a mieux compris la poésie
des champs, et M. Autran cdUe de la mer. M. Jules Breton voudra
s'y reprendre, et, dans une prochaine édition, cet écrivain ne parlera
— 302 —
p\n%, noaa respéront, du « g^rand sphinx, la nature, » ou dn « ehrome
de l'ajonc, » pas plus que de « la faucille du ciel qui fond sa corne. «
— Phurê et chants de M. Arbousse Bastide est un livre sérieux,
mais firoid. La note chrétienne y vibre souvent, mais on sent que Tau*
teur appartient à la religion réformée. Un penchant à la discussion
religieuse se trahit & Tinsu de Fauteur dans les pages les plus élevées.
Patrie, Amitié, Famille, Religion, sont les divisions principales du
volume de M. Arbousse.
— L'IUurionj par M. Cazalis, est un recueil enfiévré, à travers lequel
souMe un vent de révolte et de mécontentement qui ne permet pas à
son cerveau d'écouter les sereines conâdenoes de la muse. Moins de
philosophie byronnienne ferait de M. Cazalis un poëte élégant,
capable de parler, en vers bien frappés, d'art, de lumière et d'har-
monie.
— Singulière faculté que celle de M. Coppée 1 Est-ce un phUo-
sophe ? Est-ce un poëte f C'est plutôt un analyseur. Il scrute, découvre
et raconte. Ses récits ont pour eux l'originalité du détail. Le mot
imagé, imprévu se présente naturellement sous sa plume, mais le soc
de sa charrue glisse sur le sillon sans l'entamer. Ses analyses s'ap-
pliquent aux objets plutôt qu'aux sentiments. Il voit et il chante. De
plus profonds veulent que Thymne jaillisse de la pensée. M, Coppée
trouve assez heureusement une situation poétique . Il y place ses per-
sonnages, puis, sans plus d'efiort, il nous invite à les venir voir.
Pendant une heure vous ragardez passer ces figures contemporaines
— car M. Coppée appartient à notre âge et ne sait rien du passé, — >
mais vous ne tardez pas à trouver que ces paysans, ces soldats, ces
pécheurs ou ces forgerons n'ont point d'âme. Ils suivent leur chemin,
prompts à saisir le côté' visible des choses, mais ne se retrempant
jamais aux grandes sources de la réflexion. Le Cahier rouge, le dernier
ouvrage de M. Coppée, nous le montre fidèle à ses qualités descrip-
tives, mais sans progression sur ses œuvres anciennes. Aux Amputés
de la guerre y la Chaumière incendiée, le Canon, Au lion de Bel fort sont
des épisodes militaires où se retrouvent Télan tout français, la tristesse
virile que Pils — mort hier — savait répandre sur ses toiles. Par
malheur, au verso de ces pages émues, se rencontrent des idylles de
barrière souvent grotesques, totgours insignifiantes. Au milieu de ces
choses fades, surgit un titre charmant. Douleur bercée, par exemple,
qui sert de prétexte à vingt vers sans prétention où se laisse voir
Tongle du podte. Cependant, M. Coppée possède un tempérament
maladif, c'est un Werther attardé dont les gémissements ne nous
touchent point, aussi conseillerons -nous à ce jeune maître de se dé-
faire au plus tôt d'une manie surannée. Nous voulons parler des plaintes
qu'il élève oontre la destinée. A-t -il le droit vraiment d'en vouloir à
— 303 —
son siècle, celui qae le succès a bercé dès la première heure f Non. Et
comme à certains jou^s, M. Coppée se révèle poëte national, nous
souhaitons que la patrie lui inspire de nouvelles œuvres. Évidemment
l'auteur se lassera de nous peindre « des bras sans mains » des <t dra-
peaux troués» des atours démantelées ; » il fouillera plus avant dans
nos douleurs françaises, et son nom — presque oublié déjà — rede-
viendra populaire comme au temps du Passant et de la Grève des
forgerons.
— Idéal et nature est le titre d'un poëme en quatre chants, par
M. Guy de Beaufort. L'action se passe en Bretagne ; les vers nous
ont rappelé Brizeux, en plus d*un endroit du livre, mais nous eussions
voulu que le récit fût moins étendu. Le drame languit, et certain per-
sonnage important, du nom de Winoo, dépare Tœuvre de M. de Beau-
fort.
— Quelle étrange présomption fut celle des amis de M. Ferdinand
Gartairade, qui viennent de publier les poésies complètes de cet écri-
vain, en trois volumes I Chacun de ces volumes porte un titre distinct :
Du eœur aux lèvres, les Fleurs sous t herbe, le Jour et la Nuit. Pourquoi
la monotonie de toutes ces pièces, que nous avons lues avec plus de
résignation que de plaisir, nous oblige-t-elle k regretter qu*on les ait
éditées ?
— Les Illusions de M. Emile Favin relèvent d'un ordre de pensées
qui nous défend d'en rien dire. L^étrange y coudoie Tobscène.
-« Le baron Walckenaër s'éprend de poésie à soixante -deux ans,
et, dix ans plus tard, il publie deux Volumes très-compactes : Mes veillées
au Paraclet. Nous n'oserions dire qu'une certaine sénilité ne soit pas
saislssable dans quelques pièces; l'auteur se montre également peu
difficile dans l'usage qu'il fait d'expressions populaires, qui sentent trop
le terroir breton, mais la foi, l'honneur, le caractère, la responsabilité
de la vie, les grandes et chastes amours de la famille sont la préoccu-
pation de l'auteur. M. Walckenaër, porte une âme que la douleur a plus
d'une fois blessée sans l'abattre. Les poésies fugitives de ce poëte
sont remplies des plus nobles pensées, et les sept chants de la légende
champenoise Robert le Grand Hurleur laissent apprécier le talent per-
sonnel et ingénieux du barde philosophe.
-*M. Périgaud a publié un volume de sonnets, sous le titre : Exalta^
fions. Les tendances élevées du poëte ne contredisent pas le titre de
son livre, mais il manque à la plupart de ses pièces ce trait final qui
fixe la pensée dans l'esprit du lecteur.
«— M. Charles Pitou, membre de l'Académie des poëtes de Paris,
nous offre ses pages de jeunesse, en un volume qu'il appelle : Les Feux
follets. L'auteur ne manque pas d'élégance dans Je style, et ses
tableaux sont toigours convMMblet. Plus 4e oonoision dans le vers et
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d'originalité dans l'idée feront de M. Pitou un poète descriptif dont les
œuvres seront lues.
— Signalons une cantate parue en brochure, la France au Tribunal
de Dieu, par l'abbé Démange, de Nancy. Les récitatifs sont conçus avec
ampleur; les strophes, essentiellement viriles et chrétiennes, ne man-
quent pas de lyrisme.
— Oh 1 qui donc a pu dire en blaiphémant un joar
Qne le rêve idéal n^était point de ce monde?...
s'écrie M"^" Blanchecotte, dans ses Militantes, dont le caractère
chrétien doit être loué. Il est fâcheux que l'auteur n'ait pas varié
davantage la note de chacune de ses pièces; mais cette répétition d'une
même idée, cet hymne sans cesse renouvelé en Thonneur de l'amour
espéré ou de Tamour perdu, permet justement d'admirer le talent
flexible de M""* Blanchecotte, en même temps que Texquise convenance
de son pinceau.
— Plus philosophique et plus virile est la muse de M"* Panny
Dénoix des Vergues, dont le dernier recueil s'intitule : Sans peur et sans
reproche. Ses strophes à Cavour, à Proudhon, à Napoléon III, à
M. Thiers étincellent de vers énergiques, coulés d'un seul jet. Mais
que vaut ce mérite en face de l'athéisme de Tauteur ou de ses
haines? Le style de M"* Dénoîx rappelle par certains côtés la
grande manière de M"*' de Staël, mais le vol de sa pensée tournoie
dans le cercle où s'est renfermé Eugène SUe. Les stances les plus
achevées de son livre sont adressées à l'auteur du Juif-Errant,
vivement applaudi par le poëte. Ce n'est pas à son éloge. M"*" Dénoix
dédiait, il y a quelques trente ans, ses premiers essais poétiques
à David d'Angers, qui venait de modeler les traits de Delphine Gay,
Desbordes-Yalmore et Tastu. Nous serions tenté de regretter que
le grand artiste n'ait pas répondu aux avances de M"*' Dénoix. Son
médaillon offrirait sûrement quelque intérêt au physionomiste. Il
doit y avoir de l'homme dans ses traits.
— M. l'abbé Malateste a publié cette année un poëme en douze
chants : Saint François-Xavier, ou la conquête de VInde et du Japon.
C'était, sans doute, une noble tentative, mais nous pensons que les
meilleurs épisodes de son livre eussent paru isolément avec avantage
pour l'auteur. Ce qui nuit à son œuvre, ce sont les transitions. Décrire
n'est pas sans péril pour le poëte, et c'est trop peu pour lui d'atteindre
sous ce rapport à la concision qui sied au prosateur. Mais M. Mala-
teste rachète par plus d'une qualité réelle ces inévitables défauts.
Indépendamment du sujet qu'il traite, et dont la grandeur ne peut
échapper à personne, il a su faire aimer l'apostolat,
Et montrer snr l'erreur la jnste primauté,
De la muse chrétienne et de la vérité.
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— M. Emile Péhant doit à d'illustres amitiés le patronage de son
livre Sonnets et Poésies» M. Victor de Laprade s^est chargé de pré-
senter an public ce recueil, dont chaque pièce, est une lettre adressée
à Vigny, Deschamps^ Victor Hugo, Villemain, etc. Nous ne pouvons
que louer les pensées de l'auteur, pensées revêtues, le plus souvent,
d'un style élégant, bien rhythmé, harmonieux. Ce qui distingue le
talent de M. Péhant, c'est moins la force que la grâce, mais il ajoute,
par le trait, au mérite de certains sonnets dont le début manque de fer-
meté. Tel est le dernier tercet à la mémoire de Boïoldieu :
Non, la mort, dans sa main, ii*a pas brisé la lyre.
Oh 1 non ; le cœur gonflé d*nn pins parfait délire.
Il fait les hymnes saints qne le ciel chante à Dieu.
— Nous nous contenterons de signaler la tragédie de Velléda, par
M. Louis de Gombettes Labourelle, dont le talent dramatique n'est pas
sans parenté avec celui de Viennet. — Si M. Louis Salles, dans son
volume les Fantasmagories, visait moins & l'effet, il serait plus goûté.
Ses pièces énigmatiques Matago et Mackar sont loin de valoir sa
délicate élégie intitulée Petite-Fleur. — Il convient de savoir gré à
M. Athanase Renard, de la pensée généreuse qui lui a dicté ses vers
In extremis, adieux au dix-neuvième siècle, par un survivant du dix^
huitième. — Inspirée par les poëmes de Théocrite et d'Ëmpédocle,
l'étude antique intitulée Panthéia, par M. Félix Henneguy, est une
œuvre de mérite où le génie grec a laissé son empreinte. — Les Pre^
mitres Rimes de M. Frédéric Bataille portent Tindice d'un talent qui
cherche sa voie.
— Tout autre est M. Déroulède. Il n'a qu'une muse, la France. Ses
Chants du soldat et ses Nouveaux chants du soldat sont l'œuvre d'un
patriote militant, d'un Français plus épris du devoir que du droik, et
nous savons trop que les hommes de ce tempérament manquent à
notre pays. M. Déroulède est parfois négligé; le style à ses yeux n'a
pas la valeur de l'idée, c'est bien ainsi que raisonnent les vrais
talents; mais, en se montrant plus difficile sur le choix de l'expression
ou l'eurythmie du vers, le poëte dont nous parlons ajouterait à l'au-
torité de son nom. Pour ne citer qu'un exemple, le Sergent est un
poëme achevé des Nouveaux chants, si Ton ne regarde qu'à la pensée,
mais un grand nombre de vers sans facture déparent cette composi-
tion. M. Déroulède afiecte volontiers d'imiter le sans-géne despoëtcs de
la Pléiade. À quoi bon s'appliquer à une telle besogne ? M. Déroulède
ignore-t-il qu'en se tenant au ton familier, les jeunes bardes du passage
Choiseul donnent tout ce qu'ils possèdent ? L'avenir ne saurait être
promis à leurs œuvres. Ébauches ou esquisses, leurs compositions
n'ont rien de fini, le modelé manque de profondeur, et le coloris de
netteté. Le sujet lui-même est trop souvent une énigme* M. Déroulède
OCTOBBRK 1875. T. XIV, 20.
— 306 —
est supérieur à ces ëcrivalas qui se passionnent à froid devant une
mèche de cheveux, le hanc d'un square^ les passagers des bateaux-
mouches. L'auteur des Chants du soldat n*est pourtant pas un amant
des hautes pensées prises à Tétat impersonnel. Il faut à sa muse un
nom, un type qui soit comme l'image connue de l'idée qu'il va chanter.
Toutefois, si le poëte reste notre contemporain par les personnages
qu'il met en scène, son talent n*a point d'âge, ses généreux enseigne-
ments sont de toutes les époques et conviennent à tous les peuples.
Car c'est un des côtés de cet esprit militant et viril de savoir écrire
pour le peuple. Arrière la cheminée de porphyre, ou la console en bois
d'ébène ; arrière le boudoir et le lit de repos, ce n'est pas là qu'il faut
placer les Chants du soldat. Katelier, la caserne, la rue conviennent
bien mieux à ces livres vraiment populaires, que les mains rugueuses
de Touvrier peuvent ouvrir. L'accent du poëte n'a pas besoin d'être
commenté. On en saisit la nuance et la valeur, pour peu qu'on soit
Français. Pas une page qui ne renferme une leçon, pas un vers qui ne
soit un appel. Et, dans un temps où les hommes font métier des plus
saintes passions, la sincérité patriotique de M. Déroulède ne sera
pas mise en doute par personne. Le chauvinisme est aussi loin de ses
hémistiches que de sa pensée. Juste envers la France, il a, comme
l'auteur des MessénienneSj un chant pour toutes ses gloires. C'est lui
qui s'écriera, au début de sa pièce sur Bazeille, où il raconte la mort
héroïque d'un curé de village:
Le blâme qui voadra^ moi je Taime ce prêtre !
Dans ses vers sur Corneille^ le poëte adresse à son pays ce mélanco-
lique et nécessaire avertissement:
Pauvre France 1 qae Diea te protège. . . et te change !
Ton espoir était fou, que ton deuil soit sensé,
Tu parles déjà haut de Tavenir qui venge,
L'avenir qui répare est-il donc commencé?
Si nous parcourons le volume des Nouveaux chants^ la pièce dédiée
à Jeanne d^Arc, celle A Ma Mère, Judex Vtndex et Épilogue sont des
pages d'un lyrisme pénétrant. Quel est celui d'entre nous qui a pris
pour diagnostic de l'éducation de la famille la valeur du soldat. Quel
est le poëte qui, s'adressant aux femmes de France, a mieux dit que ce
jeune poëte:
0 Mère, ta tendresse a mal formé cette &me,
S'il ne sait pas mourir, tu n'as pas su créer J
Honneur donc à la muse chrétienne et française de M. Déroulède.
Si son esprit ne s'est pas encore orienté vers l'idéal^ qui seul donne
aux œuvres de la plume d'être immortelles, M. Déroulède est peut-
être, de tous lespoëtes d'aujourd'hui, le plus fidèle au culte de l'idée.
Hbnrt Jodin.
— 307 —
PUBLICATIONS RELATIVES A LA LITTÉRATURE
ANGLAISE DU MOYEN AGE
THE EARLY ENGLISH TEXT SOCIETY
Troisième article (voir tome X, p. 198 et tome XI, p. 165).
XXXVII. The myroure of oure Ladye^ ccntaining a dêvoiional treatise on divine tervice, elc,
■Edited from the original black-letter text of 1 530, with introduction and notes, by
John Hbnry BLOrrr, 1873. In-8 deLX-379 p. — XXXVIII. À Treatiee on the Aetrolabe ;
mddreued io hit ean lovoye, 6y Oeofprey Chaucer, Â. D. 1391. Edited from the earliest
text bv tbe Rev. Waltbr â. Skba.t, 1872. In-8 de x.XiX-117 p. et 7 planches. —
XXXIa. The complaynt of Scotlande, vylh ane exortation to the thre estait* to be vigi-
Itmtê in the deffense of theirpubUc veiL A. 0. 1549. With an appendiz of contemporary
Engliah tracts : a. The juet déclaration of Henry VIII (1542); — ^. The eaortacion
ofjamee Harrytone, Seottiaheman (1547); — c. The epietle of the Lord protector Someraet
(1548); — d, The epitome of Nicolae Bodrugan, aliae AdMne (1548). Reedited from the
originals with introduction and glossary, by Ja.mbs A.. H. MnaRA.T, In-8, Part< I,
1872. de CZXin-112 p. Part. II. 1873. In>8 de 113 p. — XL. Cumor mundi {The
Cureor o the Word) : a Northun^rian Poem of the Fourteenth Century, Bdited by the
Rev. Richard MORis, LL. D. livraisons I et II. London. Trûbner, 1875. In-8 de
xxvi*207 pages.
XXXYII. The myroure ofoure Ladye. Le traité publié sous ce titre
est un ouvrage d'édification composé expressément pour les sœurs du
monastère de Sion, maison religieuse élevée à Isleworth, près de
Londres, sur les bords de la Tamise. Les sœurs de Sion existaient,
dès Tannée 1415, à titre de communauté ; elles disparurent lors de la
dissolution des monastères, pendant le règne d'Henry YIII ; sous le
gouvernement de Marie Tudor, un court intervalle de répit leur fut
accordé^ puis elles se retirèrent à Lisbonne, où un couvent de dames
anglaises existe encore de nos jours. Le Miroir de ^otre-Dame est une
explication du service divin, suivi d'une traduction commentée des
heures de la sainte Vierge, et de Toffice tel qu*il se disait à Sion. Il
n'existe pas de ce traité un seul manuscrit complet ; un codex du
quinzième siècle en donne environ la moitié, et on est réduit, pour le
reste, à consulter quelques exemplaires imprimés^ tous plus ou moins
défectueux, d'une édition publiée par Richard Fawkes, en 1530. Il est
impossible de déterminer, d'une manière certaine, Tauteur du livre
dont je m'occupe en ce moment; M. Blunt est porté à l'assigner au
docteur Thomas Gascoign, membre du collège de Merton, à Oxford,
vice-chancelier de l'université de cette ville, en 1434 et en 1439, puis
élevé à la dignité de chancelier, de 1442 à 1445. Il composa un dic-
tionnaire de théologie qui existe, en deux in-folio manuscrits, à la
bibliothèque du collège de Lincoln. Dans cet ouvrage, il cite une tra-
duction de la vie de sainte Brigitte, faite par lui pour l'usage des
sœurs de Sion. Il s'est occupé, à plusieurs reprises, de la princesse
Scandinave, dont les révélations ou prophéties merveilleuses sont si
connues des hagiographes ; et cette prédilection peut être attribuée à
— 308 —
un voyage que Gascoign fit en Suède, comme chapelain de sir Henry
Fitzlurst) fondateur de Tordre des Brigittines anglaises. Après la des-
cription des différents exemplaires du Miroir de Notre-Dame, M. Bruce
entre dans des détails nombreux et fort curieux sur le monastère de
Sion, sa règle, son organisation et son caractère ; il donne plusieurs
extraits des manuels de dévotion employés dans le couvent, et il n'ou-
blie pas la liste de toutes les abbesses. Le texte du Miroir vient en-
stiite, accompagné de notes et d*un glossaire.
XXXYIII. A Treatise on the Astrolabe. — M. Skeat commence par
une énumération des manuscrits qui existent de ce traité ; il en cite
plus de vingt, et il est probable qu*on en trouverait d'autres enfouis
dans la poussière des bibliothèques. L'ouvrage lui-même n'est pas
complet, il s'en faut de beaucoup, et quelques parties du texte, tel
qu'il nous été transmis^ ne sauraient être attribuées à Ghaucer. Reste
à examiner les sources d'où le grand écrivain anglais a tiré sa disser-
tation. M. Halliwell, dans une note de son édition des voyages de sir
John Mandeville, parle d'un traité de F Astrolabe, composé en sans-
crit, où il y a une traduction latine ; il serait difficile de déterminer si
la Compositio et operatio astrolabie, version latine d'un ouvrage de
Tastronome arabe Messahala, se rattache au livre sanscrit; quoi quMl
en soit, Ghaucer eut évidemment Messahala sous les yeux lorsqu'il
composa son essai; il Ta traduit souvent mot à mot; en divers endroits
il l'a développé, et afin de montrer les rapports qui existent entre le
latin et l'anglais, M. Skeat a eu soin d'imprimer, in extenso, Y Operatio
astrolabie^ commençant par ces mots : Nomina instrvmentorum sunt hœc.
Je ne suivrai pas le docte éditeur dans les explications techniques
qu'il nous donne sur lusage de l'Astrolabe; ces remarques, illustrées
par la reproduction en fac-similé d'anciens dessins, sont intéressantes,
mais elles m'entraîneraient trop loin, ainsi que les nombreuses cita-
tions astronomiques tirées des Canierbury Taies; des notes et un index
terminent ce volume .
XXXIX. The Complaynt of Scotlande. Voici un des textes les plus
importants qui aient été publiés par la Société ; il forme deux livrai-
sons, complétées par un excellent glossaire, et il est nécessaire que
j'en parle avec quelque détail. L'éditeur commence par une introduc-
tion très-bien écrite sur la situation de l'Ecosse au moment où la
Complainte vit le jour. Le pays était en proie au désordre et à l'anarchie;
pendant les trois siècles écoulés depuis Robert Bruce, jusqu'à l'avéne-
ment de Jacques VI au trône d'Angleterre, près d'un siècle et demi
avait vu se succéder des fantômes de souverains à peine sortis de l'en-
fance; pour un espace de cent vingt ans, le pouvoir était resté entre les
mains de régents qui gouvernaient légalement au nom d'un roi mineur
ou qui, dans la plupart des cas, avaient usurpé le pouvoir. Au milieu
— 309 —
d'un tel état de dissolution^ ce qui a droit de nous surprendre, c'est
que les Écossais aient pu conserver leur indépendance ; ce fait tient à
deux causes principales. D'abord, l'attention de l'Angleterre, ce pays
limitrophe, concentrée sur la France, ne laissait pas au gouvernement
le loisir de songer à rÉcosse; ensuite les guerres entre les maisons
rivales d'York et de Lancaster absorbèrent les forces des successeurs
d'Edouard I'^ Outre cela, il ne faut pas oublier qu^un traité d'alliance
offensive et défensive avait été conclu entre l'Ecosse et la France, et
que la crainte d'une invasion étrangère était suffisante pour empêcher
les Anglais de se saisir d'une proie qu^ils convoitaient depuis long-
temps, et sur laquelle ils croyaient avoir des droits légitimes. Le roi
Henry YIII résolut enfin d*accomplir, de gré ou de force, ce projet
d'annexion, et^ à cet effet, il arrangea avec ceux des barons écossais
qui lui étaient favorables, un projet de mariage entre son fils Edouard,
alors âgé de cinq ans, et la petite Marie Stuart, qui n'avait que huit
jours. Après de longues négociations, cette union fut arrêtée de con-
cert avec le comte d*Arran, régent d'Ecosse, et il fallut tout le génie
du cardinal Beatoun pour entraver les projets du roi d'Angleterre et
sauver la cause de l'indépendance. C'est alors qu'un écrivain anonyme,
partisan décidé de Talliance française, fit, dans l'ouvrage dont j'ai à
parler, un appel éloquent à ses concitoyens, les exhortant à l'union, et
leur montrant que le seul moyen de chasser les Anglais était de mettre
fin aux guerres entre clans et aux disputes qui épuisaient les forces du
pays. La Complainte est un véritable pamphlet; la mode, dans ce temps-
là, était aux brochures politiques ; M. Murray en a imprimé quatre
comme appendice à son volume, et il faut en dire deux mots.
1. Lorsque Henri YIII déclara la guerre en 1542, il fit publier une
justification très-ample de sa conduite, se plaignant des menées du
gouvernement écossais, et revendiquant de nouveau les droits supposés
de la couronne d'Angleterre sur les pays situés au nord de la
Tweed.
2. Après l'expédition d'Hartford, un récit de cette affaire {the laie
expedkUm m Scotland) fut imprimé à Londres pour prouver que l'obs-
tination seule des Écossais leur avait attiré les malheurs dont ils
souffraient.
3. En 1547, avant la bataille de Pinkie. « James Harryson, Scottis-
teman^ » vendu à l'Angleterre, fit paraître un petit écrit maintenant
les droits de Henri YIII et excitant ses compatriotes à les recon-
naître.
4. En 1548, Somerset envoya une espèce à*Eirenicon ou de mani-
feste pacifique, déplorant les résultats de la bataille de Pinkie, et
tâchant d'accomplir, par un appel à la raison, ce que la force des
armes avait rendu plus difficile. Il s^abstient, dans ce pamphlet, de
— 310 —
faire la moindre allasion aux prétentions anglaises; mais il était
important, en même temps, que ces prétentions ne fassent pas consi-
dérées comme abandonnées; aussi,
5. Simultanément avec l'écrit de Somerset, on vit paraître une
diatribe, sortie des presses de Timprimerie du roi, et composée par
un nommé Nicolas Bodrugan ou Adams; cette pièce adressée à
Edouard YI, sans doute, avec la permission du lord protecteur,
rappelle au roi que le projet d'unir l'Ecosse à l'Angleterre par
un mariage est excellent, mais que les droits de Sa Majesté sur la
souveraineté de TEcosse n'en existent pas moins.
6. Enfin, Felton, publiant la même année une brillante description
de la campagne qui s'était terminée à la bataille de Pinkie, sgouta, en
guise de préface à son récit, un appel à ses « compatriotes du Nord, »
ainsi qu'il les appelle, leur conseillant de se soumettre à la volonté
du Dieu des armées, et d'accepter le gouvernement de l'Angle-
terre , pajs dont ils partageaient les coutumes^ les intérêts et la
langue.
Quelques-uns de ces pamphlets doivent avoir pénétré jusqu'en
Ecosse, et l'auteur de la Complainte les a probablement connus
tous; c'est pour les réfuter, et, en même temps, pour réveiller le cou-
rage de ses compatriotes, qu'il prit la plume à son tour et écrivit son
éloquent volume. Ainsi parut, au commencement de Tannée 1549, un'
des meilleurs spécimens que nous connaissions du genre pamphlet.
L'auteur a beaucoup de qualités qui nous rappellent le quadribge
invectifà'ÂleÀn Chartier; suivant l'habitude du temps où il vivait, il se
sert des formes de rallégorie, et nous représente a Dame Scotia » en
pourparlers avec les trois états du royaume : la Noblesse, l'Église et les
Communes, reprochant à chacun ses défauts^ les exhortant à s'amen-
der, et recommandant à tous l'union. Nous ne savons pas quels furent
les résultats immédiats de la Complainte; aucun des écrivains con-
temporains ne la cite; mais le but que l'auteur se proposait fut
accompli, pour un temps du moins ; aidés par les troupes françaises,
les écossais reconquirent pied à pied tout le terrain qu'ils avaient
perdu, et enfin une paix honorable, conséquence du traité de Bou-
logne, signé au mois d'avril 1550, entre la France et Edouard VI,
donna un peu de répit aux malheureux voisins de l'ambitieuse Angle-
terre.
La seconde partie de l'introduction de M. Murray contient d'abord
quelques détails bibliographiques, puis une analyse de l'ouvrage.
Quatre exemplaires seulement de la Complainte, sont connus, et
sur ces quatre, deux font partie de la bibliothèque du Musée brita-
nique. L'auteur a divisé son livre en deux sections, savoir : un dis-
cours sur l'affliction et la misère où l'Ecosse est plongée, et ensuite
- 3H -
Cl le Songe de Dame Scotia » avec l'énumération de ses doléances
contre ses trois enfants. Ces deux parties sont reliées ensemble par
on (c monologue récréatif; » ce monologue décrit les circonstances
qui amenèrent l'auteur à interrompre son discours et qui évoquèrent
devant lui le fantôme de sa patrie. La préface est une épître à la
reine Marie de Guise (ane Epistil to the Quenis grâce), suivie d*un pro-
logue au lecteur {Prohg to the Bader),
Après Tabdication du comte d'Arran, la régence d^Ëcosse passait
naturellement entre les mains de Marie de Guise, c*est à elle que
notre anonyme s^adresse en premier lien; il l'appelle « la Marguerite
et la perle des princesses, » et la compare à toutes les fenunes
illustres mentionnées dans Thistoire, la remerciant pour les services
signalés qu'elles a rendus au pays en le délivrant des trois calamités,
de la peste, de l'invasion étrangère et de la guerre civile. La famille
de Guise, ses ancêtres et ses origines paraissent ensuite sur la scène,
commençant avec Godefroj de Bouillon, pour aboutir au héros de la
bataille de Saint-Quentin.
a Maintenant, illustre princesse, » s'écrie-t-il, je vous entretiendrai
de votre noble et illustre père, le duc de Guise, lieutenant général
du roi de France, pour tout le district de la Champagne et de la Brie :
mais il serait trop long de vous raconter en détail les faits éclatants
qu'il a accomplis de nos jours. Le souvenir d'une de ses actions
est encore récent, lorsque, avec beaucoup de courage, il jeta dans
la ville de Saint-Quentin un secours de deux mille hommes, con-
trairement à la volonté de ses ennemis; là il fit mordre la pous-
sière à un grand nombre d'hommes du parti opposé sans aucun
dommage pour les siens ; ce qui fait que chacun peut admirer sa dex-
térité, son courage et sa science de Tart militaire. La prouesse
magnanime du duc de Guise produisit une autre action brillante; à
savoir qu'à la tête de six mille hommes seulement, il en mit quarante
mille en échec au siège de Péronne ; si bien que, de cette grande mul-
titude, pas un seul soldat n'osa avancer ou reculer, à cause des
assauts et des escarmouches qu'il leur livra coup sur coup, tuant une
grande quantité de leurs gens, sans aucune peine pour les siens.
€Mce à cette merveilleuse bravoure, il parvint à faire entrer, dans
la ville de Péronne, des vivres, des arquebusiers et des munitions de
guerre... »
Le reste de ce panégyrique serait trop long à citer, et il faut que je
passe au prologue qui mérite aussi un coup d'œil; il est écrit d'un
ton d'apologie familier aux lecteurs accoutumés aux préfaces de
Chaucer, de Lydgate et de Gawain Douglas; Tauteur annonce qu'un
homme habitué à manier la plume est redevable de son talent au
public tout autant qu'un soldat, un prêtre ou un laboureur, et il
— 312 —
espèro qud le succès couronnera ses efforts pour ranimer resprit d'har-
monie pco'mi ses concitoyens.
Le discours préliminaire établit cette proposition, que la ruine des
empires^ bien loin d'être TouTrage du hasard, doit toigours être re-
gardée comme une ptmition du ciel. L'histoire des Assyriens, des
Perses, des Romains, des Français et des Allemands, prouve ce fait
jusqu'à révidence, et il appartient aux Écossais de tirer parti de
l'expérience des temps passés. M. Murray remarque, avec raison, que
Tauteur de la Complainte attaque indirectement Boccace et son
traducteur anglais Lydgate, ainsi que Gower et plusieurs autres poëtes
qui substituaient l'action de la fortune à Tinteryention de la provi-
dence dans les affaires de ce monde.
Le monologue récréatif contenant la vision de « Dame Scotia » est
écrit avec beaucoup de verve et d'entrain, et il est curieux de le
comparer au Quadriloge d'Alain Ghartier. Ici comme dans le reste de
l'ouvrage^ on trouve une imitation bien évidente de Lyndesay, poëte
écossais dont j*ai déjà parlé au début de ce travail; les allusions his-
toriques abondent, et on pourrait extraire un grand nombre de
passages très-intéressants pour Thistoire des mœurs et des coutumes
pendant la première moitié du seizième siècle* Il parait que l'auteur
de la Complainte fit au u monologue récréatif, » diverses additions
de la plus grande importance ; sous prétexte de raconter au lecteur
ce qu'il avait vu dans le cours de sa promenade, il nous fait part de
ses connaissances en botanique, en cosmogonie, en architecture
navale, etc., etc.; il nous donne le titre des chansons et des romans
qu'il avait lus, et les noms des danses populaires en usage de son
temps. Aristote, saint Augustin, Boèce, Boccace, Caton, Gicéron,
Salluste, Plutarque, Thucydide, Yalère-Maxime lui étaient familiers;
il connaissait à fond les contes de Gantorbéry, Robert-le-Diable, duc
de Normandie, Lancelot du Lac, Ymmedon et plus de quarante autres
compositions du même genre.
Le style du pamphlétaire anonyme mérite de fixer notre attention
tout autant que la substance de son ouvrage; le fond est aussi
français que la forme, et on pourrait, sans difficulté, compiler un gros
vocabulaire d^expressions tirées de notre langue en feuilletant la
Complainte avec soin. Ge fait n'a pas lieu de surprendre ; tous les
écrivains du seizième siècle prêteraient à la même remarque, et le
dialecte littéraire de ce pays abonde en mots empruntés directement
du français. Gé ne sont pas seulement des termes employés là où
l'anglais n'offre pas d'équivalent, mais notre langue est toujours
choisie de préférence, et les mots anglais, lorsque l'auteur en fait
usage, revêtent une terminaison française. Voici quelques exemples à
Tappui :
— 313 —
l^ Expressions françaises substituées à des équivalents anglais. — Mal-
talent, làohey loue, garnison, roy, volage, YsÀg{vaguer\ succar {sueré),
rammel {rameau) fard (farder), cordinair {cordonnier)^ escarmuchis
{escarmouches)^ carions (carognes)^ etc., etc.
2* Expressions anglaises avec terminaisons françaises. — Gloire,
martyr, prodige, reproche, vertu, vilité, au lieu des correspondants
anglais : Glorj^ marble, prodigal, reproach, virtue, vileness.
L* orthographe des noms propres est essentiellement française (Inde.
Perse, Seneque, Italie, Marc, Luc, etc.); il faut aussi attribuer à l'in-
fluence française la pluralisation des ac^ectifs qui n'a jamais lieu
en anglais ; ainsi nous trouvons, dans la Complainte, les expressions
suivantes : « batellis socialiSy batellis intestynis^ invectives philipiques,
démonstrations mathématiques, lynis parallelis, ainsi que les mots
saidis (said), /brsatdts (forsaid), etc., etc.
Reste à savoir le nom de l'auteur du livre remarquable dont je
viens de parler si longuement; M. Murray, consacre à cette question
onze pages de son introduction, et malheureusement il lui est impos-
sible de la décider. Tout ce que Ton peut dire en connaissance de
cause se réduit à ceci : 1® L'anonyme était un partisan décidé de Tal-
liance française; 2^ c'était un catholique, attaché aux doctrines de
son église tout en comprenant la nécessité de réformes ; 3^ il habitait
un des comtés du Sud, et probablement le border limitrophe de l'An-
gleterre.
XL. Cursor mundi. Ce traité est un des derniers volumes publiés par
VEarly Text Society, et il est fort curieux au double point de vue de
l'histoire et de la philologie. L*auteur commence par un prologue où
il disserte sur le goût que la plupart des gens ont pour les contes et
les légendes. Si les hauts faits des Grecs et des Romains et les mer-
veilleux exploits du roi Arthur excitent tant d'intérêt, à plus forte
raison les récits tirés de la Bible devraient fixer l'attention des lecteurs
et les amuser tout en les édifiant. Aussi art-il cru bien faire de com-
poser, en rhonneur de la vierge Marie et de la très-sainte Trinité,
une espèce de glose sur les livres de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment; il l'écrira en anglais et non pas on français; car chaque peuple,
devrait employer son propre idiome plutôt que de recourir à celui de
ses voisins. Cette particularité est digne de remarque ; elle confirme
l'opinion que, vers la fin du quatorzième siècle, Tusage de l'anglais ten-
dait à devenir plus général dans la Grande-Bretagne, et on sait qu'en
1362, l'enseignement de la langue nationale fut autorisé pour les écoles
publiques.
Le Cursor mundi était une sorte de répertoire où les auteurs de
mystères puisaient à pleines, mains ; certains passages des anciens
drames sacrés en sont copiés mot pour mot, et cette suite de récits
- 314 —
émouvants et naïfs devait figurer sur la table de travail des drama-
turges de la fin du moyen âge. Voici un curieux spécimen des légendes
ajoutées par Tauteur, en guise de commentaire ou développement du
texte sacré : Adam, fatigué de la vie^ envoie son fils Seth au Paradis»
demander s'il peut obtenir Vhuile de miséricorde qui lui avait été pro-
mise. Arrivé à la porte principale, Seth trouve un ange qui la gardait,
et qui lui dit d'avancer sa tâte dans Tintérieur du séjour destiné aux
élus, et d'observer soigneusement la vision évoquée devant ses jeux.
Pendant le cours de ce spectacle le patriarche reçoit l'interprétation
véritable de la phrase huile de la miséricorde. Avant de quitter le
Paradis, Seth obtient de l'ange trois pépins du pommier fatal dont le
fruit révélait la connaissance du bien et du mal. Ces trois pépins de-
vront être placés sous la langue d'Adam après sa mort, et d'eux croî-
tront trois arbres merveilleux : le cèdre, le cyprès et le sapin qui
représentent symboliquement le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
En somme, je ne puis que recommander aux archéologues la lecture
du Cursor; il est édité avec le plus grand soin, et les quatre textes
différents imprimés parallèlement facilitent les recherches philolo-
giques. GUSTAVB Mâsson.
THÉOLOGIE
De theorla probabtlltatls dlsaertatlo theologtca, concinnata
a R. P. Fr. Maria-Ambr. Potton, ord. Prœd. Paris, Poussielgue, 1874.
In-8 de 234 p. — Prix : 3 fr. 75
De la tbéorie du probablllsme, dtaaertatlon théolo^lque,
par le R. P. Fr. IIarie-Ambr. Potton, des Fr.-Prêcheurs. Poitiers, Henri
Oudin, i875. Gr. in-8 de 34 p. — Prix : 1 fr.
On sait que le terrain, depuis longtemps assez paisible, de la théo-
logie morale est devenu le théâtre d'une lutte très-vive, dont il est
difficile de prévoir Tissue. On ne doit pas se figurer le P. Potton
comme un médiateur entre le probabilisme proprement dit, du P. Bal-
lerini, et Téqui probabilisme des Pères rédemptoristes. Dévoué,
autant que les deux parties belligérantes, aux saines doctrines et aux
inspirations du Saint-Siège, le théologien dominicain propose une
théorie scientifique très- différente des deux autres, sans se rapprocher
davantage du probabiliorisme ou du tutiorisme. Il faut s'entendre
pourtant : le système proposé par le P. Potton se résoudrait pratique*
ment, pour la plupart des cas, en un vrai équiprobabilisme . Il n*y a
donc pas lieu de crier à la nouveauté pour le repousser ; la nouveauté
est dans la formule, non dans la substance même delà doctrine. Il est
vrai que Ton a jugé téméraire de s'éloigner, même en ce point, des
procédés suivis dans Técole. Mais ces procédés ne datent pas de très-
— 315 —
loin dans Thistoire de l'enseignement thëologiqne ; les systèmes ne
sont même nettement tranchés que depuis peu d^années, puisque
la lutte a été longtemps, purement et simplement, entre le tutiorisme
et le probabilisme, qui sont les deux solutions contraires de ce pro-
blème: quelle estlajègle delà certitude pratique dans le cas de
doute théorique ? Il est Btv que ces deux systèmes sont dépourvus
d'exactitude scientifique, puisqu*ils ne peuvent être admis, leurs parti-
sans en conviennent, sans de nombreuses exceptions. Mais les systèmes
intermédiaires donnent lieu, à divers degrés, à la même critique : ils
ne sont donc pas scientifiquement exacts, malgré^ leur valeur relative
comme application. Telle est^ du moins, la pensée du P. Potton, et il
semble bien sévère de la déclarer injurieuse à saint Alphonse de
Liguori ou aux autres maîtres de la théologie morale.
Mais le point difficile est de substituer aux théories essayées jus-
qu'à ce jour une théorie nouvelle. Le P. Potton y a visé. Son système
peut s'appeler le probabilisme à compensations ; en voici la formule :
f( Pour agir légitimement contre une loi douteuse, il faut toujours
avoir des raisons proportionnées à la gravité et à la probabilité de
cette loi. » Nous renvoyons le lecteur, soit pour la réfutation du
probabilisme ordinaire, soit pour Texposition et la démonstration de
la nouvelle théorie, à la brochure française du P. Potton, qui paraît
renfermer tout Tessentiel de sa doctrine. Il y a de plus, dans son
livre latin, des détails particuliers intéressants pour les théologiens :
on y verra surtout les antécédents de cette théorie, qui se trouve
déjà plus qu'en germe dans une dissertation de feu M. Laloux, prêtre
de Saint-Sulpice, et aussi dans le Compendium philosophiœ^ d'un autre
sttlpicien justement estimé, M. Manier.
Sans rien préjuger sur la valeur de cette théorie, qui paraît au
moins mériter une attention sérieuse, on peut regretter que Texcellent
religieux prête un peu le flanc à ses adversaires par la rédaction très-
négligée de sa dissertation latine, et par sa tendance trop constante à
prendre les questions par leurs petits bouts, au lieu d'en saisir forte-
ment le nœud. Mais il serait injuste de méconnaître, sous ces allures
trop minutieuses, un jugement sévère et pénétrant.
LlSONCI GotJTURB.
Ei*Boiiime selon la science et la Toi* Conférences, par le P. Droon ,
de Tordre de Saint-Dominique. Paris, Didier, 1875. In-18 j. de 32i p. —
Prix : 3 fr.
Ces six conférences, prêchées à Marseille l'an dernier, embrassent
un vaste ensemble de questions philosophiques, scientifiques et reli-
gieuses, tout un traité d'anthropologie au double ou triple point de vue
de la raison, de la science et de la doctrine révélée. On pourra trouver
— 316 —
que c*e8i trop pour six discours de moyenne étendue, et telle est
peut-être Texplication, au moins partielle, du principal défaut de ce
livre : trop de roideur et de densité.
Une préface, très-trayaillée, indique tout d*abord tesprit et la
méthode de cet enseignement mixte, où la foi s* adresse à la raison en
lui parlant son langage. On ne saurait contester la justesse générale
de la thèse du P. Didon : il veut qu'en gardant Tesprit de la doctrine
lethéologien en rajeunisse la lettre et y joigne la méthode scien-
tifique. Mais on pourra^ sans parler d'une excessive préoccupation et
curiosité de style, se plaindre qu'il n'y ait pas assez de précision
dans certaines parties de ce programme délicat, et qu'on ne définisse
bien ni les (( aspirations généreuses o auxquelles on adhère si chau-
dement (p. 33), ni les « formes usées » dont on se détache avec une
ardeur qui pourra paraître trop empressée et trop juvénile. Nous ne
doutons pas, du reste, que des explications plus nettes n'eussent
éloigné toute interprétation fâcheuse des dernières pages de la pré-
face, qui en admettent une excellente, mais qui laissent place à des
utopies et à des rêves de rénovation et de conciliation toujours dan-
gereux.
Ajoutons qu'il n'y a rien de semblable dans les conférences elles-
mêmes. Dès la première, sur la vraie définition de F homme (un être
essentiellement composé de corps et d'âme, à l'image et à la ressem-
blance de rinfini), on reconnaît le disciple de saint Thomas, le fidèle
interprète de la philosophie chrétienne, également éloignée de la
science matérialiste et d^'un spiritualisme exclusif. La seconde. Ori-
gine divine de t homme j démontre la création intelligente et libre, et
réfute la théorie de l'évolution; c'est solide, mais bien serré! Les
deux suivantes roulent sur le problème de la destinée : après avoir
repoussé, comme dégradantes, ou incertaines, ou incomplètes et
inexactes, les données de la philosophie négative ou séparée et d'une
prétendue science positive, l'orateur expose et défend avec éloquence
la réponse du Credo catholique. Les deux dernières sont consacrés à
Yhomme déchu et à Vhomme régénéré. Sur la cinquième seule, on
pourra faire quelques réserves relatives au fond. La manière dont
le P. Didon expose et prétend démontrer la tache originelle ne
donne prise à aucune censure théologique, et sa théorie, peu sympa-
thique à certaines écoles catholiques, trouverait des appuis solides
dans d'autres. Mais, dans une œuvre surtout apologétique, pourquoi
embrasser l'explication de la. chute la plus difficile à concilier avec
les attributs divins, au lieu de justifier ce dogme sans chercher à le
prouver directement et sans perdre de vue la condanmation de la
cinquante-sixième proposition de Baïus : Deus non potuisset ab initia
talem creare hominem qualis nunc nasdtur. Cette proposition, il est
— 317 —
vrai, est le principe de la démonstration chrétienne de Pascal ; mais
tant pis pour Pascal et sa démonstration !
Il 7 a plaisir à saluer un talent nouveau dans la chaire française.
Le P. Didon a l'accent moderne, qui fit en partie le succès de son
incomparable maître, le P. Lacordaire. Il aime à frapper fort autant
que juste, à tenir Tesprit en éveil par la hardiesse de la pensée et le
relief de l'expression ; il a d'ailleurs le don naturel de la distinction
et tend de lui-même vers les hauteurs. Mais on peut lui trouver les
défauts de ses qualités. Plus de simplicité, d'abandon, de familiarité,
au moins par places, doublerait l'intérêt de ses discussions et Teffet
de sa parole, et sauverait son style, d'ailleurs remarquable a plusieurs
égards, du reproche de préciosité et de roideur.
LÉONCE COUTURB.
Kje» Gonlllte de la science et de la religion, par J. W. Draper,
professeur à l'université de New York. Deuxième édition. Paris, Germer
Baillière, 1875. In-8de xii-265 p. Fait partie de la Bibliothèque sdentifique
intematimale, — Prix, relié en toile anglaise : 6 francs.
Le livre de M. Draper est un des plus violents qu'ait publiés la
librairie Germer Baillière, qui en a cependant publiés tant d'autres
contre le catholicisme. L'auteur a quelques ménagements pour le pro-
testantisme, mais rinfaillibilité de l'Église et du Pape le mettent hors
de lui, et il n'est point d'intentions perverses et criminelles qu'il ne
prête à la religion romaine. Voici quelques-unes des dernières phrases
du volume: «Cette puissance (la religion catholique), sachant bien
qu'elle ne fera pas de miracles pour le triomphe de sa cause, a recours
à des moyens humains (?) et jette le trouble dans la société, par ses intri'
gués, et les maux, dans le monde, par son alliance avec les despotes.
Ses prétentions impliquent uuq rébellion contre la civilisation moderne
et une intention de la détruire^ si faire se peut, au risque de détruire
la société elle-même. Pour s'y soumettre, il faudrait que les hommes
eussent des âmes d'esclaves. » Mais a tout ce qui s'appuie sur le men--
songe et la fraude périra. Des institutions qui sont rorganisation de
l'imposture devront enân produire leurs titres au tribunal de la raison »
(p. 264-265). M. Draper vante plusieurs fois son impartialité dans sa
préface (p. vu, vin, xii). Il dit formellement, p. viu : «Je me suis, en
un sens, identifié avec (les deux partis en présence) afin de me péné-
trer mieux de leurs raisons; mais, en un sens plus large, je suis
resté étranger au débat, aûn de ne pas compromettre mon impar-
tialité. » Il faut être bien aveugle par la passion pour se poser en
simple rapporteur impartial quand, pendant plus de 250 pages, on ne
•ait désigner l'Église que par des termes injurieux.
On comprend combien les faits doivent être dénaturés sous la plume
— 3J8 —
d'un tel rapporteur. Les conflits de la science et de lareUgion sont
racontés sous forme historique, depuis l'origine du christianisme jus-
qu'à nos jours. M. Draper prend naturellement parti contre les évê-
ques, par exemple, contre « un certain Théophile qui occupait le siège
épiscopal d'Alexandrie (p. 39), » contre a ce fanatique» qui détruisit la
grande bibliothèque d'Alexandrie (p. 40} I Toutes ses sympathies sont
pour les hérétiques, pour Arius qui jugeait que la nature des choses
voulait que le Père fût plus vieux que le Fils (p. 39), pour Nestorius,
qui tt rejetait le bas anthropomorphisme populaire (p. 51), » pour
Mahomet, u qui conçut la haine des pratiques idolàtriques de TÉglise
d'Orient (p. 57), » etc. Quant à ces conflits prétendus entre la science
et la religion, dont la gravité est telle qu'il semble que toute concilia-
tion soit devenue impossible entre les deux antagonistes, quels sont-
ils donc? La question de la forme de la terre, de la prééminence de
notre planète, de son immobilité, de son antiquité, des six jours de la
création, de l'universalité du déluge, de la condition primitive de
rhomme. Certes, voilà bien de quoi proclamer Tincompatibilité de la
science et de la foi 1 La religion a toujours admis et admettra toujours,
non pas, il est vrai, ce qu'imaginera tel ou tel savant, mais ce qui
démontrera réellement la science, parce qu'il n'y aura jamais contra-
diction entre deux lumières qui procèdent du même foyer, la révélation
et la raison. Pour conclure en un mot, le nouveau volume de la Biblio-
thèque scientifique n'est pas un livre de science, mais de passion.
G. K.
JURISPRUDENCE
Introduction lilstorlque A l'étude du Droit, par M. J. Tissot,
doyen honoraire de la faculté des Lettres de Dijon. Paris, Marescq aîné,
1875. In-8 de xv-549 p. — Prix : 9 fr.
Le livre de M. Tissot a été écrit en vue d'un concours ouvert par
l'Académie des sciences morales et politiques sur cette question :
ce Établir historiquement Tuniversalité des principes de la morale, n
Il s'agissait de réfuter, à l'aide du raisonnemnnt et à Taide des faits,
le scepticisme en matière de droit et de morale. Le svget, on le voit,
n'était pas précisément très-neuf . Nous ne saurions en faire un crime
à l'auteur, qui Ta subi et non choisi. Mais ce que nous pouvons et
devons lui reprocher, c'est le soin qu'il a pris de rééditer, comme &
plaisir, les lieux communs les plus rebattus de la philosophie anti-
religieuse. Dans un précédent ouvrage tendant au rétablissement du
divorce, il avait émis des doctrines sociales, avec lesquelles nous ré-
pudions toute solidarité. Le présent ouvrage n'est guère qu'un long
réquisitoire contre toutes les religions connues. A entendre M. Tissot,
— 3i9 —
ce sont les religions qui ont toujours, par leurs abus^ corrompu les
mœurs et altéré le sens moral : a Qu'on nous dise à présent, s'écrie-
t-il, si l'athéisme eût jamais produit de pareils ravages, et si Bajle
n*a pas mille fois raison quand il soutient la thèse qui avait déjà
arraché à Lucrèce ce cri de profonde et douloureuse vérité : a Tan"
tum religio poiuit suadere mahrum (p. 575) I i — Plus loin^ il s'in-
digne a contre les déclamateurs qui ne voient de morale et de
moralité possibles que dans la religion et par la religion ; qui font
même semblant de croire, contrairement à Texpérience de tous les
temps^ que la religion suffit pour moraliser les nations et les indivi-
dus^ que les lumières j 'sont inutiles^ dangereuses même (p. 576). »
— Est-il besoin d'ajouter que lesr coups les plus violents visent le
catholicisme ? La chose va de soi. Il est vrai que, pour être rudes, ces
attaques n'en sont pas plus redoutables. Nous n'en voulons citer qu'un
exemple. A la suite de statistiques criminelles qui donnent à certaines
populations protestantes^ la supériorité sur certaines populations
catholiques, M. Tissot propose sérieusement Texplication suivante :
(i Le temps consacré à de vaines cérémonies religieuses, outre qu'il
est une cause d'appauvrissement pour tous, même pour ceux qui
croient l'employer le plus régulièrement, est de plus, pour les autres^
une occasion de jeu, d'ivrognerie et de débauche (p. 586). »
Toutefois, en dépit des influences religieuses, M. Tissot ne déses-
père pas du salut de la société. Il se rallie au drapeau du progrès
indéfini; il professe la théorie de V évolution. Ne s'écartantdu système
darwinien qu'en ce qui regarde les origines de l'humanité, il admet ses
conséquences pour ce qui concerne l'avenir.
Disons maintenant, à la décharge de l'Académie des sciences
morales qui, après deux concours jugés insuffisants, a décerné une
médaille à M. Tissot, que les chapitres où ces tendances s'affichent le
plus hautement, ne figuraient pas dans le mémoire couronné et ont
été ajoutés après coup. A. db Clays.
De la Propriété et de se* forme» primitive», par M. E.
DE Lavelete. Paris, Germer Baillière, 1874. In-8 de xxiv-396 p. —
Prix : 7 fr. 50.
Deux choses doivent être distinguées dans l'ouvrage de M. de Lave-
leye : nous ne saurions en approuver les tendances économiques ; mais
nous devons en reconnaître le mérite et l'intérêt, au point de vue des
recherches scientifiques.
Selon l'auteur, les juristes se trompent lorsque, sur la foi des
Institutes^ ils font dériver la propriété de l'occupation de la res
nuUius. La propriété foncière, avant de constituer ce droit individuel
et exclusif dont le domaine quiritaire est l'expression la plus parfaite,
a toujours et partout revêtu, au sein des sociétés rudimentaires^ une
— 320 —
forme collective. Au début, le sol appartient au clan ou à la tribu, qui
Texploite en commun. « Plus tard, la terre cultivée est divisée en lots
répartis entre les familles par la voie du sort ; Tusage temporaire est
seul attribué ainsi àTindividu. Le fonds continue à rester la propriété
collective du clan, à qui il fait retour de temps en temps, afin qu'on
puisse procéder à un nouveau partage (p. 5). » — Tel était le système
en vigueur chez les Hébreux ; c'était celui des Germains au temps de
Tacite; on en retrouve les traces dans les légendes classiques de Vâge
(Cor; il forme encore aujourd'hui, du moins pour une large part, le
régime de la propriété chez les Arabes, les Afghans, etc.; nous le
voyons fonctionner surtout dans deux institutions que Tauteur décrit
avec détails, le Mir russe et les communautés de village à Java
(p. 9-69); enfin, nous saisissons, dans les Allmenden de la Suisse, sa
plus moderne et Tune de ses plus curieuses manifestations (p. 267-314).
Puis, en suivant l'ordre des temps, apparaissent les communautés
de famille. Désormais, la propriété constitue un droit privé, mais non
pas encore un droit individuel. M. de Laveleye consacre à. l'histoire
de ces communautés, notamment dans notre France du moyen âge,
des chapitres qui confirment et complètent parfois les belles recherches
de M. Le Play. Ici se posent les questions les plus ardues. Comment
s^est accomplie la première transformation qui a remplacé le clan pro-
priétaire par la famille propriétaire? Comment une plus récente évo-
lution est-elle venue enfin consacrer la notion du droit individuel?
M. de Laveleye entre, sur ces points divers, en des développements
que nous recommandons à toute Tattention du lecteur.
Mais il n*a pas borné son ambition & scruter le passé; et tnalheureu-
sèment, derrière Térudit, perce Técenomiste dont les tendances nous
paraissent très-dangereuses. Ce n'est pas que nous désapprouvions sa
critique de la Révolution française, lorsqu'il écrit : « Elle a posé
l'homme abstrait, l'individu isolé, et lui a reconnu théoriquement tous
les droits naturels, mais, en même temps, elle a anéanti tout ce qui le
rattachait aux générations précédentes et à ses concitoyens actuels...
La commune^ ayant perdu toute autonomie locale, n'est plus qu'un
rouage administratif obéissant au pouvoir central. La propriété com-
munale a été presque partout vendue ou réduite... Plus de corpora-
tions industrielles , les sociétés anonymes qui en tiennent lieu ne sont
qu'un moyen d'associer des capitaux, et non des hommes. La religion,
ce lien puissant des âmes, a perdu la plus grande partie de son action
fraternelle, et la famille, fortement ébranlée, n'est plus guère que
l'organisation de la succession. L'honmie est un être sociable, et l'on
a détruit ou affaibli les institutions où la sociabilité prenait corps et
donnait une base solide à l'État (p . 268 et 269). » — Tout cela est bien
dit, autant que bien pensé. Mais où trouver le remède qui réparera le
— 321 —
mal causé par la Révolution? Sera-ce dans le rétablissement des com-
munautés de famille? Certes, il est permis d*estimer^ d*envier même
les peuples dont les mœurs et Tétat social ne répugnent pas à cette
antique institution. Seulement, nous constatons que, si la propriété
individuelle est partout sortie de- la communauté primordiale, jamais
ne s'est produit le phénomène inverse. M. de Laveleye l'avoue lui-
même (p. 16), et il ajoute : « Une semblable opération pourrait à
peine se concevoir ; » elle implique, en effet, tout un ensemble de
coutumes et de vertus qu^il n'appartient pas au législateur de décréter
par voie d'autorité .
Quant au rétablissement des communautés de village, cette solution,
malgré les sympathies qu'elle semble rencontrer de la part de notre
auteur, doit être encore plus absolument écartée : elle se heurterait
au£ mêmes impossibilités que la précédente, et elle n'offi*irait pas les
mêmes avantages.
Reste une dernière solution, qui consisterait à attribuer à l'État
seul la propriété du sol. Ici, nulle impossibilité n'existe ; l'entreprise
serait, au contraire, d'une facilité que nous appellerions volontiers
effrayante. Il suffirait de modifier dans son principe la taxe foncière :
au lieu d'être un impôt, elle deviendrait une rente; et le relèvement
dont ses tarifs seraient l'objet permettrait, conformément au pro-
gramme des physiocrates, d'abolir toutes les autres contributions.
Nous regrettons de voir M. de Laveleye appuyer de son autorité ces
doctrines socialistes qui, faisant de l'État Tunique propriétaire et le
seul détenteur de la richesse, détruiraient toute activité et toute
liberté, aboutiraient à la ruine en économie et au césarisme en poli-
tique. — Il est surtout poussé par le désir de l'égalitô : a Les démo-
craties, où l'on ne parvient pas à conserver l'égalité des conditions et
où deux classes hostiles, les riches et les pauvres, se trouvent en pré-
sence, arrivent au despotisme en passant par l'anarchie... (p. xxiii). o
S'il est vrai que la démocratie ne puisse s'accommoder des inégalités
qui résultent du libre exercice des facultés humaines, tant pis
pour cette forme sociale. Ce vice radical la condamne ; et ce n'est pas
en l'exagérant que l'on y rejnédiera; ce n'est pas en édictant l'égalité
de tous dans une commune misère et sous le joug d'une commune
servitude, que Ton sauvera notre société, menacée par la lutte entre
le salaire et le capital. D'autres moyens doivent être mis en œuvre.
La question présente, avant tout, un côté moral et religieux que
M. de Laveleye parait trop peu soupçonner. A. de Claye.
Octobre i87o. T. XIV, 21.
— 322 —
SCIENCES
Cours de philosophie. Première partie, PsychologiBy par Th. Bernard,
professeur de philosophie au lycée de Montpellier. Paris, Delagrave, 1874.
In-8 de vu-387 p. — Prix : 5 fr.
M. Bernard exprime^ dans sa préface, sous une forme modeste mais
suffisamment claire, Tespoir de surpasser les traités élémentaires de
philosophie qui ont précédé le sien ; il se flatte d'être à la fois plus
clair, plus complet et plus scientifique. Nous devons convenir que cette
louable ambition a été servie, au moins, par un travail très-conscien*
cieux. Le volume ne renferme que le tiers ou le quart de la philosophie
classique, et il offre près de quatre cents pages d^une impression très-
compacte, quoique bien lisible et agréable à l'œil. De plus, la matière
est méthodiquement divisée^ avec des titres d'articles précis et
voyants, et toute retendue désirable dans les développements et les
exemples. S'ensuit-il que le livre soit aussi parfaitement clair qu'on le
croirait au premier coup d'œil, et que l'auteur a voulu le faire? A
notre avis, cet éloge convient à plusieurs pages, et, en général, aux
plus solides de fond, par exemple à ce long chapitre sur les Passions
(p. 76-91), à peu près irréprochable de doctrine et de stjle. Mais, en
d'autres endroits, les définitions, les preuves, les explications nous
paraissent un peu laborieuses et confuses, de sorte qu'au seul regard
de la clarté, sans parler de critiques qui ont encore beaucoup d'impor-
tance, le livre de M. Bernard ne nous semble pas un livre d'ensei-
gnement classique pleinement réussi.
Peut-être la raison principale de ce défaut est-elle dans la situation
doctrinale du savant professeur. M. Bernard n'appartient pas à la
nouvelle école de la volonté; il n'est pas davantage un spiritualiste de
la vieille roche ou un demeurant de l'éclectisme ; mais il est difficile
de dire ce qu'il est, parce que sa doctrine, sans relever d'une école
déterminée, manque de vie propre et d'unité. Il est au courant des
théories et des controverses contemporaines, ce qui est à merveille,
mais il semble sollicité par des tendances contradictoires, qui lai
rendent impossibles cette précision et cette décision sans lesquelles il
n'j a pas d'enseignement philosophique sérieux et utile.
Son introduction n'ofire que les idées communément reçues sur les
généralités de la philosophie ; mais pourquoi ne pas en affirmer nette-
ment le caractère scientifique ? — Le manque d'originalité et de pro-
fondeur en psychologie, dont l'auteur s'excuse (p. 26) comme d'une
nécessité de son programme, nous parait résulter bien plutôt de sqs
aptitudes et de ses habitudes personnelles. Quoi de plus incomplet que
sa critique du sens vital (p. 69) ? Quoi de plus indécis que sa conclusion
sur la question des Universaux (p. 136)? Quoi de plus évidemment in-
— 323 —
sufOsant et de moins explicatif que sa loi de Possodatûm des idées
(p. 182), même avec les développements très-étendus qui l'accompa-
gnent? C'est ici que Tauteur aurait pu mieux profiter des travaux de
la psychologie anglaise, pour laquelle il avoue (p. 26) une sympathie
qui n'est pas de trop bon augure, puisqu'elle ne paraît guère porter
sur les détails utiles de cette philosophie dévoyée. — Du reste, quant
au fond, ces pages valent bien celles qui leur correspondent dans la
plupart des manuels universitaires; et il y a de plus ici l'ampleur des
explications, et beaucoup de cadres assez bien tracés, où se classent
et se coordonnent d'elles-mêmes les observations psychologiques; le
style, sans avoir toute la précision désirable, est toigours éloigné de
cette phraséologie littéraire sous laquelle trop de livres de ce genre
dissimulent leur faiblesse scientifique.
Nous reconmianderions donc très-volontiers cet essai, au moins
comme livre de lecture pour les élèves, sans quelques défauts plus
graves, qui s'accentueront davantage dans d'autres parties de la philo-
sophie, si Tauteur continue ce cours. Sa métaphysique nous parait,
sinon fausse, au moins trop indécise sur les points les plus essentiels.
Nous recommandons aux maîtres l'examen de ses chapitres sur la
liberté et sur la spiritualité de l'âme. Sur le premier point, il mérite
certains éloges : il combat le déterminisme contemporain et celui de
Leibniz, et il a une page remarquable contre la théorie de M. Fouillée
(309-310) ; mais sa réfutation du fatalisme religieux renferme, sur le
concours divin^ une critique très-superficielle et très-contestable ; mais
surtout, sa propre théorie du libre arbitre est vague et obscure, et,
malgré ses efforts, il n'a pas su trouver un milieu nettement défini
entre le déterminisme et la liberté d'indifférence. — Quant à la spiri-
tualité, Tauteur b'j embarrasse encore davantage : ses pages contre le
matérialisme, d'ailleurs assez bonnes, sont accessoires ; quand il veut
directement établir sa thèse, il ne sait où prendre pied; il affaiblit lui-
môme comme à plaisir les arguments qu'il expose ; faute de bien éclai-
cir les idées de vie et de force^ il ne laisse aucune valeur à Topposition
établie par tous les spiritualistes entre les attributs du corps et ceux
de l'âme. Enfin, dans ses pages mêmes^ comme, d'après lui, dans le
monde contemporain, « le matérialisme tient en échec le spiritua-
lisme, 0 parce qu'il n'a pas eu soin de le réduire à sa nullité fonda-
mentale, dégagée de l'appareil scientifique qui trompe les esprits légers.
L'attention sérieuse que nous avons accordée à ce livre témoigne
assez de notre estime pour un remarquable effort d'amélioration dans
Texposition élémentaire de la philosophie ; l'importance des saines
doctrines plus ou moins compromises, peut-être contre le gré de l'au-
teur, dans plusieurs de ses pages, justifiera la sévérité de notre
critique. Lbonck Couture.
— 324 —
K^e Matérialisme contemporain, par Paul Janet , membre de
rinstitut, professeur à la faculté des lettres de Paris. 2* édition. Paris,
Germer Baillière^ 4875. In-18 de 168 p. (Bibliothèque de philosophie œntem'
poraine.) — Prix : 2 £r, 50.
Le matérialisme scientifique du dix-neuvième siècle a trouvé son
expression la plus précise dans le livre trop célèbre, publié par
M. Biichner en 1856, sous ce titre: Force et matière. C'était le résultat
d'un mouvement purement empirique, préparé par l'idéalisme cbimé-
rique de Schopenhauer (légitime héritier de Eant) et par Thégélia-
nisme impie de Feuerbach ; et la formule de cet empirisme avait été
donnée en 1852 par M. Moleschott, dans ses fameuses lettres sur la
Circulation : a Sans matière point de force, sans force point de matière.»
Cette école a déjà égalé Tancien matérialisme français par Taudace
de ses explications psjcho-phjsiologiques : « Le cerveau, a dit
M. Yogt, sécrète la pensée, comme le foie sécrète la bile, et les reins
sécrètent Turine. » Avouons, à Thonneur de M. Biichner, qu'il a senti
la parfaite inanité de cette comparaison, mais sans relever d'une ligne
le niveau métaphysique et moral du nouveau matérialisme, dont son
livre est, au dire de M. Paul Janet, « le vrai manuel. »
Il appartenait à Tun des représentants les plus en vue da spiritua-
lisme universitaire français de combattre cette résurrection préten-
tieuse et bruyante d'un système que M. Cousin se flattait d'avoir
enterré. Il s'acquitta de ce devoir par le mémoire, élégant et modéré
de forme, très-incisif au fond, dont nous avons atgourd'hni une édition
améliorée, où Tauteur a pu tenir compte, sur quelques détails de fait,
des remarques de son traducteur allemand. Ce mémoire fut apprécié
très-favorablement par les meilleurs juges, et il attend encore une
réponse. Le matérialisme n'en va pas moins son train, avec toutes les
allures d'un triomphe que rien ne Tempêche de s'attribuer, car il ne
tient compte d'aucune attaque ni d'aucune défense. C'est d'ailleurs un
motif de plus pour recommander, à tous ceux qui s'occupent d'études
scientifiques, la thèse de M. Janet, dont il suffit d'indiquer ici les
grandes lignes.
Après un tableau saisissant, quoique restreint, de la philosophie alle-
mande depuis Hegel, et une claire et vive exposition du système de
Biichner, il entame la critique de ce système. L'énoncé mémo de son
dogme fondamental n'a pas de sens précis. Car, pour affirmer qu'il
n'y a pas de force sans matière, encore faut-il dire ce qu'on entend par
matière ; et la notion adoptée par Bûchner se trouve justement la plus
incompatible avec l'idée de force. On le met ensuite dans l'impossi-
bilité d'expliquer, par son matérialisme mécanique, V lemouveipent;
2^ la vie; 3^ la génération : 4^ la pensée. Les hypothèses, vieilles ou
modernes, proposées sur ces divers points, telles que la force d'attrac-
— 325 —
lion, l'hétérogénief le djnanisme cérébral, etc., sont discutées avec
ane convenance parfaite et une remarquable puissance d'analyse. Ni
le fond de la doctrine de M. Janet, ni les preuves qui Tappuient n'ont
le caractère de la nouveauté. Mais le talent de Texposition leur donne
un relief très-frappant et comme un air de jeunesse, en face de sys-
tèmes qui n'ont rien corrigé au défaut de Tempirisme de tous les
temps : amas d'hypothèses gratuites et contradictoires.
Le dernier chapitre de ce petit livre, dans la première édition, rou-
lait sur le darwinisme ; c'était un fragment d'un ouvrage encore iné-
dit sur les catms finales. L'auteur ne le reproduit pas cette fois, mais
il le remplace par un excellent examen du livre récent de M. Louis
Viardot, intitulé Libre examen^ qui n'est qu'un remaniement, sous
une forme plus française, des idées de BUchner. C'est là que M. Paul
Janet est amené à toucher les questions de création, de vie future, etc.
Nous regrettons qu'il garde sa position de philosophe rationaliste en
face du problème religieux^ mais il faut lui rendre cette justice que
ses armes lui suffisent contre M. Yiardot, et même contre Sainte-
Beuve et M. Havet.
Nous aurons plus d'une occasion peut-être de déclarer nos dissen-
timents avec l'éloquent professeur de philosophie de la Sorbonne ;
ai:^ourd'hui, ce nous est une vive satisfaction de recommander, sans
réserve sérieuse, cette œuvre décisive et méritoire de controverse
vraiment scientifique sur l'un des dogmes essentiels de la foi des vrais
philosophes et de l'humanité. Lêoncb Couture.
Bote. Question actuelle, par le R. P. de Bonniot, de la Compagnie de
Jésus. Tours, Alfred Marne, 1875. fn-8 de xv-368 p. — Prix : 3 fr. 50.
Ce sous-titre, Question actuelle, a peut-être été dicté à l'auteur par
ses habitudes assez marquées de finesse spirituelle et satirique. Mais
elle a un sens très- vrai; la question de l'intelligence des bêtes n'a
jamais été aussi souvent traitée que de nos jours, et si Ton considère
les doctrines matérialistes qui tendent à s'introduire dans la science
anthropologique, on concevra que beaucoup de savants ou prétendus
tels ont été intéressés à détruire toute démarcation essentielle entre
la bête et l'homme. Le P. de Bonniot a compris combien il importait
a de réagir avec vigueur contre la tendance de certaine science con-
temporaine qui veut faire de l'animal un homme, afin de pouvoir faire
de l'homme un animal (p. xi). » De là, ce livre, qui a paru d'abord en
articles détachés dans les Études religieuses des PP. jésuites, mais
qui reparait en volume dans un état de composition et d'unité bien
supérieur, et que nous ne craignons pas de signaler comme une
œuvre des plus remarquables au double point de vue philosophique et
— 326 —
littéraire. Le P. de Bonniot est un écrivain plein de verve; il unit le
nerf et la concision du style à l'abondance des pensées et à la vivacité
de l'imagination ; surtout il a éminemment cette qualité si françûse,
Tesprit, et c'est de ce côté qu'il doit se garer, car l'abus tente les
riches. Avec tout cela, il a fait un livre aussi agréable que solide.Nous
souhaitons fort, à ce propos, que le succès de l'œuvre répondant à son
mérite (le nom de l'éditeur n'y nuira-t-il pas en faisant croire à un
livre pour distribution de prix ?), le R. P. de Bonniot recueille aussi
en volume les études si remarquables qu'il a publiées sur la psycho-
logie de M. Taine, sur le positivisme, etc., et qu'il ne cesse pas de
tenir sa place dans le mouvement philosophique de notre temps, où
peu d'écrivains marqueraient plus que lui.
Mais abordons le fond même de ce livre charmant. La thèse qu'il
défend est dirigée contre presque toutes les théories contemporaines
sur l'intelligence et Tinstinct des animaux. Les spiritualistes mêmes
n'établissent pas, au moins avec précision, une différence radicale entre
la raison de l'homme et la connaissance de la bête. Le P. de Bonniot
fait une seule* exception en faveur du livre, selon lui trop peu remar-
qué, mais auquel nous avons ici rendu pleine justice (t. IX, p. 189),
de Y Instinct f par M. Henri Joly. Lui-même ne prétend qu'avoir déve-
loppé (( les pages admirables et trop peu connues où Bossuet, s'ins-
pirant de saint Thomas, a déterminé d'une main si sûre la différence
de l'homme et de la bête. » Mais développer ainsi^ c'est faire œuvre
de maître.
Sa première partie [la Bête et V Homme) est consacrée à dégager le
vrai fond de la connaissance humaine, qui est la raison, à montrer le
caractère d'universalité qui appartient à toutes les notions de la raison,
même la moins parfaite, à étudier le langage et la liberté comme fon-
dés sur la raison, à prouver que l'animal en est absolument privé et
incapable. ^- La seconde partie est une étude profonde, mais pleine
de détails attachants, sur Tinstinct animal : raciion instinctive est
décrite depuis son principe jusqu'à ses manifestations extérieures les
plus variées ; l'auteur aboutit à un mécanisme très-différent de celui de
Descartes, mais qui ne permet assurément pas d'attribuer à l'animal
a quelque vestige de personnalité,» comme M. Janet (£/émen^s de
moralcy p. 186), ou la faculté de délibérer et de choisir, comme M. Th-
Bernard {Psychol., p. 308). Je recommande surtout aux psychologues
le sixième chapitre de cette deuxième partie, où l'instinct et l'habitude
sont analysés si nettement, à partir de Vassociation des images et de la
loi de la simultanéité. Il faut regretter seulement que certaines parti-
cularités importantes, comme le passage de l'habitude à l'instinct pro-
prement dit par l'hérédité (p. 113), soient trop rapidement indiquées.
— • La troisièhie partie renferme l'examen de quelques théories con-
— 3Î7 —
temporaines, stiriont celles de Darwin et d'un positiviste français^
M. A. Sanfion. C'est une contre-épreuve de la thèse de Tauteur^ qui
substitue partout ses explications à celles de ces savants^ en discutant,
avec une finesse exquise et une verve parfois assez malicieuse, une
foule de prétendus raisonnements faits par les animaux. — La der-
nière partie est intitulée : Les bêtes dans V histoire^ et ce titre n'est pas
trop bien choisi ; car il semble annoncer le cheval d'Alexandre, les
oies du Gapitole, etc. Kauteur a voulu dire : Histoire des opinions émises
sur Vinielligenee des bêtes. Il les classe en trois groupes : les bêtes
raisonnables, les bêtes-machines, les bêtes telles qu'elles sont; et cette
revue, qui plaît par la variété, lui permet d'affermir encore la vraie
théorie de l'instinct animal.
Dans l'appendice se trouvent divers morceaux assez curieux sur le
même sujet, et, en particulier, une polémique soutenue par Fauteur.
Qn^il me soit permis de remarquer ici qu'il a peut-être eu trop peu de
condescendance pour les habitudes de langage et de classiflcation
usitées aujoard'hui en psychologie ; ces habitudes ont du bon, et, en s'y
conformant un peu plus, il se serait mieux fait comprendre. Intelli-
gence y est synonyme de connaissance; dès lors, il faut accorder Tintel-
ligence aux bêtes. La perception des rapports et la notion de Tuniversei
et de l'absolu constituent la raison^ qui est le propre de l'homme. Les
animaux ne raisonnent pas; mais on peut dire, au sens de la psycho-
logie contemporaine, qu'ils connaissent et même qu'ils ju^^n^ dans une
forme de jugement primitif et immédiat où n*entre pas d*idée géné-
rale et que Técole rapporte à YestimativCj faculté commune à Thomme
et à la brute. L'auteur se plaint amèrement que l'enseignement actuel
mêle les faits de Tordre sensible et ceux de l'ordre rationnel. Il
nous semble que ce reproche n'est pas sérieusement mérité , au moins
par les maîtres les plus autorisés.
Nous n'aurions plus à lui reprocher que des détails sans importance.
Il croit à la parfaite authenticité de l'histoire du chien de Montargis : il
faut le renvoyer à la préface du vieux poëme français, Macaire, publié
dans la Collection elzëmrienne. Il ne cite Dupont de Nemours que d'aprèa
M. de Feletz, et il ne doit pas l'avoir abordé directement; il aurait
mieux utilisé les singulières théories de cet académicien sur l'arithmé-
tique, la poésie et surtout la moralité {sic) des bêtes.
LÉONCE Couture.
RI Matrlmonlo, su ley natural, «u hlstorla, su Impor-
tAncla •oclal, por Joachin Sanchez de Toca. Madrid, M. G. Hernandez,
1874. Gr. in-8 de 600 p. — Prix : 9 pesetas (9 fr. 4o).
Voici une éloquente et touchante dissertation sur le mariage, qu'un
écrivain espagnol, jeune, pensons-nous, a écrite avec un vif amour de
la vérité et poussé du louable désir d'aider au triomphe de la femme
— 328 —
dans la société moderne, en réclamant pour elle le respect qui lai
est dû. C'est bien là une entreprise castillane; aussi Tauteur y a-t-il
mis une ardeur qu'excuse peut-être son âge. Son plaidoyer débute
par des réflexions sur Torigine de la société, sur la famille^ sa néces-
sité sociale et son heureuse influence sur Thomme. Suivent les diflié-
rentes preuyes qui établissent son origine divine, puis les bases
fondamentales de toute société, de toute famille, lesquelles sont,
selon Fauteur, le mariage, le respect, les droits de l'individu, la reli-
gion et raccord parfait, avec TÉtat, de ces trois conditions. L'exposé
de la loi psychologique de Tamour, la déflnition du mariage et l'exa-
men de ses conséquences pour la société terminent la première partie,
où il y a cependant un chapitre curieux, le septième, sur le divorce.
L*auteur assimile le divorce à la polygamie, et trace un tableau des
ravages qu'il fait dans les pays protestants : il réfute aussi quelques
erreurs deJ^fontesquieu, qui a attribué à Texclusive action du climat
l'origine de la monogamie et de la polygamie. Il montre enfin Terreur
de ceux qui prétendent que l'adultère n'est pas réprouvé par la loi
naturelle.
La seconde partie, intéressante et d'une érudition qui doit beaucoup
' aux travaux allemands sur la matière, retrace l'histoire du mariage et
la condition sociale de la femme en Orient, dans l'Inde, dans la religion
de Boudha et en Israël. La nouvelle condition qu'acquiert la femme,
en passant de l'Orient à l'Occident, est longuement examinée. La
femme, en Grèce, à Rome, dans la société chrétienne, fait l'objet de
tableaux vivement peints. L'auteur n'a pas de peine à prouver que
l'émancipation et l'anoblissement de la femme sont uniquement dus
au christianisme, et il démolit toutes les prétentions de certaines
écoles philosophiques modernes qui veulent l'émancipation des
femmes en s'appuyant sur les maximes de l'Evangile et les lois
du mariage chrétien. En terminant, l'auteur s'excuse d'avoir été
ennuyeux et monotone dans des matières arides, et incomplet sur
une question où il y aurait beaucoup à dire. C'est là un cas de
modestie assez rare tra los montée, mais ce n'est point cela seulement
qui nous fait constater la réelle valeur de son travail et Futilité qu'on
peut en retirer. Ch. Lebrun.
Rapport «ucclnct sur la séolo^le des vallées de l'il^Uta-
bafftkaM^-MackenasIe et de l*A.nderson» par le R. P. E. PEnroT,
oblat de Marie, Paris, typographie Hennuyer, 1875. In-8 de 80 p. —
Prix : 2 fr.
S'il est des régions peu connues sous le rapport géologique, c'est, à
coup sûr, celle de la Colombie anglaise de l'ouest. Les explorateurs
ont eu bien rarement l'occasion de parcourir ces solitudes, et sans les
— 329 —
renseignements fournis par quelques rares chasseurs canadiens et
surtout parles missionnaires catholiques^ elles resteraient, avgourd'hui
encore, presque à Tétat de Tertœ incognitœ. Cette circonstance ne peut
manquer de donner, aux yeux des savants, un nouveau prix à la
publication du R. P. Petitot, l'un de ces infatigables apôtres qui ont
été porter les lumières de la foi chez les tribus dlndiens Dennés et
Dindfis. Ajoutons, par parenthèse, qu'elles appartiennent au grand
rameau athabaskan, dont on retrouve des représentants dans tout
l'occident de l'Amérique septentrionale, depuis le pays des Eskimaux
jusqu'aux frontières du Mexique.
Quoi qu'il en soit, son ministère évangélique n'absorba pas tellement
le docte missionnaire, qu'il n'ait eu quelques instants, par ci par là,
à consacrer à Tétude des questions scientifiques. Ce sont précisément
ces observations qu'il a condensées dans la brochure dont nous propo-
sons de rendre compte.
Toutes les chaînes de montagnes qui traversent ce pays, peuvent
être considérées comme des ramifications des montagnes Rocheuses.
Les hauteurs de l'est et du nord, par de là le soixantième degré de lati-
tude, sont surtout composées de schistes ou de grès, tandis que le
massif central se fait remarquer par sa constitution granitique. L'en-
trée du grand Lac (Tkuile (tourSj situé sous la latitude du cercle arc-
tique, mérite d'être signalée par une particularité, laquelle n'offre d'ail-
leurs tien de géologique. On y rencontre le plus boréal de ces rochers
sculptés de main d'homme, indice du passage de races moins sau-
vages que les Indiens actuels. Sur les rives 3e l'Athabaskaw^près de sa
jonction avec la Rivière des eaux claires^ nous assistons à ce spectacle
étrange de terrains svgets à prendre feu spontanément. Cela s'ex-
plique par la présence de gaz inflammables qui, de temps à autre,
parviennent à s'échapper des fissures du sol. Nous laissons de côté,
pour ne pas trop prolonger notre notice, ce qui concerne la faune et
la flore de cette froide contrée, ainsi que Tétude d'ailleurs si
curieuse des phénomènes glaciaires. L'auteur en tire d'ingénieuses
déductions^ relativement à la formation des terrains plntoniens. Enfin,
le mémoire se termine par un appendice concernant les traditions et
légendes des riverains de l'Athabaskaw. Nous ne pouvons nous empê-
cher d'y t rouver la preuve d'anciennes relations ayant existé entre
le Nouveau-Monde et l'Asie. H. de Charbncby.
Traité élémentaire do mlnéralogfl e, par M. F. Pisani, précédé
d'une préfiice de M. Des Cloizeaux, de Tlnstitut. Paris, Masson, i875. In-8
de 410 p., avec 184 figures dans le texte. — Prix : 8 fr.
La minéralogie, dont le génie d'Haiiy avait fait une science fran-
çaise, n'a guère été représentée chez nous que par des traités élémen-
— 330 -
taires fort insaffisants, malgré la valeur incontestable de leurs auteurs.
La plupart de ces ouvrages se bornaient, en effets à énoncer les lois
fondamentales de la cristallographie, puis à décrire les espèces miné-
rales auxquelles un emploi industriel assurait une importance spéciale.
Mais cette importance est incessamment modifiée, soit par la décou-
verte de gisements nouveaux, soit par F exploitation de substances
réputées rares ou inutiles. Il y avait donc intérêt à présenter, môme
dans un traité élémentaire^ non plus seulement quelques espèces choi-
sies plus ou moins arbitrairement, mais un tableau d'ensemble du
règne minéral. D'autre part, les études plus précises de la chimie
permettent d'apprécier avec exactitude la composition longtemps indé-
cise d*un grand nombre de minéraux mal connus, et de mieux clas-
ser, dans leurs rapports mutuels, les espèces si variées que nous ofire
la nature.
Chimiste hiCbile, M Pisani avait déjà, par de nombreuses analyses,
éelairci lui-même plusieurs des problèmes les plus complexes relatifs
à la composition des minéraux. Il ^tait mieux préparé que tout autre
pour rédiger un traité élémentaire complet dans Ténumération des
espèces, précis dans les détails de la synonymie, exact enfin dans la
description des propriétés chimiques.
Le premier livre de Touvrage est consacré à Fétude des caractères
physiques. Les lois de la cristallographie y tiennent naturellement
la première place; elles sont exposées avec clarté, ainsi que le
problème délicat de la détermination des formes primitives. Puis
vient un examen rapide des propriétés importantes : la cassure et
Téclat, la polarisation et la réfraction, la conductibilité et la dila-
tabilité, la dureté et la ténacité, le magnétisme et la phosphores-
cence, etc. — Le second livre traite des propriétés chimiques, et décrit
les procédés de Tanalyse qualitative ou quantitative, les essais au
chalumeau, et l'emploi, aujourd'hui si précieux, du spectroscope.
— Le troisième livre, qui forme à lui seul les deux tiers de l'ou-
vrage, présente la description des espèces. La classification adoptée
est celle qui groupe les minéraux, d'après leur composition, en
familles naturelles caractérisées par l'élément acide : le quartz et les
silicates, le carbone et les carbonates, le soufre avec les sulfures et les
sulfates, forment ainsi autant de familles bien délimitées. Ces descrip-
tions se recommandent tout particulièrement par l'exactitude de la
synonymie qui s'étend aux termes étrangers, par le très-grand nombre
d'analyses qui accompagnent les définitions, et par les indications de
gisement et d'usage qui les complètent. Deux tables, dont un index
alphabétique de toutes les appellations usitées en minéralogie, per-
mettent de tirer parti rapidement des renseignements ainsi accumulés
en quatre cents pages.
— 331 —
Au flurplos, nous avons cherché à donner ici un aperçu de Touvrage
et non à en faire Téloge : à cet égard, en effet, la préface, que M. Des
Cloizeaux a bien voulu mettre en tête du livre, est pour Tauteur le
plus honorable témoignage, pour le lecteur la plus précieuse recom-
mandation. A. D.
Aolell, par le P. Secchi, de la Société de Jésus, directeur de TObser-
vfttoire du Collège-Romain, correspondant de llnstitut de France. 2^ édit.
revue et augmentée. 1" partie. Paris, Gauthier- Villars. Gr. in-8 de
428 p. avec atlas in-4 de 6 planches. — Prix : 24 fr.
Parfois la science fait, dans quelques-unes de ses parties, des pro-
grès si rapides, que Touvrage où Ton en marquait les dernières limites
peut, presque aussitôt après sa publication, se trouver distancé par
de toutes récentes découvertes. Tel a été un moment le sort du livre
dont nous annonçons la seconde édition. Quand il parut pour la pre-
mière fois, la physique solaire s'enrichissait de faits nouveaux, fertiles
en conséquences. Le savant directeur de TObservatoire du Collège
romain s'est, avec une infatigable ardeur, remis immédiatement à
Tœuvre, et, comme il le dit, ce qu'il offre aujourd'hui au public^ c'est
moins une seconde édition qu'un ouvrage « complètement refondu et
presque entièrement nouveau, b
Cet ouvrage est divisé en plusieurs parties. La première, qui rem-
plit tout le tome premier, et la seule dont nous ayons à nous occuper
en ce moment^ traite de la structure du soleil, et se partage en quatre
livres.
Le premier est consacré à des notions générales sur les phénomènes
solaires^ sur l'aspect de l'astre, sur les lois fondamentales du mouve-
ment des taches qu'on j observe et sur les nouvelles méthodes employées
pour faire ces observations, au moyen des oculaires hélioscopiques ,
des oculaires polariscopiques et de la photographie, à laqueUe il im-
porte toujours de joindre le dessin à la main.
Dans le deuxième livre, le P. Secchi étudie plus en détail, et seule*
ment à l'aide de la lunette, les phénomènes qui se passent à la surface
du soleil. Cette surface, ou photosphère, est couverte de rugosités ou
granulations que l'auteur définit « une multitude de points lumineux
disséminés sur une sorte de réseau plus sombre. • Comme Herschel,
il pense que ces points lumineux sont les sommets d'une quantité de
jets enflammés qui s'échappent dans l'atmosphère du soleil. Les taches
sont un phénomène fort complexe. Tantôt elles se forment lentement;
tantôt, le lendemain même du jour où elles ont apparu, elles ont pris
des proportions considérables. L'auteur décrit la manière dont la
matière lumineuse se dissout dans les taches, comment celles-ci se
divisent et se multiplient. Il en examine l'intérieur et discute les phé-
— 332 —
nomènes qui lui font regarder les taches comme étant des cavités ; il
en étudie la structure, la pénombre, les voiles roses qu'il a souvent
vus étendus sur ces abîmes et qui sont analogues aux protubérances
rouges qu^on aperçoit autour du disque de la lune pendant les éclipses
solaires. A l'extérieur des taches, il remarque les régions d'un éclat
plus vif que le reste de la photosphère et que Ton désigne sous le nom
de facules. De toute cette étude, il tire des conclusions importantes,
qu'il résume ainsi : « Le noyau du soleil est composé d'une masse
obscure, environnée d'une matière photosphérique à l'état gazeux, qui
cherche à Tenvahir et à le recouvrir (p. 120). » Cette masse noire
est-elle solide ou gazeuse? C'est cette dernière opinion qu'il adopte,
en annonçant qu'il la corroborera ulté rieurement par les expériences
spictroscopiques.
Il termine ce deuxième livre par Texamen des mouvements géné-
raux des taches et de leurs mouvements propres, puis de leurs varia-
tions séculaires et de leur périodicité « undécennale, qui coïncide
d'une manière aussi inattendue que certaine avec la période des varia-
tions du magnétisme terrestre (p. 193). »
Dans le livre troisième, le savant jésuite aborde les preuves directes
de ^existence d'une atmosphère gazeuse et transparente enveloppant
la photosphère. Ces preuves sont au nombre de trois : 1® L'absorption
des radiations lumineuses chimiques et calorifiques du soleil, absorp-
tion qui va croissant depuis le centre du disque jusqu'au bord, où elle
atteint son maximum, et qui ne laisse s'échapper dans l'espace que
12/100 de la radiation totale (p. 213) ; 2^ Les études spectroscopiques
dont le P. Secchi rappelle les origines et les rapides progrès, et qui
montrent le pouvoir absorbant plus grand au bord de Tastre qu'au
centre, ce qui semble dû à des gaz proprement dits, et plus grand
aussi dans l'espace occupé par les taches, ce qui semble principale-
ment dû à des vapeurs métalliques (p. 293) ; 3® Enfin, les phénomènes
observés pendant les éclipses totales de soleil : ce qui nous amène au
livre quatrième, consacré en entier à ces éclipses.
L'auteur commence par une description détaillée et saisissante du
phénomène imposant qu'il a plusieurs fois observé, et qui cause aux
astronomes de vives émotions dont ils doivent se rendre maîtres dans
l'intérêt de la science, mais qu'ils ont souvent bien de la peine à
dominer. De l'étude attentive et spéciale des phénomènes qui accom^
pagnent la disparition et la réapparition de l'astre, « il résulte que le
soleil n'est pas limité par un contour géométrique nettement défini ;
sur ses bords, il y a une région où la lumière s'éteint rapidement,
mais graduellement (p. 321). » La couronne est un phénomène très-
complexe, qui a son siège dans le soleil, mais au siget duquel on est
encore, sur. bien des points» réduit à de simples conjectures. Les pro-
— 333 —
tubérances observées pour la première fois, en 1842, soas forme de
flammes gigantesqueSi de couleur rose ou fleur de pâcher, s'ëlançant
autour de la lune, fournissent au P. Secchi la matière d'un chapitre
d'un grand intérêt, dont voici la conclusion : « Le soleil est environné
d'une atmosphère très-élevée, dont la hauteur est au moins égale à
la moitié de son rayon... Dans cette atmosphère flotte une couche
continue de matière rose, possédant un grand pouvoir photogénique,
dont la hauteur est variable et le contour irrégulier. Cette matière se
soulève quelquefois et forme, tantôt des colonnes verticales, tantôt
des nuages isolés ; ces colonnes et ces nuages sont entraînés d'une
manière trèa-appréciable par des courants atmosphériques (p. 391). »
Un autre chapitre j sur les observations spectrales faites pendant
les éclipses totales, et que la belle découverte de M. Janssen, en 1868,
a mis les astronomes en état de continuer en-dehors du temps des
éclipses, termine le volume. L'auteur explique comment elles ont
permis de constater la nature chimique des protubérances, formées
en grande partie d'hjdrogène, de reconnaître l'existence, au bord du
soleil, d'une atmosphère composée de vapeurs métalliques à l'état
gazeux, et d'analjser la couronne composée de substances dont la
température est assez élevée pour qu'elles soient lumineuses par
elles-mêmes, et qui sont principalement l'hydrogène, un corps parti-
culier nommé hélium et un autre corps inconnu (p. 412).
A ce volume, imprimé avec luxe et renfermant cent quarante-trois
gravures dans le texte, est joint un atlas de six planches, représentant
le spectre ordinaire du soleil et les spectres d'absorption atmosphé-
rique, le spectre de diffiraction, d'après la photographie obtenue par
M. H. Drapier, le spectre normal du soleil d'après Angstrom et le
spectre normal (portion ultra-violette), par M. A. Cornu.
Rbnê Sidry.
BELLES-LETTRES
Essai de grammaire vôpse ou tchoude du IVord, d*apré$
les données de MM. Ahîqvist et Lœnnrot, par M. Ch. de Ujfalvv, vice-pré-
sident de la société philologique. Paris, Ernest Leroux, 1875. In-8 de
129 p. — Prix : 10 fr.
Dictionnaire et Grammaire de la langue des Cria, par le
R. P. Alb. Lacombe, oblat. Montréal, Beauchemin et Valois, 1871. In-8 de
897 p.— Prix: 13 fr.
Grammar and DIcUonary of thé Lianguage of thé Hidataa,
etc., etc., by Washington Matthews. New York, Gramoisy Press, 1873. In-4
de 148 p. —Prix: 40 fr.
On a souvent rappelé l'histoire de ce voyageur anglais, lequel, par-
courant les plaines de l'Asie-Mineure, finit, à force d'investigations,
— 334 —
par découvrir, cachés sous Therbe, les débris d'une célèbre cité
antique, dont le souvenir s'était complètement perdu chez les habi-
tants même du pays. La tâche de cet ingénieux explorateur nous
semble être un peu celle de nos modernes philologues. Non^seulement
ils prennent soin d*étudier, au double point de vue lexicographique et
grammatical, des dialectes jusqu'à ce )our dédaignés et de recueillir, si
Ton ose 8*exprimer ainsi, le dernier soupir des langues qui s'éteignent ;
ils en arrivent même à constater l'existence d'idiomes nouveaux, dans
des régions où nul n'aurait soupçonné leur existence. Tel est précisé-
ment le cas pour la langue tchoude, parlée aujourd'hui par une quin-
zaine de mille âmes seulement, aux frontières sud-est de la péninsule
finlandaise. Malgré le peu d'étendue de son domaine, cet idiome se
partage en deux dialectes, le vêpse^ au nord et au midi^ le vote (qu'il
ne faut pas confondre avec le wotiaque). Deux savants ûnnologues,
MM. Ahlqvist et Lœnnrot, avaient pris ce dialecte du nord pour sujet
de leurs études* Toutefois, ils n'en donnèrent point, à proprement
parler, de monographies complètes, Tan d'eux s'étant spécialement
occupé du verbe et l'autre de la déclinaison. M. de Ujfalvj, déjà
connu par d'intéressants travaux sur la linguistique flnno-ougrienne ,
nous semble donc avoir eu une excellente idée, en fondant l'un avec
l'antre les mémoires des érudits sus-nonunés, et plus encore, en
faisant paraître son travail dans notre langue. Après une première
partie toute grammaticale, l'auteur donne une série de textes fort
judicieusement choisis, avec traduction en regard. Ils consistent, pour
la plupart, en fables, proverbes, formules de magie recueillis de la
bouche même des indigènes, et pleins de cette saveur locale qui a tant
de charme pour l'amateur. Ces morceaux, d'ailleurs, sont suivis de la
traduction du quatrième chapitre de l'évangile d'après saint Matthieu.
Enfin, l'ouvrage se termine par un vocabulaire vêpse-français, que
l'auteur a, sans doute, donné aussi complet qu'il lui était possible.
Un mot maintenant sur les caractères particuliers de la langue
vêpse ou plutôt tchoude. Elle appartient à cette subdivision de la
famille ouralo-altaïque, désignée elle-même du nom de tchoude^ et
dans laquelle se rangent le suomi ou finlandais, l'esthonien, et le
sabme ou lapon. Pour parler plus exactement, l'on a donné à
l'idiome dont le vépse constitue le dialecte boréal, ce nom de tchoude,
parce que, de toutes les langues du groupe, c'est celle qui a conservé le
caractère le plus archaïque. Voilà précisément ce qui la rend fort
intéressante à étudier. Elle difière assez du suomi pour n'en être
pas considéré comme un simple dialecte, et nous paraît se trouver,
vis-à-vis de ce dernier idiome, à peu prés dans le même rapport que
la langue d'oc vis-à-vis du français.
— La volumineuse et savante publication du R. P. Lacombe nous
— 335 —
reporte bien loin de la Baltique, dans les solitudes américaines du
nord-ouest. Non content d'avoir prêché, aux Cris des rives de TAtha-
baskaw^ les vérités de TÉvangile, il a cru faire œuvre utile aux
missionnaires à venir et aux érudits^ en donnante la fois un vocabulaire
français-cri, cri-français, et un résumé de la grammaire de cette
langue. Inutile de prévenir le lecteur que ces Cris occidentaux n'ont
absolument rien à faire avec les Creeks du sud des États-Unis. Ces
derniers, comme tous les peuples de la Ghactaw-Muscogulgue^ à la-
quelle ils appartiennent, ont déjà accompli d'importants progrès dans
la voie de la civilisation. Au contraire, les néophytes du R. P. La-
combe restent, aujourd'hui encore, exclusivement chasseurs ou pê-
cheurs. Ceux d'entre ces Indiens qui habitent la plaine, où ils pour-
suivent le bufifalo, se montrent supérieurs en intelligence, courage et
beauté physique à leurs frères confinés dans les forêts ou sur le
bord des cours d'eau. Par leur langue, les Cris se rattachent à cette
famille algique^ qui compte au nombre de ces membres, les Delawares,
Algonkins^ Mohégans, Abénakis. On sait que ces idiomes algiques, qui
offrent certains points de contact fort remarquable avec la langue
basque^ eurent pour berceau primitif les rives du Saint-Laurent, et que,
de là, ils se répandirent sur une vaste étendue de territoire. Effective-
ment, aujourd'hui même, plusieurs d'entre eux se parlent depuis
Terre-Neuve jusqu'aux montagnes Rocheuses. L'ouvrage du R.P. La-
combe fera connaître la richesse, les ressources inépuisables de ces
dialectes de sauvages. La coujugaiçon surtout y est d'une complica-
tion vraiment effrayante, et^ à cet égard encore, c'est, parmi les
idiomes de TAncien-Monde^ celui de la Biscaye dont ils semblent se
rapprocher le plus. Que le savant auteur du livre en question nous
permette de mêler une simple observation aux éloges qu'il mérite
d'ailleurs à tous égards. Pourquoi n'a-t-il pas donné quelques textes
en langue indienne avec traduction? Ce n'est que par là que Ton peut
bien juger du génie d'un idiome* Il a, il est vrai, publié le Pater,
mais ce n'est pas assez. Peut-être craignait-il de grossir outre mesure
un ouvrage déjà volumineux. En tous cas, il serait fort à souhaiter
que l'exemple du R. P. Lacombe fût suivi par d'autres missionnaires.
Bien des documents, qui, malgré leur importance, menacent de dis-
paraître sans retour, se trouveraient ainsi sauvés de l'oubli. Nous ne
terminerons point sans adresser également nos remercîments à un
jeune américaniste, que sa libéralité, aussi bien que les longs voyages
par lui entrepris, signalent à la gratitude du monde savant. Nous
voulons parier de M. A. Pinart, lequel a généreusement aidé à la
publication de la grammaire et du vocabulaire cris.
— C'est encore chez les indigènes de l'Amérique du Nord que M. le
Dr Matthows a cherche le sujet de son dernier travail. Il nous donne
— 336 —
une grammaire de la langue des Hidatsas ou JUinélaris {Gvos-Yentres du
Missouri des Canadiens), suivie d'un dictionnaire assez étendu, hidatsa-
anglais. Le tout se trouve précédé d'une longue et fort instructive
introduction sur l'histoire et les traditions de la nation. Les Minétaris
vivent ou plutôt vivaient fraternellement unis, avec les Mandanes,
aujourd'hui & peu près éteints, et qui, comme eux, appartiennent à la
race siousse. Ils ont également comme aUiés les Arikaris, qui
parlent un idiome tout spécial et jusqu'à présent peu connu. C'est sur
la rive gauche du Missouri, vers le quarante-septième degré de lati-
tude nord et le cent-unième de longitude ouest, que Ton rencontre ces
espèces de jardins où les Minétaris cultivent, de temps immémorial,
le tabac, le maïs, le haricot indien, le soleil, etc. La légende sur
l'origine souterraine de leurs aïeux, se retrouve chez ces Peaux-Rouges,
aussi bien que chez les Mandanes. Du reste, leurs traditions, quelque
confuses qu'elles soient, semblent indiquer une origine occidentale.
Nous ne saurions adresser trop de compliments à M. Matthews pour
son intéressant ouvrage, mais peut-être pourrion9-nous lui demander,
aussi bien qu'au R. P. Lacombe, pourquoi il a négligé de publier des
textes? Enfin, nous devons faire observer que l'ouvrage en question
forme le premier numéro de la deuxième série de publications
relatives à la linguistique américaine. H. de Cuarbncbt.
t^a GliAiiAon de Roland, teaate critique^ troÀuction et commentaire,
par Léon Gautier, professeur à l'École des chartes. 5* édition. , Tours,
Alfred Mame et fils, i875. In-8 de lii-394 p. — Prix : 2 fr. 50.
Le Polybiblion a salué^ à son apparition, le monument élevé par
M. Léon Gautier au plus précieux reste de notre immense littérature
chevaleresque. Nous avons donc, aujourd'hui, à parler seulement de
l'édition de propagande que la maison Mame vient de publier, dans des
conditions de bonne exécution et de bon marché qui n'ont jamais été
atteintes et qui ne seront pas dépassées de si tôt.
Le beau volume de M. Léon Gautier contient d*abord un résumé
substantiel et tout à fait suffisant de Tlntroduction qui se trouve dans
la grande édition de luxe, en deux gros tomes. Vient ensuite le texte,
qui a été revu, avec la traduction en regard. Quelques notes
courantes étaient indispensables ; on les trouvera. La troisième partie
contient, sous le nom d'ÉcLAiRCissBMBNTS, quatre véritables dis-
sertations sur la Légende de Ckarkmagne ; — r Histoire poétique de
Roland; — le Costume de guerre; — la Géographie de Roland, Voilà un
ensemble complet, auquel Téditeur a ajouté les illustrations qui se
trouvaient déjà dans Tédition de luxe, et qu'on n'aurait guère espéré
retrouver dans une édition à bon marché.
Les eaux-fortes, quel qu'en puisse être le mérite intrinsèque, ne
— 337 -
sont pas, à mes jeux, la partie la plus intéressante de cette illustra-
tion : je ne les trouve pas dans le ton de l'œuvre. Pour le Chant de
Roncevaux, il aurait fallu s'inspirer des monuments du moyen âge, qui
nous a laissé des motifs admirables dans les sculptures des églises,
dans les miniatures des manuscrits, et plus particulièrement encore
dans les sceaux, dont les cavaliers, lancés au galop avec la main droite
en arrière et l'épée haute, m'ont toujours apparu comme le plus beau
tjpe figuré de la chevalerie chrétienne.
En revanche, les vignettes sur bois ont une valeur inestimable,
pour commenter le poëme. Voici d'abord les statues de Roland et
d'Olivier, qui se trouvent au .portail de la cathédrale de Vérone, puis
le compartiment du vitrail de Charlemagne, à Chartres, qui représente
Roland essayant de briser son épée, et Roland qui sonne du cor. La
première figure est un peu affaisée ; mais la seconde a une grâce et
une vérité incomparables.
Il est assez difficile de comprendre sans un commentaire l'outillage
guerrier de nos héros et le commentaire appelait lui-même des des-
sins. Après une série de neuf épées, M.Gautier a intercalé dans le texte,
d'après des monuments authentiques, quatre cavaliers armés de toutes
pièces et dans diverses attitudes, un chevalier debout, deux oriflam-
mes, un casque avec son nasel, un olifant, un fragment de la tapisserie
de Bayeux, représentant une panoplie du onzième siècle, portée par
deux écuyers.
Enfin, pour la partie géographique, nous avons une vue de la cha-
pelle d'Ibagneta, et du passage où l'on suppose qu'a eu lien le désastre.
On suppose/ Je me suis, en effet, rendu coupable, il y a dix ans, d'un
doute sur l'itinéraire généralement admis. Gomme le texte dit que
€harlemagne passa par la Cerdagne et qu'il prit Narbonne, j'avais
timidement, et sous la forme du conditionnel si cher aux diplomates,
émis l'idée que le vrai Roncevaux pourrait bien se trouver beaucoup
plus à l'Est. J'avais tort, sans doute, puisqu'on est tombé sur moi de
tous les côtés, avec un ensemble et une vigueur, que mon simple point
d'interrogation ne méritait guère.
Ce sont les érudits et plus particulièrement, il faut le dire, les pro-
fesseurs de l'enseignement public, qui ont remis en honneur nos pré-
cieuses chansons de gestes. Remercions-les ici cordialement en la per-
sonne de M. Léon Gautier, qui s'y est lancé avec toute la fougue de
son cœur. Il s'est fait le paladin de Roland ! Non-seulement l'éru-
dition lui doit de très- bons travaux, mais il aura contribué plus que
personne à la vulgarisation de cette poésie mâle et saine, vraiment
chrétienne et française, qui doit être la première pierre de l'ensei-
gnement de la littérature dans nos collèges, en attendant que quel-
qu'un de nous ait le bonheur de la faire entendre au peuple de nos
villes et de nos campagnes. Adoophb d'Avril.
Octobre 1873. T. XIV, 22.
— 338 —
Poésie» f)pançai«e»9 latlnew et grecque» de JUartlo De»-
pol», avec une introduction et des noieSy par Eeihhold Dbzbucbbis (premier
fascicule du tome n des publications de la Société des bibliophUes de Guyenne),
Bordeaux, Feret ; Paris, Aubry, 1875. In-8 de 143 p. — Prix : 10 fr.
M. Dezeimeris, qui a écrit tant de charmantes pages^ n'en a peut-
être jamais écrit de plus charmantes que celles dont il a fait précéder
(p. 1-32) les œuvres presque toutes inédites de son compatriote Martin
Despois. Je viens un peu tard dire combien sa notice est élégante et
spirituelle, combien ses notes sont à la fois savantes et agréables et
combien son édition est, à tous égards, une édition irréprochable ;
mais, m'oocupant un des derniers du recueil publié cet hiver, je
puis, du moins, constater que tous les critiques, même ceux qui, d'habi-
tude, sont le plus exigeants, ont très-favorablement jugé ce recueil.
Les épigrammes, les sonnets, les chansons du poëte bordelais, ainsi
que ses poésies grecques et latines, choisies entre beaucoup d'autres,
avec une louable sévérité^ plaisent aux curieux érudits ; je ne doute
pas que le commentaire de M. Dezeimeris, où Ton remarquera surtout
d'ingénieux et doctes rapprochements, ne leur plaise encore davantage,
et, pour ma part, si j'applaudis tant à la résurrection de l'ami de
Pierre Trichet et de Marc de Mailliet, c'est surtout à cause de la
notice et des notes dont M. Dezeimeris a accompagné les Poésies
françaisHS, latines et grecques, si bien imprimées par Qounouilhou.
T. DB L.
Marguerite de SurvUle, m vie, ses ouvres, ses degeendants devant ia cri*
tique moderne, avec notes, documents justificatif s et carte de Vesseaux, auquin"
ziéme siècle, par Eugène Yilleoieu, ancien sous-préfet de la République,
membre de plusieurs sociétés savantes. Paris, Douniol, premier fascicule,
-1873; deuxième fascicule, 1875; forment un volume in-8 de xvi-423 p. —
Prix : 4 fr. 50 chaque fascicule.
Honneur au courage malheureux! M. Eugène Villedieu persiste à
croire, malgré toutes les objections, malgré toutes les invraisem-
blances, à l'authenticité des poésies de celle qu'il appelle Marguerite de
Surville. Son ouvrage, qui a d'abord paru dans le Bulletin de la Société
des sciences naturelles et historiques de l'Ardèche, est écrit avec une cha-
leur, avec un enthousiasme qui font sourire^ maintenant qu'il a été
surabondamment prouvé que les prétendues poésies du quinzième
siècle sont bel et bien des poésies de la fin du siècle dernier. Il est
inutile de combattre un auteur dont les naïves illusions ont résisté à
des démonstrations tellement claires, que l'on ne saurait, en vérité,
rien désirer de plus décisif, et qui, du reste, emploie des arguments de
la force de celui-ci (p. 62) : Marguerite de Surville a pu composer, à
89 ans, une excellente pièce de vers^ puisque M. Guizot, après de
87 ans, écrit encore des volumes, marqués de toutes la fermeté de son
— 339 —
talent. M. Yilledieu est sans miséricorde pour VillemaiD, poor Sainte-
Beuve, pour M. Qaston Paris^ pour moi-même, pour tous ceux enfin
qui ont attribué au chevalier de Surville ou à Vanderbourg les poésies
de Clotilde : il nous immole tous sur Tautel qu'il dresse en Thonneur
de la fabuleuse Sapho du Yivarais. Comme étude de critique littéraire,
l'ouvrage de M. Yilledieu ne peut avoir la moindre valeur pour per-
sonne ; mais, si on on le considère comme un roman, les pages amu-
santes n'y manquent pas. T. db L.
HISTOIRE
Souanétie Uî^re» Épisode d'un voyage à la chakie centrale du Caucase,
par Raphaël Bebnoville. Paris, veuve Morel, 1875. In-4 de 175 p., viii pi. et
1 carte. — Prix: 30 fr.
La Souanétie occupe à peu près le centre du tronçon occidental du
Caucase : c'est un pays peu connu en Europe, surtout en France ; le
livre de M. R. Berno ville j transportera agréablement pour quelques
heures ceux qui ne seraient pas tentés d'entreprendre le voyage.
L^auteur a eu la bonne fortune de suivre, en 1869, une expédition
militaire organisée par le général russe gouverneur de Koutaïs, et le
récit qu'il fait de son séjour dans ces contrées éloignées présente un
véritable intérêt. Écrit d'une façon sérieuse, dans un style simple,
fourni de remarques fines et piquantes, cet ouvrage nous présente un
tableau curieux du pays des Souanes, des usages et du caractère de ses
habitants. Sous la forme brève d'un journal de voyage, il renferme des
peintures de mœurs saisissantes, de justes appréciations ethnographi-
ques et de nombreux renseignements sur le climat et les productions
de la Souanétie. Après avoir parcouru le haut Ratcha et la fertile
vallée du Phase, Tauteur nous fait pénétrer avec lui dans le cœur
même du pays, où toutes les scènes qui se déroulent sous ses yeux,
fournissent un intarissable sujet à ses observations. Une des plus
curieuses se rattache aux croyances des Souanes de Tlngour: ces peu-
ples ont perdu à ce point Tidée de leur religion, que les monuments
mêmes de leur ancien culte sont devenus pour eux incompréhensibles.
Les superstitions les plus honteuses et toutes les énormités du paga-
nisme sont entretenus chez eux par un corps de papas héréditaires,
qui a conservé une immense infiuence, malgré l'arrivée dans le pays
des prêtres géorgiens. Une horrible pratique, l'immolation des enfants
du sexe féminin, n'a pu être entièrement déracinée.
Un savant russe, le docteur Radde, a recueilli plusieurs vieux
chants souanes, dont deux sont traduits dans le corps de cet ouvrage:
la Romance de Tamar et la Romance de çhuôse de Metki, On y trouvera
aussi le catalogue des plantes recueillies par ce même savant. Plu-
— 340 —
sieurs plans d'églises, d'une disposition à peu près uniforme, sont
insérés dans le texte ; nous signalerons particulièrement la description
de la remarquable église de Tchoucoulis, dont le clocher, comme
dans les anciennes basiliques, occupe une petite tour séparée de Tédi-
fice. Mais ce qui réjouira surtout le cœur de rarchéologue, ce sont les
excellentes gravures, exécutées d'après des photographies, d'un
certain nombre d'objets d*art appartenant au mobilier ecclésiastique.
Citons une remarquable porte en bois sculpté, dans Féglise d'un des
villages dépendant de la communauté de Laschket (p. 73); au monas-
tère de Saini-Quirique,un reliquaire en argent, dont les faces latérales
sont garnies d'émaux cloisonnés d'une grande finesse (p. 111 et 113) ;
dans une église bâtie sur les ruines du monastère de Saint-Oeorges,
deux croix portatives en argent repoussé (p. 133) ; plusieurs plaques
de la môme façon^ une peinture sur bois représentant une vierge, une
grande croix de chêne dont les bras sont divisés en compartiments
offrant toutes les scènes du martyre chrétien, un vase d'argent en
forme de poisson à tôte de fenune, deux calices,... etc. Enfin,
pour ne rien oublier, l'auteur signale aussi, à Laschkvari, une bible
du onzième siècle, et, à Saint-Quirique, un manuscrit grec fort ancien.
Toutes ces notes purement scientifiques sont présentées avec tant de
simplicité qu'elles ajoutent un charme de plus aux récits pittoresques
du voyageur. Ant. Hbron de Yillbfossb.
Histoire de l*ɧpll«e catholique» depuis JésuB-ChrUt jusqu'au temps
actuelj à Vusage des écoles et des familles, par L. Jaunat, professeur au
petit séminaire de Paris. Paris, Gaume et G*, i875. In- 12 de vii-540 p.
— Prix : 2 fr. 75.
Réunir en 540 pages toute l'histoire de TÉglise est assurément une
œuvre difScile, et le récit doit forcément laisser de côté beaucoup de
faits importants. L'auteur a divisé son sujet par siècle, et^ après les
événements généraux, il a soin de donner, en quelques mots, la vie
des saints illustres qui ont vécu à chaque époque. Ce résumé brillant,
où rien n'est hasardé, suffit sans doute pour donner une idée de This-
toire de TÊglise et en prendre une vue d'ensemble ; mais, pour
apprendre véritablement, il faudrait plus de faits, plus de précision
dans les jugements; il serait nécessaire de combler quelques lacunes.
Ainsi, il n'est rien dit de la Ligue, qui tient une assez grande place
dans l'histoire de l'Église du seizième siècle; l'auteur n'est pas
très-exact sur les catacombes. Est-il juste de dire que Voltaire
tt donne à la France ce qu'aucun sectaire n'avait su donner aux pays
protestants, la tolérance? n C'est l'indifférentisme que Voltaire a
répandu, duquel indifférentisme est résultée la nécessité de tolérer
Terreur, et ce sont les catholiques seuls qui ont pratique cette tolé-
— 341 —
rànoe : Voltaire attaquait à outrance la religion. M. Jaunay sait cela
mieux que nous : il n'a pas eu le temps de donner à sa pensée une
forme irréprochable. L*auteur, dans ce livre qu'on lit avec plaisir, a
évidemment moinâ en vue de bourrer la tête de faits que de montrer
le développement de TÉglise et sa vie sans cesse entretenue par les
saints qui dirigent et avivent son action. H. db L'É.
Goars d'hiatoire générale, à Vusage de» lycées, des établissements
d'instruction publique et des candidats ava écoles du gouvernement et aux
baeealauréaU, rédigé conformément aux programmes officiels par F. Oger,
professeur d'histoire et de géographie au collège Sainte-Barbe. Paris,
Gauthier-Villars, 1875, 4 vol. in-8 de vii-221 p., iv-234 p., xlviii^S p.,
XLViii-519 p. — Prix : 21 fr.
Le titre de Tonvrage dit ce qu'il est : il y a des faits nombreux et
beaucoup de dates. Le cours a été enseigné avant d'être écrit, c^est-
à-dire qu'il y a de la netteté dans les divisions, de la mesure dans les
développements, développements subordonnés aux demandes des pro-
grammes. Ainsi, Tanteur consacre deux pages à Thistoire du peuple
juif, dix pages à Thistoire de la Orèce, dix pages à Thistoire de Rome.
Cent cinquante pages retracent l'histoire depuis les invasions jusqu'au
commencement du quatorzième siècle; deux cent trente pages
conduisent Thistoire jusqu'au dix-septième siècle ; de 1610 à 1789, il y
a deux cents pages, et deux cent trente de 1780 à 1848. On voit le
cadre de l'œuvre : on comprend peu comment un quatrième volume qui
a pour sous-titre : Cours de rhétorique, est ajouté au troisième; sauf un
récit un peu plus long, s'arrêtant à 1815, on a les mêmes matières et
il eût été facile de suffire dans le même volume aux exigences de tous
les cours. En général, l'auteur est très-sobre de réflexions : il se
préoccupe, avant tout, de donner des faits, des dates, de les grouper
ensemble. Les faits sont, en général, bien étudiés : mais on aurait pu
faire une observation sur la pragmatique sanction rendue par saint
Louis; sur la phrase : tuez-les tous^ Dieu recomnaîtra les siens; sur la
dénomination de Marie la sanglante, sur la prétention de Grégoire VU
à faire de Rome la capitale d'une monarchie théocratique univer-
selle, etc., etc., les travaux récents ont montré qu'il y a lieu de revenir
sur ces faits. Nous aurions également plus d'une réserve à présenter
sur les jugements portés sar les faits contemporains et sur la manière de
présenter ces faits. On voit combien il est difficile d'éviter l'écueil
inhérent à ces programmes d'histoire contemporaine. Dire que a la
Restauration venait de l'étranger et à la suite de l'invasion, » parler
de (I la terreur blanche, » prétendre que l'étranger imposait pour la
seconde fois la « royauté à la nation, » c'est parler sans doute comme
M. de Vaulabelle, dont le pamphlet est souvent cité, mais c'est aller
— 342 —
à rencontre de tous les témoignages historiqnes. Khonorable profes-
seur n'a donc pas à nos jeax évité tous les écaeils ; cependant, son
livre, pour toute la partie antérieure aux époques passionnées par nos
luttes religieuses et politiques, est instructif, complet, un peu froid
peut-être, mais précis comme il le faut dans un cours destiné aux
jeunes gens. H. bi L'Ê.
Histoire de la franc-maçonnerie depuis son origine Jus-
qu'aux temps présents (en russe), par Findel. Saint-Pétersbourg,
1872 et 1874. 2 vol. in-8. — Prix : 20 fr.
Bien que roriginal allemand date de bientôt quinze ans et soit très-
connu, la traduction russe, qui vient d*en être terminée, mérite une
mention plus particulière, comme un signe du temps d'abord, puis
encore comme un des rares ouvrages où il soit parlé de la maçon-
nerie russe. Car le traducteur anonyme ne se contenta pas de repro-
duire le texte de Toriginal; il j ajouta une introduction suivie d'une
esquisse historique de la franc-maçonnerie russe. Il s'j livre à des
considérations sur l'opportunité d'une pareille publication en présence
du dernier rescrit impérial au ministre de l'instruction publique, dans
lequel la noblesse est invitée à coopérer activement à T amélioration
du peuple par renseignement chrétien. Notre anonyme se demande
si la noblesse est assez fortement établie en moralité pour pouvoir
accomplir la tâche difficile que le souverain vient de lui conâer; et il
se prononce en sens négatif. Le moyen qu'il propose de la réaliser^
surprendra le lecteur catholique, o En confiant à la noblesse une si
importante mission, dit-il, le gouvernement pourrait bien lui confier
aussi l'organisation de Védifice morale ainsi qu'on appelle avec raison,
la franc-maçonnerie prise dans sa forme actuelle la plus pure 1 » Ainsi
le rétablissement de la loge maçonnique est, dans son opinion, une des
planches de salut pour TEmpire des tsars. C'est que la loge est, à ses
yeux^ devenue aujourd'hui indispensable aux classes intelligentes de
la société. Quelque étrange que soit le conseil, il n'y aurait rien
d'étonnant si on le suivait. Le vide que l'Eglise officielle a produit
dans les âmes est si grand, et les progrès que les idées modernes font
en Russie sont si rapides ! Quoi qu'il en soit, l'histoire de la franc-ma-
çonnerie russe étant entièrement ignorée de l'Occident et fort peu
connue des Russes eux-mêmes, la nouvelle traduction de l'ouvrage de
Findel ne devait pas être passée sous silence. J. M.
De la i*éunion de Lyon & la France, Étude historique, d'aprèsies
documents originaux, par Pierre Bonnassieux, ancien élève de l'École des
chartes. Lyon, Aug. Brun; Paris, Champion, 1875. Gr. in-8 de 229 p. —
Prix : 5 francs.
Il suffflrait presque pour faire connaître et juger la politique de
- 343 —
Philippe le Bel, de l'épisode raconté par M. Bonnassieux. Évocation de
tous les précédents historiques qui semblent devoir légitimer une
annexion^ principe des nationalités, plébiscite fait après coup pour
justiûer ce qu'il y a eu de violent et d'irrégulier dans les procédés,
tels sont les moyens peu modernes mis en œuvre pour amener, au
commencement du quatorzième siècle, la réunion du Lyonnais à la
couronne. Le savant historien de Philippe le Bel, M. Boutaric, nous
Tavait déjà montré, employant en grand les mêmes moyens dans sa
lutte avec Boniface VIII et dans ses rapports avec les princes étran-
gers. A un point de vue plus général, le livre de M. Bonnassieux nous
offre le récit d'une de ces annexions dont Tensemble a constitué notre
unité française ; des travaux semblables au sien sont encore à désirer
pour la plupart de nos provinces, et on ne peut trop féliciter ceux qui,
comme lui, contribuent à en grossir le nombre; c'est, en effet, un
spectacle plein dMntérôt, que celui de l'agrandissement progressif de
notre pays; c'est aussi le plus bel hommage qui se puisse rendre à la
persévérance et à Fhabileté de la race royale, qui a ainsi groupé les
éléments épars de notre nationalité française.
Avouons, toutefois, qu'on ne voudrait pas voir se répéter trop sou-
vent les faits qui se rencontrent ici ; ils ne font guère honneur, en
effet, à l'honnêteté politique de Philippe le Bel. Les divisions dont Lyon
était le théâtre ne le servaient que trop bien déjà, il sut les accroître
encore pour rendre toute résistance impossible et faire désirer son
intervention ; il se fit des alliés dans le rang même et parmi les servi-
teurs de ses adversaires. Armé de souvenirs historiques qui remon-
taient jusqu'aux Mérovingiens, sans tenir compte des vicissitudes
(rapidement résumées par M. Bonnassieux) qui avaient fait de Lyon
une ville impériale de droit, mais, en fait, soumise à ses seuls arche-
vêques et à son chapitre, Philippe le Bel revendiqua la suzeraineté de
Lyon^ et ses habitants, toujours en révolte contre leurs seigneurs,
acceptèrent, avec empressement, ce haut patronage ; il en profita
pour conclure, avec l'archevêque et le chapitre, un traité menaçant
pour les libertés lyonnaises (1307), et qui, par suite, resta sans exécu-
tion; les confiits qu'il devait apaiser recommencèrent; et le roi favo-
risa si ouvertement les Lyonnais contre leur archevêque, que celui-ci
dut recourir aux armes; l'armée royale entra alors sur le terri-
toire épiscopal; cette prise de possession devait être définitive. L'ar-
chevêque dut, en effet, céder à Philippe le Bel sa justice, c'est-à-dire
le plus important de ses droits ; il ne reçut, en échange, que des avan-
tages insignifiants^ sans aucun danger pour Tautorité royale ; celle-ci
s'était installée à Lyon, elle n'en devait plus sortir, et, malgré des
concessions plus importantes en apparence qu'en réalité, elle ne fit^
depuis lors (10 avril 1312), que s'y affermir de jour en jour. Tels sont
— su-
ies faits racontés par M. Bonnassieux; extraits de textes pour la plu-
part inédits, et tocgoars originaux, ils oonstituent une étude très«
neuve et très-intéressante. A. Yabsbn.
Ajrclilve» de la Bastille. Documents inédits reeueitUs et publiés par
François Ravaisson, conservateur adjoint à la bibliothèque de TArsenal.
Bégne de Louis XIV (1681 et 1665 à 1674). Paris, Durand et Pedone-Lau-
riel, 1875. Gr. in-8 de vi-503 p. — Prix : 9fr.
M. Ravaisson nous donne, dans la première partie du septième
volume de son précieux recueil (p. 1-187,) la fin de l'exposé de la pro-
cédure instruite contre les empoisonneurs, exposé qui avait déjà
rempli les deux volumes précédents. Les documents relatifs à cette
immense procédure s'étendent ici du 27 juillet 1681 (date d*une lettre
de Louvoie à la Rejnie), jusqu'au 7 juin 1720 (date d'une lettre de
M. Legras de Luartà M. de Breteuil, où est annoncée la mort k de la
prisonnière d'État, nommée la Chapelain, qui était, depuis quarante
ans, dans les prisons du château de Yillegranche. » Revenant ensuite
sur ses pas, M. Ravaisson publie diverses pièces qui touchent à mille
sigets. La première de ces pièces est une lettre de M. de Besmans à
Golbert, du 9 mai 1665, sur l'assassinat d'un camarade et ami de
Molière, du sieur Magnon, historiographe du roi, tué en plein jour, au
Pont-Neuf, assassinat dont on accusa le marquis de Sortosville, amou-
reux de la femme de la victime. La dernière est une lettre de Le
Tellier à M. de Besmans, du Q octobre 1674, portant ordre de faire
mettre en liberté M. Foullé de Martangis, alors maître des requêtes
et, plus tard, ambassadeur en Danemark, qui avait été mis à la Bas-
tille, quelques jours auparavant, pour avoir insulté J. Fr. de la Baume
Le Blanc de la Yallière, gouverneur du Bourbonnais, frère de
M"* de la Yallière. Parmi les autres dossiers dépouillés par M. Ra-
vaisson, signalons le dossier Bussj-Rabutin, où l'on voit que l'auteur
des Amours des Gaules avait d'autant plus mérité la prison, qu'au
crime d'avoir écrit ce scandaleux libelle, il avait joint le crime de
tuer son cocher (p. 196); le dossier Yerthamend, où l'on voit que cet
ancien conseiller au Parlement de Paris, ce maître des requêtes, avait
été mis à la Bastille, pour avoir publié un insolent factum contre l'ar-
chevêque de Paris, il n'avait obtenu sa liberté qu'à la généreuse
prière du prélat qu'il avait si gravement offensé (p. 280); le dossier
Auberj, où l'on voit que l'auteur des Histoires de Richelieu et de Maza-
rin fut incarcéré pour avoir publié avec un zèle indiscret un livre
intitulé : Des justes prétentions du roi sur l'Empire (p. 285); le dossier
Marsilly, — conspiration contre Louis XIV (p. 305); le dossier che-
valier de Rohan — autre conspiration contre Louis XIV (p. 402). Au
sujet de cotte dernière affaire, j'observerai que M. Ravaisson n'a
qonnu ni le travail de M. de Laffore, ni celui do M.L« Sandret, et ^ue,
— 345 —
s'il avait oonsolté oea excellents travaux, il n'aurait pas en le regret
d'écrire (note de la page 429), après avoir cité un passage d'Eugène
SvLe{Lairéaum<mi) sur la marquise de Yillars : « Nous lui laissons la
responsabilité de ce renseignement, que nous n'avons pu contrôler. »
T. DE L.
Eie Parlement, la Cour et la Ville pendant le proeA» de
Robert-Prancola Damlena (ITIIT). — Lettrée du poète Bobbé de
Beauveiêt au dessinateur Besfriehes, publiées pour la première fois avecnotice,
notes et documents inédits par Georges d*Hetllu Paris, Librairie générale,
1875. Pet. in-i8 de Lzzxn-486 p., tiré à 300 exemplaires. — Prix : 7 fir.
Qui connaît aujourd'hui le poôte Robbé de Beauveset, et qui, après
avoir lu Tintéressante notice de M. Georges d'HejUi, a envie de con-
naître ses versf Poëte licencieux à faire rougir un siècle qui ne
rougissait guère, pensionné par l'archevêque de Paris à condition qu'il
n'imprimerait pas ses œuvres ordurières, ne les imprimant pas» sans
doute pour s'en tenir à la lettre du traité, mais s'empressant de
les réciter ou de les lire dans les réunions auxquelles on le conviait,
zode ou panégyriste de Louis XV et de la Dubarrj suivant les intérêts
de sa bourse, libertin de parole et de conduite, devenu plus tard jansé-
niste et même convulsionnaire, puis redevenu libertin à la fin de sa
vie, ce triste personnage, après avoir été le convive chojé des petits
soupers du dix-huitième siècle, a fini par mourir à quatre-vingts ans
dans une obscurité d'où nous espérons bien qu*il ne sortira pas. Ce
qui lui vaut aigourd*hui les honneurs de Timpression, c'est la décou-
verte, dans un château des environs d'Orléans, d'une volumineuse
correspondance entre lui et son oncle, le dessinateur Orléanais, Aignan
Desfriches. De ce dossier, l'inventeur, M. Georges d'Hejlli, a tiré une
vingtaine de lettres, toutes relatives à Tattentat et au procès de
Damions. Ce sont les nouvelles du Parlement, de la Cour et de la
Ville, racontées par un habitant de Paris à un habitant de la province.
Robbé se vante à son correspondant d'avoir « mis à profit toutes les
conversations pour percer autant qu'il lui a été possible, dans les
secrets du fameux procès. » Il abonde donc en détails, et il n'épargne
pas les détails horribles. Il assiste à Tatroce exécution, a au premier
rang pour tout voir sans rien laisser échapper de la terrible céré-
monie, p et il n'en laisse rien échapper en effet dans le récit « complet
et exact » quUl envoie à Desfriches, avec une minutie qui donne une
plus haute idée de son impassibilité que de son cœur.
Un certain nombre de documents du temps, publiés en appendice,
viennent confirmer ou compléter le récit de Robbé. Ajoutons que
Touvrage est imprimé sur beau papier, en caractères elzéviriens, avec
vignettes, ficurons, et culs de lampe, avec un soin et une élégance qui
font autant d'honneur à rimprimeur qu*à l'éditeur.
Maxime db la Rocheterib.
— 346 —
/Lrclilves révolutionnaire» dn département de la Greui
1T60-1T04, par LoDis Ddv AL, archiviste du département de la Creuse.
Gnéret, 1875, chez l'auteur. In-8 de in-392 p., tiré à 200 exemplaires
numérotés. — Prix: 10 fr.
Les premières pages de ce livre ont été écrites sons le coup des
désastres de 1870, on s'en aperçoit facilement. Combien alors, ou-
bliant les leçons de Thistoire et les études décisives de M. Camille
Rousset, croyaient encore à la légende des volontaires de 1792 et du
succès irrésistible des levées en masse. M. Louis Duval a partagé les
illusions de tant d*autres à cette époque ; pour lui, c'étaient les me-
sures révolutionnaires de la Convention et les armées improvisées
qui avaient sauvé la France de Tinvasion des puissances alliées.
Archiviste du département de la Creuse, il s'est donc mis à chercher,
parmi les documents qui lui sont confiés, la trace des mesures adop-
tées dans le département pour fournir aux armées républicaines des
hommes, des armes et des vivres. Puis son siget Ta entraîné ; de la
Défense nationale^ il est arrivé à la Terreur^ et de là est sortie une
histoire ou plutôt une série de chapitres sur la Révolution dans la
Creuse. Ainsi, s'explique aussi la défaut de méthode du livre qui em-
brasse une suite de sigets divers^ juxtaposés plutôt que coor-
donnés entre eux, et dont chacun forme, en quelque sorte, un tout
isolé : les canons et le métal des cloches ; les fabriques de salpêtre ;
les travaux pour l'armement des citoyens ; l'habillement et l'équipe-
ment des troupes ; les levées en masse ; puis les suspects ; les prêtres
constitutionnels et réfractaires ; les comités.
Au fond, la Révolution fut, dans le département de la Creuse, ce
qu'elle fut à peu près partout, avec des degrés dans l'intensité, un
temps de violences et de misère, au milieu d'une grande exaltation
populaire, de nobles aspirations, au début, bientôt étouffées par ce que
M. Duval appelle lui-même « l'excès et l'intolérance. & S'IL y eut un
caractère particulier dans ce département, ce fut surtout une recru-
descence de fanatisme anti-religieux. On fut assez modéré générale-
ment pour les suspects laïques ; il y eût des emprisonnements, mais
qui ne semblent pas avoir été aussi rigoureux qu'en une foule d'autres
contrées, et la guillotine, croyons-nous^ ne fonctionna jamais à
Guéret. Mais quant aux prêtres insermentés, ils furent persécutés là,
plus violemment peut-être que partout ailleurs; pour eux, nulle modé-
ration, nulle pitié : la prison ne suffit pas ; il faut la déportation ; les
administrateurs de la Creuse stimulent, sur ce point, le zèle des persé-
cuteurs de la Convention. Il leur semble que leur pays ne sera libre
et leur département tranquille que le jour où le dernier prêtre
catholique aura été jeté à Cayenne. Cette fureur anti-religieuse ne
prit même pas fin au 9 thermidor; elle persista avec la même haine,
surexcitée, sans doute, par l'attachement que, dans certains cantons.
— 347 —
les paTsans, rassurés par la chute de Robespierre, croyaient pouvoir
manifester aux prêtres et au cuite proscrits.
A ces divers titres, les documents que nous annonçons aigourd'hui
présentent un réel intérêt. M. Duval a apporté, lui aussi, sa pierre à
ce grand édifice d'une histoire de la Révolution, qui ne sera complet,
que lorsque toutes les archives des provinces auront livré leurs secrets.
Quant à Tesprit qui anime ce livre et aux théories politiques et his-
toriques qu'il contient, nous aurions de graves réserves à faire.
M. Duval professe pour la République et les hommes de 93, un en-
thousiasme que nous sommes loin de partager. Il semble qu'à ses
yeux, comme à ceux de M. Ernest Hamel, Robespierre soit un génie
méconnu qui vaut mieux que sa réputation, et qui, sans le 9 Thermidor,
eût définitivement fondé la République; nous croyons^ nous, que
Robespierre visait surtout à la dictature. Non pas, sans doute, que
M. Duval approuve la Terreur, ni même la Constitution civile du
clergé ; il les condamne énergiquement : < la Terreur, parce qu'elle a
tué la République; la Constitution civile, parce que l'idée de fonder
une Église nationale est une de ces « demi-mesures a qui portent
l'irritation dans les esprits, et qui compliquent les questions sans les
résoudre (p. 153). o Mais la Terreur, dit-il, ce ne sont pas les con^
ventionnels qui Tont inventée : elle a existé de tout temps, et Cons-
tantin et Théodose ne se sont pas servis, pour établir le christianisme,
de moyens autres que les hommes de 93 pour le détruire (p. 156). Si
atroces d'ailleurs et si arbitraires qu*ils fussent, les décrets de la Con-
vention ont été, d'un côté, provoqués par Taudace de la réaction, de
Tautre, inspirés par la raison d'Etat et les nécessités du salut public^
Or, « qui oserait prétendre déterminer, sans crainte de jamais se
tromper, le point fixe où il convenait de s'arrêler dans cette série de
mesures de salut public, qui la plupart durent être improvisées sur le
champ (p. 141)? §
On comprendra que nous ne discutions pas ici de pareilles théories :
il nous suffit de les indiquer. M. de la Roghbterib,
Eia Guerre de France (IdTO-TI), par Gh. dk Mazadb. Pans, Pion,
1875. 2 vol. in-8 de 538 et 555 p. — Prix : 16 fr.
Hlatotre diplomatique de la c^uerre franco«aUeniande« par
Albert Sorel. Paris, Pion, 1875. 2 vol. in-8 de 428 et 452. — Prix : 16 fr.
Le nomhre des ouvrages relatifs à la dernière guerre, publiés tant
en France qu'à l'étranger, devient réellement trop considérable
pour qu'on puisse les analyser tons en détail. Nous avons rendu
compte, ici même, de la plupart; et notre tâche serait à peu près
achevée, si deux œuvres des plus remarquables, conçues k des points
de vue différents et se complétant en quelque sorte Tune Tautre,
— 348 —
n*étaient venues, dans ces derniers temps, ramener vivement l'atten-
tion sur un siyet qu'on aurait cru épuisé.
C'est le côté militaire et politique qu'a envisagé M. Gh. de Mazade,
quand il a entrepris, dans la Revue de» Deux-Mondes^ les dramatiques
tableaux qu'il a réunis depuis en deux gros volumes. C'est uniquement le
rôle de la diplomatie avant, pendant et après la guerre franco-alle-
mande qu'a voulu étudier M. Albert Sorel, avec une compétence fort
spéciale et une finesse d'appréciation peu commune. Le premier s'est
contenté de résumer les documents connus : publications officielles
des états-m^jors, récit des généraux, déposition des témdns, rapporta
faits à TÂssemblée nationale. Le second, sans négliger les ouvrages
de ses prédécesseurs^ s'est appliqué particulièrement à découvrir le
secret des chancelleries^ à analyser les moindres actes des diplomates,
tant français qu'étrangers, à juger ce qui a été fait, à dire aussi ce
qu'on aurait pu faire. Tous les deux, avec des procédés et des mérites
divers, ont écrit avec talent une œuvre historique définitive, que devra
consulter quiconque voudra entendre quelque chose aux événements
de ces dernières années. Ajoutons que la même impartialité a présidé
à la composition des deux livres, si bien que les jugements qui s'y
rencontrent, sans avoir la prétention d'être infaillibles, approchent
autant que possible de la vérité.
M. Ch. de Mazade aborde de plein pied son sujet : à peine un cha-
pitre est-il consacré aux préliminaires de la guerre, et tout le pre-
mier volume est destiné à raconter les divers incidents de la lutte,
depuis Wissembourg jusqu'à Téchec définitif des armées de province
dans l'Est, en passant par le 4 Septembre et la capitulation de Metz.
Le second volume traite particulièrement du siège de Paris, de
l'armistice et des négociations pour la paix définitive. Les pièces justi-
ficatives, les citations sont peu abondantes ; tout l'intérêt réside dans
le récit qai est clair, animé, patriotique, et auquel on ne pourrait
guère reprocher que l'abus de quelques formes de langage. C'est, en
un mot, un ouvrage fait pour les gens du monde et les lecteurs qui
ne tiennent pas trop à approfondir.
Le livre de M. Albert Sorel est à la fois plus sérieux et plus origi-
nal : on sent qu'un homme du métier y a mis la main. Avant tout, il
se propose de rechercher les causes premières des malheurs de
la France ; et il n'a pas de peine à établir, dans de longs prélimi-
naires, que la politique du gouvernement impérial devait fatalement
engager le pays dans un duel inégal, où l'Europe entière profiterait de
nos fautes pour laisser à la Prusse le champ libre dans la diplomatie
aussi bien que dans la lutte à main armée. Rarement la responsabi-
lité du ministère Ollivier dans la déclaration de guerre a été mieux
prouvée. L'empereur hésitait sans volonté, l'impératrice, par întûrêt
— 349 —
dynastique, inclinait vivement à ToffensiTe, le maréchal Le Bœuf
avait confiance dans les alliances négociées par le duc de Gramont,
le duc de Oramont espérait que l'armée imposante, mise sur pied par
le maréchal, entraînerait l'adhésion des puissances amies ; et, cha-
cun se trompant à son tour, une Chambre sans indépendance se
laissait volontairement abuser et votait des résolutions pour lesquelles
elle n'avait, au fond, nul enthousiasme.
Les désastres une fois survenus, la diplomatie pouvait-elle les
amoindrir? Et Tinexpérience de nos hommes d'État, après le 4 Sep-
tembre, a-t-elle augmenté pour nous la conséquence de la défaite ?
M. A. Sorel incline aie penser; mais, quand il entre dans le détail
des événements, il ne prouve point qu'une conduite plus correcte eût
amené de meilleurs résultats. Ainsi, il reproche à M. Thiers de s*étre
fait duper par le bon accueil qu'il reçut en Russie, et d'avoir trop
franchement laissé voir à l'étranger que la France, au point de vue
militaire, était à bout de ressources. Ainsi, il aurait voulu qu'on permit
à M. de Chaudordj d'exploiter vis-à-vis de TAngleterre, la crainte
qu'elle éprouvait des projets de la Russie relatifs à la dénonciation
du traité de Paris. Mais, quelque habilement exploitées que fussent
ces craintes, l'Angleterre n'aurait rien fait pour s'en délivrer, puisque,
plus tard, quand l'événement prévu éclata, elle ne put ni ne voulut
agir. Puis, cette aligne des neutres, » qui nous fut si fatale, n'était-ce
pas l'alliance intime de la Prusse avec la Russie qui l'imposait à
l'Europe; et cette union fatalement cimentée, comment penser à la
rompre en face de la Prusse victorieuse I Aussi nous semble-t-il que
M. Sorel a quelque peu exagéré les mérites de M. de Chaudordy ;
car toutes les petites habiletés, dont il a partagé le secret, et qu'il
nous révèle aujourd'hui, étaient incapables de rien modifier aux inten-
tions d'un ennemi qui avait fixé d'avance les exigences dont il ne
s'est jamais départi. La principale faute du gouvernement de la
Défense nationale que l'auteur fasse toucher véritablement du doigt,
c'est encore le refus, habilement secondé par M. de Bismarck,
d'envoyer un plénipotentiaire aux conférences de Londres; c'était
une circonstance favorable, qu'il fallait saisir sans hésitation, et qui
ne s'est plus présentée.
Tout ce qui concerne les longues négociations pour la paix remplit
la moitié du second volume, et est esquissé avec une précision, une
intelligence du sujet, un intérêt soutenu qu'on ne retrouve dans aucun
autre écrit, pas même dans les recherches spéciales de M. Yalfrej.
Enfin, une justesse de vue parfaite s'unit, dans le livre de M. Sorel,
au plus noble patriotisme, si bien qu'en étudiant avec clairvoyance
les événements passés, on peut rencontrer pour l'avenir les plus sages
et les plus pratiques conseils. Le joune professeur de l'Ecole libre des
— 380 —
sciences politiques^ qui est aussi diplomate à ses heures, nous parait
donc avoir composé un ouvrage qui demeurera et qui, sauf de légères
restrictions, ne mérite que des éloges.
Gustave Bagubnàult bb Puchbssb.
Histoire de Fabba je d'Hauteeoinbe, en Savoie» avec pièces
justificatives inédites, par Claudius Blanchard, docteur en droit, membre
de TAcadémiede Savoie. Ghambéry, imprimerie Châtelain. 1875. In 8* de
741p.
La royale abbaye d^Hautecombe, nouveau Saint-Denis d*une puis*
santé famille souveraine, s'élève près du lac du Bourget, en face da
coteau de saint Innocent, sur Fun des plus saillants promontoires de
cette côte pittoresque. C'est un des plus célèbres monastères de la
Savoie. Le baron Jacquemoud, conseiller d'État^ Mgr Yibert, évéque
de Maurlenne, et le comte Gibrario, ministre d'État^ ont naguère
esquissé à grands traits la physionomie de ce couvent renommé, mais
nul n'a su retracer avec tant de clarté et de lucidité l'histoire de la
première nécropole de la maison de Savoie que l'auteur du livre que
nous annonçons aujourd'hui. Ouvrages imprimés, archives publiques
et privées, documents inédits, pièces déjà connues^ rien n'a été négligé
par M. Claudius Blanchard, qui a voulu ainsi faire de son travail une
œuvre d'une scrupuleuse exactitude.
Fondé, vers Fan 1101, sur l'étroit plateau de Paquinot, par des
moines de l'abbaye d'Aulps en Chablais, le monastère de la combe de
Yalpert fut^ vers Tan 1125, sur les conseils de saint Bernard, trans-
féré à Charaïa, sur les rivesdu lac du Bourget, au lieu-dit Haute-Combe.
Agrégé peu à près, en 1135 environ, à Tordre de Cîteaux, il eut pour
premier abbé Vivian, auquel succéda, en 1139, Amédée d'Hauterive,
le r^i/a6/e fondateur d'Hautecombe, pour ainsi dire, celui-là même, qui^
en 1145, fut évéque de Lausanne et que TÉglise honore d'un culte tout
particulier. Rodolphe, qui vint ensuite, put, grâce aux libéralités da
comte Humbert III, agrandir la maison et élever cette chapelle Saint-
André qui existe encore et qui a su si bien résister aux injures du temps.
Sous la sage administration d'Henry de Marsac, qui, pendant dix-sept
ans (1160-1477), régit Fabbaye d'Hautecombe, on vit s'accroître la
piété des religieux. Le cloître, à cette époque, reçut, pour la première
fois, les dépouilles mortelles d'un membre de la famille de Savoie.
Nous assistons dès ce moment à la prospérité croissante du monas-
tère; nous voyons Tabbaye, comblée des dons des maisons de Savoie, de
Clermont, de Grésy et d'AUinges, augmenter ses possessions diverses,
accroître ses relations et donner un dernier asile à plus d'un puis-
sant de la terre. Jean de Faverges lui accorde la malàdrerie de Sainte-
— 351 —
Marie-Madeleine ; l'abbé Jacques est chargé par Benoit XII d'intro-
duire à Ânlpsla réforme cistercienne ; Ajmonle Magnifique fait cons-
truire la chapelle des princes, dont il confie la décoration à Georges
d*Aquila; Edouard le Libéral, Louis II et AmédéeVI sont inhumés avec
une certaine pompe et Tiennent dormir là leur dernier sommeil. Avec
Amédée VU, décédé en 1391, prennent fin les comtes de Savoie. De
cette époque, date, et pour la monarchie et pour sa nécropole, une situa-
tion nouvelle, a Neuf chefs de la dynastie, un grand nombre de princes
et de princesses étaient venus, pendant le cours de deux siècles,
attendre, dans le pieux et solitaire asile des bords du lac, le grand
jour de la résurrection. Désormais, plusieurs années s'écouleront
et aucun cortège funèbre n'entrera dans la basilique abbatiale.
Pendant le quinzième siècle, quelquefois encore ses murs se couvri-
ront de tentures de deuil ; l'ossuaire d'Ajmon s'ouvrira, deux souve-
rains de Savoie,. portant la couronne ducale, 7 seront déposés ; mais,
dans les siècles suivants, la nécropole sera peu à peu entièrement
désertée ; la ruine matérielle suivra la ruine morale ; de nombreuses
restaurations la défigureront, jusqu'à ce que, abandonnée et violée
par des mains sacrilèges, eUe soit rachetée par l'héritier des sou-
verains dont elle abritait les augustes dépouilles. Rétablie alors
dans son ancienne splendeur et renouant les souvenirs des
siècles passés, elle recevra les restes mortels du dernier suc-
cesseur direct d' Amédée III, comte de Maurienne, dans la per-
sonne de Charles Félix, roi de Sardaigne, avec qui s'éteint la
branche aînée de Savoie. »
Gouvernée d'abord par des abbés réguliers^ Hautecombe passa,
au quinzième siècle^ sous la domination d'abbés commendataires
dont M. Blanchard nous raconte longuement les faits et gestes.
Dans cette intéressante galerie, se détachent surtout les figures
expressives de Sébastien d*Orlié (1473), de Claude d'Estavayé
(1504-1534), du cardinal de Saint-Georges (1549-1560), d'Alphonse
Delbene (1560-1603) et d'Antoine de Savoie (1655-1688). Vers le mi-
lieu du dix-huitième siècle l'abbaye est unie à la Sainte-Chapelle de
Chambéry et régie alors par le doyen du chapitre, puis par dés abbés
réguliers et des délégués apostoliques.
Il nous faudrait de longues pages pour décrire les vicissitudes
diverses de ce monastère et en raconterlesfortunes variées. Nous pré-
férons renvoyer à l'ouvrage de M. Claudius Blanchard. Celui-ci n'a
pas hésité, du reste, à reproduire, à l'appui de ses assertions, bien des
documents d'un haut intérêt : ce qui donne encore une valeur nou-
velle à l'Histoire de tabbaye et Hautecombe. Nous recommandons donc
vivement ce livre à nos lecteurs. A. Albrieb.
— 352 —
Itechercliea sur les Éïtcitn de Bretagne. La tenue de i736, par
M. A. Dd Boubtiez dk Keroaguen. Paris, Dumoulin, 1875. 2 vol. gr. in-8
de xn-484 et 464 p. — Prix : 12 fr.
L'histoire de Bretagne pendant les trois derniers siècles» c'est*à«
dire depuis sa réunion à la couronne jusqu'à la révolution de 1789, est
particulièrement intéressante ; car cette province, la seule peut-être
entre toutes celles qui formèrent le royaume de France, put se gou-
verner en-dehors de la centralisation ministérielle, conserver une indé-
pendance relative et maintenir chez elle un gouyemement constitu-
tionnel véritable : les États seuls yotaient les impôts^ et l'on sait
quelle crise menaça d'éclater, lorsqu'on 1717, la Cour, ayant voulu faire
passer plusieurs édits, malgré leur résistance^ le parlement de Rennes
déclara coupables de forfaiture tous les receveurs qui percevraient
quelque droit que ce fût avant que justice ne fût rendue. C'est que la
Bretagne n'avait jamais été conquise par les rois de France; elle
s'était donnée librement, stipulant des conditions précises, à l'exé-
cution desquelles elle dût sa longue prospérité. Cette histoire pro-
vinciale de trois siècles est encore trop peu connue ; la monographie
de la Chambre des comptes de Bretragne a trouvé, il est vrai, dans
M. Fourmont, un compilateur consciencieux ; mais celle d'une cour
souveraine beaucoup plus importante, celle du Parlement de Rennes^
n'a pas encore été tentée. Les États ont été plus heureux, M. de Carné
a consacré deux volumes importants à leur histoire politique. MM. de
la Borderie, Lamarre, Caron ont étudié leur organisation intérieure,
et nous-mêmes, nous avons eu Toccasion, dansnos Essais sur les trois ducs
de Coislin et sur l'un des évéques de Vannes, Mgr Jjefebvre de Caumar-
tin, de donner des détails inédits sur plusieurs sessions intéressantes.
Mais aucune publication de longue haleine n'avait encore été consa-
crée à leur histoire intime, à cette histoire qui les montre veillant à
tout, s'occupant des plus petits détails, étudiant, discutant, résolvant
une foule de questions que nous voyons soulever dans nos assemblées
politiques, s'occupant des finances, des routes, du commerce, de
l'extinction de la mendicité, des colonies agricoles, des encourage-
ments à donner à l'industrie, aux lettres, aux sciences et aux arts.
C'est pour comblet cette lacune que M. du Bouëtiez de Eerorguen a
pris le parti de publier m extenso les procès- verbaux de deux sessions
d'États, celles de 1717 et de 1736, choisies à des époques qui corres-
pondent à un mouvement de reprise d'indépendance nationale. Ea
éditeur scrupuleux, M. du Bouëtiez ne s'est pas contenté d'une sèche
reproduction. Non-seulement il a fait précéder sa publication d'une
introduction substantielle, dans laquelle il étudie successivement le
rôle, les attributions et les prérogatives des trois ordres du clergé,
de la noblesse et du tiers dans ces assemblées, des officiers dos États,
— 353 —
des députés à la Cour et à la Chambre des comptes;... mais il a joint
aux procès-verbaux une foule de lettres inédites, extraites de la
Bibliothèque nationale et des Archives, écrites par les présidents, le
gouverneur^ les intendants» les commissaires ou les ministres; il repro-
duit même le fac-similé d'une ancienne gravure fort curieusS représen-
tant une séance solennelle d'ouverture des États ; il nous donne des
notices biographiques très-étendues sur les principaux personnages
des deux sessions dont il s'occupe en particulier, et il termine son
second volume par des extraits des catalogues des manuscrits de nos
grandes collections nationales, indiquant les sources de l'histoire bre-
tonne pendant les derniers siècles.
C'est là un travail consciencieux et méritoire, qui a droit à tous les
encouragements de la critique : il ja, dans ces deux volumes, une mine
de documents d'une richesse toute particulière, libéralement ouverte
aux travailleurs, et nous ne donnerons qu'un conseil à M. du Bouëtiez,
s'il peut préparer bientôt, comme nous l'espérons, une seconde édition
de son livre : qu'il rejette en appendice certains documents intercalés
dans le texte et qu'il revoie avec soin les épreuves de ses notes, où
quelques noms se reconnaissent difficilement; mais ce n'est là qu'une
tache légère. C'est à l'aide de tels ouvrages qu'on fera quelque jour une
bonne histoire de France. Rbnê Kbrvilbr.
Dix: ans de l*litstolre d* Allemagne. Origines du noiaoel Empire^
diaprés la correspondance de Frédéric-GuUlaume IV et du baron de Bunsen^
1847-1857, par Saint-René Taillandier, de FAcadémie française, profes-
seur à la faculté des lettres, Paris, Didier, 1875. In-8 de xx-438 p. —
Prix : 7 fr. 50.
Nous n'avons jamais voulu connaître assez rAllemagne, et nous
nous sommes toujours laissé surprendre par des événements qu'avec
un peu d'attention il était très-facile de prévoir. M. Saint-René
Taillandier le rappelle fort à propos dans la préface d'un ouvrage
qu'il a publié il y a quelques mois et qui complète toute une série de
travaux consacrés par lui, depuis trente ans, à l'histoire, à la philoso-
phie, à la politique allemande. Le célèbre historien Léopold Ranke,
vient de recueillir la correspondance du roi de Prusse^ Frédéric-
Quillaume IV, avec le baron de Bunsen, son ambassadeur auprès de
la reine d'Angleterre; d'autre part, la veuve du diplomate avait
donné, à la manière anglaise, une ample biographie de son mari, tirée
de ses papiers de famille^ où abondent les pièces de tout genre,
lettres, rapports, documents officiels et correspondances intimes. C'est
d'après ces sources de renseignements, qui se complètent si bien Tune
par l'autre, que M. Saint-René Taillandier a tracé non -seulement le
portrait de deux physionomies contemporaines aussi originales que
Octobre 1875. T. XIV, 23.
— 354 -
peu connues, mais encore le tableau^ très-nouveau pour nous, de toute
une période de Thistoire contemporaine.
Après une introduction sur les origines et la nature de l'amitié qui
unissait le souverain et l'ambassadeur^ ces études commencent par
l'affaire du Sonderbund et des cantons radicaux de la Suisse en 1847,
affaire qui passionna si vivement Frédéric-Guillaume IV, comme prince
de Netifchâtel. Puis viennent, d'après l'ordre des chapitres, l'histoire
du parlement de Francfort et de la constitution d'un empire d'Alle-
magne offert à la Prusse par la démocratie germanique, — les humi-
liations de la Prusse en face de TAutriche en 1850, — Tavénement de
Tempereur Napoléon III, — enfin la guerre de Crimée, l'abstention de
la Prusse et la démission de Bunsen, qui soutenait, dans cette circons-
tance, une politique différente de celle du roi. Ce sont, comme l'on
voit, autant de sujets féconds en révélations intéressantes, que
M. Saint-René Taillandier a traités avec son talent ordinaire, et qui
sont d'une lecture aussi attachante que profitable. G. B. j>r P.
Iba Mutualité de» Mai^e» depuis lea temps les plus unclens
Jusqu'au dl^K-liultlènie siècle» par J. Peryolf. Saint-Pétersbourg,
1874. In-8 de 294 p. — Prix : 8 fr.
L'idée de la solidarité des peuples slaves n'est point nouvelle. Elle
a été mise en vogue par les propagateurs du principe de nationalité,
dont elle n'est qu'une application partielle. Le feu poëte Kollar, dont
on connaît les tendances slavophiles et le penchant pour les théories
quelque peu fantaisistes (témoin son Italie paléo-slovène^ où il fait des
Étrusques un peuple slave), a contribué beaucoup à rendre cette idée
populaire, grâce à son talent d'écrivain, et aussi, grâce à Tenthou-
siasme avec lequel les Tchèques accueillaient alors les moindres écrits
favorables à leur nationalité. Mais Tauteur de La mutualité littéraire
des Slaves (Die litterarische Wechselseitigkeit der Slaven, Pesth, 1837)
n'a envisagé qu^un côté de la question, ainsi que l'indique le titre de son
opuscule demeuré célèbre. Il a complètement négligé le côté histo*
rique. M. Pervolf, au contraire, s'attache surtout, dans son ouvrage, à
assurer à l'idée de mutualité slave une base historique, à retrouver
ses titres de noblesse, à établir son ancienneté, voire la perpé-
tuité des rapports mutuels qui, selon lui, ont existé parmi les divers
membres de la grande famille slave. — Tel est le but de son livre.
L*aut6ur prend les peuples slaves au moment de leur apparition sur la
scène historique du monde, et en poursuit les destinées jusqu'à l'époque
où elles subirent un changement décisif, par suite de la transformation
subite de la Russie en une puissance politique du premier ordre, et de
la prépondérance que l'empire des tsars commença dès lors à exercer
sur les autres peuples slaves. Toiciles conclusions de notre auteur;
elles méritent d'être reproduites en entier.
— 355 —
1^ KuDité primitive de race se manifeste non-seulement dans la
langue des Slaves, mais encore dans lears institutions plus récentes,
dans la période de Texistence autonome des divers groupes de peu-
ples; 29 Le sentiment de l'unité de race s'est conservé chez eux dans
la vie littéraire et sociale, et cela jusque dans les derniers temps;
3» Le mouvement hussite n'a pas été le résultat de {'orthodoxie intro-
duite en Bohôme par Cyrille et Méthode ; il se hasait sur des principes
résultants des conditions locales dans lesquelles se trouvait rÉgUse
tchèque à la fin du quatorzième siècle et au commencement du quin-
zième; 4® Le hussitisme a été non seulement un mouvement religieux,
mais encore national : tchèque et slave ; 5® L*art militaire des Tchèques
du quinzième siècle a influé sur celui de Pologne ; 6* L'influence du
tchèque sur Tancienne langue polonaise est plus sensible dans là litté-
rature théologique que chez les écrivains profanes ; 7^ Le sort des
Slaves de l'Elbe et de la Baltique a été toujours considéré, par les
autres Slaves occidentaux, tchèques et polonais, comme un indice
instructif de leur propre sort; 8o La différence do religion a été un
des principaux obstacles à Tunion spontanée de la Russie et de la
Pologne, sous la forme d'un seul corps politique ; 9^ La langue tchèque
a exercé une incontestable influence sur les traductions faites dans
la Russie occidentale, au commencement du seizième siècle, telles
que la Bible de Skorina et le Cantique des Cantiques ; 10^ Le slavon-
ecolésiastique a le plus contribué au rapprochement de tous les Slaves
orthodoxes, et, en partie aussi, des Slaves catholiques du midi.
Ces propositions résument, en mdme temps qu'elles caractéri-
sent le livre de M. Pervolf, où d'ailleurs il a fait preuve d'une
grande érudition et d'une connaissance approfonrlie des littératures
polonaise et tchèque. La théorie panslaviste vient d'acquérir en lui
un nouvel adepte* Dans cette théorie, le hussitisme joue un rôle dont
on exagère à plaisir Timportance. Certains auteurs russes vont même
jusqu'à voir, dans le hussitisme, une forme nouvelle de Vorthodoxie
byzantine, ou, pour parler avec M. Pervolf, un résultat de Vortho»
doxie introduite par Cyrille et Méthode. Sans admettre cette dernière
opinion, il en partage cependant l'erreur capitale, qui consiste à faire
des saints apôtres des Slaves, Cyrille et Méthode, des orthodoxes de
nouvelle espèce, c'est-à-dire des sectateurs de Photius. Quant au hussi-
tisme et en général à l'élément tchèque, sur lequel M. Pervolf insiste
tant, on ne doit pas en être surpris : de la part d'un auteur qui est tchèque
d'origine, qui semble être étranger au catholicisme, et a terminé ses
études à l'université de Prague, une pareille insistance parait assez
naturelle. Au reste, la question principale n'est pas là. Ce qu'il importe
de savoir avant tout, c'est si la mutualité des peuples slaves a réelle-
ment existé autrefois, et si l'histoire nous en a conservé des témoi-
— 356 —
gnages positifs et vraiment dignes de foi. Là-dessus^ le doute n'est que
trop permis. Le livre que nous examinons ne réussit point à le dissi-
per; nous n'y trouvons presque aucun document historique de quelque
importance qui soit antérieur au quatorzième siècle^ et ceux de date
postérieure he sont ni assez nombreux ni assez convaincants pour éta-
blir la thèse dont il s'agit, si toutefois on parvient jamais à l'asseoir
sur une base historique et vraiment solide. J. M.
A narrative of the récent Kvents In Xou-KIng^, hy Henri
CoRDiER, honorary librarian of the north China branch of the royal asiatic
Society. For sale at Mess. Kelly et C«. Shanghaï, american presbyterian
Mission Press, January 1875. Gr. in-8 de 74 p.
Les efforts de la France et de TÂngleterre pour ouvrir au com«
merce européen les riches* provinces de la Chine méridionale, et le
double traité que nous avons conclu récemment avec le royaume
d'Annam doivent appeler désormais l'attention sur toute publication
se rattachant à ces importantes régions. C'est à ce point de vue que
nous signalerons à nos lecteurs une brochure qui nous arrive de
l'extrême Orient, et où les questions relatives à l'histoire ancienne
et moderne du Tonkin sont traitées avec compétence et intérêt.
L'auteur a divisé son travail en deux parties. Dans la première, il a
résumé les notions éparses dans des ouvrages difficiles k consulter, sur
le Tonkin, sa langue, son histoire, ses rapports successifs avec l'Em-
pire chinois et avec celui d'Annam. Il y a là des détails curieux et
certainement ignorés de la grande masse des lecteurs. Ils trouveront^
en particulier, à la page 13, des citations utiles à noter, empruntées à
la fois aux Lettres édifiantes et à la relation d'un voyageur anglais du
dernier siècle, sur l'importance de la Gochinchine et du Tonkin, au
point de vue des intérêts français. Ils étudieront aussi avec fruit les
conclusions de l'auteur, qui représente cette province septentrionale
de l'Annam comme un pays conquis et tyrannisé par ses maîtres
actuels.
La seconde partie de la brochure contient le récit des événements
qui se sont succédé au Tonkin entre 1873 et 1874, pendant l'expédition
française dont chacun a gardé le souvenir. L'auteur s'est trouvé en
rapport avec plusieurs personnages mêlés aux faits qu'il a plutôt l'in-
tention de raconter que de juger. Il a reçu, en particulier, des informa-
tions de MM. Dupuis et Millot, les deux négociants qui paraissent
avoir reconnu les premiers la navigabilité du Song Koï, ou du grand
fleuve du Tonkin, depuis la mer jusqu'au centre du Yun Nan. Sa
chronique, car c'est le seul titre que modestement il ambitionne,
cherche à être très-précise, et elle donne notamment sur la mort
du brillant et malheureux M. Oamier des détails pleins d'un triste
— 357 -
intérêt et nécessaires à recueillir. De ce récit, comme de ceux qui sont
déjà arrivés jusqu'à nous sur cette courte campagne, il ressort avec
éclat que la valeur et l'initiative françaises s'y sont montrées au niveau
des plus brillantes époques de notre passé d'outre-mer. Quelques
hommes ont suffi, dans certains cas, pour s* emparer d'une ville forte,
et il faut remonter aux annales des guerres de l'Inde pour trouver des
traits où l'histoire la plus véridique semble aussi singulièrement em-
pruntée à la légende. Quant à l'appréciation définitive à porter sur
cette entreprise, sur son origine et sur sa conclusion^ nous ne saurions
ici que réserver notre jugement. Tous les documents ne sont pas
entre nos mains, toutes les parties n'ont pas été entendues ; c'est plus
tard seulement que l'histoire pourra porter son verdict sur des événe-
ments qu'un traité heureux a bientôt suivis, mais que de grands
malheurs ont accompagnés^ et où il est difficile d'assigner encore à
chacun sa part de responsabilité.
Comte Dbsbassayns db Richbmont.
Rapport sur une mlaslon itrchéoloe^que en il^l^érle» par
Ant. Héron de Villefossb. Paris, Imprimerie nationale, i875. In-8 de
* 120 p. avec deux planches etjrois bols. — Prix : 5 fr.
Ce rapport est extrait des Archives des missions scientifiques. Il ren-
ferme les résultats de la première mission de M. A. Héron de Ville-
fosse, en Algérie, pendant l'année 1873. C'est surtout au point de vue
épigraphique qu'il est intéressant. Plus de 230 textes j sont donnés ;
les uns entièrement inédits, les autres déjà connus, mais par des
copies incomplètes ou inexactes. Parmi les inscriptions les plus im-
portantes, nous signalerons le tarifée douanes de Zraïa, monument
unique dans son genre ; Tauteur ne s'est pas contenté d'en rectifier le
texte, il l'a rapporté au musée du Louvre où il est exposé aujourd'hui
avec d'autres monuments provenant de la même mission. Nous cite-
rons encore la fameuse tribune de la Schola des optiones (lieutenants
aux centurions) de la 3* légion auguste, casernée à Lambèse ; les
bustes impériaux de Vérécunda ; une inscription honorifique d'El Djein
(Thysdrus), etc. En-dehors de Lambèse, mine inépuisable d'inscrip«
tions, les points les plus remarquables explorés par l'auteur sont :
Esar-Bagaï, Klenchela, l'antique Mascula, ^Rhamissa (TJiubursicum
Numidarum), une des localités les plus riches de la Numidie au point
de vue archéologique, mais qui^ avant le voyage de M. de Yillefosse,
avait été très-insuffisamment visitée ; enfin Mdaourouch (Madaure) où
naquit Apulée et où saint Augustin fit une partie de ses études. M. Héron
de Yillefosse ne s'est pas borné à étudier l'épigraphie. Chemin faisant,
il signale les monuments figurés qu'il rencontre ; c'est ainsi que son
livre peut servir de guide dans les musées d'Alger et de Cherchell :
— 358 —
cette dernière localité, surtout, renferme une collection de marbres de
premier ordre. A Tebessa, il a relevé un plan trèe-exaet de la basilique,
le monument le plus considérable de l'Afrique chrétienne^ qu*on a pu
voir récemment à l'Exposition de géographie. Enfin, il a enrichi le
musée du Louvre d'une nombreuse série de monuments africains, et
rapporté des documents de toute sorte sur les lieux qu'il a parcourus
et les monuments qu'il a étudiés. L. C.
l^ern Papiers de IVoallle» de la BIbllotbàqae du I^ouvre*
Dépouillement de toutes les pièces qui composaient cette précieuse collection^
brûlée dans la nuit du 23 au 24 mai 1871, avec le texte même d'un grand
nombre de documents relatifs aux guerres civiles du seizième siècle,
publié par Louis Paris, éditeur du Cabinet Historique. Paris, au Cabinet
EistoiHqueet chez Dentu, 1875. 2 vol. gr. ih-8 de zxiy-324 et viii-176 p.
— Prix : 12 fr.
Encore une épave de ce grand désastre qui nous laisserait inconso-
lables si nous ne songions que bien d'autres richesses littéraires
auraient pu — auraient dû — disparaître pendant ces jours néfastes
de la Commune : le temps seul a manqué à Fœuvre de destruction) La
bibliothèque du Louvre contenait une précieuse collection^ en trente
volumes in-folio, formée par la maison de Noailles, et provenant d'un
recueil de papiers d'État, beaucoup plus considérable, qui fut dilapidé
par rÉtat, sous la Révolution, et dont on se partagea les richesses.
Les Affaires étrangères^ les Archives, la Bibliothèque nationale ont
encore leurs lots, et celle-ci possède, en outre, de nombreux volumes
achetés au maréchal de Noailles, ou donnés par lui, de 1740 à 1756.
Les Papiers du Louvre ne contenaient aucune correspondance diplo-
matique : c'était une partie de la correspondance intime de la famille,
où l'on trouve les détails les plus curieux sur la vie, les mœurs, les
habitudes sociales de Tune des plus grandes maisons de France, pen-
dant près de trois siècles.
L'ouvrage que nous avons sous les yeux se compose de deux
volumes. Le premier est divisé en deux parties, contenant : 1® le Dé-
pouillement des quatre volumes de la première série des Papiers de
Noailles: c'est une table complète des lettres, avec leurs dates, et,
pour le tome P% la reproduction des premiers mots de chaque lettre; à
la suite de cette table, nous trouvons le dépouillement d'un volume
du cabinet des titres de la Bibliothèque nationale, sur la maison de
Noailles ; 2^ un choix de pièces inédites extraites du tome P' des Papiers
de Noailles j et dont M. L. Paris avait fait prendre copie, un peu au
hasard. Ces pièces, auxquelles quelques additions ont été faites d'après
les manuscrits de la Bibliothèque nationale, sont relatives aux années
1589 à 1597; elles sont au nombre de plus de 150, et présentent,
pour la plupart, un réel intérêt, — Le tome second contient la table
— 359 —
par ordre de pièces, avec une Ifrève analyse des docaments qui étaient
contenus dans les vingt-six antres volumes des Papiers de Noaillen, A
la suite, l'on a ajouté un certain nombre de lettres inédites^ tirées des
divers volumes dont la table précède. Un très-bon juge a constaté que
M. Louis Paris avait eu la main heureuse dans ses transcriptions.
Nous avons donc de doubles remercîments à adresser à l'infatigable
érudit pour nous avoir donné Ténumération des richesses aqjourd^hui
perdues de la collection de Noailles, et pour avoir placé sous nos jeux
le texte de documents historiques d'un haut intérêt, sauvés par lui
d'une irréparable ruine. 0. db B.
BULLETIN
Eies Tliéiies et Thypothése» contradictions du libéralisme, par Jules
CAMAOEit, avocat. Bruxelles, Glosson, 1875. In>i8 de 63 p. — Prix : 60 c.
Cette brochure^ dont quelques détails sont un peu vulgaires de composi-
tion et de style, offre du moins un excellent fond de doctrine et un cadre
assez heureux. Elle tend à montrer i^ que la distinction entre la thèse et
l'hypothèse, par laquelle les catholiques peuvent accorder leur entière sou-
mission au SyUabtiS avec leur adhésion aux constitutions modernes,
n*est pas une vaine subtilité, mais une règle très-fondée en raison ; 2® que
la thèse absolue du pur libéralisme est, au contraire, irréalisable et renferme
l'anarchie ; 3^ que, du reste, elle n'a jamais été loyalement mise en pratique,
et que le libéralisme au pouvoir est devenu, par une contradiction mani-
feste, oppresseur et persécuteur. Il y a une page très-judicieuse (33-34), sur
les discussions à ce sujet entre catholiques : « 11 y a souvent malentendu.
Les uns ont les yeux ardemment fixés sur la thèse. Dès lors, ils rejettent, ils
réprouvent tout ce qui s'en écarte. Us sitbissent, avec une douleur parfois
exagérée, Vhypothése. — D'autres envisagent autrement les choses... Ils
appréhendent les maux qui pourraient être. L'hypothèse leur apparaît alors
comme un mal moindre, donc comme un bien relatif. Us admettent, ils
aiment le régime de la liberté, non pour lui-même, mais pour le bien qui
en résulte quand on lutte avec vaillance. » Ecrit spécialement pour la Bel-
gique, comme on s'en aperçoit par les noms propres et les citations, cet
opuscule, on le comprend, trouve aussi bien son appUcation en France.
Léonce Couture.
Waî et la Science» Explosion de la libre-pensée en ao(U et septembre
i874. Discours de MM. Tyndall, du Bois-Iieymond, Owen, Huxley^ Hooker et
sir John Lubbock, annotés par M. l'abbé Moigno, chanoine de Saint-Denis,
rédacteur en chef des Mondes, Paris, librairie des Mondes et Gauthier-
Villars, 1875. In-!8 de xxiv-216 p. — Prix : 3 fr. 50. {Actualités scientifiques,
première série, n* 45.)
Le savant et infatigable rédacteur des Momies, M. l'abbé Moigno, publie, à
côté de sa revue hebdomadaire, une collection de petits traités où il exa-
mine les événements principaux du monde savant. La première série de
cette collection est arrivée déjà à son quarante cinquième numéro, dont je
viens de transcrire le titre. Les discours traduits et critiqués dans ce petit
volume ne contiennent aucune idée nouvelle; suivant l'expression d'une
revue américaine, le Sdentific American Journal, ce sont des manifestes cal"
-260 —
culés pour « sonner, du haut d'ane position élevée, le combat inévitable des
années qui vont suivre. » L'étude de ce recueil sera spécialement utile à nos
professeurs de philosophie et de théologie. H. de Vâlroger,
de l'Oratoire.
Passai^e de Vénus sur le soleil» par J. P. A. Madden. Versailles,
Aubert, 1874. In-8 de 23 p. (Extrait du onzième volume des Mémoires de
la Société des sciences naturelles et médicales de Seine-et-Oise.)
L'astronome qui, dans son observatoire, mesure les astres et suppute leurs
distances, a besoin d'une unité d'évaluation proportionnée à la grandeur
des quantités qu'il s'agit d'exprimer. La distance de la terre au soleil,
évaluée en rayons terrestres, est l'unité choisie, et on la mesure au moyen
de la parallaxe solaire^ c'est-à-dire de l'angle sous lequel le rayon de notre
planète serait vu du centre du soleil. On comprend, dès lôrs, combien il
importe de connaître avec exactitude ce très-petit angle : la vitesse de la
terre sur son orbite, la vitesse de la lumière dans l'espace, le diamètre du
soleil, pour ne citer que les données principales, dépendent, en effet, de la
valeur qu'on lui attribue. M. Madden a su, en quelques pages, décrire le
phénomène du passage de Vénus dans ses phases successives ; montrer, en
termes clairs, comment il peut servir à mesurer, par trois méthodes diffé-
rentes, la parallaxe du soleil ; enfin rappeler, par leurs traits généraux, les
faits historiques qui se rattachent aux passages déjà observés en i639,
1761 et 1769. En 1874, la photo-héliographie a donné tous les résultats
qu'on en attendait. Bientôt la discussion des nombreuses observations,
recueillies dans les stations des régions diverses, sera publiée, et elle fixera
la valeur si controversée de la parallaxe solaire. En attendant, la lecture
du court mémoire de M. Madden est une excellente préparation à l'étude de
cette importante question. A. D.
Principes raisonnes de la méUiode intellectuelle appli-
quée et l'éducation maternelle» A l'enselsnement scolaire
et èk l'apprentissage professionnel, par J. Gdchet, directeur de
l'école et du pensionnat de Glisson. Paris, A. Picard, 1875. In-12 de xv-
272 p. — Prix : 3 fr. 50.
Cet ouvrage sert d'introduction à un cours d'instruction élémentaire que
doit publier M. Guchet pour appliquer sa méthode. Son œuvre est sérieuse,
réfléchie ; tout y est dit avec beaucoup de clarté. Il expose la manière
dont se développe l'intelligence, dont elle acquiert les connaissances,
la méthode rationnelle d'après laquelle elle doit opérer, et il fait
une application sommaire de sa théorie à quelques parties de l'enseigne-
ment. Tout ce qui concerne l'entendement, l'instruction, la mémoire, l'ima-
gination, initie bien au travail accompli dans notre esprit par le fai
des sensations, de l'attention, de la comparaison, du raisonnement, etc. Mais
on n'y trouve pas cette exactitude rigoureuse, essentielle dans un ouvrage
didactique. Ainsi, l'auteur prétend (p. 9) que l'attention d'un esprit exercé
dispense de la comparaison; ailleurs, il parle d'une c fausse intelligence, »
n faut aussi signaler une grave lacune sur l'origine des idées. •
La seconde partie est consacrée à la méthode ; elle s'occupe de l'analyse et de
la synthèse; de la copie, de l'institution et de l'invention ; de l'habitude ; de
la méthode socratique, de la méthode expositive de llnduction et de la
déduction. Les applications que M. Guchet fait de ses idées donnent lieu à
une foule d'excellentes observations dont les maîtres ont à faire leur profit.
— 361 —
Nous signalerons notamment ce qui regarde renseignement de l'orthographe.
Mais était-il bien nécessaire d'inventer les mots d'étade autùpiique et d'étude
idéoristique? S'il est bon de s'élever contre les contes de fées, ne devraiton
pas être plus sévère contre les contes scientifiques mis à la mode aujourd'hui?
L'auteur nous parait trop rabaisser la mémoire des mots, qui est l'indispen-
sable auxiliaire de la mémoire des idées. Lui qui est animé des sentiments les
plus chrétiens, n'aurait-il pas dû insister sur la nécessité de ne négliger^ dans
l'enseignement, aucune occasion pour conftrmer les dogmes et les préceptes
de la religion? Nous avons peine aussi à comprendre sa préférence pour les
écoles (c communales. » R. de St-M.
Pie FX. et les études classiques. Appel (mx pérns de familles et aux
instituteurs delà jeûnasse, par Mgr Gaume. Paris, Gaume. 1874. In-12 de
i90p. — Prix: 2 fr.
Mgr Gaume a incontestablement le mérite, sinon la gloire, d'avoir été
l'un des premiers et des plus persévérants promoteurs de la réforme de l'en-
seignement dans le sens de l'introduction de l'étude des auteurs chrétiens
et de l'expurgation des classiques païens. Un bref de Pie IX, approuvant
pleinement ces deux bases de réforme, lui permet de revenir sur la ques-
tion. Il résume et réfute tout ce qui a été dit contre cette réforme, en s'ap-
puyant sur les exigences du baccalauréat, sur les inconvénients et même
l'inutilité de changements dans les méthodes usitées, sur Tintérét de la belle
latinité, sur l'absence de bons auteurs chrétiens. Il est fâcheux qu'il y ait
mêlé la question, tout à fait étrangère, du théâtre, et se soit appuyé d'une
autorité aussi peu recevable que celle de M. A. Dumas fils, qui juge les autres
d'après lui. Mgr Gaume ne dit-il pas trop que qui n'est pas avec lui, n'est
pas avec le Pape, quoique celui-ci n'ait approuvé que les deux principes de
réforme, sans viser les applications qui en ont été faites? N'abuse-t^il pas de
la flétrissure de « libéral, » pour ceux qui ne partagent pas complètement
sa manière de voir ? N'est-ce pas une exagération d'attribuer à la renais-
sance tous nos maux, dans lesquels le pédbé originel a toujours la meil-
leure part? Il accorde trop d'influence au livre, pas assez aux professeurs.
Combien qui nous feraient trembler s'ils étaient chargés d'expliquer des
auteurs chrétiens I Nous regrettons d'autant plus ces défauts dans le livre
de Mgr Gaume que nous sommes de cœur et d'action avec lui pour tout ce
qui tend & ramener -notre génération au christianisme. R. de St-M.
Vie Intime d'un Tpére des Ecoles clii*étlennes« Notice biogra-
phique sur le frère Bérain, mort à Paris, le ii novembre 1872, par Auguste
Garion, prêtre. Seconde éditioQ abrégée. Paris, Poussielgue et Watelier,
1875. In-I2de 136 p. - Prix : 1 fr. 25.
C'est moins l'intérêt que l'édification qu'il faut rechercher dans la vie du
frère Bérain. Car ce ne sont pas des actions d'éclat qui en font le mérite,
mais une rare perfection dans les détails les plus communs. Elle se résume
dans une enfance vertueuse au sein d'une famille chrétienne, dans une scru-
puleuse fidélité à correspondre aux mouvements de la grâce et à suivre la
voix de Dieu qui appelait le jeune Bérain parmi les frères des Écoles chré-
tiennes, où il fut diargé de fonctions importantes, et enfin une ponctuelle
exactitude dans l'accomplissement de la règle. Ce côté est celui qui a été mis
le plus en relief par l'auteur. Son livre est conmie un commentaire pratique
des règles du bienheureux de La Salle. Les Frères y trouveront an charme
-^ 862-
particalier; ceux qui cherchent la perfectioni un modèle et d*ezcellent8
conseils, dont quelques-uns sont tirés des notes laissées par le firère Bôrain
— nous citerons comme particulièrement remarquable ce qu'il dit du tra-
vail ; — tous y apprendront à mieux connaître et, par conséquent, à mieux
apprécier l'esprit qui anime l'institut des Frères et lui fait opérer des fruits
si précieux et si abondants. R. db St-M.
Portrait» de grandes dames» par Imbket Dft Saint-Amand, Paris,
Pion, 1875. Gr. in-18 de 433 p. — Prix : 3 fr.
Grandes dames, en efifet, que celles dont nous entretient M. de Saint-Amand :
grandes par le rang, par la fortune, par l'esprit ou par le cœur : M"^ de la
Vallière, M"^* de Montespan, Tabbesse de Fontevrault, la duchesse de Berry,
fille du Régent, M"* de Lespinasse, la comtesse de Sabran, la princesse de
Lamballe, Marie-Thérèse, et les deux plus grandes peut-être, parce qu*e]les
furent les plus malheureuses, Marie Stuart et Marie-Antoinette; puis, pour
achever la galerie, après toutes ces femmes, illustres & des titres si divers,
deux femmes, moins connues du monde, mais bien connues des pauvres et
de Dieu : Elisabeth Seton et la marquise de Barol. Telles sont les grandes
dames dont M. Imbert de Saint-Amand a entrepris d'esquisser la figure, la
plupart du temps à la suite et à l'occasion d'ouvrages qui en racontaient
plus complètement la vie. Cette tâche, il y a réussi à merveille; les tableaux
très-courts qu'il a tracés sont pleins de relief, de vie et de couleur; le modèle
y est peint avec tous ses traits saillants, avec sa vraie physionomie. Mais ce
que nous louerons surtout dans ce livre, c'est l'esprit profondément chrétien
qui Tanine et qui préside à toutes ses pages. L'auteur n'y a point l'indul-
gence facile du monde pour toutes ces belles pécheresses, devant lesquelles
les courtisans de la faveur ou ceux de l'esprit étaient à genoux, qu'elles s'appel-
lent M"» de la Vallière, M"» de Montespan ou M"* de Lespinasse ; il est pour
elles sévère, mais juste, et de toutes ces vies, même de celle de la duchesse
de Berry, il sait tirer une leçon morale. Comme il faut bien faire la part de
la critique, nous relèverons ici une erreur historique. Dans les deux cha-
pitres consacrés à Marie-Antoinette et Marie-Thérèse et à Marie-Antoinette et
Marie Stuart, M. de Saint-Amand parie de Marie-Antoinette conmie si elle
avait assisté au feu d'artifice du 30 mai 1770, si déplorablement commencé
par une catastrophe, ou du moins conmie si elle avait été à Paris ce jour-là.
Ce ne fat que trois ans après que le dauphin et la dauphine firent leur en-
trée dans la capitale . Mais cette légère tache n'enlève rien au mérite d'un
livre qu'on peut recommander en toute confiance.
M. DE LA ROCHETEBIE.
Demlèrea lettre» d'un passant, par Arthur de Boissibu. Pré-
face par Armand de Ponthartin. Paris, Palmé, 1875. In-12 de 301 p. —
Prix : 3 £r. 50.
Pour se faire une idée de ces Lettres, comme de celles qui les ont précé-
dées, il faut lire la préface qui commence ce dernier recueil : c'est un éloge
et un souvenir d'ami, mais c'est en même temps un excellent morceau de
critique. M. de Pontmartin n'était pas embarrassé pour peindre en peu de
mots et le livre et l'auteur. Nous le sommes bien davantage : pour ce qui
fait le fond de ces lettres, il ne nous convient guères d'y toucher ; les
hommes et la politique de chaque jour, tels qu'ils allaient sous le règne de
M. Thiers, en font presque tous les frais. Pour le style, c'est un composé pi*
— 368 --
qnant de grâce et de finesse, de recherche et de laisser-aller, qn'il est assez
difficile de définir; le mot d'esprit français, dont on a le tort d'ahuser, expri-
merait seul ce mélange. Si cet esprit a des défauts, Arthur de Boissieu les
avait. Ses écrits ont je ne sais quelle coquetterie qui peut plaire ou déplaire
suivant les humeurs. Assurément, il y a une foule de petits jeux d'esprits et
même de jeux de mots qu'on reprendrait chez un autre, et qu'on lui passe
parce qu'il sait tout hien dire : il a ce ton de la bonne conversation qui fait
toujours plaisir chez un écrivain, mais qui n'est pas un fruit du métier. —
En résumé, son livre offre une suite de causeries charmantes^ qui laissent
voir un esprit agréable, un vif bon sens, et, ce qui vaut mieux, un noble
cœur. On ne parcourra pas sans tristesse ces jolies pages, si l'on songe
qu'elles sont comme un adieu de cet aimable passant, qui, hélas I ne doit plus
revenir. G. Philippon.
Ija Oéportatlon et l'abandon de» morts* CitneHére de Méry^ par
Léon Pages. Paris^ Olmeret Taranne, 1875. In-8 de 72 p. —Prix : 0 fr. 50.
Voici un écrit qu'on ne saurait trop répandre dans Paris, au moment
où le conseil municipal veut imposer à la capitale la déportation et l'aban-
don de ses morts. M. Pages y a, d'une plume expérimentée et chaleureuse,
plaidé la cause de la vérité, de la piété filiale, de la légalité. Son substan-
tiel travail est ainsi divisé : observations préliminaires ; anciens cimetières
et législation intermédiaire ; projet de M. Haassmann et discussion qu'il sus-
cita ; reprise du projet par M. Léon Say ; intervention du cardinal arche-
vêque; discussion au sein du conseil municipal, sur un rapport présenté
par M. Hérold, le il avril 1874; mémoires rédigés par divers conseillers ou
ingénieurs ; résolution définitive ; conclusion. — Il est temps encore d'ar-
rêter le conseil municipal dans la voie funeste où il s'est engagé ; l'écrit de
M. Pages pourra contribuer puissamment à atteindre ce résultat. B.
Voltaire, ennemi de Dieu, de la IiVanee et du peuple, par
un ermite en vacances. Bordeaux, Le Goderc, 1875. In-18 de 24 p. QÊuvre
de propagande. — Prix : 15 cent.; le cent, 12 fr.
Tel est le titre d'un petit opuscule vivement et simplement écrit. « Tous les
crimes des révolutions qui ensanglantent la France depuis bientôt un siècle
sortent de la plume de Voltaire ; c'est lui qui les a préparés, conseillés et
rendus possibles, en les alimentant de sa rage contre Dieu. » Ainsi s'exprime
l'auteur de cet opuscule ; puis, à l'aide de nombreux fragments des lettres
de Voltaire lui-même, il nous montre quelle fut la conduite de celui que
Sainte-Beuve, dans ses Ccoiseries du Limdi, a déclaré avoir été un démon, un
météore, plutôt qu'une personne humaine et morale. Voltaire, ennemi de
Dieu, voulait écraser la religion et ses ministres; ennemi de la France, il
ne voyait et ne flattait que le roi de Prusse ; ennemi du peuple, il disait
enfin : c< Il est à propos que le peuple soit guidé et non qu'il soit, instruit ;
il n'est pas digne de l'être. )> P. M.
A Monsieur Tout-le-Monde* I^a C^m^dle du radicalisme^
par Ch. Tresvauxdd Fravàl. Laval, Mary-Beauchône, 1875. In-16 de 80 p.
— Prix : 30 cent.
M. Tresvaux du Fraval est l'auteur de plusieurs brochures d'actualité.
— 364 —
quelqa es-unes en vers, qui se distinguent par des idées très-pratiques, une
grande clarté d'exposition, beaucoup de verve et d'esprit. La raillerie est
une vieille arme gauloise qu'il excelle à manier, et ses ennemis, a les radi-
caux, » n'ont pas souvent eu les rieurs de leur côté. Avant de tenir la
plume, il avait noblement payé de sa personne à Gastelfidardo : je n'ai pas
à insister sur ses opinions. Dans son nouvel opuscule, il passe en revue les
diverses phases de la vie humaine dans la famille, dans la société, les
rouages du gouvernement, le mouvement catholique et les entreprises
maçonniques dont nous sommes les témoins; il signale et flétrit énergique-
ment le mal causé partout par les doctrines révolutionnaires. Il invoque le
témoignage de l'Ecriture, et la cite fréquemment, toujours à-propos. C'est
un livre à répandre : puisse-t-il faire du bien ! L'auteur, au moins, aura
fait son devoir. J.-M. R.
A bas don GarIoa« Louvain, typographie de veuve Gh. Fonteyn, et chez
tous les libraires, 1875. In-8 de 48 p. — ' Prix : 1 fr.
Cette petite brochure, imprimée en Belgique^ porte un titre dont il ne
faut pas s'effrayer ; elle présente, au contraire, la défense de la cause carliste.
L'auteur y passe en revue les objections ordinaires de la Révolution conti*e
la légitimité et, en particulier, contre le carlisme ; il les réfute avec esprit et
entrain. Ce qui a trait aux droits incontestables de Charles Vil est résumé
d'une façon brève mais très-saisissante. L'auteur fait bonne justice de ces
accusations banales contre les carlistes que bon nombre de personnes
répètent tous les jours. Il n'aime pas les révolutionnaires, et nous l'en féli-
citons cordialement. A. H. db V.
Ce 4ue illsent les champs, par M°^* la baronne de MACKAn. Tours,
A. Mame, 1874. In-12 de 138 p. — Prix : 0 fr. 60.
L'ouvrage de M'^^ la baronne de Mackau^ Ce que disent les champs, dont
le Folybibîion a parlé avec éloge (t. X, p. 229) et qui avait paru dans des
conditions de luxe qui en rendaient la diffusion peu aisée, vient d'ôtre im-
primé par la maison Mame, dans sa Bibliothèque de la Jeunesse chrétienne. —
Nous recommandons à nos lecteurs cette édition populaire d'un opuscule
excellent à répandre parmi les habitants des campagnes. L. C.
VARIÉTÉS
LA SOCIÉTÉ GÉOGRAPHIQUE DE RUSSIE ET SES TRAVAUX.
Le congrès géographique de 187S sera marqué dans les annales de la
science. Si l'élite seule a pu prendre part aux séances du congrès, VExposi-
tton, qui en était comme le prolongement, a été visitée par des milliers d'indi-
vidus attirés par la seule curiosité. Tous ceux qui ont eu l'occasion de jeter
ne fùt>ce qu'un coup d'œil rapide sur l'Exposition, auront, sans doute, remar-
qué la place d'honneur qu'y occupait la Russie. Qui n'a pas admiré les ma-
gnifiques cartes du Caucase et du Turkestan, qui tapissaient les murs des deux
premières salles? Elles frappaient, en effet, les regards, sinon par l'achevé
de l'exécution matérielle, au moins par la nouveauté des contrées qui y sont
— 365 —
représentées, pour la première fois, avec autant de précision et une si
grande abondance de détails. Maints visiteurs, après avoir contemplé ces
échantillons de la cartographie russe, et sans se soucier du reste se seront
empressés de décerner à la Russie un brevet de distinction. Et cependant, ce
n'est là qu'une faible portion des richesses scientifiques exposées par l'Em-
pire des Tsars ; le fonds principal en est ailleurs, dans le modeste pavillon
dressé sur la terrasse du jardin, où il reste, pour ainsi dire, caché aux visi-
teurs les plus empressés. Cette humble annexe sert de dépôt aux publications
de la Société géographique; ce sont elles qui m'ont le plus intéressé ; c'est
d'elles que je me propose d'entretenir le lecteur.
Il y a trente ans, la Société géographique n'existait qu'à l'état de projet.
A la première réunion générale, qui eut lieu en 1846, on comptait huit per-
sonnes ^en tout ; aujourd'hui, c'est une des sociétés géographiques les plus
nombreuses qui existent. Elle porte le titre d'impériale *, ce qui lui assure
la protection de l'auguste chef de l'Empire ; des centres secondaires en sont
établis à Tillis pour le Caucase, à Orenbourg pour la Russie d'est, à Var-
sovie, à Vilno et à Kiev, pour la Pologne et la Russie de l'ouest, à Irkoutsk
pour la Sibérie, en attendant qu'il s'en forme un, pour l'Asie centrale, à
Taschkend. Ses membres appartiennent à tous les degrés de l'échelle sociale ;
et le concours sympathique qu'elle a su provoquer dans toutes les parties
de l'immense empire, lui assure, grâce à la sage direction du conseil central,
une heureuse fécondité et une prospérité sans cesse croissante.
Rien ne donne mieux l'idée des résultats déjà obtenus par elle que les
nombreuses publications qui figurent à V Exposition dont elles sont un véri-
table ornement.
Pour s'orienter dans ce dédale des variétés, un fil conducteur est indispen-
sable. Où le trouver ? Le Catalogue général imprimé donne bien le nom de
chaque article exposé ; mais une sèche nomenclature ne suffit pas ; elle a
besoin d'un commentaire détaillé, qui raconte la genèse et l'histoire des
magnifiques résultats de la Société géographique exposés aux regards des
visiteurs.
Heureusement, parmi les nombreuses publications en langue russe accu-
mulées sur les tables, il s'en est trouvé une qui me tira d'embaiTas. C'est
un volume assez élégant, intitulé : Le vingt-cinquième anniversaire de la
Société géographique russe, célébré le 13 janvier 1871 «. Après l'avoir lu,
j'étais parfaitement orienté, je n'avais besoin d'autre guide. L'ouvrage en
question contient trois rapports faits pour la solennité par les représentants
d'autant de sections de la Société. Le premier rapport, traitant des travaux
relatifs à la géographie physique, est rédigé par M. Semenov, le digne pré-
sident de la section ; le second, qui a pour auteur M. Maîkov, est consacré à
l'ethnographie ; la statistique a fait le sujet du troisième rapport, dû à la
plume autorisée de M. Bouschen. Enfin, une revue détaillée des travaux con-
cernant la géographie historique porte la signature de M. Artemiev, dont la
perte récente a causé de si vifs regrets. Sa belle étude, occupant plus de la
moitié du volume (p. 91-223), sert d'appendice aux comptes rendus précé-
dents. Un second appendice donne la liste des sociétaires.
Ainsi, la géographie (physique et mathématique), l'ethnographie et la sta-
tistique, telles sont les branches de science que la Société de Saint-Pétersbourg
1. Saint-Pétersbourg, 1872. In-S de ni-260-vm p.
2. Ce titre fat acccordé à la Société le jour de son Tingt-cinaaième anniversaire,
avec ane subvention annuelle de 5,000 roubles arg., ^outre celle de 10,000 qu'elle
touchait depuis sa fondation, soit 60,000 fr. environ.
— 3W —
s'est donné la mission de cultiver. Les formts principales sous lesquelles
ractiyité de ses membres se produit habituellement, oe aoni les expéditions
scientifiques, la confection des cartes et la publication des ouvrages. On le
voit, le champ est vaste et le travail assez varié. Dans Timpossibilitè où je
me vois de résumer dans quelques pages les travaux de trente ans environ
d'une société savante, nombreuse et prospère, je m'attacherai, cette fois,
à faire connaître la partie relative à la géographie proprement dite, en
réservant le reste pour une autre fois. — Dans l'exposé qu'on va lire, je
suivrai mon guide russe, sauf de le compléter au besoin, et sans entrer dans
les développements quelconques de l'ohginal ; ils ne seraient point ici à
leur place.
Les expéditions scientifiques doivent venir en premier lieu.
Ce n'est pas en Russie que puissent manquer les pajs à explorer : les
dimensions de l'Empire des tsars sont si grandes, les acquisitions faites en
Asie sont encore si récentes que le zèle le plus ardent y trouvera de quoi
s'alimenter pendant longtemps. L'attention de la Société se porta d'abord
sur les parties le moins connues, sur les régions avoisinant les deux ver-
sants du mont Oural et la mer Glaciale, sur la Sibérie extrême, l'Asie cen-
trale et le Caucase. Les résultats des expéditions scientifiques envoyées dans
chacune de ces contrées ont été consignés dans une série d'ouvrages qui
font le plus grand honneur à la Société.
On débuta par Texpédition d'Oural, qui a duré trois années (i847, 1848
et i850). Malgré d'énormes difficultés qu'offrait le pays, le but a été plei-
nement atteint. Outre la découverte de l'extrémité de la chaîne d'Oural, qui
reçut le nom de Rocher de Constantin (en honneur du président de la Société,
le grand-duc Constantin), on constata l'existence d'une chaîne détachée,
appelée Pal-Hol, et allant dans la direction nord-ouest jusque dans l'Ile de
Yalgatch, qui est séparée de NovatOrZemlia par un détroit. L'Oural septefh
trionàl et la chaîne de Pai-Hoi, tel est le titre des deux gros volumes in-4
publiés sous la direction de M. Hofman, avec la collaboration des spécia-
listes de renom, MM. Rose, le comte Kaiserling et les académiciens Brandi
et Rnprecht, et contenant les fruits de cette laborieuse expédition >.
La Nouvelle-Terre était trop près de là pour ne pas attirer l'attention des
sociétaires. Elle eut la bonne chance de trouver dans M. Svenske, un savant
et habile vulgarisateur. Son ouvrage intitulé Novaia-Zemlia, ifu point de vue
de la géographiej des edences naturelles et de Vindustrie \ et orné d'une
carte qui avait été dressée par l'illustre navigateur, l'amiral Lutke, vice-
président de la Société, obtint un succès tel, qu'il fut presque entièrement
reproduit en allemand dans les éditions classiques de Peterman. Au reste,
tout le littoral du nord de la Russie européenne et asiatique deviendra
bientôt l'objet d'une expédition dont on se promet, avec raison, des résultats
sérieux. En attendant, on dut s'occuper de l'extrême orient de la Sibérie
sud-est, de la nouvelle province d'Amour et de la vallée de l'Oussouri.
L'expédition sibérienne commencée, en i854 et terminée en 1803, pré-
senta des difficultés plus grandes encore que celle d'Oural; malgré cela elle
obtint de beaux résultats, témoins ses Travaux publiés en 1864 et 1874 et
partagés en deux parties, dont la première (section mathématique) a été
rédigée par M. Schwarz ', la seconde (section physique), par MM. Sdunidt
1. Saint-PétersboQrff, 1853-1856, 1*' vol. de LXm-307 p. €t le 2« de XV-374-7i-57 p.
« L*onvnffe a été piibUé ansei en allemand,
2. 8aint»Pétertboarff, 1866, 1 vol. ûip8 de vi-i30 p.
3. Ibid. 1864, in-4 ae 400 p. avec oattes.
— 367 —
et Glen i. GrÂce à ses longues et pénibles recherehes, la contrée située
au-delà du lac Balkal se présenta sous un jour nouveau. La chaîne du Sta-
noYOl fût réduite à sa juste hauteur de 5,000 pieds, et il fut constaté que ses
ramifications et plateaux s'étendent sans interruption jusqu'à la mer
d'Okhotsk.
En même temps, le célèbre naturaliste, Auguste Radde, explorait de son
côté la lisière sud-est de la Sibérie * et posait des bases à la zoologie
exacte de ce pays lointain, qu'aucun savant n'a visité depuis Pallas. La
Sibérie nord-est avait été décrite auparavant par l'académicien Blidden-
dorf s, celui je pense, dont l'heureux voyage a donnée à son retour à
Pétersbourg, la première pensée de fonder une société. La province du
fleuve Amour et la vallée de l'Oussouri furent étudiées par MM. Maak et
Regel K Les mêmes contrées devinrent ensuite l'objet de nouvelles
investigations de la part des deux infatigables [voyageurs MM. Pijevalski *
et Vénukov K Le dernier a visité aussi l'archipel du Japon dont il fit une
description à la fois intéressante et érudite ?. Toutefois, igoutons-le, ce
voyage a été exécuté aux frais de l'État-major général et tout à fait en-
dehors de la Société géograpl\^que.
La grande expédition sibérienne dont nous parlions tout à l'heure fut
suivie de plusieurs autres de moindre importance, celles de Yiluisk, d'Olek*
minsk, Touroukhansk, etc., entreprises sous le patronage de la section de la
Sibérie. Cette section, datée de 1851, à son siège principal et son centre
d'action dans la ville d'Irkoutsk.
Les conquêtes récentes dans l'Asie centrale furent suivies aussitôt de
celles de la science. Les noms de Fedcbenko, de Severtsov, de Venukov
demeureront aussi célèbres que celui du général Kaufinan, vainqueur du
Khiva. La France savante connaît déjà le Kahnat duKhohand et les Contrées
avoisinantes « du premier de ces hardis explorateurs, Fedchenko, récem-
ment ravi à la science d'une manière à la fois si imprévue et si tragique.
Ce n'était là du reste, qu'un fragment détaché d'un grand ouvrage que l'auteur
n'a pas eu le temps d'élaborer lui-même, laissant cette tâche à de savants
amis qui s*en sont chargés avec empressement ». M. Severtsov a composé
un ouvrage fort remarquable ayant pour titre : Voyage dans le Turkestan et
exploration du Thian-Chan ^^. Fruit de dix années d'explorations, son livre
donne une description géographique du massif des montagnes du Thian-Chan,
si peu connues jusqu'alors. Toutefois, il n'en fait connaître que le versant occi-
dental ; reste à explorer leThian-Chan oriental, dont les trop fameux Doun-
gands rendent aujourd'hui l'accès si difficile, et qui est non moins ignoré
des Européens que le reste de la Haute-Asie centrale ou la Mongolie.
Quant à celle-ci, il faut s'en prendre à la nature du pays, immense désert
1. Saittt-Péterebourg. 1868, io-4 dexxi-tl9 p. avec cartes.
2. Beiiûn im Suden von Ott^ibêHên in dên Jahnn 1855-1859. Saint- Pétenboorg,
1862 et 1863, 2 vol. in-4 do v-327 et 392 p. avec 29 planches et 4 cartes. La rela^
tion dn voyage lui-mèqie a été insérée dans les Mémoiret di la SodéU, 1861,
t. IV, p. 1.78.
8. 1862 à 1869. 4 vol. in-4.
4. 1861, 2 vol. ia-4 de vm-203-21 et xxiv-344 p. avec 12 planohed et 1 carte.
5. Voyagt dam U pays de VOuuouri, 1870. 1 vol. in-8.
6. Yoyagn el recherchés faiUê dam la région du fleuve Amour en 1854-56.
7. Varchipel du Japon dam eon état actuel. Saint- Pétersbourg, 1871^ in-8 de
VI-154, 97, 83 et 41 p.
8. Bulktén d» la Soe, géog. de Part«, join 1874.
9. Voyage au Turkeetan, 1873, 2 vol. in-4, avec planches et cartes ; le 2* vol. est d«
460 p.
10. Saint -Pétersbonrg, 1873, ia-8 de 460-n p. avec carte.
— i;68 —
d*ane mer de sable. Grâce à cette circonstance, la Mongolie n*est habitée
que vers la frontière de la Sibérie et de la Chine, depuis surtout que TEm-
pire des tsars et celui du Milieu sont entrés en relations commerciales et
diplomatiques.
Un Toyageur intrépide et savant tout ensemble, le colonel Pxjévalski,
vient de faire, dans cette partie de TAsie centrale, des voyages dont les
résultats, malgré les mille obstacles, parmi lesquels la pénurie des ressources
pécuniaires ne fut pas la moindre, ont dépassé toute attente. Ils fourniront
la matière des trois volumes dont le premier, ayant pour titre : La Mongolie
et le pays des Tangentes S est déjà entre les mains de tous. La partie sud-est
du Gobi, le bassin du Khouan-Khé (ou fleuve Jaune) supérieur, la région du
lac Bleu ou Khou-Khou-Noor et le pays des Douçgans, — telle est la route qu*a
suivie l'indomptable explorateur. Une partie de ce parcours ayant été faite par
les abbés Hue et Galet, missionnaires français dont tout le monde à lu le
récit, cela a donné au voyageur russe l'occasion de rectifler plusieurs
de leurs assertions. Il y a, à ma connaissance, peu de voyages écrits avec
autant de science et de charme que celui de M. Prjèvalski. La lecture en
est si attrayante qu*on ne la quitte qu'après l'avoir achevée, et, en déposant
le livre, on éprouve un vif regret que, faute de ressources pécuniaires et
bien à contre cœur, l'auteur ait dû renoncer an voyage de Lhassa, capitale
du Thibet.
Des considérations d'un ordre supérieur ont déterminé, en 1858, Texpédi-
tion du Khorasan, qui obtint, parait-il, plus de publicité que les autres,
grâce à la langue française dans laquelle ont été publiés les principaux
résultats de ses travaux, fort importants d'ailleurs pour la cartographie et
l'ethnographie iraniennes. L'expédition fut conduite par M. Nicolas KhanykoVj
orientaliste et ingénieur, qui en exposa les résultats dans deux mémoires
imprimés à Paris, dont l'un, sur L'Ethnographie de la Perse, a obtenu de la
Société géographique de France la grande médaille d'or >. Le môme auteur
a beaucoup contribué à perfectionner la cartographie du Caucase dont le
souvenir rappelle involontairement ses travaux à côté de ceux de Âbich,
Bartholomée, Berger, Chodzko, Radde, Stebnitski, etc. •
Dans son expédition Caspienne (4853-54), l'académicien Behr a étudié l'état
de la péchehe et a constaté que l'abaissement des eaux de la Caspienne doit
être expliqué par quelque cause violente et non par une action lente et gra-
duelle *. On sait que le niveau de la Caspienne est inférieur de plus de 26
mètres à celui de la mer Noire. Dix ans après, la mer d'Azov, dont la diminu-
tion des eaux offrait un phénomène intéressant à étudier, fut également le
but des investigations confiées à M. Danilevski ^.
En explorant les contrées peu connues de l'Asie dn nord, de l'est et du
centre, la Société n'ignorait pas que ses investigations n'étaient pas toutes
nécessaires au même degré qu'il existait déjà, sur quelques-unes d'elles,
des travaux tout faits dont elle n'avait qu'à profiter. Parmi les ouvrages
consacrés à la géographie de l'Asie centrale, aucun ne jouit d'une renommée
mieux établie et plus méritée que le travail classique de Ritter, intitulé
JSrdAunie. Aussi, dès son début, la Société l'avait-elie pris pour guide et pour
modèle ; elle avait même résolu d'en faire une édition en langue russe, dès
»nt-Pétenboar|^, avec deux magnifiques cartes, 1875, i vol. iD*8 de ix»390p.
ss deux mémoires forment un vol. in -4 de plus do 400 p., accompagné do
1. Saint.
2. Ces
cartes, de plans et de types.
3. C<upi9di$ StuiUn, 1853-1834.
4. Oani les Mémoiru de la Soc. de Pétersb., de 1869, t. II.
— 369 —
que ses ressources le permettraient. Atgourd'hui, nous lui devons déjà six
magnifiques Tolumes, dont les trois premiers ont été traduits et complétés
par M. SemenoY, si bien préparé à ce travail et par sa longue expérience et
par son voyage dans le Thian-Ghan dont il avait rapporté un riche album. Les
deux volumes suivants ont été publiés par M. Grigoriev, orientalise distingué,
et le dernier, qui vient de paraître est dû aux soins intelligents de
M. Kbanykov, celui qui avait jadis conduit la mission du Khorosan. On ne
pouvait faire ni un meilleur choix des rédacteurs, ni un meilleur usage du
capital (20,000 r. arg.) offert par la libéralité de M. Goloubkov. Aussi ce serait
une grosse erreur de penser que la nouvelle édition n'est qu'une simple
reproduction de l'original. Les doctes éditeurs ont fait mieux que cela; après
l'avoir soumise à un rigoureux contrôle, ils l'ont enrichie de notes, de com-
mentaires, d'additions de toute sorte, en telle abondance, qu'on est en droit
de considérer l'édition russe comme un nouveau travail. Qu'on juge par
l'exemple suivant : le quatrième volume, Lt CabiUistan et leKafiristan, remplit
dans celle-ci plus de i,000 pages, tandis que le même pays n'occupe dans le
texte allemand que cent et quelques pages en tout. M. Khanykov en a agi
de même ; au traité original, il a ajouté de longs appendices extraits des
œuvres de M. Spieg^l et autres orientalistes en renom. G'est qu'on voulait
donner une édition vraiment critique, mise au niveau de la science contem-
poraine et enrichie de toutes les découvertes récentes ^
Les publications qui viennent d'être énumérées, et quantité d'autres que
nous passons, parce qu'elles ont été faites en-dehors de la Société géogra-
phique, témoignent assez du mouvement qui s'est produit dans les études
géographiques en Russie. Mais il en résulte aussi qu'elles ont singulière^
ment augmenté le nombre des données topographiques et rendu indispen-
sable un travail où tous ces éléments fussent réunis, coordonnés et fissent
un corps. De là le besoin iirgent d'une nouvelle carte générale de la Russie
de l'Europe et d'un dictionnaire de géographie. La première fut, en effet,
exécutée en 1862 par les soins de la Société, comblant ainsi une lacune que
les travaux précédents, y compris ceux de Koeppen, ne parvenaient pas à
remplir.
G*est à elle encore que revenait de droit la seconde tâche, la rédaction du
grand dictionnaire de géographie et de statistique *.
À l'heure qu'il est, cette œuvre capitale de M. Semenov, entreprise avec
le concours de MM. Zvérinski, Maikov, Filipov et Bock, touche déjà à son
terme. Les quatre énormes volumes sont depuis longtemps entre les mains du
public studieux ; le dernier s'arrête au mot, Siastra-Kassy. Le dictionnaire
contient plus de 16,000 notices nouvelles, dont quelques-unes sont d'une
étendue très-considérable. Ainsi, par exemple, Pétersbourg (y compris le gou-
vernement du même nom) occupe trente-cinq pages d'impression compacte à
deux colonnes; Moscou en remplit vingt-six et Novgorod quatorze. A chaque
article, on trouve une liste des auteurs à consulter, ce qui facilite beaucoup
les recherches ultérieures. La perfection n'étant guère possible dans un
travail pareil, M. Semenov se propose de donner, à la Un, un supplément des-
1. Voici les titres des six volâmes ; — Tome I**^ Introduction générale et confiné orient
taux de VAtie, 1856 ; — Tome II, Thian^Schan et VÀltat chinois, 1859 ; — Tome III,
L'ÀUai rut$9 et Ut duUne de Sagan, 1860 ; — Tome IV, Le Cabalistan et le Kafirittan, 1867,
in-S de xiv-1079 p. ; — Tome V, Le Turkeetan cMnoie, 1869-1873 ; — l'Iran (1" par-
tie), 1874, in-8» de xv-LXV-653 p.
2. Slovar roeeitkot imperU, 4 vol. in-8. 1863-67; — T. I*' de vm-716p. -, — T. II,
de iv-898 p. ; — T. III de 743 p. ; — T. IV de v-867 p. La première livraisoû da
V vol. (Taa-M) a déjà para,
OcTOBBB 1878. • T. XIV, 24.
— 370 —
tinô à rectifier les inexactitades qu'on aara remarquées dans le corps de
l'ourrage, et à combler les lacunes, celles surtout que les découvertes posté*
rieures ont rendues inévitables.
On ne peut que rendre hommage au dévouement éclairé et infatigable
avec lequel la Société poursuit sa noble mission ; aussi la félicitons-nous du
fond du cœur des beaux et importants résultats qu'elle a déjà obtenus^ et
lui souhaitons-nous une longue et féconde prospérité.
J. MllTDfOV.
CHRONIQUE
Néchologib. — M. Denis-Lonis-Martial Avenel, conservateur à la Biblio-
thèque Sainte-Geneviève, chevalier de la légion d'honneur, ofQcier de Tins-
truction publique, est mort à Pans, le 16 août i875, dans sa quatre-vingt-
treizième année. Il était né à Orbec (Calvados), le 26 mai 4783, et non
1789, comme l'indique le DicMoimotre des Contemporains. D'abord secrétaire
du roi de Westphalie, il devint ensuite journaliste, et il donna de nombreux
et remarquables articles, soit politiques, soit littéraires, au Courrier français^
au Temps, au Moniiewr univeirsely & la Beouê «neycibpédtgué, etc. On trouve de
lui d'excellentes notices biographiques dans VEncyàlopidie des gens du
numde. Sa collaboration au Journal des Savants^ qui dura près de vingt
années, fut des plus fécondes et des plus brillantes. Esprit & la fois fin et
judicieux, M. Avenel examina successivement, dans ce recueU, avec non
moins de goût que d'érudition, divers ouvrages importants : l'édition de la
Chronique de Bertrand du Quesdin de Guvelier, par Gharrière; le TaMeau des
instiMions et des mœurs de VÉglise au moyen âge, de Frédéric Hurter; YEistoère
des Vêpres siciliennes d'Amari ; VHistoire de la conquête du royaums de NapUs^
par Charles d'Anjou, du comte de Saint-Priest; la Vie de savU Louis, de Le
Nain de Tillemont; les Mazarinades, de M. G. Moreau; YRUtoire de Madame de
Maintenm, de M. le duo de Noailles, etc. Gomme M. Avenel joignait à toutes
les qualités du critique le don heureux d'un style aussi ferme que pur,
il mérita d'être regardé coDune un des meilleurs rédacteurs d'un journal
où écrivaient les Cousin, les Flourens, les Blignet, les Patin, les Vitet, etc.
Mais j'ai hâte d'arriver à l'ouvrage qui est et qui restera l'immortel honneur
de sa vie, à cetto édition desLeftres, instructions diplomatiques et papiers (f^tol
du cardinal de Richelieu, à laquelle, depuis 1842, il a consacré, pour ainsi dire,
toutes les forces de son corps et de son âme. On n'admirera jamais assez le
zèle et le soin avec lesquels M. Avenel a recueilli, a publié, a entouré de
toutes les explications désirables, les papiers du plus grand ministre qu'ait
Jamais possédé la France. Scrupuleux jusqu'à l'excès, il voulait tout voir,
tout revoir, tout approfondir, même les plus petites questions; sa patience
était infatigable, et, comme elle était accompagnée d'une rare sagacité, on
ne doit pas être surpris de trouver si peu d'omissions et de fautes dans les
six ou sept mille pages de son recueil. A une époque où je n'avais pas
encore le plaisir de connaître M. Avenel^ je disais de lui {Quelques noi/ss sur
Jean Otitlon, le maire de la Roch^le, 1863, p. 14), que c'était le modèle dee
éditeurs. Je ne puis que répéter cet éloge, devenu de plus en plus légitime,
et je suis d'accord, en cetto appréciation, avec tous ceux qui ont examiné
depuis ce beau travail. Je ne dois pas omettre deux étodes que M. Avenel a
— 371 —
publiées dans la Rgvuêâesquêstims historiques^ et qui ont fait sensation dans
le monde sayant : Richelieu^ Lcuis XII Jet Onq-Mars (Hyraison du 1"* janvier
1868), et la Jeunesse de Richelieu (livraison da 1*' janvier 1869). Le vaillant
ëmdit avait promis au même recueil un travail complet sur le Caractère
de Louis Xin, travail pour lequel il avait réuni des notes abondantes, qu'il
n'a pas eu le temps d'utiliser. Avant tout, il tenait à achever son Richelieu.
Dieu n'a pas permis que le vénérable vieillard goûtât l'ineffable joie de voir
son dernier volume entièrement imprimé ; mais, du moins, M. Avenel a eu
la certitude^ en mourant, que son manuscrit serait révisé et que ses
épreuves seraient corrigées par un ami qui ne négligerait rien pour justifier
la confiance dont il l'avait honoré.
Admis dans l'intimité de M. Avenel, l'ayant beaucoup vu pendant les
dix dernières années de sa vie, pendant sa cruelle maladie, et presque
jusqu'à l'heure de sa mort, je puis déclarer qu'en lui l'homme valait l'érudit
C'était un des oœurs les plus droits, un des esprits les plas fermes, un des
caractères les plus nobles que l'on pût rencontrer. D aimait par-dessus tout
la justice et la vérité, et nul n'a jamais été plus que lui l'esclave du devoir.
Daiis sa vigoureuse et si beUe vieillesse, il avait une ardeur de bien faire
digne de ces généreuses années où tout nous est doux et facile. S'il était sévère
pour lui, il était indulgent pour les autres. Aussi, son exquise bonté avait^
elle groupé autour de lui les plus tendres et les plus fidèles affections.
Malade, il s'est toi^gours montré calme et résigné, souriant en quelque
sorte à la mort, pour épargner le plus possible à une famille adorée le
contre-coup de ses souffirances. H s'est éteint avec la sérénité de l'homme
de bien, du chrétien plein de foi et d'espérance. Humble et modeste jus*
qu'à la fin, il avait témoigné le désir que nulle parole ne fût prononcée sur
sa tombe. Mais son éloge est gravé dans le cœur de tons ceux qui l'ont
connu, et,si j'en juge par mespropres sentiments, j'ai le droit d'ajouter qu'il.
ne s'en effacera jamais. «— Ph. Tamizbt db Labboqui.
— M. Gharles-Marie*Wladimir Brunst db PassLBy né à Paris, le 10 no-
vembre 1809, est mort à Parouzeau, près Provins, le 12 septembre 1675. U
était membre de l'Académie des inscriptions depuis le 10 décembre 1852,
et j avait remplacé le baron Wailkenaer. Helléniste consonmié, il s'adonna
à l'étude du grec moderne, ce qui l'avait mis en relations avec les philhel-
lènes qui ont joué un rôle sous la Restauration. Il parlait et écrivait le grec
avec une grande facilité. Depuis plus de quarante ans, sa maison était le
rendez-vous de tous les Grecs de distinction qui venaient à Paris. U était
l'élève affectionné de M. Hase, et, en 4864, lorsque celui-ci mourut, M. Brunet
de Presle, présenté par l'Académie des inscriptions et par l'École des
langues orientales, lui succéda dans la chaire de grec moderne. En 1842,
il avait remporté le prix dans un concours proposé par l'Académie des ins-
criptions sur cette question : Histoire des établissements des Grecs en Sicile jûs^
qu'à la TiducHm de cette Ue en prooinoe romaine. L'ouvrage fut imprimé
en 1845 (Paris, Didot, in-8). En 1850, il fit paraître un EûDomen critique de la
succession des dynasties égyptiennes, travail dans lequel il avait mis en œuvre
toutes les sources grecques relatives à cette question (!'• partie, Paris,
Didot, iii-8 av. pi.). M. Brunet de Presle avait été chargé de continuer le
grand recueil de papyrus grecs conmiencé par Letronne, et il fit pa-
raître, en 1865, en collaboration avec M. Egger : Les papyrus grecs du
Musée du Louoreetdela Bibliothéqueimpériale (Paris, Impr. imp., in-4 de 506 p.
av. atlas in-fol. de 52 pi., extrait du t. XVHI, 2« partie, des Notices et extraits
des manuserits).
— 372 -
On ne doit pas oublier qu'il fut un des fondateurs de Y Association pour
rencouragement des études grecques. Sa précieuse collection de livres, bro-
chures, journaux en grec moderne, collection unique pour sa richesse, a
été léguée à l'École des langues orientales. — On lui doit encore le volume
Grèce, de YUnivers ptïtoresgue, en collaboration avec M. Blanchet, et une
Monographie du Sérapéum de Memphis, insérée au t. n, i^* série, des Mémoires
des savants étrangers.
— M. Connop Thirlwall, né en 1798, mort évêque protestant de Saint-
David, dans le pays de Galles; il était l'auteur d'une Histoire de Gréce^ publiée
dans LaTdner*s Cabinet Cydopedia de 1835 à 1841, en 8 volumes in-8, et réimr
primés à Londres de 1845 à 1852, et le traducteur, avec M. Hare, de VHistoire
romaine de Niebuhr, publiée à Cambridge, en deux volumes, de 1848 à 1852.
Cette traduction n'était point, d'ailleurs son début littéraire : il avait publié,
en 1809, à l'âge de onze ans, un volume intitulé : nFrimitix, or Essays ani
Foems, by Connop Thirlwall, eleven years of âge, with a préface by his
Father, » volume accompagné d'un portrait.
— M. Aimé-Jean-Baptiste-Emest GRAssET,|président de chambre honoraire
k la Cour de Dijon, vice-président de la Commission des antiquités de la
Côte-d'Or, né à Dijon, le 11 mai 1799, est mort en cette ville en septem-
bre 1875. M. Grasset fut successivement avocat en 1818, conseiller auditeur à
la Cour de Dijon en 1822, substitut du procureur général en 1829, conseiller
à la Cour en 1831, chevalier de la Légion d'honneur en 1843, président de
Chambre en 1865, et président honoraire en 1869. On doit à ce magistrat
chrétien un curieux travail intitulé : Un épisode de Vhistoire mtintetpale de
Dijon, travail annexé dans le tome YI des Mémoires de la Commission des
antiquités de la Côte-d'Or, et tiré à part. — A. A.
On annonce encore la mort de M. Edouard Corbière, rédacteur en chef du
Journal du Havre, de 1826 à 1841 , mort à Morlaix, à l'âge de quatre-vingt-
deux ans ; — de M. Octavien Bringnier, président de la Société pour l'étude
des langues romaines ; — de M. Jean-FVançois Caron, ancien juge de paix
de Pornic, auteur d'une Histoire de Pomic (1859) et du Catéchisme des tneré-
dules (1865), mort dans sa quatre-vingt-cinquième année ; — de M. Jean
Engblmann, président de la chambre des imprimeurs lithographes de Paris,
mort le 29 juillet, à l'âge de cinquante-neuf ans.
CoNGRis. — L'Association bretonne a tenu, à Guingamp (C6tes-du-Nord),
du 30 août au 5 septembre dernier, son troisième congrès annuel depuis sa
résurrection. La réunion était fort nombreuse : on y remarquait un grand
nombre de députés des cinq dépai'tements de Bretagne, presque toutes les
notabilités bretonnes, et des délégués des Iles anglaises. Un concours agricole
général et des concours spéciaux hippique et linier avaient été annexés au
congrès, par les soins de l'Association. Mgr David, évêque de Saint-Brieuc
et de Tréguier, et M. deJouvenel, préfet des C6tes-du- Nord, ont été élus pré-
sidents d'honneur du congrès ; M. de Tréveneuc, député des C6tes-du-Nord,
président de la section d'agriculture ; et M. de Kerdrel, député du Morbihan
et vice-président de l'Assemblée nationale, président de la section d'archéo-
logie. On a beaucoup remarqué, à la séance d'ouverture, un discours de
M. Louis de Keijégu, proclamant l'Association bretonne, au nom du bureau
directeur, une œuvre de conciliation générale et faisant appel à toutes les
forces vives du pays,dans un but de régénération sociale. M. deChampagny,
secrétaire général, a présenté, dans le même but, un brillant tableau des
grands résultats produits par les anciennes associations anglaises, et
— 373 —
Mgr DaTid, dans l^allocntion prononcée à la messe du Saint-Esprit, a repris
le même thôme. Des travaux importants ont été couronnés par la section
d'agriculture. Nous citerons, en particulier, ceux de MM. Tabbé Tostidint, sur
la fabrication du cidre, Bourel-Roncière, sur la culture du lin ; Ck)urtois, sur
les engrais artificiels, et Kersanté, sur les vices redhibitoires des chevaux.
Dans la section d'archéologie, nous devons une mention toute spéciale &
réloge du regretté président, M. Aymar de Blois prononcé par M. S. Ropartz,
Tauteur de la Vie de J, M. de Lamennais, et des Études sur Guingamp ; —
à. la conférence de M. de la Borderie sur Noël Du Fail; — à la biographie
de Mlle de Kerouartz, fondatrice des Ursulines de Kemperlé, par M. Audran ;
— à la longue discussion engagée entre MM. Lallemand et Tabbé Maréchal,
sur la destination des dolmens; — aux mémoires de M. Raportz, sur la
famille Descartes en Bretagne, et sur le catalogue de jurisprudence bretonne
de feu M. le comte de Corbière ; — à la carte des monuments mégalithiques
de Farrondissement de Guingamp, par M. Gautier du Mottay ; — aux rap-
ports de M. Kerviler, sur les fouilles de Saint-Nazaire et sur Touvrage de
M. Du Bouêtiez de Kerorguen : Recherches sur les États de Bretagne ; — aux
légendes bretonnes de MM. Dulaurens de la Barre et Luzel ; — au projet
d'une grande publication spéciale à Thagiologie armoricaine, formé par
MM. de la Borderie, Ropartz, dom Plaine, et l'abbé Ghauffier; — au Fouillé
historique de Tarchidiocèse de Rennes, par M. Tabbé de Gorson, etc., etc.
Avant de se séparer, TAssociation a complété son bureau de direction, en
nonmiant M. Ropartz, président de la section d'archéologie à la place de M. de
Blois, décédé, et M. P. Huguet, secrétaire de cette section, à la place de M. Ro-
partz. — Suivant la coutume, d'intéressantes excursions archéologiques ont
eu lieu aux environs de Guingamp, en particulier à Notre-Dame de Grâces,
et l'aviso de l'État, VArvemey a conduit une partie du congrès à Jersey et
Guernesey, où les membres ont reçu la plus cordiale réception. — R. K.
— Le congrès géodésique européen a tenu sa session annuelle le 20 sep-
tembre et jours suivants, à Paris, dans les salons du ministère des affaires
étrangères^ sous la présidence de M. le général Banez, délégué de l'Espagne,
qui préside cette année le comité permanent.
Mdsée du Louvre. — On vient d'exposer, au musée du Louvre, sur le palier
de l'escalier assyrien, six bustes impériaux découverts à Markouna, près de
Lambèse, en AMque ; ils ont été rapportés par notre collaborateur, M. Ant.
Héron de Yillefosse. Ils représentent Marc-Aurèle, Lucius Vérus, Lucille,
Annius Vérus, Septime-Sévère et Plautille. Plusieurs inscriptions, provenant
de la même mission, et quelques monuments trouvés à Carthage sont placés
au même endroit.
Inauguration de la statue de Chateaubriand a Saint-Malo. — Le di-
manche 5 septembre a eu lieu à Saint-Malo, au milieu d'un immense con-
cours des populations bretonnes, et après une messe solennelle célébrée à
l'antique cathédrale, l'inauguration de la statue élevée à l'auteur du Génie
du Christianisme, sur la place qui porte son nom, devant la maison où il est
né. Cette statue, due au ciseau du sculpteur A. Millet, respire un air de
grandeur et de mélancolie qui a vivement impressionné l'assistance. Un
grand nombre de discours ont été prononcés à cette occasion. M. Houitte
de Lachesnaye, maire de Saint-Malo, au nom de la municipalité; M. Camille
Doucet, au nom de l'Académie française ; M. le duc de Noailles, comme
successeur de Chateaubriand au fauteuil académique; M. Paul Fé?al,au nom
de la Société des gens de lettres, ont successivement rendu hommage, de-
vant le monument , au grand publiciste et à l'éminent poète. Mais le mor-
— 374 —
ceau qui nous a pin dayantage a été le toast porté le soir an banqfaet
municipal par un troisième académicien^ breton celui-là, M. Garo, qui a
enleyô tous les suf&ages par un éloquent appel au génie de la Bretagne; au
même banquet, on a encore entendu M. le comte de Chateaubriand, Tun des
derniers représentants de la famille; le vénérable M. Sauzet, délégué de FÂca-
démie de Lyon, et d'autres orateurs dont les noms sont moins retentissants.
La municipalité avait très-bien organisé les fêtes, et Timpression générale a
été fortsatbfaisante. Un seul reproche aux organisateurs : l'Association bre-
tonne qui siégeait à Guigamp avait envoyé une députation aux fêtes de
Saint-Malo ; pourquoi le président de la députation, M. de la Borderie,
député d'Ile-et-Vilaine, qui avait préparé un excellent discours et qui était
plus qu'aucun autre en droit de déposer son hommage aux pieds de son
illustre compatriote, n'a-t-il pas été admis à prononcer sa harangue?...
Plusieurs pièces de poésie ont été publiées à l'occasion de cette cérémonie.
En-dehors de l'ode de M. Maury, récenmient couronnée aux jeux floraux,
nous citerons celles de BIM. Célestin Roche, A. du Glézieux et Hipp. de Lor^
geril. — R. K.
Lectures faites a l'Académie des inscbiptions et belles-lbttbes. — Dans la
séance du 3 septembre, M. de Longpérier a communiqué une note surForigine
du vers Indocti disearU et ament meminisseperUi, qui doit être attribué au prési-
dent Hénault. -- M. Derembourg a communiqué une noté sur une inscrip-
tion néo-punique trouvée aux environs de Cherchell. Dans les séances du
3 et du 10, il a été donné communication d'un rapport de M. Victor Guérin
sur sa mission en Palestine. — Dans la séance du 10, M. N. de Wailly a com-
muniqué une note au sujet d'un article publié par M. le comte Riant, dans la
Bévue des questione historiqueSy pour protester contre les critiques dont Ville-
Hardouin y a été l'objet; M. Alfred Maury a continué la lecture de son
mémoire sur les inscriptions étrusques. — Dans la séance du 47, M. Bouley,
de l'Académie des sciences, a communiqué une note sur Claude Bonrgelot,
fondateur des écoles vétérinaires en France; H. Thurot a lu un extrait de son
introduction au Recueil des historiens ocddeiUaux des Croisades^ lecture con-
tinuée dans la séance du 24; et M. Desjardins a continué la lecture du
mémoire de M. Tissot sur la géographie de l'ancienne Mauritanie. — Dans
la séance du 24, M. Germain a communiqué un mémoire sur le Registre du
Procureur des étudiants, conservé aux archives de la faculté de médecine de
MontpoUier.
Lectdbes faîtes a l'Acadévib des sciences morales et FOLmQUBS. "— Dans les
séances du 4, du li et du 48 septembre, M. Maurice Block a lu un mémoire
sur la décentralisation en Prusse. Dans les mêmes séances et dans celle du
25, M. Henri Baudrillart a continué la lecture de son mémoire sur le luxe et
les moralistes. — Dans la séance du 25, a été lu un fragment d'un mémoire
de M. Krug-Bass sur l'administration de l'Alsace avant la révolution.
Société médicale de Jonzac. — Nous avons sous les yeux le Rapport sur les
travaux de cette société pendant les années 4874-4875, par le Dr E. Lafar-
gue, secrétaire général (Jonzac, impr. L. Ollière, 4875, 24 p. gr. in-8). La
lecture de ce travail remarquable suggère quelques réflexions pratiques. Une
quarantaine de médecins, pharmaciens et vétérinaires se réunissent pério-
diquement au chef-lieu de l'arrondissement où ils exercent, apportant à ces
séances les difficultés ou les résultats acquis de leur pratique et quelquefois
des mémoires écrits sur des observations particulièrement intéressantes. Cau-
series et lectures remplissent à merveille le temps toujours trop court de la
^ 375 —
réunion. De plus, les mémoires imprimés on mannscrits constituent les archi-
Tes de la Société, ardÛTes du plus grand prix, quoique le secrétaire général
les trouve trop pauvres, la plupart des membres ayant rarement le goût ou
le temps d'écrire. — Pourquoi une telle institution ne se généraliserait-elle
pas? N'est-il pas déplorable que les médecins de proTince vivent presque
tous dans l'isolement de leurs confrères? Sans parler de ces rivalités mes«
quines, de ces inimitiés professionnelles qui sont l'un des plus tristes fléaux
de la vie médicale, n'est41 pas évident que beaucoup de médecins glissent
dans la routine et l'indifférence à tout progrès, par l'absence d'un centre
intellectuel et de toute occasion de communications scientifiques? Il y a plus ;
les réunions médicales seraient le moyen le plus efficace de relever morale-
ment la profession, en la rattachant aux saines doctrines et aux bonnes tra-
ditions religieuses, philosophiques et sociales. Il est impossible que, dans
ces centres provinciaux où les médecins répandus dans le pays se réuni-
raient périodiquement, pour causer du grand art de guérir le corps, le plus
grand de tous les arts après celui de sauver les âmes, la vraie et légitime
influence des supériorités intellectuelles et morales ne triomphât pas peu
à peu des erreurs et des préjugés retenus d'un enseignement suspect et des
habitudes de la vie d'étudiant. — Quoi qu'il en soit, s'il est permis de juger
de la Société médicale de Jonzac par les pages de son secrétaire général,
M. Lafargue, médecin à Montguyon, on peut en concevoir l'idée la plus
flatteuse. Beaucoup d'observations intéressantes, relatives soit à la médecine,
soit à la chirurgie, y sont présentées sous une forme concise, mais avec un
détail suffisant pour intéresser tous les médecins studieux. De plus, sans
sortir des limites de la clinique, où se restreignent les travaux de sa
Société, le savant rapporteur laisse voir, dans les quelques considérations
générales de son début et de sa conclusion, une intelligence très-versée
dans la philosophie médicale, et qui ne sépare pas les principes de son art
des principes religieux sans lesquels ne saurait s'accomplir aucun progrès
digne de ce nom.
L'AsTEONOMiB GRSCQUB ET ROXiONB. — Le savaut doyon de la faculté des
lettres de Rennes, M. Th, H. Martin, vient de publier, dans la quatrième
livraison du Bktionnaire des antiquités grecques et romaines, un ariicle qui n'a
guère qu'une trentaine de pages in-4, et qui, néanmoins, résume tout ce
qu'on sait aujourd'hui sur l'histoire de l'astronomie grecque, dont l'astronomie
romaine ne fut qu'un écho très-faible et très-infidèle. Travailleur infatigable.
Fauteur de cet article prépare, depuis quarante ans, une histoire des sciences
dans l'antiquité ; et des fragments très-nombreux de cette histoire ont été
publiés, soit en France, soit à Rome. Ce fragment nouveau résume, non-seule-
ment les publications volumineuses déjàffaites par M. Martin, mais encore des
dissertations inédites qui doivent paraître successivement dans le recueil des
Mémoires de V Académie des Inscriptions, U est divisé en quatorze sections,
dont voici les titres : I. Noms antiques de Vastronomie; II. Enfance de Vastro-
nomie pratique; RI. Cosmographie populaire des Qrecs et des Romains; IV. Eyp>-
thèses astronomiques ; V. Progrès des notions préliminaires ; YI. Progrés des ins*
truments et des procédés d*observation ; YD. Observations empruntées; YDI, Astr<^
nomie steUaire et précession des équinoxes; XI. Astronomie solaire; X. Astrono-
mie lunaire; XI. Astronomie planétaire; XR. Tables axtroniomiqueSf époques et
éres\ XIR. Aepeets, levers, couchers des astres \ XIV. Bésumé historique et
bibliographique. — Si grand que soit le nombre des renseignements condensés
sous chacun de ces titres, l'exposition est aussi nette que possible; la préci-
sion lomineuse du style y satisfait l'esprit, comme la netteté des caractère)
— 37« —
typographiques et la beauté du papier satisfont les yeux. Chaque colonne
du texte repose sur une base solide de notes serrées, qui fournissent toutes
les indications nécessaires pour vérifier, approfondir ou compléter les
thèses énoncées par l'auteur. Le nombre de ces notes s'élève à quatre cent
quinze ! On éprouve un sentiment profond d'admiration, quand on considère
les trésors de science renfermés en si peu d'espace. — H. db Yalboger.
Un manuscbtt hébreu de 916-917. — Parmi les dernières acquisitions de la
Bibliothèque publique de Saint-Pétersbourg, on mentionne un manuscrit
hébreu datant de 916-917. Ce manuscrit est important surtout à cause du
système de ponctuation dite babylonnienne qui y est observée et qui est
plus ancienne que celle dont on se sert maintenant et qu'on désigne sous
le nom de hiérosolymitaine, inventée au septième siècle. Aussi, vu l'impor-
tance du manuscrit, l'administration de la Bibliothèque a-t-elle résolu d'en
faire une reproduction photolithographiée et elle a obtenu du Gouvernement
un subside de plus de 9,000 roubles argent (environ 35,000 francs). Outre la
reproduction du précieux manuscrit, on imprimera le catalogue de tous les
textes bibliques que la Bibliothèque avait achetés, en 1859, aux Firkovitch,
leurs anciens propriétaires.
Une brochure sur les États-Unis. — Nous avons sous les yeux une bro-
chure de M. Alexandre de Rabanesse (Les anciens États confédérés depuis la
guerre de sécession^ etclParis, A. Pougin, 1875, in-8 de 31 p.), pleine de ren-
seignements, dont les hommes politiques pourront faire leur profit. On se
rappelle l'enthousiasme excité au sein d'une partie du public français par
la proclamation du président Lincoln. L'abolition de l'esclavage y était
représentée comme le but principal de la guerre soutenue contre le Sud.
Nous nous plaisions alors à nous figurer les Américains ilu Nord comme des
modèles de philanthropie ardente et désintéressée, mus par le désir exclusif
de rendre à la liberté et & la dignité de citoyens trois ou cpiatre millions de
leurs frères, jadis importés d'Afrique. L'on s'empressait de présager un
brillant avenir de paix et de prospérité & cette grande Républiqpie d'outre-
mer, enfin guérie de la plaie qui, seule, empê(^ait la concorde de se réta-
blir entre le Sud et le Nord. L'intéressante brochure de M. de Rabanesse
prouve assez combien il y a à rabattre d'une espérance trop légèrement
conçue, et son témoignage acquiert une gravité toute particulière de ce
fait,'qu'il a longtemps séjourné dans le pays dont il parle, et qu'il a pu
constater chaque chose de visu.
Le tableau qu'il nous trace de la situation des anciens États confédérés
est bien triste. La main du vainqueur s'est appesantie sur eux, et leur sort
se trouve à peu près entièrement remis entre les mains de ces PolUicians
connus sous le nom de Carpei Baggers. Ils exploitent, à leur profit, les pré-
jugés des gens de couleur contre ceux qui furent leurs maîtres, et se
servent trop souvent des fonctions qui leur sont confiées pour satisfaire leurs
intérêts personnels. On juge en quel état se trouvent les finances de ces
malheureux États. Au prix des plus persévérants efforts, les anciens plan-
teurs parviennent difficilement à conjurer la ruine dont ils sont menacés.
Quelques-uns commencent à chercher, dans l'industrie, des ressources qne
l'agriculture a cessé de leur fournir. L'introduction des coolies chinois
parait effectivement n'avoir point produit les résultats que l'on en attendait,
et l'introduction de cultivateurs européens sera nécessaire pour suppléer à
la nonchalance des nègres affranchis. Ces derniers, ayant d'ordinaire peu
de besoins à satisfaire, préfèrent la pauvreté au travail, et, pour eux, la
liberté, c'est le droit de ne rien faire. Quoi qu'il en soit^ on ne saurait
— 3T7 J-
nier qne les 'procédés dont use le Nord, yis-à-vis des États yaincns ne
soient de nature à susciter de graves difficultés pour plus tard. L'avenir do
rUnion et celui même de la liberté politique en Amérique sont intéressés à
la prompte suppression de tels abus. —H. de Gh.
Uns imprimbrib ▲ Boulak. — Le Mobaeher donne, d*aprés une correspon-
dance qui lui est adressée du Caire, les détails qui suivent sur l'imprimerie
khédi?ienne de Boulàk :
L'imprimerie de Boulak est le premier établissement de ce genre qui ait
été fondé en Orient. Sa création remonte à Tannée 1245 (1829-1830) ; elle
est due au kbédive El-Hadj Mohammed Ali. Des hommes éminents en ont eu
successivement la direction ; nous citerons entre autres : Ali Afendi Djoudet
et Abd Er Rahmane Bej Rachdi. Un homme vraiment remarquable par son
savoir et ses qualités aimables, Hossaine Bey Hassani, est aujourd'hui placé
à la tête de cet établissement. En 1287 (1870-1871), S. A. le prince régnant,
Ismail, apprenant le zèle et l'intelligence apportés par Hossaine Bey dans
l'administration de l'imprimerie de Boulak, le chargea également de la ges-
tion de l'usine à papier.
Le papier qui sort de la fabrique est fort beau. Le Caire peut main-
tenant se passer des produits étrangers. Les contrées voisines y font leurs
commandes. Cette usine est contiguê à l'imprimerie ; elle est située sur les
bords du Nil. Le nombre des employés, dans ces deux établissements, est
de 300. L'imprimerie livre des ouvrages en langues arabe, turque, persane,
française, anglaise, etc. Les Nouvelles égyptiennes s'y impriment, ainsi que
les calendriers, les timbres-poste, les billets d'embarquement^ les arrêtés du
gouvernement. Le directeur de l'imprimerie a engagé son mandataire^
Mohammed-Afendi Hassani, k suivre les cours de chimie et de physique de
l'école de médecine, pour y étudier ce qui concerne la fabrication du papier.
De Paris, on envoie des livres k imprimer en langue persane. On y compose
également des ouvrages en caractères moghrebins. On s'y occupe en ce
moment d'une édition de Sidi-Khelil. (Journal officiel.)
D(7 ROLE DÉCORATIF DE LA PEINTURE EN mosaIque. — M. Ed. Didrou voudrait
remettre en honneur un procédé de décoration dont les anciens, puis les
artistes de Byzance et les Carolingiens tirèrent un merveilleux parti. En
France, la mosaïque est aujourd'hui, et depuis longtemps, délaissée pour la
peinture, qui ne présente pas la même solidité et produit des effets tout dif-
férents, beaucoup moins heureux au point de vue purement décoratif.
M. Garnier l'a employée dans la décoration de l'avant-foyer de l'Opéra, mais
M . Didron désirerait la voir appliquer à nos édifices religieux, à ceux sur-
tout qui, comme l'église du Vœu national, témoignent de larges emprunts à
l'architecture byzantine. La brochure qu'il vient de publier sous le titre
transcrit pi as haut, est très-intéressante, accompagnée de planches curieuses,
retraçant à grands traits l'histoire de la mosaïque, exposant ses procédés et
ses ressources. L'idée du savant archéologue mérite l'attention des anti-
quaires et des artistes. — J.-M. R.
Le Protontologismb. — Nous avons consacré, en avril dernier (PolybûAiùn^
t Xin, p. 307), AUX Éléments de phHùSophie àB M. Ant. Caneva, prêtre de
Plaisance, un article qu'une revue italienne a déclaré écrit dans un sens
plus que catholique. Nous croyons avoir été simplement exact et impartial;
mais se déclarer nettement contre le positivisme et l'hégélianisme, c'est un
excès intolérable au jugement des témoins intéressés. Quoi qu'il en soit,
on peut se souvenir que ce principe : Dieu est le premier inieUigible et le
- 378 —
premier eaiendu (inteso), est la base du système firotoiMùgiquê de M. Ant.
Ganeya. Nous lisons cette désignation an peu étrange à la page 24 d^one
brodiure du même autenr (IntelUtto e ienso in orâim aUa natwra ed origine
délie idée, poche pagine in agginnta al 2* Tolnme de' snoi Mlementi di fUo^
sofa. Piacenza, tipogr. A. del Majno, 1873, 39 p. in-12). Cette petite publi-
cation, bonne à consulter pour ceux qui yeulent aToir une idée juste de la
doctrine de M. Ganeva, renferme d*abord un résumé de sa théorie de
l'origine des idées, puis des réponses aux objections qu'on lui a opposées
de divers côtés. Ce qui nous firappe dans cette discussion, où nous ne
devons pas entrer, c*est que M. Caneva, tout en ayant pour adversaires
déterminés les nouveaux pérîpatéticiens, s'appuie toujours sur les docteurs
scolastiques. — Léonce Couture.
Un petit anachronisme de M. Meissonier. — M. Meissonier, parlant au nom
de rAcadémie des beaux-arts de l'Institut de France, le jour de l'inaugura-
tion du monument de Michel-Ange, à Florence, s'est exprimé ainsi : « De
cette belle Italie, cette terre des arts, tu es conmie le jardin, heureuse
Florence I Tu n'es pas seulement la ville des plus belles fleurs de la nature,
tu es la ville des plus belles fleurs de l'esprit humain I Tu es la ville de la
renaissance des lettres, des sciences et des arts I Je ne puis nommer tous tes
fils; tu as eu Oante, Pétrarque, et avant Galilée... » Quoi donc? Galilée, qui
est de la seconde moitié du seizième siècle et de la première moitié du dix«
septième, amnt Dante^ mort au commencement du xiv* siècle (1321), avant
Pétrarque, mort avant la fin de ce même xiv« siècle (1374) I — T. os L.
Etat des Bibliothèques de Paris. -^ Conformément à une récente circa*
laire de M. le Ministre de l'instruction publique, les administrations des
diverses bibliothèques de Paris ont dressé une liste exacte des volumes de
ces établissements. En voici les chiffres : Bibliothèque de l'Arsenal, 200,000
volumes, 8,000 manuscrits ; *-> Bibliothèque de la Sorbonne, 80,000 volumes ;
— Bibliothèque de l'École de médecine, 35,000; — < Bibliothèque natio-
nale, 1,700,000 volumes imprimés, 80,000 manuscrits, 1,000,000 d'estampes;
cartes et gravures 120,000 médailles; ~ Bibliothèque Mazarine, 200,000
volumes, 4,000 manuscrits, 80 modèles exécutés en relief et représentant
des monuments pélasgiques de l'Italie, de la Grèce et de l'Asie-Mineure ;
— Bibliothèque Sainte-Geneviève, 160,000 volumes imprimés, 350,000 ma-
nuscrits; •— Total : 2,375,000 volumes, 442,000 manuscrits et 1,120,000
estampes, médailles, etc.
— Les journaux anglais. -• Le Journal officiel a publié, d'après oa
ouvrage anglais intitulé : History of AdverOsing from the earliest Hmi$, un
intéressant article sur l'origine de l'annonce, son apparition en Angleterre
et les premiers journaux anglais ; nous lui empruntons quelques détails.
Le premier essai de la création d'un journal en Angleterre date de 1642,à
l'origine de la guerre civile. Le public était, à cette époque, extrêmement
avide de nouvelles. Un libraire-gazettier résolut de publier un journal hebdo-
madaire sur le modèle des gazettes vénitiennes qui circulaient alors manus-
crites. Après deux ou trois essais timides, il poussa la hardiesse jusqu'à se
lancer dans une annonce assez longue ; mais, comme toutes les idées nou-
velles, sa témérité ne rencontra que de l'indifférence, puis de l'opposition.
Le monde des lettres ne lui ménagea point l'invective. La première annonce
anglaise connue parut dans le MercuriUM politicus, janvier 1652 ; c'était l'an-
nonce d'un poème héroïque, vendu par John Holden, dans le New Excbange,
à Londres, et imprimé par Th. Newcourt.
— 379 -
Quelques années après (1657)« parut un autre îDeékly^ ou journal hebdoma-
daire, le Public Advertiser^ dont le premier numéro porte la date des 19 et 26
mai, imprimé pour Newcombe, dans Thames street. Cette feuille se compo-
sait presque uniquement d'annonces; on y signalait l'arrivée et le départ
des navires, Tapparition prochaine de tel ou tel livre sous presse, etc. Ce
genre de publication alla se multipliant; la plupart des feuilles de cette
époque contiennent des annonces relatives aux apprentis enfuis de chez
leurs maîtres, aux petits décrotteurs, aux foires qui ont lieu, aux combats
de coqs, aux vols avec effraction ou sur les grands chemins, aux chevaux
volés, aux chiens perdus, au départ des coches pour la province, coches
qui quelquefois, chose inouïe 1 se hasardaient jusqu'à Edimbourg.
En i682, un certain J. Houghton, apothicaire et en même temps mar->
chand de thé, café et chocolat, fonda, dans la ruelle Bartholomée, un
journal qui n'eut pas une longue existence, mais qui reparut plus solide
en 1692. Doué d'une persévérance infatigable, d'un grand esprit d'initiative
et de beaucoup d'industrie, ce personnage habitua ses contemporains à un
système régulier d'annonces. A cette époque, le système d'annonces par
la voie des journaux s'était fort développé, grâce surtout à la London Gazette^
la seule feuille qui existe encore aujourd'hui, de toutes celles qui virent le
jour vers le milieu du dix-septième siècle.
Au commencement du dix-huitième, il était déjà parfaitement reconnu
que le meilleur mode de publicité, non-seulement pour le commerce, mais
encore pour les nouvelles politiques, pour la négociation des mariages, pour
la chasse à la fortune, etc. était l'annonce dans les journaux. A la fin du
dix-huitième siècle et au commencement du dix-neuvième, les choses
étaient à peu près comme elles sont aujourd'hui, où les journaux quotidiens
et les autres périodiques tirent leur principale source de revenu de leur
clientèle d'annonces.
Dans cette industrie, le Times et le BaUy Tekgraph emportent la part du
lion. — Ce fut, comme on sait, en 1786, que parut, sous le titre de Daily
Universal Register, le journal qui devait donner tant d'impulsion au journa-
lisme littéraire, ainsi qu'aux industries matérielles qui s'y rattachent. Il ne
prit le titre de Times qu'au i®' janvier 1788. Les commencements furent
pénibles ; c'est seulement sous le second de ses éditeurs de la dynastie des
Walther, qu'il prit son essor. Walther H, né en 4784, devint,en 1803, le seul
propriétaire et éditeur du Times. Dénoncé pour avoir attaqué l'administra-
tion de lord Melville, il perdit les impressions du bureau des douanes qui
lui avaient été confiées jusque-là ; puis, quand vinrent les guerres de l'em-
pire, où le besoin de nouvelles était si impérieux dans le public, comme on
lui retenait à la poste et dans les ports les journaux étrangers qui étaient
au contraire distribués sur le champ à ses confîrères, il dut, dans cette lutte
pour l'existence, imaginer des moyens plus rapides d'obtenir les informations
et les nouvelles. Pour arriver à ce but, il n'épargna ni les soins ni l'argent.
La capitulation de Flessingue, en 1809, fut connue et annoncée par lui,
bien avant, on dit même deux jours avant que le gouvernement n'en eût
connaissance. De là l'origine de la vogue du Times, et, par suite, le développe-
ment de ses colonnes d'annonces. Dans l'histoire dont nous parlons, la
recette quotidienne de son département d'annonces est évaluée à un millier
de livres sterling (25,000 francs) par jour. Viendrait ensuite le Telegraph,
qui, dans un seul numéro (décembre 1873), a eu jusqu'à 1,441 annonces, ce
qui fait environ 500 livres sterling (12,500 francs). D'après la même autorité,
que nous ne garantissons pas, du reste, le Standard arriverait bon troisième ;
- 380 -
le Laily News, depuis la dernière guerre, aurait beaucoup étendu son cercle
d'annonces.
Quand anMoming Advertiser, il a une clientèle particulière ; intermédiaire
précieux pour le commerce, il s'adresse surtout à la classe des débitants
patentés, les licensedviciuaUers] tout ce qui tient à la distillerie, à la bras-
serie, aux tavernes, est de son ressort. Le Moming Post a, sous le rapport de
Tannonce, beaucoup d'analogie avec le précédent : il s'attache à une clien-
tèle spéciale.
Journaux périodiques aux États-Unis et au Canada. — Aux États-Unis et
au Canada, il se publie actuellement, selon VAlmanack des adresses pour la
presse périodique, par Rowell, 8,348 journaux et revues périodiques. Les
journaux publiés en langue française, aux États-Unis, sont au nombre de 23 ;
ceux du Canada, au nombre de 32. En langue Scandinave, il parait, aux
États-Unis, 26 journaux; en espagnol, 23; en hollandais, 8 ; en italien, i. En
langue allemande, il s'en publie, aux États-Unis, 338, et au Canada, 9. Les
feuilles du dimanche (Sùnntagsblœter) ne sont pas comprises dans ce nombre.
L'État de Pensylvanie ne possède pas moins de 59 journaux allemands ;
vient ensuite l'État de New York, avec 51 ; il parait chaque jour 5 journaux
allemands dans la ville de New York, autant à Saint-Louis, autant à Mil-
waukie ; il en parait 4 quotidiens à Philadelphie et à Buffalo ; 3 à Chicago,
à Détroit, & Cincinnati, etc.; 2 quotidiens à San Francisco, Indianopolis,
Baltimore, Richmond, etc.; 1 quotidien à Washington, à la Nouvelle-
Orléans, à Kansas City, etc. Tous les autres journaux et revues périodiques,
au nombre de 7|850, se publient dans la langue anglaise.
Production littéraire en Russie.— Du 20 juillet au 30 août, il a été publié,
en Russie, 277 livres et brochures. Le comité de la censure étrangère a exa-
miné, dans le courant de juillet, 207 publications allemandes, 124 françaises,
26 anglaises, 20 polonaises, 10 italiennes et 2 serbes. Ont été prohibées :
7 publications allemandes, 4 françaises, 4 polonaises et 1 italienne. Ont été
autorisées avec des restrictions: 17 publications allemandes^ 11 françaises,
3 anglaises et 2 polonaises. (Indicateur de la presse.)
Exposition de la Presse en Amérique. — Une annexe du palais de l'expo-
sition à Philadelphie est destinée à recevoir l'exposition du journalisme
américain. On y verra l'histoire aussi complète que possible de la presse aux
États-Unis. La première gazette, la May Flower, parut en 1673 ; la seconde,
le Boston News Letter, en 1704 ; la troisième, la Boston Gazette, en 1720. En
1775, il y avait aux colonies 27 journaux ; en 1776, avant la révolution, 40.
Mais en 1850, on en compte 2,526, tirant à 426,409,000 exemplaires ; en 1860,
4,051, tirant à 928,000,000 ; en 1870, 5,871, tirant à 1,500,000,000.
Une lettre inédite de La Bruyère. — Nous avons annoncé ici même, il y
a quelque temps, l'heureuse trouvaille de M. Ulysse Robert. Nous annonçons
aujourd'hui une nouvelle édition de la curieuse lettre de l'auteur des Cœrae^
téres. La première édition était formée de quatre pages extraites de la
Bibliothèque de l'École des chartes. «La présente édition, véritable bijou typo-
graphique qui fait honneur aux presses de Bluzet-Guinier (à D61e), se com-
pose de seize pages et se vend chez H. Champion (1 franc). Les plus zélés
amis de La Bruyère voudront posséder cette plaquette, non-seulement parce
qu'elle a été imprimée avec un soin exquis et à un petit nombre d'exem-
plaires, mais encore parce que le savant éditeur y a joint de nouvelles notes
qui sont pleines d'intérêt. — T. de L.
— 381 -
-* On annonce le catalogue, publié à Arnhem, des œnyres de Jacobus
Houbraken, illustre graveur hollandais du dix-huitième siècle, dont il a été
dit « que jamais grayeur ne régalera, probablement, dans sa manière d*imiter
par le burin les chairs et les couleurs. »
— Le Marchand de Venise^ de Shakespeare, a été récemment traduit en
tamil, par un indien, élève de l'université de Madras, qui doit faire paraître,
pour la fin de Tannée, une traduction du même ouvrage en sanscrit.
— Le czar a accordé 25,000 roubles pour la fondation de Funiversité sibé-
rienne, dont le siège serait à Tomsk. La première pensée de cette création
est due au général Kasnakow, inspecteur de cette vaste contrée, qui a pu
s'assurer par ses yeux de l'absence presque totale de culture intellectuelle
en Sibérie.
— Le second volume de la traduction anglaise des (Euores dramatiqves de
Molière, par M. Van Laun, vient de paraître & Edimbourg. Il est orné de six
gravures de Lalauze.
— Un auteur belge, M. Paul Frédéricq, vient de faire paraître, à Gand, un
remarquable ouvrage d'histoire, sous le titre de Essai sur le rôle politique et
social des ducs de Bourgogne dans les Pays-Bas.
— > La collection des historiens d'Ecosse, qui se publie à Edimbourg, est
arrivée à son cinquième volume, qui renferme les vies de saint Ninian, pre-
mier évéque d'Ecosse, au quatrième siècle, et de saint Kentigem, son succes-
seur. Ces deux vies, si intéressantes pour l'histoire religieuse et politique
du pays, ont été publiées d'après les meilleurs manuscrits des bibliothèques
de la Grande-Bretagne .
— M. Smith, le savant archéologue, auteur d'un ouvrage qui va paraître
sous le titre de Chaldean account of Genesis, vient de partir pour TOrient, afln
de reprendre ses fouilles sur l'emplacement de Ninive.
— VAthenœum annonce que de nouvelles découvertes de curieux manuscrits
en langue sanscrite ont été faites dans l'Inde par les savants chargés ofQcielle-
ment de rechercher et d'examiner les collections qui existent dans cette
contrée. Des textes, jusqu'ici inconnus, des onzième et douzième siècles de
notre ère, ont été soigneusement copiés. Le catalogue en sera publié, en
attendant l'impression des principaux ouvrages.
— L'imprimerie de l'université d'Oxford vient de mettre au jour la plus
petite miniature de Bible qui ait encore été exécutée. Elle mesure
4 pouces 1/2 sur 2 pouces 3/4, avec 1/2 pouce d'épaisseur, et pèse, avec sa
reliure de maroquin, moins de 3 onces 1/2 d'Angleterre. Elle est tirée sur
un papier de l'Inde d'une extrême ténuité et d'une opacité parfaite dans
sa Onesse ; elle est imprimée en caractères lisibles pour une vue ordinaire.
— L'Union centrale des beaux-arts appliqués à l'industrie vient d'ouvrir,
dans une de ses galeries, place Royale, 3, une exposition intéressante,
qui se compose : 1<^ de 160 dessins originaux des maîtres lyonnais du siècle
dernier, ayant Bony à leur tête ; ces dessins représentent des habits et gilets
de cour et de ville, des robes époque Louis XVI ; 2* de 26 dessins originaux,
exécutés à la plume par Adam (oiseaux), dix-huitième siècle ; 3<* de 18 des-
sins de Delafosse, Delalonde, Ranson, J. J. Lequien, Nollet; 4^ de 447 com-
positions originales exécutées depuis nombre d'années, dans l'atelier de
M. Guichard, par lui et par des artistes bien connus dans l'industrie du tapis
et des tentures, des soieries et des mousselines, des papiers peints, de Fébé-
nisterie, des bronzes, etc.; 5<> de 5,859 échantillons de rubans de soie de
Saint-Étienne, de robes et gilets de soie et velours, de passementeries en
soie paille, crin et laine, et enfin, 6«, de 80 échantillons de soieries anciennes
d'une remarquable beauté.
— 382 —
— Un très-eurienx manuscrit vient d'être apporté à Psm par un moine
italien, le P. Matteoli. De ce manuscrit, il résulterait que Gutenberg, Tin-
Tenteur de Timprimerie, a été poursuivi à Mayence pour assassinat d'an de
ses oncles, en 1422, et acquitté après une assez longue détention. Aucune
des biographies de Gutenberg n'avait mentionné cette étrange particularité.
— n vient de paraître chez l'éditeur Féchoz (5, rue des Saints-Pères), un
Tableau généalogique de la maison de Bourbon, depuis Henri IV. On y em-
brasse d'un seul coup d'œil la filiation des diverses branches qui ont donné
des souverains à la France, à l'Espagne, aux Deux-Siciles et à Parme. L'auteur
accompagne son œuvre d'observations sur le blason de France, sur le coq
gaulois et sur l'orthographe du mot Henry. H signale les bévues des révolu-
tionnaires qui, en effaçant de nos monuments les fleurs de Ijs, ne se dou-
taient pas que, les blasons féodaux étant attachés à la terre et non aux per-
sonnes, c'est l'emblème de la France elle-même qu'ils s'acharnaient à
détruire. — A. H. dk V.
— Le R. P. Tondini, connu par ses savants travaux sur l'église russe et
la question religieuse en Russie, vient de faire paraître, en Angleterre, un
remarquable opuscule, dont nous entretiendrons prochainement nos lec-
teurs ; il est intitulé AngHcanism, Old Catholicism and the Union of ike
Christian Episcopal Churches (London, Pikering; Paris, Lib. de la Société
bibliographique, in-8 de 64 p.).
— Nous devons rectifier une erreur typographique qui s'est produite
dans notre livraison d'août, relativement au nom de l'auteur de la bro-
chure Les Baux en Provence : il faut lire Camman et non Common.
— Une autre erreur s'est produite dans la même livraison (p. 143), le
R. P. Latour est auteur d'un recueil intitulé non le Pasteur mais le Parterre
de la sainte enfance.
— La librairie H. Georg, de Lyon, vient de faire paraître un important
ouvrage sur les Archives de Lyon, municipales, départementales, judiciaires
hospitaiOres et notariales, dû à la plume expérimentée de M. Léopold Niepce,
président de la société littéraire, conseiller à la cour de Lyon. H a été tiré
à 200 exemplaires, et forme un fort volume grand in-8, du prix de 20 francs.
Publications nouvelles. — Essai thorique de Droit naturel, par le R. P.
Taparelli d'Azeglio, 2« édition (2 vol. gr. in-8. Tournai, V« H. Casterman).
— Catéchisme poUtique à Fusage des Français, par un homme d'État (in-8,
Blond et Bassal). — La Création et Vœuvre des six jours, par J. J. D. Swolfs
(in-12, Bruxelles, Closson). — Les Harmonies du culte de la trés-sainte Vierge
et la Virginité, par l'abbé Aug. Riche, 3« édit (in-18. Pion). — Je savais bien que
cela me porterait bonheur, par l'abbé Aug. Riche (gr. in-8, Pion). — Nos maux
et leurs remèdes, par l'abbé Edm. de Cazalès (in-12, Douniol). — Histoire du
régne de Louis XIV, par M. G. Guillardin, t. V (in-8, Lecoffre). — Mémoires du
duc de Saint-Simon, t. XIX (in-18. Hachette). — La Flandre pendant les trois
derniers siècles, par le baron Kervyn de Lettenhove (in-8, Bruges, Beyaert-
Defoort). — Jïfémotres d'Odilon Barrot, t. II. ^ La Prusse et la France devant
VHistoire; Essai sur les conséquences de la guerre, seconde partie (in-8, Amyot),
— V Herzégovine, par R. de Saint-Marc (gr. in-8, Baer). — J. Crétineau-Joly.
Sa vie politique, religieuse et littéraire, d'après ses mémoires^ sa correspondance
et autres documents inédits, par M. Tabbé U. Maynard (in-8, Bray et Retaux).
Monseigneur Miecislas Halka, comte Ledochowski, cardinal-archevêque de Gne-
sen et Posen (gr. in-8, Bray et Retaux). — Dictionnaire historique de randen
langage français, par La Curne de SaintrPalaye, fasc. 10 et U (in-4, Chapa-
ionp). — Trésor étymologique ou Étude sur les mots français, par Th. Lepeiit
— 383 —
(in-12, Lihr. de VÉchùd» Ai Sùrlmne). — DUimnaire analytique etétymohgique
des idiomes méridiomux^ parL. Boucarais, fasc. 1 à 16, (Nîmes, Baldy-Rlffard).
— Guide de Vart chrétien, par le comte Grimouard de Saint-Lam'ent, t. VI et
dernier (Oudin et Didron). — Les Principaux chants liturgiques (in-12, Ad. Le
Clere]. — Le Brigandage en Italie depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos
jourSf par Armand Dubarry (in-lS j . , Pion). — Ristoùre de Vorigine des inven-
lions, des découvertes et instiMions humaines, par D. Ramée (in-8 raisin,
Pion). — Vantadono, par M™ d'Arvor (in-12, Tolra). — Maître Olivier^ par
Ch. Dubois (in-12, Le Clere). — Contes du printemps, par E. Richebourg
(3 vol. in-18, Pion). — Contes d'été, par E. Richebom*g (3 vol. in-lS, Pion). —
Le Bire dans la vie et dans tort, par V. Courdaveaux {in-12, Didier). — Dic-
tionnaire de la santé, par le Dr Fonssagriyes, 4* fasc. (gr. in-8, Delagrave).
•--Le Phylloxéra, histoire de la nouvelle maladie de la vigne, par C. Ladrey (in-18,
Savy). — Notice sur le Phylloxéra vastatrix, histoire de son origine, son mode de
propagation, moyens curatifs proposés, par Pierre Tochon (gr. in-8, Chambéry).
— Notice des tableaux, dessùis, estampes, lithographies, photographies et sculp^
tures exposés dans les salles du Musée de rhôtel de vilU d'Aulun, par Hérold de
Fontenay (in-8, Autun). — Le Jeune Ouvrier chrétien, par Mgr de Ségur (in-18,
Tolra). — Oh Maariage dans le monde, par Octave Feuillet (gr. in-18> Michel
L6vy). ViSENOT.
QUESTIONS ET RÉPONSES.
QUESTIONS.
Sur un priétendu mot de
Henri IV. — On a prêté au Béar-
nais beaucoup de mots spirituels
qu'il n'a jamais eu l'occasion de pro-
noncer; mais, en revanche, combien
de sottises lui sont attribuées dans les
recueils d'anecdotes 1 Telle est celle-
ci, qui traîne dans un si grand nom-
bre de livres, et qui aurait été à
l'adresse d'un ambassadeur d'Espa-
gne trop rodomont : « S'il me pre-
nait envie de monter à cheval, j'irais
avec mon armée d^euner à Milan,
entendre la messe à Rome et diner à
Naples. » Je demande & tout homme
de bon sens si un pareil propos a
I'amais pu être tenu par notre Henri
V. C'eût été vouloir aller au-devant
de cette piquante répartie : « De ce
train-là, Votre Majesté pourrait bien
arriver pour Vêpres en Sicile. » Il est
bien évident que la bravade mise si
ridiculement dans la fine bouche du
yainçieur d'Arqués et d'Ivry a été
imag|inée tout e]q)rès pour amener
la riposte de l'ambassadeur espa-
^ol. Je voudrais savoir quel est le
livre où, adressant à Henri IV une
double injure, on lui a, pour la pre-
mière fois, fait dire ce qu'il n'a ja-
mais dit, et fait entendre ce qu'il n'a
jamais entendu. T. de L.
Une blstolre manuscrite
delà IV* croisade.— Du Gange
(Hist. du chef de saint Jean), et le P.
Ignace (Hist, des comtes de Ponthieu)
citent une Histoire manuscrite de la
IV^ Croisade par François Rose, d'A-
miens. Pourrait-on donner quelque
renseignement sur le sort de ce ma-
nuscrit, ou tout au moins sur l'épo-
que à laquelle écrivait l'auteur ?
R.
de «loumal de Malus. — Un
physicien des plus distin^és, E. L.
Malus, mort en 1812, avait pris part
à l'expédition d'Egypte, et il avait
consigné le récit des faits dont il
avait été témoin dans un jfouma/ que,
longtemps après, François Arago dé-
couvrit dans des papiers de famille,
et dont il a donné quelques extraits.
Sait-on ce qu'est devenu ce manus-
— 384 —
crit? Il pourrait donner, en partie dn
moins, lieu à une publication inté-
ressante dans quelque recueil con-
sacré aux sciences historioues. Les
campagnes d'Egypte et de Syrie sont
une des portions ]es moins connues
des annales militaires de la première
république. M. E.
RÉPONSES.
Suser» son llea de nais-
sance (XIV, 287). — Le Folybibliofi
adresse à ses lecteurs une question
sur le lieu de naissance de Sucer.
Sans entendre donner une solution,
j'indiquerai à Tauteur de la question,
comme étant à consulter, une notice
sur Suffer tranchant la question en
faveur de SaintrOmer, dans la Biogra"
phie de la vUle de Saint-Omer, par
Piers (Saint-Omer, 1835, in.-8).
M. Henri de la Plane, dans les Abbés
de Saint'Bertin {observations, t. I,
p. xv), avoue ne rien connaître qui
Êuisse confirmer ces assertions. —
. Menault {Angervillej p. 44), le dit
né à Toury. B. de T.
Bannière» des corpora-
tions d'arts et métiers (XIV,
288).— Pour ce qni concerne la Flan-
dre, consulter i)evignb: Recherches
historiques sur les costumes civils et
militaires des fHldes et corporations de
métiers, Gand, 1847, gr. in-8 avec
nombr. planches. — Devigne : Mœurs
et vsages des corporations de métiers
de la Belgique et au nord de la France,
avec pi. (Gand, 1857). — Devigne :
Vade mecum du peintre ou recueil de
costumes du moyen âge (2 vol. in fol).
— Devigne et de Bustcher : Album du
cortège historique des comtes de Flan-
dre (Gand, av. pi.). — Devigne et
de Bustcher : Album des chars de triomr
phe du même cortège (Gand, av. pi.).
Outre cela, on peut consulter:
Ptckb : Recherches sur les corporations
(Mém. cour, par l'Acad. de Bruxelles).
— Wautbbs : Les Oildes^ dans les Bul-
letins de VAcad. royale de Belgique;
-^ le Messager des sciences historiques,
de Belgique; les Annales des anti-
quaires de la Morinie et celles de la
Société royale des beaux-arts de
Gand. — Hutttens: Recherches sur les
corporations et archives. — Quelques-
uns de mes fascicules des Souvenùrs
archéologi^fues de laviUe deGand^ et
encore bien d'autres publications
dont, au besoin, il serait facile de
fournir la liste.
Emile Varsnbergh.
— L'ouvrage de M. Demay, sur les
Sceaux de Flandre fournira d'utiles
indications, car le sceau et la ban-
nière des corporations représentaient
presque toujours le même sujet. —
Pour le même motif, voir V Armoriai
manuscrit de d'Hozier (Biblioth. nat);
la plupart des corporations durent,
comme les nobles, gens d'église et
bourgeois notables, faire enregistrer
leurs armoiries à la fin du dix-hui-
tième siècle. — Les archives commu-
nales des départements du Nord et
du Pas-de-Calais sont généralement
riches en documents sur les corpo-
rations. S. M. R.
ealnt-André des A^rts pOV
288). — En écrivant Saint-André des
Arts, Vai suivi purement et simple-
ment l'orthoffraphe adoptée et par
M. de Ghastellnx dans le livre dont
je rendais compte, et par M. Auguste
Aubry, l'intelligent éditeur du Bul-
letin du Bouquiniste. Est-ce là la véri-
tai)le orthographe ? Je ne le crois pas,
et je reconnais volontiers qu'il eût été
plus légal de dire Saint-André des
Arcs. On sait, du reste, ^e ce surnom
des Arcs a donné lien à diverses étjmo-
logies dont la plus vraisemblable est
que les fabricants d'Arcs habitaient
les maisons voisines de l'Eglise Saint-
André. Cf. Frédéric Loge : iMettonnoûre
topographique et historique de Vanden
Paris. Hacàette, in-i8, p. 348.
A. Albrier.
Le Gérant^ L. Sandrbt.
8AIM1^UB!fTDf. — IMP. iOU» HOUBIAU.
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
DE QUELQUES OUVRAGES DE JURISPRUDENCE.
Le Droit français, par M. À. Jourdan, professeur à la faculté de droit d'Aix. Paris,
E. Pion, 1875. Iu-8 de xv-580 p. Prix : 7 fr. 50. — Eléments du droit français, par
M. £.. Glasson, professeur agrégé à la faculté de droit de Paris. Paris, 1875,
Guillaumiu. 2 vol. in-12 de 421 et 528 p. Prix : 7 fr. — La Définition du droit,
par M. DE HaullbvillEi Paris, Quillanmin, 1875, 1 vol. in-l? de 382 p. Prix :
3 fr. 50. — De la séparation de corps, vrt M. Massol, professeur il la faculté de droit
de Toulouse. Paris, Duraud & Peaone-Lauriel, 1875; 2* édit., considérablement
augmentée. In-8 de 512 p. Prix : 8 fr. — Les Jeux et paris devant la loi, par
£. Chevallier, docteur en droit. Paris, André Sagnier, 1875. In-12 de 238 p. —
De la division des personnes chez les Romains ; des Actes de l'état civil, par H. Patbn.
Paris, PichoD, 1875. In-8 de 184 p. — De l'accusation publique^ par M. £. Fabrb,
docteur en droit. Paris, Marescq aîné, 1875. In-8 de 496 p. Prix : 7 fr. — Traité
sur tadultère, par M. V. Sibyb, docteur en droit. Paris, Marefcq atné, 1875. In-8 de
456 p. Prix : 7 fr. — Le Code de commerce mis en concordance, article par article,
ave^ les principales législations étrangères, par M. L. Oudlv. Paris, Marescq aîné, 1875.
In-12 de x-363 p. Prix: 4 fr. — E%sai sur la vente commerciale, par M. £. Ripert,
docteur en droit. Paris, Marescq aine, 1875. In-8 de 254 p. Prix : 4 fr. — La
Faillite dans le droit international priré, par M. Q. Garlb, traduit de Titalien avec
additions par M. £. Dubois, professeur à la faculté de droit de Nancy. Paris,
Marescq atné, 1875. In-8 de xi-165 p. Prix : 4 fr. — Commentaire iMurique et pra-
tique de la loi du 10 décembre 1874 sur l'hypothèque maritime, par M. T. Morbl,
avocat à la cour d^appel de Gaen. Paris, Durand & Pedone*Lauriel, 1875. In-8 de
256 p. Prix : 5 fr.
Les deux ouvrages qui s'imposent d* abord à notre attention ont
été écrits en vue d'un concours dont l'Académie des sciences morales
et politiques précisait ainsi Tobjet : « Exposer, avec la clarté
nécessaire pour être compris par tous, les régies fondamentales du
droit français; montrer les rapports de ce droit avec les principes de
la morale et avec l'utilité générale; insister sur ce qui intéresse la
famille, la propriété, le travail^ la foi des contrats, ainsi que sur
Tobéissance due aux lois et aux pouvoirs institués, pour garantir, à la
société et à chacun de ses membres, la sécurité et la liberté. § —
L'ouvrage de M. Jourdan, auquel l'Académie a décerné le premier
prix, est divisé en deux parties. L'auteur commence par traiter du
droit en général ; il le considère en lui-même, puis dans ses rapports
avec la morale, la philosophie, Téconomie politique... Cette généra-
lisation rapide, mais substantielle, est suivie d'une seconde partie
plus considérable, consacrée à Texposition des principes de notre
législation. Droit cisril, droit administratif, droit commercial, procé-
dure^ toutes les branches, en un mot, delà science juridique sont tour
à tour passés en revue. Le plan et la méthode méritent des éloges
presque sans réserve; Tinfinie variété des points de vue qui se dé-
roulent devant le lecteur ne nuit pas à Tunité de Tensemble. L'har-
NovBMBRE 1875. T. XIV, 25.
-- 386 —
moDie serait complète, si l'auteur ne faisait à réconomie politique,
objet de son enseignement quotidien, une part quelquefois excessive.
Le style est toigours clair et animé ; il gagnerait seulement à étro
plus sobre par intervalles. Désireux de faire avant tout une œuvre de
vulgarisation, l'auteur a évité, autant que possible, les controverses
irritantes; il expose plutôt qu'il ne discute. Toutefois, ce qu'il laisse
percer de S9s opinions philosophiques et éooQomiqut^s nous parait en
général assez satisfaisant.
— Nous passons au second lauréat, M. Glasson. Assurément, celui-ci
a moins bien compris que son heureux concurrent les conditions du
programme tracé par TAcadémie. Malgré cela, ou peut-être à cause
de cela, nous n*hét)itons pas à reconnaître à son ouvrage, plus étendu,
une portée très-supérieure* S'il ne convient pas autant à la masse du
publie, son intérêt est plus réel pour les lecteurs déjà initiés à Fétude
du droit. Nous j trouvons un moindre talent de misa en œuvre, mais
des recherches plus approfondies et une plus grande variété d'érudi-
tion. Uéclat est remplacé par la solidité. Ce n'est pas M. Glasson qui
se dérobe devant les difficultés ou les discussions ; il paraît même les
affectionner à Texcès, témoin sa digression assez oiseuse sur Finstruo-
tion obligatoire, gratuite et laïque, à propos de Tart. 203 du Code
(no 72). Mais hâtons-nous d'ajouter qu'en thèse générale, et à quelques
exceptions près, il n'y a pas lieu de regretter cette tendance de notre
auteur. Presque toujours il lutte pour les bonnes causes; et c'est un
lutteur dès longtemps préparé, armé d'une science de bon aloi, animé
d'un véritable esprit chrétien. Nous mentionnerons surtout l'introduo*
tion, dans laquelle il établit le fondement de la morale et réfute les
écoles naturaliste, positiviste, utilitaire (n^ 1-15); ses aperçus sur
rindissolubilité du mariage (n* 36) ; sa très-remarquable dissertation
sur la légitimité et la nécessité du droit de propriété (n^ 87 -M), etc.
Il est malheureusement difficile qu'un ouvrage de oe genre, touchant
à toutes les questions et remuant tous les problèmes de l'ordre le plus
élevé, ne nécessite pas des critiques, tout au moins des réserves. Nous
nous voyons forcé, en eSei, d'en exprimer un certain nombre. Ce
n'est pas le lieu d'insister ici sur des dissidences relativement secon-
daires, de défendre, par exemple, les juridictions administratives
contre des attaques peu réfléchies, à notre sens (n® 287). Mais nous
devons signaler d'autres erreurs plus graves, qui proviennent, la plu-
part, d'un culte exagéré pour le Code civil, d*une sorte de fétichisme
indigne du talent de M. Glasson et du rang qu'il occupe déjà dans la
science. Notamment dans les deux grandes questions de la liberté
testamentaire (n^ 37 et 124), et du mariage religieux (n*^ 41 et 49),
nous regrettons de le voir confondre les améliorations possibles avec
les exagérations évidentes, et opposer k toute tentative de refonte
— 387 —
des craintes parfois chimériques. Il est fâcheux que ces taches, dont
nous n'indiquons que les principales, viennent diminuer le mérite d'un
ouvrage si propre, d'ailleurs, à faire connaître Tesprit, l'histoire et la
philosophie de notre législation aux jeunes gens qui, trop souvent,
n'en apprennent que la lettre dans les traités réputés classiques.
— Avec M. de HauUeville et sa Définition du droit, nous sortons
quelque peu de notre domaine pour pénétrer sur le terrain de la phi-
losophie. Mais le lien entre Tun et l'autre de ces deux ordres d'idées
est étroit, plus étroit que ne le suppose le praticien empirique qui ne
voit dans le droit qu'un art, dans la loi qu'un caprice imposé par la
force. On lira avec autant d'intérêt que de fruit l'introduction (p. 1-35),
dans laquelle notre auteur établit la nécessité de la philosophie pour
le jurisconsulte, pour le législateur, pour le magistrat. Malgré une
certaine fatigue provenant de l'abus des formules métaphysiques, on
étudiera ensuite avec profit ses développements trôs-orthodoxes et
très-nourris sur la notion du bien, sur l'origine de la société, sur la
naissance et les sources du droit, sur le devoir juridique, etc.
— Nous avons déjà mentionné ici même, en leur temps et lieu,
diverses publications tendant au rétablissement du divorce; nous avons
signalé, en le condamnant, le mouvement d'opinion dont ces écrits
étaient l'indice et la conséquence. La question prend de jour en jour
une importance plus grave; un programme trop célèbre vient de
mettre en pleine lumière les projets et les espérances du parti radical.
Répétons-le une fois encore, c'est dans l'insuffisance de notre loi sur
la séparation de corps que les agitateurs puisent leurs meilleurs armes ;
c'est vers le perfectionnement de cette loi que doivent tendre nos
efforts. La séparation de corps, on le sait, n'avait pas trouvé place
dans le projet du Code civil, non plus que dans la législation intermé-
diaire. Les catholiques, qui ne pouvaient accepter cette alternative du
divorce ou du maintien pur et simple de la vie commune dans des
conditions peut-être intolérables, réclamèrent à bon droit ; et, en 1804,
la séparation de corps, appelée pour ce moiiîle divorce des catholiques,
finit par être organisée, mais d'une manière très-imparfaite. Les juges
chargés de la prononcer, d'en apprécier les causes, d'en déterminer
les effets, durent faire de larges emprunts au titre du divorce. De là
des incertitudes, encore aggravées depuis par la loi du 8 mai 1816,
consacrant à nouveau l'indissolubilité du mariage. Quels sont aujour-
d'hui, parmi les textes écrits en vue du divorce, ceux qu'il convient
de faire revivre, en quelque sorte, pour les appliquer au cas de sépa-
ration? Ce problème embarrasse la jurisprudence qui, privée d'une
base positive, éprouve de fréquentes variations. Les auteurs de la loi
de 1816 avaient stipulé qu'il serait promptement remédié à cet état de
choses dont ils prévoyaient les inconvénients. Un projet fut, en effet,
— 388 —
élaboré au cours de la même année, discuté, puis adopté par la
Chambre des pairs. Pourquoi fut-il abandonné? Il ne nous est pas
possible de le dire, mais il nous est permis de le déplorer.
Ces quelques observations montrent combien l'on doit savoir gré à
M. Massol de Tinitiative qu'il a prise, avec un courage égalé par sa
haute compétence. Il commence par se demander s*il conviendrait de
rétablir le divorce, et il répond non, d'accord avec le bon sens,
l'histoire et la religion. Il aborde ensuite Texamen de la législation
actuelle ; nous ne connaissons pas, sur cette matière si délicate, de
commentairepluscomplet et plus judicieux. Arrivant enfin à la partie
vraiment neuve de son œuvre, M. Massol expose la nécessité d'une
loi spéciale qui aurait pour but de mettre un terme aux incertitudes
dont nous avons parlé, et d'effacer, en fait, de notre code le divorce,
qui a déjà disparu en droit. Il importe, comme le dit notre auteur, de
ne plus rien laisser subsister de cette offense contre la morale, et d'en
proscrire même le titre. La nouvelle loi permettrait aux juges de dis-
penser l'un des époux de l'habitation sans pourtant prononcer la
séparation proprement dite — celle-ci pourrait être d'avance
limitée dans sa durée ; — le refus par l'un des époux de procéder à la
célébration religieuse en serait désormais une cause légale Ces
diverses réformes, auxquelles s'en ajoutent bien d'autres, secondaires,
nous semblent excellentes. Est-ce à dire que tout soit parfait dans le
plan de M. Massol? Non; et, par exemple, nous sommes surpris de le
voir maintenir la disposition qui n'autorise la femme à agir contre le
mari adultère que si la concubine a été tenue dans la maison com-
mune. Est-ce à dire, d'autre part, que ce plan soit complet et règle
tous les points? Nous n'oserions pas non plus l'affirmer. Mais notre
reconnaissance n*en est pas moins due au savant professeur pour avoir
aperçu et signalé le problème, pour avoir tenté de le résoudre et
pour y avoir réussi dans une très-large mesure.
— De l'ouvrage précédent à la thèse de M. Payen, qui, en droit
français, s'occupe des actes de l'état civil, la transition est naturelle.
Le législateur moderne a fait du mariage un contrat purement
laïque. La célébration religieuse était tout sous l'ancien régime;
aujourd'hui elle n'est rien. Nos codes ne la mentionneraient
même pas, si l'on n'avait jugé utile d*édicter des pénalités contre
le prêtre coupable d'avoir prêté son ministère avant l'accomplis-
sement des formalités civiles {Code pénal, art. 199 et 200). Évi-
demment, de telles exagérations ne viennent que trop en aide aux
partisans du divorce. Comment s'est accomplie cette sécularisation du
mariage? C'est ce que M. Payen expose avec soin; il suit la marche
des faits depuis l'ordonnance de Yillers-Cotteréts, et il classe avec
intelligence les documents dont l'étude est ici nécessaire.
— 389 —
— C'est également une question pleine d'actualité que celle que M. E.
Ghevallier vient de traiter dans un très-curieux et très-instructif volume .
Beaucoup de bruit s'est fait récemment, dans une certaine presse,
autour des maisons de jeux, et la cause de leur rétablissement a
trouvé de nombreux avocats, babiles à invoquer des considérations
fiscales, voire des arguments moraux 1 A un autre point de vue,
les paris relatifs aux courses de chevaux ont dernièrement préoccupé
le monde judiciaire et donné lieu à d'importantes décisions. Est-il
besoin, enfin, d'insister sur le rôle trop considérable que jouent, à
notre époque, les paris connus sous le nom de jeux de Bourse? Aucun
de ces points n'échappe aux recherches de M. Chevallier ; sur le der-
nier, notamment, il entre en des explications d'une clarté parfaite et
d'une réelle utilité pour la masse des lecteurs. Nous applaudissons &
la vigueur de son plaidoyer contre la loterie et les maisons de
jeux : « Quand leur suppression, écrit-il, n'aurait pas d'autre avan-
tage que celui d'avoir effacé le jeu de la liste des vices publics
et patentés, cela suffirait pour la maintenir. » Ajoutons, en termi-
nant, que l'érudition elle-même trouve sa place dans ce travail, qui
fournit sur les jeux de l'antiquité des renseignements peu connus.
— L'institution du ministère public, ses origines dans le passé, son
organisation dans le présent ont fait l'objet, depuis. quelques années,
de plusieurs monographies. L^uvrage de M. E. Fabre, qui ajoute des
observations personnelles aux résultats déjà acquis par ses devanciers,
se présente à nous comme le plus complet des traités sur la matière.
Poussant ses investigations jusqu'aux âges primitifs, il nous décrit le
droit public d'accusation chez les Égyptiens, les Syriens, les Grecs, etc.
(p. 10-49). Puis nous assistons au fonctionnement des juridictions
criminelles à Rome; nous en suivons les transformations nombreuses;
mais, jusqu'à la fin, nous voyons les citoycQS conserver dans son inté-
grité le vieux droit public d'accusation (p. 50-216). L'auteur passe
ensuite à l'organisation judiciaire chez les Germains avant la conquête,
au droit criminel des plaids, à la procédure devant les Scabini^ aux
justices patrimoniales et privées, aux justices ecclésiastiques, etc.
(p.*21ô-273). A partir du treizième siècle, apparaît enfin le ministère
public entre les mains des procureurs du roi, dont l'action, bornée
d'abord à la poursuite et à la défense des intérêts privés du souverain,
s'agrandit et en vint même à changer complètement de milieu, par
une suite forcée de l'extension que prenait en même temps, sur le
terrain politique et social, l'autorité royale marchant toujours droit
à son but (p. 287). » — La constitution de 1791 institue t accusateur
public, nommé par le peuple. Cette conception démagogique, sévère-
ment condamnée par l'auteur, est bientôt abandonnée ; en l'an VIII et
en l'an IX, le législateur pose les bases du système consacré depuis par
— 190-
le Gode d'instrnotion ciimiDelle. — Telles sont les lignes principales
de l'étude à laquelle se livre M. Fabre. Le lecteur j trouvera une
science véritable, exposée dans une forme claire et attacbante. On
s'associera avec nous à la conclusion, ainsi formulée. <( Les critiques
adressées aux différents systèmes qui semblent s^'éloigner trop ouver-
tement du tjpe idéal de l'accusation populaire, perdent beaucoup de
leur justesse et de leur autorité auxfyeux de celui que la connaissance
de la nature humaine et les leçons de Thistoire ont instruit, et qui est
obligé de conclure de ce double enseignement, qu'il est souvent plus
utile à Thomme de n'être pas le maître d'exercer les droits mêmes
dont il se montre le plus jaloux. »
— M. y. Sieje observe avec raison que les moralistes ou roman-
ciers sont loin d'avoir, dans leurs dissertations sur l'adultère, épuisé
le sujet au point de vue historique et juridique. Il a entrepris de
combler cette lacune, dans un ouvrage qui, nourri de faits, résiste par
là même à l'analyse. Nous ne pouvons que résumer notre impression,
en disant que l'auteur n'est pas resté au-dessous de sa tâche. Son
œuvre est toijgours sérieuse quant au fond ; elle est parfois remarquable
dans la forme; elle se recommande enûn par ses tendances géné-
rales. M. Sieje reproche à la loi de manquer de logique : « Si l'adultère
est un crime, vous devez le châtier des peines les plus sévères... Si
ce n'est qu'un simple délit, pourquoi excuser dans le mari le droit de
le venger d'une façon aussi sévère et aussi barbare? Pourquoi approuver
ce châtiment excessif par des acquittements illégaux? » Une première
réforme consisterait donc à qualifier l'adultère de crime; une seconde,
à supprimer le mode de répression qui place la femme coupable dans
un milieu où elle achève de se démoraliser. La peine devrait être à la
fois infamante et pécuniaire» Ce n'est pas tout : il importerait d'at-
teindre plus efficacement le complice, et aussi de frapper avec plus de
rigueur les infidélités du mari. Aujourd'hui, « c'est l'injure, le mauvais
exemple, plus que la violation de la loi conjugale, que la loi punit, et
en cela elle est blâmable ; car, en droit naturel, le mari est aussi
coupable que la femme. » — Ces diverses propositions, fortement
motivées, font honneur à l'écrivain qui les émet. Pourquoi sommes-poua
forcé de terminer par une critique? Rapportant la controverse théolo-
gique qu'ont suscitée deux textes dissemblables de saint Matthieu et
de saint Marc, sur la question de savoir si la répudiation de la femme
adultère ouvre au mari le droit de contracter un nouveau mariage,
M. Sieye conclut ainsi : « Nous devons nous incliner devant la déci-
sion de rÉglise, qui est devenue un article de nos lois, mais nous
pouvons regretter que le divorce n'existe pas pour ce cas excep-
tionnel (p. 278). » Cette phrase est malheureuse ; elle est en con-
tradiction avec l'ensemble des doctrines de l'auteur ; aussi le considé-
rons-nous comme doublement tenu de la faire disparaître.
— 391 -
— M. 8. Yàinbdrg non» transporta bvlt le terrain de Térudition
pnre. Son liyre^ ia Faillite d'après le druit romain, est sorti, par ordre
du gonvômement, des presses de llmprimerie nationale ; une telle
fkrenr lui était due à plus d'un titre. C'est aveo joie que nous voyons
des savants français s'engager dans les fortes études que poursuivirent
avec tant d*éolat nos jurisconsultes classiques» Godefroj, Cnjas, Don-
neau, Dumoulin, et dont les Allemands prétendent aujourd'hui
s'arroger le monopole exclusif. M. Vainberg complète heureusement
les savantes expositions de MM. Giraud et Tambour sur la condition
iéBnexi, Il a, de plus, le mérite de ne pas se confiner dans une période
déterminée, mais d'embrasser Tensemble de la législation, depuis les
Douze- Tables jusqu'à la fin de l'empire. De son ouvrage nous ne criti-
querons que le titrOé L'antiquité, ne Toublions pas, ne s'est jamais
préoccupée de définir l'acte de commerce ; elle ne faisait dé-
couler de la profession de commerçant ni ces obligationâ propres,
ni ces privilèges spéciaux qui sont Tinnovation dulégislatear moderne.
C'est lèi un point certain, quoi qu'insinue M. Vainberg. Comment, dôs
lors, apercevoir une réglementation quelconque de la faillite dans les
textes qui prévoyaient la situation aujourd'hui connue sous le nom
de déconfiture ? Nous pensons doQC que l'auteur se laisse entraîner
trop loin, lorsqu'il nous parle, dans sa préface, de l'intérêt pratique
des recherches qu'il a entreprises. Ne lui suffit-il pas que l'intérêt soit
très-réel au point de vue doctrinal?
— A l'inverse de ce qui précède, nous avons à rendre compte main-
tenant d'un certain nombre de traités essentiellement pratiques. Tel
est le caractère du Code de Commerce mis en concordance, article par
article, avec les principales législations étrangères, par M. L. Oudin.
Ce manuel contient, dans un format restreint et commode, les notions
dont la connaissance est commandée par l'état des relations interna-
tionales.
— L* Essai sur la vente commerciale^ de M. E. Ripert, ouvrage cou-
ronné par la faculté d'Aix, initie le lecteur aux usages du commerce,
notamment à certains usages particuliers de la place de Marseille.
L'utilité de ce volume est évidente pour le négociant ; mais le juris-
consulte ne consultera pas avec moins de fruit cette étude sur un sujet
peu approfondi jusqu'ici, et qui, cependant, offre tant de points de con-
tact aveo le droit civil.
— Le livre du professeur italien G. Carie, sur la Faillite dans
le droit international privée soulève des difficultés d'un ordre plus
élevé. L'auteur voudrait prévenir, entre les diverses législations,
des conflits non-seulement possibles en théorie^ mais très-fréqeunts
en pratique. Il conviendrait, nous dit-il, d'unifier les règles de
la faillite, surtout de décider que le jugement déclaratif sortira ses
— 392 --
effets en tous pays, sans considérer ni la nationalité du débiteur^ ni
celle des créanciers. Une seule réserve serait admise pour sauve-
garder la souveraineté de chaque État : Texécution forcée ne pourrait
être pratiquée que sous le contrôle de cet État et avec son assenti-
ment. Ainsi comprise, la réforme serait aussi possible qu'elle est
désirable ; elle a déjà été partiellement consacrée par plusieurs con-
ventions diplomatiques. Nous recommandons à toute l'attention du
public ce traité, que le traducteur français, M. Dubois, a eu soin de
mettre au courant de notre jurisprudence.
— M. Tranquille Morel vient de donner à la loi du 10 décem-
bre 1874 sur l'hypothèque maritime son premier commentaire. Ce
travail a, pour les nombreux intéressés, le mérite de Topportunité» et
pour l'ensemble des lecteurs Tattrait de la nouveauté. 11 retrace l'his-
torique de la question, reproduit les incidents de la discussion parle-
mentaire, apprécie les conséquences probables de cette innovation sur
notre crédit public, compare enfin la loi récente avec les lois anglaise,
américaine et italienne. Cette étude, qui embrasse ainsi toutes les
faces du sujet, peut se passer de nos éloges après le témoignage de
haute approbation que lui a décerné la faculté de Caen.
A. DB Clatb.
OUVRAGES POUR LA JEUNESSE.
Tony Brenner. Récit alsacien, par M"* Garoliiœ Ernst. Par», Hachette, 1875. In-12 de
233 p. 3 ÎT. -^ Trùii histoires de terre et de mer, par A. Ddbarrt. Paris, Didier, 1875.
In- 12 de 378 p. 3 fr. — Les Diamants irlandais, par Emile Bowles, traduit par
Mil" Guerrier de Haupt. Limoges, Barbou frères. In-8 de 232 p. 2 fr. 50. — - <7a«r-
doulw, par àtmé Gécil. Touroai, V* H. Gasterman. 1875. In- 12 de 216 p.
1 fr. — Irène^ par Et. Marcel. Poitiers et Paris, H. Oadin, 1875. In- 12 de 307 p.
2 fr. — Petite saur, par Et. Marcel. Paris, G. Diliet, 1875. In-12 de 285 p.
2 fr. — Mon sillon, par M"« Plbdbiot. Paris, Lecoflfre, 1875. In-12 de 328 p. 2 fr.
— Abnégation, par M"" Bourdon. Nouvelle édition. Paris, Henri Allard, 1875. In-12
de 310 p. — L Institutrice à Berlin, par M^^« M. Maréchal. Paris, Gh. Blériot, 1875.
In- 12 de 283 p. 2 fr. ~ Le sire de Coucy, par F. DE Servan. Paris, G. Dillet. 1875.
In-12 de 317 p. 2 fr. — Berthilde ou les origines monarchiques et ^retiennes de la
France, par G. d*Arvor. Paris, G. Téqui, 1875. In-12de248 p. 3 fr. — Viclorius, ou
Rome aux premiers temps du christianisme, par le R. P. G A Y. S. M. Paris, Haton,
1875. In-12 de 196 p. 2fr. — Les Châtelaines du Roussillon, par M"* la comtesse DE la
ROGfiBRE. Tours, Alf. Marne, 1874. In-8 de 244 p. 2 (t. bO —V Anneau du meurtrier, par
GONDRY DU Jardinet. Paris, aux bureaux de lAlmanach du Pèlerin, 1875. In- 12 de
246 p. 2 fr. — La Banque du diable, par EUG. de Margerib. Paris, G. Téqui, 1875.
In.l2 de 283 p. 3 fr.
— Le Bécit alsacien, de M"* Ernst, est un livre charmant.
La scène se passe en Alsace. L'aisance est d'abord le lot du
ménage de l'honnête forgeron ; puis vient Tépreuve. Le père
meurt victime de son dévouement; Marthe, restée veuve, est
sur le point de succomber au désespoir. Mais elle saura domi-
ner sa douleur : son fils, le petit Tony, le héros de l'histoire,
et le vieux grand'père attendent tout désormais de sa vaillance
— 393 —
et de son courage. Quelques mois s'écoulent; les difficultés sont
grandes : Tony est trop jeune pour diriger la forge ; il a fallu en con-
fier la direction à un principal ouvrier. Celui-ci, à force d'astuce, par-
vient à capter la confiance de Taïeul, si bien que le vieillard veut
l'avoir pour gendre. Marthe refuse longtemps. Enfin, vaincue par les
instances de tous, croyant assurer le bonheur des siens, elle se résout
à épouser Wild. Tout change bientôt dans la demeure autrefois si
paisible. Wild jette le masque qu'il avait pris pour arriver à ses fins.
L'effrayante réalité apparaît à la malheureuse femme. Son mari est
buveur ! C'est alors que se dévoile dans toute sa beauté le caractère
de Marthe, la Jfonti7uejD/^6eïenne, comme l'appelle le cardinal Donnet
dans une lettre fort élogieuse adressée à l'auteur. Elle ne s'irrite pas
contre l'affreuse destinée qui lui est faite. L'âme de ce misérable
ivrogne lui est confiée ; elle consacrera sa vie à essayer de le retirer
du bourbier. Aussi, grâce à elle, il mourra repentant. Mais que de jours
d'angoisses I Comme elle souffre, la pauvre mère, en voyant son fils
malheureux ! Tony est sans cesse en butte aux mauvais traitements de
son beau-père. Aussi n'essaye -t-elle pas de le retenir quand il veut
être soldat ; d'ailleurs la patrie a besoin de lui. Là se placent les dé-
tails de l'invasion du territoire pendant le premier empire : tristesses
que nous avons ressenties de nouveau sous le second. Durant l'absence
de son fils, Marthe engourdit son chagrin en s'occupant des autres.
Elle s'attache à une orpheline, refait patiemment son éducation. Plus
tard, Marguerite, devenue une charmante jeune fille, payera sa dette
de reconnaissance à sa bienfaitrice en faisant le bonheur de Tony. Les
sentiments contenus dans l'ouvrage de M""* Ernst sont vrais et déli-
catement exprimés. Les descriptions sont bien faites, les caractères
nettement tracés.
— Trois histoires de terre et de mer nous offrent des récits intéres-
sants pour des adolescents dont l'imagination ardente rêve le péril et
les situations dangereuses. La première des histoires, intitulée Les
tapirs à dos blanCj est l'odyssée d'un malheureux savant à qui l'amour
de la science a fait entreprendre, dans l'Inde, un voyage de décou-
vertes. Ce voyage, décrit à la façon un peu fantastique de Jules Verne,
est rempli des incidents les plus dramatiques. — La seconde est d'un
genre différent ; la famille Mantelet, famille de braves marins, a tou-
jours été sans tache jusqu'au jour où Claude, échappant à la vigilance
maternelle, a fait de mauvaises connaissances, et a été entraîné au vol.
Il est arrêté. La scène où la mère, avertie par la rumeur publique,
accourt chez le magistrat, est très-touchante. La lutte entre la tendresse
maternelle et l'indignation que la veuve Mantelet éprouve contre le
voleur, est bien rendue. Qrâce à sa mère, le coupable, déjà repentant,
évitera l'ignominie de la prison, mais à la condition qu'il s'embar-
— 894 —
quera et qu'il effacera sa faute par le travail. C*e0t elle qui dicte cet
arrôt, puis elle remmène dans son humble demeure jusqu'à Theure du
départ. Là, seule avec ses enfants, elle évoque, devant Claude age«
nouille à ses pieds, tous les souvenirs les plus poignants ; et elle reçoit
le serment qu'il lui fait devant le Christ de ne plus faillir. Il
tiendra parole ; mais il ne reverra plus sa mère ; il meurt en dëfen^
dant le drapeau français contre les Anglais, à la bataille de la Hougue.
La troisième histoire nous initie aux mœurs bretonnes d*il j a une
centaine d'années, alors que, dans certaines parties du littoral^ les
habitants, s'intitulant les naufrageurs, attiraient les navires par de
faux signaux. Un homme, voulant se défaire d'un bâtiment de corn*
merce rival du sien, vient tenter un pécheur de ces contrées, par
Tappàt d'une riche part de butin. Floch accepte le marché comme chose
toute naturelle : il a besoin d'argent pour se mettre en ménage, car il
a une fiancée. Mais Aliette, à qui il vient en toute hâte communiquer
les espérances qu'on a fait luire à ses jeux, a horreur de ce moyen de
faire fortune, et elle jure à Floch que jamais elle ne sera sa femme s'il
ne renonce à son criminel projet. Grâce à la fermeté de la jeune fllle,
le pécheur ne commettra pas ce crime. Il y a, dans ces récits, beaucoup
de vie, de mouvement et des notions historiques qui ne sont pas sans
valeur.
— Un charmant ouvrage est celui qui a pour titre : Le$ Diamants
irlandais. L'auteur a su faire admirablement ressortir les caractères
forts, enthousiastes et généreux que produit la catholique Irlande.
Una, la simple maîtresse d'école, est une ravissante création. Qael cou-
rage elle puise dans sa foil Rien ne l'arrête, dès qu'il s'agit de
préserver les enfants confiés à ses soins; du contact dangereux des
hérétiques qui veulent s'emparer d'eux à tout prix. Lord Powderhouae
et sa sœur Eudora ont résolu d'extirper le papisme^, et les persécutions
assaillent leurs malheureux tenanciers. Femmes, vieillards et enfants,
qui refusent de se soumettre, sont jetés hors de leurs cabanes par
les agents subalternes, plus durs encore que leur mûtre. Quelle
résignation dans les paroles de Nora, la grand'mère d'Una, lors-
que Randal, le fiancé de sa petite-fille, vient, bouillant d'indignation
contre les vexations sans nombre dont il est l'objet^ lui et tous
ses compatriotps, exhaler sa colère contre les oppresseurs I L'amour
pur qui unit]les deux fiancés est très-délicatement exprimé. Le Père
Murphj est le type du bon pasteur. Rien n'égale sa tendresse, sa
compassion, sa prudence pour son pauvre troupeau persécuté. Les
figures du Père Fitz Simon et du Père Lawrence sont fort belles. Le
tableau où les deux frères s'excitent mutuellement à poursuivre, sans
faiblir, le but auquel ils ont voué leur vie, est tracé de main de
maître. Les récits de la mort du Père Lawrence, de la jalousie du
— 395 —
pauvre Randal et des tristes événements qui s'en suivirenti de la
soéne des contrebandiers avec Tenfant idiot sont très>bien tracés. Un
souffle mélancolique et plein d*une suave poésie agite le cœur enlisant
cet ouvrage, où, à chaque page, on trouve des pensées profondes^
des situations pleines d'intérêt, des paysages gracieux. M"* Guerrier
de Haupt s'est fort bien acquittée de sa difficile tâche de traducteur.
— Cœurdoulx est le nom d'un personnage de la nouvelle qui porte
ce titre. Celui d'Eupkroêine eût été mieux approprié, car, de fait,
c'est la jeune fille qui joue le rôle principal. La scène se passe à
Tépoque troublée du règne de Charles IX. La donnée est très-roma-
nesque. Euphrosine, fille d*un père protestant par ambition et d*une
mère fervente catholique, est élevée dans un couvent où on lui laisse
ignorer son origine tout à fait plébéienne: ses parents étaient portiers.
Lor8que,:plus tard, la vérité lui est connue, l'orgueil d'Euphrosine se
révolte, et elle veut cacher sa naissance obscure dans le cloître. Mais
le devoir filial l'oblige à retourner près de son père. Cœurdoulx, qui
habite la même maison, s'éprend d'elle; il est repoussé. La jeune fille
persiste dans ses projets de vie religieuse jusqu'au jour où, à son tour,
elle ne peut rester insensible à l'admiration qu'elle inspire à un
grand seigneur, et le roman finit par un beau mariage. C'est un
ouvrage de médiocre valeur, tant pour le fond que pour la forme.
Une toute petite nouvelle, assez originale, complète le volume.
Nina est la fille d'un savant, et elle a pris la science en horreur,
en raison même de l'amour exagéré que son père a pour les plantes
et les insectes» Aussi, la jeune fille s'esVelle juré de ne jamais
épouser un amateur dliistoire naturelle, et c'est justement le con-
traire qui arrive.
— Irène est le type de la pensionnaire modèle. Le couvent où elle
est élevée est en Algérie, et se trouve à côté de la maison d'un riche
Maure, qui j vit avec sa fille unique. La petite Léïla, qui a quelques
notions du catholicisme, sent croître son désir de devenir chrétienne en
entendant les prières et les chants des pensionnaires. Elle parvient &
se mettre en rapport avec Irène, et, après bien des obstacles, Leïla,
devenue orpheline, vient rejoindre Irène au couvent, où elle échange
son nom de Leïla contre celui de Marie. Irène, son éducation ter-
minée, rentre dans la maison paternelle, ou elle est appelée à vivre
avec une belle-mère frivole; mais, grâce au bon caractère de la jeune
fille, les rapports entre les deux femmes sont faciles. Le père dlrène
est vieux ; aussi pense-t-il â donner un protecteur â sa fille ; il a un
neveu en qui il a toute confiance. Fernand de Vallades se prête
d'abord aux projets de son oncle, mais bientôt une ombre voile les
jeux du jeune homme, et Irène devine le secret qu'il voudrait lui
cacher. Fernand a vu Lella-Marie ; il l'aime, et la jeune Mauresque le
— 396 —
paye de retour. Irène n'en peut douter. Aussitôt son cœur géné-
reux a pris un parti héroïque ; elle renoncera au mariage, elle veillera
sur les dernières années de son père, et, oelui-d parti pour un monde
meilleur, elle retournera dans le cloître où s'est passée son heureuse
enfance. Nul ne se doute de retendue de son sacrifice. Fernand est
ravi de pouvoir suivre son penchant, et Marie, ignorant les désirs de
M. Bazneviel, accepte, sans arrière pensée, le bonheur qui s'offre à
elle. — Il 7 a, dans ce livre, des sentiments nobles et délicats, beau-
coup de piété vraie, mais il j a trop de descriptions et le style manque
de naturel.
— Les mêmes défauts se retrouvent dans Petite sceur, du môme
auteur. Ici ce sont deux sœurs sur lesquelles Tintérét se partage. Le
but de M. E. Marcel, en écrivant cet ouvrage, a été de prouver que le
vrai bonheur réside à l'ombre du foyer. Sophie, la petite sœur^ ainsi
nommée on ne sait trop pourquoi, ne rêve qu'au bonheur simple et
caché. Mais à Louise, la brillante pianiste, il faut la renommée et la
gloire. Elle épouse Jacques Mauhel, un violoniste de premier ordre,
et tous deux courent le monde en quête de succès et d'ovations. Pen-
dant ce temps, Sophie se consacre à ses parents. Son père est un pro-
digue, sa mère est usée par les soucis et les chagrins. Elle a une
jeune sœur, un frère dont l'éducation n'est pas terminée ; l'enfant
de Louise est souvent confié à ses soins. Sophie est la providence de
tous. Un jeune médecin, témoin de son dévouement, s'éprend pour
elle d'une vive afection, mais Sophie ne peut songer à quitter les
siens tant qu'elle se sentira nécessaire. Plus ^tard, la position de tous
s'étant améliorée, Sophie consent à être heureuse avec le docteur
Paul Geslin, qui lui est resté fidèle.
— Mon sillon, de Mlle Fleuriot, appartient à la même catégorie
d'ouvrages dont on peut permettre la lecture sans danger. — Ce livre
se divise en trois parties. La première est de beaucoup la meilleure.
Mlle Fleuriot s'est surpasssée en décrivant l'intérieur de la famille
patriarcale des Desprès. Quelle figure idéale que celle de M*»* Desprèsl
Un de ses fils, poussé par Tambition, veut quitter sa petite ville de
Bretagne, où il trouve qu'on végète. Paris l'attire. Il y a des scènes
charmantes, surtout celle ou la pauvre mère se glisse la nuit dans
la chambre où son cher enfant prodigue dort peut-être pour la der-
nière fois. On vit avec tous les personnages de ce petit drame, on
s'attache à eux. Mélite et Fanny sont de charmants types de jeunes
filles. Le caractère de Mélite se révèle surtout dans les lettres qu'elle
écrit à son frère René, qui, lui aussi, comme Charles Desprès, est allé
chercher fortune à Paris. Les lettres échangées forment la seconde
partie de l'ouvrage. La troisième est bien faible. Il semblerait qu'elle
a été tronquée. Le tableau si finement esquissé a été terminé à grands
— 397 —
coups de pinceau, comme si Ton avait hâte d'en achever rexécution.
-— Abnégation, par M""' Bourdon, est encore une nouvelle du même
genre. Cet ouvrage^ qui a eu de nomhreuses éditions, contient une
série d'historiettes dans chacune desquelles ressort Tadmirahle vertu
qui sert de titre au volume. Clémentine^ Anna, Emilie de Soulanges,
Tante Christine^ Julie, Ludovise^ Thérèse, Mademoiselle de Turgis, la Sœur
du Curé y nous offrent des types du plus pur dévouement. Plusieurs de
ces nouvelles sont empruntées à des auteurs flamapds et traduites
librement ; mais la plus grande partie appartient en propre à M°^* Bour-
don. Tante Christine est la plus intéressante, quoique la donnée en
soit un peu banale. Il est inutile d'ajouter que toutes sont d'une irré-
prochable moralité.
— L Institutrice à Berlin est une nouvelle beaucoup plus romanesque.
C'est un ouvrage intéressant, et animé surtout d'un souffle patriotique.
L'auteur, M^^* Maréchal, éprouve une indignation bien naturelle en
parlant des vainqueurs de la France et des désastres de notre pauvre
pairie. Gisèle, son héroïne, est allée en Prusse avant la guerre,
pour j être institutrice dans la famille de Qastein, et elle y est
aussi malheureuse que possible. Le neveu de M"** de Gastein arrive èi
Berlin pour se remettre des suites d'une blessure ; il ne peut rester
insensible aux charmes de Gisèle, et il lui offre sa main et sa fortune.
Malgré le penchant qu'elle éprouve pour lui, la jeune fille refuse: u Je
suis Française et catholique,» répond-elle à toutes ses instances. Il y
a de jolies pages dans ce récit, mais beaucoup de longueurs ; les carac.
tères sont forcés, surtout celui de la comtesse ; de plus, le sujet est
assez scabreux, non pas qu'il y ait rien d'immoral, mais à quoi bon
nourrir d'illusions chimériques l'imagination des jeunes filles pau-
vres?
— Le Sire de Coucy nous reporte à plusieurs siècles en arrière, en
pleine époque de la féodalité. C'est un ouvrage écrit surtout au point
de vue historique. L'auteur a voulu démontrer ce qu'étaient les pri-
vilèges des communes de France, et dans quelle erreur sont tombés
ceux qui ont cru les imiter en nous donnant la Commune, telle que
nous l'avons vue à Paris, en 1871. Ce roman est donc surtout instructif,
et souvent il y a des notes à l'appui des assertions de l'auteur. Ainsi,
il est très-exact que Louis le Gros aimait à voyager incognitio pour
connaître les besoins de son peuple, et réprimer les exactions des
grands vassaux, toujours en guerre avec la couronne. La figure du roi,
personnage principal du drame, est bien dessinée.
— Berthilde, par M"* G. d'Arvor, appartient aussi à la catégorie de
romans historiques. Celui-ci nous fait assister aux débuts de la monar-
chie française. Tous les événements sont groupés autour des deux
grandes figures de Clovis et de sainte Clotilde. L'auteur s'est efforcée
— 398 —
de faire ressortir la salutaire inflaence du cliristianisme sur nos
pères à demi barbares, inflaence qui a fait la France. Ce livre, fort bien
écrit d'ailleurs, n'est pas ce qu'on appelle un ouvrage amusant. Il
doit plaire plutôt aux intelligences un peu sérieuses.
Dans Victorius, le R. P. Gaj nous initie aux mœurs romaines dans
les premiers temps du christianisme. Le nom de l'auteur dispense de
toute appréciation au point de vue moral et religieux. Quant au
reste, voici ce que nous lisons dans la préface : «Ce livre est, avant
tout, une œuvre d'imagination; mais, en l'écrivant, nous avons scrupu-
leusement respecté les exigences de l'histoire , tant profane qu'ecclé-
siastique, pour ce qui regarde l'époque à laquelle se place le draine que
nous racontons. » Vietorius est écrit dans le genre de Fabtola. Le lec-
teur voit défller devant lui la phalange héroïque des premiers martjrs.
Il les voit dans les catacombes, où ils se préparent à tout souffkir
plutôt que de renoncera leur foi; puis au Golisée où ils périssent sous
la dent des animaux féroces, aux applaudissements d'une multitude
dépravée par tous les vices.
— L'ouvrage de M"* de la Rochère, Les Châtelaines du JRoutsilbm,
nous fait assister aux guerres de religion qui ensenglantérent
les règnes de Charles IX et de son frère Henri III. Le massacre
de la Saint-Barthélémy avait exaspéré tous les esprits. Jusqu'alors,
la comtesse de Roussillon avait vécu paisible dans ses terres,
avec son âls et sa fille. Un remords pèse pourtant sur sa vie :
elle a fait disparaître un enfant né du premier mariage de son mari.
Lorsque son fils à elle tombe sous les coups des protestants, elle sent,
dans cette mort, la main puissante de Dieu. Le chagrin la tue, mais
elle ne veut pas mourir sans confession. Espérie, sa douce et char,
mante fille, brave toutes sortes de périls pour aller chercher un prêtre.
Elle amène un religieux, le père Alphonse, qui absout la coupable.
La comtesse apprend en môme temps que celui qui ouvre à son repen-
tir les portes du oiel est Tenfant voué par elle à la mort et miraculeu-
sement sauvé» Restée orpheline, Espérie se consacre au soulagement
des blessés, à quelque camp qu'ils appartiennent, et meurt religieuse.
U y a beaucoup de mouvement dans ce récit, de la couleur locale, des
descriptions bien réussies.
— L'Armeau du meurtrier, par M. Gondry du Jardinet, est un tableau
des mœurs corses. Scènes de meurtre, de vendetta, de guet-apens,
rien n'y manque. Les romans de ce genre se ressemblent à peu près
tous. Pour compléter le volume, l'auteur a ajouté cinq petits récits.
L'Arrestation sous la Commune est le plus important et le plus intéres-
sant. C'est l'auteur lui-même qui est en seène. — Une noble vengeance
est une bonne leçon de charité chrétienne ; ce n'est qu'un simple
trait.
-- 399 —
— La Banque du diable 6Bt le titre de la première des historiettes que
M. Amëdée de Margerie a réunies en un volume. L^ auteur est assez
oonnu pour que Ton sache d'avance que son livre peut être
mis de confiance entre toutes les mains. Ses nouvelles détachées seront
goûtées surtout par les écoliers, les apprentis et les soldats, qui
peuvent facilement en saisir le sens pratique. D. db Bodbn.
THÉOLOGIE
CursuA AorlptaraD Micree» par le P. Schouppb, S. J. 2* édit.
Bruxelles, Glosson; Paris, Bray et Retaux, 1875. 2 vol. in-S'de xii-527 et
456 p. — Prix : 12 fr.
Les ouvrages du P. Schouppe sont classiques dans les séminaires
d'Allemagne et de Belgique. Ils se font remarquer par la clarté des
divisions, la concision des démonstrations, Talliance heureuse de la
méthode scolastique et de la méthode positive. A l'université de
Louvain — nous le savons — lorsque quelque professeur s'est élancé
vers les sommets de la haute théologie, laissant loin derrière lui ses
auditeurs moins hardis, ceux-ci, à rapproche d'un examen, se hâtent
d'ouvrir les Éléments de théologie du P. Schouppe, et apprennent en peu
de jours ce qu'ils n'avaient pas saisi dans les doctes leçons de leur
maître.
Le Cours d^Écriture sainte a les mêmes qualités. C'est un livre élé-
mentaire qui n'approfondit pas les questions, mais les indique, fournit
les éléments de la solution, expose celle-ci en peu de mots. L'auteur
a divisé son ouvrage en deux parties. Il consacre la première aux pro«
légomènes et considère les livres saints eux-mêmes, leur autorité, leur
interprétation. Dans la seconde partie, sont d'ahord résolues les difû-
cultes principales que Ton oppose à la Bihle. Nous avons admiré com-
ment le P. Schouppe avait pu, en moins de cent pages, parcourir pres-
que tous les livres sacrés et répondre aux objections les plus difficiles,
surtout à celles que l'on élève contre Tautorité de la Genèse, au nom
de la géologie et de la chronologie.
Nous sommes à peine parvenus à la moitié du premier volume, et
quelque soit le mérite de l'auteur, il n'a fait jusqu'à présent que
résumer pour les étudiants en théologie, ce que l'on trouye dans les
ouvrages plus étendus. Ici commence une œuvre plus personnelle, et
dont nous devons féliciter le savant religieux. Il choisit, dans la
liturgie de TÉglise et dans le bréviaire, les prophéties, les épîtres, les
évangiles, les psaumes les plus remarquables, et il en donne une courte
et substantielle exposition. Souvent il divise comme fait us orateur
dans un sermon ou dans une homélie ; d'autres fois, il suit pas à pas
récrivaln saoré ; toiQOiini il fournit d'heorenses pensées et une matière
— 400 —
féconde au prêtre qui cherche, dans ces pages, le texte d'une instruc-
tion ou le plan d'un discours.
Le style a les mêmes caractères que le fond : fermeté, concision et
clarté. En un mot, ce manuel d'Ecriture sainte nous semble être un
de ceux que l'on étudiera plus utilement : sa brièveté est une précieuse
qualité ; car, si Tintelligence est éveillée, une part nécessaire est laissée
au travail individuel. E. Poussbt.
Tlteolo^la morall» S. Alphonsi M. de Ligobio. Accèdit Dissertatio
P. ZacJiariœ et Dea^eta Romanorum Pontificum, morum materiam respicentia.
Ediiio omnium accuratior, continens quidquid auctor in cceteris addidit, refor-
mamt vel expîicamt. Augustœ Taurinoruro, H. Marietti. [Paris, Lethielleux],
1875. 2 vol. in-8 à deux colonnes de lxxxv-9o2 et i064 p. — Prix:
12 fr. 50.
Nous n'avons pas à faire ici Téloge de la Théologie morale de saint
Liguori : tout le monde connaît son importance et son excellence. Les
Souverains-Pontifes Benoît XIV, Pie VII, Grégoire XVI, Pie IX,
ont accordé les plus grandes louanges à sa doctrine. La bulle de cano-
nisation relève dans ses écrits a une force extraordinaire, une grande
science, un amour exquis de la religion, » et elle ajoute que ce qu'il
faut surtout remarquer, c'est qu'un examen diligent a montré que,
quoique l'auteur ait publié un grand nombre de livres, ils sont tous
irrépréhensibles et peuvent être lus par les fidèles en toute sécurité.
Dans le bref par lequel Pie IX lui a conféré, en 1871, le titre de
docteur de l'Eglise, le Saint-Père s'exprime ainsi : a Nous voulons et
nous décrétons que les livres, les commentaires, les opuscules, toutes
les œuvres, en un mot, de ce docteur, puissent être cités, allégués,
et, au besoin^ employés, comme les ouvrages des autres docteurs de
l'Eglise, non-seulement en particulier, mais aussi en public, dans les
gymnases, les académies, les écoles, les collégps ; dans les leçons, les
discussions, les interprétations, les instructions, les sermons et dans
toutes les études ecclésiastiques. » On n'a rien à ajouter sur la
doctrine de saint Liguori, après de telles paroles. Qu'il nous suffise
donc de dire quelques mois sur la nouvelle édition que vient de
publicf le célèbre éditeur de Turin, M. Hyacinthe Marietti. Il avait
déjà publié une première édition de la Théologie morale^ qui lui valut*
en 1825, un bref de féli citation du pape Léon XII. Depuis lors, il n'a
cessé de travailler à améliorer les éditions successives de ce savant
ouvrage. Quelque étendu qu'il soit, il est maintenant réduit à deux
volumes, ce qui le rend accessible à toutes les bourses, et quoique
l'impression soit compacte, elle est parfaitement nette et très-lisible.
L'impression est très-correcte. Quelques notes ont été sgoutées au
bas des pages. On trouve, également au bas des pages, les renvois aux
— 40i —
passages des auteurs cités. Dans les anciennes éditions, un grand
nombre dUndications étaient fautives : on les a, dans celle-ci, toutes
revues et soigneusement vériâées. En tête du premier volume^ se
trouve un extrait de la bulle de canonisation de saint Alphonse, le
bref de Pie IX conférant au saint le titre de docteur de TÉglise et
l'importante dissertation du P. Zacharias, sur l'histoire et rexcellence
de la théologie morale. A la fin du second volume, Téditeur a placé
les passages de la première édition de Naples que l'auteur a modifiés
dans la seconde ; les propositions condamnées par le Saint-Siège, les
décrets des Souverains-Pontifes concernant la morale, et enfin une
abondante table alphabétique des matières, très-bien faite, qui rend
extrêmement facile l'usage de la Theologia moralis, L. G.
jréBUB-GbrlBt, sa dwinité, son caractère, son œuvre et son cœur. Conférences
par Fabbé Charles de Place, chanoine archiprêtre de Notre-Dame de
Paris. Paris, Durand et Pedone-Lauriel, 1875. In-8 de xii-390 p. —
Prix : 8 fr.
Une main pieuse a recueilli et mis .en ordre les œuvres oratoires
laissées par M. de Place. Ce saint prêtre, né à Saint-Étienne, le
14 février 1804, mort à Vichy, le 19 juillet 1871, a été considéré par
ceux qui Font connu comme un des types les plus purs de l'éloquence
sacrée au dix-neuvième siècle. Ces conférences méritaient Thonneur
de l'impression, avec d'autant plus de droit qu'elles ne perdent pas, à
la lecture, les qualités qui les faisaient le plus remarquer lorsqu'elles
étaient prononcées par l'orateur lui-même. Le présent volume en
contient treize» Jésus-Christ nous est d'abord représenté dominant
toute l'histoire du peuple juif et toute l'histoire du monde païen, répon-
dant aux besoins de réparation qu'éprouvait l'humanité, guérissant
ses quatre grandes blessures : l'ignorance de l'esprit, la corruption du
cœur, la souillure de la conscience et la dégradation de la nature, par
la foi, la grâce, le pardon et l'alliance divine; il vient^ il s'affirme, il
se prouve^ il s'impose : ses miracles convertissent le monde. Son
caractère est divin : il ne s'élève pas au sublime, il j vit et il élève
tous les esprits à sa suite ; son cœur est le modèle de la force et le
modèle de la tendresse. M. de Place étudie ensuite Jésus-Christ dans
le riche et dans le pauvre, régnant sur toutes les âmes, manifestant
sa puissance et sa divinité dans ses œuvres, se survivant à lui-même
dans ses Évangiles, dans son sacerdoce, dans la papauté. La dernière
conférence a pour objet le Sacré-Cœur. Tous les discours contenus
dans ce volume n'ont pas la même valeur et la même importance,
mais ils se distinguent tous par leur solidité, et il n'y en a aucun qui
n'ait un véritable mérite. M. de Place était un orateur d'une doctrine
profonde, d'une argumentation vigoureuse, d'une dialectique pres-
NovEMBBRB <875. T. XIV, 26.
— 4<tt —
santé. Il a écrit avec pureté et élégance, avec précision et avec
noblesse. Parfois, il prend son essor et s'élève à une grande hauteur.
Toutes les classes de lecteurs le liront avec intérêt et avec fruit : les
âmes croyantes y fortifieront leur foi, les âmes vacillantes y trou-
veront Tappui dont elles ont besoin : chacun y apprendra à mieux
aimer Jésus-Christ. O. K.
Réftitatlon de la GhrlAtolo^le de M. Albert Itévllle, par
M. l'abbé J. Troncy, docteur en théologie et licencié es lettres. Paris,
Berche et Tralin, 1875. In<8 de 474 p. — Prix: 6 fir.
12 Histoire du dogme de la divinité de Jésus-Christ^ par M. Réville,
dont M. l'abbé Troncy entreprend aujourd'hui la réfutation, est d'une
date déjà assez éloignée (1869). Ce petit volume (188 pages] a déjà
été Tobjet d'une solide réfutation, due à la plume du P. Largent, et
parue dans le Correspondant des 10 mai et 10 octobre 1809, et du
25 avril 1872. — L'ouvrage que nous annonçons aujourd'hui, aurait
gagné à avoir un autre titre : il est, en effet, une Christologie, pour
parler à l'allemande, ou plus clairement une exposition du dogme de
la divinité de Jésus-Christ. Ce sujet avait déjà été traité, quoique plus
en abrégé, dans les Études critiques sur ks origines du christianisme,
par M. l'abbé Thomas (Paris, 1870, in-8), dont nous avons rendu
compte dans le Polybiblion de juillet 1870 (t. VI, p. 21). La Réfutation
de la Christologie, n'apporte rien de bien nouveau dans son premier
livre : christologie du Nouveau Testament (p. 33-160) ; nous pensons
même que la partie critique du sujet, c'est-à-dire tout ce qui concerne
l'authenticité des livres du Nouveau Testament, n'est pas assez éten-
due. Nous ne trouvons, en effet, que quelques courtes pages sur l'époque
de la composition de l'Évangile de saint Jean (p. 153-158), et pour-
tant cette question est une des plus importantes dans le sujet traité
par l'auteur de la Réfutation.
Le livre second, Christologie de la Tradition, est plus nouveau dans
notre littérature théologique. Divisé en neuf chapitres, il contient une
véritable histoire du dogme de la divinité de Notre-Seigneur, jusqu'au
concile de Nicée. — Seulement la partie critique n'a pas dû demander
de longues recherches : elle est tirée tout entière du savant ouvrage
de Mgr Freppel, Les Pères apostoliques. Avec dom Maran, M. Coquerel
et Benjamin Constant, voilà tous les auteurs cités dans les notes de
l'ouvrage. Je ne parle pas naturellement des sources, c'est-à-dire des
Pères anté-nicéens, qui sont souvent indiqués. — Un chapitre inté-
ressant et bien fait de ce second livre est le cinquième, intitulé Con-
fession des Martyrs (p. 259-290) : l'importance dogmatique des actes
des martyrs y est parfaitement mise en relief. Un autre chapitre,
aussi utile que celui-là, aurait dû trouver sa place dans le chapitre troi-
— 403 —
siôme intitulé : Foi et culte des fidèks des premiers siècks, relativement à
Jésus-Christ {^. 211-216). Il est singulier qu'on ne tienne pas plus de
compte des récentes découvertes faites aux Catacombes, et qui
éclairent d'un jour si vif l'histoire des premiers siècles de TÉglise et
les croyances des premiers chrétiens. Le jésuite Gêner avait introduit,
dans sa Théologie (1767-1777), des chapitres où le dogme s'appuyait
sur les anciens monuments. Son exemple n'a guère eu d'imitateurs.
Pourtant, avec les renseignements nouveaux de la Rome souterraine,
des Inscriptions chrétiennes de Rome, pour ne citer que ces deux
ouvrages, que de lacunes on peut combler dans les écrits des Pères et
des apologistes des trois premiers siècles I 11 faut espérer que
M. Troncy réparera cet oubli dans une nouvelle édition de son livre.
Toute la seconde partie de son travail est très-intéressante, et elle a,
d'ailleurs, le mérite de réunir, pour la première fois, tout ce que con-
tient la tradition antérieure au concile de Nicée, sur le dogme de la
divinité de Jésus-Christ. C. Trochon.
Esposizlone popolare dalla dotCrIna crlatlana, per don
F. RosA, Prévôt de Bruine. Turin, Marietti; Paris, Lethielleux, 1875.
3 vol. in-8 de 821, 942 et 1117 p. — Prix : 12 fr.
Avez-vous jamais assisté, dans quelque église d'Italie, aux instruc-
tions que l'on appelle la dottrina, et que nous nommons le catéchisme ?
Je ne connais rien de plus vivant, rien qui sente moins le ton apprêté
et convenu d'un grand sermon. Les questions se pressent, les exemples
se succèdent, les comparaisons tiennent en éveil l'auditeur. La vérité
la plus abstraite prend un corps et devient saisissable. La langue
italienne, qui sait être familière sans être vulgaire, se plie à toute s
les pensées, accepte tous les mots et n'a point leet difficiles exigences
de la langue française.
Don F. Rosa,dans les trois volumes que nous avons sous les yeux, fait
la dottrina selon la méthode d'Italie. Son ouvrage est une explication
à la fois très-simple et très-sérieuse du catéchisme de Turin. L'auteur
suit Tordre même du livre qu'il commente : et cet ordre est à peu
près celui des catéchismes en usage en France. Il use largement des
meilleurs travaux qui ont été composés sur le même sujet : Guiilois,
Gaume, Martinet sont cités à chaque page. Il n'y a point d'instruc-
tion qui n'ait un exemple, un trait, une histoire ; et il faut voir com-
ment l'auditeur est pris à partie, est mis sans cesse en demeure de se
prononcer. Sans doute, plusieurs de ces récits et de ces apostrophes
perdraient de leur charme, si on les dépouillait de cette belle langue
italienne, qui ne peut rien dire sans grâce et sans vie. Toutefois,
n'eùt-on fait qu'apprendre la véritable manière de parler aux igno-
— 404 —
rants, c'est-à-dire au grand nombre, on aurait recueilli un précieux
avantage.
Nous avons déjà dit que le fond de Touvrage est très-solide. Don
F. Rosa expose les vérités religieuses, particulièrement les questions'
morales, dans leurs détails ; nos lecteurs français seront étonnés de
rencontrer dans un catéchisme développé ce que Ton réserve ordinai-
rement aux traités de théologie. C^est qu'en Italie, même après tant
de ruines, le christianisme tient une bien plus grande place qu'en
France dans les pensées de tous : on s'intéresse encore à ce que chez
nous on néglige. Le lecteur peu accoutumé à la langue italienne com-
prendra cependant sans peine YEspozisione de don S. Rosa : le stjle
est sans prétention, la langue classique. Cependant il est facile de
remarquer, dès la première page, que ce livre a été écrit à Turin : on
ne trouve jamais au pied des Alpes la lingua fiorentina^ qui ne se fait
entendre que sur les bords de l'Arno ou du Tibre.
E. POUSSET.
SCIENCES
I*etrl Antonil Corte. In R. Taurlnensl atlieii* antehac pro-
fesBorls, Elementa pbllosopbiee, m usum seminariofvm. Taurini,
Marietti, 1874 [Paris, Lethielleux], 3 vol. in-12. Vol. I, Logica^ 291 p.; vol. Il,
Metaphysica, 167 p.; vol. UI, Ethica, 247 p. — Prix : 7 fr. 50.
Principil elementarl «11 filosofla» del prof. Testa, teol. coll. Vittore.
Torino, Marietti [Paris, Lethielleux]. 2 vol. in-i2. Filosofia speeulaiiva
(1874), 435 p.; Filosofia nmale (1875), 379 p. — Prix : 4 fr. 50.
Nous ne devions pas séparer ces deux professeurs ni leurs cours de
philosophie, rédigés, l'un en latin, à Tusage des séminaires, l'autre en
italien, pour les collèges. Malgré les différences qui résultent de leur
destination respective et quelques autres, ils ont un air de famille, qui
est expliqué par cette note de M. Testa {Filos, speeul,^ p. 14) : « Nous
aimons à déclarer que nous devons à M. Corte la plus grande partie de
ce que renferment nos principes élémentaires de philosophie spécula-
tive. On ne s'en étonnera pas si Ton songe que les éléments dictés par
lui furent, pendant une longue suite d'années, le texte de notre ensei-
gnement, de sorte que non-seulement ses doctrines, mais ses expres-
sions même nous devinrent familières. »
Il n'j a pas lieu, d'être surpris de Tinfluence qu'a exercée, même
avant d'être imprimé, le cours de philosophie de M. Corte. Il est, au-
jourd'hui encore, fort instructif et fort attachant, quoique plus appro-
prié à la situation philosophique de 1850 ou environ, qu'à celle du
moment présent. Nous n'avons garde de l'analyser ici. Il suffit d'ob-
server qu'il est conforme à la division ordinaire {Logique^ Métaphy-
sique et Morale), avec cette particularité que la logique et la morale
3ont précédëes chacune des questions de psychologie expérimentale
qui lui servent de base, et que la métaphysique se divise en Psycholo^
gie rationnelle et Théologie naturelle, sans aucun traité d'ontologie géné-
rale. Tous les problèmes philosophiques sont discutés et résolus en
bons termes, dans une forme également éloignée de la sécheresse
scolastique et du développement oratoire ; le latin, sans prétendre à
la pureté classique, n'a rien de barbare. Ce qui nous a frappé surtout,
ce sont les notes fréquentes et assez étendues qui garnissent le bas des
pages, et qui offrent une quantité de citations intéressantes emprun-
tées aux sources les plus diverses et aussi souvent à nos auteurs fran-
çais (cités dans notre langue) qu'aux classiques anciens et italiens.
Plusieurs pages donneraient lieu à diverses critiques secondaires,
que nous aimons mieux supprimer. Il suffit de dire que Tesprit chré-
tien anime toutes les parties de Touvrage, mais qu'il ne peut cepen-
dant être accepté de tous les maîtres chrétiens, parce qu'il a une
couleur d'école fort marquée. Le vénérable auteur est rosminien pur.
Ses doctrines sur la génération, sur l'union de l'âme et du corps, sur
le critérium de la vérité, sur la probabilité morale, etc. sont exacte-
ment celles de son maître. Son idéologie surtout (t. I*% p. 90-140) est
un bon résumé de la théorie de Rosmini sur la formation de la con-
naissance. En voici les points principaux : 1. Meœ omnes ad ideam
ends reducunlur; 2. Ope ideœ entis ideas omnes humanus spiritus format ;
3. Idea entis est innata.
La partie la plus complète et la plus indépendante de toute idée
d'école, dansce cours, est certainement la morale, qui forme un ensemble
très- complet et très-scientifique. Je n'y reprendrai que la définition
du suicide, qui semble exclure plusieurs cas de mort volontaire (t. III,
p. 133), ce qui n'est sans doute qu'un défaut de rédaction. Il faut donc
recommander ce volume comme un excellent manuel de philosophie
morale, et le cours tout entier comme un livre fort estimable et fort
utile, ne fût-ce qu'à titre d'exposition abrégée du système d'un des
plus grands philosophes catholiques du dix- neuvième siècle, f Antoine
Rosmini.
^ M. Testa, on l'a vu, n'a pas d'autres doctrines. Cependant, sa
Filosofia speculativa semble étrangère à toute idée systématique, et
peut convenir à l'enseignement chrétien de la philosophie élémentaire,
indépendamment de tout parti pris d'école. La plupart des maîtres,
pourtant, regretteront, sans doute, que le cours commence par la méta-
physique et par la partie la plus élevée de la métaphysique, IsithéosO'
phiey mot cher aux rosminiens, quoique M. Corte ne l'ait pas adopté.
Cette partie, placée avant toute théorie de la raison, perd assurément
beaucoup de sa valeur scientifique. La psychologie de M. Testa nous
paraît supérieure ; elle est, du reste, conforme au cadre adopté par les
— 406 —
disciples de Rosmini, mais Tidëologie de ce dernier en est absente.
La logique laisse peu à désirer. La morale nous paraît au-dessus de
tout éloge. Nous la connaissions et nous l'estimions depuis longtemps :
car elle avait paru séparément sous le titre de Principii elemeniari di
filosofia morale (4^ édition^ 1865). Elle est assez conforme au plan et
aux idées générales de celle de M. Corte. Mais il y a ici plus de déve-
loppements et une appropriation encore plus exacte aux besoins du
temps. Lb, Civilid cattolka de juin 1863, en avouant qu*elle avait abordé
ce livre avec de grandes préventions, j loua franchement la clarté du
stjle, la profondeur de la doctrine et Tesprit vraiment catholique.
Aujourd'hui qu'il reparaît encore amélioré par l'auteur, nous sommes
heureux de lui donner, en connaissance de cause, les mômes éloges,
et de le recommander très-vivement aux maîtres et aux élèves de phi-
losophie qui entendent Titalien. Léonce Gotjturb.
Physiologie de la volonté, par A. Herzen, traduit de Tîtalien par
le iD' Ch. Letourneau. Paris, Germer Baillère, i874. In-18 de xxiv-192p.
{Bibliothèque de philosophie cojitemporaine.) — Prix : 2 fr. 50.
Dans quelques mots a au lecteur » Técrivain russe-italien s'ex-
prime avec modestie sur la valeur et l'originalité de son livre. On n'a
voulu le prendre au mot ni en Italie, où son travail a fait beaucoup de
bruit, ni, sans doute, en France» où Ton a jugé utile d'en publier une
traduction. Le fait est que les idées exposées par M. Herzen ne sont
pas encore communes et même, espérons-le, ne le seront jamais. Il
nie résolument et absolument la liberté ; et c'est tout simple pour lui,
pur matérialiste, qui nie aussi, non-seulement l'âme, mais toute vie
distincte des lois physiques, et pour qui l'organisme vivant est tout
simplement un foyer de transformations matérielles et dynamiques, j Qom^
pris ce qu'on appelle faits psychologiques.
Du reste, chez M. Herzen, comme chez la plupart des penseurs de
la même école, ce qui effraye le plus^ce n'est ni la hardiesse des asser-
tions, ni l'allure scientifique de la discussion, c'est la parfaite igno-
rance de la psychologie laplus vulgaire, que dis-je? la parfaite oblité-
ration du sens intime et du sens commun. Ainsi vous croiriez que la
négation de la liberté ne peut se produire sans quelques précautions à
l'endroit de la morale publique, évidenament ébranlée par une telle
doctrine. Eh bien, c'est tout autre chose. M. Herzen, dans son Intro^
duction^ déclare et démontre à sa manière que « la destruction de
l'hypothèse du libre arbitre ouvrira, pour Tavenir, une ère de progrès, »
parce que toutes nos plaies sociales viennent de cette malencontreuse
et absurde hypothèse !
Voici du reste, cette hypothèse éliminée, comment M. Herzen
explique ce que nous appelons les déterminations libres de la volonté.
— 407 —
•
Pour lui (p. 128), elles sont « le produit infaillible, nécessaire et
exclusif des trois facteurs suivants : 1® V organisation individuelle^
c'est-à'dire la constitution physique et morale innée, les dispositions^
les tendances, les passions, les talents^ le caractère, etc.; 2®rétatdu
système nerveux au moment où il reçoit l'impression qui le met en
activité ; et cela comprend Tétat moral (I) des centres nerveux produit
par réducation dans le sens le plus vaste de ce mot ; 3^ Vensemble des
impressions perçues au moment d'agir, soit que leur origine soit direc-
tement externe, soit qu'elles se réveillent par action réflexe ou par
association dans la trame intérieure des centres nerveux. »
Mais quelle est la démonstration de ces belles choses? La liberté se
constate psychologiquement ; c'est sur le terrain de la psychologie
que nous attendons ses adversaires. M. Herzen ne le connaît pas;
tout au plus vous prouvera-t-il que vous n'ôtes pas libre, en vous
mettant au déii de vous jeter par la fenêtre d'un troisième étage. 0
profonde intelligence du rôle et de la portée de la liberté I La démons-
tration de l'écrivain florentin est physiologique. Pour lui, impression,
sensation, détermination active, se suivent par une connexion méca-
nique. Le fort de ce système est la théorie de V action réflexe^ qui est,
dans rintérieur de Torganisme, une suite nécessaire de l'impression
extérieure. Dès lors, plus de liberté, que dis-je? plus de volonté, plus
d'instinct: un pur mécanisme. Malheureusement pour M. Herzen, tout
cela ne tient pas contre Tévidence absolue de la conscience, et même
contre une étude un peu plus attentive de la vie organique, que la
théorie matérialiste de Taction réflexe n'explique pas le moins du
monde, comme le démontrait naguère, dans le Correspondant, M. le
D' Chauffard. Mais, que penser de la moyenne philosophique d'une
époque où des livres pareils usurpent, et accaparent presque exclu-
sivement, une réputation sérieuse de profondeur et de solidité
scientifique ? Léoncb Couturb.
da Contttltatlon de l*A.ii§pleterre, considérée dans ses rapports avec
la loi de Dieu, par M. F. Le Plat, avec la collaboration de M. A. Delaiab,
Tours, Marne ; Paris, Dentu 1875. 2 vol. in-i8 j. de Lxm-340 et 437 p.
— Prix : 4 fr.
Depuis un siècle environ, nous avons les yeux tournés vers l'Angle-
terre; c'est là qu'à diverses époques, nous sommes allés demander des
modèlesde constitutions, un idéal de gouvernement. Mais, préoccupés
de nos institutions politiques ébranlées par des révolutions successives,
nous n'avons vu,chez nos Yoi8ins,.que les résultats extérieurs ; la cause
cachée de la force et de la prospérité de l'Angleterre nous a presque
toujours échappé. Le temps nous a appris que ces institutions étran-
gères ne pouvaient vivre sur notre sol ; voici maintenant que nous
— 408 —
allons apprendre la cause qui leur a permis de traverser tant de siècles
dans la vieille Angleterre. Pour donner un pareil enseignement, un
homme ordinaire ne pouvait suffîre, un homme public eût été suspect ;
compromis dans nos essais politiques, il aurait paru prévenu, et se
serait montré ou trop hostile ou trop favorable ; il n'aurait pu demeu-
rer calme au milieu de Tardeur des partis.
Il fallait, pour traiter un pareil sujet, un esprit assez élevé pour
remonter aux causes morales et saisir leurs rapports, assez large pour
en déduire toutes les conséquences pratiques, assez profond pour en
pénétrer toutes les parties, assez éclairé pour leur communiquer cette
lumière qu'apporte la connaissance des diverses constitutions sociales.
L'éminent auteur des Ouvriers européens et de La Réforme sociale,
M. F. Le Play, réunissait pour une pareille œuvre tout ce que l'étude
et l'observation ajoutent à la connaissance des hommes et des sociétés
les plus diverses.
La méthode de M. Le Play est trop connue pour qu'il soit néces-
saire de l'exposer. Ayant pour base l'observation calme des faits, elle
enlève au hasard tout ce qu'il est possible de lui ôter, elle échappe
aux préjugés et aux idées préconçues, et demeure essentiellement pra-
tique au milieu des théories sans nombre enfantées de notre temps. La
constitution de l'Angleterre nous apparaît donc, au milieu de nos
désastres et de nos incertitudes, comme un des exemples les plus salu-
taires que Ton puisse offi*ir, non pas à Timitation, mais à la méditation
des esprits sérieux. On verra par là combien il est plus utile pour
un peuple d'améliorer lentement sa constitution sociale que de la
transformer subitement. C'est dans ce respect de son passé que TAn-
gleterre a puisé sa force, c'est pour avoir brisé avec le nôtre que nous
sommes contraints d'errer à l'aventure au milieu des essais les plus
divers, sans pouvoir nous attacher à aucune institution. Tels sont les
enseignements que Ton retirera de l'œuvre vraiment magistrale que
nous annonçons.
Mais il est un point de vue qui mérite d'être particulièrement signalé,
car il nous apparaît comme un symptôme au milieu de nos temps
troublés. Jusqu'ici, Ton n'avait étudié les sociétés que dans leurs
rapports avec la politique et la philosophie ; il appartenait à M. le Play
de relever le point de vue d'où l'observateur doit considérer les rap-
ports sociaux, en choisissant, comme type et comme idéal pour un
peuple, la coutume fondée sur la pratique de la loi de Dieu. C'est à la
lumière de la loi morale que M. le Play a étudié l'Angleterre; c'est
sur cette pierre de touche qu'il a. jugé sa constitution dont aucune
partie ne lui a échappé. Ce sont d'abord les lieux eux-mêmes, dont
l'influence est si grande sur les populations, que l'auteur nous présente
dès le début de l'ouvrage.
— 409 —
Puis, c'est le peuple aaglais dont il nous dépeint le caractère, dont
il nous fait parcourir Thistoire dans une briôveté lumineuse. Nous pé-
nétrons ensuite dans la famille, cette véritable unité sociale, la cause
la plus puissante de la grandeur ou delà décadence d'un peuple. Nous
étudions successivement Fassociation et la hiérarchie dans la vie<
privée, et les rapports des Anglais avec les étrangers.
Dans le tome second, nous observons le gouvernement local, le gou-
vernement provincial, TÉtat, sous ses divers aspects. Enfin, la conclu-
sion et Tépilogue résument en une admirable synthèse l'ouvrage tout
entier, qui est lui-même le résultat d'une vie entière consacrée à l'étude
calme et sereine des plus hautes questions sociales.
Telle est^ dans toute l'imperfection d'un compte rendu sommaire,
cette œuvre remarquable, destinée à un long et glorieux retentisse-
ment. Puisse-t-elle nous apporter la fin de nos souffi>ances^ puisse-
t-elle provoquer^ parmi nos gouvernants et dans toutes les classes de
la société, un retour vers les saines traditions des peuples prospères,
trop longtemps abandonnées en France, mais conservées en Angle-
terre au milieu de tous les bouleversem ents du continent !
E. Dbmolins.
Lia Xliéorle des atomes dans la conceplloii générale du
monde, par M. A. Wurtz, membre de l'Institut. Discours d'inauguration
de la troisième session de l'Association française pour ravancement des
sciences, suivi des éloges de Laurent, de Gerhardt et de Soubeiran. Paris,
G. Masson, 4874. In-18 j. de 147 p. — Prix : 2 fr.
Dans ce remarquable discours, le savant doyen de la faculté de
médecine a montré comment la notion des atomes, indiquée par les
anciens, a été précisée par la science moderne et surtout parla chimie.
Tout j a concouru, depuis les mémorables découvertes de Lavoisier,
Berzélius et Dalton sur la combustion, l'affinité et la loi des propor-
tions définies, jusqu'aux belles études de M. Dumas sur les substitu-
tions et les types moléculaires. De là, est sortie la théorie de l'atomi-
cité, conception féconde, puisqu'elle permet non-seulement d'expliquer,
mais de prévoir les propriétés des corps composés, et, en quelque
sorte, de les créer. Abordant ensuite les considérations de l'ordre le
plus élevé, l'éloquent orateur expose l'appui que la notion des atomes
apporte aux doctrines de la physique moderne. Pour celle-ci, en effet,
tout n'est que mouvement des atomes et vibrations qui s'échangent
entre la matière pondérable et Téther, « ce messager rayonnant de la
chaleur et de la lumière. » Elle sait découvrir ces merveilleux mouve-
ments des infiniment petits dans les phénomènes les plus divers de
Taffinité, de la fusion^ de l'électricité... Elle sait même obliger les
ondes lumineuses à lui révéler la constitution des astres perdus aux
confins du ciel visible. En retrouvant, dans tous ces mondes errants, les
- 410 —
mêmes corps simples que sur notre terre, quelques esprits ayentu-
reux se sont laissé séduire par Thypothèse que les atomes des diffé-
rentes substances représentent les degrés successifs de concentration
d'un seul élément^ l'éther.
Telle est Tadmirable ordonnance de la nature, où tout se ramène à
des mouyements harmonieux et rhythmés. Mais, comme le dit excel-
lemment Torateur en terminant, a c'est en yain que la science aura
réyélé à l'esprit humain la structure du monde et l'ordre de tous les
phénomènes : il yeut remonter plus haut, et, dans la conyiction
instinetiye que les choses n'ont pas en elles-mêmes leur raison d'être,
leur support et leur origine, il est conduit à les subordonner à une
cause première, unique^ uniyerselle, Dieu. »
Dans les Éloges qui terminent le yolume, M. Wurtz retrace la car-
rière et rappelle les titres scientiâques de trois hommes éminents :
Laurent, qui contribua plus que personne à déyelopper, par ses propres
découyertes, la doctrine féconde des substitutions et des édifices mo-
léculaires émise par M. Dumas; Gerhardt,que firent connaître d'abord
ses recherches sur les équiyalents de Foxjgène et du carbone, puis
ses études sur les composés groupés en séries homologues ; Soubeiran^
dont les débuts dans la yie furent entrayés par des malheurs immérités
que Tadmirable déyouement de sa mère et son courage personnel lui
firent surmonter, et dont le nom reste lié à d'importants trayaux de
pharmacie ainsi qu'à l'inyention du chloroforme. A. D.
da Conservation de Pénergple, par B. Stewart. Traduit de Tanglais,
par P. de Saint-Robert. Paris, Germer Baillière, 4875. In-8 de 209 p. —
{Biblioihèqm scientifique internationale») — Prix : 6 fr.
Ce titre est obscur; au reste, la clarté manque souyent dans cet
ouyrage. Énergie est employé comme synonyme de force : par
exemple, un corps placé à une certaine hauteur, un pendule qui
oscille possèdent de Fénergie, car ils sont capables de produire un
certain mouyement, un certain trayail. L'effet produit est rigoureuse*
ment égal à la force déployée. L'auteur démontre, et c'est ici le
meilleur chapitre de son ouyrage, que Ténergie mécanique est suscep-
tible de se transformer en chaleur. Rien ne se perd, car la chaleur
est une yariété de mouyement. H. Dayy le prouya en faisant fondre
deux morceaux de glace qu'il frottait l'un contre Fautre. — Suiyent
les expériences de Joule, sur la détermination de Téquiyalent méca-
nique de la chaleur. L'énergie se trouye partout dans la nature : gra-
vitation, forces élastiques, affinité chimique, forces moléculaires et
atomiques, électricité. Ces énergies sont variables, mais leur somme
est constante ; c'est ce que l'auteur appelle principe de la conservalion
de rénergie.
— 4H —
Il y a, aTons^nons dit, transformation da mouvement en chaleur;
l'auteur applique cette donnée à Tunivers et au soleil en particulier ;
il laisse à entendre que la matière et le mourement sont étemels. Les
êtres animés sont compris dans ce mouvement universel. Ici l'auteur,
malgré ses obscurités, nous parait plus que suspect de matérialisme
(p. 168). — Le traducteur a fait suivre ce travail d'un mémoire sur la na-
ture de la force. Il termine ainsi : « On est amené de plus en plus h ne
voir dans la nature que matière et mouvement, tous deux indestruc-
tibles (p. 208). n Ce. Lefbbvrb.
Ije Ci*ime et la Folle» par M. H . Mâudsley. Paris, Germer Baililère,
1874. In-8 de 300 p. (Bibliothéqm scierUifique internationale,) — Prix: 6 fr.
L'auteur de cet ouvrage est franchement matérialiste. Qu'est-ce que
rhomme? Un animal et rien de plus. Cette intelligence dont il est si
fier est < un terme général exprimant la somme totale des fonctions
du cerveaa,.que nous appelons intelligence, sentiment et volonté
(p. 14).» L'homme n'a point la libre détermination de ses actes : a car
il y sl, pour l'homme, une destinée que ses ancêtres lui ont faite, et
nul, fût- il capable de le tenter, ne peut résister à la tyrannie de son
organisation (p. 20). » — « Le scélérat n'est pas scélérat par un choix
délibéré des avantages ou des jouissances de la scélératesse ; mais
par une inclination de sa nature faisant que le mal lui est un bien et
le bien un mal (p. 23). »
Poursuivons : a Le scélérat juge ainsi, parce que, quoique ayant reçu
les mêmes enseignements que tout le monde, il ne se les est pas assi-
milés. » — Car, pour l'auteur, le sens moral n'est autre chose qu'une
faculté acquise (p. 59). Les hommes l'ont inventé autrefois dans l'in-
térêt de la société (p. 59). C'est un effet concomitant de l'évolution de
l'humanité (p. 60). — Une personne qui n'a point acquis cette faculté
est naturellement très-apte à devenir criminelle (p. 57). Cela va de
soi.
Venons aux rapports du crime et de la folie. — a L'absence de sens
moral est une des conséquences possibles de l'insanité, chez les ascen-
dants et dans la famille (p. 56). » — «Parfois le crime est très-claire-
ment le résultat d'une véritable névrose (p. 30). » L'auteur développe
sa pensée : « Tout inacceptable qu'il puisse paraître de supposer qu'un
crime est une preuve de folie, alors que pas un symptôme antérieur n'a
fait prévoir le mal, il est cependant possible que le crime marque la
période où la tendance à l'insanité est devenue l'insanité elle-même,
l'heure où l'organe trop faible a cédé à. la poussée qu'il supportait
(p. 66). »
Qu'est-ce donc que le crime? L'auteur aflarme « que Tidée du crime
implique deux éléments : 1* la connaissance que l'acte qui le constitue
- 412 -
est contraire à la loi (?) ; 2^ la volonté de faire ou de ne pas faire cet
acte (p. 105). » Pourrait-il j avoir des criminels, dans le système déve-
loppé par Tauteur? Non, certes. Aussi, ne sommes-nous pas étonnés
de lire en un autre endroit : a A aller au fond des choses, peut-être trou-
verait-on qu'en définitive, ladifiérence est petite, entre mettre le cri-
minel en prison ou le séquestrer dans un asile (p. 24). » Il conclut
également à Tabolition de la peine de mort (p. 26).
Toutefois, l'auteur admet que l'homme peut et doit travailler à se
préserver de la folie. Et, parmi les moyens qu*il indique, se trouve
au premier rang l'étude des sciences naturelles (p. 255-292). Nous
n'ajoutons rien. L. Lefbbvrb.
Histoire de» mathématique*, depuis leurs origines jusqu'au com-
mencement du dix-neuvième siècle, par Ferdinand Hoefer. Paris. Hachette,
1874; in-d8 j. de 602 p. —Prix : 4 fr.
Les conquêtes inattendues que les sciences ont réalisées depuis un
siècle^ et les grandes inventions qui en ont été le magnifique cortège
ont porté Forgueil humain aux plus dangereuses illusions. On s'est
complu trop souvent à dire que l'homme, affranchi par la science,
reléguait désormais les religions vieillies au rang des jouets hrisés,
secouait le joug des traditions routinières et pouvait enfin s'élancer^
riche de forces, avide de conquêtes, dans la voie féconde de la liberté
et du progrès. A coup sûr, la vraie science n'a jamais partagé ce
délire orgueilleux des faux savants. Peut-être, cependant^ l'auteur de
YHistoire des mathématiques a-t-il cédé à quelque entraînement dont le
lecteur, au surplus, a peine à se défendre : lorsqu'on assiste à cette
lente évolution du raisonnement, s'essajant d'abord dans la numéra-
tion dactylographique des peuplades primitives et s'élevant, peu à peu,
jusqu'à peser les astres et mesurer les profondeurs du ciel, comment
ne pas s'émouvoir au spectacle de « ce drame de Tesprit humain » et ne
pas s'éprendre de quelque passion pour le héros ?
Après avoir exposé d'ingénieuses considérations sur l'origine des
mathématiques^ l'auteur aborde son sujet et rassemble des renseigne-
ments aussi curieux qu'instructifs sur les systèmes de numération, l'in-
vention des chiffres et les premières connaissances d'arithmétique ou
de géométrie chez les peuples de l'antique Orient et chez les Égyp-
tiens. Ce n'est que chez les Grecs, toutefois, que de florissantes écoles
cultivèrent avec succès, quoique en y mêlant des conceptions philo-
sophiques, ces connaissances demeurées infertiles ailleurs. C'est
d'abord en lonie, Thaïes, Anaxagore et les premières études sur la
quadrature du cercle ; ensuite dans la Grande-Grèce, Pythagore, unis-
sant ses doctrines mystiques aux recherches sur les diverses propor-
tions et le carré de l'hypoténuse; enfin, Platon et ses disciples, conti-
— 4i3 —
nuant les tendances pythagoriciennes, perfectionnant les méthodes de
démonstration et découvrant les sections coniques. Après la mort
d'Alexandre, le îoyev de la philosophie et de la science se déplaça et
suivit, en Egypte, le plus heureux de ses lieutenants. Alexandrie vit
successivement deux écoles célèbres. La première fut illustrée par
Euclide, le vrai fondateur de la géométrie ; par Apollonius, Tauteur
d\i Traité des sections coniques ; msiis surtout par Archimède, le plus
grand mathématicien de Tantiquité. Il créa, pour la quadrature des
aires, la méthode des limites ou méthode d'exhaustion, dans laquelle
on peut voir avec raison le point de départ de Tanaljse infinitésimale.
Aux premiers siècles de l'ère chrétienne, la seconde école d'Alexan-
drie compta encore plus d*un géomètre éminent : Ménélaus et Pto-
lémée, auxquels on rapporte Torigine de la trigonométrie ; Pappus,
l'auteur d'un recueil précieux pour l'histoire des méthodes anciennes ;
endn, Diophante, que l'on peut, à bon droit, regarder comme l'inven-
teur de l'algèbre.
Après la décomposition du vieux monde païen et avant la renais-
sance, l'école d'Athènes au sixième siècle, l'école byzantine au
septième, et les mathématiciens latins après Charlemagne^ ne
firent guère que commenter les œuvres de leurs prédécesseurs. Encore
faut-il reconnaître que les ouvrages d'Enclide, d'Apollonius, etc.
furent transmis au moyen âge surtout par les traductions des Arabes.
Ceux-ci, en développant les méthodes, contribuèrent beaucoup à
fonder la trigonométrie dans laquelle ils substituèrent la considéra-
tion des sinus à celle des cordes ; à transformer l'algèbre qu'ils ten-
tèrent d'appliquer à la géométrie; et surtout à créer ralgortthme^ ou
arithmétique de position par laquelle le zéro et les autres signes
numéraux reçoivent une valeur déterminée suivant leur rang de droite
à gauche.
Après Léonard de Pise, Albert Durer et Léonard de Vinci arrivent
jusqu'au seuil du seizième siècle. On ne peut même esquisser à grands
traits la succession rapide des progrès scientifiques que viennent
encourager à la fois et le culte de l'antiquité, et la découverte du
Nouveau-Monde, et l'invention de l'imprimerie. Après Copernic,,
qui se voua à l'astronomie^ c'est Tartaglla et Cardan qui s'occupèrent
surtout des équations du troisième degré ; Oronce Fine, qui crut avoir
trouvé la quadrature du cercle ; Yiète, qui s'illustra dans toutes les
branches des mathématiques, et posa les premiers jalons pour l'applica-
tion de l'algèbre à la géométrie ; Harriot, qui décomposa les équations
en facteurs simples ; Kepler, enfin, l'un des plus grands géomètres et le
propagateur des logarithmes, inventés par Napier et Briggs. Avec le
dix-septième siècle, commence l'époque mémorable où la raison, que
guide une foi robuste, grandit et s^élève. L'idée de l'infini pénètre
— 414 —
dans les mathématiques, et se traduit, dans les méthodes nouvelles,
par les mots de maxima^ tninima, tangentes^ différentielles^ infiniment
petits,.. Il faut se borner ici à citer des noms : Galilée et Cavalieri,
qui introduisent la conception des indivisibles ; Descartes et Fermât,
qui appliquent Talgfèbre à la géométrie, et se querellent pour la mé-
thode de maximis et minimis; Pascal, qui donne de si féconds théo-
rèmes sur las coniques ; Desargues et Roberval ; Walliâ, qui applique
l'analyse cartésienne aux indivisibles de Cavalieri ; enûn Newton et
Leibniz, qui, formulant les idées vaguement émises depuis un siècle,
créent la méthode des fluxions et le calcul différentiel.
Au dix-huitième siècle, les progrès se poursuivent, quoique le scepti-
cisme, qui se développe surtout par l'imitation des Anglais, vienne, peu
à peu, rompre Taccori fécond de la foi et de la science. Aux BernouUli,
qui élucident les probabilités et s*attachent à Tétude de la chaînette
ou d'autres courbes célèbres, succèdent RoUe, l'inventeur de la
méthode d'approximation dite calcul des cascades; les Riocati, qui per-
fectionnent les procédés d'intégration des équations différentielles ;
Tajlor et Nicole, qui traitent surtout du calcul des différences finies,
tandis que Moivre s'attache à l'anal jse et aux jeux de hasard ; Maolau*
rin, qui formule les propriétés générales des courbes et s'inspire des
méthodes d'Archimède dans son étude du sphéroïde terrestre; Euler,
illustre entre tous, qui reprend et développe, en même temps que
d'Alembert, les diverses parties du calcul intégral ; Glairaut, acadé-
micien à dix-huit ans, célèbre par ses recherches sur les courbes à
double courbure et sur la figure de la terre ; Bezout, auteur d une
remarquable théorie des équations ; Condoroet, qui précise les condi*
tiens d'intégrabilité des équations différentielles et le calcul des pro-
babilités; Lagrange, dont les immenses travaux, depuis le Calcul des
variations jusqu'à la Mécanique analytique et la Théorie des fonctions,
ne peuvent être énumérés ici; Laplace, qui, s'il n'a pu créer une
science nouvelle, était, au jugement de Fourier, né pour tout perfec-
tioimer et dont l'œuvre capitale en mathématiques est la tiiéorie ana-
lytique des probabilités; enfin, Monge et Garnot qui, après Mauper-
.tuis, généralisent les méthodes ébauchées par Pascal et Desargues,
l'un parla Géométrie descriptive, l'autre par la Géométrie de position.
Tel est l'enchaînement historique de ces patientes conquêtes qui ont
mis à la disposition de la science de merveilleux instruments de
démonstration et d'investigation. Peut-être doit-on regretter que l'au-
teur, s'arrétant devant les contemporains, n'ait pas cru pouvoir faire
un pas encore et analyser au moins, avec son érudition savante, les
méthodes de Cauchy et le calcul des imaginaires, procédés si féconds
et trop peu connus.
Malgré cette laoune volontaire et malgré la critique que nous avons
— 415 —
indiquée au débuts VBtstoire des mathématiques se recommande à tous
ceux qu'intéresse la science. Etudier la marche de nos devanciers dans
la route qu'ils nous ont ouverte, est à la fois, en effet, un juste hommage
rendu à leur mémoire et le plus sûr moyen de développer les aptitudes
qui permettront de poursuivre leurs travaux. Aussi, ne saurait-on trop
désirer que nos programmes fassent une plus large part à Thistoire
philosophique des sciences. C'est là cet enseignement comparé que le
Père Gratry, conseille dans Pun des plus éloquents chapitres àesSources,
etsurtout pour les connaissances mathématiques; car, suivant une pensée
qu*il emprunte à Bordaz-Desmoulins : «sans les mathématiques, on ne
0 pénètre pas au fond de la philosophie ; sans la philosophie, on ne
0 pénètre point au fond des mathématiques ; sans les deux, on ne
« pénètre au fond de rien.» A. D.
Goure de navl^patlon Intérieure. Fleuves et riviéreSf par H. de
Lagrené, ingénieur des ponts et chaussées, chevalier de la Légion d'hon-
neur et de rOrdre de Léopold de Belgique. Paris, Dunod, 1869-1871-
1873. 3 vol. in-4 de 164, 222, 440 p., accompagnés chacun d'an atlas de
même format de 9, 12 et 43 pi. — Prix : 75 fr.
Traité de la eonatructlon dea ponta et viaducs» en ftierre, en
charpente et en métal pour routes, canaux et chemins de fer, avec un appen-
dice pour la construction des souterrains, par Al. R. Morandière, inspec-
teur général des ponts et chaussées, professeur du cours de ponts à l'École
des ponts et chaussées. Paris, Dunod, 2 fascicules in-4 (1874-1875), for-
mant un Tolume de 440 p. airec un atlas in-fol. de 115 pi. — Prix : 80 fr.
Le Polybiblion tient à ne point laisser de côté les ouvrages concer-
nant les travaux publics, aussi bien en France qu'à Tétranger, et nous
ne pouvons mieux inaugurer Texamen des livres de cette spécialité que
par ces deux magnifiques publications : elles font le plus grand hon-
neur au corps national des ponts et chaussées auquel nous apparte-
nons, et il n'y a pas besoin d'être ingénieur pour y trouver les plug
larges éléments d'instruction : tout en s'adressant spécialement aux
hommes techniques, ces beaux livres, avec leurs splendides atlas,
doivent entrer dans la bibliothèque de tout homme qui se pique d'aimer
les arts, les sciences et l'industrie.
Le Cours de navigation intérieure de M. de Lagrené, n'a pas été fait
pour être professé. Le savant ingénieur, longtemps attaché au service
ordinaire de la navigation de la Seine, aujourd'hui ingénieur en chef
de la Haute-Marne, en avait à loisir recueilli tous les documents pour
son instruction personnelle, et il a cru, avec raison, qu'il devait faire
profiter le public de ses patientes recherches et des résultats acquis
par sa propre expérience. Quoiqu'il dise modestement dans sa préface
que les nombreuses occupations de son service ne lui ont pas permis
d^exposer et de discuter dans un ordre suffisamment logique les faits
— 4i6 —
observés^ d'approfondir les points restés douteux, de faire ressortir de
Tensemble les préceptes applicables dans chaque espèce, et que la
plupart des sujets traités réclament encore de nouvelles recherches de
la part des ingénieurs et des savants de tous les pays, nous avons ici
un excellent exposé de tout ce qui peut intéresser le service d'entre-
tien, d'amélioration et de construction de la navigation dans les rivières
et les canaux. Aucun traité complet n'existait encore en France sur la
matière, et nous nous rappelons avoir été fort embarrassé, en 1866, pour
trouver des documents suffisants de comparaison au sujet d*une mission
qui nous avait été confiée pour étudier l'aménagement des canaux en
Angleterre. Si quelques points spéciaux sont encore à trancher d'une
manière définitive^ par exemple, celui du profil intérieur à donner aux
murs de soutènement des quais, nous avons du moins l'état fort exact
des discussions et des expériences acquises, et, désormais, pour toute
question intéressant les canaux où les rivières, on sera sûr de trouver,
dans Touvrage de M. de Lagrené, une réponse très-satisfaisante.
Après avoir fait ressortir combien les améliorations produites
dans le service de la navigation intérieure peuvent rendre des ser-
vices signalés au commerce et à Tindustrice, M. de Lagrené étudie
d^une manière générale, en forme d'introduction, le régime des cours
d'eau, les causes qui infiuent sur la hauteur de leur niveau, le rapport
entre le volume de la pluie tombée et le débit des rivières, l'influence
de la culture et des forêts sur le niveau des crues ; il donne des détails
fort intéressants et très-complets sur tous les modes de jaugeage
usités jusqu'ici; son érudition, en pareille matière, est prodigieuse^ et les
recherches qu'il lui a fallu faire pour retrouver, dans une foule de pu-
blications disparates, les résultats d*expériences exécutées depuis les
temps anciens sur les fleuves et rivières de tous les pays, méritent la
plus sérieuse attention : c'est là certainement un des chapitres de son
premier volume qui seront le plus consultés et avec le plus de fruit.
Après des considérations historiques sur les transformatiouB suc-
cessives de la navigation en rivière depuis les temps les plus reculés
jusqu'à nos jours, M. de Lagrené aborde Tétude des travaux à exé-
cuter sur un cours d'eau où le chenal navigable existe déjà, comme la
défense des rives, enrochements, perrés, clayonnages, murs de quai,
l'aménagement des ports, des gares et des docks. L'exposé de tous les
systèmes de fondations est ici fort bien développé, mais nous eussions
désiré une solution plus catégorique de la préférence à donner au
système anglais ou français pour la coupe des murs de qoai. Nous
sommes peut-être plus intéressé qu'un autre à réclamer cette solution
au moment où nous nous engageons franchement dans le système fran-
çais pour les trois kilomètres de murs de quai que nous commençons
au nouveau bassin à flot de Penhouët, à Saint-Nazaire : mais quoique
— 4!7 —
M. de Lagrené dise modestement qu'il n'aborde pas cette recherche,
parce qu'il n'en a pas trouvé dcisolution complète, nous sommes per-
suadé que sa longue expérience aurait pu l'amener à la trancher dans
un sens ou dans l'autre. C'est là un point capital dans Tart de l'ingé-
nieur, et tous les constructeurs devront une vive reconnaissance à
celui qui leur apportera la clef définitive de ce problème.
Dans les chapitres suivants, M. de Lagrené expose l'état de ses
recherches et de ses idées personnelles au sujet de deux autres ques-
tions pleines d'actualité et qui sont encore plus capitales que la pré-
cédente : celle de la navigation aux embouchures des fleuves et celle
des inondations. La question des crues et des digues de défense contre
les inondations est bien étudiée par M. de Lagrené, qui remarque très-
justement que c'est par un très-faux raisonnement qu'on a contesté
l'utilité de l'endiguement.
Après avoir examiné les différentes manières de se servir d'un cours
d'eau au point de vue de la navigation, soit en ce qui concerne l'arri-
mage de la marchandise (flottage à bûches perdues ou en trains), soit
en ce qui concerne le mode d'aménagement de l'eau (navigation par
édusées, réservoirs employés pour relever le niveau de l'étiage...),
soit enfln en ce qui concerne le moteur, traction, touage et propulsion
des bateaux...), le savant ingénieur passe en revue les travaux
d'amélioration qui laissent libre le cours de l'eau, c'est-à-dire les
travaux de fixation d'un chenal, les rétrécissements, redressements,
approfondissements^ mines sous l'eau et hors de l'eau, draguages, cu-
rages, faucardements,etc.On trouve, dans ce IP volume, des mémoires
fort instructifs sur l'état actuel du lac de Genève, sur l'utilisation des
lacs des Pjrénées, sur les réservoirs du Furens et de Saint-Ferréol,
sur l'hélice et les roues à aubes, sur tous les modes de voilure^ sur les
procédés les plus perfectionnés d'explosion des mines, sur les dra-
guages de la Clyde et de l'isthme de Suez, en un mot sur une foule de
sigets éminemment intéressants et pratiques. Jamais pareilles matières
n'avaient été étudiées d'une façon aussi complète et aussi approfondie:
nous avons là une encyclopédie complète de tout ce qui concerne la
navigation intérieure ; et si nous ajoutons à cette nomenclature celle
des chapitres du troisième volume, qui traite de la canalisation du lit
des rivières au moyen d'écluses et de tous les systèmes de barrages
connus, barrages à déversoirs fixes, à fermettes, à hausses, à tambours,
à portes, à pontons, à presses hydrauliques, etc...., on reconnaîtra que
M. de Lagrené n'a rien oublié de ce que l'esprit le plus méticuleux
peut rechercher sur les rivières et les canaux. Le savant ingénieur
demande en terminant que l'on songe enfin à utiliser l'énorme quantité
de force motrice, ai^jourd'hui perdue, qui est accumulée dans nos biefs,
pour l'employer sur place ou la transmettre à distance à Taide d'aocù**
Novembre 1875. T. XIV, 27.
— 418 —
molateurs. Cela serait d'autant plus urgent, à une époque où Ton se
préoccupe déjà de Tinsufâsance future des mines de charbon pour
l'alimentation des machines à vapeur, que la création d^usines consi-
dérables éloignées des grands centres pourrait avoir sur les popu-
lations ouvrières l'effet moral le plus sérieux et le plus favorable à la
reconstitution de notre état social^ argourd'hui si ébranlé.
— Nous n*avon8 pas besoin de présenter longuement aux lecteurs
les titres scientifiques de Tauteur du Traiié de la construction des ponts
et viaducs : directeur des travaux à la Compagnie d'Orléans, inspecteur
général des ponts et chaussées et professeur du cours de ponts à
l'école de la rue des Saints-Pères, M. Morandière est assez connu par
les magnifiques ouvrages qu'il a exécutés sur les réseaux du centre et
de la Bretagne pour qu*il soit nécessaire d^insister sur Fautorité toute
particulière qui s'attache à son enseignement : sa mort a été un vé-
ritable deuil pour tout le ôorps des ingénieurs, et nous devons un
hommage public à Texpérienoe consommée ainsi qu'au caractère
sympathique et bienveillant de notre vénéré maître. Son cours est
édité avec un luxe extraordinaire de planches, de croquis, de tableaux,
de statistiques, de bibliographie technique, de documents de toute
espèce, puisés, dit l'éminent ingénieur, « à des sources bien sûres et
que je crois utiles, parce que j'aurais certainement été heureux de les
avoir sous la main lorsque j'ai commencé ma carrière d'ingénieur. » Il
est certain qu'il est impossible de rencontrer nulle part plus de ren-
seignements pratiques et immédiats que dans ce traité magistral.
Âjant pris part à la construction d'un grand nombre de ponts et de
viaducs (une soixantaine au moins, qui ont occasionné une dépense de
plus de 40 millions), ayant assisté à la rédaction des projets, suivi
l'exécution des travaux et le règlement complet de tous les comptes,
M. Morandière a pu apprécier d'une manière très-exacte l'importance
des dépenses principales et celle des dépenses accessoires dont, en
général, on ne tient pas suffisamment compte, et les tableaux compa-
ratifs de toutes ces dépenses, dressés pour une collection nombreuse
d'ouvrages, donnent un intérêt direct tout particulier à chacun des
chapitres du livre. Aucune méthode d'enseignement n'est comparable
à celle-là^ qui fait reconnaître, à chaque pas, qu'une bonne administra-
tion est, en somme, le principe des véritables économies.
Après des notes historiques,fort érudites,sur l'origine des ponts dans
les temps anciens, sur leur destruction par les barbares après la chute
de l'Empire romain, sur l'institution des frères pontifes et l'organisa-
tion du corps des ponts et chaussées, M. Morandière consacre un
chapitre à des considérations générales communes à tous les ponts : le
choix de l'emplacement, le débouché, le calcul des remous, la gran-
deur des arches, la forme des piles, les abords, etc; puis, étudiant spé-
— 419 —
oialement les fondations, il s'étend longaemeat sur tous les systèmes,
si perfectionnés de nos jours : fondations par encoffrements, sur pilotis,
à Fair comprimé, par caissons, par puits coulés ou sur des pieux à vis,
tous ces systèmes sont étudiés dans leurs plus petits détails ; de nom-
breux exemples pratiques sont rapportés à chaque cas, et nous signa-
lerons tout particulièrement à l'attention la description des fonda-
tions des ponts de Saint-Louis et de New York, en Amérique, et celle
des ponts et viaducs de la ligne de Nantes à Lorient,dans la traversée
des marais de Redon. Toutes les péripéties de la lutte contre les plus
terribles dif&oultés naturelles y sont exposées avec une simplicité et
une précision remarquables. C'est là le type àe renseignement calme
et sûr de lui-môme.
Abordant le chapitre des ponts en pierre^ M. Morandière se livre
ensuite à des développements étendus sur la résistance des pierres et
des maçonneries à Técrasement^ le tracé des courbes d'intrados, le
tassement et la stabilité des voûtes, Tépaisseur des voûtes à la clef,
celle des piles et des culées, le tracé des courbes de pression, les dis-
positions des parties intérieures des ponts^ le mode, l'écoulement des
eaux, les appareils de maçonneries, etc., etc. Dans tout cela, beaucoup
de science^ mais surtout beaucoup de pratique, et nous devons signaler
ce conseil, au siget du tracé des courbes de pression pour l'étude de
la stabilité des voûtes, qu'au lieu de chercher Isk courbe réelle au moyen
des constructions nombreuses de MM. Méry ou Durand-Claye, il sera
plus simple de tracer inamédiatement la courbe de pression qui résulte
de Vexpérience^ de bien étudier sa situation par rapport à l'intrados et
à l'extrados, et de déterminer les actions qui en seront la conséquence
sur les divers points et sur la culée. C'est par de nombreuses études
de cette nature, ditl'éminent professeur, qu'un ingénieur peut devenir
rapidement un bon praticien et un bon constructear. Nous sommes
parfaitement de son avis : c'est particulièrement sur les faits d'expé-
rience qu'il convient de s'appuyer dans la rédaction des projets ou dans
l'exécution des travaux.
La seconde moitié du volume est tout entière consacrée à l'étude
et à la description des dispositions générales d'un grand nombre de
ponts et viaducs remarquables, choisis dans tous les pays, depuis
les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. C'est là une revue
singulièrement instructive et intéressante, riche en documents les plus
variés, et au milieu de laquelle nous appellerons l'attention sur l'his-
toire complète des ponts de Paris et des viaducs de Bretagne. Ou
nous promet prochainement le volume qui traitera des ponts en char-
pente et en métal, et de la construction des souterrains : nous l'atten.
dons avec une vive impatience, car nos souvenirs de l'Ecole des ponts
et chaussées sont pour nous un sûr garant que cette seconde partie de
— «0 —
rœuvre de M. Morandière sera à la hauteur de celle que nous venons
de décrire. Renb Rbrvilbr.
BELLES-LETTRES
QKuvres complète» dr» Rutebenf, trouvère du treiiième siécUy recueil-
lies et mises au jour pour la première fois, par Achille Jdbinal, ex-profes-
seur de faculté, ancien député. Nouvelle édition, revae et corrigée. Paris,
Paul DafQs, 1874-75. T. !•% de lxiii-250 p. T. H, de 392 p. T. ÏH, de
436 p. — Prix de chaque volume : 5 fr.
M. Jubinal a beaucoup trayaillé, beaucoup écrit| comme il ne
manque pas de nous le rappeler lui-même, en donnant, à la fin de
chacun des trois volumes dont il vient d'enrichir sa Bibliothèque elze^
uirienne, l'ample liste de ses ouvrages, y compris ceux qui sont épuisés
Parmi toutes ses publications, celle qui lui a valu et lui vaudra long-
temps le plus de renommée, c'est la publication des Œuvres complètes
de Rutebeuf. Sans doute, Tédition de 1838 (2 vol. in-8), pas plus que la
présente édition, quoique cette dernière ait été revue avec soin sur les
manuscrits originaux^ n'est à l'abri de tout reproche, mais si Ton tient
compte de toutes les difficultés, et surtout de la grande difficulté qu'il
y a toujours à parcourir une carrière où nul n'est encore entré, on doit
bien des éloges à M. Jubinal. Rutebeuf, qui est incontestablement un
de ceux de nos vieux poëtes qui méritent le plus d'être connus, était
un de ceux que Ton connaissait le moins. Soit à cause de la verve et
du talent qui brillent dans les chants joyeux du trouvère champenois,
soit à cause de l'influence si considérable qu'eurent ces chants sur la
langue d'oil, qui atteignit, au treizième siècle, ce son point culminant de
perfection, » comme s'exprime M. Jubinal (t. P',p. v), « il importait
de mettre au jour, préférablement à celles de tout autre, les œuvres,
restées depuis six cents ans manuscrites,» de l'auteur de la Complainte
cTOutre-Mer. En regrettant que la nouvelle édition ne renferme pas,
comme la première, toutes les variantes des manuscrits consultés, je
signalerai les grandes améliorations apportées, en revanche, dans la
Notice sur Rutebeuf ^ dans la plupart des notes mises au bas des pages et
surtout dans les notes et éclaircissements, qui remplissent presque tout le
troisième volume (p. 1-322). M. Jubinal ne s'est pas contenté de nous
donner toutes les poésies de Rutebeuf : il nous a donné aussi, indé-
pendamment de divers extraits et de diverses analyses de poésies du
temps répandus dans les notes des deux premiers volumes, un certain
nombre de pièces {Additions, t. III, p. 321-354), qui ont un rapport
plus ou moins direct avec le texte du célèbre trouvère. De même, il
he s'est pas contenté de reunir tous les renseignements qu'il a pu
— 421 —
trouver sur Kutebeuf ; il a aussi consacré de petites notices à Adam
de la Halle^ surnommé le Bossu d'ArraSf quoique, suivant sa propre
déclaration, il ne le fût mie, à Adenez ou Adam le Roi, à Guillaume de
Saint- Amour, à Thibaut, roi de Navarre, dit le Chansonnier, etc. On
lira encore avec intérêt ce que dit M. Jubinal (po^^im) de la médecine
au moyen âge; des villes de Troye3, de Provins, et de Bar-sur-Seine ;
de Marie de Brabant; des divers personnages nommés Jean de Paris;
du chevalier Geoffroy de Sergines, etc. N^omettons pas enfin les
observations qu'adresse M. Jubinal à certains érudits, tels que le pré-
sident Fauchet (appelé Faucher, t. P', p. 5, note 1), Legrand d'Aussj,
Eloi Johanneau, M. Paulin Paris, qu^il proclame son « savant ami, »
et qui me parait avoir, sur b'ien des points, raison contre lui. Il serait
trop long de discuter ici toutes les assertions douteuses de Téditeur des
Œuvres de Rutebeuf; mais, du moins, j'exprimerai Tétonnement que
j'ai éprouvé en voyant M. Jubinal, homme des Pyrénées, ne pas recon-
naître dans le « vieil auteur, H. Spondanùs, » par lui cité (t. I*', p. 53),
un voisin, Henri de Sponde (né à Mauléon), évéque de Pamiers, et
abréviateur des Annales de Baronius. T. i>b L.
HISTOIRE
IVonvelle ftéograplile universelle. La terre et les hommes, par Elisée
Reclus. Paris, Hachette, {875. Gr. in-8, 24 liyraisons parues à Q fr. 50 la
lîTraison.
Le Polybiblion a parlé (t. XIII, p. 504) du plan général de cette
importante publication et des quatre premiers fascicules. ATheure
où nous écrivons, vingt-quatre livraisons ont paru, et nous ne pouvons
que souhaiter à Tauteur et à l'éditeur, comme au public lui-même, la
continuation d'une périodicité aussi régulière jusqu'à la fin de Tentre-
prise. Vingt-quatre livraisons, sur cinq cents annoncées, sont peu de
chose encore, il est vrai ; mais la maison Hachette est de celle qui ins-
pirent toute confiance.
Voici le sommaire^ des chapitres déjà parus : on sait que le premier
volume comprend l'Europe méditerranéenne, moins la France et l'Afri-
que. Chapitre premier, Considérations générales (p. 1 à 9), une gravure.
— Chapitre ii, l'Europe (p. 9 à 33) : Limites, divisions naturelles, zone
maritime, climat, races et peuples, une gravure, cinq cartes dont une
coloriée. — Chapitre m, la Méditerranée (p. 33 à 53), forme, faune,
pêche, salines, commerce et navigation, une gravure, quatre cartes.
— Chapitre iv, la Grèce (p. 53 à 129) : Vue d'ensemble, Grèce continen-
tales et Morée, tles de la mer Egée et Ioniennes, considérations
sur le présent et l'avenir et le gouvernement de la Grèce, treize cartes,
six gravures, — Chapitre v, Turquie d'Europe (p, 129 à 245) : Vue
— 442 —
d'ensemble, Crète et Archipel, littoral, Thraoe, Macédoine, Thea-
salie, Albanie, Épire, Slavie, Bulgarie, Goayernement et administra*
tion, présent et avenir, quatorze cartes, neuf gravures, une carte
ethnographique coloriée. — Chapitre vi, la Roumanie (p. 245 à 270) :
quatre cartes, deux gravures. — Chapitre vii, la Serbie et le Monté-
négro (p. 2T7 à 208) : trois cartes, une gravure. — Chapitre viii, Italie,
partie non terminée encore avec la vingt-quatrième livraison.
On voit Timportance de cette publication, tout à la fois scientifique
et illustrée : on pourrait ajouter littéraire, tant l'auteur excelle dans
les descriptions. C'est là, en effet, un ouvrage non de détails mais de
vues générales. M. Reclus fait parfaitement saisirles grandes lignes et
la configuration naturelle des différentes régions qu'il étudie, mais il
ne faut pas lui demander de notions soi-disant géographiques, telles
qu'on les conçoit dans les classes et qu'on les ofiï*e aux candidats pour
les examens. Il suppose connus les principes, les définitions mêmes
des termes techniques qu'il emploie, les divisions politiques ou admi-
nistratives, et s'attache à vous montrer l'aspect physique du pays. C'est
ainsi que, dans le chapitre sur l'Italie, dont nous reparlerons prochaine-
ment, il a plusieurs pages très-remarquables et instructives sur le
système hydrographique du bassin du Pô. D'un autre côté, l'étude des
races et des populations attire aussi son attention.
Quant aux théories politiques et sociales de l'auteur, bien qu'il soit
sobre jusqu'ici dans l'exposé des systèmes contre lesquels sa notoriété
en ce genre ne devrait que nous mettre en garde, on peut regretter
quelques vagues insinuations pour le moins contestables : ainsi il pa-
rtit admettre qu'il faille « chercher la trace des ancêtres sur le sol
même qui porte les descendants » ce qui contredit manifestement la
thèse certaine, et d'ailleurs, beaucoup plus scientifique, de l'unité d'o-
rigine, dans le groupe adamique, de toutes les races humaines. Ailleurs
quelques réflexions sur l'équilibre européen, sur la civilisation, qu'il
considère seulement au point de vue matériel, constituent des digres-
sions auxquelles il eût été préférable, croyons-nous, qu'on neselaissAt
pas entraîner, surtout dans un travail géographique.
Malgré ces desiderata, nous n'hésitons pas à recommander un ouvrage
où l'on trouve d'ailleurs, le plus souvent, un correctif aux rares asser-
tions qu'une critique chatouilleuse pourrait relever çà et là.
F. DB ROOUBFBUIL.
Xhe IVIc^ne and Apoatles* Greeds. Their îiterary Hisiory ; iogethet
mih an accxmnt of IhB Grotot'^ ani Heceptim of the Sermon cm the FoitA, eom-
monly called a the Creed of saint Athanasius, » By C. A. Swainson, D. D.
Canùti of ChichesieTy Nomsian Professor of IHvinity at Cambridge^ and
examining Chaiplain to the BUhop of Chichester; fcrmerly Fellow and
— 423 —
Tulor of Chrùfi Collège^ Cambridge. London, John Mnrraj, 4875. In-8 de
xv-542 p.
Xbe il.tlianaslan Greed, an EximtityixHm ofreeeni Theorieê retpeeting
its Date and Origin, wiih a Posieript, referring to Prof essor Swatnscn'saccount
of Us Grcwih and Réception, wMch is contained in his work eniitled « the Nicene
and Âpostles' Creeds^ tfieir Hteray History. » By G. D. W. Ohuanney, M. A.
curateof Whiichurch^ Somerset, London, Riyingtons, i875. In-12 de xtx-378
p. — Prix : 10 fr. 75.
Notre époque a le mérite d'avoir sonlevé un grand nombre de
questions historiques qui, jusqu'à présent, avaient peu ou point attiré
l'attention. Parmi ces questions, Tune des plus intéressantes, sans
contredit, est Thistoire des symboles de notre foi. Le mouvement
religieux qui s'est manifesté en Angleterre, et qui a porté tant d'esprits
éminents à tourner leurs regards vers les premiers siècles chrétiens, a
déterminé plusieurs savants à rechercher l'origine des Credo, En 1870,
M. Swainson publia son livre intitulé : The Atkanasian Creed, and its
Usage in the English Church, Il y soutient que le symbole dit de saint
Athanase, dans sa forme actuelle, ne fut complété qu'après la mort
d'Hincmar, archevêque de Reims, laquelle eut lieu en 822. Son opinion
fut vivement combattue, on le devine aisément. Dans une lettre
adressée au Guardian, le 20 mars 1872, il déclare que sa conviction
bien réfléchie est que ce symbole n'existait pas, tel qu'il est aujourd'hui,
avant le milieu du neuvième siècle, et en particulier les articles 7-20.
Il a donné plus de précision encore à ses assertions dans son Plea for
Delay^ publié en 1873, où il avance que le symbole de saint Athanase
a été composé, comme nous le connaissons, de 750 à 870, et que c'est
en 870 qu'il reçut sa forme définitive. Dans l'intervalle, vers la fln de
1871^ M. E. 3. Ffoulkes avait afûrmé avec assurance que le même
symbole avait été compilé^ en l'an 800, par Paulin, archevêque
d'Aquilée, et qu'il avait été répandu dans la chrétienté comme l'œuvre
authentique de saint Athanase, par l'empereur Gharlemagne, aidé
dans cette fraude, par Paulin et son ami Alcuin. Le D' Swainson, dans
le volume qu'il a publié cette année, a élargi son cadre : il s'occupe du
8ymbole|des apôtres et de celui de Nicée en môme temps que de celui de
saint Athanase. Sur ce dernier, il modifie légèrement ses assertions
de 1873 : sa conclusion est que le Qmcumgue fut achevé dans la pro-
vince de Reims, entre les années 860 et 870 (p. 448). Quant au symbole
de Nicée, il pense que ce Credo était destiné à servir de règle de foi,
mais non de symbole qui dût être récité par les nouveaux baptisés
(p. 68). Le symbole des apôtres est, pour M. Swainson, le Credo
romain. On peut, dit-il, -en faire aisément l'histoire, à partir du jour
où Easèbe en présenta un exemplaire au concile de l'an 318, jusqu'à
la version aujourd'hui reçue et qui fat adoptée par Récarède en 589.
Selon lui, l'auteur à qui nous le devons tel que nous l'avons mainte-
— 424 —
nant est Marcel, évêque d*Aucyre, en Galatie, qui assista an concile de
Nicée; il arrangea les doctrines flottantes de l'Occident, les articles
principaux de leurs règles de foi^ k la manière du symbole de Nicée,
et peut-être la mention distincte des relations du Fils avec le Père et
le Saint-Esprit avait-elle pour but de repousser la charge de sabel*
lianisme qui avait été soulevée contre lui (p. 155-157).
M. Swainson a fait une œuvre de grande érudition et de beaucoup
de science. Il s'est livré à des recherches très-approfondies, et
désormais il sera impossible de se passer de son travail pour Tétude
des symboles. Nous regrettons d'autant plus que tant de labeur
Fait amené & des conclusions fausses. Il fait trop bon marché de la
tradition (p. 15), ce qui l'amène & tomber dans des contradictions
(p. 27, 31, 32-33, 45, etc.), et ce qui le conduit à émettre des opinions
insoutenables. On ne tardera pas, sans doute, à réfuter, en Angleterre,
les conclusions de l'auteur du Nicene and Apostks* Creeds, comme on a
déjà réfuté les conclusions de ses publications précédentes et celles de
M. Ffoulkessur le Quicumque. Les professeurs Heurtley, Stubbs, Jones,
Brewer et M. Ommanney se sont distingués dans cette controverse.
— Ce dernier vient de publier une réfutation remarquable et complète
des erreurs de MM. Ffoulkes et Swainspn, sur l'origiDe du symbole de
saint Athanase. Il établit solidement qu'il est impossible de prouver
que le Quicumque a reçu des additions au huitième et au neu-
vième siècles,. et il déduit de cette impossibilité son antiquité. L'étude
de ce document porte à croire qu'il avait été composé avant le concile
d'Éphèse, tenu en 431. On ne peut l'attribuer^ il est vrai, à saint Atha-
nase^ comme tous les savants en conviennent; on n'a pas non plus de
raisons suffisantes de l'attribuer à saint Hilaire d'Arles, comme Ta
fait Waterland, mais quelque incertaine que soit son origine, quelque
inconnu que soit son auteur, sa valeur n'en reste pas moins hors d'at-
teinte, car elle dépend, non de celui qui l'a composé, mais de
l'acceptation que l'Église en a faite.
The Athanasian Creed est mieux écrit que The Nicene and Apostles*
Creeds. L'érudition du D' Swainson est parfois fatigante : sa marche
est un peu lourde et embarrassée ; il est surchargé de citations, de
parenthèses, de digressions. M. Ommanney se meut librement au
milieu des autorités qu*il cite avec discrétion et à-propos ; il est d'une
lecture facile et agréable. G. K.
Olscoum de noire tr^a-aalnt P^re le Pape Plo I^» adreir
8és dans le palais du Vatican aux fidèles de Rome et du mande catholique
depuis le commencemnit de sa captivité^ recueillis et publiés pour la pre.
mière fois par le R. P. P. de Franciscis, dci pii operarii. Seule traduction
française authentique faite et revue à Rome^ dédiée à S. F), le cardinal
— 425 —
Monaco La Yalletla. Paris, LeClere, 4875. 2 vol. ia-8 de 528 et ix-544 p.
Le 3* vol. est sous presse. — Prix : 6 francs le vol.
Le PolybibliDn (t. XI, p. 156) a rendu compte des Actes et paroletde
Pie IXj captif au Fa/tcan, publiés chez Palmé par M. Roussel, rédacteur
de l'Univers; nous ayons alors, signalé les réclamations que ce travail
avait provoquées de la part du R. P. de Franciscis, qui faisait à Rome
une publication analogue. Le R. P. de Franciscis prétendait donner
seul le texte complet et authentique des discours pontificaux, tandis que,
selon lui, M. Roussel n'en donnait que des analyses, non autorisées
par le Souverain-Pontife. — Le journal Z^Jfom/e (n^* des 6, 7 et 14
février 1874) répondait que les discours publiés par M. Roussel
étaient reproduits diaprés les sténographies communiquées à YOs->
servatore romonOf et accusait le P. de Franciscis d'avoir arrangé
les discours de la publication romaine. — 11 semble qu'aujourd*hui
le public puisse se prononcer entre les deux éditeurs. En ce qui con-
cerne le texte même des discours, M. Roussel, vérification faite,
reproduit le plus souvent celui qui se trouvait dans les colonnes de
VUnivers. Sans doute, l'Univers a donné ordinairement le texte de
YOsservatore romano, mais souvent aussi il s'est contenté des som-
maires ou anal;^ses à lui transmis par son correspondant romain.
Quant à la quantité, l'édition du R. P. de Franciscis est infini-
ment plus considérable. Elle comprend, en effet, trois volumes, tandis
que celle de M. Roussel n*en a qu'un. D'un autre côté, M. Roussel
publie certains documents, tels qu'encycliques, brefs, etc., qui ne se trou-
vent pas dans l'ouvrage du R. P. de Franciscis, lequel, sauf quatre-
vingt dix-neuf morceaux importants, mais en petit nombre (13 pour
les deux premiers volumes), rejetés en appendices, ne donne, con-
formément au titre qu'il a choisi, que les discours prononcés par le
Pape au Vatican, en réponse aux différentes adresses des députations
catholiques.
Voici des ohifQres qui établiront la part des deux auteurs dans leurs
travaux de compilation, qui se complètent ainsi nécessairement
l'un par l'autre, et seront tous deux, pour l'historien futurdu règne de
Pie IX, une des sources les plus riches et les plus indispensables à
consulter : pour l'année 1870, M. Roussel donne huit discours, le
P. de Franciscis deux seulement : mais, pour 1871, M. Roussel n'en
donne que soixante-quatre, tandis qu'il y en a cent trente-sept dans
le P. de Franciscis : pour 1872, le premier en publie soixante-seize,
le second cent un : pour 1873, M. Roussel en reproduit trente-neuf
jusqu'au 24 juillet, et le P. d^Franciscia cinquante jusqu'au 18 sep-
tembre, et le 3* volume devra compléter incessamment la collection.
Les deux auteurs font connaître dans une sorte ^argument à quelle
occasion tel ou tel discours a été prononcé : mais, encore sous ce rap-
— «6 —
port, l'éditeur romain nous parait beaucoup plus complet, sortoat
dans le second volume, où il imprime le plus souyent, ayeo les noms
des membres des députations, les adresses mêmes qu'ils ont déposées
aux pieds du Souverain-Pontife. En somme, et comme conclusion
pratique à ces réflexions, nous croyons indispensable de se munir des
deux ouvrages ; car, ainsi que nous l'avons dit tout à Theure, quelques
documents qui font défaut dans Tun se retrouvent dans l'autre. La
question d'authenticité, bien qu*à notre avis, et vu surtout les approba-
tions romaines^ il y ait de très-fortes présomptions en faveur du
R. P. de Franciscis^ ne nous paraît pas 6ien résolue ; voici, par
exemple, à ce siget, un détail que nous livrons à qui de droit : la
réponse du Pape au duc de Norfolk (4 avril 1871, selon M. Roussel, et
5 avril, selon l'édition Le Clere) a été prononcée en français; or, les
deux textes, identiques poiir le fond, ne se ressemblent pas du tout
pour la forme : lequel est le vrai f F. db Roquefeuil.
Sainte Jleanne-Françolse Ii*reinyot de Chantai* sa vie et
•ea oeuvrea. — Tome II. (Œuvres diverses). Paris, E. Pion, 4875. Gr.
in-8 ^e xxiv-592 p. et un portrait. — Prix ; 8 fr.
Nous avons (t. XII, p. 339) rendu compte du premier volume con-
sacré, par les religieuses de la Visitation d'Annecy, à la vie et aux
œuvres de Tillastre fondatrice de leur ordre et de leur monastère,
sainte Françoise de Cbantal. Ce premier volume contenait les mémoires
sur la vie et les vertus de la sainte, rédigés par la mère de Cbaugy,
Tune de ses compagnes. Les éditeurs nous présentent ai]gourd'hui un
volume tout entier, composé des œuvres diverses de sainte Chantai, et
orné d'un magnifique portrait gravé sur acier, d'après Toriginal con-
servé au monastère de la Visitation de Turin. Ces CEuwres diverses ne
sont point des traités ou des ouvrages qui aient jamais été destinés à
la publicité, car la fondatrice de cet ordre célèbre n'a pas écrit une
seule page en vue de l'impression : mais si elle n'a jamais songé à faire
œuvre d'écrivain, elle a consacré toute sa vie religieuse à son œuvre
de fondatrice, au gouvernement de son ordre et à la conduite spiri-
tuelle des religieuses soumises à son autorité, exerçant surtout son
action, aussi bien pour l'administration générale que pour la direction
particulière, par des exhortations, des conseils ou des entretiens,
tantôt pendant les récréations, tantôt dans les réunions prescrites par
la règle, tantôt dana les assemblées du chapitre, où elle avait l'habi-
tude de traiter un si\jet spécial de direction de conscience. Toutes ses
paroles étaient avidemment recueillies par les sœurs, qui, sous la pre-
mière impression du charme, écrivaient pieusement ce qu'elles venaient
d'entendre et fixaient sur le papier ce qui les avait frappées le plus
— 427 —
fortement, oomplëtant cet enseignement les unes par les antres, en
sorte qu'on a pu reconstituer, à peu près intégralement, les entretiens
et les allocutions de sainte Chantai, et qu*on peut affirmer que tous
les opuscules composant le présent volume lui appartiennent très-légi-
timement. Si l'on se rappelle qu'elle fut initiée à la perfection reli-*
gieuse par saint François de Sales, et que, pendant dix-neuf ans, elle
reçut les leçons de ce maître si habile dans la science des saints, qui
composa spécialement pour elle son Traité de Vamour deDieu^ on com-
prendra facilement quelle autorité s'attache aux enseignements de
cette âme d'élite^ toute imprégnée de Tesprit du grand évéque. C'est
en réalité saint François de Sales qui parle par la bouche de la sainte,
qui écrit par sa plume, qui gouverne par son moyen.
Son empreinte est, du reste, fortement accusée dès le début du
volume dans le Petit liûret ou recueil d'avis que la sainte avait reçus en
divers temps de saint François, verbalement ou par écrit, et dans les
Questions adressées par elle à son séraphique directeur, avec les
réponses directes de celui-ci : sublime dialogue engagé au moment de
la vocation définitive de la fondatrice de la Visitation : préceptes
approfondis du plus pur renoncement à soi-même et de la perfection
chrétienne. Pais viennent les Papiers intimes^ renfermant une série de
résolutions, d'élans vers Bleu, d'actes mystiques, écrits par sainte
Chantai, à l'issue de l'une de ses retraites vers l'année 1616, et qu'elle
réservait exclusivement à son usage, les portant toujours sur eUe.
Ellevoulutâtre enterrée avec ce témoignage de son ardent amour
pour Dieu, et ces pages admirables complètent en quelque sorte la
physionomie intime de cette ftme angélîque.
Les ExhortationSy les Entretiens et les Instructions aux novices rem-
plissent, après ce préambule, la majeure partie du volume. Nous ne
pouvons mieux les comparer qu'aux chapitres de Y Imitation^ et cet
éloge n'est en aucune sorte exagéré. L'enseignement de ces instructions
simples et si élevées se résume dans la pratique du détachement
absolu des choses terrestres : il ne faut, dit quelque part la sainte à
ses sœurs, rien désirer, ni rien refuser, q et, je vous dis derechef,
mes chères filles, aimons la pauvreté et simplicité de vie. n 11 y a là
des exhortations irrésistibles sur la vigilance et la guerre à faire aux
ennemis de l'âme^ — sur les maux que causent à l'âme les finesses de
l'amour-propre et de la prudence humaine, — sur l'obligation de
ruiner la nature pour faire régner la grâce, — sur la pureté de cœur
et l'importance de « s'afiisotionner à l'oraison. » Mais qu'on n'y
cherche point les fleurs dont l'évéque de Genève émaille si volontiers
ses écrits: le style est grave et dépouillé d'ornements ; les grâces de
l'imagination font place aux maximes sévères de l'Évangile, présentées
sans circonlocutions ni périphrases. Aussi, bien que destinés au cloître,
068 opusoales, où il n'est question que de Tamour du prochain, de la
patience, du travail, de l'obéissance, de Tempire sur le corps et ses
mauvais instincts, seront-ils de la plus grande édification pour tous
ceux qui, dans le monde, aspirent à mener une vie chrétienne. On nous
promet, dans un troisième volume, les Méditations de la sainte, et sa
Déposition pour la béatification et la canonisation de saint François de
Sales : ce volume sera le très-bienvenu. René Ebrvilbr.
Hlncmar de Itelnia. Étude sur le neuméme siéde^^ar M. Tabbô Vioied.
Paris, Larose, i875. In-8 de z-356 p, — Prix : 6 fir.
En étudiant la vie et les œuvres d*Hincmar de Reims, M. Vidieu
8*est proposé de dépeindre le neuvième siècle; et certes le cadre ne
pouvait être mieux choisi. Hincmar est, en effet, mêlé à tous les grands
événements de son temps. Conseiller des rois, il reste inviolablement
fidèle aux descendants de Charlemagne. Quelquefois, son attache»
ment aux princes lui fait oublier la soumission qui est due au Souve-
rain-Pontife : mais, d'autres fois, il sait défendre la morale et la reli*
gion avec une liberté digne des plus saints évéques. Il faut lire tout
le récit des démêlés d'Hincmar avec les Papes. L'archevêque se con*
sidérait quelque peu, en son église de Reims, comme un vassal dévoué
du Pontife, prêt à reconnaître les droits de son suzerain, mais à con-
dition que celui-ci n'userait point de son autorité, pour réformer les
jugements et redresser les actes de sou puissant feudataire.
Hincmar a joué un plus beau rôle et exercé une infiuence plus heu-
reuse pour la réforme du clergé et le rétablissement de la discipline
ecclésiastique en France. Durant un épiscopat de trente-sept ans, il
assista à trente-neuf conciles, et, le plus souvent, ce fut lui qui présida
et dirigea ces assemblées. Il y fit condamner les erreurs de Gott-
schalk; et les quatre canons d'Hincmar sont restés la formule de ren-
seignement théologique sur le dogme de la prédestination. Enfin, aa
milieu de tant* de travaux, cet homme extraordinaire composait des
traités, écrivait des lettres, faisait même des vers, copiait des livres
anciens : ce qui nous reste de ses ouvrages ne forme pas moins de deux
volumes in-folio.
Cependant la figure d'Hincmar est restée enveloppée d'un nuage ;
on a pu dire de lui presque autant de mal que de bien ; on l'a fait tour
à tour modèle des évêqaes et chef de parti. Faut-il en chercher seule-
ment la raison dans le caractère d'Hincmar, car il eut à la fois les
plus belles qualités et de très-grands défauts ? Cette explication nous
parait insuffisante. Si l'illustre archevêque n*est point parvenu à la
gloire sans mélange qu'il pouvait atteindre, c^est parce qu'il ne fut pas
un saint. Homme politique, savant théologien, administrateur habile,
il eut l'austérité de vie qui convenait à un évêque ; mais il manqua dos
- 429 —
vertus ëminentes qui mettent Téquilibre dans une âme mal réglée, qui
tempèrent les yiolences de la volonté et font éviter les excès en toute
chose. Aussi nous avons remarqué que^ dans l'étude de M. Vidieu,
cet aspect si important de la vie d'Hincmar avait été laissé au second
plan. L'auteur parle très-peu, et seulement en termes généraux, des
vertus chrétiennes de son héros.
Peut-être le portrait manque-t-il de relief: ce livre est trop une
thèse de théologie, on aimerait y voir agir et parler les hommes du
neuvième siècle. Le style, même en ne tenant pas compte des nom*
breuses fautes d'impression, est souvent incorrect. Ces réserves faites,
hfttons-nous de rendre hommage à Tœuvre de M. Yidieu. Il a fallu de
longues et pénibles lectures pour réunir les documents nécessaires à
cette étude ; et Ton ne peut qu'applaudir au courage de ceux qui,
parmi les travaux d'une vie occupée, trouvent encore le loisir d'inter-
roger les manuscrits et les lourds auteurs du neuvième siècle.
E. POUSSBT.
MéiiioIreii*JournauxL de Pierre de inOstolle. Édition pour la
première fois complète et entièrement conforme aux manuscrits origi-
naux, publiée avec de nouveaux documents inédits et un commentaire
historique, biographique et bibliographique, par MM. G. Brunet, A. Chah-
POLLION, E. Halphen, Paul Lacroix, Charles Read, Tamizey de Larroque
et Ed. TricoteI|. Tome V^. Journal de Heriti II/, 1574-1580. Paris,
Librairie des bibliophiles (Jouaust, imp.}, 1875. In-8 de viii-398 p. —
Prix: 15 fr.
Qui ne connaît les Mémoires de l'Estoile ? C*est le bréviaire de tous
ceux qui veulent étudier les mœurs et les caractères du seizième
siècle, pénétrer les mystères de la cour des derniers Valois. On y
trouve, à chaque page, des portraits bien vivants, des anecdotes
piquantes, des mots d'une bonhomie malicieuse qui font juger toute
une époque. Quel historien ne les a pas consultés? Et pourtant, bien
qu'ils aient été souvent réimprimés, particulièrement au dix-huitième
siècle, sous les auspices d*érudits qui, comme les Godefroj ou Tabbé
Lenglet du Fresnoj, n'étaient point exempts de mérite, on peut dire
que nous en attendions encore une édition vraiment définitive. Celle
que MM. ChampoUion ont donnée en 1837 ne saurait passer pour
telle ; car la découverte de nouveaux manuscrits du précieux journal
en a rendu la révision tout à fait nécessaire.
C'est la tâche délicate et laborieuse que vient d'entreprendre une
réunion de savants paléographes et d'écrivains distingués dont tous
déjà ont fait leurs preuves. Quelques-uns connaissent Tépoque de la
Réforme et des guerres religieuses presque aussi bien que le grand
audiencier de la chancellerie de France sous Henri III et Henri IV ;
l'un d'eux, M. Halphen, a déjà publié des fragments inédits de TEstoile,
— 430 —
d'autres, comme M. Tamizey de Larroque, ont Tari d'enrichir un texte
de notes originales et de renseignements peu connus qui en doublent
le prix. On peut donc être assuré que rœuvre sera menée à bonne
fin : elle est considérable, du reste, puisque la présente édition, avec
les documents, les tables, les répertoires de toutes sortes dont elle
doit être accompagnée, ne comprendra pas moins de douze ou quinze
Tolumes. L'exécution matérielle répond à Timportance du travail :
la Librairie des bibliophiles et son habile directeur M. Jouaust n*ont
rien négligé pour faire de cette réimpression un modèle de perfection
typographique, un véritable objet de luxe. C'est à peine si, sous œ
beau vêtement, Tauteur lui-même reconnaîtrait le modeste travail
qu'il avait composé au courant de la plume et sans se soucier de la
postérité*
Le premier volume commence au mois de mai 1574, à la mort de
Charles IX^ et va jusqu'à la fin de décembre 1580. Les principaux
événements de ces six années du règne de Henri III j sont mentionnés
à leur date, et l'auteur a bien soin de les accompagner de tous les
commentaires, de tous les bons mots contemporains, de toutes les
pièces de vers latins et français dont elles ont été roccasion. Les faits
les moins importants ne sont pas les moins longuement traités : c'est
ainsi que la mort de Quélus et de Maugiron, ces célèbres « mignons »
du roi, occupe plus de trente pages. Nous n'étonnerons personne en
disant que Ton rencontre dans ce livre plus d'un passage si peu châtié
qu'il semble à peu près illisible; aussi bien l'ouvrage n'est pas
de ceux qu'on mette d'ordinaire entre toutes les mains, — ce qui ne
serait vraiment pas possible.
Quant aux annotations «biographiques, historiques et bibliogra-
phiques, )> nous ne saurions en parler ai^ourd'hui, car on a craint que
le^texte en soit « embarrassé et surchargé, n et on les a re jetées dans
des volumes distincts. Cette méthode a son bon et son mauvais câté.
Tout dépend d'ailleurs de la façon dont elle est appliquée ; et il nou9
faut attendre la suite de l'édition pour la juger. Nous ne pouvons
aiJÙourd'hui qu'applaudir au bon goût et au soin parfait qui ont présidé
à la confection de ce chef-d'œuvre typographique, en souhaitant qu*il
soit bientôt suivi d'une série nombreuse de volumes également
achevés, que tous les amateurs voudront mettre à une place choisie
de leur bibliothèque. Gustave Baoubnault db Puchsssb.
Urspruns und Begrian «1er RevoluUoiiAkrlese (Origine d^
gverr€8 de la Eévolution). Von L&opolo von Rankb. Leipzig, Dunker und Hum-
blot, 1875. In-8 de x-379 p. — Prix : 8 marks 80 pfennigs.
C'est par les armes, non moins que par les idées, que la Révolution
— 431 —
française a étenda son action en Europe. Le nouveau livre de Léopold
de Ranke est une étude sur les premières campagnes de cette époque^
et particulièrement sur la part qu*y ont*prise la Prusse et l'Autriche.
A la vue des premiers événements révolutionnaires, les cours de Berlin
et de Vienne, déjà rapprochées par quelques intérêts de second ordre,
conclurent une alliance contre la nation française tout autant que
contre la Révolution. Le récit de M. de Ranke comprend la déclara-
tion de guerre faite par la France à TAutriche, l'invasion du territoire
français, les opérations en Champagne, et s'arrâte à la prise de
Majence, par Custine, le 21 octobre 1792 : c'est alors que d'offensive
qu'elle était, du côté des alliés, la guerre devint défensive» « On avait
dit à Paris que le décret de déclaration de guerre coûterait la vie
à quelques milliers d'hommes, mais qu'il apporterait la liberté sur la
terre. Au sentiment d'hostilité contre les puissances étrangères, se
joignit un vaste esprit de propagande. On savait que déclarer la guerre
à l'Autriche, c'était allumer une guerre universelle ; mais, loin d'ef-
frayer, cette perspective fut saluée avec joie. La proposition, faite au
nom du roi, fut acceptée à la presque unanimité des suffrages; sept
voix seulement s'j opposèrent. » Nos premiers succès ne pouvaient
qu'augmenter cet enthousiasme, o Les Français conçurent l'espoir
d'arriver, par leurs principes et l'élan de leurs armes, à dominer
l'Europe. Tout, dès lors, dépendait de la résistance que les anciens États
pourraient ou non leur opposer. Ainsi commençait la grande lutte des
puissances, qui devait remplir l'Europe. Peut-être est-il pernds de dire
qu'elle a été décidée en 1870, du moins, au point de vue des relations
étrangères. » Si, par cette dernière phrase, M. de Ranke entend que,
désormais, la France ne combattra plus au nom des principes de 89,
et que c'est dans la défense d'une autre cause qu'elle cherchera la
victoire, nous ne pouvons qu'applaudir à son désintéressement
national.
« Le trait caractéristique de la Révolution, dit-il, c'est le rapport
étroit qui existe entre les événements du dehors et ceux de l'intérieur. »
Aussi, à propos des guerres de la Révolution, ne pouvait-il se dispen-
ser de parler de la Révolution elle-même : un chapitre entier de son
livre est consacré aux origines et au début de ce grand phénomène
historique. Le mécanisme et le jeu des événements 7 sont dépeints
avec cette fidélité objective, dont les historiens allemands font tant
de cas, et qui a du moins le mérite de l'exactitude. Gomme cette partie
du livre de M. de Ranke est celle qui intéresse le plus le lecteur
français, qu'il nous soit permis d'en donner un aperçu rapide.
« On a considéré les premières années du règne de Louis XVI, dit
l'éminent historien, comme une des époques les plus heureuses que la
France ait jamais Ixaversées: son conmierce éclipsait même l'Angle-
— 434 —
8ourc68 officielles et aux instruments diplomatiques, lui offi*aient des
facilités qu'aucun autre écrivain n'aurait possédées. Le titre de son
livre, La carte iEwrope ctoprès les traitét, indique plutôt la con-
clusion de l'ouvrage que sa nature. Il eût été plus juste de Finti-
tuler. ■ Modifications successives que les traités ont fait subir depuis
1814 à la carte d'Europe. » Il ne s'agît pas ici d'une œuvre d'imagi-
nation, ni même d*un travail historique dont la lecture de longue
haleine soit attrayante ou même amusante. Non, tel n'a point été
Tobjet que s'est proposé M. Hertslet. Ce qu'il a voulu offi?ir au publie,
c'est un véritable répertoire diplomatique où Ton trouve tous les
traités de paix et de délimitation qui ont eu lieu depuis 1814 ; les
déclarations de guerre ; les décrets d'annexion de territoires ; les pro-
testations qu'elles ont soulevées; les traités pour le maintien de
l'équilibre européen, pour la garantie de l'indépendance et de la neu-
tralité de certains États ; enfin des comptes rendus analytiques des
séances des conférences européennes. A ces nombreux documents,
Tauteur a ajouté des notes claires et lumineuses et plus de vingt
cartes coloriées. Ce rapide exposé suffit pour faire comprendre l'im-
portance de l'ouvrage de M. Hertslet. Maintenant qu'il a paru, il en
est de lui comme du café : on se demande comment on a jamais pa
s'en passer. On s'étonne qu'il n'ait pas été publié plus tôt. Toutefois,
cet étonnement cesse quand on apprend que ce livre a coûté à son auteur
plus de vingt ans de travail consciencieux. C'était un labeur ingrat,
avouons-le. L'écrivain ne pouvait espérer de faire briller les facettes
de son esprit : il lui était interdit de montrer les richesses de son
imagination, de faire pleurer ou même de faire rire. Mais les seules
qualités dont il lui fût permis de faire preuve, il les a déployées dans
leur plénitude; il a poussé Texactitude jusqu'au scrupule, la patience
jusqu'au génie. Et ce n'est pas là un mince mérite, quand on songe que
le nombre des traités ne s'élève pas à moins de 430. Mais ce qui
mérite une mention spéciale, c'est le soin intelligent que M. Hertdet
a pris pour guider l'étranger à travers son ouvrage. Les traités, les
protocoles, les instruments diplomatiques de tout genre forment un
véritable labyrinthe, dans lequel le lecteur pourrait facilement s'é*
garer ; mais l'auteur compatissant lui vient en aide et remplit auprès
de lui le rôle d'Ariane, en lui mettant sous la main, en goise de
peloton de fil, une table alphabétique et raisonnée, grâce à laquelle
il trouve son chemin sans difficulté. Supposons qu'on ait besoin de
savoir quand et dans quelles circonstances la Prusse a renoncé à la
souveraineté de Neufchàtel (il est rare de voir la Prusse renoneer
à quelque chose) ; on cherche Nbufghatbl à la table ; on prend,
dans la colonne voisine, parmi les différents faits relatifs 4 cette pria*
cipauté, les mots « renonciation de la Prusse, v — * en regard desquels
— 433 -
chie avait surtout grandi par la constitution des trois ordres ; cette
constitution, ne répondant plus à la France d'alors, ne se manifestait
plus de même. Aucun ordre n'était ce qu'il avait été. Chacun d'eux se
représentait moins d'après les règles traditionnelles que d'après sa
situation actuelle. Dans la noblesse, les élections n'avaient pas été
bornées à. l'ancienne noblesse féodale. Dans le clergé, l'admission des
curés entraîna une transformation décisive. Mais c'est dans le tiers-
état qu'était survenu le changement le plus considérable : égal en
nombre aux deux autres, il ne s'était pas seulement recruté dans les
villes, mais encore et surtout dans les campagnes. L'assemblée repré-
sentait moins l'ancienne France que la nouvelle; la délibération
séparée des trois ordres ne pouvait plus subsister : car cette sépara-
tion, qui exprimait leurs anciens rapports ne répondait plus aux
nouveaux, t
En effet, la première prétention et la première victoire du tiers-
état fut la délibération en commun. Le pouvoir, en résistant d'abord,
ne fit qu'aigrir les esprits ; en cédant, il montra sa faiblesse. Quand
la démocratie parisienne s'empara de la Bastille, cette révolte de la
rue contre l'ordre public n'était qu'une suite de la révolte des repré-
sentants de la bourgeoisie contre la constitution séculaire de la France.
La révolution fut moins le résultat d'une suite de fautes de la part du
pouvoir, que l'irrémédiable expression de l'état d'une société hallucinée
par de fausses doctrines: des réformes étaient inévitables; les ten-
dances du dix-huitième siècle en firent une catastrophe. Ces vérités
ne sont pas familières au public : le livre de M. de Ranke, sans les
exprimer positivement^ les fait assez comprendre. Souhaitons qu'il soit
bientôt traduit, afin d'être apprécié en France comme il mérite de l'être.
J. A. DE Bbrnon.
The Map of Europe by treaty, shomng tke varions Political and
Territorial Changes whieh hâve iaken place since ihe General Peace of 18i4.
With numerous Maps and Notes. By EdWard Hertslet, G. B. London, But-
terworths, 1875. 3 volumes in-8 de 2399 p. -- Prix : li8 £r.
M. Edouard Hertslet n'est pas le premier venu. Chef de la division
des archives au ministère des affaires étrangères de Sa Majesté
britannique, il a déjà donné plusieurs ouvrages: les Documents
officiels {State papers\ les Traités de Commerce {Commercial Trêaties)
qui ont attiré l'attention du monde diplomatique. La croix de che-
valier de l'ordre du Bain a été la récompense des travaux lit-
téraires de M. Hertslet, non moins que de ses services officiels. Il
avait donc au plus haut degré l'autorité nécessaire pour entreprendre
l'importante publication qu'il vient de terminer heureusement, en
même temps que ses fonctions, en lui donnant un libre accès aux
Novembre 1875. T. XV, 28.
— 436 —
I>ella vita privata del Genoveal, per L. T. Belgeano. Genova,
tipogr. d. Sordomuti, 1875. In-8 de viii-538 p.
Le travail considérable que publie aujourd'hui le savant éditeur des
Contrats de nolis de saint Louis est le développement d'un mémoire
préliminaire, lu en 18ÔÔ à la Société d'histoire de la Ligurie. Mieux
placé que personne pour aborder la tâche, en apparence restreinte,
mais, en réalité, très-difficile, qu'il avait entreprise, M. Belgrano a
su, en mettant sans cesse à contribution les archives si riches dont il
est l'un des dépositaires, donner à ses recherches une valeur toute
spéciale. Il est parvenu à reconstituer, jusque dans ses moindres détails,
Texistence des Génois du moyen âge, et à ressusciter tout l'opulent
passé d'une des plus somptueuses cités de l'Italie. Je n'hésiterai donc
pas à dire que l'histoire de la civilisation ne compte, de nos jours, que
bien peu d^études aussi importantes que celle-ci.
Le plan du livre de M. Belgrano est très-simple : il étudie succes-
sivement V habitation et son mobilier y l'alimentation, le vêtement et les
coutumes.
La première partie est la plus instructive de toutes, par les détails
inédits qu'elle donne sur l'histoire des diverses industries qui alimen-
taient le luxe véritablement princier des maisons génoises ; plusieurs
chapitres, consacrés à la confection et à l'ornementation des manus-
crits, sont pleins de particularités curieuses. La partie consacrée aux
vêtements donne une haute idée de la recherche jusqu'à laquelle était
poussée, à Gênes, l'art de fabriquer et d'orner les étoffes.
La quatrième partie nous initie aux mœurs des diverses classes de
la Société génoise : ici l'auteur a peut-être fait preuve de plus de
franchise que d'amour-propre local, ce qui, d'ailleurs, ne fait qu's^outer
à l'autorité de l'écrivain et à l'intérêt des faits qu'il expose.
L'ouvrage entier se termine par une série de tables comparatives
des valeurs successives des monnaies génoises, estimées en francs et
centimes ; ces tables sont dues à la collaboration du savant chevalier
Desimoni, le collègue de M. Belgrano aux archives de Saint-Georges.
Gênes est trop notre voisine, et son histoire est mêlée de trop près
à la nôtre, pour que l'on ne s'attende point, même avant de l'ouvrir, à
trouver dans le livre de M. Belgrano des renseignements utiles aux
érudits français ; mais la réalité dépasse encore cette attente, car
c'est par centaines que la Vie privée des Génois contient des détails de
nature à être mis à profit chez nous.
Je dois dire aussi quelques mots sur Texécution matérielle du livre :
en général, les meilleurs travaux des Italiens nous parviennent sous
une forme indigne du pays qui a vu fieurir les grandes imprimeries
vénitiennes et florentines du seizième siècle. M. Belgrano a voula
revenir à des traditions qui semblaient oubliées de l'autre côté des
— 437 —
Alpes; il faut saluer cette première tentative, comme le commence*
ment de la renaissance du goût typographique en Italie.
Je ne ferai, en terminant, qu'une seule observation au savant auteur:
je lui demanderai d'ajouter à la prochaine édition de son travail un
index copieux. Il touche à tant de points, signale tant de faits nou-
veaux, que ce complément est indispensable pour donner au livre
toute rutiUté qu'il comporte. R.
DlcUonnalre d*archéologle Égyptienne, par Paul Pierret,
conservateur adjoint du Musée égyptien. Paris, Imprimerie nationale;
Rollin et Feuardent, 1875. In-12 de 572 p. — Prix : 6 fr.
Tous les pays civilisés comptent aujourd'hui, parmi Télite de leurs
savants, des hommes qui consacrent leur vie à Tétude de l'archéolo-
gie égyptienne, mais cette étude est restée le privilège de quelques-'
uns, et^ malgré les résultats surprenants que nous devons au déchifOre-
ment des hiéroglyphes, l'histoire de l'art, l'histoire de la civilisation en
Egypte sont encore peu connues du vulgaire. M. Paul Pierrot soulève
le voile qui cachait cette terre mystérieuse; il nous en livre tous les
secrets, explique les croyances religieuses, interprète les scènes
sculptées sur les vieux pylônes, expose les renseignements les plus
certains fournis par les textes, sur l'agriculture et l'industrie ; enûn,
avec une compétence que personne ne saurait lui contester, il enre-
gistre, sous la forme si instructive et si commode du dictionnaire, les
résultats acquis à la science depuis la découverte de notre illustre
Ghampollion. Personne n'était préparé mieux que lui à un travail de
cette nature : élève et successeur de M. le vicomte de Rougé, la pu-
blication des catalogues du Louvre lui avait mis sous les yeux toutes
les richesses de nos musées, et en écrivant, il y a deux ans, sa Descrip^
tûm de la salle historique (voir Polybiblion, septembre 1873, t. X,
p. 186), il l'avait fait suivre d'un glossaire qui était comme l'embryon
du dictionnaire qu'il livre aujourd'hui à la publicité. Dans son nouvel
ouvrage, les matières sont classées par ordre alphabétique : l'auteur y
passe en revue tout ce qui touche à la mythologie, à la géographie^ à
l'histoire, à l'ethnographie, aux arts' proprement dits. Les dieux et les
déesses, les rois et les reines, les fonctionnaires, les prêtres ou les
artistes, dont le nom est venu jusqu'à nous, ont chacun un article
spécial; les questions de grammaire sont clairement exposées avec
renvois aux mémoires plus détaillés. Quelquefois même, les notes sont
extraites des auteurs les plus autorisés. Au mot syntaxe, par exemple,
il énumère les principales règles de la grammaire égyptienne en les
empruntant à YHieroylyphiç Grammar de M. Birch; l'article sculpture^
où se trouvent indiqués, d'une façon si précise et si claire, les carac-
tères généraux propres aux cinq époques de l'art égyptien, est extrait
— 438 —
de la Notice des monumente du Louvre par le vicomte de Roagé ; il en
est de même de l'article zodiaques; sous la rubrique copte^ les renaei-
gnemeuts sur la composition et le mécanisme de cette langue ont été
présentés par M. E. Révillout, qui a fait de cette littérature. une étude
toute spéciale.
La bibliographie» si utile aux travailleure, occupe une large place :
au mot religion^ l'auteur donne la liste des ouvrages à consulter pour
approfondir les croyances et les doctrines des anciens Égyptiens ; au
mot papyrus j Ténumération des principaux papyrus publiés et étudiés ;
au mot monuments^ la liste des ouvrages consacrés à la reproduction
des monuments; tous les articles renferment, en outre, Tindioation
très-exacte des sources où Tauteur a puisé ce qu'il avance. On est
ûer d*y lire, à chaque page, des noms fraoçais, et, en première ligne,
celui d'an homme dont la science pleure encore la perte, le vicomte
Em. de Rougé. — Les fouilles exécutées en Egypte, depuis quelques
années, par notre compatriote M. Mariette, ont été trop fructueuses
au point de vue archéologique pour que Fauteur les ait passées sous
silence. Aussi a t il eu soin de s'étendre sur la découverte des
Sérapéum, et la trouvaille du cercueil de la reine Aah-Hotep, qui
nous ont livré de si admirables spécimens de l'orfèvrerie égyptienne
au commencement de la dix-huitième dynastie, et sous la dix-neuvième.
Les bijoux qui accompagnaient la momie d'Aah-Hotep sont aujourd'hui
à Boulaq, ceux du Sérapéum sont au Louvre.
Malheureusement, cette première édition ne renferme pas encore de
gravures; mais, sortie des presses de l'Imprimerie nationale, elle con-
tient des signes figuratifs et symboliques et tous les cartouches royaux.
L'auteur a même soin de donner la transcription des noms de lieux,
quand il le peut, en copte et en arabe. Les articles géographiques
sont, du reste, rédigés avec une certaine prédilection ; ils renferment
le nom de la ville ou du nôme, les traditions qui s'y rattachent, des
éclaircissements sur le rôle politique de la cité ou sur les personnages
qui l'ont illustrée, enfin la liste des monuments qui attestent encore
son ancienne splendeur ou font connaître quelques particularités de
son histoire. Ant. Héeon db Yillbfossb.
IVotloe sur un manuscrit méroirlnglen contenant dea fk*ag^
menta d'KusypIua (appartenant à M. Jules Desnoyers), parLéopold
Deuslb. Paris, A. Picard, avril 1875. In-fol. de 10 p. et 6 pi. — Prix : 15 tr,
M. L. Delisle rappelle (p. 5) que la science paléographique s'est
constituée en France et qu'elle y a été cultivée sans interruption
depuis le dix-septième siècle jusqu'à nos jours. « Nous avons donc,
dit-il, à soutenir une ancienne réputation et à ne pas laisser dépérir
chez nous les études qui se rattachent par tant de points à l'histoire
— 430 —
et à la philologie, n Pour réminent érndit, l'un des meilleurs moyens
de développer et de faciliter Tétude de la paléographie, consisterait
à publier d'excellents fac-similé photographiques, d'après lesquels
l'œil se familiariserait avec les écritures de chaque pays et chaque
époque, à choisir des types authentiques auxquels pourraient être
ramenés les exemples qu'on rencontre le plus souvent, à joindre aux
faC'Simik une copie en caractères courants qui servirait aux exercices
de déchiffrement, et des commentaires dans lesquels on indiquerait la
nature du texte, la date et le lieu de la transcription et les parti-
cularités dont il faut tenir compte pour bien connaître les usages
suivis par les scribes depuis l'antiquité jusqu'à l'invention de l'impri-
merie. » Voulant donner un exemple de ce qui pourrait être tenté
dans ce genre, M. Dell si e a pris un volume dont il n*a été question
dans aucun traité de paléographie, et qui fournit des types fort
variés de l'écriture que les copistes de Tépoque mérovingienne em-
ployaient à la transcription des livres. Ce volume, dont six pages ont
été admirablement reproduites en photogravure par les soins de
M. Dujardin (avec copie en regard et qui appartient à M. Jules Des-
noyers, dont le cabinet, même encore après les dévastations subies
en 1870, lors de Toccupation de Montmorency par les Allemands,
renferme beaucoup de documents historiques et littéraires du moyen
âge et des temps modernes), est un manuscrit de la première moitié
du huitième siècle, et il renferme des extraits de saint Augustin
recueillis par Eugypius vers le milieu du sixième siècle, lesquels
ensuite ont été imprimés dans le tomeLXII de lo, Patrologie de Migne.
Remercions M. Delisle du nouveau service que, par cette remar-
quable publication, il vient de rendre aux études paléographiques. A
lui plus qu'à personne, il appartenait de montrer ce que nous avons
à faire pour ne pas nous laisser dépasser par les diplomatistes étran-
gers. Puisque nous n'avons pas su garder toutes nos anciennes gloires,
gardons au moins celle que représentent les noms des Mabillon, des
Montfaucon, des Natahs de Wailly et des Delisle ! T. de L.
Nouveaux mélanges d'archéologie» d*liletolre et de litté-
rature nur le moyen Age» par les auteurs de la monographie des
vitraux de Bourges (Ce. Cahier et feu Arthur Martin, de la C* de
Jésus\ Collection publiée par le P. Ch. Cahier. — Tome U, Ivoires, Minià-
iures, J^mouop ; Tome III, Décora/ions d'église, Paris, Firmin-Didot, 1874-
1875. 2 vol. gr. in-4 de 350 et 294 p. — Prix : 40 fr.
Les dessins et les planches gravées par feu le P. Martin forment
une immense collection à laquelle le P. Cahier ne cesse de recourir
sans que, heureusement, on puisse prévoir que cette riche mine soit
épuisée de sitôt. Voici deux magnifiques volumes, tels que Ton est
— 440 —
accoutumé à en voir sortir de la maison Didot^ qui portent à trois
tomes la série des Nouveaux mélangefâ^ archéologie. J'ai parlé du pre*
rnier, édité en 1873. Le volume de 1874 traite principalement des
ivoires, des miniatures et des émaux ; le volume de 1875 se compose
de nombreuses gravures, groupées de manière à former un recueil
indispensable à consulter pour la décoration des églises.
Je n'ai pas à revenir sur Térudition du P. Cahier ; elle est aussi
inépuisable que la suite des croquis et dessins recueillis de tous côtés
par son regretté confrère et collaborateur ; à chaque page-, on peut
facilement constater la profonde connaissance des textes sacrés et
des écrits des saints Pères, que possède le docte jésuite. Que n'est-il
un peu plus archéologue et paléographe !
L'héritage artistique du P. Martin n'est pas, il faut Tavouer,
toujours facile à inventorier. Confiant dans sa mémoire, ne prévoyant
pas sa fin prématurée, il négligea trop souvent de rappeler, sur ses
croquis, la matière des objets qu'il avait sous les jeux,leslieuxmémes
où il les avait étudiés. 11 en résulte que le P. Cahier est forcé
d'avouer l'impossibilité dans laquelle il se trouve de donner certains
détails qui ont bien leur prix pour les lecteurs. Le P. Cahier, d'ail-
leurs^ ne semble pas trop préoccupé de donner son avis sur l'âge des
monuments, et il lui a paru inutile de faire des démarches pour pré-
ciser certains faits. — Je regrettais plus haut qu'il ne fût pas paléo-
graphe ; pourquoi n'a-t-il pas cru devoir, à cet égard, consulter quel-
ques spécialistes? Il en eût certainement trouvé dans la Compagnie de
Jésus. De cette manière, il ne se fût pas étonné (t. III, p. 15) de l'ins-
cription tracée ou brodée sur une mitre de Tolède, représentant
Notre-Seigneur crucifié, entre la sainte Vierge et le disciple bien
aimé ; là où le P. Cahier lit : ecce mater Domini^ je lis : ecce crucem
Domini. Il n'aurait pas, non plus,cherché,dans les débris de la légende
peinte sur la fresque de Saint-Pierre-lès-Églises (t. II, p. 113), les
mots balneatum et tunica, qui ne s'y trouvent certainement pas.
Telle qu*est l'œuvre du P. Cahier, il semble que l'on se trouve dans
un magnifique musée, classé sans ordre méthodique ; on j voit des
représentations d'objets expliqués d'une manière complète, mais dont
il faudra retrouver les originaux ; on regrette de ne pas toujours
apprendre d'où ils viennent, par quelles mains ils ont passé. Si le
P. Cahier est l'interprète le plus sûr et' le plus complet que l'on puisse
souhaiter, on se demande pourquoi il ne fait pas, plus en détail, l'his-
toire des monuments, qu'il explique si bien. Ainsi, le tome II commence
par les plats en ivoire sculptés d'un manuscrit provenant de la Grande-
Chartreuse, vendu en 1846 en Angleterre, exécuté en Palestine pour la
princesse Mélissende, Le P. Cahier décrit avec un soin méticuleux les
principaux épisodes de la vie de David qui sont gravés sur l'un des
— 441 —
plats^ la représentation symbolique des œuvres de miséricorde qui
figurent sur Tautre plat; mais le lecteur aimerait savoir, en outre,
comment ce manuscrit était venu de Palestine à la Grande-Chartreuse,
quelle était cette princesse Mélissende. Ces détails intéresseraient
autant que la discussion sur le nom d'Hérodius gravé en boustrophédon
au-dessus d'un oiseau; quelques personnes, dans ce mot, veulent
voir le nom de l'artiste qui a exécuté ce magnifique ouvrage. Le
P. Cahier ne paraît pas éloigné de rapprocher Herodius et Fulica^
sjnonjmes, d'après quelques bestiaires^ et de chercher, dans le nom
du faucon, une allusion à celui de Foulque Y d'Anjou.
Parmi les autres ivoires décrits dans le tome II, je citerai une boite
cylindrique sur laquelle est représentée une châsse ; une tour ; la
crosse de Siegburg ; des olifants, dès plaques diverses; des peignes
liturgiques. Les deux premiers objets sont certainement antiques, et
la tour, qui paraît provenir de Brioude, pourrait, suivant le P. Cahier,
avoir été un présent d*Avitus à la basilique de Saint-Julien, — Les
miniatures sont empruntées à Tévangeliaire de Charles le Chauve,
dont la couverture en orfèvrerie a été gravée dans le tom P'
des Nouveaux mélanges; à d'autres manuscrits des bibliothèques de
Munich et de Poitiers; aux lettres historiées du Sacramentaire de
Drogon. Dans l'émaillerie, nous trouvons la châsse de saint Calmine,
qui fit partie de la collection Soltykof; celle de saint Yiance; celle
de l'église d'Huj, qui porte le nom de Saint Marc ; des reliquaires de
Maestricht.
Ensuite, vient le superhuméral d'Eichstaedt, qui donne au P. Cahier
Toccasion de traiter la question du pallium, et d'expliquer un vête-
ment ecclésiastique toujours porté par saint Lambert ; la sainte face
deLaon; les colombes et réserves eucharistiques ; les chrismes; les
bas-reliefs du portail de la Vierge, à la cathédrale de Paris, déjà
étudiés jadis par feu Duchalais; le savant jésuite, en passant, rend
hommage au tact archéologique de mon regretté confrère et ami. —
Le volume se termine par une série considérable de dessins, recueillis
en Espagne, et par des modèles de ferronnerie composés par le P. Mar-
tin. Disons que les modèles du P. Martin sont excellents à suivre;
il avait â la fois le sentiment de l'art et celui de l'archéologie du moyen
âge. Si l'on tient à l'exactitude, mieux vaut se fier à ses compositions
qu'à ses gravures d'originaux anciens qui, bien souvent, ne sont que
de belles infidèles.
Le troisième volume des Mélanges, publié cette année, est. un véri-
table album, qui donne de très-bons éléments pour T ornementation des
églises au point de vue architectural, comme au point de vue du
mobilier. Chacun peut trouver là des motifs pour les mitres, les cha-
subles, les sarcophages, la sculpture décorative, les fonds baptismaux,
\
— 442 -
les ohandeliora, les lutrins, l^s calices, les ciboires, les croix, les en*
censoirs, etc. A proposées vitraux d'Auzerre,le P. Cahier donne une
véritable monographie des légendes de saint Nicolas, de sainte
Madeleine et de sainte Catherine, accompagnée de copieuses citations
empruntées à des récits rimes. A. db B.
BULLETIN
I^es Question» de vie ou de oiort, par le R. P. Al. Lefebvbb, de
la Compagnie de Jésus, i To1.in-12. Paris, ^lard, 1875. In-i2 de 400 p. —
Prix : 3 fr.
Quel chrétien ignore l'éloquence . tout apostolique du P. Lefebvre, sa
vie active partagée entre la prière, la chaire et le confessionnal, et ses
livres, qui sont une autre manière de prédication, sur les Consolations reU^
gieuses et sur la Folie en matière de religion? Son livre d*a^jourd*hui n'a pas
d'autre visée ; ce n'est pas œuvre de philosophe et de publiciste, c'est effu-
sion de zèle religieux. Au reste, l'auteur obéit, en le publiant, non -seule-
ment aux inspirations de sa charité, mais au vœu d'une &me sainte. « C'est
vous, dit-il, dans sa dédicace au P. de Ponlevoy, 6 mon bon Père, père de
mon âme, c'est vous qui m'avez conseillé d'écrire ce petit livre, et qui, la
veille même de votre mort, m'avez pressé de le publier. »
On devine quelles sont les graves questions traitées ici : Dieu, l'homme,
la destinée, la vie, le salut (c'est le chapitre capital), l'âme, le péché, la
mort, l'enfer; et, dans la partie pratique, l'indifiérence, le respect humain,
la femme forte, la conversion, la confession, l'Eucharistie, etc. — Le
p. Lefebvre n'est pas de ceux qui cherchent des théories nouvelles ou tra*
cent des tableaux éblouissants. Il prêche, — car tout en s'adressent à son
lecteur au lieu de parler à une assemblée pieuse, il a toujours le ton de
la parole apostolique, — il prêche les bonnes vieilles vérités sous leur forme
authentique, dans les termes du catéchisme. Ce qui lui donne la vie et la
jeunesse, c'est l'accent d'une foi active et ardente, c'est le zèle dévorant,
c'est la charité s'épanchant d'elle-même dans toute âme en souffrance, c'est
le saisissement toujours plus profond des fins dernières, méditées dans ce
maître livre des EaerHces qui a fait tant de saints et tant d'apôtres. J'ajou-
terai plus spécialement encore pour le P. Lefebvre, c'est la condescendance,
la noble simplicité, la connaissance expérimentale des conditions actuelles
de la vie chrétienne dans le monde, le don de tenir l'attention éveillée par
un tour saisissant, par un texte vivement manié, par une anecdote frappante,
par tous les autres moyens que fournissent un heureux naturel et un long
exercice. En somme, excellent livre, vrai manuel de lectures méditées, qui
convient universellement aux esprits d'une culture moyenne, et aux chré-
tiens ordinaires du temps présent. Léonce Coutcbc.
C«eB Vrais principes de l*Educatlon chrétienne rappelé»
aux Mafftrea et ausL ffamlllea. Dispœitione requises pour en faire
^me heureuse application et devoirs gui en découlent, par le P. A. Monfat, de
la Société de Marie. Paris, Bray et Retaux, 4875. In-i2 de viii-366 p. --
Prix : 3 fr.
Le p. Monfat expose les vrais principes de l'éducation chrétienne avec
l'amour d'un auteur épris de son siyet et l'autorité d'un homme d'expérience
— 443-
qni a reçu l'approbation d'une oongrégation se liyrant ayec succès à l'en-
seignement. Il destinait d*abord à ses seuls confrères son livre, qui vise plus
spécialement les maîtres ecclésiastiques, et que, toutefois, liront et médite-
ront avec fruit les maîtres laïques et les pères de famille. D'abord, il les
relève à leurs yeux en leur montrant la haute dignité, l'inappréciable impor-
tance de leur mission ; et il fait ressortir tous les avantages qu'ils y trouvent
pour leur propre perfection : considération d'une haute importance et à bien
faire valoir devant tous les « éducateurs, » car elle a les plus graves consé-
quences pour les obligations qui en déeoulent. H les encourage en exposant
dans quelles conditions favorables ils se trouvent pour arriver à leur but. Il
y a beaucoup à prendre pour tout le monde, dans ce qu'il dit des conditions
requises des « éducateurs 9 et des devoirs qui leur incombent. D'un côté,
piété, science et autorité ; de l'autre, dévouement à l'œuvre entreprise ;
respect et obéissance aux supérieurs ; charité envers ses collaborateurs ;
amour respect et patience pour les enfants. Ces chapitres sont pleins de
conseils pratiques excellents dictés par une grande expérience, par un esprit
profondément observateur, par un amour éclairé pour l'enfance, en un mot,
l'œuvre d'un saint religieux. Nous ne voyons d'autre reproche à adresser à
l'auteur que d'avoir un peu trop délayé ses pensées; pour être plus clair,
il est plus long et aussi plus difficile à lire. Mais nous devons le louer
d'avoir enlevé à l'autorité, en la définissant bien, le caractère haïssable
qu'on lui attribue trop souvent, parce qu'elle le prend quelquefois. Il a bien
raison aussi d'insister sur la nécessité du travail, tant pour acquérir que
pour conserver la science. Rien ne doit inspirer aux « éducateurs » une trop
profonde horreur, tant pour eux que pour leurs enfants, contre tous les pro-
cédés si facilement admis de nos jours, qui ne peuvent que favoriser la
paresse. R. de St. -M.
■^•es «léBultes et l*ai*mée. Etude sur les résultats produits dans
l'offftée par ce qu'on est convenu d'appeler Vinfluence cléricale, par Albert
DE Badts de GuGNAC. Paris, Oimer, 1875, in-8 de 66 p. — Prix : { fr. 50.
Cette étude est tirée d'un travail d'ensemble sur la Compagnie de Jésus,
auquel l'auteur travaille en ce moment. Elle débute par ces mots : u Les
grands hommes ont été, pour la plupart, des hommes religieux, » qui indi-
quent suffisamment dans quel esprit et à quelle intention elle a été conçue et
écrite. — C'est, d'ailleurs, une vue très- générale et qui comprend trois cha-
pitres seulement, où sont rappelés, sans aucun ordre chronologique ni mé-
thode apparente, les grands souvenirs de Lepante, de Sobieski, des Pères
Parabère et de Damas, des ambulances pendant la guerre de 1870-71, du
grand Condé et du maréchal Bugeaud, de Saint-Âmaud et de Don Carlos, du
Père de Ravignan et des zouaves pontificaux, de Loigny et des écoles diri-
gées à Metz, à Paris, à Amiens, etc., par les Pères Jésuites pour pr4parer les
jeunes gens aux écoles spéciales militaires du gouvernement. Aux catholiques
convaincus et qui suivent le mouvement de rénovation religieuse dont
rÉcole de Saint-Cyr oflre aujourd'hui un si admirable ex mple, cette bro-
chure peut, après tout, n'avoir pas grand chose à apprendre ; mai^ nous en
croyons néanmoins la diffusion très-utile pour éclairer les ignorants et ou-
vrir les yeux aux aveugles de bonne foi. Sa place nous parait surtout par-
faitement indiquée dans toutes les biblio hèques de régiments et dans les
cercles militaires qui se créent de tous cètés, à la faveur de la nouvelle loi,
sous la direction des aumôniers. F. de R.
- 444 -
E<eB grands btenAulteura de i*liuiiMiiilté, par M. Adolphe Hcard,
Paris, Berche et Tralin, 1875. In-12 do x-353 p. — Prix : 3 fr.
On ne saurait trop louer Tinspiration qu'a eue M. Huard de composer une
galerie de médaillons, dans lesquels sont encadrés les portraits des prin-
cipaux bienfaiteurs de l'humanité : il est bon d*ayoir toujours leur exemple
sous les yeux : c'est un excellent a prix d'encouragement au bien. » Les
figures sur lesquelles il s*est arrêté sont celles de saint Vincent de Paul,
du petit manteau bleu^ de la sœur Hosalie, de Monthyon, du B. de La Salle,
de MM. Marbeau et Taylor, de la sœur Marthe, de M*« de Lariboisière, de Tabbê
de l'Épée, d*£ustache le bon noir, de Gochin, du F. Philippe, du duc de
Larochefoucauld-Liancourt, d'Haûy, du P. Claves, de Michel Brezin, de
Gérando de Boulard et Benjamin Delessert, du P. de Las Cases et de Fénelon.
D y a entre tous une grande variété et on pourrait ajouter une grande dis-
parité. Les uns ont agi par vertu; chez les autres, il y eut beaucoup d'amour
propre et d'ostentation : les fondations que quelques-uns ont faites valent
mieux qu'eux-mêmes. C'est ce que M. Huard ne fait pas suffisamment res-
sortir, quoiqu'il raconte d'une façon intéressante la vie de ces person-
nages et en mette bien en relief le côté bienfaisant. Ses éloges sont trop
emphatiques et ne sont pas proportionnés aux actes; le style manque de
simplicité ; les réfiexions ne sont pas toujours ni justes ni heureuses. Com-
ment peut-on se contenter de dire : u Survint la Révolution du 10 août 1792,
qui appela à elle tous les gens de bonne volonté. (44)? » Comment un écri-
vain catholique ne parle-t-il jamais que de '« bienfaisance et d'humanité. »
R. DE St-M.
AleiKla Glerc» marin» Jésuite et otage de la Gommune»
fusillé & la Roquette le 94 mal 1 8T1* Simple biographie par
le R. P. Charles Daniel, de la compagnie de Jésus. Paris, Ainanel et
Balteneveck, 1875. In-18 j. de ix-562 p. — Prix : 4 fr.
Les otages de la Commune ont été comme notre rançon, comme des vic-
times d'expiation destinées à arrêter le bras terrible de la justice de Dieu.
Aussi rien n'est plus légitime que l'intérêt que l'on porte à tout ce qui nous
parle d'eux, rien n'est plus naturel que le prix attaché à tous les détails
sur des vies qui seraient passées inaperçues au milieu de nous sans lenr fin
glorieuse. C'est une des raisons qui assurent le succès au livre que le P. Daniel
a consacré au P. Alexis Clerc, un des cinq justes demandés à la compagnie de
Jésus. Il en a élagué, avec juste raison, tout ce qui n'aurait servi qu'à satisfaire
la curiosité, pour ne donner que ce qui peut contribuer au bien des Âmes.
Dans son chapitre si bien intitulé : « Le P. Clerc, prisonnier et victime pour
l'amour de Jésus-Christ, » il s'est bien gardé de refaire, après le P. de
Pontlevoy, les actes de la captivité et du martyre ; il s'est borné h ajouter
quelques lettres et quelques détails sur les dispositions du martyr et ses cu-
rieux pressentiments. Mais, pour tout le reste, son œuvre est neuve et ori-
ginale et nous fait connaître un P. Clerc tout autre que le soupçonnaient la
plupart même de ceux qui avaient été en relation avec lui. Non pas que
ce ne soit toujours la même nature ouverte, le même esprit vif et enjoué,
le même cœur généreux et dévoué ; mais combien ignoraient les combats
qu'il eut à subir pour retourner à la religion de sa mère et se consacrer an
service de Dieu !
Alexis Clerc, privé de bonne heure de sa mère, fut élevé dans les idées
d'un père qui admirait Voltaire et lisait le Siècle^ et, quoique revenu plus
tard de ses préjugés contre la religion, ne se consola jamais d'avoir un fils
— 445 —
jésuite. Passant par les mains de l'Université et de TÉcole polytechnique, il se
confirma dans Tirréligion ou plutôt rindiiférence, et y sgouta, pour rendre
les chances de retour plus difficiles, Tamour des plaisirs et la carrière mari-
time, où l'on est si souvent privé de secours religieux. Aussi sa conversion
futrclle un long et laborieux travail que nous pouvons étudier sous toutes
ses phases. Nous le voyons luttant, résistant, étudiant, discutant soit pour
s'éclairer, soit pour essayer do ramener son père, ses amis, ses camarades.
Une fois le premier pas fait, il devient bientôt un apôtre, faisant le bien
partout où ses fonctions l'appelaient, et entraînant après lui des camarades
timides. Toutes ses lettres sont pleines des considérations les plus élevées,
exprimées avec une netteté remarquable et touchant un peu à tous les
sqjets. La controverse est ce qui domine et on y trouvera bien des argu-
ments qui pourront être utilement servis ; mais aussi il y a sur les choses
de ce monde, sur la politique, des aperçus vraiment remarquables :
qu'on lise ce qu'il disait en 1848 du suffrage universel, et, plus tard, ses juge-
ments sur l'Empire. Appelons aussi l'attention sur l'intéressant récit de ses
voyages au long cours, surtout de son voyage à l^rd du Cassini, et sur tous
les détails attachants de sa vie de religieux et de professeur. Est-ce oubli,
est-ce manque de documents? Le P. Daniel ne dit rien de sa direction d'une
réunion d'anciens élèves des Pères et d'une œuvre de patronage à Paris. Il
parle plusieurs fois comme vivant encore, du P. de Cuers, qui quitta aussi
la marine pour se consacrer à, Dieu, quoique ce saint prêtre ait suivi de
très-près le P. Clerc dans un monde meilleur. René de Saint-Mauiiis.
Xfa. Fotssee, notice biographique^ par Henri Beâune. 2* édition.
Dijon, Lamarche; Paris, Douniol, 1875. In-18 j.
L'historien du président de Brosses et du père Lacordaire, l'ami de M. de
Montalembert, le courageux et infatigable champion de la liberté de l'ensei-
gnement et de l'indépendance de l'Église dans l'État, le magistrat intègre
qui menait une vie de bénédictin et d'ancien parlementaire au milieu
d'une de nos cours de justice modernes, M. Théophile Foisset, méritait bien
un biographe, n en a trouvé un, magistrat lui-même, qui avait été élevé
à son école et avait reçu ses enseignements. M. H. Beaune nous a donné
une biographie pleine d'intérêt, à laqueHe nous ne saurions reprocher
qu'une chose, c'est sa sobriété et sa concision mêmes. Mais telle qu'elle est,
on peut la recommander aux lecteurs du Polybiblioriy qui y trouveront des
détails nouveaux et fort curieux sur le réveil des idées catholiques qui a
marqué les dernières années de la Restauration et les premières années du
Gouvernement de juillet. M. Foisset a pris, en effet, une part très-active à ce
mouvement. Il l'a même dirigé, car il a été longtemps l'inspirateur caché
du Correspotidant, auqu^ il collabora d'ailleurs de la manière la plus
brillante . X.
Lies Pyrénées. Paysages et esquisses, par le comte de Perhochel.
2« édit. Le Mans, typ. Edm. Monnoyer, 1875. Gr. in-18 de 184 p.
Le comte de Perrochel, auquel nous devons déjà Une semaine en Istrie, a
écrit, d'une plume élégante et facile, ses impressions de voyage aux
Pyrénées. Le touriste se fait poète, dans une invocation aux monts qu'il a
visités qui ouvre le volume ; il se fait moraliste à plus d'une page de ce
petit livre, et il nous donne lieu d'espérer qu'abordant des sujets plus
spéciaux et avec plus d'étendue, il offrira bientôt au public autre chose
que ces esquisses, d'une touche si délicate, qui révèlent un vrai talent de
penseur et d'écrivain. G. de B.
-^ 446 —
Sioniet et im Vendée, par Edmond Stofflst. Paris, Pion, i875.
Gr. in-iS de 440 p., avec une grande carte spéciale. — Prix : 4 fr.
M. Edm. StofQet, en retraçant les exploits de celui dont il porte le nom,
n'a pas seulement voulu payer un juste tribut d'éloges à une mémoire
illustre ; il a cherché & faire une œuvre sérieuse de critique historique, &
démêler dans les récits des historiens la part du vrai et du faux, à réfuter
des erreurs accréditées. Nous n'hésitons pas à dire qu'il s'est acquitté de
cette tâche avec un soin consciencieux et avec un vrai talent d'écrivain.
Son livre doit être rangé parmi ceux qu'on 4evra consulter sur les guerres
de la Vendée, et il ofi&ira en même temps à la jeunesse une lecture
attrayante. Sans en accepter toutes les conclusions, — il y a des procès qui
restent longtemps en suspens et qu'il est difficile de résoudre d'une manière
définitive, — nous le recommandons à nos lecteurs* E. d'à.
Mjbl Serbie et la erlse orientale, par Emile Collas. Paris, Charles
Douniol, 1875. Gr. in-8, de 24 p. (Extrait du CorrespondtuU.)
Sous ce titre : La Serbie et la crise orientaie, un écrivain plein d'avenir,
M. Emile Collas, substitut du procureur de la République près le tribunal
de première instance de Châtillon-sur-Seine, publie une intéressante étude
sur les événements qui s'accomplissent actuellement dans l'empire ottoman
et qui excitent une grande agitation au sein des états chrétiens, tributaires
ou limitrophes de la Turquie. La Serbie, la Roumanie, le Monténégro peuvent
être entraînés & prendre part à la lutte qui se poursuit dans les mon-
tagnes de l'Herzégovine ; l'intervention seule de la Serbie peut même amener
une solution violente et prématurée de la ques(ion d'Orient, solution que les
grandes puissances redoutent, mais qu'elles peu vent retarder par une média-
tion entre les Turcs et les chrétiens soulevés . M. Collas examine avec soin
les causes de mésintelligence qui divisent la Serbie et la Turquie ; il nous
montre les unes dérivant de l'état général des contrées orientales, du passé
historique du peuple turc et du peuple serbe, et des espérances d'avenir de
la Serbie, et les autres ayant leur origine dans des faits particuliers et des
griefs spéciaux; tels que la détention du Petit Zwomik et l'opposition sourde
et inique du gouvernement ottoman & la création des voies ferrées traver-
sant la principauté serbe et reliant Constantinople et Salonique aux chemins
de fer de l'empire austro-hongrois. M. Collas nous fait voir ensuite le rôle
que la Serbie peut jouer dans la crise qui agite en ce moment le monde
oriental, et il arrive, par d'habiles considérations, k cette conclusion que les
provinces révoltées doivent être annexées à la Serbie, ou partagées entre la
Serbie et le Monténégro. C'est le démembrement de l'empire ottoman, c'est
la disparition forcée des Turcs des pays européens. Cette solution, prévue par
les esprits politiques les plus pratiques, est otposée avec beaucoup de
netteté et de précision par le savant magistrat, dans la brochure que nous
venons d'analyser. A. Albrieb.
apôtre, récî< truandais (imité de l'anglais). Paris, Àuteuil, imprime-
rie des apprentis catholiques, 1875. In- 12 de 74 p.
Pat est an ouvrier irlandais catholique qui éclaire et convertit un de se»
camarades vivant dans le protestantisme. 11 discute avec lui principalement
sur le culte de la Vierge, la présence réelle, la foi qui est un don de Dieu,
l'insuffisance de la Bible pour éclairer les fidèles. Ses arguments sont clairs,
simplement exposés, appuyés sur les textes évangéliques. Si on admire sa
scienea, on est encore plus touché de sa charité et de son dévouement; mais
— 447 —
nous croyons le ton général un peu trop mystique pour le succès de la
Bibliothéiiue des apprentis catholiques dont ce volume fait partie.
R. S.
Ija Grise de cent ans* Li*Bk116 lorrain» Lie lk»inmet de la cité
ehrétlenae* par Charles Ghaaaux, professeur à la faculté des lettres de
Grenoble. — Grenoble, Côte; Paris, Albonel, 1875. In-18 de 103 p. —
Prix : i fr.
Les trois articles qui composent ce petit volume n*ont de conmiun que
leur origine, qui explique leur même caractère religieux et patriotique, et
leurs mêmes qualités de style. Le premier renferme, sous forme de dialogue
entre des pères jésuites de T université de Pont'à-Mousson,des considérations
très-justes et très-élevées sur les causes de la Révolution française ; le second
explique les malheurs de la France par son abandon de la religion ; le troi-
sième est une excellente apologie des ordres contemplatifs. R. S.
Notice de* tableauiK» deaftine, eatampea» Utho^raphleat
pbotographlea et «ciilpturea exposéa dans les aallea du
muaée de l*liôtel de Ville d*Aotun, par Harold de Fontenay,
conservateur du Musée. Autun, imp. Michel Dejussieu, i875. In-18 de 94 p.
— Prix : 0 fr. 75.
Les tableaux, dessins, estampes, lithographies, photographies et sculp-
tures exposés dans les salles du musée de Thôtel de ville d' Autun sont peu
considérables. Quelques pièces même sont d'une mince valeur artistique
et ne méritent d'être conservées qu'en raison de l'intérêt qu'elles présentent
pour l'histoire locale. On trouve cependant, dans cette petite mais précieuse
collection, certaines toiles remarquables, ainsi : Le combat de Somah et La
prise de la tmir Malakoffy par Horace Verne t; Le portrait de Wille par Greuze ;
Les deux ermites, un Paysage et saint Jérôme, par David Teniers ; Le portrait
de M. le général Changarnier, par Arv Scheffer, etc., etc. Le catalogue qui
énumère ces objets divers est fait avec beaucoup de coin et d'exactitude ;
les dimensions des panneaux et des toiles sont scrupuleusement relatées ; les
tableaux sont décrits avec une rare précision, et un article plus ou moins
long est consacré à chaque artiste. On reconnaît bien vite, en parcourant
cette notice, que celui qui a écrit cette plaquette est un ancien ^ève de
l'École des chartes. Nous reprocherons seulement à l'auteur de n'avoir point,
dans son travail, suivi la division par écoles. Pourquoi avoir adopté un
ordre chronologique basé uniquement sur la date d'entrée de tableaux dans
nn musée? Quoi qu'il en soit, nous appelons l'attention de nos lecteurs sur
cette brochure, et nous attendons avec impatience l'étude que M. Harold
de Fontenay doit bient6t consacrer aux objets antiques conservés à l'hôtel
de ville d'Autun. A. Albribb.
Lia Vie de» bola et du déaert. Récits de chasse et de péche^ par
B6NÉDICT- Henri Râvoil, avec deux histoires inédites, par Alexandre
Dumas père. Tours, Alfred Marne, 1874. Gr. in-8 de 237 p. — Prix : 2fr. 50.
Histoire» de chaase, par Bénédict-Henhi Râvoil. Paris, Didier, 1875.
Gr. in-18 de 336 p. — Prix : 3 fr.
L'aimable et spirituel conteur auquel on doit ces deux nouveaux ouvrages
est bien connu de nos lecteurs, et la jeunesse lit toigoors avec plaisir ses
tt narrations cynégétiqnes » qui se recommandent par nne verve intaris-
sable et par une exubérance que des yeux plus expérimentés qualifie-
— 448 —
raient d*exces8ive. Mais le proverbe : A beau mentir qui vient de loin trouve
ici son application. Gomment contredire le spirituel écrivain? Le mieux
est de le croire sur parole et de se laisser aller au charme de ses récits.
Dans le premier des ouvrages que nous avons à signaler, M. B. H. Révoil
nous conduit en Norwége, où il nous fait assister à une chasse à l'ours ;
dans rinde, où « deux Français établis à Calcutta, » dont il a eu la <c bonne
chance de feuilleter les notes, » racontent la chasse aux paons ; en Amérique,
où le voyageur tue des bécasses, des porcs-épics, des gorilles, etc.,
et où Ton chasse môme... en ballon; en Afrique, où l'on rencontre l'au-
truche et le léopard ; à la Guadeloupe, où Ton tue des diablotins. Il y a des
chasses moins excentriques et moins lointaines : celle du renard, entre
autres, et le livre se ferme sur les chasses de l'Inde. — Les deux histoires
inédites d'Alex. Dumas père n'occupent que les douze dernières pages; elles
sont intitulées : La Chasse dans le nord de /'Europe, et Une citasse à Vours
en Russie ; la seconde raconte un épisode dont le comte Melchior de Vogué
fut le héros.
— La pêche à la loutre, une chasse au chamois^ une chasse à l'antilope, la
chasse aux pumas, une chasse sous les tropiques, la chasse au feu, la chasse
aux sangliers, une chasse en Perse, la chasse k l'oiseau, un chasseur d'ours,
une chasse dans les Ardennes, une chasse dans la forêt Noire, la chasse aux
> bouquetins, les singes de Gibraltar, tels sont les « histoires de chasse » qui se
pressent, dans le second ouvrage, sous la plume de l'auteur. Ne lui demandez
pas, plus qu'ailleurs, d'être véridique; il s'inquiète surtout d'être varié et
amusant, et réunir cette double qualité, en racontant ses propres aventures,
est souvent difficile, quelque grand chasseur qu'on ait été. Il est bien permis
de faire aux autres quelques emprunts et surtout de recourir à cette riche
pourvoyeuse qu'on a appelé «la folle du logis.» M. B. H. Révoil ne s'en fait
pas faute. Il y met tant d'habileté et d'entrain que ses jeunes lecteurs ne le
lui reprocheront certes pas. . L. C.
Eie Eilvre de» «oupei* ot dea potages, contenant plus de quatre cents
recettes de potages français et étrangers, par Jdles Gouffé. Paris, Hachette,
1875. Gr. in-18 de 260 p. — Prix : 1 fr. 25.
M. J. Gouffé, « ancien officier de bouche du Jockey Club, » n'est point à ses
débuts dans la carrière d'écrivain. Il est l'auteur du magnifique Livre de cui-
sine, édité par la maison Hachette avec un luxe princier, et des livres de
Conserves et de Pâtisserie. Tous ces ouvrages sont accompagnés de vignettes et
de planches en chromolithographie. C'était bon pour les « officiers de bouche, »
mais non pour les simples cuisiniers. Le petit volume qui vient de paraître
sera d'une utilité plus pratique. Il est divisé en trois livres : potayes gras,
potages maigres, potages étrangers, et est complété par un appendice sur quel-
ques sauces pour potages. Une table alphabétique donne tous les titres de
cette riche et appétissante nomenclature. Z.
VARIÉTÉS
LES PUBLICATIONS DE LA CAMDEN SOCIETY.
Troisième article ^.
LI. The pylgrymageof Syr Richard Guylforde to the Holy Land, A. D. 4506,
from acopy believed to bey unique from the press of Richard Pynson. Edited bj
(1) Voir tome X, p. 234 et tome XII, p. 244.
— 440 —
sir Henry Ellis, 1851, xvi-92 p. — Ce n'est pas souvent que la Camdcm
Society publie des réimpressions, mais le volume en question reproduit une
rareté bibliographique dont un seul exemplaire est connu^ et sir Richard
Henry Ellis fît bien de violer la règle générale imposée aux membres de
la société. L*autcur de la relation dont il s'agit ici était, selon toute proba-
bilité, le chapelain de sir Richard Guilford, et il parait avoir emprunté la
plupart des descriptions qu'il nous donne à une sorte de guide écrit en
latin, et fort en usage parmi les pèlerins de la fin du moyen âge. Ce guide
lui-même semble avoir été un abrégé du grand ouvrage de Bernard de
Breidenbach, publié pour la première fois à Mayence, en 1483.
Ln. Moneys received and paid for secret services of Charles II, and James II,
from ^Oth of match 1679, to 25<^ ofDecember 1688. Edited from a ms in the
possession of William Selby Lowndes, esq. by John Yonge Akerman, esq.,
x-240 p. — Quelque temps après Tavénement de Guillaume III, un certain
Henry Grey, chargé de la répartition des fonds secrets pendant les deux
règnes précédents, eut à rendre ses comptes. En neuf ans et neuf mois, il
avait reçu la somme de 565,573 livres sterling, 15 sh. et 5 d. 3/4,
sur laquelle il lui restait une balance de 341 livres, 5 sh. et 6 d. 1/2.
Les déboursés se rapportent: 1* à Tentretien des domaines privés delà
couronne ; 2<* à des gratifications accordées comme récompense de services
rendus par certaines personnes. Rien de scandaleux, rien même de piquant
à noter dans ce budget supplémentaire, si on peut l'appeler ainsi.
LÏÏI. Chronicle ofihe Grey friars of London, edited by John Gough Nichols,
1852, xxxv-108 p. — L'ouvrage que M. Nichols s'est chargé de publier appar-
tient à la même classe que les compilations déjà décrites sous les numé-
ros XXVHI et XXXIV (voir t. X, p. 239, et t. XI, p. 245). La préface donne
rénumération de huit autres recueils analogues, y compris l'ouvrage très-
connu de Fabyan; on pourrait y ajouter la courte chronique des règnes de
Henry VU et Henry VIII, imprimée dans le tome quatrième de la Camden
Miscellany. On a peine à comprendre pourquoi Stowe, qui pourtant possédait
le manuscrit original de cette histoire, en a fait si peu d'usage ; et surtout
comment il se fait que Strype ne la cite même pas. Jusqu'à l'année 1502,
elle suit pas à pas, et copie presque, un autre travail intitulé Amold's
chronicle, dont M. Douce publia, en 1814, une excellente édition. Â partir
de 1503, l'auteur anonyme devient plus indépendant, et ses remarques,
portant conmie elles le font sur la situation religieuse de l'Angleterre au
seizième siècle, sont pleines d'intérêt. Le récit s'arrête en 1566. Le titre du
volume vient de ce qu'il faisait partie, à l'origine, de la bibliothèque des
Frères Gris ou franciscains de la ville de Londres.
LrV. Promptorium parvulorum tomus alter, voir n« XXV.
LV. The Camden miscellany, volume the second, 1863. — Voici la liste des
six morceaux publiés dans ce volume : i, Account of the expenses of John of
Brabant, and Henry and Thomas of Lancaster, A. D. 1292-3, edited by Joseph
BcRT. 1853, xvi-18 p. — Jean, fils du duc de Brabant, fut fiancé en 1278 à
Marguerite, fille du roi Edouard V* . La princesse n'avait alors que trois ans.
En 1284, Jean, âgé de quinze ans, vint en Angleterre, et y résida jusqu'en
1294, époque de la mort de son père. Ses compagnons de voyage, en 1292
et en 1293, Thomas et Henry de Lancaster, tous deux neveux du roi devin-
rent successivement comtes de Lancaster. Le document imprimé ici est une
sorte d'itinéraire de ces trois jeunes gens et un relevé de leurs dépenses. —
2. Household expenses of the Princess Elizabeth, during her résidence at Hatfield.
October 1 , 1 551 , <o 1 0 September 30, 1 552. Edited by viscount Strangpord. 1 853,
Novembre 1875. T. XIV, 29.
— 450 —
iv*48 p. — Cette pièce, déjà décrite par plusieurs antiquaires, n'a qu'un
très-mince intérêt. — 3. The request and suite of a true-hearted Englishtnan^
written by William Cholmley, Londyner, in theyear iK53. Edited by W. J.
Tboms. 1855, vi-20p. — Traité politique fort curieux, sur les matières de
commerce, principalement celui de la laine et des draps. M. Fronde le cite à
diverses reprises dans son Histoire d'Angleterre. — 4. The discovery of the
Jesuits* Colkge at Clerkenwell in March 4627-28, and a letttrfound in theùr
house (as asseried), direeted to the father Bêctor at Bruxelles, Edited bj John
GouGH NicHOLs. 1852, 64 p. — Le récit de la découverte du collège des
jésuites parait avoir été écrit par le secrétaire d'État sir John Coke. Le
manuscrit original se trouve aux archives du royaume, ainsi que les pièces
justificatives d'après lesquelles il fut rédigé. Quelques-unes de ces pièces,
un instant égarées, ont été insérées dans le tome quatrième de la Camden
Miseelkmy. Quant à la lettre dont le titre fait mention, chacun sait aujourd'hui
qu'il faut y voir tout simplement une satire politique, composée par sir John
Maynard, membre du Parlement, On l'imprima d'abord en forme de pamphlet
(1643) ; puis le fanatique Prynne et l'antiquaire Rnshworth l'insérèrent dans
leurs recueils; c'était un canard suivant toute l'acception du mot. — 5.
Trelawny paperSf edited by W. D Goopeb. 1853, 23 p. — 6. Autobiography and
anecdotes, by William Taswell, DD. A. D. 1651-1682. Edited by G. P. Elliott,
esq., 40 p. — Documents d'un intérêt tout local, et qui ne méritaient guère
les honneurs de l'impression.
LVI. Letters and popers of the Vemey famUly down to the end of the year
1639. Printed from the original mes, in the possession of sir Harry Vemey;
edited by John Bbcce, esq. 1853. xjv-308 p., plus un tableau généalogique.
— Les documents publiés dans ce volume remontent jusqu'au règne
d'Edouard P', mais c'est à partir du dix-septième siècle surtout qu'ils nous
offrent de l'intérêt. L'annoUteur leur a donné pour cadre une histoire suivie
de la famille Yerney, et il l'a fait avec beaucoup de talent. Parmi les points
les plus dignes d'attention, je citerai les suivants. Pendant les régnes
d'Henry VI et d'Edouard IV : l'adresse singulière qui procura au lord maire
yorkiste, sir Ralph Yerney, pour son fils, les domaines du Laneastrien sir
Robert \'Vlûttingham ; -^ Régne ât Henry VU : la vie passablement débauchée
du courtisan sir Ralph Yerney, chambellan de la princesse Marguerite, et
un de ses gentilshommes en Ecosse ; — Bégne de Marie : détails sur la cons-
piration de Dudley : deux des Yerney y furent compromis ; — Bégne de
Jacques P' : Le voyage du prince de Galles en Espagne, où sir Edmond
Yerney se rendit avec lui ; récit des aventures des pirates anglais dans la
Méditerranée; — Bégne de Charles I*' : emprunts forcés, affaire de Hampden,
et particularités diverses du plus grand intérêt. La dernière partie du vo-
lume se rattache surtout à l'expédition envoyée, en 1639, contre les puritains
d'Ecosse, et les lettres de sir Edmond Yerney en donnent un récit circons-
tancié.
LYU. The Ancren Biwle ; a treatise on the rules and duties of monastic life. Edited
and translated from a semi-saxon ms. of the trirteentcentury, by therev. James
MoRTON, 1853. xxviii-480 p. — Ce curieux ouvrage existe en anglo-saxon et en
anglais ; on en connaît plusieurs manuscrits que M. Morton examine dans sa
préface; il a choisi pour guide le ms. cottonien (Néron, A. XIY), conservé an
British muséum, et, contrairement à l'opinion reçue, il pense que le texte ori-
ginal était, non pas en latin, mais en anglo-saxon. VAnaren Riwle ne sau-
rait être, comme on se l'est quelquefois imaginé, l'ouvrage de Simon de Gand,
évêque de Salisbury, de 1297 à 1318; le dialecte dans lequel il est écrit
- 451 -
révèle une date plus ancienne, et M. Morton indique comme auteur probable
Guillaume Poore, qui occupa le siège épiscopal entre i 21 7 et 1228 ; ce prélat
était natif de Tarrent, dans le Dorsetshire, et il adressa aux religieuses de
Tendroit cette espèce d'exhortation pastorale, lorsqu'il reconstruisit et em-
bellit leur abbaye. Excellent spécimen du dialecte de l'ouest de l'Angleterre
au treizième siècle, VAncren Riwle est curieux à double titre : comme
tableau de la vie monastique et conmie document philologique.
LVIU. Letters of ihe Lady Brilliana Rarley, wife of sir Robert Earley, of
Brampion BrycM. With introduction and notes, by T. T. Lewis. 1854, lii-275 p.
— Lettres touchantes, écrites d'un style ému et se rapportant aux incidents
de la vie domestique. Sir Robert, époux de Lady Brilliana, fut un des mem-
bres les plus actifs du Long-Parlement, et soutint avec vigueur la cause
républicaine dans le comté deHereford. Sa femme défendit contre les roya-
listes, en 1643, le château de Brampton Bryan; au bout de trois semaines
de résistance, la garnison fut obligée de se rendre, et Lady Brilliana mourut
trois mois après.
LIX et LXII. A roll of the housckold expenses of Bichird de Swinfieldy bishop
of Herefofdy during part of the years 1289 and 1290. Edited by Rev. John
Webb, 1854. — Vol.II.Abstracts, illustrations, glossary, index, 1855. Ensemble,
ccxxxu-270 p. — Ce qui fait la valeur de ce livre, c'est la manière savante
dont il a été édité. Le résumé et l'introduction, formant un commentaire
perpétuel sur les documents réunis par M. Webb, contiennent une infinité
de détails sur la vie civile et religieuse de l'Angleterre au temps d'Edouard I«'.
L'appendice, de plus de quarante pages, reproduit plusieurs documents
intéressants relatifs à l'église cathédrale d'Hereford, et à la canonisation de
révoque Cantilupe.
LX. GrantSf etc., from the crùwn during the reignof Edward the fifth, fromthe
original docket-book, Harleian ms. 433, and two $peechesforopening Parliament^
by John Russel, bishop of Lincoln, Lord Chancelier. With an historical introduc-
tion, by John Gougb Nichols. 1854, lxiv-96 p. — Ce volume est un extrait du
ms. Harleien, n* 433, codex très-curieux, contenant la minute de toutes les
décisions, lettres, ordonnances transcrites chaque jour par les commis du
roi Richard m. La partie imprimée ici se rapporte aux deux mois du règne
nominal d'Edouard V. M. Nichols a relevé, dans sa préface, une faute com-
mise par M. Sharon Turner ; cet historien s'était imaginé qu'un parlement
avait été réuni sous le règne si court d'Edouard V, et que le duc de Glou-
cester avait pris le titre et les fonctions de protecteur, en vertu d'une auto-
rité déléguée par ledit parlement. Le fait est que Richard étant devenu pro-
tecteur le 14 mai 1483, le Parlement fut convoqué pour le 25 juin, et c'est à
cette occasion que le discours du Lord chancelier fut préparé, et non pas
prononcé ; car le Parlement, ajourné en vertu d'un décret de supersedeas, ne
s'assembla que plus tard. Quant aux trois speeches de l'évêque Russell, ce
sont des morceaux imparfaits, des projets de discours, intéressants comme
spécimens de la langue anglaise au quinzième siècle.
LXI. TheCamden Miscellany, wlumelll, 1855. — Contient quatre articles dont
voici la description sommaire ; I • Papers relating to proceedings in the county
of Kent. A D. 1642-1646; edited by Richard Almack, esq., vu-68 p. —
Documents authentiques sur les menées du parti révolutionnaire dans le
comté de Kent. — 2. Ancien^ biographical poems, on the Duke 'of Norfolk,
vticotiRl Ilerefordy the earl of Esseœ, and queen Llizabeth, Front Gough's
Norfolk mes. in the Bodleian library. Edited by J. Payne Gollieb. 26 p.
— Pièces assez amusantes et contenant de curieux détails. — 3. A Relatùm
— 452 —
of some abuses tvhich are committed against tke Common-Wealth ; together with a
friendlie reprehension of the same. Composed especiallie for the benefii of this
eounty of Durhame, December the xxvjth i629, by a porre friend and Wel-
wisherto the Common-Wealth. Edited by Sir F. Madden, th iv-35 p. — Remar-
ques intéressantes sur la corruption du temps, et les scandales qui s*in-
troduisaient de toutes parts. L'auteur arrange en quatre divisions les abus
dont il se plaint, i^ Dégâts commis dans les bois^'et forêts: 2* destructloD
des cbâteaux et forteresses; 3* décadence de l'esprit guerrier; 4* ivrognerie,
usage du tabac, extravagance dans le costume. — 4. Inventories of tfie War-
drobes. Plate, Chapel stuff, etc.^ of Henry fiti roy, Duke of Richmond; and of
the Wardrobe stuff at Baynard's castle, of Katharine, princess dowager. Edited,
with a memoir, and letters of the Duke of ï Richmond, by John Gougt
NiCHOLS, c-55 p. — L'index et le glossaire explicatif ajoutés par M. Nichols,
donnent beaucoup de prix à cet intéressant volume ; la notice biographique
est enrichie de vingt et une lettres écrites par le duc de Richmond au roi
Henry VIII, au cardinal Wolsey et à Cromwell.
LXn. Voir plus haut, n*» LIX.
LXm. Charles 1 in 4646. Letters of king Charles the fvrst to Queen Henrietta
Maria, Edited by John Brlxe, d856, xxxi-104 p. — Ces soixante et onze
lettres paraissent avoir été les copies faites expressément par la reine
sur les originaux écrits en chif&es. Quelques-unes ont déjà vu le jour.
L'introduction de M. Bruce, composée dans un esprit défavorable à Charles I*',
ne laisse pas que d'être très-digne d'attention.
LXrV. An English chronicle of the reigns of Richard II, Henry IV, Henry V,
and Henry 71, written before theyear 1471 ; with an appendix, containing the ÏBth
and i9th years of Richard II, and the Parliament at Bury Saint Edmunds 2J5th
Edward VI; and supplementary additions frvm the Cotton ms. chronicle
caUed « Euiogium. » Edited by the Rev. J. S. Davies, 1856. — Le fond de
cet ouvrage est la chronique de Brut, si connue en Angleterre, et dont un
excellent manuscrit, jadis entre les mains des archéologues Stowe et Speed
qui l'annotèrent, est passé depuis dans la famille du précédent éditeur.
Les extraits réunis par M. Davies comblent certaines lacunes de l'ancien
annaliste, et le rectifient çà et là.
LXY. The Knights Hospitaliers in England : being the report of Prior PliUi
de Thame to the grand-master Elyan de Villanwa for A. D. 1338. Edited by
the Rev. L. B. Larking, with an historical introduction by J. Mitchell
Kemble, 1857, lxxii-301 p. — Très-précieux pour l'histoire des chevaliers
hospitaliers. Le manuscrit original fait partie de la bibliothèque publique de
La Valette.
LXVI. JHary of John Rous, incumbent of Santon Downham, Suffolk, from
1625 to 1642. Edited by Mary Anne Everett Green. 1856 xn-143, p. —
Dans ce journal, les allusions et les détails relatifs aux événements publics
se trouvent mêlés d'une façon très-piquante à des poésies satiriques sou-
vent écrites avec verve.
LXVII. Trevelyan papers prior to A. D. 1558. Edited by J. Payne Collier.
1857, ix-219 p. — Documents de toute nature, tirés des archives de la
famille Trevelyan, et importants surtout pour l'histoire des règnes d'Henry VID
et d'Edouard VI.
LXVUI. Journal of tlie very Rev. Rowland Davies, Dean of Ross [and after-
wards Dean of Cork), from March 8, 1688-89, to September 29, 1690. Edited
with notes, and an appendix, and some account of the author and bis
family, by Richard Caulfield. 1857, xiv-188p. —Pendant l'occupation de
- 453 -
rtrlando par les troupes de Jacques II, le doyen Davies passa quelque temps
en Angleterre, soit à Londres, soit à Yarmouth (comté de Norfolk), tenant
un journal de ses faits et gestes, et enregistrant ce qu'il trouvait digne de
remarque. Plus tard, il fit la campagne d'Irlande avec les troupes de Guil-
laume m, assistant à la bataille de la Boyne et au siège de Limerick.
LXIX. The Domesday of Saint PauVs of ihe year MCCXXII; or regisirum de
visitaiione Maneriorum per Rohertum Decanum; and other origineU documents
reîating to the mancfè and ehwrches belonging to the Dean and chapter of Saint
PauVs^ London, in the twefth and thirteenth centuries. With an introduction,
notes and illustrations, by William Hâle Hale, archdeacon of London. 1858,
XVII, cxxxvii et 211 p. — Le titre de ce livre en indique suffisamment la
nature, et la consciencieuse préface de H. l'archidiacre Hale n'omet aucun
point d'importance relatif au registre terrier de l'église cathédrale de Saint-
Paul. Tout est expliqué, conmienté, annoté.
LXX. Liber famelicus of Sir James Whitelocke, a judge of the court of King*s
Benoh in the reign of James I and Charles L now firstpublished from the original
ms. Edited by John Bruce. 1858, XX- 131 p. — Sir James Whitelocke, légiste
assez distingué, et auteur de plusieurs ouvrages, a consigné, dans le volume
dont je viens de transcrire le titre, quantité d'anecdotes et de remarques sur
le barreau et la magistrature anglaise des premières années du dix-sep-
tième siècle; c'est une lecture amusante.
LXXI. Savile correspondence. Letters to and from Henry Savile, esq. Envoy at
Paris, and Vice Chamberlain to Charles 11 and James 11, including letters from
his brother George, marquess of Halifax. Printed from a ms. belonging to his
Grâce the Duke of Devonshire, and from originals in Her Majesty's State Paper
office. Edited by W. D. Gooper. 1858, xxiv-316 p. — Gette correspondance
comprend les événements depuis 1661 jusqu'en 1689, et a toute la valeur
qu'on pouvait attendre de lettres écrites par des personnages aussi haut
placés que le furent Savile et son frère, Lord Halifax. Une notice biogra-
phique sur la famille et un arbre généalogique ont été ajoutés par M. Goo-
per. Impossible de citer un volume, sous tous les rapports, plus remar-
quable parmi les publications de la Camden Society. Gustave Masson.
(A suivre,)
II
LES PUBLICATOINS REVOLUTIONNAIRBS A L'ÉTRANGBR.
Les membres de la Gommune qui ont trouvé un asile dans les pays voisins,
leurs adeptes les plus fougueux, les apôtres cosmopolites du socialisme et de
l'anarchie déploient une grande activité ; ils publient, à Londres, en Suisse,
en Belgique, une multitude d'écrits dans lesquels ils déclarent une guerre
acharnée à toute idée religieuse, à tout principe d'autorité. Ces émules de
Marat, ces copistes de Babœuf n'épargnent rien pour enflammer, pour égarer
les masses populaires. Interdites en France, ces prod uctions empoisonnées
pénètrent toutefois clandestinement en assez grand nembre ; certaines librai-
ries de Genève et de Bruxelles en font le commerce, et nous avons sous les
yeux un catalogue qui ne contient pas moins de 433 ouvrages diverses.
Peut-être ne sera-t-il pas sans intérêt de donner les titres de quelques-
unes de ces productions, où la mauvaise foi et l'impudence sont portées aux
plus extrêmes limites.
— 484 —
Nommons d'abord Eugène Yermesch et ses Incendiaireê, poétie (2* édition,
Londres, I872,in-I6).
La préface offre les lignes suivantes :
« Le peuple sait vaincre, mais il ne sait pas profiter de la victoire, et
c'est pourquoi j'ai voulu dire une fois encore ce que j'ai si souvent répété
ailleurs :
« Hais donne donc le coup de boutoir 1 »
Yermesch a été le rédacteur en chef du Qui Vive ! Orgarie de la BémùcraUe
universelle (Londres, 1871, 60 numéros). Cette feuille ultra-jacobine fut suivie
du Yermesch-Joumal (Londres, 1871-72, 82 numéros), auquel succéda rrJnùm
démocratique (Londres, 1872, numéros 83 à 21 o ; le dernier numéro est du
30 septembre). Yermesch s'étant retiré au mois de juillet, à la suite de dis-
sentiments avec ses collaborateurs, ce journal prit une allure un peu plus
modérée.
Un Russe, révolutionnaire cosmopolite, Bakounine, n'est pas le moins actif
de ces écrivains ; en septembre 1870, il courut à Lyon, afin d'y établir la
Commune révolutionnaire. Après l'insuccès de cette tentative (insuccès qu'il
attribue à Cluseret), le Moscovite se retira en Suisse, et il fit imprimer, À
Genève, en 1871, la Bévolutiofi sociale, ou la Dictature militaire. Prenons-lui
quatre lignes :
« La bourgeoisie se montre dure, égoïste, cupide, étroite, bête, à la fois
brutale et servile, féroce quand elle croit pouvoir l'être, sans beaucoup de
danger, comme dans les néfastes journées de juin, toujours prosternée de-
vant l'autorité et la force publique dont elle attend son salut, et ennemie du
peuple, toujours et quand même. »
Il met au jour, la même année : La Théologie politique de Mazzini et rin-
temationale.
Il appelle le grand agitateur italien : a l'une des plus nobles et des plus
pures individualités de notre siècle, » mais il lui reproche de graves erreurs :
« Le culte de Dieu, le culte de l'autorité divine et humaine, fondé néces-
sairement sur la misère des peuples ont entraîné Mazzini, malgré, lui dans
les rangs de la réaction. Mazzini nous reproche de ne pas croire en Dieu ;
nous lui reprochons, par contre, d'y croire, où plutôt nous déplorons qu'il y
croie et qu'il soit ainsi forcé de se ranger contre nous avec tous les ennemis
de l'émancipation populaire. »
Yoilà donc Mazzini lui-même rangé parmi les suppôts de la réaction.
Le citoyen Gambon, montagnard de 1848 et membre du Comité de salut
public que nomma la Commune, veut aussi se faire entendre ; il écrit la
Dernière révolution, réponse à l'Assemblée de Versailles.
« La Révolution trahie par la bourgeoisie, vaincue par l'étranger, firappëe
par des fils égarés, calomniée par le prêtre dans 40,000 tribunes, condamnée
et exécutée froidement par les soldats de Yersailles, exigeait de nous une
revanche. Si le peuple le veut, demain, la liberté se lèvera radieuse sans une
tache au front et triomphante sur tous les points du globe. Pour cela plus
d'impôt ; refusez le service militaire. »
Une Lettre d'un ouvrier aux membres de la Commission des gràees, imprimée
à Milan en 1871, a pour auteur un italien qui a pris pour épigraphe ces deux
vers du Pilori de Ch. Bonnet :
Le sceau de l'infamie a marqué votre front ;
Comme ont croulé les rois, les bourgeois crouleront,
La Liquidation sociale Prophétie (Londres, 1872) est l'œuvre anonyme d^un
membre de V Internationale y lequel annonce que cette société, encore incons*
ciente de sa force, est appelée k régénérer le monde.
- 495 —
Le citoyen Gh. Bonnet, dont nous venons de citer le PUori^ ajoute à ce mot,
comme complément de ce titre : VInvasionf la Commune, Venaiîles ; bornons-
nous à transcrire quelques vers de ce Yolume, imprimé à Genève, en 4872 :
Si quelque mot est dur, qaelquefoii un peu vert,
II faut 86 rappeler que nous avons souffert,
Que lorsque nous parlons de cette ignoble engeance,
Cause de tons les maux qui pèsent sur la France,
A ce souvenir seul notre cœur est aigri,
Et le mot de vengeance est notre premier cri.
La Fotre aux parjures (Londres, in-32) est un recueil de boniments débités
sur les tréteaux de la foire par des personnages politiques fort connus ; c'est
Jules Favre qui s'avance le premier :
C'est moi qui fais les boniments
A ravant-scène de la baraque.
G. Marotteau, le rédacteur en chef du Père Duchéne de la Commune, avait,
avant le 4 septembre, subi quatre mois de prison ; il se réfugia en Belgique,
et il entreprit un Père Duchéne qui ne dépassa pas le premier numéro, la
violence du style ayant paru exorbitante, même k Bruxelles où la tolérance
est cependant fort grande ; ce numéro, introuvable aujourd'hui, débutait
ainsi :
u Oh 1 hisse 1 carguez les voiles !
« Je reprends la trompette sur mon brûlot, le Père Duchéne.
« Ce sera un pamphlet furieux ; le portrait de vos soudars et le signale-
ment de vos juges . »
Le citoyen Jeanneret, auteur de la Commune révoluiùmnaire de Parie (Neu-
chàtel, 1871, in- 18), explique nettement le but qu'il se propose. « Ce qu'il
faut avant tout, c'est venger les pauvres frères engloutis dans le désastre,
relever leur mémoire, dire leur héroïsme et dévoiler leurs bourreaux. »
Le BrétJiatrfî dtt p«ttp/c (Luxembourg, 4871, in-i8) est signé des initiales
C. B.; l'auteur déclare s'être proposé « de soumettre au jugement de la
raison les injustices ou plutôt les crimes des gouvernements autoritaires; »
son écrit est le développement de ces lignes :
« Je veux démontrer que non-seulement on pourrait se passer de gouver-
nement, qu'il soit Religion ou État, mais encore que l'un et l'autre sont nui-
sibles à la marche de l'humanité vers le bien et la civilisation, et que le meil-
leur est de s'en débarrasser. »
Empruntons quelques lignes au petit volume daté de Londres, 1872, les
Charlatans politiques. Il signor Gambeita. Portraits, documents inédits :
« Ce qui manque au public, c'est un livre qui Téclaire sur la valeur
réelle de tous les hommes venant se poser en sauveurs à chaque crise sociale.
Aussitôt que le peuple est devenu le maître de ses destinées, il . se hâte de
se débarrasser de son pouvoir en mettant à sa tète des charlatans poli-
tiques.
u Notre livre de critique politique, économique et religieuse a pour but
de percer à jour l'odieuse comédie des saltimbanques célèbres de l'Europe
qui font rouler au peuple son étemel rocher de Sisyphe. »
Le citoyen Rocher se fait remarquer par sa fécondité ; nous connaissons
près de trente pamphlets sortis de sa plume et publiés en i87i et i872. Il
professe les principes de l'athéisme le plus outré ; il ne se plait que dans le
blasphème; il aime à se déguiser sous des noms qui donnent une idée de
ses tendances : Un apostat, un hérétique, un flis du diable, le citoyen Satan.
Un de ces écrits est dédié à Garibaldi, fort digne, en effet, de recevoir de
pareils hommages!
-- 436 —
Résignons-nous à transcrire les titres de quelques-unes de ces immondes
productions : Les Assassins de la France; —Les Tueurs d'hommes; — Les vérita-
blés Incendiaires de IParis; — Un Assassinat au nom de Dieu; — La Friponnerie
des évêques et des prêtres ; — Napoléon III chez le Diable ; — Plus de bon Dieu !
— Le Charlatanisme sacerdotal ; — Les Buveurs de sang humain, par un inva-
lide du travail, etc., etc.
On peut ranger dans cette bibliothèque communarde et révolutionnaire :
V Histoire de la Commune de Paris (Londres, i871, in-8 de 500 p.), par
P. Vésinier, secrétaire de la Commune ;
Étude sur le mouvement communaliste à Paris, en 1871, par G. Lefrançais
(Neuchâtel,1871);
La troisième défaite du prolétariat français, par B. Malou {Neuchatel, i^liy
in-18 de 540 p.);
Les huit journées de mai derrière les barricades, par Lissagaray (Bruxelles,
1871,in-16de324 p.);
La Vérité sur le gouvernement de la Défense nationale, la Commune et les Ver-
sat/tois, par V... d*Esbœufs (Genève, 1871);
Celui-ci est un adversaire de la Commune contre laquelle il plaide la cause
du Comité central : « La Commune, dit-il, cherchant une force en-dehors de
la fédération, cela devait la perdre en soulevant des conflits et des rivalités. »
Il attaque vivement les Polonais; surtout Dombrowski ; il traite d'insigne
folie la nomination de Dclescluze comme délégué civil à la guerre.
U serait injuste d^oublier la Voix du peuple; les Rouges et les Pâles, par
J.-B. Clément. Londres, 1871, in-12.
C'est un pamphlet de la famille du Père Duchéne, mais le style est moins
ordurier. Donnons-en une citation :
« Allons donc, misérables ! Vous êtes larges et solides comme des crics,
bien plantés comme les chênes ; vous n'avez qu'à vous prendre par la main
un beau matin de colère, et tout bonnement à danser en rond autour dû ce
qui vous gêne pour le broyer comme un œuf.
« Faut-il donc vous aiguillonner, vous pousser par vos flancs creux, vous
montrer votre huche sans pain, vos enfants étiques, les petits des autres bien
joufQus pour vous faire aller de l'avant et vous forcer à marcher vers l'avenir
qui doit vous sauver? »
En voici assez, trop peut-être ; nous aurons d'ailleurs l'occasion de revenir
sur cette propagande du radicalisme dont le venin, propagé avec une acti-
vité incessante, constitue un pétil des plus graves. B.
III
L'ORiaiNE DES GRANDS SEMINAIRES. •
M. Faillon, Vie de M. Olier (quatrième édition 1873), a relevé, en deux
endroits de cet ouvrage érudit (t. I*', p. 422 et t. III, p. 36), les assertions
de M. l'abbé Maynard {Saint Vinceiit de Paul, sa vie, son temps, t. Il, p. 163),
et de Mgr Jager (Histoire de l'Église catholique en France, t. XVI, p. 552).
assertions relatives à l'établissement des grands séminaires. — La discas-
sion, très -courtoise du reste, comme il convient à des prêtres, porte sur
ce point : M. Olier, fondateur de Saint-Sulpice, a-tril organisé, le premier,
un grand séminaire? ou bien, faut-il admettre que saint Vincent de PauU
a précédé son vertueux ami dans cette nouvelle voie?
Nous disons nouvelle voie. Le concile de Trente (session xxui*), en décré-
— 457 —
tant la formation des séminaires, réglait qu'on y admettrait les jeunes gens
dès rage de douze ans. Saint Charles Borromée s'était hâté d*oiganiser sur
cette base le séminaire de Milan, et les efforts de son zèle épiscopal avaient
été couronnés du plus beau succès.
Il n*en avait pas été de même à l'autre côté des Alpes. Les séminaires,
ouverts en France conformément au système préconisé par le concile,
n'avaient guère produit d'heureux résultats. A Bordeaux et ailleurs, on
avait dû procéder à la fermeture de ces maisons.
Vers 1640, les plus saints prélats et ecclésiastiques de France acceptent
une autre méthode pour le recrutement du clergé séculier : on n'admettra
désormais au grand séminaire que des étudiants ayant achevé leur rhéto-
rique au moins, si pas même leur philosophie, pour les appliquer immé-
diatement à l'étude de la théologie et de ses diverses branches.
Nous n'entendons pas, dans une simple note, trancher la question débattue
entre d'honorables érudits et proclamer devant tout le monde que M. Fail-
lon a raison contre M. Mayuard et Mgr Jager. Nous tenons simplement à
dire qu'en Belgique, on était arrivé plus tôt au même résultat que la
France.
Le concile de Trente s'était terminé en 4563.
Le premier concile provincial, tenu à Malines en 1570, décide que l'on
mettra immédiatement la main à l'œuvre pour l'érection des séminaires.
L'année précédente, 1569, Corneille Jansénius, évoque de Gand, qu'il ne
faut pas confondre avec son homonyme, titulaire du siège d'Ypres, avait
fait un concordat avec les hiéronymites ou frères de la Vie commune,
pour la cession de leur couvent, qui devenait le séminaire diocésain.
Dès i595, le séminaire de l'archidiocèse de Malines est ouvert. On y
trouve des humanistes et des théologiens réunis dans le môme enclos,
avec quartiers séparés toutefois. Néanmoins ce système ne tarda pas & offrir
des inconvénients. Un mémoire étendu, soumis aux évêques qui firent
partie du concile provincial tenu en 1607, recommandait de n'admettre
d'autres jeunes gens que ceux qui eussent déjà achevé leur rhétorique au
moins et dont l'âge permettra d'espérer que quatre ans d'études ou cinq
ans au plus les conduiraient à la prêtrise.
Les Pères du concile n'ont pas admis dans leurs décrets cette idée qui
allait devenir féconde en fruits de salut. Nous soupçonnons peutrêtre la
raison de leur conduite. En vertu d'une bc^le de Sixte-Quint, les décrets
d'un synode provincial ne peuvent être promulgués et mis à exécution,
qu'après avoir été révisés à Rome par la Congrégation du concile. Le vœu
du mémoire prémentionné, pour rentrer complètement dans l'esprit de la
loi^ n'en était pas moins contraire à la lettre. Le concile provincid se borna
donc à statuer que des synodes, à réunir bientôt dans chaque diocèse, déter-
mineraient la manière dont on satisferait aux dispositions édictées par les
Pères réunis à Trente.
Or, que voyons-nous? La pratique donne raison au mémoire.
Le synode diocésain de Malines, réuni en 1 609, n'admet aux frais du sémi-
naire que des jeunes gens de dix-huit ans accomplis. Titre XX, art. 3. Ce
même synode, titre XII, art. 3, affectait à la dotation du séminaire les deux
tiers du produit global du laitage.
Jean Le Mire, originaire d'une famille cambrésienne, fonda son séminaire
dans sa ville épiscopale d'Anvers, en 1605. Le synode diocésain, tenu en
1610, rappelle dans une de ses dispositions qu'on forme au séminaire des
jeunes gens ayant terminé déjà leurs humanités et leur philosophie (Syno-
dicon Belgicum, tome m, p. 158).
— 458 —
Van der Burch, mort archeTdque de Cambrai en 4644, fut d'abord érèque
de Gand. Il stipula, dans son sjnode de 1613, qu'on n'admettra au séminaire
que des jeunes gens ayant dopasse leur dix-huitième année. {Synodieon
Belgicum, tome IV. p. 101.)
Ces dates incontestables prouvent que les idées fécondes de M. Olier et
de saint Vincent de Paul avaient reçu leur application en Belgique trente
ans à l'avance. An. Delvigne.
CHRONIQUE
NÉCROLOGIE. — Sîr Charles Wheatstone, né à Glocester, en 1802, est
mort, de passage à Paris, le 19 octobre 1875; il appartenait à Hnstitut depuis
33 ans et était devenu, le 30 juin 1873, un des huit associés étrangers de
l'Académie des sciences. « Wheatstone, a dit M. Tresca, dans le discours pro-
noncé à ses obsèques, était professeur à King's Collège, lorsqu'il fit connaître
successivement ses grandes découvertes : la stéréoscopie, la vitesse de l'élec-
tricité, le télégraphe électrique, trois merveilles auxquelles il a su donner
une grande place en ce monde et qui l'ont occupé jusqu'à ses derniers mo-
ments. Dans ses recherches sur la physiologie de la vision, qui remontent à
1833, mais qui n'ont eu leur sanction en Angleterre qu'en 1838, et trois ans
plus tard en France, Wheatstone a posé les principes qui ont en particulier
permis de représenter les objets géométriques par deux figures distinctes,
qui paraissent se confondre pour les deux yeux, mais qui donnent la per-
ception nette et précise de l'objet lui-mî?me en relief, Wheatstone s'est, pour
ainsi dire, révélé tout d'un coup dans sa carrière scientifique, car c'est vers le
même temps, en 1834, qu'il a publié les expériences à l'aide desquelles il
était parvenu à prouver que la vitesse de Télectricité est de même ordre
que celle de la lumière; puis, précisant. davantage les éléments numériques
de cette étonnante vélocité, qui devait l'occuper sans relâche, il indiquait
pour la vitesse de l'électricité l'énorme chiffre de 333,000 kilomètres par
seconde. Sa création des relais était comme une nouvelle invention du télé-
graphe lui-même, puisqu'elle en agrandissait indéfiniment le domaine ; il
nous communiquait en 1869, son télégraphe écrivant; il obtenait par son
cryptographe indéchifirable, d%ne remarquable simplicité, le moyen de mo-
difier à son gré l'alphabet et de rendre ainsi les dépêches secrètes. On Jui doit
l'appareil de résistance connu sous le nom pont de Wheatstone, pour la véri-
fication des diverses causes de dérangement dans les lignes. »
— M. Isidore-Alexandre-Augustin Pils, né à Paris, le 19 juillet 1813, est
mort à Douarnez (Finistère), le 3 septembre 1875. Elève de M. Picot, il rem-
porta, au concours de 1838, le grand prix de Rome. Sa carrière artistique»
brillamment remplie, le conduisit à l'Institut, où il entra le 7 octobre 1868
en remplacement de son maître Picot ; il était professeur de peinture à
l'École des beaux-arts.
— Nous devons un souvenir à un autre arti ste de grand mérite, qui vient
de faire la fin la plus édifiante, après de longues et cruelles souÂrances,
chrétiennement supportées. Jean-Baptiste Gabpeacx, né à Valenciennes, le
14 mai 1827, est mort à Courbevoie, le 13 octobre 1875, dans la force de l'âge
et du talent. Ses œuvres peuvent être justement critiquées à plus d'un point
de vue, mais il est impossible de ne point rendre hommage au merveilleux
talent du sculpteur qui eût grandi encore si Carpeaux avait vécu, car il aurait
— 4«d —
cherché plas haut ses inspirations et se seraiifait une noQTelle manière, plus
digne de son génie.
— M. JeanBaptiste-FirminMARBEAu, est mort à Saint-Cloud, le 10 octobre;
il était né à 6rives-la-GailIarde, le 18 mai i798. Elève du collège de Brives,
où il fit tontes ses études, il vint faire son droit à Paris, où il acquit plus tard
une charge d^avoué. Il a laissé des ouvrages appréciés sur la jurisprudence.
Mais son véritable titre de gloire, c'est la fondation des crèches, qui rendent
un si grand service à l'humanité, et ce n'est pas la seule œuvre charitable
dont il se soit occupé, car la plus grande partie de sa vie a été consacrée au
soulagement de toutes les misères. — M. Marbeau a publié : Traité des tran-
sactionSf d'après les principes du Code civil (1824, in-8); Réflexions d^un électeur
sur la révolulûm de iS30({S20); Politique des intérêts, ou essai sur les moyens
d'améliorer le sort des tracailleurs^ sans nuire aux propriétaires ; de concilifir
V ordre avec la liberté, la stabilité avec leprogrés, par un travailleur devenu pro-
priétaire (1834, in-B)', Etude sur V Économie sociale (1844, in-8); Des crèches
(1845, in-1 8); Du paupérisme en France et des moyens d'y remédier (1 847); De Vin-
digenceet des secovrs (1850, in-1 8). — M. Marbeau a publié, en outre, beaucoup
de mémoires, rapport*?, articles de Journaux et revues sur les questions d'éco-
nomie charitable; il a collaboré à la Revue d'Économie chrétienne.
— M. l'abbé Jacques-Paul Migne, né à Saint-Flour, le 24 octobre 1800,
est mort à Paris le 24 octobre. Il avait fait ses études théologiques dans le
diocèse d'Orléans, où il exerça quelque temps le ministère sacerdotal. Il
vint se fixer à Paris en 1833, et fonda V Univers, dont il garda la propriété
jusqu'en 1836, et dirigea plus tard la Vérité, L'abbé Migne s'est surtout fait
un nom, et a rendu d'immenses services par ses publications théologiques,
sorties de l'imprimerie catholique qu'il avait établie à Montrouge. Nous
avons donné des détails sur ce grand établissement lorsqu'il a été la proie
des flammes, en 1868. Tout le monde connaît ses immenses collections de
Patrologie, grecque et latine, d'Encyclopédie c4itholique, de Bibliothèque des
orateurs, de Cours d'écriture sainte, etc., qui ont mis à la portée des plus
modestes bourses de desservants les écrits des Pères, des grands orateurs
chrétiens, et une série de dictionnaires sur toutes les sciences.
— M. Pierre Salomon Ségalas vient de mourir au château de la Tour
(Saône-et-Loire). Il était né à Saint-Palais (Basses-Pyrénées), le !•' août 1792.
Ses goûts le portèrent vers l'étude de la médecine ; il fut reçu docteur
en 1817, et devint membre de l'Académie de médecine. La plupart de ses
ouvrages sont relatifs à la lithotritie et aux maladies qui ont pour siège
les organes qui sont soumis à cette opération. En-dehors de cela, on peut
citer des Recherches expérimentales sur r absorption intestinale (1822) ; Série
â^ expériences sur divers faits de physiologie et de pathologie (1823) ; Mémoires sur
les altérations du sang,
— Mgr Mathias-Gasimir Woloczewski, né & Nantray, diocèse de Samogitie,
le 26 décembre 1799, docteur en théologie, préconisé le 28 septembre 1849
(en même temps que Mgr Pie, évêque de Poitiers, et que Mgr Dupanloup,
évêque d'Orléans), pour l'évêché de Samogitie, dont la résidence est à Teloch
(Russie), est mort le 29 mai 1875, à Kowno (Lithuanie). Ce prélat a publié,
en langue lithuanienne, une traduction de Y Imitation de Jésus-Christ et une
nistoire du diocèse de Samogitie.
— M. le docteur Paul Lobain, professeur à la faculté de médecine de
Paris, médecin de l'hospice de la Pitié, né à Paris en 1827, y est mort subi-
tement le 24 octobre 1875. Il avait publié : La Fièvre puerpérale chez les femmes,
le fœtus et le nouveau-né (1855, in-4); Annuaire des sciences médicales (1856,
— 460 —
in-18); Le Valbuminerief thèse présentée aa concours pour l'agrégation
(1860, in-8 avec pi.); Réforme de renseignement médical par les labcror
foires. — Le docteur Lorain avait, en outre, revu et complété le Gidde du
médecin praticien de F. L. J. Valleix.
— M. Jacques-Léandre Geây, dit Philippe Geay-Besse, né à Pons (Charente-
Inférieure), le 4 mars 1805, est mort à Saintes, le 17 octobre 1875. Marchand
de nouveautés à Saintes, membre du tribunal de cette ville depuis 1834, il
a été quatre fois élu président. Membre de la Commission administrative de
rhospice, du bureau de bienfaisance, de Textinction de la mendicité, du bureau
d'administration du collège ; du conseil municipal, depuis 1849 ; chevalier de
la Légion d'honneur, du 12 août 1870; président de la commission municipale
le 21 septeînbre 1870, il devint peu après premier adjoint. Il a publié :
Brenard de Paliei^ dialogue en patois saintongeais (Saintes, 1870) ; une
pièce A prepous de thiés bavards, dans le recueil Pour la France (Saintes, 1875.
in-8) ; Le concours régional de Saintes (Saintes, 1875, in-8), vers en patois
saintongeais. Il a écrit d'autres poésies patoises restées inédites, pleines
de bonhomie et de sel. Ses funérailles ont été faites aux frais de la
commune.
On annonce encore la mort: de M. Raifaele Gorgiulo, archéologue distin-
gué, mort à Naples, à 94 ans ; — de M. Albert Jacquemard, rédacteur de la
Gazette des Beaux-Arts et auteur d'un ouvrage sur la Céramique, faisant partie
de la Bibliothèque des Merveilles de la librairie Hachette ; — de M. La huppe,
décédé à l'Ile de la Réunion, âgé de quatre-vingts ans; il avait été fondateur
du premier journal de cette colonie ; — du comte Alexis Tolstoï, auteur
d'Yvan le Terrible^ mort à Saint-Pétersbourg; — de M. François Dcccing,
député des Hautes-Pyrénées, ancien rédacteur de VEstafette et de VOpinion
nationale, fondateur de V Universel, mort le 3 octobre ; — de M. le chanoine
Pomabèdes, doyen du chapitre de la cathédrale de Montpellier, mort le
22 août, à l'âge de 76 ans, auteur de plusieurs ouvrages de piété : Manuel
pour la confrérie du précieux sang ; La conduite pour la Toussaint, VocUxoe des
morts et la dédicace des églises ; — de M. Outhenin-Chalandre, imprimeur-
libraire, à Besançon, mort à 78 ans.
Institut. — La séance annuelle des cinq Académies a eu lieu le 25 oc-
tobre 1875, sous la présidence de M. Lefuel, président de l'Académie des
beaux-arts, assisté de MM. Patin, Maury, Fremy et Baudrillart, délégués des
Académies française, des inscriptions et belles-lettres, des sciences et des
sciences morales et politiques, et de M. le vicomte H. Delaborde, secrétaire
perpétuel de l'Académie des beaux-arts, secrétaire actuel du bureau de
l'Institut. — Les lectures ont été faites dans l'ordre suivant : Discours du
président actuel des cinq Académies do l'Institut, proclamation du grand
prix biennal. — Rapport sur le concours de 1875 pour le prix fondé par M. de
Volney, et proclamation du prix; — Les Inscriptions graffUes du corps de garde
de la septième cohorte des vigiles (Rome), par M. Desjardins, de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres ; — La Maison, par M. Xavier Marmicr, de l'Aca-
démie française ; — Un empereur allemand et un pape au moyen âge, Henri IV
et Grégoire VII, par M. Zeller, de l'Académie des sciences morales et politi-
ques ; — Mission de Vile Saint-Paul pour Vobservatioti du passage de Véntis, par
M. Mouchez, de l'Académie des sciences.
Le prix biennal de vingt mille francs, attribué à l'œuvre ou à la décou*
verte la plus propre à honorer ou à servir le pays, a été décerné à M. Paul
Bert, professeur à la Sorbonne, pour son travail sur l'iniluence de la pression
barométrique sur les phénomènes de la vie.
— 461 —
Le prix Volney, de 1,500 francs, pour le meilleur ouvrage de pliilologie
comparée, a été décerné à M. E. Aymonier, lieutenant d'infanterie de marine,
pour son Dictionnaire françcUs-combodgien. Un prix de 500 francs a été donné, à
titre d'encouragement, & M. Aristide Marre, pour son Étude compai*ée des
langiies javanaise^ malgache et malaise.
Académie française. — L'Académie française a renouvelé son bureau,
pour le 4« trimestre de 1875. Elle a nommé directeur M. le duc de Noailles,
et chancelier, M. de Sacy.
— L'Académie, ayant accepté le legs qui lui a été fait par M. Archon-
Despeyrouse, a décidé qu'un prix de 4,000 francs serait fondé au nom du
testateur et décerné au meilleur ouvrage de philologie parmi ceux qui lui
auront été adressés dans le cours d'une année. M. le secrétaire perpétuel a
démontré, dans un remarquable discours, l'utilité de cette fondation.
Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans sa séance du 22 octobre,
l'Académie des inscriptions a adopté, pour le prix Bordin,* le siyet suivant :
Étude sur les grandes chroniques de Saint-Denis ; et, pour le prix du budget,
VHistoire de la civilisation sous les Kalifcs.
La séance publique annuelle de l'Académie a eu lieu, le 4 novembre,
à deux heures, sous la présidence de M. Alfred Maury. Après un discours
du président, annonçant les prix décernés en 1875 et les sujets de prix
proposés, M. Wallon, secrétaire perpétuel, a donné lecture d'une notice
historique sur la vie et les travaux de M. Stanislas Julien, membre de
l'Académie. — Puis M. Léon Renie r a lu un travail ayant pour objet l'Ex-
plication des deux inscriptions antiques relatives aux historiens Velleius Pater-
culus et Arrien.
Nous avons déjà donné l'indication de la plupart des prix décernés par
l'Académie. Le premier prix de la fondation du baronGoberta été décerné à
M. Lecoy de la Marche, pour ses ouvrages intitulés : i^le Roi René, sa vie, son
administration, ses travaux artistiques et littéraires, d'après les documents inédits
des archives de France et d^Italie ; 2^ Extraits des comptes et mémoriaux du roi
René, pour servir à Vhistoire des arts au JV* siècle, publiés d'après les origi-
naux des Archives nationales. — Le second prix a été décerné à M. Gh. Pail-
lard, pour ses ouvrages ayant pour titre : 1® Histoire des troubles religieux
de Valenciennes; 2* Considérations sur les causes générales des troubles des Pays-
Bas au XV* siècle.
Le prix Bordin a été décerné à M. Emile Chatelin.
Le prix Stanislas Julien a été décerné à M. James Legge, pour son
Recueil des classiques chinois, avec traduction et commentaires en anglais.
Académie des beaux- arts. — La séance publique annuelle de l'Académie
des beaux-arts a eu lieu le 30 octobre, sous la présidence de M. Lcfuel. — La
séance a commencé par l'exécution d'une ouverture composée par M. Ser-
pette, pensionnaire de l'Académie de France & Rome, élève de M. Ambroise
Thomas. Le président a pris ensuite la parole et a prononcé une courte allocu-
tion. S'adressant aux lauréats du prix de Rome, il ne leur a pas caché les
rudes épreuves qui les attendent dans leur carrière artistique ; mais il leur
a montré le bel avenir que le travail patient et opiniâtre pouvait leur assurer.
Il a fait valoir à leurs yeux la grandeur de la mission de l'artiste et le rôle
patriotique qu'il pouvait jouer. Ensuite a eu lieu la distribution des grands
prix de peinture, de sculpture, d'architecture, de gravure en médailles et
de composition musicale. Après la distribution, M. le vicomte Henri De-
laborde, secrétaire perpétuel de l'Académie, a donné lecture de l'éloge
d'Auber. La séance s'est terminée par l'exécution de la scène lyrique,
— 46SI -
Clyiemneslref par M. Roger Ballu, qui a remporté le premier grand prix de
composition musicale, et dont Tanteor est M. Wormser, élève de M. Bazin.
Voici la liste des grands prix décernés par l'Académie des Beaux-Arts :
Peinture : Le sujet du concours donné par l'Académie était VArmonciatûm
aux bergers. Le premier grand prix a été remporté par M. Gomerre (Léon-
François), élèye de M. Gahanel. — Le premier second grand prix a été rem-
porté par M. Bastien-Lepage (Jules), élève de M. Cabanel. — Le deuxième
second grand prli a été remporté par M. Bellanger (Camille-Félix), élève de
M. Cabanel.
Sculpture : Le sujet du concours donné par l'Académie était : Homère,
OGcompagné de eon jeune guide^ chante ses poésies dans une %>iile de la Grèce. Le
premier grand prix a été remporté par M. Hugues (Dominique-Jean-Baptiste),
élève de MM. Dumont et Bonnassieux. — Le premier second grand prix a été
remporté par M. Perrin (Mamert-Jacques), élève de M. Dumont. Le deuxième
second grand prix a été remporté par M. Fagel (Léon), élève de M. Cave-
lier.
Architecture : Le progranmie donné par l'Académie était : Un palais de
justice peur Paris, Le premier grand prix a été remporté par M. Paulin
(Edmond-Jean-Baptiste), élève de MM. Paccard, Vandoyer et Ginain. — Le
premier second grand prix a été remporté par M. Bréasson (Jean), élève de
MM. Questel et Pascal. — Le deuxième second grand prix a été remporté par
M. Blondel (Paul), élève de M. Daumet.
Gravure en médailles et en pierres fines : Le programme donné par l'Aca-
démie était: Un berger cherchant à lire l'inscription gravée nurun des rochers du
défilé des Thermopyles. L'Académie avait décidé que ce sujet serait reproduit
en creux sur l'acier. La tète copiée sur pierre fine était celle d'une Minerve
d*Atbènes faisant partie de la collection dite collection Ingres, conservée à
l'École des beaux-arts. Le grand prix a été rempoité par M. Roty (Louis-
Oscar), élève de MM. Dumont etPonscarme. — Le second grand prix a été
remporté par M. Patey (Henri-Auguste- Joies), élève de MM. Chaplin, Jouffroy
et Chapu.
Composition musciaîe : Le si^et du concours était une cantate à trois per-
sonnages, intitulée Clytemnestre. Le grand prix a été remporté par M. Worm-
ser (André-Alphonse-Toussaint), élève de M. François Bazin. ^ Une mention
honorable a été accordée À M. Dutacq (Amédée-Jean), élève de M. Reber.
Bibliothèque NATIONALE. — Par décret du !•' novembre, M. Wescher a
été nommé conservateur sous-directeur adjoint au département des manus-
crits de la Bibliothèque nationale.
Par un arrêté du 4 novembre, M. Zotenberg a été nommé bibliothé-
caire au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale.
-— Ecole d'Athènes. — M. Albert Dumont, docteur es lettres, sous-directeur
de l'École française d'Athènes, a été nommé directeur en remplacement de
M. Emile Burnouf, nommé professeur de littérature ancienne à la faculté des
lettres de Bordeaux.
— Académie de la religion catholique. — L'association littéraire, scienti-
fique et religieuse, qui se réunit dans le palais archiépiscopal de Westminster
sous le nom d'« Académie de la religion catholique, » vient de reprendre
ses séances. La session de .1875-76 a été inaugurée mardi par la lecture
d'un remarquable travail de S. Ém. le cardinal-archevêque intitulé Inno-
cent III et la Grande-Charte. Mgr Manning, après avoir prouvé que toutes
les libertés garanties par la Grande-Charte se trouvent en germe dans la
charte octroyée par Henri ï*', défend le Pape Innocent III de l'accusation
— 463 —
d'avoir condamné la Grande -Charte. Le Pontife a déclaré lui-même explici-
tement que ce qui avait motivé sa condamnation, c'était l'acte de rébellion
des barons anglais révoltés contre leur suzerain, vassal du Saint-Siège. Mais
Innocent n'a pas prononcé un seul mot sur le contenu de la Grande-Charte,
dont les libertés, au contraire, ont été confirmées par le légat du Pape, une
année après la promulgation.
Congrès. — La séance solennelle d'ouverture de la session provinciale du
Congrès des orientalistes a eu lieu le 18 octobre, à Saint-Étienne, sous la
présidence de M. de Ravisi, directeur de l'Athénée oriental. Le Congrès a
duré jusqu'au 2S.
— Une réunion de savants météorologistes des divers départements de
l'Ouest aura lieu à Poitiers, les 19, 21 et 22 novembre prochain. Tous
les départements situés entre les montagnes du Centre, la Dordogne,
l'Océan et la Loire, y seront représentés, ainsi que le conseil de l'Obser-
vatoire de Paris. On cite, parmi les météorologistes qui seront présents :
M. Belgrand, inspecteur général des ponts et chaussées; M. Renou, Tha-
bile directeur de l'observatoire du parc de Saint-Maur; M. de Touchem-
bert, président de la Conmiission météorologique de la Vienne; M. de la
Goumerie, pour le département de la Loire-Inférieure; M. de Tastes, pour
le département d'Indre-et-Loire ; MM. Lespiault et Raulin, pour la Gironde;
M. Le Verrier, pour l'Observatoire de Paris, etc. '
Concours et prix. — Voici le résultat du concours général des facultés
de droit de toute la France : 1*' prix : M. Serre, élève de la faculté de
Paris, âgé de vingt ans; 2* prix : M. Châtel, élève de la faculté de Caen,
âgé de vingt ans ; Mentions honorables : MM. Jacquet, élève de Dijon ; de
Royer, élève de Paris; Bomenne, élève de Poitiers ; Gaucher, élève de
Bordeaux ; Gavet, élève de Poitiers.
— Voici les quatre sujets mis au concours de 1876, par la Société française de
tempérance, A^odaiiim contre l'abus des boissons alcooliques: 1* Montrer
quels sont les rapports entre l'accroissement du nombre des cabarets et les
changements survenus dans la nativité, la mortalité, la durée de la vie
moyenne, la criminalité^ la fréquence des maladies mentales, les suicides,
le nombre des exemptions du service militaire pour faiblesse de constitu-
tion ou infirmités ; 2^ Étude comparée des législations relatives aux débits
de boissons dans les divers Etats de l'Europe; modifications dont la
législation française serait susceptible ; 3® Étudier les associations de con-
sommation en France, les causes qui en ont restreint l'extension et leurs
avantages au point de vue de la tempérance; 4" Déterminer les effets
comparatifs des eaux-de-vie et des liqueurs dites : similaires de l'absinthe.
Chaque prix est de 1,000 francs. Les mémoires doivent être adressés au
siège de la Société, rue de l'Université, 6.
— Prix Saint-Seine. — Par son testament du 3 octobre 1865, M. le marquis
de SaintrSeine, désireux d'encourager les recherches historiques sur la Bour-
gogne, a fondé un prix d'environ mille francs destiné à récompenser, tous
les cinq ans, le meilleur travail qui aura paru sur cette province; et, vou-
lant donner une nouvelle preuve d'intérêt à la Commission des antiquités
dont il a été longtemps un membre assidu, il l'a chargée de juger du
mérite des concurrents. Un prix de mille francs sera décerné à la fin de la
présente année à l'auteur du meilleur travail sur l'histoire de la Bourgogne,
qui aura été publié pendant les années 1868, 1869, 1870, 1871 et 1872.
Tontes les branches des sciences historiques (topographie, archéologie, bio-
graphie, histoire générale on partiealierei histoire religieuse ou politique^
- 464 —
littéraire ou économique) peuvent ôtre traitées dans les travaux présentés,
pourvu que la Bourgogne en soit l'objet.
Lectures faites a l'Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans la
séance du 1 «^ octobre, M. Tburot a continué la lecture de 'son introduction
au Recueil des historiens occidentaux des croisades; M. Adrien de Longpérier a
fait une communication au sujet de la récente découverte, faite par
M. Ch. Rœssler, du sarcophage de Guillaume de Ros, abbé de Fécamp;
M. Ernest Desjardins a continué la lecture du mémoire de M. Ch. Tissot
sur la géographie comparée de la Mauritanie tingitane; M. Germain, doyen
de la faculté des lettres de Montpellier, a continué la lecture de son mé-
moire sur le procureur des étudiants do l'ancienne université de méde-
cine de Montpellier. — Dans les séances du 8 et du 22, M. Edmond
le Blant a communiqué un mémoire sur Polyeucte et le zèle téméraire.
Dans la séance du 8, M. Th. H. Martin a lu un mémoire sur les hypothèses
astronomiques d'Heraclite d'Éphèse, lecture qu'il a continuée dans la séance
du 16; M. Michel Bréal a communiqué quelques articles du DicHonnaire
d'étymologie latine qu'il prépare, avec ses élèves de l'École pratique des
hautes études. — Dans la séance du 15, M. Ernest Desjardins a fait une
communication au sujet du nouveau fascicule du Corpus inscriptionum laUna-
rum de l'académie de Berlin. M. Benloew, doyen de la faculté des lettres de
Dijon, a cx)mmuniqué des remarques sur l'ctymologie des éléments étrangers
qui se trouvent dans le vocabulaire grec. — Dans la séance du 22, M. le
Marquis d'Hervey de Saint-Denis a lu un mémoire relatif à l'identification
avec les continents américains du pays de Fou-Sang, mentionné par divers
auteurs chinois très-anciens. — Dans la séance du 29, M. le baron de Witte
a lu une notice sur le dieu tricéphale des monuments gaulois retrouvés ré-
cemment.
Lectores faites a l'Académie des sciences morales rt politiques. — Dans la
séance du 2 octobre, M. Edouard Sayous a lu un mémoire sur les relations
de la France avec les princes de la Transylvanie pendant la guerre de
Trente ans ; M. Ad. Franck a lu une notice sur la philosophie de M. Ch. de
Rémusat. M. Ch. Giraud a lu, dans les séances des 2, 9 et du 16, une notice
de M. Louis Reybaud sur M. Jules Roget. — Dans la séance du 9, M. Jules
Aloùx, professeur de philosophie à l'académie de Neuchatel, a continué la lec-
ture de son mémoire sur la métaphysique. — Dans la séance du 19, M. Ro-
dolphe Dareste, avocat au Conseil d'État, a lu un mémoire sur la correspon-
dance inédite de François Hotman. — Dans la séance du 23, M. 0. Gréard
a lu des fragments d'un mémoire sur l'enseignement primaire à Paris et
M. Ch. Waddington a lu l'introduction d'un mémoire sur Pyrrhon et le
pyrrhonnisme.
Les Élèves dfs Frères. — Cinq cents élèves ont concouru récemment à
Paris, pour les bourses d'externes aux écoles municipales supérieures :
deux cent trente trois des écoles laïques et deux cent soixante douze des
écoles des Frères. Après les premières épreuves, on a éliminé deux cent
quatre-vingt douze candidats, dont cent soixante-quatorze des écoles
laïques et cent dix-huit des écoles congréganistes. Sur les deux cent
treize admis, cent cinquante-quatre sont des élèves des Frères et cinquante-
neuf seulement des élèves laïques. Cent quatre-vingt cinq bourses ont été obte-
nues ; les congréganistes en ont eu cent trente-sept et les laïques quarante-
huit. Les quatre premiers admis sont des élèves des Frères; dans les
vingt premiers, il n'y a qu'un seul laïque. Des cinquante-cinq premiers,
quarante-six sont des élèves des Frères. Ajoutons à tout cela qu'à Paris
- 465 —
les Frères n*ont que cinquante-neuf écoles coûtant à la ville 700,000 francs,
tandis que les laïques, qui en ont soixante-dix-huit, coûtent 1,300,000 francs.
— Ces chififres sont éloquents. {Vnivers,)
Catalogue des monnaies orientales du British Muséum. — M. Stanley Lane
Poole vient de publier le premier volume du Catalogue des monnaies orien-
tales du British Muséum, M. de Longpérier, en offrant ce volume à l'Aca-
démie des inscriptions, au nom de Tauteur, en a fait un grand éloge; il
contient les monnaies des kalifes d'Orient, et est publié isous la direction
du savant M. Reginald Poole, conservateur en chef de l'établissement scien-
tifique où ces monuments sont réunis. La collection de Londres comprend
690 monnaies frappées entre les années 77 et 644 de l'hégire (696 à 1246 de
notre ère). On y trouve les noms de quatre-vingt-quatre ateliers monétaires.
Des index de noms propres, la mention des pesées, une table des points
et marques d'émissions ; de bonnes planches autotypes rendent le volume
fort utile et très-facile à consulter. M. Poole, réservant pour un autre volume
la description des monnaies primitives de l'islamisme, portant des figures
et des types variés, n'a commencé son catalogue qu'à la réforme d'Abd-el-
Malek ben Merouan.
Les UNivEr^iTÉs catholiques. — Sur plusieurs points de la France les
catholiques se disposent à user largement de la liberté de l'enseignement
supérieur. Nos lecteurs seront bien aise de trouver ici un bref aperçu de ce
qui se prépare, ou de ce qui est déjà réalisé, à cet égard.
Paris. — VUniversité catliolique de Paris est, on peut le dire, déjà fondée :
trois facultés, celles de droit, des lettres et des sciences, ouvriront prochai-
nement leurs cours. Les déclarations légales ont été faites dans les premiers
jours de novembre, les cours de droit conmienceront le mardi 16 novembre
prochain. Le registre des inicriptions est ouvert au secrétariat de l'univer-
sité, rue d'Assas, 19, depuis le 2 novembre, et ne sera clos que le 20 du
même mois.
La composition du corps professoral de la faculté de droit est dès à pré-
sent arrêtée. Voici les noms de quelques-uns des professeurs : MM. Connelly,
conseiller de la Cour de cassation ; Hallays-Dabot, ^cien avoué au Conseil
d'État et à la Cour de cassation ; Alix, avocat à la Cour d'appel de Paris ; De-
lamarre^ avocat à la Cour d'appel de Paris ; Romain de Sèze, avocat à la
Cour d'appel de Bordeaux; Chobert, agrégé démissionnaire de la faculté de
droit de Nancy ; Jamet, avocat à la Cour d'appel de Gaen.
Lille. — En attendant que VUniversité ccUholique de Lille soit régulière-
ment constituée, un Institut catJiolique a été fondé, et son personnel est presque
entièrement formé. M. le chanoine Hautcœur, directeur de la Revue det
Sciencfs ecclésiastiques ^ prêtre du diocèse d'Arras, remplira les fonctions de
recteur. — M. de Yareilles a été nommé doyen de la faculté de droit — Les
inscriptions sont prises à partir du 1*' novembre, en l'hôtel de l'université,
rue Royale, 70.
Lyon. — Une faculté de droit va s'ouvrir très-prochainement. En tête de
son programme, nous lisons la déclaration suivante :
u La faculté catholique de droit est fondée, sous la direction de l'autorité
ecclésiastique, pour procurer aux jeunes gens qui se destinent aux études ju-
ridiques le bienfait d'un enseignement entièrement chrétien. La soumission
au Saint-Siège et aux évêques, coomie à tous les enseignements de l'Église
catholique, apostolique et romaine, est sa loi fondamentale. Aucun profes-
seur n'est admis dans son sein s'il n'a d'avance adhéré à ce principe. Pour
l'étudiant, le seul fait de la signature de ses inscriptions équivaut, s'il est
catholique, à la déclaration qu'il se soumet à l'enseignement de l'Eglise, et.
Novembres 1875. T. XIV, 30.
— 466 —
s*il est protestant oa Israélite, qu'il respectera ce même enseignement. Tons
s'engagent à observer les règlements de TÉcole. »
Le nombre des chaires est provisoirement fixé À neuf, voici leur liste et
les noms des professeurs :
dernière année, — Droit romain. Professeur, M. A. Roux, avocat à la
Cour d'appel d'Aix, docteur en droit, lauréat de la faculté d'Aix. — Code dvU.
Professeur, M. A. Glairal, avocat à la Couv d'appel de Lyon, docteur en
droit, lauréat de la faculté de Paris.
Deuxième année. — Droit romain. Professeur, M. A. Flachat, docteur
en droit. — Code civU. Professeur, M. G. Jacquier, avocat à la Cour d'appel
de Lyon, docteur en droit, lauréat de la faculté de Paris. — Pt-océdiare civile.
Professeur, M. R. Mouterde, avocat à la Cour d'appel de Lyon, docteur en
droit, lauréat de la faculté de Grenoble. — Droit criminel. Code pénal. Pro«
fesseur, M. C. de la Judie, docteur en droit, ancien juge d'instruction.
Troisième année. — Code cxoil. Professeur, M. A. d'Hauthuille, avocat à
la Cour d'appel d'Aix, docteur en droit, lauréat de la faculté- d'Aix. — Droit
administratif. Professeur^ M. de Saint-Giron, docteur en droit, lauréat de
la faculté de Toulouse. — Code de commercef en entier. Professeur, M. 0. Bou-
caud, avocat à la Cour d'appel de Lyon, docteur en droit, lauréat de la
faculté de Grenoble.
Angers. — Une faculté de droit va s'ouvrir dans cette ville, le lundi 16 no-
vembre, pour conmiencer. Le recteur de la future université sera M. le cha*
noine théologal Sauvé, théologien très-éminént, que Pie IX vient de nommer
prélat de sa maison. Le programme des cours est arrêté déjà et vient d'être
afQché. En voici la liste : Cours de droit naturel (ce cours n'existe pas dans les
facultés de l'Etat) : il sera donné par M. le chanoine Sauvé ; cours de droit
civil ; cours de droit romain ; cours de droit criminel ; cours de procédure
civile ; cours de droit commercial ; cours de droit administratif; cours de droit
canonique ; cours de droit des gens ; cours d'histoire du droit ; cours de droit
coutumier. Les professeurs sont : MM. Gavouyère, doyen de la faculté de
droit; Henry de la Bigne-Villeneuve ; Aubry; Hervé-Bazin; du Rieu de
Perrin ; Marsaguet ; Buston ; de Richecour.
TouLoasE. — Les évoques sufiQragants de l'archevêque de Toulouse ont ré-
pondu à son appel et ont cçaranti pour la fondation de l'Université libre une
somme considérable. Cette université sera établie à l'hôtel Saint-Jean, vaste
et magnifique bâtiment habité autrefois par les chevaliers hospitaliers de
Saint Jean de Jérusalem. Elle comprendra les facultés de droit et de méde-
cine. Les élèves y seront internés. Il sera créé un hospice pour les études
cliniques de son enseignement médical.
Poitiers. — Une faculté de théologie est canoniquement instituée à Poitiers,
en vertu d'un bref pontifical de fondation. Elle comprend l'enseignement
supérieur du dogme (deux chaires), de la morale (une chaire), d'écriture
sainte (une chaire), de droit canonique (une chaire), d'histoire ecclésiastique
(une chaire), et enfin de philosophie (deux chaires). L'enseignement est
donné en latin, par des professeurs de grand mérite, dont plusieurs ont
enseigné dans d'autres universités, spécialement au collège romain. Déjà
les cours sont commencés, dans les bâtiments du grand séminaire, et les
élèves sont nombreux ; plusieurs ont été envoyés par des évêques étran-
gers à la province ecclésiastique.
Les ex-libris. — Nous avons sous les yeux un volume (Les Ex-Hbris fran-
çais depuis leur origine jusqu'à nos jours : Nouvelle édition, revue, très-aug-
mentée et ornée de 24 planches ; Paris, P. Rouquette, 1873, gr. in-8, viu*
79 pages, tiré à 350 exemplaires, dont i2 sur papier de Chine) qui aborde
— 467 —
une parcelle, jnsqn*ici inexplorée, dn vaste champ de la science des lirres ;
ce genre de cx)llection, aigourd'hui k la mode, est l'objet d'ardentes recher-
ches. Des cabinets se sont formés en ce genre, le premier en date, le plus
riche de tous, est celui de M. Ernest de Hozière. Empruntons à l'auteur du
Tolume dont il s'agit quelques détails de nature à intéresser les biblio-
philes.
Pas un des dictionnaires de la langue française (pas même celui de
M. Littré) n'a admis le terme ex-libriSf composé de deux mots latins, mais
l'usage l'a conservé en l'appliquant aux motifs d'art, blasons, monogrammes,
allégories, emblèmes, etc.^ gravés en relief ou en creux, et fixés sur les
gardes ou sur le titre d'un livre en signe de possession. On connaît un grand
nombre de livres allemands et une certaine quantité d^ex^libris italiens dn
seizième siècle ; il ne s'en rencontre pas de français. C'est de l'Allemagne
que Vex-HMs est venu dans notre pays, en traversant les provinces de l'est ;
la plus ancienne marque intérieure connue en France est celle d'un biblio-
phile d'Autun {Carolus Albosius), avec la date de 1574 et accompagnée, selon
l'usage du temps, d'une devise : Ex labore quies.
De 1600 à 1650, les ex-libris français sont bien rares; on n'en connaît
guère qu'une trentaine, mais des noms distingués figurent sur cette liste ;
le duc d'Epernon, les frères Sainte-Marthe, François Malherbe.
De 1650 à 1700, on rencontre André Félibien, historiographe du roy,
l'archevêque de Rouen, Ch. M. Le Tellier, etc. Pendant ce demi-siècle,
l'usage de la marque gravée, collée sur la garde du livre, ne se généralise
pas ; beaucoup de savants y résistaient et conservaient leurs préférences
pour la marque de possession, frappée sur plats extérieurs et en quelque
sorte nationale. Tels furent, entre autres, deux des plus grands bibliophiles
du siècle, Ménage et Huet, l'évéque d'Avranches. On sait que ce dernier
légua ses livres aux jésuites de la maison professe de Paris, legs de grande
valeur; indépendamment des manuscrits, 8,312 volumes et un grand
nombre d'auteurs annotés par leur savant propriétaire.
Au dix-huitième siècle, les bibliophiles mettent dans leurs ex-lihrii une
profusion insensée d'armoiries, d'allégories, d'emblômes, et même de rébus.
Un chirurgien, le sieur Arrachart, se blasonne de sinople, au chevron d'ar-
gent, escaladé de deux rats de sable avec le char de même, traîné par un
cheval marin. Le sieur Odile met sur la garde de ses volumes un crocodile
avec cette devise : Terra meUundus et undis. Quelques possesseurs de châteaux
font graver les vues de leurs demeures ; des marins veulent qu'on retrace,
sur les socles où reposent leurs armes, des actions navales où ils se sont
distingués. Les divers styles d'ornementation du dix-huitième siècle sont
d'ailleurs complètement représentés, dans le petit art de Vex4ihriSy par de
charmants spécimens ; les meilleurs, les plus renommés artistes du temps se
mirent de la partie, et, comme gens pour qui leur métier n'avait rien d'in-
digne et qui ne pût être relevé par la grâce et l'habileté, Cochin, Gravelot,
Marinier, Moreau le jeune ont tracé des ex-libris d'une fantaisie et d'un
agrément exquis. Boucher lui-même a condescendu à la marque de biblio-
thèque, mais un seul des trois ex-libris connus qu'il ait dessinés est signé
de son nom.
Le temps n*est pas, pendant la première république, aux marques de
propriété des livres; quelques ex-lihris de l'époque offrent le niveau égali-
taire ; deux conventionnels, restés fort obscurs, adoptent le bonnet de la
liberté . Le blason qui faisait le mort pendant la tourmente révolutionnaire,
renaît avec le premier Empire ; il reparut sur les livres des sénateurs et des
grands dignitaires de l'époque. Pendant la Restauration, pendant le règne
— 468 —
de Louis Philippe, rien, si ce n*est des marque^ héraldiques sans caractère
et sans style ; les artistes de l'école romantique n*ont rien laissé en ce genre ;
il faut probablement attribuer au spirituel caricaturiste Grandville, la
marque de la bibliothèque d'Alphonse Karr; la guêpe, bête symbolique de
l'humoristique écrivain, en train de couyrir d'écriture une longue paacarte.
Constatons, sous le second Empire, une petite renaissance artistique de
Vex-libris, due à celle de l'eau-forte ; des artistes connus ont pris le goût de
graver pour les livres de leurs amis, littérateurs, savants ou curieux, des
marques de possession concordantes avec leurs études, leurs goûts on
emblématiques de leurs œuvres. MM. Bida, Bracquemond, Bouvenne,
Flameng, d'autres encore, ont dessiné les €x4ibris de MM. Champfleury,
Asselineau, Victor Hugo, Théophile Gautier, etc. Nous sommes obligés de
passer rapidement sur ce qui concerne les devises adoptées par divers
bibliophiles; indiquons seulement celles du savant de Laulnaje : Rerum
cognoseere causas ; de l'abbé Morellet : Yeritas cmnia tinicU ; de noi^^e contem-
porain, M. Maurice Toumeux : In angulo cum libeiîo ; n'est-ce pas l'expression
du parfait bonheur de la vie studieuse et modeste?
Louis XY avait un ex-libris d'une simplicité fort peu royale, qui ne se
rencontre d'ailleurs que très-rarement, et le blason de France, d'azur à
trois fleurs de lys d'or, décorait les livres conservés à la Bastille.
Après avoir décrit quelques ex-lilms singuliers, ceux de Gueulette, de
Grimod de la Reynière, de François de Neufchâteau (ce dernier oSre seize
vers à la suite de l'énumération des titres de ce sénateur), l'auteur donne la
liste des petits-maitreSf des vignettîstes qui, au dix-huitième siècle, ont
gravé des ex-libriSy et il dresse une liste générale (elle comprend 328 noms)
des dessinateurs et graveurs signataires d*ex-libris français; la plupart,
d'ailleurs, ne sont que de bons ouvriers en gravure, dépourvus de toute célé-
brité.
En définitive, les ex-UbriSj recherchés surtout comme pièces bibliogra-
phiques et conune images de décoiation et d'ornement, offîrent fréquem-
ment un intérêt littéraire et biographique; ils méritent donc d'être l'objet
d'un travail spécial, tel que celui que nous signalons. L'auteur ne s'est pas
nommé, mais il n'est pas resté inconnu, et nous pouvons, sans indiscrétion»
indiquer M. Poulet-Malassis.
Les amateurs apprécieront l'album qui reproduit des ex-libris fort inté-
ressants ; celui de M. Victor Hugo, un éclair déchirant des ténèbres ; celui
de M. Manet, un cippe surmonté d'une tête barbue; au-dessus et au-
dessous deux mots latins : Manet et Manebit, Nous nous en tiendrons à ces
exemples. B.
A PROPOS d'un ouvrage sur la Chouannerie du Maine et des pats adjacents.
— Ce n'est pas sans une vraie surprise que j'ai lu dans un des derniers numéros
du Polybiblion (p. 132) la phrase suivante: « Qu'est-ce que la chouannerie,
où a-t-elle pris son origine ? A-t-elle pour père, comme le prétend Duchemin
Descepeaux, repété par tous les autres historiens, un a contrebandier gracié par
son roi, qui, pour son coup d'essai, surprend et tue dix-huit hommes sans
défense et en blesse un plus grand nombre? » La surprise que j'ai éprouvée
a dû être partagée par tous ceux qui s'intéressent aux publications sur la
Révolution, et, en particulier, par tous les lecteurs appartenant au Maine. Cette
phrase, en effet, aurait été vraie il y a huit ans; mais, depuis 1868, elle se
trouve contredite par des preuves péremptoires. En 1868, Dom Piolin pu-
blia le premier volume de son ouvrage intitulé : l'Eglise du Maine durant la
Révolution, et, à la page 374 et suivantes, il raconte les mêmes faits, publie les
mêmes documents, et présente les mêmes points de vue que le nouvel histo-
— 469 —
rien de la chouannerie. Il est trop tôt ou trop tard pour venir offirir comme
des découTertes des faits et des pièces publiés il y a huit ans. — G. de T.
Tables des Bollandistks. — La librairie Victor Palmé vient de mettre en
vente les Tables générales des Bollandistes ou dictionnaire des 60 volumes in-folio
des Aria sanctorum, contenant : 1^ Une Notice ou description détaillée de
chacun des volumes de notre édition avec indication de toutes les planches,
figures, etc.; 2^ Les Éphémérides des dix premiers mois de Tannée, c'est-à-
dire un aperçu succinct des travaux qui se rapportent à chaque jour de
Tannée. On voit ainsi, d'un seul coup d'oeil, l'importance hagiologique de
chacun des saints ou de chacun des groupes de martyrs : si Ton ne possède sur
eux qu'une simple notice; s'ils ont donné lieu à quelque commentaire
historique ou critique ; si enfin il existe des ActeSy Vies authentiques et
autres Pièces qui aient été jugés dignes d'être publiés ; 3* Un Index alphabé-
tique de tous les Saints et Bienheureux insérés dans les 60 volumes, avec
indication précise du volume et de la page où il commence à en être
question. 4* Un Catalogue, que Ton a tâché de rendre aussi complet que
possible, des Saints et des Bienheureux qui paraissent devoir trouver place,
soit dans la continuation, soit dans les divers suppléments de l'œuvre des
Bollandistes. 5* Un Syllabus assez étendu des noms et choses notables con-
tenus dans les préfaces, exégèses, traités préliminaires, etc.^ qui enrichissent
près de 40 volumes de la co^'eclion. Le volume, ]a page, parioismême la sec-
tion de la page sont indiqués. Toutes ces tables peuvent servir pour les édi-
tions d'Anvers et de Venise, aussi bien que pour la nouvelle édition, les plus
petites d'C'érences étant notées dans les manchettes marginales. Le volume
s'ouvre par 220 pages à'auctaria ou de Notes sur quelques-uns des volumes
du mois d'octobre. Ces auciariOj publiés par les nouveaux Bollandistes en
trois opuscules distincts, sont ici réunis et fondus d'après la méthode qui a
présidé au grand ouvrage des Acta, avec accompagnement des six tables
d'usage. Ce volume est du prix de 75 francs.
— M. V. Regnault, memb**e de l'Académie des sciences, a donné à la
direction des musées nationaux un nombre considérable d'études peintes ou
dessinées par son fils, Heuri Regnault, ce jeune et brillant artiste dont la
mort, au combat de Buzenval, a été l'un des douloureux épisodes du siège de
Paris.
— M. Ed. de La Barre Duparcq, dont les .travaux historiques, et notam-
ment ceux qui ont trait à notre histoire militaire, sont bien connus, vient
de publier une Histoire de Charles IX. Dans cet ouvrage, l'auteur a eu
parUculièrement en vue la Saint-Barthélémy. C'est à cet événement qu'il
rapporte tous les autres, en recherchant les causes qui l'ont amené, les cir-
constances qui Ton suivi.
— Un archéologue suédois, M. Caris Landberg, qui explore à présent les
contrées du Liban, vient de faire deux découvertes d'une certaine impor-
tance pour l'histoire fort peu connue de la civilisation phénicienne. Il a
trouvé l'ambre jaune & Tétat naturel, dans une ancienne mine à Djéba, à
quatre heures de chemin de Sidon. L'ambre se trouve dans une couche de
marne. Il est donc prouvé que les Phéniciens exportaient l'ambre et
n'allaient pas, comme on Ta cru, le chercher dans d'autres pays. M. Land-
berg a également trouvé, dans une caverne du Liban, de grandes masses
de scories de fer, ce qui indique que les Phéniciens ont travaillé le fer chez eux.
— Le syndicat des libraires classiques sollicite de M. Wallon une réforme
qui nous semble juste. Il demande : 1° Qu'an livre ne puisse être interdit
sans que l'auteur ou l'éditeur soit prévenu et entendu; 2® Qu'un ouvrage
trouvé répréhensible soit admis à correction ; Z^ Que, dans le cas où une
— 470 —
interdiction immédiate serait jugée nécessaire, Tinterdiction pût être levée
après correction.
— VIndépendance belge annonce que M. Picot, archiviste adjoint da
royaume, a fait jeudi dernier, à la classe des beaux-arts de TAcadémie, une
communication très-intéressante pour Thistoire du théâtre musical en Bel-
gique. Il a trouvé, dans le riche dépôt dont l'un des services lui est confié,
les lettres échangées entre Grétry et Vitzthumh, maître de chapelle duprince
Charles de Loi^aine, chef d*orchestre et directeur du théâtre de Bruxelles. Cette
correspondance, absolument inédite, révèle des particularités fort curieuses,
non-seulement pour la biographie anecdotique de Grétrj, mais encore rela-
tivement aux usages dramatiques et aux mœurs de la société bruxelloise à
la fin du dix-huitième siècle. Elle va être publiée prochainement.
— Depuis le l*' mai 1875, parait, à Poitiers, la, Bévue d'Aquitaine, scientifique
et littéraire, par livraisons de 3 feuilles in-8 fort bien imprimées, le 1"' et le
15 de chaque mois (prix : 25 fr.). Elle publie des travaux intéressants, relatifs
surtout à la région. Nommons quelques-uns des collaborateurs : MM. l'abbé
Auberty Louis Àudiat, de Croy, de Curzon, Délayant, René Rerviler, de
Lastie- Saint- Jal, de Longuemar, Ménard, de Saint-Genis, de Touchimberty
Richard, etc.. La Revue d* Aquitaine a publié, dans ses dernières livraisons :
Aliénor d^ Aquitaine ; Léon Ogier de Gombaud, poète et académicien ; Missions
apostoliques dans l'Aquitaine ; La bataille de Voulon, en 507 ; Controverses reli-
gieuses des seizième et dix-septième siècles; Souvenirs du congrès catholique de
Poitiers ; Boucher et son époque ; M. VUlemain ; Le cardinal de Richelieu et
M. de Saint-Preuil ; Les souterratna-refuges ; Le salon de 4875; Le drapeau en
France ; La Roche-Posay ; Les dolmens d'Andillé, etc.
— On lity dans le Soumal officiel : « La librairie Dentu met en vente
aujourd'hui une œuvre historique de l'inférét le plus élevé : Le Ministère de
M, de Martignac, par M. Ernest Daudet^ dont le Journal officiel a récemment
publié divers fragments. — « L'heure Je la justice a sonné pour la Restau-
ration, dit l'auteur dans la préface de cet ouvrage ; c'est l'honneur du genre
humain que cette heure vienne toujours pour la mémoire des victimes
comme pour celle des coupables. » — Nous pourrions ajouter que c'est aussi
l'honneur des écrivains politiques de hâter par leurs œuvres la venue de
cette heure de justice. C'est à cette tâche que M. Ernest Daudet s'tfst em-
ployé. Son livre, où abondent les documents inédits, n'est point d'ailleurs
une œuvre de parti, car, s'il est des hommes desquels on peut dire qu'ils
n'appartiennent à aucun parti, mais qui appartiennent à la France, M. de
Martignac est assurément un de ces hommes-là. »
Voici le titre complet de l'ouvrage, dont les fragments insérés au Journal
officiel par le directeur de ce journal, ont paru sous le pseudonyme de Louis
Retnaud : Le Ministère de M. de Martignac, sa vie politique et les dernières
années de la Restauration, d*après des publications* récentes et des documents
inédits (i vol. in-8).
— La librairie Auguste Fontaine, qui a publié la Bibliographie moUéresque,
dont nous avons parlé, annonce, pour le 10 novembre, l'apparition de la
Bibliographie cornélienne ou description raisonnée de toutes les éditions des
CEuvres de Pierre Corneille, des imitatùms ou traductions qui en ont été faites,
et des ouvrages relatifs à Corneille et à ses écrits, par M. Emile Picot; avec un
portrait de Corneille (de l'édition de 1644), gravé par Michel Lasne, reproduit
à l'héliogravure par M. Amand-Durand.
Paraîtront ensuite, la Bibliographie raeinienne, par M. Emile Picot, et
la Bibliographiela Pontaùdenne, par M. Paul Lacroix (bibliophile Jacob), conser*
vateur de la Bibliothèque de l'Arsenal.
— 471 —
— La librairie Firmin Oidot vient de mettre en vente un important
ouvrage intitulé : La guerre de Metz en 1324, poème du quatorzième siècle,
publié pour la première fois par M. E. de Bouteillier, ancien député de Metz,
suivi d'études critiques sur le texte par F. Bonnardot, ancien élève peuàion-
naire de TËcole des chartes, et précédé d'une préface par Léon Gautier.
— La même librairie publie un Dictionnaire des noms, surnoms et pseu-
donymes laHns de ^histoire littéraire du moyen âge (1100 & 1530) par M. Alfred
Franklin, bibliothécaire à la Bibliothèque Mazarine.
— La bibliothèque de Thotel Carnavalet a été ouverte le 30 octobre.
— Il est question d'établir, dans uoe dépeadance de l'Ëcole de droit, une
nouvelle bibliothèque qui comptera 100,000 volumes.
— M. l'abbé Uaynard, qui vient de publier la Vie de M. Crétineau-Joly, va
donaer prochainement, sous le titre de Rome et Vendée, et avec une introduc-
tion, un volume de morceaux inédits du célèbre écrivain.
PcBUCATioNs NOUVELLES. — Lcs Éléments raisonnes de la religim, par Tabbé
A. YdU Weddingen (in-8, Bruxelles, imp. G. Lebrocqny). — La Somme du caté-
chisme, par l'abbé Regnaud. T. 1«' et 11 (in-12, Palmé, 1876). — SaUmon et
VEcclésiaste, par l'abbé A. Notais (2 vol. gr. in-8, Benke et Tralin). — Du
demi^kristiamsme, par l'abbé Desgeorges (in-lî, Lyon, Josserand, 1876). ^
Le Protestantisme, courte réponse à M. de Laveleye, par J. Camauor (in-12,
Bruxelles, Closson). — L'Appel au droit, par M. Terrasson de Montleau (in-8,
Féchoz). — Nosjnaux^et leurs remèdes, par l'abbé Ed. de Cazalès (in-18, Dou-
niol, 1876). — Un mot sur la danse adressé aux pères et aux mères de fcmUles
et à leurs enfants, par l'abbé J. J. Uyssen (in-12« Bruxelles, Closson). — Étude
sur le caractère et les conditions constitutives du mariage, par Bedros Th. Cba-
chian (in-8, imp. Blot). — Avesta, livre sacré des sectateurs de Zoroastre, trad.
du texte par C. de Harlaz. T. !•' (Louvain, Ch. Peeters). — Le Matérialisme
politique en Angleterre, par Dupoîit White (in-8, imp. typ. de A. Pougin), —
La Presse sous le régime de Vêtait de siège, par E. Detourbet (Lu-8, A. Marescq).
— Traité sur les pompes funèbres, par B. Gaubert (2 vol. in-8, Marseille,
M. Lebon). — Les Écola de droit en Erancke-Comté et en Bourgogne, par Ville*
quez (in-8, Thorin). — Essai critique sur la philosophie de saint Anselme de
Cantorbéry, par l'abbé À. Van Weddingen (in-8, Bruxelles, imp. F. Bayez).
— Considérations sur renseignement obligatoire, par Mgr de Haerne (Louvain,
typ. Ch. Peeters). — La divine synthèse, ou f Exposé au double point de vue
apologétique et pratique de la religion révélée, par Mgr Guilbert, évéque de Gap
(3 vol. in-8, Pion) . — • Saint François d^ Assise. Providence du moyen âge par
l'amour, 1182-1226, par le bibliophile Granger de D... (in-8, en caractère
elzévirien, Plou). ~ Entretiens pratiques à Vusage des femmes du monde. Reli-
gion et monde, par la princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein, née Iwanowska
(in-18. Pion). —Le cardinal de Bérulle et le cardinal de Richelieu, par M. l'abbé
Houssaye, du clergé de Paris (in-8 car.. Pion). — Chansons nouvelles, par
Gustave Nadaud (in-18, Pion). — L'Afrique équatoriale. Okanda, Bangouens^
Osyéba, par M. le marquis de Compiègne (gr. in-8. Pion). — Précis de la
(guerre /Wnico-oi/emofide, par le colonel Fabre (gr. in-18 Pion). — L'unité
dynamique, par F. Mano (in-12, librairie des Mondes). ^L'Opposition sous les
Césars, par G. Boissier (in-8. Hachette). — HisMre politique et religieuse de
la France, par l'abbé P. Mury (nouv. édit. 4 vol. in-18, Bray et Retaux). —
Essai sur le rôle politique et social des ducs de Bourgogne dans les Pays-Bas, par
P. Fredericq (in-8, Gand, Ad. Hoste). — Notes de Topino-Lebrun, juré au tri-
bunal révolutionnaire, publiées par J. F. E. Chardoiller (in-8, J. Baudel). —
La Crise de cent ans. L'Exilé lorrain, par Charles Charaux (in-18, Albanel et
Boltenweck). — Les Souivenm catholiques de la Tour de Londres, par le T. R.
— 472 —
Rob. Gooke, trad. de H. Greand (ia-S, Douaiol). — Mission de Cayenne et de
la Guyane française (in-12, Douniol). — L'Ombre de la mort, par M™« Rattazzi
(in-12, Lib. des bibliophiles). — LArgénis de Bardai, par Alb. Dupont (in-8,
Thorin). — Dictionnaire historique de l'ancien langage français, par La Curne
de Sainte-Palaye, 12* fasc. (in-4^ H. Ghampion). — Pensées et sourires^ poésies
par L. Ghalmeton (iii-12, Thorin).
Publications annoncées. — La TS'odition catholique sur rinfaillibilUé ponh*-
ficale ou la définition de ce dogme devant VÉcriture, les Pérès et l'histoire, par
Mgr rarchevêque de Bourges, t. I*'. — Histoire de saint François de Panle,
fondateur des Minimes, par Mgr Dabert, évèque de Périgueux. — Étude swr
Jeanne d'Arc et les principaux systèmes qui contestent son inspiration surnaturelle
et son orthodoxie, par le comte de Bourbon-Ligaières. — Plaidoyers de Berryer,
2* série de^ œuvres (4 vol). Visenot.
QUESTIONS ET RÉPONSES.
QUESTION.
Peintre» du nom de De-
quoy. — Pourrait-on donner quel-
ques renseignements sur des pein-
tres nommés Dequot? — Au mu-
sée de Versailles, le portrait de la mar-
quise de LouYois (Anne de Souvré),
daté de 1695, est signé : Simon Deqvoy,
Nous connaissons aussi deux autres fort
bons portraits peints en Anjou, au
siècle dernier et signés : Dequoy Vesné,
peintre du Boy, 1735. — L'histoire
des peintres ne fait aucune mention de
cette dynastie d'artistes : du moins,
jusqu'à présent, nos recherches à ce
sujet ont été sans résultat.
A. B.
RÉPONSES.
Une histoire manuscrite
de la 4* croisade (XIV, 383). On ne
connaît François Rose que par les quel-
gues lignes que lui ont consacrées La
roix du Maine, le P. Daire [Histoire de
la ville d'Amiens, i, lî, p. 177, et His-
toire littéraire de la ville d'Amiens, p.
82 et 426.) François Rose, natif de
Paris et originnire d'Amiens, fut
successivement chanoine de l'Eglise
Saint-Nicolas, puis de la cathédrale,
oCQcial, grand vicaire de l'évéque
Geoffroi de la Marthonîe et enfin
doyen du chapitre, à partir du 1 5 jan-
vier 1S88. Nommé à l'évéché d'Or-
léans, il fut assassiné en se rendant
dans cette ville le 17 novembre 1597.
Une seule de ses œuvres a été impri-
mée : c'est une Ode sur la mort de
Jean Edouard Dumonin poète et philo-
sophe, insérée dans les Tombeaux de
Jean de Caurres, 1587, in-12. Quant à
son principal ouvrage, resté manus-
crit, Histoire de la conquête de Com-
tantinople par Baudouin IX, comte de
Plandre, en 1204, ou ignore ce qu'il
est devenu. ï, Corblst.
Salnt-il.ndré de» A.rts (XIV,
384). — On peut être persuadé, aue
Saint-André des Arcs est la véritable
orthographe, et qu'on n'écrivait pas au-
trement, il y a quelques années en-
core. 11 est facile de s'en assurer enon-
vrant n'importe quel ouvrage, quel
almanach antérieur à la Révolution.
Mais, certainement, les fabricants
d^arci n'ont rien à faire ici ; il s'agit
d'arceaux, d'arcs, étymologie bien
naturelle pour le nom d'une église.
Il faut donc lire Saint-André des Atcs^
ou des Arcis, Dans mon enfance, une
partie de la rue Saint-Martin, qui
avoisine la Seine, s'appelait rue des
Arçis, à cause des arcs ou arceaux
qui s'y voyaient autrefois.
£. C.
Le Gérant^ L. Sandrst.
SAINT-QDfiNTIK. — IMP. JULBS MOORBAU.
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REVUE . BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
RÉCENTES PUBLICATIONS ILLUSTRÉES
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nal de la jeuneste. Nouveau journal hebdomadaire illustré. Année 1875. Paris^
Hachette, 2 vol. in-4 de 418 et 418 p. à 2 col. Prix : 20 fr. — Les Animaux de la
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du capitaine Magon, ou une exploration phénicienne mille ans avant tère chrétienne,
par LéON Cahun. Ouvrage illustré de 72 grav. dessinées sur bois par P. Philippe-
teaux et accompagné d*une carte tirée en couleor. Paris, Hachette, 1875. Gr.
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siècle^ par Arthur Manoin, illustrations par Durand-Brager. Deuxième édition, 1875.
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bois, par A. Marie. — Fausse route. Souvenirs d'un poltron; La première faute; Aveuse
d'un égoUte, par F. Girardin.VoI. de 294 p., illustré de 60 gravures par MM. Gas-
telli, Marie et Sahib. — La Toute Petite ^ptir J. G(RARDIN. Vol. de 294 p., illustré de
128 gravures, dessinées par E. Bavard. — Tom Brown, scènes de la vie de collège en
Angleterre, ouvrage imite de l'anglais avec l'autorisation de l'auteur, par J. Levoisin.
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— 474 —
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chef de famille, par M"*Z6naIdb Plbcriot. Vol. de ^ p., avec 74 vign. — La DetU
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-^ Nos pcMê^tempa^
M. Marne a augmenté, cette année, samagniflque collection des chefs
d'oeuvre de notre littérature d'un splendide volume contenant A vidroma-
que^ le$ PlaideurBy Britannictu^ Bérénice et Bajazet. Nous espérons bien
que les autres tragédies de Racine viendront plus tard. Ce beau volume
est orné d'un portrait et de vingt-trois sujets gravés & Teau-forte par
V. Foulquier. Jusqu'ici, on avait cru faire très-bien les choses endeman-
dant Hn motif de gravure à une pièce; ici, c'est la situation principale
de chaque acte qui a donné lieu à une composition exécutée avec le
plus grand soin, où les détails de costumes, d'architecture ont été étu-
diés en archéologue, où les physionomies, les gestes des personnages
s'accordent parfaitement avec les intentions du poëte. Ce volume,
digne de Racine et de M. Alfred Marne, commence par une notice de
M. Poigoulat, notice courte^ précise, écrite avec une élégante simpli-
cité, et faisant, en peu de pages, admirer le poëte et oonnaitre l'homme.
<-« Nous m'avons rien à dire ici de VInsecte de M. Michelet, Tou-
vrage étant suffisamment connu de nos lecteurs. La nouvelle édition
que vient de publier la maison Hachette, est un chef-d'œuvre de luxe
typographique, et se recommande à l'attention par les charmantes
Illustrations de Giacomelli qui raccompagnent. Plusieurs de ces des-
sins sont de véritables petits chefs-d'œuvre ; tous se distinguent par
le charme et la fraîcheur de la composition, la finesse des détails, la
vérité des reproductions. Il n'est pas jusqu'aux vignettes^ qui ornent
un grand nombre de pages, qui n'attestent la môme exécution soignée
et le même fini. C'est un vrai livre d'amateur et d*artiste.
— La troisième année du Journal de la jeunesse ne le cède en rien
aux deux précédentes. C'est toujours la même richesse d'illustrations,
la même variété de rédaction, le même charme dans le choix des
si\iet8« Voici des romans, comme les Deux Mères^ par M** Colomb; le
Jeune Chef de famille, par M"« Zénaïde Fleuriot; Tom Broum^ imité de
l'anglais par M. J. Le voisin; la Toute petite, par M. J. Qirardin; des
voyages, comme les Aventures du capitaine Magon^ par M. Léon Cahnn;
A travers la France, par divers anteurs ; des notes historiques, géogra*
— 475 —
phiqaes, scientifiques ; des légendes, dés caaseries, des biographies
de grands personnages, etc., etc. Nous constatons toujours avec regret
que la religion ne tient pas ici une assez grande place, et que Thistoire
est aussi trop au second plan. Ce sont là des améliorations que nous
espérons que les éditeurs Tondront réaliser dans les fSssoioules de 1876;
cela vaudra mieux, par exemploi que la Lettre de Jcnquet à ea couêine
sur le nonyel Opéra.
— M. Victor Rendu, inspecteur général de l'agriculture, déjà connu
par de nombreux et savants travaux d'agriculture et d'histoire natu-
relle, a fait, dans son livre intitulé les Animaux de la France^ une revue
générale des animaux de notre pays. Il n'y a pas compris naturellement
toutes les espèces de la France, oe qui aurait été un travail aussi diffl*
cile à réaliser que minutieux et fatigant à entreprendre ; mais, dans
un cadre restreint et sous la forme de simples croquis, M. Rendu a
fait figurer ceux des animaux de notre pays qui offrent le plus dln-
térét par leurs mœurs. Nous trouvons, de plus, dans ce travail, des dé-
tails précieux d'anatomie et de physiologie, des renseignements inté-
ressants sur l'instinct et Tintelligence des animaux. M. Victor Rendu
a pris pour guide la classification de Cuvier. Il parle donc d^abord des
mammifères et des oiseaux; puis des reptiles, des poissons^ des mollus-
ques, des articulés et des zoophytes. Son ouvrage est fait avec tout le
soin et tonte la clarté que demandent des travaux destinés à la jeu-
nesse, qui y peut apprendre, sans s*en douter pour ainsi dire, à con-
naître la nature et les êtres qui raniment. Les très-nombreuses gra-
vures qui l'accompagnent ajoutent encore à son prix.
M. Rendu a dédié à ses enfanta cette dernière œuvre sortie de sa
plume, comme il le dit dans les vers qui ouvrent son livre. Nous espé-
rons bien que le savant écrivain est loin d'être arrivé au terme de ses
utiles et attrayantes productions.
-— L'ouvrage de M. Léon Gahun, les Aventures du capitaine
Magon, au une exploration phénicienne mille ans avant tère chétienne^
est une conception dans le genre du Voyage du jeune Anaeharsis
on de Rome au siècle i Auguste^ mais sous forme moins savante
et par conséquent mieux à la portée de la jeunesse. Le capitaine
Magon est un Phénicien d^ Sidon, que le roi de Tyr, Hiram,
charge d'aller chercher des matériaux précieux pour son ami et
allié le roi David. Magon recrute des matelots, équipe des bâtiments, et
part. Il va successivement en Egypte, en Crète, où il a à lutter contre
lesPhothiens, en Sicile, en Italie, et arrive enfin à Tarais. Là, il charge
ses navires de lingots d'argent; puis, sur l'ordre de l'oracle d'Hannon,
qu'il a consulté à Utique, il franchit le détroit de Gadès, remonte vers
le nord, relâche en Qaule et remonte jusqu'à l'embouchure de l'Elbe,
dans la grande île de Prendain. Mais, au retour, la tempête le pousse
— iib —
vers l'Afrique ; il la côtoie, et, toigourfi cntrainé par un vent violent,
il double le cap de Bonne-Espérance, et unit par arriver en Arabie, dans
le royaume de la reine de Saba. Après quelques péripéties nouvelles
sur les bords de TEuphrate, il rentre à Sidon par la mer Rouge et le
canal de Pharaon. Telle est la trame de ce récit, auquel se mêlent une
foule d'épisodes dramatiques, guerres, trahisons, tempêtes, et qui
donne aux jeunes lecteurs de.très-curieuses notions sur Tétat des con-
naissances géographiques chez les Phéniciens. Ajoutons qu^une très-
bonne carte, comme sait les éditer la maison Hachette, aide puissam-
ment à l'intelligence du texte.
— Le livre de M. Sachot offre tous les éléments d'un vojage facile
et agréable, puisque, sans quitter ses habitudes, on pourra, sur la foi
des voyageurs anglais et américains, faire connaissance avec celles
de peuples peu familiers aux jeunes géographes français. Ce n*est pas
à cet ouvrage qu'on reprochera le manque d'exactitude ; peut-être
même j en a-t-il trop. Ou, pour mieux dire, tons les lecteurs ne
devront pas suivre indifféremment les péripéties de la route. Sauf
cette restriction, que M. Sachot devra comprendre mieux que personne,
son travail se recommande à tous les titres. Nous avons été particu-
lièrement heureux d'j rencontrer un hommage à la sympathique mé-
moire de Gustave Lambert, tombé sous les balles prussiennes avant
d'avoir pu accomplir l'idée ou le rêve de sa vie, qui était de planter
au pôle le pavillon de la France.
— Perdus au milieu de Paris,.. Que les jeunes lecteurs fassent
attention aux graves leçons que ce livre leur présente sous une forme
aimable. Trois orphelins, trois amis, sans parents, sans famille, quel-
quefois même sans abri ni ressource, finissent par se tirer d'affaire : la
Providence, qui leur tient lieu de tout, récompense ainsi leur courage
et leur probité. L'un d'eux, fils d'un pauvre arpenteur de village,
quitte tout enfant le pays, essaye de plusieurs métiers, puis sent sou-
dain se développer en lui une vocation artistique, à laquelle d^hen-
reuses circonstances lui permettent de répondre. Ses compagnons,
restés dans une situation plus modeste, après l'avoir aidé dans la mau-
vaise fortune, ne lui portent pas envie : chacun est heureux, parce
qu'il sait se contenter du lot que le bon Dieu lui a fait en ce monde.
— M. Blériot a eu l'heureuse pensée de publier en un volume
illustré les romans qui ont fait la fortune de VOuvrter. Déjà, Tannée
dernière, il avait donné la Fille du Bandit. Cette année, il nous offre
les Faucheurs de la mort, où la plume si patriotique et si catholique de
M. de Lamothe retrace d'une façon saisissante des épisodes de la
guerre de Pologne. Nos lecteurs connaissent cette publication, dont
rédition illustrée est seule nouvelle, et qui sera lue avec le plus vif
intérêt dans les veillées d'hiver.
— %11 —
— Les Amuseurs de la rue, tel est le titre d*un petit volume dû
à la plume de M. Augustin Challamel, avec seize compositions de
M. Edouard Debat-Ponsun. Nous passons successivement en revue
ces types dont certains sont déjà d'un autre âge ou tendent à dispa*
raître, à savoir Bobèche, Oalimafrëe, Polichinelle, Paillasse, Pierrot,
Tescamoteur, le saltimbanque, le musicien ambulant^ Guignol, les
hercules, etc. La fantaisie est le caractère dominant de cette publi-
cation, rehaussée par le «crayon spirituel qui reproduit fidèlement les
personnages décrits dans le texte.
L'éminent éditeur de Tours, M. Marne, a entrepris une nouvelle
collection illustrée, format in-4^. Mettre la jeunesse studieuse au
courant des découvertes des voyageurs du dix-neuvième siècle, dans
un livre qui peut à la fois plaire aux yeux et orner Tesprit, tel est le
but que s'est proposé M. Arthur Mangin dans ses Voyages et décou-
vertes (toutre-mer ; il n'a point entendu faire une histoire complète des
voyages de ce siècle ; l'œuvre eût été trop considérable et, par ces
proportions mêmes, n'eut point répondu aux intentions de Tauteur; il
a choisi, parmi les relations de voyages modernes, celles qui lui
paraissaient les plus propres à intéresser ses jeunes lecteurs; et il
8*est attaché, comme le titre même du volume Tindique, aux seuls
voyages à^outre-mer. Laissant donc de côté les découvertes de Living-
stone, Speke, Bakes, dans Tintérieur de l'Afrique, il a pris seule-
ment les explorations des marins. Cest par un Français, le capitaine
Baudin, chargé par le premier consul d'une mission en Australie, et
qui mourut dans l'expédition, que s'ouvre le volume. Puis viennent
l'intéressant voyage du capitaine Freycinet^ en Océanie, les explora-
tions de l'illustre Dumont-d'Urville, celles d'une commission anglaise
aux îles Andaman, le voyage de circumnavigation du capitaine
WuUerstof XJstain, les deux expéditions de John Ross, au pôle
arctique, celle du capitaine Back à la recherche de John Pross, les
voyages d'Edouard Parry, les expéditions hardies de l'intrépide John
Franklin, et enfin celles du docteur Eane, du commandant Maclure
et du capitaine Mac Glintock, à la recherche du vaillant et malheu-
reux explorateur du pôle nord. Ajoutons-y une des relations les plus
curieuses, la plus intéressante peut-être, celle d'une mission au
Chili d'un jeune prêtre italien, Jean Mastaï, aujourd'hui le glorieux
prisonnier du Vatican, et nous aurons donné une idée des récits variés
contenus dans ce volume, avec lequel on peut ainsi, tout en restant
au coin du feu, voyager si facilement autour du monde, et dont le
succès, d'ailleurs, est déjà consacré par une deuxième édition.
— Un livre sur l'Egypte, par le temps qui court, et au milieu des
préoccupations diplomatiques qu'a fait naître la récente acquisition
par l'Angleterre ded actions du canal de Suez, c'est presque une
- 478-
aotoaliië. HAtoni-nous de dire toatefoif qae le volume de M. Eugène
Poitou n'a rien de politique. Foroé^ dn 1857, par l'état de sa aantë^
d'aller chercher un climat plus doux que celui de la France* M. Poitoa
ne s'est arrêté ni aux côtes de Provence, ni à celles d'Italie ; il a
poussé jusqu'à la vieille terre des Pharaons. Un voyage d'Egypte,
d'ailleurs, n'est pas maintenant chose bien difficile : u le Caire n*est
plus qu'à une semaine de Paris. » Arrivé à Alexandrie, M. Poitou n'a
pas tardé à quitter cette ville, où Ton retrouve encore les brumes et
les pluies du Nord, et est allé chercher au Caire le vrai .soleil de
l'Orient; puis, comme la plupart des voyageurs, il a frété une ce cange, »
et, s'embarquant sur le Nil, a remonté le fleuve jusqu'à Thèbes, tra-
versant ainsi d'un bout à l'autre cette Egypte si pleine de souvenirs
et si pleine de rêves, de gloires évanouies et de misères vivantes, où
le passé et le présent se heurtent sans cesse, avec des contrastes la
plupart du temps tristes, souvent ridicules; où les inscriptions gravées
sur la statue de Memnon, par exemple, débutent par celle d'un préfet
de TEmpire romain et finissent par le nom plus modeste de « Jean-
Pierre Chouilloux, soldat de la 21* demi-brigade. » De cette excur-
sion sur le Nil, comme de- ce séjour au Caire, est sorti un livre plein
d'intérêt et de charme, excellent guide pour les touristes, très-
instructif pour ceux qu'efl'rayent encore les huit jours qui séparent le
Caire de Paris. M. Poitou a beaucoup vu et a bien vu, en érudit et en
artiste. Nous recommandons aux amateurs de pittoresque une très-
attachante description d'une promenade à Karnak au clair de lune,
et aux amateurs de mystères de l'Orient, le très-curieux récit d'une
visite au harem du vice-roi.
— C'est surtout dans cette sombre et froide saison que la pensée
aime à se transporter sous des cieux plus riants; aussi avons-nous fait
un bon accueil au livre de M. l'abbé Rolland, Promenades en Italie,
L'auteur, à diverses reprises, a visité la belle contrée dove el si suona;
il la connût bien, et, après tant d'autres descriptions, on lit avec plaisir
les pages dans lesquelles il décrit les sites et les monuments de ce
pays privilégié. Les souvenirs historiques se mêlent d'une manière
intéressante aux notes du voyageur. M. Tabbé Rolland ne parle pas
d'une ville importante sans faire une rapide excursion dans son passé.
De belles et nombreuses gravures ornent ce volume^ d'une exécution
typographique fort soignée.
-— M. l'abbé Bourassé, le savant archéologue dont on déplore la
perte, avait employé, il y a quelques années, les quelques moments de
loisir dont il pouvait disposer à faire, aux sanctuaires les plus renom-
més, un pèlerinage à la fois pieux et scientifique ; mais, en même temps»
son œil exercé s'arrêtait sur les antiquités gallo-romaines, les forte-
resses féodales du moyen-àge, les maisons gothiques, les ravissantes
- 470 —
oonvtruatioBs de la renaiuanoe. Nous aromi loi les page» relatives aux
chàteaax des princes qai ont goaverné U France : Résidences des rois
mérovingienSi Palais de la Cité, le Louvrei les Talleries^ Versailles,
Trianon» le Luxembourg* le Palais-Rojal, Saint-Geràiain-en-Lajre)
Fontfidnebleau^ Yincennes, hauts châteaux et environs de Paris; puis
Chambord, LooheSiChinon, Pau, Azay, AmboiSe, Ghaumont^ Blois, etc.
C'est une revue historique en même temps qu'archéologique ; mais*
nous regrettons d'avoir à constater que l'auteur n'est point tou-
jours aussi bon historien qu'archéologue éclairé. De nombreuses gra-
vures placent sous les jeux du lecteur les principales résidences.
— Roàinson Crusoé est le livre classique de l'enfance. On n'aura
donc jamais trop d'éditions de cet attrayant ouvrage, qui fera long-
temps le bonheur des jeunes générations. En voici une, illustrée de
nombreuses gravures, et qui se recommande à la fois par son texte»
revu et corrigé avec soin et par son prix modéré.
-^ Berthe est Théroïne en même temps que l'arrière-petite-fille de
M* Noiiradamui, qui se console par l'étude des astres de ses cha*>
grins de famille* Elle a été abandonnée par son père et élevée par
des parents éloignés ( à leur mort, son arrière-grand-pére la prend
chea lui pour la soustraire à un subrogé tuteur détestable. Elle fait
Tornement de son triste intérieur ; elle le rattache à la vie et le
ramène à la religion ; mais, en même temps, elle amène beaucoup de
trouble dans le ménage, gouverné par une femme égoïste et d'un carac-
tère maussade. Il faut voir tout ce qu'eut à souffrir cette nature vive,
délicate, ouverte, aimante, obligée de ^e renfermer en elle-même.
Elle en serait morte, si l'affection d'amis précieux n'était venue
consoler son cœur. C'est une vie pleine d'incidents variés, peu vrai-
semblables ; elle se termine naturellement par un mariage, que tout
le monde n'approuvera pas. Il dénote une étude sérieuse du cœur
humain; les épisodes de la guerre peignent avec une cruelle vérité les
impressions de ce moment. Ce livre nous paraît encore plus destiné
aux jeunes femmes qu'aux jeunes flUes. Pourquoi M"® Fleuriot n'a-
t-elle pas plus accentué le caractère catholique de son livre? Est-il
bon de parler de (c patenôtres, » même abonne intention. Nous croyons
peu correct de dire : n interrogea-t-il ; apostropha- t--il^ etc.
— Dans les Deux Mère$ de M"* Colomb, un vieil oncle égoïste et
célibataire, après avoir amassé d'immenses richesses dans les Indes,
revient en France, pour jouir de sa fortune et se procurer les douceurs
de la famille sans en subir les charges. Il a deux nièces veuves,
ayant chacune un ûls. Il leur fait demander laquelle des deux veut lui
abandonner son fils, qui portera son nom et aura tous ces biens, et en
môme temps tenir sa maison. Qui le croirait? une seule accepte. Elle
— 480 —
paye cher Tavenir brillaDt qu'elle veut assurer à son fils, par rhumeur
de Toncle à héritage qu*elle doit subir, par Tennui et le poids d'une
vie frivole, par les tourments que lui cause le beau Robert. Ce pauvre
garçon, négligé par sa mère, ayant à sa disposition tout l'argent qu'il
voulait, devient paresseux, mauvais siget, dissipateur ; il joue ; il
mange une grande partie de 1^ fortune de son oncle, et peu s'en faut
qu'il n'aille jusqu'au crime. Ses bons instincts le retiennent, mais aussi
son cousin Adrien, pour lequel sa mère a refusé courageusement,
malgré sa position précaire, la séduisante proposition de Toncle.
Elle craignait pour lui les séductions de la richesse, et elle ne voulait
pas abandonner ces droits de mère à un inconnu. Ces devoirs, elles
les accomplit avec un courage admirable, apprenant pour apprendre
à son âls, travaillant pour lui jusqu'à ruiner sa santé. Elle fut
largement récompensée.\Adrien était un excellent sujet, répondant
par le travail et le succès à tous les soins de sa mère, plein d'attache-
ment, de reconnaissance et de dévouement pour elle : son cœur avait
pris toutes les qualités de celui de sa mère ; il était aimé et estimé
de tout le monde. Il sera la ressource même des parents riches qui
l'avaient d'abord négligé, et qui ne devront qu'à lui de conserver un
peu de leur fortune. Ce récit est très-attachant. On y trouve de tou-
chants épisodes, et les illustrations en sont ravissantes. Mais il y a bien
des mots qui ne'sont bons que pour les grandes personnes. Pourquoi
faire toujours de Paris la ressource des gens sans ressources ? Quelle
triste illusion on leur prépare ! Pourquoi toutes ces citations latines,
l'intervention de Cupidon, de Vestris, d'Orphée aux Enfers, de
Si j'étais roi de Béotie^ etc.? Pourquoi surtout laisser mourir sans
consolations religieuses cette petite Madelon, qu'on pourrait bien
appeler une sainte ?
-— Fausse route de M. J. Girardin, comprend trois nouvelles, où l'on
retrouve toutes les qualités qui ont déjà, Tan dernier^ fait la fortune
des Braves gens et de Nous autres^ du même auteur. M. Girardin écrit
pour les enfants, pour les collégiens qui, déjà parvenus à Tâge où Ton
peut connaître ses défauts et prendre de bonnes résolutions, n'ont pas
encore dépassé celui où l'on peut facilement s'en corriger avec de la
bonne volonté. Il excelle dans les tableaux de genre d'où se dégage une
leçon morale. Les Souverirs d'un Poltron indiquent par le titre même.
qu'il s'agit des malheurs d'un enfant timide et craintif; mais peu à peu il
domine sa nature, entre à Saint-Cyr, devient un brillant officier, l'hon-
neur et l'orgueil de son père, après qu'il en avait été presque la honte
par sa poltronnerie. La Première faute est l'histoire d'un autre petit gar-
çon, entraîné par trois mauvais garnements dans une série d'aventures
que nous ne voulons pas déflorer pour le lecteur ; mais le remords le
touche enfin, et amène un courageux aveu qui lui rend l'amour de sa
— 48< —
mère et Testime de ses connaissances. Dans les Aveux (fun égoïste^
Tauteor développe un peu le même thème de défauts heureusement
corrigés après avoir fait souffrir, non- seulement les enfants^ mais leurs
parents et amis. Ce qui varie dans ces nouvelles, ce sont les péripé-
ties des petits drames, la peinture des caractères; ce qui en fait le
charme, c'est le naturel du dialogue, la franche gaîté du stjle et le
bon parfum d*honnêteté qui s'en exhale.
— La Toute petite^ de M. J. Girardin, est^ dès le berceau, Tidole de
plusieurs générations de parents, sans compterles collatéraux. Enfant
gâtée, elle se corrige avec Tâge; jeune fille, elle a des succès dans le
monde. A son bon cœur, à son excellent naturel, les jeunes lectrices
se reconnaîtront peut-être ; il est également probable qu'à chacun de
ses petits travers, elles nommeront telle personne de leur connais-
sance, tant les tableaux sont pris sur le vif. Nous ne voulons pas di-
minuer l'intérêt de cette charmante nouvelle en disant comment elle
finit. Par un malheur? Par un mariage ? On le verra. Mais à coup sûr,
ce n'est pas par les deux à la fois, quoiqu'il arrive souvent que les
deux ne s'excluent pas.
— Tom Brown est le fils d'un gentleman former qui, après avoir
passé ses premières années à la campagne, où il a plus exercé ses
muscles que son esprit, et fait ensuite quelques études dans une école
privée, est enfin envoyé à la grande école publique de Rugby. Il j
mène la vie de collège, telle qu'on la comprend en Angleterre, vie si
complètement différente de celle qu'on mène dans nos lycées : vie en
plein air et en pleine liberté, où Técolier fait l'apprentissage de la
responsabilité personnelle, et où les exercices du corps ont une part
au moins égale, sinon supérieure, à celle des exercices intellectuels.
Quand Tom Brown sort de Rugby, je ne voudrais pas garantir qu'il
soit bien savant, mais il est très-robuste et très-adroit. Quelles belles
parties de cricket et de foat bail il sait faire^ et quels regards d'envie J^en
ai bien peur, les écoliers français qui liront ce livre porteront à leur
camarade anglais et à ses jeux si libres sur les vastes pelouses de
Rugby, tandis qu'eux sont tenus avec une si sévère discipline, dans
dos cours étroites, entre quatre murs noirs !
Dans le Moyen âge et ses institutiom^ M. Oscar Havard, rédacteur
du journal le Monde, a tenté de faire un tableau complet de cette
grande époque qui, depuis quelque temps, attire si vivement l'atten-
tion. L'Église, l'organisation gouvernementale, l'organisation judi-
ciaire, l'organisation militaire, les arts, les sciences, la littérature
ont fourni à l'auteur les principales divisions de son ouvrage, qui for-
mera pour les jeunes gens un utile complément à tous les livres d'his-
toire. M. Havard, mettant avec tact à profit les travaux des écrivains
— 4St-
les pltts compétents, a composé un volame instructif et intéressant. Ce
volume ofTre^ toutefois, quelque lacunes : pourquoi M. Harard con-
sacre-t-il un chapitre à la poésie aUemanâCi un autre chapitre à la
poésie anglaise, et ne dit-il rien de la foule de poëtes qui, en Espagne
comme en Italie, se firent les imitateurs des troubadours et des trou-
vères ? Il y avait lieu de rapprocher le Poème du Cid de la Chanson
de Roland, et un regard un pou attentif jeté au-delà des Pyrénées
eût empêché l'auteur de dire (p. 331) qu'aprôs la France, T Alle-
magne fut incontestablement le pays où la poésie compta les plus nom-
breux adeptes. La ressemblance des idiomes, des mœurs, des origines,
devait engager M. Havard à considérer avec plus de soin ce qui se
passait chez les autres nations néo-latines, qu'il ^est vraiment bien
difficile de séparer les unes des autres, quand on étudie le moyen âge.
— On ne connaît guère, en général, les pays du nord. Sauf quel-
ques voyageurs intrépides, comme MM. Ampère, Marmier^ Léouzon
le Duc, qui ont bravé les frimats et la neige^ la masse des touristes se
porte de préférence vers les pays de la lumière et du soleil. Et pour-
tant, s'il faut en croire M. Jules Leclercq, c'est un beau et intéressant
pays que la Norwége ; ses cjords ont un aspect imposait et étrange,
ses habitants sont honnêtes et hospitaliers. On y trouve des rochers
de quatre mille pieds, comme le Homelen^ des montagnes comme le
Romsdalshom^ des cascades comme celles de Lillehammen, bien supé-
rieures à celles du Giessbach, des forêts splendides, des chevaux infa-
tigables, et, ce qui n'est point à dédaigner, au retour de pareilles
excursions, de bonnes auberges, non pas luxueuses, mais propres, où
Ton fait d'excellente cuisine. La scène change bien un peu, il faut
Tavouer, quand on arrive chez les Lapons, pauvre race qui vit misé-
rablement et qui périrait sans les rennes. Mais cette chétive race
elle-même est intéressante à étudier, malgré le mépris qu'affectent
pour elle les vrais Norwégiens. M. Jules Leclercq, qui Ta vue de près,
donne sur elle de curieux détails. Son livre tout entier, d'ailleurs, est
plein de renseignements peu connus, et nous sommes sûr que le jeune
public auquel il s'adresse le lira avec plaisir et avec fruit.
La Bibliothèque d^s merveilles, publiée par la maison Hachette,
s'est enrichie de plusieurs volumes d'un vrai mérite, dus à des hommes
spéciaux et fort distingués. Qui mieux que M. Ferdinand de Lasteyrie
pouvait parler de Vorfévrerie ? « Devançant presque la civilisation
elle-même, on voit cette industrie, dès l'origine des sociétés, con-
tribuer également aux splendeurs du culte et à celles de la puissance
humaine. » Le savant auteur nous initie à ses commencements, à ses
applications diverses, depuis l'antiquité égyptienne, grecque, étrusque,
jusqu'à à nos jours, en suivant Tordre chronologique, et en parcoa-
I :•
— 483 —
rAnt les difMrentef pontréM deTBarope. Qik «tlà, nous renoontrons
des apprëoiations historiques qui ne seraient pas les nôtres; mais nous
defons rendre hommage au talent et à la compétence de Tauteur*
— Dans son lirre sur TAir, M. Moitessier, professeur à la faculté
de médecine de Montpellier, analyse les différents phénomènes qui se
passent dans l'air, les gaz qui le forment. Il commence par la matéria-
lité de Tair, dont il donne de nombreuses preuves ; il prouve ensuite
l'élasticité de Tair, traite de la vapeur d'eau, de la lumière et de la
chaleur dans l'atmosphère ; des phénomènes électriques de Tatmos-
phére et du son dans Tatmosphère. Il étudie ensuite la constitution chi-
mique de Tair, qu'il analyse, parle de Tacide carbonique, de lacombus*
tion des aliments accidentels et des poussières de Tatmosphère, et ter-
mine en montrant Taction de l'air sur les animaux et sur les végétaux.
Cet ouvrage, qui a quatre-vingt-treize gravures sur bois, très-soignées,
se fait remarquer par sa clarté et par son érudition; mais nous y
avons constaté avec regret des tendances rationnalistes fort accusées.
— M. Radau a consacré un autre volume au magnétisme. Il parle
d'abord des aimants, de leur force et de leur action, puis du magné-
tisme terrestre, des cartes magnétiques. Ënfln il traite de Télectro-
magnétisme, dans un chapitre où il passe en revue les actions des
courants, les électro-aimants, Tinduction, les moteurs électriques. —
Il y a là beaucoup de détails techniques; mais la clarté de Texposition
et les nombreuses planches permettent au lecteur de suivre avec
intérêt, les notions réunies par Fauteur, auquel on devait déjà, dans
la mâme collection, un ouvrage sur l'acoustique.
Deux autres volumes nouveaux de la même bibliothèque, les Tapis»
séries de M. A. Gastel, et les Voies souterraines^ de M. Maxime
Hélène, ne nous sont point parvenus à temps, pour que nous puissions
en parler plus amplement.
Nous avons sous les yeux quatre nouveaux volumes de la Biblio-
thèque rose, — Pauline a un caractère dominant. Elle semblait née
pour le commandement; elle est servie à souhait par les circons-
tances qui font partir sa mère pour les eaux^ la laissant, à dix ans, à
If. tête de la maison, avec son père, et sous la garde d*une vieille
domestique. Elle prend plus de plaisir à ces nouvelles fonctions qu'à
ses devoirs, mais elle ne réussit pas mieux. Ne voulant écouter
aucune observation, elle commande à tort à travers; elle gaspille
l'argent en provisions de ménage, en toilettes, en mobilier ; et, à la fin,
la petite maîtresse de maison^ comme on l'appelle en se moquant d'elle,
s'ennuie d'être seule; elle tombe malade. La reflexion vient; puis
la leçon que lui donne sa mère, et dont elle doit prendre la première
part. Elle devient une jeune fille sérieuse, toute à ses devoirs, et,
— 484 —
bientôt après, une charmante jeune femme. Blendes petites lectrices
se trouveront quelques traits de ressemblance avec Pauline. H faut
tout le taleiit de M"* Gouraud, aidée d'un habile dessinateur, pour faire
oublier Tinvraisemblance de la situation.
— Les espiègleries d'un petit garçon font presque tous les frais
des Vacances d'un grand-père, de M"" de Stolz. Le grand-père est un
riche magistrat qui conduit tous les siens, pendant le beau temps des
vacances, dans une terre quMl vient d'acheter en Bourgogne. Georges
sort du wagon, pendant que le train marche en toute vitesse ; il a
failli faire renverser la diligence en tirant maladroitement les rênes
des chevaux; il saute d'un premier; il se fait mordre par un écureuil ;
il tombe dans l'eau, etc.; puis il a mille tours pour ses cousines, mais il
se fait tout pardonner par son bon cœur. C'est la seule chose que les
jeunes lecteurs devront imiter en lui.
— Dans Plus tard, ou le jeune clief de famille ^ M'** Zénaïde Fieuriot
a mis en scène une famille de trois enfants qui ont perdu leurs parents
et sont restés sous la garde d'une belle-mère, laquelle meurt à son
tour^ laissant un testament en faveur des enfants. Ce testament est
attaqué par les Darbault, parents de If* Daubry, qui revendiquent la
succession. De là procès. Raoul Daubry, le jeune chef de famille, y dk
proposer un dernier arrangement, le partage de la fortune de
M''" Daubry. On refuse. Le procès va commencer. Raoul, consterné,
se rend chez un médecin qui a soigné sa belle-mère, et qui est parent
de M. et M"** Darbault. Il espère obtenir son appui. Le procès com-
mence ; il est conduit lentement, et aboutit à la dépossession complète
des trois orphelins. La famille Daubry parait avoir perdu pour jamais
la fortune qui lui revenait de droit. Mais M"^' Darbault tombe grave-
ment malade; une opération chirurgicale devient nécessaire. On
demande le docteur Guerblier, qui se fait longtemps prier, et n'ae-
cepte que moyennant cent mille francs^ dont il gratifie la famille
Daubry.
. — Nous regrettons de ne pouvoir faire autre chose que de signaler
les Dettes de Ben Aissa, par M"* Marie Maréchal^ que nous n'avons pas
encore sous les yeux.
— Terminons en annonçant les albums nouveaux dont s'est enrichi
le Magasin des petits enfants, publié parla maison Hachette. Voilà des
gravures, enluminées devant lesquelles les babies vont se pâmer d'aise,
et, en se reportant au texte, en gros caractères, qui les accom-
pagne, chacun voudra hâter le moment où les yeux ne s'arrêteront
pas seulement aux images, mais s'assimileront en même temps le déso-
pilant et instructif commentaire qui accompagne les Deux mauvais
plaisants, Nos passe-temps, les Amis de la maison, ou les merveilleuses
histoires d'Aladdin et du Nain jaune , Visemot.
— 483 —
THÉOLOGIE
Das Eieben unsere lleben Herra undl Hell Andes ^esue«
CbrlstuB und «einer Jun^lVaûIichen Mutter Maria, zum
Vnterricht xmd zur Erbaung im Sinne und Geùte des ehrw, P. Martin von
Cachem (La vie de Notre cher Seigneur et Sauveur Jésus-Christ et de sa virginale
mère Marie^ ouvrage d^instruetion et cPédification, d'après le P. Martin von
Cochem)y dargestellt von L. C. Bcsinghr, RegeDs des bischûfl. Seminar in
Solothnrn, gew. Pfarrer in Arlesheim. Troisième édition, avec une intro-
duction, par S. Grandeur le D' Cari Joseph Greith, évéque de Saint-Gai], et
avec les approbations de son Éminence le cardinal Joseph Othmar von
Rauscher, prince-archevêque de Vienne, de son Éminence le cardinal Maxi-
milien von Tarnoczy, prince-archevêque de Salzsbourg et de Leurs
Grandeurs les archevêques et évêquesde Munich-Frisingen, Cologne,
Breslau, Brixen, Leibach, Seckau, Majence, Augsbourg, Rottenbourg,
Paderborn, Trêves, Eichstadt, Ermlànd, Munster, Goire, Bâie, Saint-Gall,
Cincinnati^ Cavington, la Crosse, Fort Wayne, Marquette, Milwaukee et
Savanah. — Einisedelm, New York et Cincinnati, Cari et Nicolas Benziger,
«875. In-4 de xvi-lOSO p. — Prix : 15 fr.
Ce magnifique ouvrage est une véritable Bible de famille, imprimée
en beaux caractères, illustrée de deux chromo-lithographies, et Je plus
de cinq cents gravures et vignettes, dans le texte et hors texte, em-
pruntées en partie aux plus grands maîtres. Les parents qui font ap-
prendre l'allemand à leurs enfants ne peuvent leur donner des étrennes
plus belles et plus utiles que cette Vie de Notre-Seigneur. Elle comprend
six parties, qui en font un livre de religion complet. La première est la
Préparation générale à la venue de Notre-Seigneur. Elle fait con-
naître Dieu et le mystère de la Sainte-Trinité, la création et la chute
des anges, l'Œuvre des six jours^ dans laquelle tous les phénomènes
de la terre et du ciel et toutes les espèces des créatures sont décrites
d*une manière très-intéressante, la chute de l'homme, et, en un mot,
toute Thistoire sainte jusqu'à Hérode. Après un chapitre sur Tempire
romain et Tétat du monde sous le gouvernement d'Auguste, l'auteur
passe à la seconde partie : la Préparation immédiate à la venue de
Notre-Seigneûr. Elle raconte Thistoire des parents de la sainte
Yierge et de Marie elle-même, jusqu'à la naissance de Jésus-Christ.
La troisième partie a pour objet la nativité, l'enfance et la jeunesse
de Notre-Seigneur. Le mystère, de Noël est étudié en quelque sorte
sous toutes ses faces, avec un tel amour, quUl semble que Fauteur ne
puisse le quitter. Il conduit lentement le lecteur à Bethléem, et là il
lui fait considérer successivement Tétable, la crèche, Tépoque, Tannée,
le mois, le jour^Theure de la nativité ; il le fait assister aux hommages
rendus à l'Enfant- Dieu par les anges dans ciel, par les bergers sur
la terre, par les justes dans les limbes, par les mages et par l'enfer
même; enfin par les chrétiens dans nos églises et au foyer de la
— 486 —
famille. La circonoision, la présentation au temple, la faite en
Egypte, le retour en Palettioe, la voyage à Jérusalem à Tâge de
douze ans et la mort de saint Joseph remplissent le reste de
cette troisième partie. La quatrième partie comprend la vie pablique
et renseignement de Notre-Seigneur, c^est-à-dire, la prédication de
saint Jean-Baptiste qui en est la préparation immédiate et tooA les
actes et les discours du Sauveur,ju8qu'à sa passion, laquelle forme^aveo
sa mort, la cinquième partie. La sixième partie est la glorification et la
vie permanente de Jésus-Christ dans son église. Notre-Seigneur est
ressuscité, et il ne meurt plus. Les missionnaires l'ont fait connaître
dans l'univers entier, il nous instruit toujours par ses docteurs et ses
pontifes, 11 est représenté par le pape, il vit dans nos âmes par ses
sacrements, il manifeste ses vertus par les ordres religieux et par ses
saints, il triomphe des persécutions et des hérésies, il triomphera
enfin au jugement îlernier. Cette sixième partie est un résumé
complet de théologie et an abrégé de l'histoire de TEglise. L'ouvrage
se termine par une table indiquant les lectures qu'on peut faire tous les
dimanches et joars de fêtes de l'année. Il est plein de doctrine, écrit
avec foi et avec piété, avec simplicité et en même temps avec la no-
blesse qui convient au scget, de telle sorte qu'il est à la porté de toutes
les intelligences. La première et la sixième parties sont entièrement
neuves : les autres parties sont un remaniement complet de la célèbre
Vie et Passwn de JésuB-Christ et de m glorieuse mère Marie^ par le
religieux franciscain Martin von Gochem, qui la commença, il j a deux-
cents ans, en 1675. Quelques lecteurs regretteront peut-être qu'on
ait admis des éléments légendaires dans cette Fie, qui aurait gagné
à être rigoureusement historique; mais ils reconnaîtront du moins,
comme Ta dit M** Hefele, que les légendes acceptées sont très-poé-
tiques et ont un caractère très-édifiant. G. K.
divine synthèse, ou Vexposé, au double peint de vue apologétique et
pratique de la religion, par Mr Guilbert, évéqoe de Gap. Paris, Pion et
Douniol, 1875. Trois yoL in-S de xiv-337, 296 et 282 p.— Prix : 18 fir.
Il Que d'hommes instruits, très-savants même, dans les différentee
branches des connaissances humaines en droit, en médecine, en ma«
thématiques, en littérature et qui ne savent^ en matière religieuse,
que ce qu'ils ont appris dans leur enfance sur les genoux^de leur
mère, quand ils ne Font pas oublié !.. Même parmi ceux qui sont sin-
cèrement attachés à la religion et qui la pratiquent, beaucoup ne la
connaissent qu'imparfaitement et* n'en ont souvent que des idées
inexactes et incomplètes. Bien peu se sont rendu compte du merveil*
leux enchaînement de ses preuves et de tout ce qu'il 7 a de divin et de
futur en elle (p. ix). *« Ces réflexions si judicieuses, par lesquelles
— 4R7 —
M" révoque de Gap ouvre les trois précieux volumes que nous annon-
çons, nous font pressentir le but qu'il s'est proposé en les écrivant. Il
s'agit de mettre à la disposition des gens du monde, qui ignorent les
preuves de la religion ou les connaissent mal, un exposé oomplet et
substantiel de ces preuves ; sans doute, on a beaucoup écrit à ce sujet,
et cependant, a plus d'une fois, nous dit le vénérable auteur, — et quel
prêtre un peu versé dans le ministère ne le répétera après lui^ — plus
d'une fois nous avons été fort embarrassé pour indiquer à des laïques
sérieux, comme il en est beaucoup, qui désirent franchement s'ins-
truire de la religion» un livre court et complet pour répondre au
besoin actuel des intelligences, n
Ce livre court et complet, M*' l'évêque de Oap a entrepris de le
faire, et, à notre avis, il a pleinement réussi.Son livre est bien véritable-
ment une «synthèse » de toutes les vérités que Dieu même nous a ensei-
gnées. Il commence par présenter toutes les preuves du fait historique
de la révélation : c'est la base nécessaire et première de toute apologie
du christianisme; mais ce ne serait pas assez, on le voit bien tous les
jours, quand on essaye d'amener une âme à la foi^ de prouver que le
fait miraculeux de l'établissement do christianisme est, de toutes les
choses historiques, la mieux établie ; on n'aurait pour ainsi dire rien
gagné si on ne montrait encore comment toutes les promesses que
Jésus-Christ a faites il les a tenues^ comment il est réellement, dans
l'ordre pratique, « la voie, la vérité, et la vie. »
Le seeond volume et la première partie du troisième sont consacrés
& faire voir dans la doctrine du Père étemel. Dieu et homme tout en-
semble,toutes les vérités dont l'homme a besoin et pour cette vie et pour
l'autre : vérités sur Dieu, sur le monde sur l'homme individuel, sur
l'homme en société,sur lemojende conserver et de développer en nous
la vie divine, M"' Guilbert montre^ en effet, comment les décou-
Tertes les plus modernes de la science, sur la constitution du monde
physique, par exemple, rentrent tout naturellement et sans effort,
loin de les contredire, dans le cadre des doctrines révélées. Ce n'est
pas lui qui 8*effrayera de Thypothèse, si vraisemblable, de la vie dans
les astres, vie douée comme la nôtre d'intelligence et de volonté et
consacrée à la gloire de Tunique Créateur (v. 2. ii p. 138 et suiv). Il
ne s^effraye pas davantage des prétendues démonstrations élevées
contre la Bible, au nom de la paléontologie et de la géologie, et il fait
bien voir, ce que trop de catholiques ignorent, que les affirmations les
plus tranchantes de la science anti-chrétienne ne reposent que sur des
conjectures et des hypothèses, et que ces hypothèses fussent-elles
prouvées les conclusions qu'on en tire contre la doctrine catholique,
seraient encore dénuées de fondement sérieux.
La dernière partie de Touvrage, qui est de beaucoup la plus courte
— 488 —
et qui porte le titre d'épilogue, est, pour parler comme l'auteur,
(( la contre-épreuve de la divine synthèse (m. 188). » C'est une revue
rapide et une réfutation également contre des cultes prétendus ré-
vélés, depuis le polythéisme jusqu'au protestantisme, et des doctrines
physiques anti-chrétiennes qui prétendent aujourd'hui supplanter
toute révélation : déisme, panthéisme, positivisme et matérialisme.
Évidenunent la force de cette réfutation^ quelque nette et péremptoire
qu'elle soit, est principalement dans les deux premières parties, con-
sacrées aux preuves et au développement de la vérité chrétienne : les
erreurs ici tranchées rapidement étaient déjà réfutées par avance.
Tel est ce livre, précieux pour les laïques désireux de s'instruire de
rensemhle de la religion, précieux pour les prêtres qui ont à chaque
instant besoin d'indiquer un résumé solide de l'apologétique à ceux
qui les interrogent. L'ouvrage de M^ de Gap répond à merveille, par
sa simplicité, sa clarté et sa précision, au but qu'il s'était proposé.
Quelque court que soit un travail qui touche à toutes les preuves de
la religion, l'auteur est parfaitement en droit d'inviter son lecteur à
conclure avec lui en ces termes : >
« S'il est au ciel un Dieu qui ne soit pas indifférent aux intérêts de
la vérité, a-t-il pu, sans pactiser avec l'erreur, sans se rendre lui-
même complice des mensonges, laisser s'établir sur des bases aussi
solides une religion qui ne serait pas la véritable, et supposé qu'il
lui ait plu d'imposer à l'homme une religion positive et révélée, est-il
possible d'exiger de lui davantage : pouvait-il l'entourer de plus de
lumière et lui donner plus de fécondité (t. III, p. 209) ? »
Oserons-nous, en terminant, nous plaindre de ce que le vénérable
auteur ait mis en trois volumes ce qui, manifestement, tiendrait dans
un seul tome un peu compact. Cette dernière forme seray>nous l'espé-
rons, adoptée pour les éditions subséquentes. Les livres de cette nature
ne sauraient être d'un format trop commode et trop économique.
Nous souhaitons à ce résumé substantiel le plus de circulation pos^
sible ; or, pour atteindre un tel but, rien n'est moins indifférent que le
format et le bon marché. L. Lescœur,
' prêtre de rOratoire.
JURISPRUDENCE
Xraité do rextradltion, suivi d'un recueil de docuimerUs étrangers
et des conventions d'exinidition conclues par la France, et actuellement en
vigueur j par A. Billot. Paris, Pion, 1875. Gr. in-8 de 582 p.— Prix : 7 fr. 50.
L'extradition est l'acte par lequel un État livre un individu accusé
ou reconnu coupable d'une infraction commise hors de son territoire
à un autre État qui le réclame et qui est compétent pour le juger
et le punir.
— 489 —
I Sur cette définition, l'auteur se base pour mettre en relief les trois
éléments dont la réunion est nécessaire pour qu'il j ait. extradition :
d*abord un individu accusé ou reconnu coupable d'une infraction ,
ensuite un Etat compétent pour le juger et le punir, enfin un autre
État sur le territoire duquel Tindividu réclamé s'est réfugié, qui a
statué sur la demande, et y fait droit.
L'extradition, en tant qu'on Tenyisage dans son sens juridique, est
un contrat: de là l'examen du jurisconsulte, en fait d'extradition, doit
surtout porter sur la nature de ce contrat, et les conditions requises
pour sa validité. L'étude de ces conditions est le fonds de cette inté-
ressante étude qui embrasse tous les aspects de ce point si intéres«
sant de notre droit international.
Les développements qui suivent Texposé des principes offrent d'au-
tant plus d'intérêt, que le droit d'extradition est moderne, et que le
mot même est nouveau dans la langue juridique. Les relations de la
France avec les puissances étrangères, ayant pour objet spécial l'extra-
dition^ ne sont pas antérieures au dix-huitième siècle, et se sont sin-
gulièrement développées dans les trois premiers quarts du siècle
actuel. Il est intéressant de suivre dans leurs développements succes-
sifs ses minutieuses garanties. Après cet examen historique, et par-
fois politique, nous voyons se déterminer, d'une part, les personnes
passibles de l'extradition^ de l'autre, les actes qui peuvent y donner
lieu, enfin sa procédure et ses effets.
Ce sont là autant de points de vue qui apparaissent avec une
physionomie marquée d'un véritable cachet de nouveauté. La codifi-
cation des règles de l'extradition est un sol neuf, en quelque sorte
conquis par la science du droit.
Les divers aspects de cette question sont tellement approfondis
dans'ces pages, les documents internationaux sont si minutieusement
recueillis, que l'auteur peut revendiquer le mérite rare d'avoir recueilli
le «premier des documents jusqu'ici épars et sans unité. A ce titre, ce
livre s'impose à l'attention de tous ceux qui auront désormais à s'oc-
cuper de l'extradition, au point de vue de la justice aussi bien que de
la politique. A. de Ricubcour.
KMal sur les Institution» Judiciaire» civile» en droit
romain» en Vrance et en Roumanie^ par Vladksco (Alexandre).
Paris, Larose, 1875. Gr. in-8 de 330 p.
Après une étude soigneuse et bien raisonnée sur les institutions
civiles de l'ancienne Rome et sur celles de la France^ M. Vladesco
aborde l'histoire de ces institutions dans son pays : c'est/ pour nous,
la partie la plus intéressante du livre.
Pendant plus de cinq siècîes, dit-il, le pays se gouverna d'après les
Décembre 1875. T. XV, 32.
— 490 —
principes du droit romain, oombinés avec certaines règles ou coutumes
empruntées à la féodalité. Les pouvoirs administratif et judipiaire
étaient confondus et exercés par le même fonctionnaire, délégué du
prince. Les jugements étaient rendus au nom du prinoOf lequel nom^
malt et révoquait à son gré les personnes chargées de rendre la justice.
Le souverain était lui-même le premier magistrat du pajs et le seul
qui jugeât en dernier ressort. Il n'y a là rien de particulier à la Rou-
manie ; mais M. Vladesco si^ale une circonstance qui mérite d*(^ppe-
1er l'attention, et voici en quels termes : « un arrêt rendu en dernier
ressort par le souverain pouvait être attaqué devant le prince qui
lui succédait. Celui-ci renvoyait la chose jugée à son conseil ; le
conseil Texaminait et faisait un rapport au princOi en lui den^andant
soit d'infirmer, soit de maintenir l'arrêt déjà prononcé par son prédé-
cesseur. Ce second arrêt pouvait, à son tour, être attaq^é delamêm^
manière que le premier devant u^ troisième prince, et ce n*eat que
Tarrêt rendu par celui-ci qui donnait au jugement un caractère défl^
nitif et inattaqué. »
J'indiquerai aussi, oonune tout à fait spécial à la Roumanie, Texis-
tence dans la capitale de la. Valachie d'un tribunal, composé de trois
membres, qui jugeait les différends entre étrangers et indigènes. Co
tribunal était présidé par... le ministre des affaires étrangères. Voilà
une organisation qui paraîtra à bien des gens tout à fait bizarre.
C'était, cependant, très-sage et très-pratique. Les différends avec les
étrangers n'étaient pas, à cette époque, très-nombreux; mais, alors
comme aigourd'hui, ils entraînaient des conflits avec la cour suzeraine
et avec les Etats voisins. La situation des étrangers était réglée, en
grande partie, par des capitulations ou des coutumes internationales.
Qui était plus propre que le ministre des affaires étrangères à résoudre
pacifiquement de telles causes, à empêcher qu'on victimât ceç étran-
gers, à protéger les nationaux contre leurs empiétements?
Le Règlement organique de 1832 a intronisé dans les principautés
un régime mixte, qui a été remplacé de nos jours par une organisation
analogue à celle de la France. La justioe laisse encore à désirer en
Roumanie, mais elle est en progrès. A. A.
SCIENCES ET ARTS
crUlcfue sur la pbllosoplile de Mulnt Aiiselaie de
Cantorbéry, par M. Tabbé Van WEDDmeBN, docteur en philosoptûe et
en théologie, aumônier de la Cour. Bruxelles, F. Hayez, i875. In-8 de
vi-408 p.
L'Académie royale de Belgique avait inscrit la question suivante
dans son programme de concours pour Tannée 1874 : •— •< Exposer
— 49! —
aveo détails la philosophie de saint Anselme de Cantorbéry ; en faire
eonnattre les sources et en montrer Tinfluenoe dans l'histoire des
idées. » — Un jeune docteur de Tuniverslté catholique de Louvain,
M. Tabbé Van Weddingen, a reçu le prix proposé pour le meilleur
travail sur cette question, et la publication de son mémoire justifie
pleinement Thonneur que lui ont décerné les juges du concours.
La dialectique de saint Anselme, — ses vues sur la métaphysique
générale et ndéologie, — sur la nature de la substance physique, sur
la théodicée, — sur les rapports de la philosophie et de la théologie,
— y sont exposées et discutées, en cinq chapitres, avec Thistoire des
controverses nombreuses auxquelles ces doctrines ont donné lieu jus-
qu'à nos jours.
Un des représentants les plus distingués de la philosophie rationa-
liste dans notre pays, M. P. Janet, a reconnu et déclaré loyalement
que tous les écrits publiés jusqu'ici, sur la philosophie de saint An-
selme, étaient, non-seulement résumés avec une lucidité pénétrante,
mais surpassés par cette œuTre d'un jeune prêtre^ dont les premiers
succès doivent inspirer aux catholiques une vive sympathie et les
meilleures espérances.
M. l'abbé Yan Weddingen unit évidemment, dans une rare mesure,
l'ardeur patiente des érudits allemands, avec la clarté naturelle des
bons écrivains français. Son livre révèle les aptitudes les plus dési-
rables pour les travaux philosophiques et historiques. Puisse-t-il
avoir, dans notre jeune clergé, non*8eulement des lecteurs, mais des
émules nombreux! H. bb VALaoGBB,
de rOratoire.
Influence de la pression de l*alr sur la vie de I*liomme, —
Climats d'altitude et cUmats de montagne^ par D. Jouadanet, docteur en
médecine, chevalier de la Légion d*honneur. Paris, G. Masson» 1875. 2voI.
gr. in-8 de ui-390-425 p. avec 37 gravures, 3 chromolithographies et
8 cartes en couleur. — Prix : 30 fr.
Tout le plan général de Fauteur est indiqué par ces mots de sa
préface : « J'ai formé le dessein d'étudier les effets de la pression de
l'air sur la vie de Thomme et sur la marche des maladies dont il est
atteint le plus communément. » La pression de Tair pouvant d'ailleurs
être appréciée au double point de vue de Tobservation et de la phy-
siologie expérimentale^ le D' Jourdanet ne prétend s'occuper particu-
lièrement dans son ouvrage que « des conditions faites à l'habitant
des altitudes par une atmosphère raréfiée, » et il s'est inspii^â pour
cela d'un principe passé pour lui à l'état d'axiome, à savoir que a la
vraie nature des influences extérieures se juge bien mieux par let
maladies qu'elles causent à l'homme, que par la santé dont elles le
favorisent. »
— 492 —
Il semble donc que nous n'ayons devant les yeux qu'un ouvrage de
pathologie ; mais le savant auteur est, en même temps qu'un praticien
distingué, in littérateur et un écrivain, un philosophe et un artiste
non moinâ éminent, et c'est pourquoi son livre s'adresse, non pas seu-
lement à un groupe de lecteurs techniques, pour ainsi dire, mais à la
foule de tous ceux que peuvent intéresser l'histoire^ les sciences na-
turelles, les voyages, etc.
Essayons, malgré notre incompétence professionnelle sur quelques
parties spéciales de ce remarquable ouvrage, d'en donner une idée qui
en provoque la lecture et rétude;et, pour en finir tout de suite avec le
côté accessoire, mais néanmoins très-soigné de cette publication,
constatons qu'elle est splendidement ornée de portraits, de gravures,
de cartes, et qu'elle se place ainsi au rang des plus beaux ouvrages
sortis des presses consacrées aux livres illustrés.
La nature de ce recueil et l'espace dont nous disposons ne nous
permettent d'ailleurs de présenter ici qu'un résumé très-succinct.
L'ojivrage comprend cinq parties et un appendice. «
La première partie est consacrée aux études barométriques préli-
minaires ; l'histoire des premières observations et expériences sur la
pesanteur de l'air depuis Âristote jusqu'à Lavoisier, en passant par
Epicure, Galilée, Toricelli, Pascal^ Otto de Ouericque, Mariette et
Priestley, en occupe le premier chapitre, tandis que le second rap-
porte les observations sur la température des hauts niveaux due aux
aéronautes (art. 1*') et aux ascensionnistes (art. 2.), et en déduit les
lois générales de météorologie et d'hygrométrie. L'auteur, dans le
chapitre m, intitulé les Révolutions de Patmosphère et les âges baromé-
triques^ étudie la température et la pression de l'air aux âges préhisto-
riques et aux époques modernes. Sa conclusion, opposée à celle
de F. Arago, c'est que la telnpéra^ure s'est élevée sur le globe de
puis les temps glaciaires.
La deuxième partie, qui occupe 300 pages du premier volume, est
fort intéressante et instructive ; elle traite des Climats des altitudes.
C'est la synthèse d'un nombre prodigieux de recherches et d'observa-
tions dont la plupart sont dues au D' Jourdanet lui-même. Après les
considérations géographiques du premier chapitre, vient l'exposition
des travaux et des résultats acquis sur les altitudes de l'Asie centrale,
Himalaya, Thibet (chap. ii), de l'Amérique méridionale (chap. ni)
et du Mexique (chap. iv). Les chapitres v et vi sont consacrés à
l'exposé des expériences du D' Bert sur l'origine, les variations et les
effets de la pression barométrique. Avec le chapitre vu, nous rentrons
dans la description des voyages, ascensions, expériences diverses
d'Ardoz, du jésuite Acosta, de La Condamine, de Saussure, de Hum-
boldt, de Beaupland, de Boussingaiilt, etc., etc...; ce chapitre est du
-. 493 —
plus haat intérêt : il présente, dans un dernier article, de curieuses
considérations physiologiques sur le mal de montagne, sujet continué»
dans le chapitre suivant, lequel s^étend sur les difficultés de racclimata*
tien à certaines altitudes, sur la respiration^ le développement du
thorax, la circulation du sang et la calorification des habitants des
hauts niveaux. Les deux chapitres suivants traitent de l'influence de
ces hauts niveaux, jugée par les statistiques mexicaines, fruits
des voyages et travaux personnels de Fauteur.
Le deuxième volume comprend lestrois dernières parties et l'appen-
dice : dans la troisième partie, le D' Jourdanet se place exclusivement
sur le terrain professionnel et étudie les influences pathologiques des
altitudes sur diverses maladies, notamment sur Tanémie, la phthisie,
la fièvre jaune et le typhus, les maladies de l'enfance, les fièvres in-
flammatoires et éruptives, les fièvres paludéennes, etc. Un intéressant
chapitre est consacré à Victor Jacquemont, mort comme on sait des
suites d'une longue et douloureuse maladie contractée dans les alti-
tudes. Après avoir étudié dans la deuxième partie le climat des alti-
tudes, l'auteur s'occupe^ dans la quatrième, du climat des montagnes
et de son influence morale et physique sur les habitants (maladies
. chroniques, scrofules, goitres, etc.). De nombreux tableaux statistiques
résumant les observations de toute espèce, ajoutent un grand intérêt
à cette partie du travail du D' Jourdanet, qui aboutit à cette conclu-
sion que « les actions favorables de la montagne sont partout évidentes
chez les sujets qui viennent de la plaine, d De là, l'utilité d'une étude
sur les effets des transitions, et tel est, en effet, l'objet de la cinquième
partie. L'action des transitions barométriques naturelles une fois
constatée par l'observation des faits physiologiques et pathologiques,
ne peut-on en tirer un parti efflcace pour le traitement de certaines
affections au moyen de transitions barométriques artiflcielles ? C'est ce
que l'auteur appelle l'aéroihérapie ou application de l'air à la théra-
peutique ; il y consacre un dernier chapitre qui n'est d'ailleurs qu'un
rapide exposé des principales vérités servant de bases à son traité
complet d'aérothérapie, actuellement en préparation.
Dans l'appendice, l'auteur présente le résumé succinct des principaux
effets physiologiques dus aux variations dans la pression de l'air sur
Touïe, la peau, la respiration, la circulation, la digestion, etc...
Enfin des notes et documents supplémentaires offrent au lecteur de
fort intéressants mémoires sur divers sujets, tels que la région du ty-
phus à Mexico, les infiuences des niveaux en Abyssinie, à la Nouvelle
Grenade et aux Cordilières, un voyage de Laverrière au cratère du
Popocatepetl, une ascension aérostatique de Crocé-Spinelli, etc., etc.
F. DB ROQUBFEUIL,
— 494 -
Principes de botaiftlque» comprenant l'anatomie, Vorganographie et la
physiologie ^égétales^ avec une planche lithographiée et un atUu naturel
composé de seize planches renfermant deux cent vingt-six échantillons-types
fournis par de% plantes diverses, par MM. J. Gourdon, professeur de bota-
nique à rÉcole nationale vétérinaire de Toulouse, et Ch. Focrcadr,
naturaliste à Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne). Toulouse^ imp.Hébrail,
Durand et Delpuech, i875. In-4 de 52 p. et i7 pi. ; rel. en toile, renfermé
dans un étui. — Prix 18 fr.
Uonvrage dont nous annonçons la publication se recommande par
la nouveauté du plan sur lequel il a été conçu, ainsi que par son
utilité pratique. Ayant pour but de faciliter Tétude d'une science
aussi attrayante en elle-même qu*intéressante par les applications
nombreuses dont elle est Tobjet, il se distingue de tous les livres
publiés jusqu'à ce jour sur la botanique élémentaire, par ses âgures,
toutes formées par des plantes ou parties de plantes en nature,
choisies et préparées avec le plus grand soin, collées solidement et
de manière à leur conserver leur aspect propre* L'ouvrage comprend
deux parties, un texte et un atlas-album. Le texte, ou les Principes dé
botanique j que les auteurs se sont attachés à rendre accessible à tous,
en supprimant beaucoup de théories, de détails qui surchargent, sans
utilité immédiate, la mémoire des élèves, comprend : VAnatomieXOrS^'
nographie et la Physiologie végétales j c'est-à-dire toutes les définitions,
ainsi que les principes généraux de la botanique, h* Atlas-Album est
composé : P d'une planche lithographiée représentant les organes
élémentaires, qui ne peuvent être observés qu*au microscope ; 2* de
ieize planches, contenant environ deux cent cinquante figures en
nature. Les pièces qui les forment portent toutes leur nom, ainsi que
celui de la plante qui les fournit, de telle sorte que le seul examen
de l'atlas peut commencer à initier à la botanique le lecteur étranger à
ses premiers éléments; et cela, d'autant plus aisément que les types
ont été choisis et groupés de façon que chaque planche puisse donner
Une idée nette, bien que sommaire^ de un ou plusieurs organes
déterminés. Ainsi se trouve réalisé, pour ce qui concerne la science
botanique, l'enseignement par la vue et le toucher, dont la néceeiité
est si généralement reconnue aiigourd'hui pour toutes les branches de
l'histoire naturelle.
Pour répondre, autant qu'il est possible, à ce besoin, les livres
actuellement publiés sur la botanique sont tous enrichis de nombreuses
et souvent excellentes figures ; mais aussi parfaites qu'elles puisaent
être, les figures dessinées ne donnent jamais une idée complète des
parties représentées ; il leur manque la couleur, la forme vraie, le
relief, éléments sans lesquels elles ne peuvent laisser une impreseion
exacte et durable. L'ouvrage de MM. Gourdon et Fourcade a préci-
sément pour but de suppléer à l'insuffisance des figures ordinaires
— 40B —
0OUB 060 dlTen rapporiii 11 montre au lecteur, tels que les oflVe la
nature, rensemble des organes constitutifs de la plante, avec les
pricipales variétés qu'ils peuvent offrir. Il sera, par cela seul, utile
surtout aux débutants, pour les aider dans ces premiers pas de la
science toujours les plus difficiles à franchir, et après lesquels l'étude,
moins aride, a toi\jourS plus d'attraits. Telle est cette publication,
appelée à un succès certain dans ce public étendu parmi lequel Tétude
de la botanique tend de plus en plus à se répandre, mais qui nous
paraît avoir spécialement sa place marquée dans les Ijoées, les
institutions particulières, dans la généralité des établissements, en
un mot, où sont enseignées les sciences naturelles. E. d'à.
Mon Jlardin. Géologie. — Botanique — Histoire naÉurelk, — Cuitute,
par Alfred Svbk^ membre de la Société royale d'Angleterre et de la' Société
d'horticulture. Traduit de la seconde édition anglaise, par Ed. Barbier.
Paris, Germer-Baillière, 1873. In-8 de xvi-620 p. — Prix MBfr.
M. Alfred Smee s'est proposé, dans cet ouvrage, de décrire < son
jardin, » c'est-à-dire les plantes les plus importantes qui y poussent,
leur mode de culture, en un mot, tout ce qui Se rapporte au jardin*
En créant son jardin, Fauteur avait deux objets en vue : le mojen de
continuer des études commencées, et ia production de fruits, de
légumes et de fleurs pour sa résidence de Londres. Pour écrire ce
travail aussi difficile qu'attrajant, M. Smee a demandé conseil
à des savants versés dans toutes les branches de la science. C'est
ainsi que le D^ Graj, un des plus célèbres naturalistes anglais, Ta
aidé de ses lumières pour tout ce qui concerne les coquillages d'eau
douce et les coquillages terrestres; que le D'Oiinther a collaboré
avec lui pour les questions relatives aux poissons d'eau douce ; que
M. Woodward s'est mis à sa disposition pour les questions géolo-
giques. Sir Henri James et M. Alfred Tjlor, ont contribué à rendre
sa tâche plus facile pour certains travaux concernant la géologie.
Le D' Hooker, directeur des jardins de Kew, lui a donné une grande
quantité de plantes, et Ta aidé de ses conseils relativement à plusieurs
questions de botanique. Enfin le D' Bois-Duval a autorisé M. Smee à
copier dans son admirable ouvrage les figurés dont il pouvait avoir
besoin, de même que MM. Blakie et Gurtis. Quelle que soit l'as-
sistance qui ait été donnée à M. Smee, son livre n'aurait jamais été
aussi achevé ni aussi intéressant si ses mains n'avaient passé par là.
Il permet à tous, en effet, d'apprendre d'une manière agréable et
facile les principales notions de botanique et d'agriculture.
M. Smee donne d'abord la situation de son jardin dont il fait l'étude
géologique; il enseigne les principes du jardinage et énumère les ins-
•— 496 —
truments nécessaires aux travaux de ce genre. Il parle ensuite de ses
divers légumes, de ses arbres fruitiers, de ses différentes fleurs, de ses
parterres et de ses arbres forestiers. Enfln il donne un aperçu da
règne animal, montre les désastres causés par les gelées du printemps»
et termine en parlant des jardins des différents peuples. Ce bel
ouvrage contient 1,300 gravures sur bois et 25 planches bors texte
qui en rehaussent encore le prix. H. db B.
Dictionnaire des termes employé» dan» la Construction
et concernant la connaissance et l'emploi des matériaux; rouiillage qui sert à
leur mise en ceuvre ; Vutilisation de ces matériaux dans la construction des
divers genres d'édifices anciens et modernes ; la législation des bàHmentSy par
Pierre Chabat, architecte, professeur, préparateur du cours de construc-
tion civile au Conservatoire des arts et métiers. Paris, V« A. Morel, 1875.
Grand in-8 à 2 colonnes de i008 p. avec 3,000 gravures intercalées dans
le texte. — Prix : 60 fr.
Ministère dea XravauiL publics. Ports maritimes de la France.
Tome P^ De Dunkerque à Êtretat» Paris, Impr. nat., 1874. Gr. in-8 de
656 p. avec un atlas in-folio.
Les dictionnaires sont à la mode depuis quelque temps : ce sont
d'excellents auxiliaires lorsqu'ils sont bien faits, et celui que nous offre
aigourd*hui l'auteur des Fragments d^ architecture et des Bâtiments de
chemins de fer doit être, sans hésitation, placé dans cette catégorie.
Depuis que Tinstruction générale est devenue encyclopédique^ non-
seulement pour satisfaire ce besoin de l'esprit qui demande à con-
naître tout ce qui se passe à ses côtés, mais axissi pour arriver à ce que
chacun puisse gérer par lui-même les nombreux intérêts qui s'agitent
autour de lui, l'art de bâtir, et plus généralement l'art de l'ingénieur,
ne sont plus restés le seul domaine des spécialistes, et des publications
de toute sorte en ont révélé les secrets au grand jour. Mais on n'avait
pas encore de répertoire général, commode au point de vue des
recherches, abordable à tous et donnant, à coté de l'explication des
termes, la représentation exacte et variée de l'objet ou de la forme
décrits. Gomment, par exemple, saisir la nature de la plupart des
outils sans la représentation figurée? Il n'y avait, dans cet ordre
d'idées, que des ouvrages anciens, à des prix très-élevés, ou des
ouvrages spéciaux, comme le magnifique dictionnaire consacré par
M. VioUet le Duc à l'architecture du moyen âge.
C'est sur le type de ce splendide monument élevé à l'art de nos
pères que M. Chabat, doué d'une remarquable facilité de dessin pers*
pectif, a conçu le plan de son dictionnaire générai des termes employés
dans la construction. Ce mot construction, pris dans un sens restreint
désigne cette partie de l'architecture qui a pour objet Vexécution, et
c^est à ce point de vue principalement que l'auteur s'est placé, mais
en faisant en même temps entrer dans son cadre tout ce qui, de près
— 497 -
OQ de loin, se rattaohe à la constroction en prenant ce mot dans son
acceptation générale. G*est pourquoi il ne traite pas seulement deTétude
des matériaux considérés dans leurs qualités et dans leur mode d'em-
ploi, il présente aussi les applications diverses qui en ont été faites
dans l'art de bâtir depuis les temps anciens jusqu'à nos jours. Prenant,
par ezemplCy les principales classes d'édifices élevés par les différents
peuples, il donne une description succincte de leurs dispositions géné-
rales, et insiste sur la nature et le groupement des éléments qui les
composent, de manière à mettre, en quelque sorte, sous les yeux du
lecteur Thistoire de la construction et les progrès qui ont été accomplis
depuis Torigine dans cette branche de Tarchitecture. Les articles cha*
piteau et fenêtre nous ont paru, sous ce rapport, traités d'une manière
tout à fait supérieure : les types reproduits sont choisis avec goût, les
dessins ont du relief, nous allions même dire de la couleur.
Si nous avons, malgré nos trèS'Sincères éloges, quelque reproche à
adresser au consciencieux et fort érudit auteur de ce recueil, et c'est
là le rôle d^une critique impartiale qui cherche toujours le parfait,
quoiqu'il soit bien rare de le trouver en ce monde, nous lui demande-
rons de proportionner davantage, dans une seconde édition, l'étendue
de ses articles à leur importance. Ainsi le chapiteau et la fenêtre que
nous citions plus haut et qui sont parfaits en leur genre, sont trop
étendus relativement à Tarticle clocher, qui n'a pas deux colonnes. Ail-
leurs certains chapitres trés-étudiés et très- fouillés dans leur première
partie, le sont moins dans la seconde. Prenons par exemple le mot
Fbrme. Tous les types de charpentes en bois connus y sont à très-peu
près reproduits et discutés : mais, pour les charpentes en fer à grande
portée, nous n'y voyons que le type français à laPolonceau et le type
à croisillons^ et il n'y est point parlé des types anglais et américains
qui peuvent, dans certains cas, rendre de grands services. L'article
BRIQUE donne tout ce qu'en peut rechercher au sujet de la qualité, de
la cuisson, de la forme et de l'emploi de cette matière si essentielle à
la construction : on a cependant oublié la brique grisée qui, seule, peut
résister efficacement à l'action des eaux maritimes. L'article bouée
ne dit pas que leur emploi capital est celui du balisage dos côtes et du
signalement des roches à fieur d'eau. L'article chaussée dit qu'il y a
trois modes principaux de revétemeht, le pavé, l'empierrement et
le bitume ou asphalte, et que le premier de ces procédés est le plus
économique, bien que fatigant pour les chevaux et les véhicules.
Cela demanderait discussion ; c'est beaucoup trop absolu, car ce n'est
vrai que pour les chaussées à très-grande circulation. Mais encore
une fois, nous ne voulons pas faire à l'auteur de querelles d'Allemand :
ce ne sont là que de légères critiques de détail, qui montrent combien
nous estimons son œuvre, puisque nous voudrions voir l'auteur la polir
•— 496 —
truments nécessaires aux travaux de ce genre. Il parle ensuite de ses
divers légumes, de ses arbres fruitiers, de ses différentes fleurs, de ses
parterres et de ses arbres forestiers. Enfin il donne un aperçu du
règne animal, montre les désastres causés par les gelées du printemps,
et termine en parlant des jardins des différents peuples. Ce bel
ouvrage contient 1,300 gravures sur bois et 25 planches liors texte
qui en rehaussent encore le prix. H, db B.
Dictionnaire des termes employas dnns la CU>nBtructlon
et concernant la œrmaissanee et remploi des matériaux; Voutillage qui sert à
leur mise en œuvre ; Vutilisation de ces matériaux dans la construction des
divers genres d'édifices anciens et modernes ; la législation des bâHmerUs, par
Pierre Ghabat, architecte, professeur, préparateur du cours de construc-
tion civile au Conservatoire des arts et métiers. Paris, V« A. Morei, 1873.
Grand in-8 à 2 colonnes de 1008 p. avec 3,000 gravures intercalées dans
le texte. — Prix : 60 fr.
Ministère dea Travaux publics. Ports maritimes de Ij France.
Tome P^ De Dunkerque à Êtretat. Paris, Impr. nat., i874. Gr. in-8 de
656 p. avec un atlas in-folio.
Les dictionnaires sont à la mode depuis quelque temps : ce sont
d'excellents auxiliaires lorsqu'ils sont bien faits, et celui que nous offre
atgourd'hui l'auteur des Fragments d'architecture et des Bâtiments de
chemins de fer doit être, sans hésitation, placé dans cette catégorie.
Depuis que Tinstruction générale est devenue encyclopédique, non-
seulement pour satisfaire ce besoin de l'esprit qui demande à con-
naître tout ce qui se passe à ses côtés, mais aussi pour arriver à ce que
chacun puisse gérer par lui-même les nombreux intérêts qui s'agitent
autour de lui, l'art de bâtir, et plus généralement l'art de l'ingénieur,
ne sont plus restés le seul domaine des spécialistes, et des publications
de toute sorte en ont révélé les secrets au grand jour. Mais on n'avait
pas encore de répertoire général, commode au point de vue des
recherches, abordable à tous et donnant, à coté de l'explication des
termes, la représentation exacte et variée de l'objet ou de la forme
décrits. Comment, par exemple, saisir la nature de la plupart des
outils sans la représentation figurée? Il n'y avait, dans cet ordre
d'idées, que des ouvrages anciens, à des prix très-élevés, ou des
ouvrages spéciaux, comme le magnifique dictionnaire consacré par
M. YioUet le Duc à l'architecture du moyen âge.
C'est sur le type de ce splendide monument élevé à l'art de nos
pères que M. Chabat, doué d'une remarquable facilité de dessin pers-
pectif, a conçu le plan de son dictionnaire générsd des termes employés
dans la construction. Ce mot construction, pris dans un sens restreint
désigne cette partie de l'architecture qui a pour objet Vexécution, et
c'est à ce point de vue principalement que l'auteur s'est placé, mais
en faisant en même temps entrer dans son cadre tout ce qui, de près
— 497 -
on de loin, se rattache à la constrnction en prenant ce mot dans son
acceptation générale. C^est pourqnoi il ne traite pas seulement deTétude
des matériaux considérés dans leurs qualités et dans leur mode d'em-
ploi, il présente aussi les applicatious diverses qui en ont été faites
dans l'art de bâtir depuis les temps anciens jusqu'à nos jours. Prenant,
par exemple, les principales classes d'édifices élevés par les différents
peuples, il donne une description succincte de leurs dispositions géné->
raies, et insiste sur la nature et le groupement des éléments qui les
composent, de manière à mettre, en quelque sorte, sous les yeux du
lecteur Tbistoire de la constmction et les progrès qui ont été accomplis
depuis Torigine dans cette branche de T architecture. Les articles cha*
piteau et fenêtre nous ont paru, sous ce rapport, traités d'une manière
tout à fait supérieure : les types reproduits sont choisis avec goût, les
dessins ont du relief, nous allions même dire de la couleur.
Si nous avons, malgré nos très-sincères éloges, quelque reproche à
adresser au conscieAcieux et fort érudit auteur de ce recueil, et c'est
là le rôle d^une critique impartiale qui cherche toujourâ le parfait,
quoiqu'il soit bien rare de le trouver en ce monde, nous lui demande-
rons de proportionner davantage, daus une seconde édition, l'étendue
de ses articles à leur importance. Ainsi le chapiteau et la fenêtre que
nous citions plus haut et qui sout parfaits en leur genre, sont trop
étendus relativement à l'article clocher, qui n'a pas deux colonnes.Àil-
leurs certains chapitres très-étudiés et très-fouillés dans leur première
partie, le sont moins dans la seconde. Prenons par exemple le mot
Fbrmb. Tous les types de charpentes en bois connus y sont à très-peu
près reproduits et discutés : mais, pour les char'p&ntes en fer à grande
portée, nous n'y voyons que le type français à laPolonceau et le type
à croisillons^ et il n'y est point parlé des types anglais et américains
qui peuvent, dans certains cas, rendre de grands services. L'article
BRiQUB donne tout ce qu'en peut rechercher au sujet de la qualité, de
la cuisson, de ia forme et de l'emploi de cette matière si essentielle à
la construction : on a cependant oublié la brique grésée qui, seule, peut
résister efficacement à l'action des eaux maritimes. L'article boubb
ne dit pas que leur emploi capital est celui du balisage des côtes et du
signalement des roches à fieur d'eau. L'article chaussbb dit qu'il y a
trois modes principaux de revêtemeht, le pavé, l'empierrement et
le bitume ou asphalte, et que le premier de ces procédés est le plus
économique, bien que fatigant pour les chevaux et les véhicules.
Cela demanderait discussion ; c'est beaucoup trop absolu, car ce n'est
vrai que pour les chaussées à très-grande circulation. Mais encore
une fois, nous ne voulons pas faire à l'auteur de querelles d'Allemand :
ce ne sont là que de légères critiques de détail, qui montrent combien
nous estimons son œuvre, puisque nous voudrions voir l'auteur la polir
— M8 —
ad unguem^ ce qu'il fera bien oertainement pçur uoe édition faiure qoi
ne peut tarder à paraître^ car il j avait une lacune réelle à oombler,
et il serait yraiment trop-sëyère de demander au premier jet d*an
ouvrage aussi utile la perfection qu'il atteindra certainement dans
l'avenir. Tel qu'il nous est présenté, ce dictionnaire doit non-seulement
recevoir les encouragements de la critique, mais encore prendre hau-
tement sa place parmi les plus utiles publications qui aient, depuis
longtemps paru, sur Tart de bâtir.
-^ Nous nous étendrons moins longuement sur Timportante série
de travaux que le ministère des travaux publics a récemment entrepris
sur les ports maritimes de la France y parce qu'on ne peut pas la juger
encore définitivement : mais le premier volume qui comprend toute la
région maritime située entre Dunkerque et Ëtretat mérite cependant
une mention toute spéciale. C'est en 1868 qu'une décision ministérielle
a ordonné la publication d'un Atlas des ports maritimes de France et a
chargé une commission présidée par M. Tinspecteur général Rejnaad
d'arrôter les bases et de diriger Texécution de ce travail. L'ouvrage
comprend : les plans de tous les ports — des cartes à la fois hjdrogri^
phiques et territoriales, destinés à représenter les attérages de nos
principaux établissements maritimes, ainsi que leurs moyens de com-
munication avec l'intérieur du pajs — des notices donnant pour chaque
port les renseignements les plus essentiels sur ses abords^ ses condi-
tions nautiques, son développement successif et son état actuel.
La notice sur le port et la rade de Dunkerque a été rédigée par
M. l'ingénieur en chef Plocq» dont la réputation, comme spécialité des
travaux maritimes, est européenne : remontant aux origines les plas
anciennes du port de Dunkerque, M. Plocq en étudie toutes les trans-
formations successives, discute tous les projets présentés pour son
amélioration aux différentes époques et termine par la situation flo-
rissante actuelle & laquelle il a tant contribué. Outre les grandes
feuilles de l'atlas, un grand nombre de plans et de flgures intercalés
dans le texte permettant de suivre plus facilement les explications*
Gravelines a été étudié d'une façon analogue par le même auteur ;
Calais, par M. Aron ; Boulogne, le Portel et Ètaples, par M. Yivenot ;
Le Crotoy^ St- Valéry, Abbeville et le Bourdel, par M. deoffroj; ie
Tréport, Eu et Dieppe^j^Ar M.Lavoinne ; St^Valery^en-Caux, Fécamp,
Y fort et Étretat^ par M. Renaud. A la suite de chaque notice, on a
placé une bibliographie fort complète de tous les ouvrages déjà pu-
bliés sur chaque port.
Cette magnifique publication, qui comprendra un grand nombre de
volumes, fait le plus grand honneur au président de la commission
M. Rejnaud, et à tous ses collaborateurs. Rbnb Kirvilks.
- 490 —
lj*Ai*t et la GPlUque en Franoe* par Pibbrk Pbtroz. Paris, Germer
Baillière, 1875. In-12 de 339 p. — Prix : 3 fr. 50.
A Giiristlaii Palnt^r of the IVIneteenth Century Belngp the
WAte of Hlppolyte Flandrin. By the author of^A dominican aiH^t »
« Life of saint Francis de Sales, » etc., eto. London, Rivingtons, 1875. In-8
de 244 p.
On sera gaffisamment renseigné sur Tesprit et la portée da premier
onvrage, qnand on saura qu'il est écrit sous l'inspiration doctrinaire
d'hommes dont le nom seul vaut un système. L* auteur appartient à
Técole positiviste d*Auguste Comte et de M. Littré, et il revendique
hautement ce patronage. Son livre, fait d'articles publiés dans les
fascicules de la PAtïo«opAt>/)o«iVit;e^ sur diverses manifestations et œuvres
de l'école contemporaine, ne présente rien de particulièrement sail-
lant, si ce n'est la prétention délibérée de transformer Tart. L*éorivain
est un de ces révolutionnaires qui rêvent pour l'art des destinées nou-
velles, en le mettant à la remorque du mouvement positiviste de notre
temps.
a C'est à chanter les prodiges de l'homme, dit le maître cité
par rélève, sa conquête sur la nature, les merveilles de sa sociabilité,
que le vrai génie esthétique trouvera surtout désormais sous l'active
impulsion de Tesprit positif, une source féconde d'inspirations neuves
et puissantes, susceptibles d'une popularité qui n'eut jamais d'équiva-
lent, parce qu'elles seront en pleine harmonie, soit avec le noble ins-
tinct de notre supériorité fondamentale, soit avec l'ensemble de nos
convictions rationnelles. »
Et l'élève complète la pensée du maître en disant :
a L'art doit représenter le sentiment général de la société. Or,
la société étant irrémissiblement entraînée vers l'industrie et la
démocratie, l'art, s'il veut vivre et progresser, doit être industriel et
démocratique. »
Ces citations suffisent à faire apprécier tout le livre ; elles sont
ai^jourd'hui le mot d'ordre d'une école nombreuse, qui a l'espérance
de rejeter, dans le gouffre du passé, d'absurdes préjugés, et de diriger
Tavenir dans le sens de ses théories. A ce point de vue, elles sont
bonnes à connaître et on doit les mettre en relief.
Le lecteur n'a pas besoin de nos indications pour juger ces proposi-
tions audacieuses, que nous n'avons pas, d'ailleurs, mission de réfuter.
L'art et le positivisme, le beau et l'industrialisme, l'idéal et la
matière, sont des termes contradictoires que tout l'effort des novateurs
tentera vainement de concilier. Partant d'un point de départ contrairOf
ils arrivent, par des moyens différents, à un but complètement opposé.
L'une s'adresse à T&me ; l'autre travaille pour le corps ; le premier a
pour devoir de chercher le beau, destiné à produire le bien; le second,
fatalement enchaîné au laid, ne peut guère produire que l'utile; celui-
— 500 —
ci vit de rayons et d'échappées sur le monde supérieur; celui-là ne sort
pas* et ne saurait sortir du monde visible. L'art doit nous mener en
haut : l'industrie nous laisse en bas.
Il 7 a entre Tart et Tindustrie toute la distance qui sépare Fesprit
de la chair, le ciel de la terre et Tidéal de la réalité.
Le plus sûr moyen de stériliser et d'éteindre Tart est de le subor-
donner et plier àTindustrie, qui n'est qu'une comparse dans la vie, et
doit, garder comme on Ta dit, vis-à-vis de l'art, le rdle d'une ser-
vante à l'égard de sa maîtresse.
Quant à la démocratie, qu'il serait également trop long de discuter
à ce point de vue spécial, contentons-nous de rappeler qu'en abaissant
par son essence même, le niveau général des esprits, elle tend forcé-
ment à ravaler et compromettre l'art.
— A Christian Painter of the Nineteenth Century, benig the life of Bip-
polyte Flandrin est un livre conçu dans un esprit tout opposé et rempli
de vues excellentes. Il étudie la vie, l'œuvre, la correspondance
d'Hippolyte Flandrin, et montre sous son véritable jour la foi, la piété,
le génie de ce grand peintre, que l'école »ne remplacera point. S'il
n'apprend rien aux lecteurs français, familiarisés avec les figures de
l'art contemporain, ce livre peut produire d'utiles résultats, en popu-
larisant à l'étranger les traits principaux d'un artiste, digne à jamais
du respect et de l'admiration de tous les amatears d'art et de tous les
philosophes chrétiens. Dubosc de Pbsquidoux.
Li'Art en il.l«ace-I^orralne, par RexNé Ménard. Paris, libr. de rArt,
3, chaussée d'Antin et Ch. Delagrave, i876. Gr. in-8 de 558 p.,. avec
52 palnches et 3i7 grav. intercal. dans le texte. — Prix : 2$ fr.
Ce livre est plus émouvant que la plupart des doléances, trop sou-
vent déclamatoires, faites par ceux qui veulent formuler les
regrets patriotiques causés dans leurs cœurs par la perte de TAl-
sace et d'une partie de la Lorraine. M. René Ménard a eu l'heureuse
pensée de mettre à la portée de tous un véritable musée, donnant
une idée de la large place occupée par ces deux provinces dans Thi»*
toire de l'art français. Pour chacune d'elles, l'auteur a suivi un plan
uniforme : d'abord un précis de l'histoire de l'art depuis les premiers
temps du moyen âge jusqu'au dix-huitième siècle ; ensuite une notice
sur chacun des artistes alsaciens et lorrains qui appartiennent à notre
époque : ceux qui ont disparu, de même que ceux dont nous pouvons
serrer la main; pour la plupart, la notice est accompagnée d'un spé-
cimen de leurs œuvres ; enfin un choix des principaux monuments
civils et religieux. — Les nombreuses gravures sur bois et eaux-fortes
sont exécutées avec un grand soin; quelques-unes sont dues à des
artistes dont le nom figure dans l'ouvrage.
— 301 —
C'est avec une orgueilleuse douleur que Ton feuillette ce beau vo-
lume. En effet, en même temps que le lecteur regarde et admire tris-
tement les images de tant de belles choses aujourd'hui reléguées sur
la terre étrangère par le hasard des batailles, il ne peut s'empâcher
de penser que, dans le nord-est du vieux sol gaulois, Tabsencede l'in-
âuence française marquera un long arrêt dans le domaine de l'art.
Il suffit de voir ce que la France fit à Tart alsacien depuis la fin du
dix-septième siècle. D*ailleurs^ dans la liste des artistes contemporains
originaires de cette province, nous en voyons plus d'un, aimé du
public, qui n*a pas hésité à quitter son pays natal envahi, pour venir
sur le sol de la mère patrie.
Une grande partie de la Lorraine nous est restée ; mais, avec le pays
messin, nous avons subi une véritable perte, au point de vue artistique
comme au point de vue des sciences et des lettres qui, il y a encore
six ans, y étaient cultivées avec succès ; comme en Alsace, et pour
les mêmes raisons, ce foyer est éteint; il n'existe plus qu'à Nancy,
jadis rivale de Metz.
Nous recommandons le livre de M. Ménard; c'est un album accom-
pagné d*un texte sobre et concis, qui peut prendre place sur toutes les
tables. A la différence de certains beaux volumes illustrés, nous ne
pensons pas que les yeux de personne puissent y trouver un siget sca-
breux. Jbhan db Malmt.
BELLES-LETTRES
Aa«yrl«che fttudlen. Von D' Friedrich Deutzsch, Privatdacenten an
der UniversUat Leipzig. Heft L Assyrische Thiemamen mit vielen Excursen
und einem assyrischen und akkadischm Glossar. (Etudes assyriennes. Première
partie. Les noms des animaux en assyrien^ suivis de plusieurs appendices et
d'un glossaire assyrien et accadien.) Leipzig, Hinrichs, i874. In-S® de vui-
i83 pages.
L* Allemagne, après avoir dédaigné longtemps l'assyriologie, com-
mence enfin & s'y appliquer avec soin. M. Eberhard Schrader s'est
placé à la tête du mouvement en faveur de l'étude des antiques débris
de la vieille littérature de Ninlve et de Babylone, et il a publié quel-
ques travaux remarquables, que le Polybiblion a fait connaître à ses
lecteurs. C'est un de ses élèves, M. Friedrich Delitzsch,fils du célèbre
exégète» Franz Delitzsch, qui a publié, à la fin de 1874, l'étude sur les
noms des animaux en assyrien que nous annonçons ici. Le jeune auteur
a compulsé surtout le second volume des Cuneiform Inscriptions of wes-
tern Aeia^' publié par sir Henry Rawlinson, et y a trouvé, dans ses
nombreux syllabaires, qu'on pourraitappeleraussi des lexiques fragmen-
taires, plusieurs listes de noms d'animaux. Il s'attache à les expliquer
— 809. —
■»
en les comparant aux noms analogues que lui préseotent les dietîon-
naires des autres langues sémitiques. Très-versé déjà dans la connais-
sance des idiomes orientaux et fils d'un des plus savants orientalistes
d'Allemagne, qu'il a sans cesse consulté, il a fait cette comparaison
avec autant de science que de succès. Après une introduction dans
laquelle il expose ce que sont les syllabaires assyriens, il étudie soc*
cessiyement les noms des quadrupèdes^ les noms des insectes,
les noms des poissons et les noms des oiseaux. Le but que s^est
proposé, avant tout, M. Friedrich Delitzsch est un but linguis-
tique et lexicographique, mais son travail nUntéresse pas seulement
les philologues en général et les sémitisants en particulier, il intéresse
aussi tous ceux qui s'occupent des civilisations antiques. Il nous révèle
en effet quelles étaient les connaissances des Assyriens et des Chai*
déens dans cette branche de Thistoire naturelle ; il nous apprend, non
pas seulement combien d'animaux étaient connus de ces peuples, en
nous en offrant une riche nomenclature, mais aussi l'idée qu'ils s'en
faisaient, car les noms de ces animaux ne sont généralement qu'un
qualificatif qui peint le trait saillant de leur caractère, tel que le con-
cevaient ceux qui les désignaient ainsi. C'est une étude très-curieuse
que celle des observations de mœurs animales faites par les anciens
habitants des bords de l'Euphrate et du Tigre. Le loup est pour eux
(( un chien glouton^ a le chat « celui qui tend des embûches, » et son
nom vient de la racine Satan, d'où les Hébreux ont tiré aussi le nom
de Satan. Les listes des syllabaires assyriens énumèrent une multitude
d'espèces de chiens, de mouches, de sauterelles.
Le savant prioatdocent n'a pu découvrir la véritable signification de
plusieurs noms d'animaux ; il n'a proposé la signification de quelques
autres, qu'avec hésitation, et de nouvelles découvertes dans Tiaê-
puisable bibliothèque assyrienne d'Assurbanipal, conservée aijù^^^'^^^
au Musée britannique, feront reconnaître, sansdoute, plus d'une erreur
dans ses Études, mais le mérite de son travail n'en restera pas moins
très-grand. Les neuf appendices qui terminent le volume s'occupent
de sujets divers, parmi lesquels on remarque ceux qui traitent de
Faloês, du baume et dunard, des charges militaires et civiles, des espèces
d'armes, des diverses parties d'un navire, etc. L'ouvrage se termine
par un glossaire complet de tous les mots assyriens et aooadiens qa'il
renferme. F. G.
Ca Guerre de Metz en 139419 poème du quatorzième siècle^ publié par
£. DE Bouteilles, suivi d'études critiques sur le texte par F. BoMNàDor, et
précédé d'une préface par Léon Gautier. Paris, Firmin Didot, 1875. In-9
de xxv-512 p. — Prix : 12 fr.
Il y a, dans Paris, bien des gens — et même panni ceux qui soai
— 503 —
aases lettrés — qui font de singulières confusions géographiques. On
s'est félicité de l'annexion de Nice et de la Savoie ; on a déploré la
perte de l'Alsace et de la Lorraine ; sis ont conclu de ces alliances de
noms, que le comté de Nice touchait à la Savoie et que l'Alsace for^
mait avec la Lorraine une contrée ayant des antécédents, un aspect
un caractère, des intérêts communs. Gomme il est rare qu'une erreur
arrive seule, comme
Une ohote toujours entraîne une autre ohute,
on s'est imaginé aussi que Nice parle italien, tandis qu'elle possède
un dialecte local très-voisin du provençal, et que, cMnme Strasbourg,
Metz parle allemand, ce qu'elle n'a fait à aucune époque. Elle a tou-
jours, ainsi que le dit M. Léon Oautier, • parlé firançais à plein
gosier. » C'est à Metz qu'est né, cela semble du moins très-probable,
l'auteur de V image du Monde, un de nos plus vieux poëmes. C'est le
Pajs-Messin qui parait avoir produit la belle geste des ZoA^rratiif, et
voici un livre qui nous donne un curieux échantillon de ce qu'était au
quatorzième siècle la langue de la vieille ville libre. Ce livre est le
récit de la guerre que, l'an 1324, le roi de Bohême, Jean de Luxem-
bourg, fit à la cité de Metz, avec le concours de Baudouin^ archevêque
de Trêves, de Ferry lY, duc de Lorraine et d'Edouard I**, comte de
Bar. De mérite littéraire, cette chronique rimée n'en a ni plus, ni
moins que beaucoup d'œuvres du même genre et de la même époque;
on peut l'avouer, car elle en a un autre indéniable, elle offre un
tableau très-animé, très-vrai, très-vivant, elle nous transporte réelle-
ment au milieu d'une ville du quatorzième siècle. Sous ce rapport,
elle a une valeur incontestable, qu'augmentent encore tous les rensei-
gnements d'espèces diverses dont elle, a provoqué l'intéressante réu-
nion. Il y a tant de choses et d'excellentes choses dans ce beau
volume, que nous voulons procéder par ordre à leur indicatioAi en
regrettant de n'avoir pas assez d'espace pour nous arrêter à chacune
d'elles autant que nous l'aurions 4^8iré et qu'il le faudrait.
M. de Bonteiller dédie l'œuvre à laquelle il a donné taut de soins
à la ville de Metz, dont il fut le député. Cette dédicace est suivie de
quelques lignes où l'auteur paye sa dette de reconnaissance aux per-
sonnes qui Tout aidé dans sa publication. 11 passe ensuite là plume à
M. Léon Gautier, qui, par une préface très-chaudement écrite,
prépare à la lecture que l'on va commencer. Â cette préface
succède une introduction dans laquelle M. de Bouteiller esquisse une
histoire du passé de Meta et entre dans tous les détails de la guerre
que la chronique racontera. Après ces nombreux prolégomènes on
arrive enfin à cette chronique, elle est composée de deux cent quatre-
vingt-seize stances de sept vers octosyllabiques dont M. de Bou-
teiller a parCaiieinent fait de donner une traduction en regard du
— 504 —
texte qui aurait quelquefois pu embarrasser le lecteur, traduction qui
n*a pas dû être la partie la plus facile de sa tâche.
Le poëme est suivi de notes fort détaill<^es; puis viennent diverses
pièces de vers se rattachant à la guerre de 1324, abruptes, d'une fac-
ture populaire, obscures quelquefois, et dont il eût été mal aisé de
comprendre les allusions satiriques sans Tinielligent commentaire
dont elles sont accompagnées. Des preuves tirées des Archives Natio-
nales, des archives de Metz, de Goblentz et de Luxembourg, complè-
tent rintérét historique de cette publication. Enfin, le livre se termine
par une étude critique du texte ; c'est le travail très-important d'an
érudit dont la compétence en pareille matière est bien connue des
philologues. On se rappelle le mémoire de M. Bonnardot sur les
chartes françaises de Lorraine et de Metz et sa notice sur un texte
de^Lokerraim, — N'oublions pas de dire encore que quatre index,
composés avec soin facilitent toutes les recherches que Ton peut
avoir à faijre dans ce volume si bien rempli.
Pour donner Tidée la plus favorable de Texécution matérielle de ce
beau livre, il suffit de rappeler qu'il est édité par la librairie Firmin
Didot ; nous ajouterons cependant que des manuscrits appartenant à
la bibliothèque de Metz, que de vieux édifices de cette ville ont
fourni à deux de ses enfants, MM. Bellevoje et Hurel, tous les motifs
d'encadrements, de vignettes, de culd-de-lampe, dont tant de pages
ont été ornées avec autant de luxe que de goût.
Th. db Putmajorb.
ÏÏjem Conte» de Cbarles Perrault. — Cotites en vers. Histoires ou
contes du temps passé (Contes de ma mère Loye,) Avec deux essais sur la vie et les
Œuvres de Perrault et sur la mythologie dans ses contes, des notes et va-
riantes et une notice bibliographique^ par André Lbfèvre. Paris, Alph. Le-
merre, 1875. In-16 de lxxx-182 p. — Prix : 2 £r. 50.
Même après la splendide édition des Contes de Perrault, due aux
soins de M. Gh. Giraud (de l'Institut), qui parut chezLe Glére, en 1865
(1vol. in-8, imprimé par Louis Perrin), il restait à donner de ces char-
mants récits une édition qui, moins luxueuse, moins coûteuse, fût plus
portative^ plus commode, e4; qui, avec un texte encore plus pur, ren-
fermât surtout plus d'éclaircissements. A ce dernier égard^ les plus diffi-
ciles seront satisfaits : M. Lefévre a tout dit sur la vie de Perrault, sur
ses œuvres en général, sur ses contes en particulier, ainsi que sur les
rapprochements à établir entre les contes de Perrault et les contes
antérieurs les plus célèbres de tous les pajs. Pour la biographie de
Fauteur de Cendrillon et du Petit Poucet divisée en sept chapitres (/eu-
nesse de Charles Perrault^ Perrault commis de Colbert^ PerroMli académie
den^ Perrault défenseur des modernes, Conte badin attribué à Perremlt^
Engouement pour les contes de fies vers 1690, Les contH de Perrault en
— ao8 —
vers et en prose), M. Lof ôvre s'est heureusement servi deg Mémoires
de Tadversairo de Boileau. Les notes et variantes, qui manquent à l'édi-
tion Giraud, rendent indispensable la nouvelle édition de ces contes
qui garderont toujours une suave fraîcheur et, si je puis ainsi dire,
une immortelle jeunesse. Enfin, je dois une menti on spéciale à la biblio-
graphie (p. 167-179) qui, on s'en aperçoit bien vite, a été dressée par
un homme entre les mains duquel ont passé toutes les éditions qu'il
signale avec une si minutieuse exactitude. 11 est imprudent d'appli-
quer à quelque ouvrage que ce soit Téloge immense que résume le mot
définitif, et pourtant je n'hésiterais pas à effacer le peut-être dans cette
phrase de M. Lefévre(p. vi) : « N'est-ilpas naturel, en publiant cette
nouvelle et peut-être définitive édition de Peaud'Ane, de Cendrillon^
de la Belle au bois donnant, de Barbe-Bleue^ n'est-il pas juste de placer
en tête de ces contes la biographie de celui qui ne vit que par eux ? »
T. DB L.
•lacques Créttneau-JToly, sa vie politique, religieuse et littéraire^
d'après ses mémoires, sa correspondance et autres documents inédits, par
M. Tabbé U. Maynârd, chanoine de Poitiers. Paris, Finnin-Didot ; Pton, et
Brayet Retaux^ 1875. In-8 dexv-54i p., avec un portrait et un fac-similé.
— Prix :7 fr. 50,
La mémoire de M. Crétineau-Joly, si vivement attaquée durant sa
vie, méritait d'autant plus d'être défendue, qu'on visait moins en
lui l'homme, imparfait comme tous les hommes, que les grandes
causes dont il était devenu un des plus ardents champions. M. l'abbé
Majnard est venu à la fois venger l'honneur de l'écrivain, souvent
accusé de vénalité, affirmer l'autorité de ses ouvrages, prétendait-on,
écrits sur des documents imaginaires, et, nous ne craignons pas de le dire,
s'il a rendu service à la famille de l'auteur, la monarchie et la religion
ne lui doivent pas moins de reconnaissance. Attaché à M. Crétineau-
Joly par les liens d'une étroite amitié, ayant eu avec lui des rela-
tions presque quotidiennes, muni de tous les papiers et documents
qu'il a laissés, personne n'était plus capable que lui de faire la lumière ;
et son cœur est trop haut placé, ses convictions sont trop vives et trop
sérieuses pour qu'il ait jamais tenté de plaider pour l'ami contre les
principes. 11 ne craint pas de nous le montrer rude comme un vieux
sanglier (ainsi qu'il s'appelait quelquefois), vantard, personnel, s' at-
tribuant le mérite de découvertes qui n'en étaient pas, batailleur,
frappant quelquefois à tort et à travers, un moment injuste envers
Pie IX, dépassant souvent, dans la polémique, les bornes du respect
et des convenances. Il raconte aussi bien les erreurs de sa jeunesse
sous la soutane qui le fit entrer dans le cabinet du duc de Laval,
ambassadeur à Rome, sans l'empêcher de publier des volumes de
DÉCEMBRE 1875. ' T. XV, 33.
— 506 —
poésies que n'inspirait pas toujours l'Écriture sainte^qu'il nous retrace
son retour sincère et complet aux pratiques chrétiennes, et sa mort
édifiante et pleine de consolations. Il excuse quelquefois, jamais il ne
cache ni n'atténue la vérité.
Crétineau-Jolj fut, par-dessus tout, un polémiste anti-révolution-
naire, et comme tel monarchique et catholique. Son histoire n'est
guère que celle de ses ouvrages, des négociations qui ont amené
leur composition, leur publication, des discussions qu'ils ont sou-
levées. Après quelques détails, où ne manquent point les traits
piquants, sur sa jeunesse, son séjour à Rome, ses œuvres poétiques,
pour la plupart heureusement oubliées aujourd'hui, nous arrivons à
Técrivain, qui.fut journaliste avant d'être historien. Ses principales
étapes dans cette partie de sa carrière sont à Nantes, dans C Hermine^
au moment de Taffaire de la duchesse de Berrj ; dans la Gazette du
Dauphiné, à Grenoble ; puis dans le Nord, de Bruxelles, dont la créa-
tion donna lieu à de longues et curieuses négociations; les révélations
les plus intéressantes sont relatives à Tenlèvement, du greffe de
Rennes, d'un dossier compromettant pour les légitimistes, à des rela-
tions avec M. Teste, et à l'affaire Didier, à Grenoble.
Comme historien royaliste, le premier et le plus beau titre de Créti-
neau est son Histoire de la Vendée militaire, pour laquelle Tavaient prédis-
posé sa qualité de chouan, sa connaissance du pays et les documents qu'il
s'était procurés par ses relations comme journaliste légitimiste : livre
plein de révélations et de faits nouveaux, quoique ne montrant pas
toujours les choses sous leur vrai jour et se piquant de cette impartia-
lité qui frappe d'abord sur les amis, pour pouvoir ensuite tomber avec
plus de liberté sur les ennemis. Viennent ensuite : Y Histoire des Traités
de 1815, qui lui fut surtout inspirée par la reconnaissance envers le
baron Dudon ; t Histoire de l'orléanisme, où se trouvent mêlés MM. de
la Guéronnière et de Persignj, qui ont même été ses élèves dans
Y Europe monarchique; l'Histoire des trois derniers princes de la maison
de Condé, qui est comme une revanche contre l'Empire, du secours
qu'il lui avait donné dans son précédent ouvrage*
Comme historien religieux, Crétineau fut encore entouré de plus
d'intrigues, attaqué plus violemment et plus gêné dans ses allures. Il faut
lire toutes les négociations qu'exigea l'Histoire des jésuites, rédigée sur la
demande et avec les documents fournis par la Société de Jésus ; les polé-
miques qu'elle souleva avec le malheureux P. Theiner, avec de faux
amis ; toutes les accusations qu'elle valut à l'auteur, qui se brouilla avec
les Pères, pour se réconcilier plus tard avec eux. Ce fut encore pis pour
l'Histoire des sociétés secrètes, demandée par Grégoire XVI, approuvée
par Pie IX, parla cour de Vienne, À laquelle il fallut renoncer, après
de nombreuses recherches dans toutes les chancelleries^ partioulière-
— 507 —
ment à Rome et à Viemie, avec le concours du prince de Mettemich,
et qui est aujourd'hui complètement détruite ; mais une partie a passé
dans VBistoire du Sunderbund, sili^juste envers Pie IX, et dans l'Église
romaine en face de la Révolution. Qui ne se souvient de la tempête,
non encore calmée, que souleva la publication des Mémoires de
Consalvi et leurs révélations écrasantes sur le Concordat? Rappeler
tous ces ouvrages, c'est enumérer les titres de Grétineau-Joly à la re-
connaissance des catholiques. M. l'abbé Maynard analyse ces ouvrages,
en fait connaître le fort et le faible,, en raconte Torigine, révèle la
source des documents nouveaux qui ont été pour beaucoup dans leur
succès, et dévoile toutes les intrigues ourdies contre, Fauteur, tant
pour Tentraver que pour lui ôter tout crédit et étouffer sa voix ; c'est
un piquant chapitre d'histoire littéraire, où l'histoire générale a aussi
sa part. Nous recommandons surtout la partie relative au Concordat.
Si nous parlions comme simple lecteur, nous dirions à l'auteur que
son livre nous a tellement attaché que nous ne l'avons quitté qu'après
l'avoir terminé. Mais^ comme critique et en pensant au public, nous
devons avouer que M. Tabbé Maynard se complaît trop dans la publi-
cation de correspondances et de documents^ s'attarde dans des détails
et des considérations trop développées pour expliquer l'origine de
certains ouvrages, lès intentions et les vues de Crétineau- Joly ;
c'est là seulement que l'ami se trahit. René db Saint-Mauris.
HISTOIRE
Voyage au pôle IVord des navlrea la Hansa et la Ger-
manla» rédigé, d'après les relations officielles allemandes, par G. Gour-
DAULT. Avec 3 cartes et 80 grav. Paris, Hachette, 1875. Gr. in-8 de 432 p.
— Prix : iO fr.
Les régions dites circumpolaires ont été, dans ces dernières années,
le théâtre de nombreuses explorations qui ont enrichi de quelques
nouveaux cantons nos cartes géographiques. Celle dont M. J. Gour-
dault offre le résumé au public français n'est pas la moins intéressante,
bien que le titre du présent volume n'en soit peut-être pas très-exac-
tement choisi, ^expédition de la Bansa et de la Germania avait en
effet pour mission moins de chercher à atteindre le pôle, qu'à relever
la côte orientale du Groenland , et àpréparer,pour ainsi dire, les voies
à une exploration ultérieure. Les instructions rédigées par le célèbre
et infatigable docteur Petermann furent suivies par les navigateurs
autant que les circonstances le permirent. Us atteignirent la banquise
du Groenland entre les 73 et 74* de latitude ; un peu plus haut, une glace
compacte leur ferma bientôt le passage, et, après avoir hiverné près
— 508-
d'une année dans File Pendulum^ la Gertnania regagna rAllemagne
sans avoir pu s'élever au-delà de 75^ 29\ Les membres de Texpédîtion
avaient atteint en traîneau le 77°. — On sait que, dix ans auparavant,
rAméricain Hayes avait pu, sur la côte occidentale, remonter avec £on
navire jusqu'au 82° 30*. — Les résultats scientifiques de- rexpédition
compensèrent largement Timpossibilité où se trouvèrent les hardis
explorateurs de s'élever plus au nord. Des collections importantes et
considérables d'histoire naturelle ont été recueillies, ainsi que de
nombreuses observations astronomiques et physiques, et la côte
orientale du Groenland a été relevée sur une étendue d'un degré au
moins au-delà du point extrême antérieurement reconnu.
Presque au commencement du vojage, dans les environs de l'ile
Jean-Majen, le 20 juillet 1869 (le départ avait eu lieu le 16 juin pré-
cédent), par suite de la fausse interprétation d'un signal de la
Germania, la Bansa, au lieu de la rallier, s'était énergiquement portée
vers Touest, et ce malentendu, au milieu d'un brouillard boréal, fut la
cause de la séparation des deux navires dont les équipages ne se
retrouvèrent que quatorze mois plus tard. L'histoire de celui de la
Hansa, pendant ces quatorze mois, forme l'épisode le plus émouvant de
la campagne. En octobre, la glace écrasa le navire dont on ne put
sauver qu'un peu de bois et les bordages. Heureusement qu'en prévi-
sion de cette catastrophe, la plus grande partie des provisions avait
été transportée sur la banquise. Mais bientôt celle-ci se fendit, et
l'équipage sa trouva sur un immense îlot de glace flottante, à la dérive
dans l'Atlantique, avec trois embarcations, des vivres et du combus-
tible, ce qui lui permit de se construire une hutte en briques de char-
bon de terre et d'envisager sans désespoir sa terrible position. Son
installation pour un long hiver polaire était donc aussi bien organisée
que possible ; mais, au commencement de janvier, au milieu d'une
épouvantable tempête, Ttlot de glace se sépara en deux, et la rupture
eut précisément lieu sous la hutte I... Personne ne périt, les embar-
cations et la majeure partie des provisions se trouvèrent providen-
tiellement sur le même glaçon. Celui-ci, dérivant vers le sud, voyait
tous les jours sa surface diminuer par la rupture partielle de ses bords.
Plusieurs hommes, de crainte d'être surpris par un nouvel accident,
durent coucher dans les embarcations... toujours parées d'ailleurs à
prendre la mer. Enfin, au printemps, ils étaient redescendus jusqu'au
61^ et réussirent alors, à l'aide de leurs chaloupes, à aborder la côte
sud-est du Groenland. Us avaient ainsi parcouru plus de 200 milles,
et, lorsqu'après avoir, avec des peines infinies, doublé le cap FareweU,
il arrivèrent à Frédériksdal, l'un d'eux était devenu fou!... Ils
n'avaient pu reconstruire artificiellement leur glaçon flottant à mesure
qu'il s'ébréchait, comme le fantaisiste J. Verne l'a imaginé dans son
— 809 —
Pays des fourrures. Il est même j^evL probable que Fidée leur en soit
venue à l'esprit. Cet épisode n'en reste pas moins un des plus dra-
matiques de l'histoire des naufrages, et c'est dire tout l'intérêt du
nouveau volume dont l'exécution typographique et les illustrations ne
laissent d'ailleurs rien à désirer au lecteur, ainsi qu'il est dans les
habitudes de la maison Hachette.
Nous serions heureux de voir Tauteur du Voyage au pôle Nord^ qui
a tiré si bon parti des relations allemandes officielles, publiées dans
les Mittheilungen de Petermann, nous donner également un bon
résumé des expéditions du Polaris et du Tegethoff.
F. DB ROQUBFBUIL.
Oernler Journal du Docteur O. KilvlngpBtone, rdatant ses ex-
plorations et découvertes de 1866 à i873, suivi du récit de ses derniers moments^
rédigé d'après le rapport de ses fidèles serviteurs, Chouma et Souzi^ par H.
Waller, membre de la Société générale de géographie de Londres, ou-
vrage traduit de Tanglais, avec rautorisation des éditeurs, par M. H.
LoREAu, et contenant 60 gravures et 4 cartes. Paris, Hachette, 1875. 2 grand
vol. in-8 de vin-394-4i6pages. — Prix : 20 fir.
Un intérêt douleureux s^attache désormais au nom de Livingstone.
Aujourd'hui que toutes les circonstances de sa mort sont connues, on
ne sait ce qu'on doit admirer le plus chez ce grand homme, auquel on
doit de si importantes découvertes^ la science, la philanthropie, la
persévérance^ le courage, le caractère, la foi, la résignation. Nous
avouons avoir été particulièrement ému, en parcourant les pages de
ce dernier journal, de la profondeur du sentiment religieux dont elles
sont pleines, et des élévations de cette intelligence supérieure vers
Dieu, créateur et rédempteur. A chaque page, pour ainsi dire, on
touche du doigt la grande pensée civilisatrice de l'abolition de Tes-
clavage qui a inspiré tous les travaux de Livingstone, et à laquelle^
dans une pensée d'amour de Dieu et de l'humanité, il a consacré sa
vie, écoulée pour un bon tiers loin des siens, loin de sa patrie, sous
un climat meurtrier,au milieu de toutes les vicissitudes, de toutes les
difficultés, de toutes les misères imaginables. L'énergie de cet
homme était incomparable.Lorsque, épuisé de privations et de fatigues
en proie à des fièvres qui le minaient depuis deux ans sans Tarrêter, il
fut enfin dans l'impossibilité de continuer ses explorations, ses fidèles ser-
viteurs, réduits à le porter dans une espèce de palanquin, s'arrêtè-
rent un jour au village de Schitannubo de Tllala, Livingstone n'était
déjà plus qu'un cadavre, soutenu seulement encore par une volonté de
fer. Le dernier feuillet de son journal porte la date du 27 avril 1873.
Trois jours après, les souffrances ayant augmenté, le délire s'empara de
lui au milieu de la nuit; il appela Sanzi,et,lui ayant demandé de l'eau.
- 510 —
le renvoya. Que ee paasa-^t^il alors? Livlngstone eut éyidemment le
sentiment de sa fin très-prochaine; il comprit qae l'agonie allait com-
mencer, et il voulut, par un suprême effort, conformer sa mort à sa
vie ; il voulut que son dernier soupir fût une dernière prière. Une
heure après, quand Sanzi entra avec quelques autres, le lit était
vide... Son maître s'était levé... Une bougie, collée sur la table par sa
propre cire, jetait une clarté suffisante poar le bien voir. À genoux et
penché en avant, Livingstone avait la tête dans ses mains, qui
étaient croisées sur l'oreiller. Ils le regardèrent pendant quelques
instants, et ne virent aucun signe de respiration. Mathieu (l'un de ces
hommes) lui posa doucement le doigt sur la joue; elle était froide:
Livingstone était mort...» On sait que sa dépouille mortelle fut rame-
née dans sa patrie, et repose aujourd'hui à Westminster, — solennel
et dernier hommage rendu par T Angleterre à Tun de ses plus glorieux
enfants.
Ses papiers aussi, ses cartes, ses instruments ont été recueillis et
conservés. Livingstone portait constamment sur lui un carnet, sur
lequel les moindres faits et observations étaient consignés avec soin :
quand, un jour, tout le papier blanc des carnets fut épuisé, il mit en
cahier de vielles gazettes, et écrivit sur leurs feuillets jaunis par Thu-
midité africaine^ en travers de l'impression. Or, par un bonheur ines-
péré, pas une de ces notes quotidiennes n'a été perdue; le récit est
complet, depuis le jour ou Livingstone quitta Zanzibar, en mars 1866^
jusqu'au 27 avril 1873. Le déchiffrement des notes écrites sur les vieux
journaux a pleinement réussi^ et tout est aujourd'hui publié, par les
soins religieux de son fidèle et savant ami M. Waller ; tout... sauf la
matière strictement scientifique (observations hygrométriques, baromé-
triques, hypsamétriques, etc. etc.), réservée pour une publication spé-
ciale. Dans ce journal, toute la partie qui se rapporte au séjour de
Stanley près de Livingstone est traitée avec fort peu de détails, relati-
vement. On sent que le docteur comptait sur les notes de son inventeur,
et voulait éviter les répétitions et économiser ses carnets. En effet,
Stanley a publié le récit très-complet des explorations entreprises en
commun, pendant son séjour au centre de l'Afrique. Le journal de Li-
vingstone se complète ainsi naturellement et heureusement.
Quant aux cartes, l'éditeur, habitué à donner plus qu'il ne promet,
en a joint cinq à l'ouvrage, au lieu de quatre annoncées. Ces cartes sont
fort précieuses; elles reproduisent avec une exactitude scrupuleuse les
tracés de Livingstone lui-même. On en avait vu quelques fac-similé à
l'exposition de géographie de l'année dernière. Les tracés originaux
sont rectifiés par les notes du journal. Ils serviront, à leur tour, à recti-
fier les cartes géographiques dressées jusqu'ici,et dans lesquelles le lac
Nyassa, entre autres, a une forme inexacte. Rien, on le voit, n*a été
négligé pour rendre cette publication yraiment digne du grand homme
dont elle retrace les travaux et met au jour les documents.
F. ]>B ROQUBFBUIL.
lAmafllay récit d'toM exploration dans V Afrique eentrale^ pour VabolUUm de
la iraiie des noirs, par Sir Sahubl White Baker. Ouvrage traduit de l'an*
glaisy avec l'autorisation de Tauteur, par Hippolytb Vatteuare, et conte-
nant 56 gravures et deux cartes. Paris, Hachette, 1873, in-8 de iv-460 p.
-- Prix : 10 fr.
On connaît les services rendus à la géographie par sir Samuel
Baker; on sait que c'est lui qui a découvert un des deux grands réser-
voirs que traverse le Nil avant de descendre vers la Méditerranée, le
lac Albert Njanza. Cette fois, c'est moins dans Fintérét de la science
que dans l'intérêt de Thumanité que le hardi explorateur a entrepris
Texpédition dont le récit est contenu dans ce volume. Lé i)as8in du
Nil blanc était désolé parles traflcants de chair humaine. Cinquante
mille hommes au moins étaient enlevés chaque année et entraînés en
esclavage; beaucoup mouraient en route; bien d'autres étaient tués,
et ces pays, jadis fertiles, se dépeuplaient chaque jour. Le vice-roi
d'Egypte, Ismaïl Pacha, résolut de mettre un terme à ces brigandages ;
ilorganisa une expédition et en confia le commandement à sir Samuel
Baker. Une armée relativement considérable, seize cent quarante-
cinq hommes, deux batteries d'artillerie, une flottille de neuf vapeurs et
de cinquante -cinq voiliers furent placées sous ses ordres. Un personnel
anglais de onze personnes et l'intrépide lady Baker accompagnaient
Tillustre voyageur, et lui rendirent de nombreux et dévoués services.
A vrai dire, c'étaient à peu près les seules personnes sur lesquelles il
pût tout à fait compter, car l'armée ne le suivait qu'avec une certaine
répugnance. Le but de l'expédition était éminemment impopulaire ;
les officiers égyptiAis et les gouverneurs des provinces, qui trouvaient
leur compte dans la traite des noirs, n'avaient aucun désir de la faire
cesser, et, en dépit des ordres formels du khédive, se prêtaient de
fort mauvaise grâce à une entreprise organisée dans ce but. C'est à
travers tous ces obstacles que Samuel Baker, parti de Khartoum, se
dirigea, à travers le Kordofan et des pays innommés encore, vers Gon-
dokoro, le principal siège de la traite des noirs, ayant à lutter à la
fois contre les hommes et contre la nature, assailli par les indi-
gènes et contrarié par les traôcants, combattant sans cesse, déli-
vrant les esclaves sur sa route et cherchant à établir un commerce
régulier. Arrivé à Qondokoro le 15 avril 1871, il en proclama solen-
nellement l'annexion à l'Egypte, le 26 mai, et, en même temps^ par un
ordre du jour adressé à ses troupes, il déclarait la traite abolie. De
Gondokoro, baptisé par lui Ismailia, Baker poursuivit sa route vers
- 512 —
TÂlbert Nyânza et dans loB pays qui bordent le l,ac jusqn'à POuganda,
où il signa un traité avec le roi Mtésé. Tels furent les résultats offi-
ciels de Texpédition ; mais ces résultats, quant à Tabolition de la
traite, dureront-ils ? Ici, Samuel Baker lui-même n'ose pas Fespérer.
Trop d'intérêts privés sont engagés dans cet infâme traûc, et il est
bien à craindre que les bonnes intentions très-réelles du vice-roi ne
demeurent longtemps impuissaiïtes en face de la mauvaise volonté
sourde de ses sujets et de ses officiers. M. db la Rochbtbrie.
EioiidreB, par Locis Énault. Illustré de 174 gravures sur bois, par Gustave
DoHÉ. Paris, Hachette 1876. Gr. in-4 de 434 p. —Prix : 50 fr.
Londres est, à coup sûr, la ville la plus difficile à décrire, car ce
n'est point une ville, mais la réunion de vingt villes, ayant chacune
leur aspect différent, leur population, leurs mœurs. M. Louis Énault
n'a pas la prétention de réaliser, en quelques pages, ce qui demande-
rait des volumes ; mais il a beaucoup vu, il a bien vu, et il dit à
merveille ce qu'il a vu. Nous entrons dans Londres, avec lui, par
la Tamise, à travers la foule pressée des navires de toutes les nations ;
nous visitons la cîté^ a où des négociants qui n*ont jamais lu que leur
grand livre trônent au fond de leurs comptoirs obscurs, et donnent
des lois à l'univers; » nous parcourons les opulents quartiers du West
End ; les districts du vice et de l'ignorance, où le policeman ne pénètre
qu'à l'aide d'un déguisement, en particulier Whitechapel, qui com-
prend huit mille maisons <( qu'habite une population, hâve et flétrie,
de femmes amaigries, demi-nues, et d'enfants blêmes qui se vautrent
dans la fange avec leurs porcs. » Nous voici dans ces parcs splendides,
auxquels il ne manque qu'un peu plus d'air et de lumière : Saint-James,
le Green, Hjde Park, Kensington, Regent's Park, avec son Zoological
Garden. Le cheval tient une grande place dans la vie anglaise : nous
assistons au Derby, et c'est à coup sûr une des parties les mieux
réussies du livre. Après le Derby, le Boat race autre événement
important de Londres. Puis les principaux monuments : Saint*Paulf
Westminster, Saint-James, Buckingham, Guildhall, Mansion Home,
Parliament Hmse ; les rues de Londres, les prisons, les tbé&tres,
les musées et collections, les clubs, les brasseries, tout passe sous nos
jeux, et le livre se ferme sur la vie de Londres pendant ce qu'on
appelle la saison, et sur ces types si curieux et si variés qui abon-
dent dans la ville cosmopolite.
Que dire maintenant des splendides illustrations qui se rencontrent à
toutes les pages^et où le crayon de Gustave Doré s'est prodigué avec une
richesse et une variété merveilleuses? Peut-on rien voir de plus charmant
que Dick Whittington écoutant les cloches deHighgate ? ou que cette com-
position : Des voyageurs iront s'asseoir aux bords de la Tamise ? Quoi de
— 5i3 —
mieux rëassi que oe pêle-mêle des rues de Londres, où Tartiste a su
déployer toute sa verve? Et tous ces types pris sur le vif ? Et ces
scènes populaires ? et ces tableaux navrants de la vie ouvrière ?
Il faut ouvrir ce bel ouvrage, et on ne le quitte plus SQps l'avoir
feuilleté tout entier et sans vouloir 7 revenir encore. C'est à coup sûr
un des plus beaux ornements des tables de nos salons. E. d'A.
Geschichte der quleti»tl«cheii Mystlk In der Katli«>^
llschen KIrche [Histoire du myticisme quiétiste dofis VÊglise caiholiqu/e),
par le D' Heppe, Berlin, 1875. In-8 de xii-522 p.
Le titre qu'on vient de lire promet plus que ne donne l'ouvrage.
Le lecteur s'attend à une histoire de la théologie mystique de
rÉglise^ sujet aussi important que vaste ; au lieu de cela, il trouve
un récit, fort détaillé il est vrai^ de le vie de M'^*' de Guyon, suivi
d*un exposé de ses doctrines et d'une analyse de ses écrits. — Le
reste du livre n'est qu'accessoire, de sorte que nous n'avons là au
fond qu'un chapitre de l'histoire du mysticisme catholique, et nulle-
ment son histoire entière. L'auteur avoue lui-même dans la préface
que son intention a été de ne donner qu'une vie critique de cette
femme demeurée célèbre, mais qu'à mesure qu'il avançait dans ses
recherches, celles surtout qui concernent la controverse entre Bossuet
et Fénelon, il dut élargir le cadre de son travail, soumettre à la cri-
tique les témoignages souvent opposés des écrivains exposant les
mômes faits relatifs au quiétisme catholique. D'ailleurs, il se trompe
fort en prétendant avoir découvert un monde nouveau, aujourd'hui
tombé eu oubli, mais fort hanté, autrefois, par des âmes adonnées à la
perfection. Les gens peu versés dans la science sont assez sigets à
l'illusion de croire faire des découvertes, lorsqu'ils ne font qu'ap-
prendre des vérités qui jusque-là leur étaient inconnues. Il en est
de même de notre auteur. La manière dont il parle du mysticisme
catholique montre assez qu'il y est complètement étranger, qu'il n'en
a pas même une notion juste et claire. Aussi les conclusions aux-
quelles il est arrivé, à la fin de ses longues recherches, existent
dans son imagination bien plus qu'en réalité. Ainsi, il prétend que
la hiérarchie ecclésiastique, l'Inquisition, les évêques et les jésuites
ont fait des efforts unanimes pour arrêter le progrès du mysticisme,
pour lui ôter tout intérêt et le supprimer. Cependant lui-même cite,
parmi les auteurs mystiques, des écrivains de la Compagnie de Jésus,
Alvarez de Paz, Alphonse Rodriguez, Surin, auxquels il aurait pu
ajouter bien d'autres, par exemple, le P. François Arias (1533-
1605), recommandé par saint François de Sales dans son Introduction
à la vie dévote, et auteur d'un grand ouvrage en trois volumes inti-
tulé de l'Imitation du Christ dont l'infatigable chevalier Pierre Marietti
— 614 —
▼ieat de donner à Tarin ane nouvelle édlUon italienne en nenf
Yolomes faisant partie de sa belle coUeotion arrivée déjà an cent-
yingt-flixième volume. C'est là une des nombreuses contradictions dans
lesquelles tombe récrivain allemand, et qui étaient inévitables du mo-
ment où il s'est placé au point de vue anti-catholique. Le reproche
d'inconséquence flagrante qu'il adresse à. l'Église retombe de tout son
poids sur lui-même.
« Désormais, écrit-il, il est clair comme le jour, que le quié-
tisme a été condamné par la môme autorité ecclésiastique qui, un
siècle auparavant, l'avait approuvé, sanctionné, favorisé; son infailli-
bilité a trouvé, dans cette contradiction manifeste, un démenti des plus
formels. »
Il voit même^ dans la condamnation du quiéti8me,un véritable crime
que l'Église aurait commis envers ceux qu'elle avait auparavant bénis et
dont certains précurseurs ont été placés par elle au rang des saints.
(Préf. p. V.) Molinos, M"" Gujon, le P. Lacombe, son directeur, se-
raient, d'après M. Heppe, tombés victimes de l'arbitraire de rautocrate
flrançais Louis XIY, et de l'intérêt personnel de quelques hiérarques.
On ne saurait faire preuve d'une plus grande confusion d'idées :
mettre sur la même ligne les théories chimériques de Molinos et la
doctrine ascétique de saint Pierre d'Alcantara, les rêveries exaltéee
à0 M"* Gujon et la sublime spiritualité de sainte Térèse, n'esi^e
pas confondre le faux mysticisme avec le vrai, n'est-ce pas ignorer
en quoi consiste la véritable question? Du point de vue où le Dr Heppe
s'est placé pour embrasser l'ensemble de son sujet, il ne pouvait pas voir
les choses autrement : ayant fait d'une sainte Térèse, d'un saint Jean
de la Croix et de tant d'autres ascètes éminents autant de précurseurs
quiétistes de Molinos et de M''^ Guyon, il dut naturellement taxer de
contradiction et d'ii^justice la conduite qu'a tenue l'Église en approu-
vant la spiritualité des uns et en réprouvant celle des autres.
Voyons maintenant de quoi se compose cette histoire du mysticisme
quiétiste. L'ouvrage se partage en huit sections dont la première
sert de préliminaires à la vie de M"* Guyon et la dernière, véritable
hors - d'œuvre , traite du mysticisme dans TEglise évangélique.
L'histoire de M""" Guyon remplit le reste du volume. Quoique
l'auteur ait pris un grand soin de se rendre compte de toutes les
péripéties par lesquelles à passé son héroïne, il est cependant
douteux que le public français y trouve du nouveau, même dans
le récit de la célèbre controverse de Bossuet avec Fénelon, qui est
traitée d'ailleurs avec beaucoup de détails (p. 378-448). Tout cela
est connu depuis longtemps et on possède sur tout cela des écrits plus
véridiques que ne l'est le livre du docteur allemand, qui déna-
ture les faits les plus notoires en les présentant sous un faux jour.
Qu'on en juge par l'exemple suivant pris entre mille.
— 815 —
Tout le monde admire rhumiliiédont Fénelon donoa'nne si éclatante
preuve en se soumettant au décret du Pape portant la condamnation
de son livre des Maximes des Saints. Quant à notre auteur d*Outre-
Rhin, il met en doute la sincérité de cette soumission. « Il ne faut pas
croire, dit-il, qu'en se soumettant au Pape, Fénelon ait renoncé au
quiétisme ou Tait considéré comme erroné. Il s'est conduit, dans cette
circonstance, en vrai catholique :il se soumit par obéissance, en déclarant
qu'il déchargeait sa conscience dans celle de son supérieur» Il laissa faire
l'autorité ecclésiastique, sans en assumer la responsabilité. Quant à sa
doctrine, il y resta fidèle comme par le passé, puisqu'il voyait, dans le
décret papal, la condamnation non de sa doctrine, mais seulement du
livre qui la contenait et rendait d'une manière imparfaite (p. 441, note).»
En d'autres termes, Tarchevéque de Cambrai aurait agi^ d'après
M. Heppe, en vrai janséniste, ce qui est, en effet, nouveau. De la
même manière. M"'*' Gujon devient^ sous sa plume, catholique de
nom, mais protestante d'esprit (p. 489), bien que chacun sache qu'elle est
toiyours restée obéissante à l'Église et reconnut ses erreurs qui pro-*
venaient d'une piété exagérée et mal éclairée plutôt que de la mauvaise
volonté ou de l'orgueil. Sous une meilleure direction, elle aurait pu
devenir une sainte. Il s'est même trouvé des gens qui la tinrent
pour une sainte de premier ordre ; entre autres, Dutoit-Membrini, pas-
teur protestant de Lozanne et un des plus exaltés de ses admirateurs, qui
alla jusqu'à affirmer que M"^' Gujon a été presque égale en sainteté à
Marie et « même qu'elle eût pu l'égaler s'il était possible qu'il y e&t deux
mères de C Homme-Dieu (p. 517) I
L^auteur raconte, sur ce dernier représentant du quiétisme expirant,
des détails fort intéressants et qu'on ne trouverait pas ailleurs peut-
être. Il parle aussi de M™* Kriidner, autre admiratrice de M^*
Gujon, et non moins célèbre que celle-ci; mais il ne le fait qu'en pas-
sant, et renvoie le lecteur au travail que Charles Ëynard {Biographie
der Frau von KrOdener^ Paris, 1849, 2 vol.) avait consacré à la mé-
moire de la mystique baronne.
Comme couronnement du mysticisme protestant, citons avec l'au-
teur une pauvre victime d'exaltation, Marguerite Péters, qui s'est
fait crucifier (en 1SS3), afin de mieux ressembler au divin Sauveur.
Enfin, quelle est la morale du livre que nous annonçons? car chaque
livre doit en avoir une. Si je ne me trompe, l'écrivain allemand l'a
formulée à la fin de sa préface. En partant de la condamnation des
Maximes des Saints^ extorquée au pape Innocent XIII par Louis XIY
sous peine des menaces, M. Heppe conclut que TÉglise d'alors savait
rendre à César ce qui est à César et que son exemple devrait être imité
par l'Eglise allemande d'aujourd'hui. On y reconnaît la morale du pro-
testantisme, aussi rebelle contre toute autorité du Saint-Siège, que
— 516 —
servile envers les puissances temporelles. Le docte historien de
M»* Gujon oublie qu'entre les exigences du grand roi et celles du
prince de Bismarck — il j a un abîme. J. M.
Li*Hi«toire de Prance depuis le» temps le* pla» recula»
Jusqu'en 1T80, racontée A mes petlta«enfenta, par M. Gui-
ZOT. y* volume. Paris, Hachette, 1875. Gr. in-8 de iv-598 p.^ illustré de
nombreuses gravures. — * Prix : 18 fr.
Ce volume termine l'œuvre historique de M. Guizot. La mort ne lui
a pas permis d'y mettre la dernière main. Ce soin revenait de droit à
la piété filiale de M''^ de Witt^ qui avait aidé son père dans ses
recherches et lui avait facilité la composition de son ouvrage par des
notes prises aux leçons données à ses enfants. Les récits ontto^jours le
même charme et le même intérêt.Ils portent ici sur lesrègnesdeLouis XV
et de Louis XVI, sur tous les événements importante qui se sont pas-
sés à rinterieur et à l'extérieur, sur la triste histoire de nos colonies
des Indes et du Canada, sur la guerre de l'indépendance, etc. On j
trouve des tableaux de la société brillante et dévergondée du dix- hui-
tième siècle ; un chapitre est consacré à Thistoire des philosophes.
L'administration de Law, du duc de Choiseul^ de Necker, la prépara-
tion des États-Généraux occupent une large place ; ce ne sont là, bien
entendu, que les points les plus saillants.'^
Il pourrait être curieux de rechercher quelle peut être la part de
M™* de Witt dans ce livre qu'elle vient d'achever. Sa collaboration
se trahit par quelques expressions comme celles-ci : t l'ardeur mission-
naire • des jésuites (p. 146); — ce le sentiment héréditaire du roi
Louis XVI (p. 342) ; » — la largeur de la tolérance philosophique de
Franklin (p. 340) ; > — a ,., protesta le conseil suprême (p. 2I2);>
— n... insistait Loms XVI (p. 310). » Mais on constate surtout ici
Tabsence complète de vues générales, de considérations théoriques,
pouvant servir de règles pour les jugements à porter sur les faits et
sur les hommes; rhistoire devient purement descriptive et perd son
caractère de moralité. L^auteurpeut alléguer une légitime excuse dans
ses scrupules qui Font empêchée de mêler ses appréciations personnelles
à celles de son père. Mais le fait n'en est pas moins constant et regret-
table. Pour ne citer qu*un exemple, M. Guizot n'est certainement pas
un disciple des philosophes; il leur adresse plus d*un blâme vigoureux;
mais les portraits qu'où nous donne sont composés de mille traits où le
bien se trouve à cAté du mal et que rien ne relie entre eux ; c'est au
lecteur à composer un tableau d'ensemble, et certainement Fimpres-
sion générale qui reste est plus avantageuse que défavorable aux
philosophes.
Le choix des gravures n'est pas fait avec un soin assez scrupuleux.
— 317 —
Parmi plusieurs sujets d'illustrations peu heureux, nous pouvons citer
le Régent expirant, sur un fauteuil^ entre sa maîtresse et un verre de
vin de Champagne. Les convictions religieuses bien connues des auteurs
paraissent s* accentuer plus fortement dans ce volume : ce n'est point
un exemple à condamner; mais, ce doit être un avertissement pour les
parents et pour les maîtres catholiques qui mettent parfois, avec une
inconcevable légèreté, aux mains de leurs enfants, des livres si con-
traires à leurs croyances. Nous y trouvons, et ceci est à blâmer, des insi-
nuations qui ne sont pas dignes de la gravité de Thistoire. Ainsi, deux
mots expliquent la participation de Massillon au sacre de Dubois : « Mas-
sillon, timide et pauvre, en dépit de sa pieuse éloquence (p. 42)...» Plus
loin, il suffit aussi de- deux mots pour caractériser le ministère du car-
dinal de Pleury, « le règne d'un vieillard et d'un prêtre (p. 59).» Voici
encore un mot perfide, qui en dit plus qu'il n'est long : Champlain^
<x indulgent pour tous, malgré son ardente dévotion (p. 147);» et il
s'agit d'un calviniste. Mais ce qui nous parait inexpliquable, c'est cette
déclaration, à propos de l'expulsion des jésuites .: « Le principe de la
liberté religieuse, si longtemps méconnu et qui se faisait enfin jour
dans les esprits, remportait sa première et sérieuse victoire, en dépouil-
lant à leur tour les jésuites de cette liberté dont on leur faisait payer
les longues injures (p. 199). »
Nous aurions aussi à reprendre plus d'une appréciation historique.
Moins sévère que nous ne le serions pour les vices de Louis XV^ l'auteur
a peine à reconnaître ce qu'il a fait de bien. On peut louer le duc de
Choiseul ; mais il y a une certaine exagération à dire que son renvoi
consomma l'anéantissement politique de Louis XY (p. 219). Les ser-
vices rendus par Necker n'auraient pas dû empêcher de montrer plus
nettement les vices de son administration.
Rbnb db Sâint-Mauris.
Jleanoe d'Are» par H. Wallon, secrétaire perpétuel de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres. Édition illustrée d'après les monuments de
Tart depuis le quinzième siècle jusqu'à nos jours. Paris, librairie de Fir-
min-Didot et C% 1876. Gr. in-8 de vii-oo2 p. — Prix : 25 fr., et relié dos
chagrin, tranches dorées, 33 £r.
Le livre de M. Wallon est assez connu pour qu'il soit inutile de s'y
arrêter longuement. Deux éditions in-8 ont paru d'abord ; puis^ au
commencement de cette année, a été publiée une édition^ revue et cor-
rigée, en deux volumes in-12; enfin, voilà une quatrième édition, déga-
gée de l'appareil d'érudition, mais avec des compléments nouveaux et
entourée de tout ce que peut offrir de séductions le luxe de la typogra-
phie moderne, surtout lorsqu'il a été mis en œuvre par un homme d'in-
telligence et de goût comme Thabile directeur de la librairie Didot^
- 518 —
M. D- Dumoulin. La juste réputation qui s* est attachée aux splendides
publications auxquelles M. Dumoulin a déjà prodigué ses soins, nous
dit assez la valeur artistique de cette Jeanne d'Arc. C'est un véri-
table Musée, où tout ce qui rappelle notre sainte et héroïque pucelle se
trouve réuni; un incomparable monument élevé à la gloire de celle
qui fut la libératrice de la France et qui a droit à un culte patriotique,
en attendant la décision de TÉglise qui, espérons-le, nous permettra
de l'honorer publiquemenjb d'un culte religieux.
Ouvrons ce magnifique volume qui, bien que tiré à 7^500 exemplai-
res, a été épuisé avant d'être mis en vente ; il en faudra un nouveau
tirage pour répondre aux demandes qui ne pourront obtenir satisfac-
tion avant le jour de l'an. Voici d'abord les compléments du texte :
1° Des éclaircissements sur les armes et vêtements militaires au temps
de la Pucelle, par M. Or. Demaj; 2? une notice sur l'auteur de la carte
du royaume 'de France pendant la mission de Jeanne, carte dressée
par M. Aug. Longnon, travail d'une importance capitale pour This-
toire du quinzième siècle ; !3^ une note sur la famille de Jeanne d*Arc,
par M. de Bouteiller ; 4» une étude de M. Marins Sepet, intitulée : Jeanne
d'Are dans les lettres; 5^ Jeanne <fArc et la mustguCy par M. Qustave
Ghouquet ; 6® l'iconographie de Jeanne d'Arc, par M. Claudius Laver-
gne;7^ un /"ac-^imt/e des lettres de Jeanne, et 8® une table alphabétique
des matières. Quand à Tillustration, tout a été fondé sur le principe de
Texactitude historique ; ce sont les monuments du quinzième siècle qui
ont été admis à fournir la principale matière de tant de lithochromies
et de tant de gravures admirables; on a consulté cent manuscrits, on
a étudié mille miniatures. A toutes les peintures, à toutes les tapis-
series, à toutes les sculptures du temps, on a demandé quelque trait
nouveau pour peindre plus exactement les contemporains et l'époque
de la Pucelle ; on a également pris soin de reproduire les lieux illus-
trés par le passage, par les triomphes et par les épreuves de Jeanne.
De plus, on a reproduit les plus belles œuvres artistiques dont elle a
été l'objet, depuis le monument élevé sur le pont d'Orléans en 1458,
jusqu'aux tableaux d'Ingres et de Balze, aux statues de la princesse
Marie et de Rude, au médaillon de Chapu.
Voilà une publication qui datera dans les annales de la typographie
et qui familiarisera le grand public avec une foule de notions et de
détails réservés jusqu'ici aux seuls érudits. Encore une fois donc,
félicitations et remercîments à la maison d'où est sortie cette grande
et belle œuv^re, qui vivra autant que la mémoire de celle à laquelle elle
est consacrée. G. db B.
— 519 —
Btude sur «feûane (l'A.rc et les principaux systèmes qui contesteni son
inspiration surnaturelle et son ofthodoske^ par le comte db Bouhbon-Ligmèrbs.
Paris, librairie de la Société bibliographique, 1875. In-8 de v.337 p. —
Prix : 5 fr.
Jeanne d'Aro a- 1- elle été inspirée? Jeanne d'Arc a-t-elle été ortho-
doxe? Telles sont les deux questions qu'après MM. Wallon, de Beau-
court et de Carné, M. le comte de Bourbon-Lignières vient de traiter
à son tour. C'est une gloire si nationale et si pure que celle de l'hé-
roïque Puoelleque les ennemis de TÉglise n'ont pas touIu en laisser le
bénéfice à l'Église. Tour à tour, ils ont cherché à la faire passer pour
une illuminée, pour une hallucinée, voire pour une libre-penseuse.
M. de Bourbon-Lignières examine successivement tous ces systèmes,
nés de la mauvaise foi et de l'esprit de parti. Glissant rapidement sur
l'opinion des chroniqueurs boorguignons ou anglais qui ont prétendu
faire de Jeanne d'Arc on simple instrument des seigneurs ou du roi,
opinion absurde, reprise pourtant de nos jours par Sismondi, l'au-
teur attaque plus sévèrement et serre de plus près les diverses théo-
ries de Lingard et de MM.Villiaumé, le docteur Calneii et surtout Henri
Martin. Appuyé sur les pièces authentiques, sur les faits les plus incon-
testés, il démontre, contre M.Yilliaumé, que leiiimple génie ne peut pas
expliquer l'œuvre de la Pucelle, et contre Lingard et M. H. Martin
qu'il est impossible de considérer la vaillante libératrice de la France
comme une exaltée ou une hallucinée. Sa réputation est claire, nette
et précise; on sent que l'auteur a étudié longuement ces questions et
qu'il en possède à fond tous les détails.
Jeanne n'a pas été moins orthodoxe ; il suffit de lire attentivement
les deux procès, de condamnation et de réhabilitatioil, pour s'en con-
vaincre. Jeanne n'a jamais été l'apôtre de la libre pensée qu'a ima-
giné le scepticisme de M. H. Martin. Toujours et partout, elle a été
une bonne et fervente catholique ; les dépositions des témoins sont
unanimes sur ce point, depuis Simon Munier jusqu'à frère Pasquerel.
Quant au procès de condamnation, M. Wallon a déjà démontré, avec
la dernière évidence, que les règles les plus élémentaires de la jus-
tice y ont été violées. M. de Bourbon-Lignières n'a pas de peine à
faire justice des défenseurs de cette étrange procédure. Les théolo-
giens du temps, comme Théodore de Lelliis, s'étaient accordés sur ce
point avec les promoteurs et les juges du procès de réhabilitation.
Nous regrettons que les limites étroites de cet article ne nous per-
mettent pas d'entrer dans le détail des arguments si solidement établis
et développés d'une façon si convaincante par M. de Bourbon-Ligniè-
res dans les àfixa, parties de son livre. On les trouvera d'ailleurs avec
plus d'intérêt et de profit dans le volume lui-même. Ajoutons qu'au
moment où s'instruit le procès de canonisation de la Vierge de Dom-
— 52e —
rcmy, une étude comme celle-là a un intérêt puissant d^actualité, et
nous ne doutons pas qu'elle ne soit appelée à concourir efficacement
au succès d'une cause si chère à la France.
M. DB LA ROCHETERIE.
E<*KxpédItlon du duc de Gul«e à IVaplea* Lettres et instructioHS
diplomatiques de la cour de France (i^^l'i^iS). Documents inédits publié:»
avec une introduction et des notes, par MM. J. Loiseleur et G. Bagcenault
DR PucHEssE. Paris. Didier, 1875. Gr. in-8 de lxxii-408 p. — Prix : 10 fr.
Les documents publiés ici se composent des dépêches échangées
par le comte de Brienne, qui avait, sous Mazarin, le portefeuille des
relations extérieures, et le marquis de Fontenay-Mareuil/ notre
ambassadeur extraordinaire près la cour de Rome. On croira peut-
être, en le voyant apparaître au moment où le riche dépôt des archives
des affaires étrangères vient d'entr'ouvrir ses portes, que les documents
en proviennent ; il n*en est rien. A l'époque du règne de Louis XI V,
à laquelle elles se rapportent, les papiers d^État restaient encore aux
mains des négociateurs. Fontenay, chose bizarre I ne garda même pas
ces documents ; ils restèrent aux mains de son secrétaire André Féli-
bien, <}ont le fils entra chez les bénédictins d'Orléans. Le volume con-
tenant les dépêches passa dans la bibliothèque des religieux, et plus
tard dans celle de la ville. Le bibliothécaire actuel, M. Loiseleur, en
reconnut rimportance, et les signala, en 1866, au comité des travaux
historiques.Trois ans plus tard, la société historique de l'Orléanais
décida la publication des documents, et obtint à cet effet du ministère,
en 4872, un crédit qui a rendu possible l'impression du présent volume.
Rien n'a été négligé pour le rendre digne de la Société sous les
auspices de laquelle il paraissait, et des deux érudits qui s'é-
taient associés pour le donner au public. Il est précédé d'une vaste
introduction dans laquelle sont exposés les faits relatifs à cette aven-
tureuse expédition du duc de Guise à Naples, entreprise pour un si
futile motif, et qui devait finir si misérablement. Quant aux pièces,
elles ont été données m extenso^ et accompagnées de notes nom-
breuses, rédigées par M. Baguenault de Puchesse,et qui offrent d'au-
tant plus d'intérêt qu'elles visent des documents conservés au dépôt
des affaires étrangères. Les pièces elles-mêmes ont été grossies d'un
contingent formé par M. Chéruel, le savant éditeur des />/fres cfe
Mazarin, auquel toutes les feuilles de l'ouvrage ont été conununiquées,
et qui provient d'un manuscrit retrouvé à la bibliothèque de Chartres,
contenant la suite des dépêches que renferme le manuscrit d'Or-
léans. Enfin, le volume se termine par une analyse sommaire do
chacune des dépêches, par ordre chronologique, et par une table
générale alphabétique, dressée sur le plan suivi pour le premier
volume des Lettres de Mazarin. O. de B.
— 521 —
Une nldce de Mazarln. — La princesse de Conti, dTaprés sa correspond
danre inédite^ par Edouard db Barthélémy. Paris, Firmin-Didot^ 1875. Id-8
de vii-364 p. — Pri^^ : 8 fr.
C'est une douce et pure ligure que celle d'Anne Martinozzi, prin-
cesse de Conti, nièce de Mazarin, mariée à seize ans à un jeune prince
libertin et usé qui ne recherchait, dans cette alliance, que la protection
du tout puissant ministre, et qui, comme il le disait lui-même, épou-
sait le cardinal et non la femme, ne sachant pas un mot de religion, -*
ce qui était peu édifiant pour la pupille d'un prince de TËglise, lancée
sans guide dans une cour où la galanterie était en honneur. Anne
Martinozzi aurait pu, à Texemple de ses cousines, se compromettre
dans des aventures légères. Il n'en fut rien ; quoique courtisée ua mo-
ment par le roi lui-même, elle resta obstinément fidèle à son mari ;
elle fit plus : elle aima ardemment ce mari qui ne Taimait guère. Ses
lettres inédites, publiées par M. de Barthélémy qui, dans ce livre,
laisse le plus souvent la parole à son héroïne, ses lettres révèlent
chez elle une tendresse un peu passionnée et un dévouement que rien
ne rebutait. Chose étrange, elle se convertit même par affection con-
jugale. Après une vie assez agitée, le prinee de Conti, tout d*un coup
touché de la grâce^ se prit à mener une vie des plus chrétiennes et
des plus édifiantes. Comme le dit Quy-Patin, il donna le bel exemple
(( d'un prince qui se met en état d'amendement avant que de mourir. »
Anne Martinozzi, assez mal instruite d*abord^ nous Tavons dit, des
choses religieuses, et qui même, dans les premiers temps de son ma-
riage, avait voulu étouffer le peu de foi qu'il y avait en elle, Anne
Martinozzi marcha avec la plus complète abnégation dans la voie
tracée par son mari, ne reculant devant aucun sacrifice et aucune aus-
térité. Malheureusement, l'instrument de cette double conversion fut
un prélat janséniste, et les deux époux se trouvèrent par là entraînés,
sans s'en douter peut-être, dans le parti de « la cabale, b Le prince
de Conti, longtemps disciple de l'évêque d'Aleth, du père de Ciron,
de l'abbé de la Vergue, rompit bruyamment avec eux avant de mou-
rir; mais la princesse, influencée par sa belle sœur^ la duchesse de
Longueville, leur resta fidèle jusqu'à la fin ; elle leur prêta souvent à
la cour un appui efficace. Sa vie, d'ailleurs, était un modèle de régu-
larité et de ferveur. Elle se réduisait à une dépense personnelle très-
modeste, et, pressée par le désir de réparer les torts qu'elle et les
siens avaient pu causer, faisait, sous forme de restitution, d'abon-
dantes aumônes. Le prince de Conti, sous Tempire du même sentiment,
avait déjà distribué^ en Berry surtout, des sommes considérables; la
princesse continua ce qu'avait fait son mari. Son épitaphe constate
qu'elle a restitua tous les biens dont l'origine lui était suspecte, jus-
qu'à la somme de huit cent mille livres. » Aussi, quand elle mourut
Décembre 1875. T. XIV, 34.
- 522 —
subitement, le 4 février 1672, fùt-elle uniTeraellement pleurée de la
cour, de la ville et surtout des pauvres ; les lettres de M"^* de Sëvigné
et les mémoires du temps portent l'empreinte de ces unanimes re*
grets.
Une telle vie, assurément, méritait mieux que les quinze lignes que
lui a consacrées M. Amédée Renée, dans son étude sur £«5 Mijetft (fe
Mazarin, M. E. de Barthélémy, à qui l'histoire doit déjàtant d'heureasee
et précieuses découvertes, a pris à tâche de réparer Toubli de M. A.
Renée. Il Ta fait dans un ouvrage plein dMntérét et de recherches,
qui fait connaître et aimer son héroïne. Nous eussions souhaité seule-
ment qu'il glissât — à cause même de la nature de son livre et du genre
de lecteurs auxquels il s'adresse — plus légèrement sur certains dé-
tails; ce serait une correction facile à faire dans une prochaine édition.
M. DB LA ROOHBTERIB.
Mtorla délia Republlea dl Vtrenze di Gino Gapponi. Fiorenee,
G. Barbera, 1875. 2 vol. gr. in-8 de zxm-667 et de xix-632 p. — Prix :
20 fr.
Ce n'est pas la première fois que le nom de Capponi s'inscrit sur le
titre d'un livre. Deux des ancêtres de l'historien ont, au moyen âge,
raconté, dans des pages recueillies par Muratori, les événements aux*
quels ils avaient pris une si grande part; ceux-ci, et beaucoup d'autres
des aïeux de M. Gino Capponi, ont eu, à Florence, les rôles les plus
importants, et contrebalancé la puissance des Médicis; pour le nouvel
histerien, les souvenirs de la famille se mêlaient aux souvenirs de la
patrie, et l'on comprend toute l'ardeur, tout le soin que M. Gino Cap-
poni a mis à la composition de son bel ouvrage. Il n'a reculé devant
aucune recherche, et Ton admire plus encore tant de savoir et tant de
persévérance lorsque l'on sait que, depuis bien des années déjà, le noble
auteur est privé de la vue . — Deux gros volumes sur une petite répu-
blique, il 7 a là, au premier abord, de quoi effrayer la frivolité
moderne ; mais cette république fut celle de Florence^ de la cité dont
les annales sont pleines de péripéties dramatiques, des actions de tant
de grands hommes ; dont la constitution, à chaque instant remaniée, peut
offrir tant de sujets de méditations aux politiques. Ces agitations, ces
bouleversements qui ont été si profondément examinés par Machiavel,
ce phénomène d'une ville dont l'importance et les richesses se dévelop-
pent au milieu de tous les périls de Torganisation la plus démocratique
qui ait jamais existé, ces alternatives de liberté excessive et de despo-
tisme, la grandeur croissante des liédicis, le déclin de la république,
leur élévation finale, toutes ces choses ont été racontées par M. Gino
Capponi avec une grande science, avec un jugement net et sain, dans
un bon style. Florence, si privilégiée, malgré tant de criseF, eut
•
encore cette fortune de prodaire, plus qu'aucune autre contrée de la
féconde Italie, les grands écrivains, les grands artistes, de les produire
dans les conditions qui pouvaient sembler le plus défavorables à
l'épanouissement de toutes les œuvres de l'imagination. M. Gino Cap-
poni ne devait pas négliger cette éclatante partie de son vaste
siget; aussi l'histoire des lettres, Thistoire des arts, se méle-t-elle, dans
son livre, à l'histoire proprement dite. Il jalà d'excellentes pages sur
la formation et le développement de cette langue toscane qui devait
devenir l'idiome classique de toute l'Italie ; il y a là de beaux portraits
de Dante, de Bbccace, de Machiavel, de Michel-Ange, de bien d'autres
hommes illustres encore. M. G. Gapponi ne se laisse pas influencer par
un patriotisme étroit ; il veut être vrai : son appréciation de Boccace
nous parait tout à fait juste. Machiavel, qui, depuis peu, a donné lieu à
tant d'études, nous semble aussi avoir été parfaitement compris par le
nouvel historien. Ces espèces de haltes dans la littérature, dans les
arts, reposent, d'une façon très-heureuse, Tattention du lecteur.
M. G. Gapponi a suivi d'un regard sympathique les destinées de Flo-
rence au-delà de la chute de la fome républicaine ; il les a suivies
jusqu'à nos jours. Peut-être j a-t-il un peu d'embarras, un embarras
très-justifié, dans la manière dont, après avoir parlé du sage gouver-
nementdes derniers grands-ducs et de la reconnaissance qu'ils avaient
méritée, il montre Florence s'associant au mouvement qui doit pro-
duire l'unité italienne. Mais le marquis Capponi aime trop sa patrie
pour oser Taccuser d'un prompi oubli et pour se rappeler que Dante
l'appelait Maier parvi amon's. Nous n'avons, du reste, pas à nous occu-
per ici des questions de politique contemporaine ; nous devons borner
notre tâche à signaler Tapparition d'un livre consciencieusement écrit
et d'un intérêt assez grand pour trouver des lecteurs attentifs bien
loin des rives de l'Arno. Th. db Putmaiore.
La BIbllotliéque de« écrivain* de la CSoiiipa§^ate de J6aua
et le P. Au^asUn de Backer, par Vicroa Van Tricht, de la Com-
pagnie de Jésus. Avec un portrait du P. de Backer, d'après une photogra-
phie de Walter Damry. Louvain, Gh. Fontejn ; Bruxelles, Decq et Duhent ;
Paris, Aug. Ghio, 1876. Gr. in-8 de 298 p.
Comme Tindique le titre que l'on vient de lire, deux sujets sont
traités dans l'ouvrage du P. V. Yan Tricht : la biographie du P. Au-
gustin de Backer et l'histoire de la Bibliothèque cks écrivains de la
Compagnie de Jésus, Ajoutons que l'on trouve, à la an du volume, trois
appendices, un sur les jésuites qui ont cultivé les mathématiques,
l'astronomie, etc.; un autre sur le sort des bibliothèques de la Compa-
gnie dans les Pajs-Bas; un autre, enfin, qui renferme, comme spécimen,
la notice sur le P. Dominique Bouhours, extraite de la Biflioihèque des
— 524 —
écrivains de la Compagnie de Jésus (!•* vol. 1869). — La biographie
du P. Augustin de Backer est excellente. L*auteur a rempli avec zèle
et talent une tâche douce et facile. « Je ne crois pas, » dit-il (p. 5),
(( que mon amitié trahisse la sincérité que je veux mettre dans ces
pages. Elle se trouve à Taise. La vie du P. Augustin de Backer est une
belle et sainte vie. L'amitié peut la parcourir sans crainte de se trou-
ver aux prises avec la vérité. Dévoué sans partage à la science et aux
âmes, tout le temps qu*il ne livrait pas à l'une, il le consacrait aux
autres. » Les détails que nous donne le P. Van Tricht sur (es vertus
et sur les travaux de son ami ne sont pas moins attachants qu'édi-
fiants, et chacun^ en fermant le livre, dira que le saint religieux, que
Tadmirable travailleur a trouvé le biographe qu'il avait mérité.
Loin de moi la pensée d'analyser un tel livre I Je rappellerai seule-
ment que le P. Augustin de Backer naquit à Anvers, le 18 juillet
1809, qu'il fut quelque temps un des élèves du collège deSaint-Achea],
que sa vocation de bibliographe s'annonça de bonne heure, qu'il consa-
cra, soit dans son humble cellule, soit dans presque toutes lesvgrandes
bibliothèques de la Belgique, de la France et de Rome, trente années
d'infatigables recherches aux deux éditions de son inappréciable re-
cueil, et que, au moment de sa mort (29 novembre 1873), l'intrépide
athlète songeait à donner une nouvelle édition de sa Bibliographie de
l'Imitation de Jésus-Christ et à préparer un ouvrage de longue haleine,
le Catalogue raisonné de la bibliothèque des Bollandisles.
Le P. Van Tricht ne nous fait pas moins bien connaître \dk Bibliothèque
des écrivains de la Compagnie de Jé^us, que celui qui fut le principal
auteur de cet imcomparable monument. Je recommande à tous ceux
qui aiment la bibliographie et l'histoire littéraire les renseignements
si exacts et si précieux que nous fournissent les chapitres net m sur les
prédécesseurs et sur les collaborateurs du P. Augustin de Backer. Re-
prenant et complétant le magistral article dont un des plus savants
boUandistes contemporains, le P. Victor de Buck, a enrichi les Études
religieuses de février 1870, le P. Van Tricht indique successivement,
de la façon la plus précise, la part qui revient, dans cette œuvre de
géants, commencée depuis trois cents ans et qui va être achevée cette
année même, à Ribadeneira, à d'Alegambe, à Southwell^ à Buonanni,
à René de Toumemine, à Oudin, à Courtois, à Zaccaria, à Caballero,
à Beorchia, à Stoeger, àBrown, enfin aux deux dévoués autant qu'ha-
biles collaborateurs du P. Augustin de Backer, son frère le P. Alois
de Backer, et son ami le P. C. Sommervogel, que nous avons le bon-
heur de compter au nombre des rédacteurs du Polybiblion. Il était im-
possible de mieux raconter la longue et noble histoire du recueil dont
({ le prince des bibliographes contemporains, » le D' Juliu? Petzholdt^
peu suspect d'enthousiasme pour la Compagnie de Jésus, a diverses fois
— 525 —
proclamé Timmense mérite^ comme le rappelle le P. Van Tricht (pp. 8,
102, 104, etc.), et dont il a dit notamment : a C'est une apologie de
l'ordre, impartiale, énergique et victorieuse. » T. de L,
CaUUoso ra^glonato del llbrl dl prima ntampa e délie
edlzlonl aldine e rare ealatentl nella biblloteca nazionale
dl Palermo* comp. dal sac. A. Pennino, assistente di essa biblioteca e pre-
etduiodavnarelazvmedel cav. F. Evola bibl Capo. Palerme, i875.In-8
de XLiii-376 p.
OaaervazIonI aulla qulatloné dol prlmato délia stampa tra
Palenno e Measina di G. Salvo-Cozzo. Palerme, 1874. Ia-8 dt
39 p. —Prix : 2 fr.
Nous ne voulons pas attendre que le second volume de cet impor-
tant catalogue ait paru pour dire tous le bien que nous pensons d*un
tel ouvrage. Il est fait pour intéresser vivement les bibliophiles par
les indications données avec tant de compétence, tant de clarté, sur un
grand nombre d'éditions rares^ dont plusieurs ont été inconnues de
Brunet. Le catalogue débute par une introduction dans laquelle est
racontée la naissance de la bibliothèque de Palerme. Avant la moitié
du dix-septième siècle, il n'existait pas en Sicile de bibliothèques pu-
bliques.La première collection de ce genre qui fut mise à la disposition
des érudits fut celle de l'oratoire de Saint-Philippe de Néri, ouverte
seulement quatre heures par jour. Remarquoris-le, ce sont les classes
que de grossiers préjugés veulent toujours représenter comme hostiles
aux études et à la diffusion des.lumières, c'est lo clergé, c*est Taris-
tocratie qui, à Palerme, ont le plus favorisé le développement et
la création des bibliothèques publiques. 11 j a de curieux détails dans
cette introduction, de curieux détails de statistique surtout, sur le
nombre des lecteurs, sur les catégories d'ouvrages le plus démandés,
sur Tactivité d'esprit qui fait que, tandis que dans le nord de Tltalie on
se contente ordinairement d'un seul livre, on en demande, à Palerme,
trois à la fois. L'introduction se termine par une revue rapide des
divers manuscrits et des éditions les plus précieuses, puis vient une
étude,de M. S. Cusa, sur un manuscrit arabe, le Livre des Palmes. A ce
travail succède une préface où il est rendu compte de la manière dont
a été compris le catalogue qui commence ensuite et finit, dans ce
premier volume, à la lettre M. Puisque nous parlons manuscrits, et
livres, saisissons cette occasion pour indiquer une brochure reçue il j à
déjà plusieurs mois. Son auteur, M.Salvo-Cozzo, j examine quelle ville,
de Palerme ou de Messine, eut la gloire d'avoir la première un inapri-
meur. M. Salvo-Cozzo finit par se prononcer pour Palerme. La ques-
tion nous intéresse moins que si nous étions né dans Y Isola di fuoco^
mais nous reconnaissons volontiers que l'auteur à fait preuve d'érudi-
tion, d'esprit et d'une verve toute méridionale. Th. P.
— 82« —
BULLETIN
IVotre histoire de» orluliieiB^ 19TO, Dar Gustave Hcbaclt,
docteur es lettres, professeur d'histoire au lycée Louis-Ie -Grand. Paris,
Delagrave, 1876. In- 12 de ii-256 p., orné de cartes géographiques et de
nomhreuses gravures. — Prix : 2 fr.
ILy a un an à peine, M. Huhanlt publiait Notre histoire en cent pages, un char-
mant et excellent petit volume, offrant la quintescence de l'histoire de France;
trois fortes éditions furent enlevées en quelques mois. Mais, malgré tout le
talent qui avait présidé à ce tour de force, cent pages pour raconter l'his-
toire de France, c'était trop peu. De tous côtés se sont élevées des voix
pour dire k M. Hubault : recommencez ce récit attachant de nos grandeurs
et de nos misères, mais moins rapidement, et en le prolongeant jusqu^à nos
jours. Et M. Hubault s'est remis à l'œuvre. Le livre qu'il ofire au public
aujourd'hui a les qualités du précédent, mais il est plus complet. Ce n'est
point un abrégé chronologique ; c'est une histoire où, sans se croire obligé
d'enregistrer tous les événements, l'auteur met en relief les faits impor-
tants, les noms glorieux ; il raconte, il juge, il intéresse, il instruit. -^
Nous aurions voulu pouvoir faire quelques citations mettant en relief l'es-
prit impartial, sage et hautement chrétien de l'auteur ; mais nous ne crai-
gnons pas d'afGrmer qu'aucun livre de ce genre ne peut mieux convenir A
la jeunesse et aux classes populaires. A. de M.
Oloire» du Catholtclftme an dlat-neuvl^me «lAcle. Mqt Du-
pankupf et extrait de ses (Buvres, par M. l'abbé M. Dourlbns. Arras, Victor
Brunel, 1875. In-8 de 457 p. — Prix: 3 fr.
C'est une excellente idée qu'a conçue M. l'abbé Dourlens de recueillir,
dans les œuvres de nos plus illustres écrivains catholiques, les éléments de
biographies d'autant plus fidèles que l'auteur laisse presque toujours la
parole à ceux dont il veut nous raconter la vie. Aujourd'hui^ le portrait de
M^ Dupanloup vient s'ajouter à cette intéressante ga'erie où Montalembert
et Louis Yeuillot avaient déjà leur place. C'est une vie bien remplie que
celle de l'évéque d'Orléans : des catéchismes de Saint-Sulpice, où Tabbé
Dupanloup s'était déjà fait un nom, jusqu'aux mémorables discussions sur
la liberté de l'enseignement supérieur, il n'est pas un événement tant soit peu
considérable où M*' d'Orléans n'ait joué un rôle, pas une discussion dont il
n'ait pris sa part, pas une lutte où il ne se soit signalé. M. l'abbé Dourlens
nous fait successivement assister à toutes les phases de cette mémorable
existence, et, %n traçant la vie de fif Dupanloup, c'est à peu près l'histoire
de notre temps qu'il nous présente. De longs extraits, généralement bien
choisis, nous font cotmaitre l'écrivain ; des analyses exactes de toutes ses
œuvres, à peu d'exceptions près, nous mettent à môme d'apprécier cette rie
exiraordinairement féconde. E. P.
mme dl Liul^t d*Bredln« palermitano, ora per la prima votta stampatê
per cura di Salvatore Salomone Mahino, socio délia Commissiane de' testi di
lingua. Bologne, Romagnoli, 1875. In-18, tiré à 202 ex., dexxiv-64 p. —
Prix : 3 fr
La collection de Romagnoli est bien connue des bibliophiles; elle vient de
- 8J7 —
s'augmenter d'un charmant volume, des vers d'un poète palermitain
pour lequel l'oubli était une injustice. Cette ii^ustice, c'est un littérateure
dont il a été plus d'une fois parlé dans cette revue, M. Salvatore Salomone
Marino, qui l*a fait cesser. On sait que M. Marino a donné un bon recueil de
chants populaires; on se rappelle le soin avec lequel il a publié la belle
légende de la Princesse de Cartm. Le nouveau volume est digne des œuvres
qui l'ont précédé. Critique plein de tact, M. Marino n'a pas cherché à sur-
faire la valeur de Luigi d'Eredia. Il ne le représente pas comme un poète
original ; il reconnaît en lui un disciple de Pétrarque et ne dissimule pas
certains défauts produits par une imitation trop prolongée ; Luigi. d'Eredia
n'est pas cependant un copiste servile de l'amant de Laure, et il eut le
mérite de ne pas se faire le reflet d*un autre poète, son ami, dont l'exemple
fut funeste à beaucoup de contemporains. Il sut résister à la tentation de
suivre les traces de l'auteur de VAdone^ du chevalier Marini, si fameux pen-
dant quelques années. Les sonnets de Luigi d'Eredia sont au nombre de
trente-trois; on trouve parmi eux une plainte de la Madeleine repentante,
une cantùne et deux capUoli en tercets d'une bonne facture. M. Marino a
fait suivre ces poésies de notes intéressantes et judicieuses, telles enfin
qu'on devait les attendre de lui. Ta. P.
Oéogpraphle de la Prance* accompagnée de notions premières sur le
globe et sur les cinq parties du monde. Suivie d'un vrécis de la géographie
de la Terre sainte, par A. Magin, ancien recteur de rAcadémie de Poitiers,
avec de nombreuses cartes. Paris, f'elagrave. i875. ïn-12 de 178 p. —
Prix cartonné : 90 cent.
Il était difficile de mettre plus de choses en moins de pages. Ce petit vo-
lume sera, croyons-nous, d'un grand secours aux maitrel d'école et aux
mères de famille pour commencer les enfants, et ceux-ci, s'ils le possé-
daient à fond, seraient plus iustruits que bien des grandes personnes. Les
notions sont présentées avec ordre, les définitions sont courtes et précises ;
chaque paragraphe porte un numéro correspondant à un questionnaire placé
à la fin du chapitre. I/idée d'intercaler des cartes dans le texte est excel-
lente en principe : malheureusement l'exécution ne répond pas toujours &
l'intention. — pour la France, la division géographique par bassins est
adoptée concurremment avec la division par départements. Les notions de
géographie économique sont sufiisamment développées. — Ce petit livre
mérite d'être accueilli avec faveur. F. R.
Prance physique, admlnlMtratlve, mllIUiIre et écoiio-
mlque, par L. Oubkc^ sous-lieutenant au ii' de ligne. Paris, Dumaine,
J875. In-i2 de 280 p. — Prix : 2 fr.
Bon ouvrage, clair, méthodique, dédié par hauteur, « aux élèves des
écoles primaires, des écoles communales et industrielles, aux sous-officiers
candidats à l'épaulette. » Nous croyons qu'il remplira son but. La France
physique est traitée par bassins ; l'étude des frontières, présentée au point de
vue militaire est précise. La France administrative comprend, dans ses quatre
premiers chapitres, un très-bon résumé d'un cours de droit administratif.
Les quatre chapitres suivants traitent de l'organisatian financière, judiciaire,
universitaire et ecclésiastique. La troisième partie, France militaire, échappe
un peu à notre compétence ; mais, comme^ l'auteur appartient à l'armée^
nous ne mettons pas en doute qu'il ne l'ait aussi heureusement traitée que les
autres qui, sauf la première, lui étaient évidemment, par état, moins fami-
— 528 —
lières. Quant îi la France économique^ il y a là une trentaine de pages, soit
de statistiques, variables avec le temps, soit de notions d'économie politique,
trop succinctes pour qu'il ne nous soit pas permis de désirer que Tauteur en
fasse l'objet, dans un prochain travail, d'une étude plus complète et pins
approfondie ; il y a tout à gagner à ne laisser ici aucun point dans
l'ombre, et les doctrines économiques ont trop d'importance, aujourd'hui,
pour subir ainsi une réduction dans leur exposé, qui équivaut presque à
une mutilation.
Quant à Vesprit du livre, pour un passage où il perce dans une œuvre
aussi technique, nous sommes obligés de faire nos réserves formelles. La
liberté de conscience, telle que l'auteur la définit (p. 137, organisation ecclé-
siastique), n'est pas « un droit imprescriptible, » car il y a la Vérité et
I'Erheor ; et le sentiment propre et individuel n'est point ici le juge
compétent. Il existe donc un droit antérieur et supérieur, celui seul de la
vérité, c'est celui-là qu'aucune « loi ne saurait nous ravir, » — l'État n'a pas
le droit non plus (même page) de « modifier ou d'interdire l'exercice da
culte extérieur. » Ici encore il y a un droit antérieur et supérieur à celui
de l'État. — Ce n'est pas le lieu de développer, sur ces graves questions, les
notions exactes et les principes vrais; si l'auteur eût ouvert un catéchisme,
il eût évité de déparer, par des assertions aussi erronées, un ouvrage qui
témoigne d'un louable amour de l'étude et qui n'est d'ailleurs pas sans
mérite. F. R.
l^'Ecole delà Réforme sociale, par le H. P. Ramièrb, S. J. i" par-
tie : La méthode de l'École et les mensonges de /a Révolution, — 2* partie :
Les ruines de la révolution et les conditions de la 'Réforme. Tours, Marne ;
Paris, Dentut 1875. 2 br. in-18 de 60 et 48 p. — Prix de chaque bro-
chure : 0 fr. 30.
«
Ei'Unlon adoptée comme auxiliaire par les institutions fondées
sur le Décalogue, par M. Emh. de Gurzon. Tours, Mame ; Paris, Dentu,
1875. 1 br. in-18 de 40 p. — Prix : 0 fr. 30.
Démasquer les mensonges que la Révolution cache sous les mots trom-
peurs de liberté, d'égalité, de démocratie, de progrès, de civilisation ; cons-
tater les ruines que ces déplorables erreurs ont amenées en désorganisant
la famille, Tatelier et la commune ; réduire enfin le symbole de la révolu-
tion à cinq articles dont la répudiation sera le premier pas dans la voie du
salut, telle est la triple tâche à laquelle le R. P. Ramière applique la
méthode d'observation créée par M. Le Play. Il estime qu'en employant
cette méthode efficace, l'École de la réforme sociale sera pour l'Église un
auxiliaire utile, plus utile en un sens que si elle se plaçait sur un terrain
exclusivement catholique. Aussi compare-t-il l'œuvre de l'École <c à ces tra-
vaux de préparation évangélique par lesquels les anciens Pères s'efforçaient
d'attirer à la lumière les peuples enfoncés dans les ténèbres de l'idolâtrie. »
Comme on le verra dans la troisième des brochures que nous signalons, le
R. P. Ramière a chaleureusement renouvelé ces déclarations dans le con-
grès catholique tenu, sous la présidence de Wsv l'évoque de Poitiers, le 21
août dernier. Il a provoqué un vœu unanime du congrès, engageant les
catholiques à unir leurs efforts à ceux des hommes qui, « appuyés sur
l'étude consciencieuse des faits, démontrent l'union de l'ordre social et de
la religion. >» A. D.
— 5iO —
Deux Incident» de la question oatliollqne en Angleterre,
par M**' AuGUSTDs Cravfn« Paris, Didier, i875. In-<2 de U8 p. — Prix :
1 fr. 50.
I^a Tentatl-ve anticathollque en Angleterre» ou l*opu»oule
du T. H. lUr Gladstone, membre du pariement ; observations de
Mr François Nardi (traduction française). Montpellier, i87o. In-8 de 97 p.
— Prix : 2 fr.
l^e« Souvenir» catbollque» de la Tour de Kiondres, etc.,
par le très-révérend R. Gooke, traduction par M. Gréard. Paris, Douniol,
4875. In-8 de 64 p.— Prix : i fr.
G*est à la même cause que ces trois opuscules doivent leur origine; les
attaques de M. Gladstone contre le catholicisme et la croisade anticatholique
que le chef du dernier cabinet libéral cherche à organiser contre TÉglise ont
déjà fourni, à une multitude d*auteurs, Toccasion de défendre ce qui est
plus qu'une question de justice, ce qui est, avant tout, une question de bon
sens.
M"' Crdven était, mieux que personne, préparée à élever la voix en
faveur des catholiques anglais; mieux que personne, elle pouvait dire à
M. Gladstone qu'il fait fausse route ; car elle n'avait qu'à lui rappeler un
souvenir gravé encore dans sa mémoire, et à l'inviter à comparer sa conduite
de i850 à celle de 1875. C'est ce qu'elle a fait, en publiant à nouveau, avec
l'article paru cette année dans le Correspondant j les pages si simples, mais
si vraies et si éloquentes, qui eurent tant de succès lors de la célèbre aggi^es-
8%on papale de i850.
M"* Craven examine le débat soulevé par M. Gladstone d*un point de
vue* tout extérieur, tandis que Ms' Nardi suit son adversaire pas à pas et
croise le fer de plus près. Nous n'avons pas évidemment à reconnaître la
solidité de la réponse de Mc' Nardi. C'est un écrit ferme et substantiel que
le sien. Peut-être, cependant, cût^l été possible, dans l'intérêt de la vérité
et de l'Église, d'en rendre le ton moins aggressif. La vérité ne perd rien de
sa force à employer le langage bienveillant de la charité ; et souvent elle
gagne, par le bon procédé, l'adversaire que ne convaincraient pas les bonnes
raisons. Du reste, il est possible que l'original italien soit plus doux que ne
Test la traduction française. Nous aimons à le croire, car nous savons très-
bien que, dans la langue employée par Mr Nardi, il est passé en adage
qu'un traduttore est un tradditore.
Au milieu des pénibles souvenirs qu'éveillent les deux opuscules de
M** Nardi et de M*"* Craven, on reporte naturellement sa pensée sur les
premiers jours de la réforme anglicane. Le révérend Père Cooke a bien fait
de replacer sous les yeux des catholiques anglais, ces deux nobles figures
qui ont nom Fisher et Thomas Moore. Quand le tocsin de la persécution
retentit de nouveau, les catholiques d'Angleterre ne sauraient mieux faire
que d'étudier l'histoire de leurs martjrrs : ils apprendront, à leur exemple,
à savoir souffrir et, s'il le fallait encore,^ savoir mourir.
Comme le regard se repose avec plaisir sur ces deux vieillards, blan-
chis au service de leur souverain, et pour lesquels ce prince voluptueux et
apostat ne trouve d'autre récompense que la hache et le billot! Avec
quel respect religieux on relit cette méditation sur la mort que le noble
évéque de Rochester écrivait pour sa sœur au moment où le bourreau venait
déjà frapper à sa porte ! Ces pages, il faudrait (es reUre souvent ; mais il faut
surtout que les Anglais les relisent à cette heure. — Le révérend Père Cooke
a bien fait d'évoquer ce glorieux passé, au milieu des an^isses de la lutte
présente ; ce sont là des souvenirs qui consolent et qui fortifient.
P. M.
— »80 -
Salnto Marle-lCAdelelae. Eludes, par M. l'abbé Goulin. Seconde édi-
tion. Paris et Tournai, V« Casterman, 1875. In- 18 de xxvn-264 p. —
Prix : \ fr. 2o.
Ces études sur sainte Marie -Madeleine, parues pour la première fois en
1862, sont un commentaire mystique, en un style qui n'a point toujours
assez de simplicité, de tous les actes de la vie de cette sainte. Il s'adresse
plus spécialement aux femmes. M. Tabbé Goulin suit le texte des évaogé*
listes, qu'il explique à l'aide des interprètes les plus autorisés. Il montre en
elle le modèle de la pénitence chrétienne et les merveilles opérées dans sod
âme par la grâce. Il suit, dans ses pieuses considérations, l'ordre des éTéoe-
ments. Dans son introduction, comme aussi, à l'occasion, dans le cours de
son ouvrage, il défend la tradition des églises de Provence et soutient l'ideo-
tité de Marie, sœur de Lazare, avec Marie-Madeleine, la pécheresse. R.
VARIÉTÉS
LA BOCléTÉ OBOGRAPHIQUE DB RUSSIE ET SES TRAVAUX.
Il est peu de pays dont l'aspect physique présente autant de contrastes
que l'empire des tzars. On y trouve à la fois des régions polaires et des
contrées au climat d'Italie, des montagnes dont les cimes éternellement
blanchies se perdent dans les nues et des plaines immenses de tourbes,
des lacs et des fleuves gigantesques, des forêts séculaires et des steppes
interminables, une variété de faune et de flore qui n'a d'égal que la
diversité des degrés de civilisation qu'occupent les peuples incorporés
dans le colosse du Nord. La science géographique y a donc un champ
assez vaste à cultiver pour qu'elle ait besoin d'en franchir les limites;
surtout si l'on considère que ses investigations datent d'une époque relati-
vement très-récente, qu'elles ont pour objet non -seule ment l'étude de la
terre, mais encore celle de l'homme qui l'habite et des rapports de dépen-
dance qui en résultent nécessairement dans le développement intellectoel
et moral des individus comme des peuples entiers.
Aussi la société géographique de Russie embrasse-t-elle à la fois la
géographie descriptive, l'ethnographie et la statistique. Nous avons déjà
exposé le tableau des principaux résultats qu'elle a obtenus dans la première
et la principale branche de ses études. — Mais il ne lui suffit point de
faire conndtre l'état actuel du grand empire, même considéré au triple
point de vue de géographie, de statistique et d'ethnographie. Pour avoir une
notion du pays la plus complète possible, elle veut en connaître le passé,
sous peine de demeurer au-dessous de la science moderne,auxyeux de laquelle
la géographie et l'histoire doivent être inséparables et se prêter un mutuel
secours. Ge principe hautement proclamé par Garl Ritter et pour ainsi
sanctionné par la brillante application que ce coryphée des géographes
modernes en a faite dans son Erdkundef la société géographique de Saint-
Pétersbourg ne l'a jamais perdu de vue. Dès l'ouverture des séances,
M. Lûtke, alors son vice-président, recommandait aux membres de la Société
l'étude des matériaux déjà existants mais enfouis dans les différentes
archives du pays : c'était indiquer indirectement la méthode historique. En
outre, le Messager de la Sociélé, son organe périodique depuis 1831, eut, dès le
commencement,une section affectée à la géographie historique et à rhistoir*
de la géographie. La même pensée fut plus d'une fois développée et motivée
— B3i —
dans des mémoires présentés à ]a sodété, entre antres dans ceux de
M. Baer, académicien, intitulés, l'un : Recherchée ethnographiqueê^ Tanife :
De VInfluence de la ruUwre phyeique twr les relations sociales des peuples
et sur l'Histoire de l'humumité. -Après avoir établi, que la connaissance des
races explique Thistoire, que Thistoire de la cinlisation et Tethno-
graphie ont une base commune, M. Baer cite, à l'appui de son assertion,
les annales de Novgorod et le Liwe de la grande carte (dont nous parlerons
plus loin); et il prouve jusqu'à l'évidence ce fait que les historiens récents
voudraient nier, mais qui est certain, à savoir que les Russes primitifs ont
exercé la marine, qu'ils ont connu, visité et possédé les bords de la mer
Glaciale jusqu'à Kola et au delà ; qu'ils ont pénétré dans la Terre^Nouvelle
avant les Anglais et les Hollandais, lesquels s'attribuent l'honneur de la
découverte, sans s'apercevoir que le nom russe de Novata-Zemblaf qu'ils
donnent à cette lie, témoigne contre eux. Toutefois, personne n'a mis la
nécessité de la méthode historique en relief autant que M. Nadejdine,
premier président de la section d'ethnographie et un des membres les
plus éminents de la Société. Dans son remarquable mémoire sur VEtude
ethnographique de la nation russe, rédigée en 1846, il traçait d'une main sûre
le vaste plan des travaux à faire et qui fut adopté plus tard. « Entre
l'ethnographie et la géographie, disait-il, il existe une liaison intime et une
réciprocité constante; si l'histoire est déterminée dans ses développements
par les données positives que lui fournit l'ethnographie, celle-ci, à son tour,
se guide dans sa marche progressive par des souvenirs historiques
(p. 99).
M. Zablotski-Diesiatovski en disait autant de la statistique, en ajoutant
c( que les connaissances fournies par elle commencent avec les annales et
les documents historiques du pays; que, sous ce rapport, les livres de recense-
ment offrent un matériel extrêmement riche pour servir à l'histoire de la
géographie russe. — Les données sans nombre qui y sont disséminées
partout ressembleraient à autant de pierres de couleur diverse qu'il sufQt
d'assortir pour en composer un tableau mosaïque de l'ancienne Russie. »
Toutefois, comme les limites qui séparent la géographie et l'ethnographie
sont difliciles à déterminer, afin d'éviter des répétitions, qui, autrement,
seraient inévitables, nous partagerons les travaux ethnographiques de la
Société en deux catégories dont la première comprendra les recherches sur
les anciens monuments indigènes et la seconde les voyages '.
I. Parmi les monuments indigènes, figurent au premier rang les livres de
recensement (pislsovyia hnighi, littéralement : livres des descripteurs), et le
livre de la grande carte dont il a été fait mention tout à l'heure. Quelques
détails sont ici nécessaires pour la plus grande intelligence de la chose.
Les livres des descripteurs ou les registres des opérations cadastrales
datent de très-loin. La propriété foncière étant un des principaux revenus
de l'état, elle a été, dès le onzième siècle, soumise à une délimitation exacte
placée sous la sauvegarde des lois. Au dire de Thistorien Tatischtev, le
tzar Jean IV ordonna, en 1556, l'arpentage de tout le pays, en donnant
aux employés chargés de ce travail des instructions très-détaillées avec des
principes de géométrie pour le calcul des surfaces. Toutes les terres furent
ainsi mesurées, décrites et distinguées en trois catégories différentes
suivant leur qualité '.
1. C'est le i)lan qu^a adopté foa Artémiev dans son excellent rapport dont nons
avons parlé ailleurs, et qae nous ne faisons ici que résumer d'une manière très-
incomplète.
2. L^untté de la mesure territoriale, dit M. Gérebstov, était une dêuiatinê ou
— 532 —
Les registres faits du temps de Jean IV, ayant été en partie perdus lors
des troubles de l'interrègne (16i2), en partie brûlés dans un grand incendie,
en 1616, furent rétablis en 1627, sous le règne du czar Michel. L'assiette ca-
dastrale de rimpôt dura ainsi, sans modification, jusqu'au règne de Pierre I^
qui la changea en capitation.
L'Importance des registres cadastraux pour Vandenne géographie de Russie a été
établie, pour la première fois, dans un mémoire portant ce titre et écrit par
Névoline. L'examen approfondi qu'il en avait fait eut pour résultat son ouvrage
capital sur les régions (piatinas) de Novgorod au quinzième siècle, qui valat
à son auteur la grande médaille Constantin ^ ; ce travail forme le huitième
volume des Mémoires de la Société *. Il se compose de six cliapitres dont le
premier traite des sources littéraires. (Ce sont les écrits du métropolitain
Eugène, de Yazykov, Belaïev, etc.) Le deuxième parle de l'origine des pùi-
tinas et de l'importance de cette division, au point de vue géographique et
administratif ; le 3®, de l'origine des pogosies (subdivisions des piatinas) et de
leur importance ; le 4*, de la subdivision ultérieure en districts (prisondy) et
stations (stany). Le cinquième chapitre donne la liste des pogostes et la déli-
mitation de diaque piatina ; le sixième raconte les destinées ultérieures de
cette division. Dans des appendices, on lit de longs extraits des registres dont
le texte complet forme dix-huit volumes. Une carte, placée à la fin, «joute ft
la valeur de l'ouvrage. Au déclin du quinzième siècle et au conunencement
du seizième, la république de Novgorod avait atteint son point culminant :
voilà pourquoi l'auteur a choisi cette époque de préférence à toute autre.
Avant Névoline, on ignorait complètement les limites des piatinas ; son livre
résout le problème en même temps qu'il fournit le meilleur argument en
faveur de l'importance des registres cadastraux, et un excellent modèle à
suivre dans l'analyse des autres textes analogues dont les archives du minis-
tère de la justice conservent^ à elles seules, environ trois mille, relatifs à cent
villes diverses.
Les extraits donnés par Névoline dans les appendices montrèrent la néces-
sité de publier le texte même des livres ; elle fut reconnue par la Société,
d'accord en cela avec le savant auteur du livre. Cependant la publication en
fut sgournée, parce que la conmiission archéographique avait déjà décidé, dix
ans auparavant, d'en faire une édition intégrale, mais seulement après avoir
terminé l'impression du cycle entier des annales du pays, par conséquent en
dernier lieu et fort tard. Aujourd'hui encore, il n'y a que deux volumes de
publiés par elle *. Toutefois, les labeurs de Névoline ne demeurèrent pas
inutiles. L'idée de publier le texte n'abandonna jamais la Société : c'est elle
qui fit nattre la pensée de réunir des données ethnographiques sur chaque
localité en particulier. Un programme, rédigé dans ce but par Nadejdine et
Névoline, les Dioscurés de la Société, fut répandu à sept mille exemplaires. Des
écrits nombreux, mandés à la Société de tous les coins de l'empire, répon-
dirent à l'appel ; ils fournirent la matière des de^x premiers volumes du
centième partie d*ane verste carrée ^à pea près 2 hectares 2^3^ . Oq comptait deux
tchet vertes par dessiatine, et T unité d'imposition s'appelait une $okha^ contenant
400 dessiatines de terre de bonne qualité» tiOO de qualité moyenne, et 900 de la der-
nière qualité. De cette manière, toute la Russie fut mesurée, estimée et imposée nar
Mokha, (De là les registres appelés iochnoïê pismo.'^ La somme d'imposition par toM«
variait suivant les besoins de l'État, mais l'unité d'imposition restait tonjonrs la
même. Gérebttov, Rtsai $ur Vkistoir$ à» la civilisaiion in Rutii$, l, 318.
1. Nommé ainsi en honneur du grand->duc, président de la Société.
2. Opiatinakh i pogoitakh Notgorodtkikh v, XVVekiâ, 1853. In-8 de XI 1-236 et 20t p.
3. Lo premier pnrnt on IRjO et 1p rleuxième on 1862. sous la direction de M. Siiv-
VBÏtOV.
— 533 —
ReoàU d* ethnographie (1853-1854), autre conception de ces deux bénédictins
russes '.
M. Tsarski, dont le uDin est resté attaché à une collection célèbre des an-
ciens manuscrit'!, a donné les Tables des registres par sokhas, copiées sur un
manuscrit du dix-septième siècle, et auxquelles M. Bélalev a promis d'ajouter
un commentaire, lequel est encore à paraître. L'académicien Korkounov
s'oflnt également à élaborer la géogi*aphie de la république de Pscot, sur
le plan qu'avait adopté Névoline; malheureusement, le temps lui manqua
d'achever son travail. De son côté, M. Ivanov, inspecteur des archives au
ministère de la justice, entreprit et mena à bout la description des registres
cadastraux qui y sont conservés, travail fait très-consciencieusement, mais
qui resta au ministère, la Société n'en ayant obtenu que les sommaires des
registres. Ajoutons que ce travail avait été inspiré à l'auteur par un membre
des plus ardents de la Société, V. Milutine, décédé (en 1855) à l'âge de vingt-
neuf ans. Doué d'un rare talent de persuasion, le jeune Milutine le mettait
au service de ses idées favorites, pai^mi lesquelles comptait la publication du
cycle entier des registres cadastraux.
Cependant il se présenta Ta une difflculté venant de la méthode qu'on a
suivie dans cette publication^ et qui différait de celle de la commission ar-
chéographique. Fidèle à son plan primitif, la Commission tenait pour la re-
production du texte intégral, tandis que la Société géographique se bornait
à la publication des extraits d'après un plan soigneusement élaboré par feu
Korkounov et vigoureusement soutenu par M. Kalatchov, juriste distin-
gué et «énateur. Celui-ci insista sur la haute importance de la publication
projetée, et en fit presque un devoir de conscience à la Société. Une commis-
sion fut nommée à l'effet d'étudier la question et prendre une déterinination
défînitive. Elle constata l'importance de la publication et en déclara l'oppor-
tunité, d'autant plus que M. Kalatchov se chargeait lui-même de la rédaction. La
commission archéographique, ayant reçu communication de ces résolutions,
ne fit aucune opposition ; toutefois elle déclina l'offre de prendre part à l'é-
dition projetée, et se borna à conseiller qu'on eût soin d'ajouter au texte les
caries respectives. Enfin, en 1869, un plan défmitif fut adopté, et xM. Kalatchov
se mit à l'œuvre. D'abord il exclut du progranmie les Livres de Novgorod,
puisque la Commission archéogi'aphique en publiait déjà le texte intégral. Il
partagea les registres des autres villes par groupes correspondant à leurs
provinces respectives, et forma trois séries disposées par ordre chronologique.
La première de ces séries, qui est la plus ancienne (xvi« siècle), contient dix
provinces, celle de Moscou en tète. Y a-t-il déj& quelque chose de publié, je
ne saurais le dire.
Un autre monument indigène, c'est le texte de la plus ancienne carte de
Moscovie, ou \e Lwre du grand tracé (Knigha Bolchomou-Tchertéjou). Il avait
été fait par ordre du tzar Michel (1627), lors de la nouvelle délimitation des
terres mentionnée plus haut, et certainement d'après un tracé plus ancien.
L'original de la grande carte de Moscovie n'existe plus, au moins on ne Ta
pas découvert, sauf la carte do Sibérie, de Rémézov. Quant au texte qui l'ac-
compagnait, il s'est conservé en plusieurs copies.
Il se passa ici un fait analogue à celui qui avait eu lieu à propos des re-
gistres cadastraux de Novgorod. Comme ceux-ci avaient fourni les éléments
à la carte respective des piatinas, de même la grande carte de Moscou devait
être refaite sur le texte existant. Le travail n'était pas facile ; il fut mis au
concours plus d'une fois, mais sans succès. De tous les ouvrages présentés, un
1. Il est à noter que Nadejdine et Névolioe étaient fils de prêtres.
— »34 —
seul mérita la récompense (petite médaille), celui de M. OgorodnikoT. H
porte le titre suivant : Le Rivage de Moumian et de Tersk d'après la omidi
eofte. Ce que le bel ouvrap^e de Névoline a été par rapport aax pif ^sot^ia
Knighif celui d'Ogorodnikov Test par rapport à Bolschoi teheri^; bien qa*il
n'en donne qu'une partie minime et soit peu étendu (d'une centaine de pages
environ), ce travail, fait sérieusement, satisfait les exigences de la eritique,
et n'aurait qu'à être continué. Sur ces entrefaites, M. Vladimir Lamanski
découvrit, dans les archives centrales de l'État, quantité de cartes an-
ciennes, et promit de faire, sur la cariogritphie de l'uncienne Rusm, un travail
spécial qui n'a jamais paru.
En même temps, un autre travail qui avait coûté à son auteur, M. Koa-
klinski, de longues recherches, sans obtenir les suffrages de la commission,
engagea celle-ci à s'occuper d'une nouvelle édition du texte même de la
grande carte. L'édition de 183B, due aux soins de Spasski n'existait plus, et
celle de 1846 ne tenait pas suffisamment compte des variantes asMi
nombreuses qu'offrent les diverses copies. La rédaction de la nouvelle édition
fut confiée à M. Kalatchov, dont tout le monde connaît la compétence. En
attendant, il s'occupa d'une branche de documents relatifs aux f^ronHim
mUitaireê de Vancienne Ruseie, et à peine exploités. Nous verrons plas loin les
premiers fhiits de son initiative.
Voilà un tracé général des principaux travaux de la Société, dont nous
n'avons pu indiquer ici que tes grandes lignes.
Si, maintenant, de généralités nous passons aux détails, nons tronveroos
que la somme des travaux partiels sur tel ou tel point de la géographie lus*
torique ne laisse que d'être respectable. Une remarque préalable à faire c'est
qu'ils appartiennent en grande majorité au régne précédent (1825-1853).
La raison de cette particularité, il faut la chercher dans le caractère distinctif
du règne actuel, régne des réformes sociales de première importance, qui ont
suscité de nouvelles questions dont tout le monde sollicitait une prompte
solution. L'intérêt qu'offrait tel projet d'une nouvelle ligne ferrée absorbait
l'attention générale, et faisait négliger les recherches umbratiles sur la
géographie ancienne. Toutefois elles ne furent pas abandonnées entiè-
rement, comme nous allons en donner des preuves nombreuses.
Ainsi, le professeur Beiialev, un des hommes les plus versés dans la oon-
naissance de l'histoire nationale, a publié un traité fort étendu sar le»
Notions géographiques dans Vandenne Russie, et plusieurs autres de moiodif
importance. Dans les trois chapitres qui font le partage de son travail, il dis-
tingue autant de périodes dont la première est conduite du neuvième siècle
au douzième ; la seconde embrasse les deux suivants, et la troisième tra-
verse tout le quinzième. Celui qui voudra étudier la chronique dite de Nes-
tor trouvera, dans les recherches du savant auteur, un secours précieux.
Bélialev prend pour point de départ la thèse consistant à dire qu'ancienoe-
ment les traditions historiques se conservaient dans la mémoire du peuple
russe, en même temps que celles de géographie. Le peuple écoutait les récit^
des voyageurs et en conservait le souvenir. La chronique de Nestor est, selOD
lui, remplie de données géographiques puisées évidemment aux souvenirs
populaires de ce genre ; c'est elle qui fournit à l'auteur la matière de U
première partie de son livre, fort remarquable pour son temps (i Bol.)
La seconde partie, qui est plus développée, s'occupe de l'époque des pno-
cipantés apanagées (douzième-quatorzième siècles). Chaque principauté vivait
une vie à part, jouissait d'une pleine autonomie et entretenait dea rap-
ports directs avec les peuples voisins Les unes d'entre elles gravitaient vers
l'occident, d'autres vers l'orient ou le nord. Depuis l'invasion des Mongols,
cette double tendance devint plas sensible. La Russie orientale, entièrement
subjuguée par ies Tartares, se familiarisait avec les peuples d'Asie, tandis
que la Russie occidentale, demeurée étrangère au joug mongol, subit Tin-
iluence des voisins occidentaux, notanmient des Lithuaniens. Novgorod, ayant
conservé sa liberté politique, colonisait les vastes contrées de la Russie du
nord, et continuait ses relations, souvent peu amicales, avec ces voisins de
l'ouest et du midi, les Scandinaves, les Allemands et les Lithuaniens. L'en*
semble des données réunies dans le second chapitre étant disposé non par
ordre chronologique, mais suivant la disposition territoriale, prend l'aspect
d*une géogi*aphie systématique des principautés apanagées. La description
en est faite à l'aide des annales, des voyages et autres documents offlciels.
La principauté de Moscou occupe le troisième chapitre. Conome la Lithuanie
était au quinzième siècle le jcentre des duchés occidentaux, de même Moscou
rétait à l'égard de ceux de l'est. Dès le quinzième siècle, les grands-ducs de
Moscou possédaient déjà des eartes de Lithuanie, et probablement aussi
celles des autres principautés russes, autant d'éléments qui entrèrent dans
la composition de la gronde carie de Moscovie. L'analyse du testament de
Jean III, contenant les divisions administratives du graud-duché de Moscou,
et la description des terres de Novgorod, faite d'après les livres de recense-
ment commencés en 1492, terminent le remarquable ouvrage de Belialev,
auquel on sera obligé de recourir encore pendant longtemps.
Une étude analogue de M. Ghermanov expose la Colonisation graduelle de la
province de Voronége par les odnodvortsys. Pour en comprendre l'importance, il
faut avoir une notion exacte de ces derniers. Dans l'origine, les odnovortsys,
c'est-à-dire possesseurs d*une seule maison <, étaient des hommes libres que
l'appât d'un beau terrain engageait à s'établir sur les frontières de la Russie,
par habitations isolées mais rapprochées l'une de l'autre, et formant ainsi
une ligne de vedettes d'obî>ervation. Plus tard, les maisons isolées furent
réunies en villages plus ou moins étendus ; mais la dénomination d'odnodvor»
tsys fut conservée aux colons.
Les immenses plaines qui couvrent la partie sud-est de la Russie étaient
autrefois sillonnées par des populations nomades ; on les appelait, à cause
de cela, le champ sauvage (dikolé polé.) Exposée aux incursions perpétuelles
des hordes asiatiques, Moscou se vit obligée de bonne heure de pourvoir à
sa sécurité en créant le service des frontières militaires. L'origine en remonte
du-delà du quatorzième siècle ; vers la fin du seizième, tout le système de
défense était déjà complet. A mesure que les Russes se fortifiaient sur un
point, ils se transportaient plus loin, empiétant sur le champ sauvage et recu-
lant ainsi les limites de l'État.
C'est de la sorte que, dès la fin du seizième siècle, la région de Voronége a
été annexée à Moscou. L'histoire de cette annexion graduelle par les fronta-
liers moscovites fait le sujet du travail de M. Ghermanov, et, quant à ce point
spécial, elle peut servir de complément aux belles études de Bélialev qui s'ar-
rêtent précisément au seizième siècle. Les résultats obtenus par .l'auteur
montrent que la colonisation s'avançait dans la direction sud -est, établis-
sant des postes sur les bords des fleuves ; qu'outre les frontaliers t^odnovor-
tsys^, il y avait aussi plus tard, des colons volontaires, qui se fixaient même
en-dehors de la limite fortifiée, dans la Cftmpagne où ils prenaient du
terrain à volonté. On peut suivre avec l'auteur la marche de la colonisation
de Voronége et Tordre dans lequel ont été peuplés les douze districts actuels
de la provincci à commencer par celui de Zadonsk (i570).
1. Dca moto : OdfM, un seul, et dtor, mnifon.
'.>
— 536 —
Le nom d'odnovnrtsys a été donné à ces colons militaires, par Pierre I***, à
qui appartient le projet des lignes militaires de l'Ukraine, ainsi que la plu-
part des institutions russes du siècle dernier. Il n'est pas inutile de rap-
peler ici ce que dit de ce système de défense le général Manstein, dans ses
Mémoires. « Pierre I" en avait formé le projet pour empêcher Tinyasion des
Tartares; après sa mort, Taffaire en est restée là jusqu'en i731, qu'on com-
mença Toùvrage, et les lignes furent achevées en 1732 ; mais les forts ne le
furent qu'en 4738. La droite des lignes est appuyée au Dnieper et la gauche
au Donetz. Elles ont plus de cent lieues de France de long. On a fait, de dis-
tance en distance, des forts, dont le nombre ne monte pourtant qu*à quinze
en tout ; ces forts ont un bon parapet de terre fraisé, un fossé rempli d^eau,
un glacis et la contre-escarpe palissadée. Dans les intervalles de ces forts
il y a encore de bonnes redoutes et des redans tout le long des lignes. Un
corps de milices de 20,000 dragons est commis à la garde de ces lignes...
On les nomme, en russe, odnodvortziy c'est-à-dire des gens qui n'ont qu^une
seule maism, et qui labourent eux-mêmes les terres. Je dirai, en parenthèse,
que ces troupes sont les plus belles qu'il y ait dans toutes la Russie. — U est
de fait que 2,000 Tartares n'entreprendront jaipais d'attaquer une redouto
gardée par 50 hommes. Toutefois, ajoute Manstein, cela n'empêche pas les
Tartares de faire des incursions en Ukraine, l'étendue du teiTain étant trop
grande pour qu'elle pût être exactement gardée (t. I", p. 146 et 147,
édit. 1860).»
Les détails qu'on vient de lire montrent assez l'importance des livres rela-
tifs à ces lignes militaires {zasietchnyïaknighi), et qu'on conserve dans diverses
archives de provinces. Aussi, M. Kalatchov proposa-t-il d'en publier le texte, en
s'offrant de faire là-dessus un travail analogue à celui que Névoline avait fait
surle texte des registres cadastraux de Novgorod. M. Malnov, secrétaire à la
section d'ethnographie, fit motion de mettre immédiatement à profit les élé-
ments consen'és aux archives de la Société, et, ajoutant l'exemple à la parole» il
publia, quelque temps après, une étude fort intéressante sur la frontière mûi-
taire dans les limites du gouvernement actuel de Voronége, fruit des observation,
faites sur place *. C'est l'endroit de mentionner deux autres travaux tout-
à-fait analogues, la description de La ligne militaire d^au-delà du Kama, par
M. Ivanine, et le Département de YéletZj par M. Stakhovitch. Ajoutons-y une
série des monographies sur les diverses localités et les tumuli, telles que U
Description de la ville de Verkotoursk, par l'igoumène Macaire, atgourd'hui
évêque orthodoxe d'Orel, et une autre sur la Voloste (ou district) de Théra-
pont, par le même ; trois notices de M. Abramov, sur les villes de Tumène,
d'Oustkamiénogorsk et de Sémipalatinsk ; un Aperçu historique sur Novogro-
dek, en Lithuanie, depuis sa fondation en iii^, jusqu'à ta findu quatorzième siéete^
par M. Dmitriev; un autre, sur la ville de Dédukhine et ses alentours, par
par M. Pétoukhov; puis la Forêt Noire et ses envii'ons, dans le gouvernement
de Kherson, par M. Ivaschtenkov ; la Ville de Toropetz, par M. Sémevski; —
les Fleuves du gouvernement de Poltava^ par M. Markévitch ; les Caries du Oon,
publiées à Amsterdam, au conmiencement du siècle dernier, article de
M. Poloudenski, et la revue de l'ancienne division de V Ukraine par régimênis
et sotniaSy notice de Maximovitch. M. Sawaltov en publia une sur VOrigiine et
la pi opagtùm du ehistianisme à Vologda^ l'autre sur V Établissement de VipareMe
du même nom.
1. Elle a été publiée dans le numéro 7 de la Ruuie ancienne êi modem», nouvelle
revue mensuelle qui se publie à Saint-Pétersbourg, sous la rédaction de M. Behoa-
binski.
— 537 —
Il faut citer encore la notice de M. NoToschatski intitulée : Un monument
remarquable d'orthodoxie à Krémenetz, C'est une description de la forteresse de
la ville vulgairement appelée le château de la reine Bona, que Tauteur fait
dater du neuvième siècle sinon du treizième. En parlant de la Volhynie, où
elle se trouve, il a parfaitement raison de dire que Vladimir, prince de
Kiev y avait introduit le catholicisme, et feu Artémiev en lui en faisant un
reproche, fut cette fois-ci à côté de la vérité.
Quant au tumuli^ je ferai grâce au lecteur d'une nouvelle nomenclature,
en me bornant à ne citer qu'un seul travail, celui de M.' Alabine, intitulé :
Le Tumulus (TAnanie découvert près de la ville d'Elabougue, dans le gou-
vernement de Viatka. J'aurai peut-être l'occasion d'y revenir, lorsqu'il sera
question de Tethnographie.
Enfîn^ comme couronnement, il faut nommer M. Kostomarov, membre
actif de la Société et auteur d'un mémoire sur VEistoire russe dans ses rap-
ports avec la géographie et Vethnographie S dans lequel il développa la
pensée, que le but des connaissances historiques étant la vie de la société
humaine, et par conséquent aussi de la nation, Thistoire russe et l'ethnogra-
phie doivent être liées intimement, s'entr'aider mutuellement et se dévelop-
per Tune à côté de l'autre *.
II. Les travaux de la section d'ethnographie relatifs aux voyages n'ont pas
tardé à lui faire sentir la nécessité de réunir dans une synthèse chrono-
logique les données contenues en mille écrits divers, imprimés ou non, sur
les peuples de la Russie ancienne et moderne. Quelque difficile que paraisse
une pareille csuvre, des essais ont été tentés et ils méritent d'être mention-
nés. On peut les partager en deux catégories, suivant qu'il s'agit des voyages
des Russes dans d'autres pays (surtout l'Asie), ou des étrangers traitant de
la Russie.
Les services rendus par la Société à la science géographique de l'Asie sont
incontestables; nous l'avons établi ailleurs pour ne plus y revenir. Il nous
suffira ici d'indiquer la marche qu'elle a suivie dans ses savantes explora-
tions. Dans une notice intitulée l'Asti Centrale, feu Savéliev, orientaliste
éminent, résumait toutes les découvertes qui aient été faites dans ces con-
trées depuis les temps les plus reculés jusqu'à notre siècle, ainsi que les
relations qui ont existé entre elles et la Russie. Malgré sa brièveté et la date
de i847, c'est encore ce qu'il y a de plus complet sur la question.
Un autre mémoire également remarquable a pour titre: Méritas dePierrel^^
devant la géographie. Le docte académicien Baer, son auteur, prouve que
l'expédition de Bering a été faite sur l'indication de Pierre I", dont le
génie avait tout prévu et tracé d'avance le sillon qu'il fallait suivre. La
Sibérie, l'Asie-Centrale, la Perse, la Transcauc^sie, toutes les contrées que les
géographes russes de nos jours se sont donné la mission d'explorer, il en
avait fait déjà l'objet de ses préoccupations. Son intention a été de mettre
son pays en relation directe avec le Turkestan et pénétrer jusqu'aux Indes.
Assurément, il n'y a jamais eu de souverain qui ait tant favorisé les pro-
grès de la science géographique en Russie, ni qui ait mieux compris les
1. Mémoirt», livre 11, p. 92-113.
2. J'aarais désiré pouvoir associer an nom de M. Kostomarov ceux de MM. Bestonjev
Rumine, historien également eh renom^ et de Zarayslovski, archéologue des plus dis-
tingués ; mais, comnie leurs mémoires ne furent point insérés dans les publications de
la Société, et celui de M. Bestoujev-Rumine sur la Coloniêation du ptupU grand'
riutien ne ûgure pas même dans le procès-verbal de la séance à laquelle il avait été
lu, je me bornerai à partap:er à C6 s^jet les regrets du rapporteur, dont on ne
saurait asses louer la profonde érudition unie à une noble indépendance et à une
rare franchise.
DÉCEMBRE «875. T. XIV, 35.
- 538 -
intérêts de Tempire. Aussi, tandis qne les Occidentaux ignoraient l'existence
du lac Aral et indiquaient sur leurs cartes la mer Caspienne d'après les
données de Ptolémée, neiljes de quinze cents ans, les Russes connaissaient
et la topographie d'Aral et U direction des deux fleures, Amou-Daria et
Syr-Daria, pour ne rien dire de la Caspienne dont Pierre P', lors de son
séjour à Paris, a, de sa propre main, rectifié la carte.
« Quant aux Indes, Pierre n'en abandonna jamais la pensée. Peu de temps
avant sa mort, il se proposait encore d'enyoyer une escadre an Bengal. Après
sa mort, la flotte russe ne repassa plus l'équateur avant quatre-vingts ans.
Sur ces entrefaites, l'Angleterre s'empara du Bengale et de la plus grande
partie des Indes.» C'est par ces paroles que se termine le mémoire de M. Baer
qui l'a fait publier aussi en allemand, à l'occasion dn second centenaire
du tsar réformateur ^
En 18i9,le prince Soltykov a édité son Voyage dans les Indei. Le bulletin de
la Société, en faisant connaître cette splendide publication, rappelait aux lec-
teurs que les Indes avaient été visitées par les Russes dès le quinzième siède,
et, à cette occasion, il citait un certain Lébédev qui j avait séjourné doue
années entières (1786-1798) et a fondé un théâtre à Calcutta. Après avoir erré
dans le monde durant trente ans, cet homme revint en Russie où il monrot
en 1820. U est encore un autre Russe, nommé Efrémov, simple sousK>fiicier,
qui, après avoir été prisonnier chez les Kirguises, et vendu par eux au
Bukhares, s'évada et vint à Calcutta. On a de lui des mémoires assez courts,
il est vrai, mais fort curieux, où il est parlé du Turkestan chinois, dn Thibet
septentrional, du Kachemir et de la route conduisant de là à Calcutta. D
fut le premier des Européens qui ait donné une description du Samar-
kand.
Les registres cadastraux dont il a été question plus haut inspirèrent à la
Société la pensée de faire appel à toutes les bonnes volontés : en réponse à son
programme, on lui envoya de toute part des documents, des notices d*un mérite
inégal, sans doute, mais donnant chacune quelque indication utile. La
pensée d'un Becueil d'éihnographie se présenta alors à l'esprit du Nadejdine,le
grand promoteui* des études ethnographiques. Déjà en 1837, longtenips
avant la création de la Société de géographie, il avait commencé de publier
une série de monographies relatives à cette science, qui portent toute l'em-
preinte de son talent. Ses mérites et les services qu'il a rendus à la science
furent dignement appréciés par M. Sreznevski, son successeur dans la prési-
dence de la section ethnographique et son collaborateur.
Une autre idée lumineuse de Nadejdine fut d'étudier les croyances, les
légendes populaires et les proverbes, au point de vue de la géographie et de
l'ethnographie, — source demeurée jusque-là pour ainsi dire intacte. Il l'a
développée dans un mémoire qui ne fut jamais imprimé et trouva bientôt
des imitateurs. En même temps, il conçut le projet de réunir en un senl
corps toutes les données ethnographiques sur la Russie chez les divers auteurs-
H. Sreznevski fut un de ceux qui l'ont secondé en cela le plus efOcaoement.
Ainsi, en 1851, ii publia son Essai de géographie de la langue russe, contenant
l'histoire de la Russie hongroise ou transcarpatienne et de son dialecte.
Quelque temps après, il donna un aperçu des anciens voyageurs russes en
Asie, à partir du neuvième siècle, et notamment le récit d'Ibn-Khordadbeg,
écrivain arabe (880), sur le conmierce des Russes en Orient ; puis le voyage
d'Athanase Nikitine en Perse et aux Indes (1465-1472), publié avec des notes
1. Pn$r^ê d99 groittn Vêrâitntte vm dit trwêftêrung dêr g$ogrùphiMehên Kml^ii^*
Baint-Pétenboarg, t67i. In-8 de xv-200 p., ereo deux oartei.
— 589 —
critiques dans les MénuHrêi Bavants dé l'Académie (1816, vol. H.), et qui le mit
sur les traces de Glayigo, voyageur portugais, lequel avait visité Samarkand
en 1404 où il dit avoir connu des Russes. La relation de Glavigo a été longue-
ment analysée par M'^* Olga Sreznevski dans le Messager russe de i874, livrai-
son de juin.
De son c6té, M. Popov publia, sous le titre de Relations des Russes avec le
Khiva et la Bukharie sous Pierre i*', Thistoire des deux expéditions faites par
ordre de ce souverain, Thne dans la petite Bukharie, sous la conduite du
capitaine Buchholz, l'autre du prince Bécovitch, qui furent suivies de Tarn-
bassade de Florio Beneveni. Le journal de ce dernier, rédigé en italien, est
demeuré jusque là inédit; il contient cependant des renseignements d'au-
tant plus intéressants que la plupart des contrées dont il parle se trouvent
ai^ourd'bui sous la domination russe. On peut mentionner encore un tra-
vail de M. Svenske, très^tendu et trés-consciencieux, quoiqu'il se rapporte
à une époque relativement assez récente ; c'est la Revue des principales expé-
dttkms et découvertes géographiques depuis 1838 à 1848.
Cependant, le projet grandiose de faire une édition critique de tous les
voyageurs resta sans exécution, par suite de la perte presque simultanée de
ceux qui s'y intéressaient le plus nommément de Nadejdine (1886) et Névo-
line (mort en 1855). Il n'y eut que des travaux partiels, parmi lesquels nous
citerons seulement : Le Voyage de KoÊmgféh et Delille à Bérézov, fait en 1740
pour observer le passage de Mercure devant le seleil. Joseph Delille était,
comme on sait, astronome et académicien. Ce voyage, commenté d'abord
par H. Struve, fut ensuite très-longuement analysé par feu Pékarski, historien
de l'Académie, qui Ta enrichi de plusieurs autres documents conservés aux
archives de cet institut. Une autre notice, de M. Petrov, traite de Rdations de
la Russie avec le Khiva et la Bukharie, sous le régne de Fimpératrice Anna Iva-
novna, d'après de nouveaux documents trouvés au ministère des finances.
Le but de ces relations était commercial. Les documents contiennent beau*
coup de données sur la topographie des pays en question. Ils abondent
particulièrement dans le journal du colonel Harber, qui accompagnait la
earavane de 1732. Aussi, fut-il jugé digne d'être édité intégralement en
langue russe .
La plupart de ces travaux ont paru soit dans le B«ctitft/ ethnographique,
publié sous la direction de Nadejdine, Kavéline, Korkounov, Kalatdiov, et
Stasov *, soit dans les Mémoires d*ethnographie \ dont la rédaction fut confiée
à MM. Lamanski, Maikov, Savellev, 0. Miller et Hildebrandt.
Nous devons y ajouter un troisième recueil de date plus récente encore.
Ce sont les Travaux de Vexpédition ethnographique et statistique dans les pro-
vinees sud^uesi de la Ruseie, publiés sous la rédaction de M. Tchoubinski. Ds
forment sept gros volumes in»8, dont le dernier, imprimé cette année-d
(in-8 de vi«337 p.), est un des plus intéressants. U est divisé en deux par*
ties, dont la première (p. 1-212) traite de la population juive ; dans la seconde
il est question des Polonais, de lapolonisationdupays, du catholicisme (lequel
y serait, d'après l'auteur, plus aristocratique qu'en Pologne et se confondrait
aveclepolonisme), des mœurs, coûtâmes et croyances des Petits-Russiens, des
particularités de leur littérature et leur langue, des causes principales de
l'antagonisme qui existe entre eux et les Grands-Russes ; enfin des données
•Catistiques sur les catholiques et les Polonais.
Signalons encore le premier volnme, où Ton traite de croyanoes et snpen-
1. t8&3-1864, 6 vol. ia-8.
2. 1867-1873, 5 voL iii-8.
- o40 —
titions des mêmes populations, ainsi que le troisième contenant le Calen-
drier populaire (p, ii-486), sujet du plus haut intérêt et qui mériterait une ana-
lyse plus longue que ne le comporte le cadre du présent aperçu. Le
cinquième volume, d'une effrayante épaisseur, contient les chants populaires
ou le côté profane de la vie populaire; il a été publié par M. Kostomarov, de
même que le précédent, auquel il sert de complément. Les coutumes jurii
diques font le sujet du sixième volume de xvi-408 pages.
Grâce à ces travaux, la cartographie ne tarda pas à recevoir de nouveaux
développements. Dès 1855, M. Kœppen donna sa carte ethnographique de
la Russie d'Europe, en quatre feuilles, sur l'échelle de 1/3, 150,000; M. Tial-
kine publia celle de la Pologne, servant de complément à la précédente.
Une carte plus récente et mieux étudiée de la Russie européenne est due à
M. Rittich^ si connu par ses travaux sur l'ethnographie ; il a préparé aussi
une carte ethnographique du Caucase (encore manuscrite), sur l'échelle de
1/840,000, qui fait pendant à la magnifique carte chromophotographiée do
Caucase représentant en relief le système orographique de l'Isthme canca-
sien, dont la biangulation avait été faite sous la direction du général Chodzko,
Stébnitski, Khanykov, etc.
Les récits des étrangers qui ont visité la Russie contiennent une mine
aussi riche qu'elle est inexplorée. Recueillir les données ethnographiques
qu'ils renferment, les coordonner et rendre accessibles au public russe, rien,
pai^ait-il, n'est plus simple que cette pensée; mais encore faut-il qo*elle
n'ait rien de vague, qu'elle soit bien déterminée et nettement formulée. La
section d'ethnographie n'y arriva pas d'un coup. Après quelques tâton-
nements, elle adopta deux programmes, l'un qui proposait de réunir
ense^nble les données qui afiQuaient de toute part sans liaison intime, l'autre
qui concernait les allogéneSy c'est-à-dire les races différentes des Russes.
Ce dernier a été rédigé par M. Savélîev, qui le fit suivre d'un échantillon de
travail, à savoir d'une Desmption de la Mardva (Messager^ 1. l*% scct. i,
p. 116). Le même sujet fut traité bien plus longuement par M. Melnikov,
spécialiste en renom, bien que son travail ne parût que bien tard (en 1867)
et fût imprimé non dans les Mémoires de la Société, mais dans la Reçut de
M. Katkov *.
En 1850, la section écoutait la lecture du même Savéliev sur le voyagr
d'un chevalier flamand dans les pays baltiques, Novgorod-la-^rande et Psco^
(en 1412-1414). Ce chevalier s'appelait Messire GuDlibert de Lannoy, cheva-
lier de la Toison d'Or, seigneur de Saintes, Willerval, Tronchiennes, Beau-
mont et Wahenee. Il a combattu en Angleterre, en Espagne et en France,
en Prusse, en Pologne et en Turquie; il a servi les chevaliers de l'Ordre
teutonique et tiré l'épée contre « ceux de Novgorod-la-Grande. >» Dans son
second voyage, Lannoy traversa la Pologne, la Volhynie, la Podolie et U
Bessarabie, se rendant en Grèce. M. Savéliev s'offrit d'en préparer une édi-
tion critique; elle est encore en préparation.
A ce propos, le rapporteur fait observer que le même sort est échu & plus
d'un écrit; on n'a pas mai*chandé les promesses, mais elles ne forent point
accomplies. M. Artémiev signale à plusieurs reprises ce zèle plus ardent
que durable, et il a le rare courage d'appeler les prometteurs par leur nom,
en les invitant de tenir la parole donnée.
Cependant, le projet de publier la Bibliothèque des écrival/is sur la Buuk
faisait son chemin. Plusieurs membres offrirent leurs services. On rédigea
un plan à suivre dans la manière de publier les auteurs. Bientôt parut le
i. Meuagtr rmte, t. LXIX, n* 5; t. LXXl, n** 2-iO.
— 541 —
Voyage de La Martiniére, traduit par Kastorski ; Edrisi, écrivain arabe, donné
en extraits par M. Chopin ; la Qermania de Tacite et lomandés^ sur les origines
des Qoths. Les commencements promettaient beaucoup ; la suite n'y répondit
pas; à partir de i859, il n'en fut ptus question. Le travail de Kbvolson sur
les Khazares, les Bonriates, les Bulgares, les Slaves et les Russes, d'après
n)n-Dost, auteur arabe du dixième siècle >, fait une heureuse exception. Il
mérite une mention spéciale. A la traduction russe, le docte professeur a
joint des commentaires remarquables par des aperçus nouveaux' et qui
intéressent à un haut degré l'ethnographie russe. Son livre fut une vraie
révélation. Parmi les nouvelles vérités qu'il a fait acquérir à l'histoire, il
faut placer la thèse touchant l'origine des Russes, tant débattue dans le
pays. Communément on fait dériver ce nom de Scandinavie, soit qu'on
suive la théorie normande^ soit la théorie slave, M. Khvolson, s'appuyant sur
le témoignage des écrivains arabes des neuvième et dixième siècles, affirme
que le mot Busse est d'origine purement slave, et qu'il avait existé bien
avant l'arrivée des Varègues; autrement il n'aurait pu être connu des
auteurs arabes écrivant presque immédiatement après l'arrivée des Varègues.
Encore un coup, si le projet de publier les écrivains étrangers demeura en
chemin, au moins il fournit nue nouvelle preuve que la méthode historique
avait été reconnue pour base des études ethnographiques : ce qui est déjà
un grand pas dans la voie du progrès.
Les pages qu'on vient de lire n'offrent qu'un tableau bien imparfait des
travaux de la Société géographique de Russie ; mais, malgré les lacunes
qu'il pourrait avoir, et dont quelques-nnes ont été laissées à dessein dans
l'intérêt de la brièveté, il ne laisse que de donner une idée fort avantageuse
de l'état actuel de la science géographique en Russie. Les résultats considé-
rables qu'elle a déjà obtenus, dans ui) intervalle de temps relativement très-
court, permettent d'en présager de bien plus grands dans l'avenir. Ce qui
donne & cette attente presque un caractère de certitude morale, c'est le
spectacle de l'union qui s'est établie entre la science russe et celle de l'Occi-
dent, et dont chacun a pu être témoin lors du dernier congrès géogra-
phique. Plus la Russie se rapprochera du foyer de la science et de la civili-
sation véritables qui n'est pas certes en Orient, plus aussi elle fera de pro-
grès dans l'une et l'autre; plus elle sera k même d'en répandre les bienfaits
sur les nombreuses populations de toute race et de toute langue qui la com-
posent, et dont plusieurs sont encore assises à l'ombre de la barbarie.
J. Martinov.
CHRONIQUE
NÉCROLOGIE. — M*' Antoine -Charles Cousseau, ancien évêque d'Angoulême,
né à Saint- Jouin-soQs-Chàtillon (Deux*- Sèvres) le (7 août 1805, est mort
le 13 octobre, à Poitiers, où il s'était retiré depuis deux ans et demi, après
s'être démis de la charge pastorale dont une paralysie progressive ne lui
permettait plus de porter le fardeau. — Professeur de dogme, puis d'écriture
sainte au grand séminaire de Poitiers, de 1829 à 1841, supérieur de cet
établissement jusqu'en 1850, année où it fut préconisé pour l'évêché d'An-
goulême, M. l'abbé Cousseau se fit connaître comme théologien, littérateur,
philologue et antiquaire par des mémoires de haute érudition sur divers
1. Saint-Pétersbourg. 18A9. In-B de vni-199 p.
stgels religieux, mémoires ôcrits arec un ordre, une clarté, une pureté de
diction, un bonheur d'expressions dignes des meilleurs écriyains. Hébralsant
distingué, familier ayeo les littératures des classiques et des Pérès grect^
orientaux et latins, maniant les langues anciennes et l'italien presque avec
la même facilité que le français, initié par leur comparaison à Tétude si fé-
conde de l'origine et du mécanisme des divers idiomes, il sut tovyoors,
comme Ta si bien dit son panégyriste, M. Tabbé Alexandre, dans son orai-
son funèbre, employer toutes ses connaissances au service de Dieu. —
Mf Gousseau n'a pas laissé d'ouvrage de longue haleine. Depuis plus de
quinze années, il réunissait les matériaux d'un Anarcharsis chrétien au qua-
trième siècle, et il en avait coordonné et arrêté le plan lorsque son élévation
à l'épiscopat et les devoirs multiples de sa charge vinrent lui 6ter le reste
des laborieux loisirs qui lui auraient permis de mettre en œuvre ces ma-
tériaux.
Parmi ses travaux imprimés, citons un Mémoire sur l'état des lettres en
Aquitaine au sixiétne siècle analysé dans le compte rendu du Congrès scien-
tifique tenu k Poitiers en 1834; une notice sur M. André-Hubert Fournet, le
saint fondateur de la congrégation enseignante des Filles-de-ia- Croix, Poi-
tiers, Barbier, 1835; des mémoires sur V Auteur du te deuh ; sur V Église N.-D,
de Lusignan ; sur V ancienne liturgie du diocèse de Poitiers et les monumerUs qui
nous en restent ; sur le plus ancien monastère des Gaules, Liuugé, le monastère
de Saint-Martin ; sur le Cifpe funéraire et Vinscription de l'aruspice Sa6tmtf ,
insérés dans les publications de la Société des antiquaires de l'ouest ;
l'oraison funèbre de M'r Brumaud de Beauregard, ancien évoque d'Orléans ;
puis ses instructions pastorales si pleines d'onction et de doctrine, et enfin
divers discours de circonstance, et qui ne sont pas les moindres perles de
son écrin littéraire, tels que ceux qu'il prononça pour la translation des
restes de Guez de Balzac, l'un des fondateurs de l'Académie française ; à
l'occasion de la découverte du corps et de l'anneau d'un de ses illustres
prédécesseurs, où il sut tracer, à larges traits, le tableau des gloires et
des douleurs de l'église d'Angoulême ; sa bienveillante allocution lors de
l'inauguration du chemin de fer des Gharentes, et son panégyrique de saint
Martin, prononcé à Ligugé devant les Pères du concile provincial réuni à
Poitiers. Sa facilité à manier la langue latine lui valut le laborieux honneur
d'être toiyours choisi par les Pères des cinq conciles de la province de Bor-
deaux auxquels il prit part, pour la révision des textes de leurs actes, de
même que sa connaissance du grec et de l'hébreu le désigna, avec son vé-
nérable ami, M'' l'archevêque d'Alger, pour représenter Ta France dans la
congrégation des affaires d'Orient au concile du Vatican, où il était arrivé
après une étude approfondie sous toutes les faces de la tradition chrétienne,
de l'histoire de l'Église, des textes comparés des Évangiles, sur la grande
question que ce concile devait résoudre. Elle fut résolue dans le sens con-
traire aux instructions de sa jeunesse, mais dans le sens conforme 4 la
recherche qu'il avait faite, en toute sincérité, de la vérité dogmatique. Aussi
put il dire, en parlant des adversaires de l'infaillibilité, paroles qui reste-
ront dans l'histoire du Concile : Quod irufpportunum dicebont feoeruni neoM-
sarium,
Uf Gousseau, par le charme de sa conversation, l'aménité de son carac-
tère, l'enjouement et l'égalité de son humeur, s'était fait de nombreux amia
qui lui sont restés fidèles et que lui-même a beaucoup aimés jusqu'à son
dernier jour. Avait-il des ennemis ? je n'en ai pas connus. — L.-D.
— Le 25 novembre est mort, à Paris, M. Edme-Jacques-Benolt Rathebt,
conservateur sous-directeur adjoint à la Bibliothèque nationale, membre
— 543 —
du comité des trayaux historiques, yice-président de la société de This-
toire de France, chevalier de la légion d'honneur. M. Rathery était né à Paris,
le 19 novembre 1807. Il suivit d*abord la carrière du barreau et donna de
nombreux articles au Droit et à la Gazette des Tribunaux. Il écrivit ensuite
dans la Revue f^ntemporaine, la Revue des Deux-Mondes^ V Encyclopédie des
gens du mondes le Bulletin du BibliophUef etc. Une Eistotre des États généraux
lui valut le prix proposé par V Académie des sciences morales et politiques.
Après avoir été attadié à la Bibliothèque du Louvre, il passa en 1859, à la
Bibliothèque nationale comme conservateur adjoint et montra dans ces fonc-
tions une érudition et une complaisance dont les littérateurs qui ont eu
recours à lui conserveront un reconnaissant souvenir. M. Rathery s'est beau*
coup occupé de la poésie populaire. Sur un rapport de M. Fortoul, un
décret du président de la République ordonna, en 1852, la publication des
chants de cette espèce, reeueillis sur tous les points de la France. Le décret
fut malheureusement rapporté, mais il avait provoqué de très-nombreux en-
vois au Comité de la langue. M. Rathery pensait à les utiliser daps un vaste
recueil, et Ton doit vivement regretter qull n'ait pu réaliser ce projet. Il
a fait paraître des études sur la poésie populaire française dans le Moniteur
(19 mars, 23 avril, 27 mai, 15 juin, 26 août 1853), sur la poésie populaire
italienne et sur la poésie populaire anglaise, dans la Reçue des Deux-Mondes
(15 mai 1862 et 15 octobre 1863); enfin il a fait paraître, dans le Français
(19 février, 5 et 9 mars 1874), trois curieux articles sur les chants français
du Canada. M. Rathery a publié, pour la société de l'histoire de France,
les Mémoires de d'Argenson^ et a donné en collaboration avec M. Burgeaud,
des Marets, une bonne édition de Rabelais. -^ Th. P.
— M. Alexandre Groza, né en 1807, est mort d'un coup d'apoplexie, aux
environs de Berbytchev, le 3 novembre 1875. Il fit ses études à l'université
de Yilna, et puis à celle de Dorpsat; les ayant terminées, il se fixa à la cam-
pagne, dans une terre qui lui appartenait, en Podolie. Il fut l'un despo^^tes
polonais qui puisaient les sujets de leurs inspirations dans les légendes et le
passé de la Ruthénie, et qu'on désigne sous le nom de poètes de l'Ukraine,
n publia plusieurs volumes de poésies, un drame en cinq actes, intitulé
Ilrye, un mystère Twirodonski, plusieurs nouvelles en prose, etc. Parmi set
poésies, celles intitulées : îe ^Uxroste de Kaniw et les Tombeaux sont le plus
estimées. Profondément religieux, il publia encore, en 185A, un Livre de
prières, et, dans les dernières années de sa vie, un Abéeédaite destiné fc
faciliter au peuple l'acquisition des premiers rudiments de la science.
— Le 9 novembre, est mort, à Paris, M. Léopold Pannier, archiviste-
paléographe, employé à la Bibliothèque nationale et auteur de divers tra-
vaux historiques ou philologiques.M. Pannier était né à Paris, le 15 avril 1842;
il avait suivi concurremment les cours de l'École de droit et de l'École des
chartes, puis ceux de l'École des hantes-études. Pourvu du brevet d'archi-
viste, le 1*' février 1869, il appartenait depuis cette époque à la Bibliothè-
que; ses travaux et ses aptitudes scientifiques l'avaient fait passer du dépar»
teroent des imprimas à celui des manuscrits, où la section des manuscrits
français et celle du cabinet des titres lui furent successivement confiées.
Tous les habitués de ce département de la Bibliothèque conserveront le sou*
venir des qualités dont M. Pannier faisait preuve dans l'exercice de ses
fonctions. Quoique M. Pannier soit mort très -jeune, il laisse derrière
lui un assez grand nombre d'opuscules pour qu'on puisse apprécier
l'utilité de ses travaux. Après avoir fourni un texte important du
quatorzième siècle pour l'édition de la Chanson de saM Alexis, qui a valu
à M. Gaston Paris le premier prix Gobert, en 1872, il obtint an concours
— o44 —
suivant des Antiquités nationales, une récompense pour son Histoire de la
noble maison de Saint-Ouen, Collaborateur assidu des revues d'énidîtion, il
a fait paraître, dans la Bibliothèque de FÉcole des chartes une première
partie de sa thèse d'archiviste sur Pierre Bersuire, traducteur de Tite-Live,
et un Etat des inventaires sommaires des diverses archives de la France, tra-
vail des plus complets et des plus recommandables : dans la collection de
la Société de l'histoire de Paris, une étude sur les Seigneurs de Méry-sur-Oise
dans le journal le Temps, plusieurs Tariétés historique; dans la Aettie rrî-
tique, un Essai de restitution du manuscrit de Guillaume CoUetet; dans la
Revue archéologique, une très-instructive étude sur les Joyaux du duc de
Guyenne, Dernièrement, il venait de publier^ à petit nombre, une traduc-
tion versifiée, en langage moderne, de la farce du quinzième siècle, le Pâté
et la Tarte; c'était le premier numéro d'une « Bibliothèque de Jacques, >
qui devait familiariser les enfants aVec notre littérature du moyen âge.
Enfin, M. Pannier avait presque achevé la préparation, ou même commencé
l'impression de plusieurs œuvres importantes, que ses amis^ nous en ayons
l'espoir, sauront mener à bonne fin. Dans le nombre, il faut citer sa thèse
pour l'École des hautes- études, sur les Lapidaires ; le Débat des fiérauts de
fronce et d'Angleterre, pour la Société des anciens textes français, dont il
avait été un des premiers fondateurs ; le premier volume des Lettres missives
de Louis XI, pour la Société de l'histoire de France, etc.
— S. Ex. le cardinal Joseph-Otmar Rauscber, prince-archevêque de
Vienne, conseiller intime impérial et royal, membre de la Chambre des
' seigneurs, né à Vienne le 6 octobre, est mort à Vienne, le 23 noTembre ;
il avait été créé cardinal en i855;
Institut. — Académie française. — L 'Académie française a tenu, le jeudi
19 novembre, sa séance publique annuelle. pour la proclamation des prix de
vertu et des prix de littérature, la séance a été présidée par M. de Vieil-
Castel.
Voici les prix décernés :
Le prix de poésie a été décerné k M. Emile Guiard, pour sa pièce sur
Livingstone.
Prix Moniyon destinés aux ouvrages les plus utiles aux moeurs. L'Académie
française a décerné quatre prix de 2,000 francs chacun : A M. Maurice Croi-
set, professeur au lycée de Montpellier pour son ouvrage intitulé : Des Idées
morales dans l'éloquence politiqm de Démosthénes ; à M. Gaston Fengère, pro-
fesseur an lycée Gharlemagne, pour son ouvrage intitulé : Erasme', étude tur
sa vie et ses ouvrages; à M. le vicomte d'Haussonville, député à l'Assemblée
nationale, pour son ouvrage intitulé : Les Établissements pénitentiaires en
France et aux colonies ; à M"* Colomb, pour son ouvrage intitulé : Le Fille de
Carilés.
Quatre prix de i,000 francs chacun : à M. René Vallery-Radot, pour son
ouvrage intitulé : Journal d'un volontaire d'un an au 10* de ligne; à M. Stahl,
pour son ouvrage intitulé : Eùtoire d'un âne et de deux jeunes fUles; à
M. Albéric Second, pour son ouvrage intitulé : les Demoiselles du Roncay; à
M. Matobon, pour un recueil de poésies intitulé : Après la journée.
Deux prix de 1,200 francs chacun :
A M. Deltour, inspecteur de l'Académie de Paris, pour son ouvrage inti-
tulé : Principes de composition et de style ; A M. Gustave Meriet, professeur
au lycée Louis-le-Grand, pour son ouvrage intitulé : Origines de la littérature
flrançaise du neuvième au d^-septiéme siècle.
L'Académie a décerné le grand prix de la fondation Gobert k M. Casimir
— 843 —
Gaillardin, professeur d*histoire au ]ycée Louis- le-Grand, pour son ouvrage
intitulé : I!isi<nre du règne de Louis XIV.
Le prix Bordin a été décerné à M. Gustave Desnoiresterres pour son
ouvrage intitulé : Voltaire et la société française au dix-huitième siècle.
Le prix Lambert a été décerné à M. Eman Martin.
Le prix de la fondation Langlois a été partagé entre M, Pessonneaiix pro-
fesseur au lycée Henri IV, pour sa Traduction en prose du Théâtre complet
dEiuripidef et M. Gustave de Wailly, pour sa Traduction en vers des quatre
premiers livres de VÉnéide.
Le prix {ialphen a été attribué à M. H. Tivier, professeur à la faculté des
lettres de Besançon, pour son ouvrage intitulé : Histoire de la littérature dra-
matique en France depuis ses ort^/tnes jtisqu'au Cid.
Le prix Thérouanne a été décamé à H. Fustel de Goulanges, pour la pre-
mière partie de VEistoire des institutions politiques de Vancienne Frcuice.
L'Académie a accordé deux médailles de 1 ,000 francs chacune : à M. Charles
Yriarle, pour son ouvrage intitulé : la Vie d'un patricien de Venise au sei-
zième siècUt et à M. Petit de Julleville, professeur à la faculté des lettres de
Dijon, pour son ouvrage intitulé : Histoire de la Grèce sous la domination
romaine.
Prix Marcelin Guérin. — L'Académie a décerné : Un prix de 2,000 francs à
M. Eugène Loudun, pour son ouvrage intitulé : les Précurseurs de la Révolu-
tion. Deux prix de 1,500 chacun : A M. Ferdinand Delaunay, pour les deux
ouvrages intitulés : Moines et Sibylles dans Vantiquité judéo-grecque^ et PhiUm
d'Alexandrie. A M. Albert Du Boys, pour son ouvrage intitulé : Histoire du
droit criminel de la France, depuis le seizième jusqu'au dix-septième siècle,
comparé avec celui de Vltalie, de V Allemagne et de l'Angleterre.
Prix fondé en 1873, par un membre de TAcadémie, pour être décerné
dans l'intérêt des lettres. — L'Académie, décernant et* prix pour la première
fois cette année, a attribué une somme de 2,000 francs à M. Alphonse Karr,
et une somme de 1,500 francs à M. Henry Monnier.
Après la proclamation des prix. M. Saint-René Taillandier a lu la pièce de
vers de M. Emile Génard, Livingstone, qui a, comme nous l'avons dit, rem*
porté le prix de poésie. Cette lecture a été accueillie du public par de vifs
applaudissements. Enfin, la séance s'est terminée par un discours fort inté-
ressant de M. le baron de Vieil -Castel, directeur, sur les prix de vertu.
Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans sa séance du 3 décembre,
l'Académie des inscriptions a procédé à l'élection d'un membre, en remplace-
ment de M. Brunet de Presle. — Le nombre des votants était de 37.
M. Michel Bréal a obtenu 19 suffrages ; M. Edgard Boutaric, 13 ; M. Barbier
de Meynard, 5. — M. Bréal a été proclamé membre de l'Académie.
Concours. — La Société nationale d'Éducation, de Lyon, avait mis au
concours, pour l'année 1874, la question suivante : • De la nécessité de faire
pénétrer, dans tous les rangs de la société, des idées saines sur l'éducation
des enfants, et des moyens d'atteindre ce but. » Vingt-huit auteurs, ont
répondu à cet appel. M. Aimé Vingtrinier, sous-bibliothécaire de la ville,
et membre de la Société bibliographique, a été chargé de faire le rapport
sur le concours. Il a pu intituler avec raison son travail V Éducation répara-
trice (Lyon, Ralud, in-8 de 43 p.), car il fait resssortir, tant par les analyses
des mémoires couronnés, que par ses propres réflexions, la nécessité d'une
forte éducation reposant sur la foi et l'obéissance.
— La section littéraire de l'Institut genevois a mis au concours : 4® prix
de cinq cents francs pour la meilleure « reproduction » en vers fï*ançais des
— »46 —
quatre» Balh îes allemandes suivantes : Diê Krmiiehe des Ihyht$ (Schiller) ;
2* Klein noland (Uhland) ; 3« Dsr g^itreHe Eckirt (Goethe) ; 4» Dos Liëi wm bra-
ven Mann (Bûrger). Le délai fixé est le 1*' mars 4876 ; •— 2^ an prix de doaxe
cents francs, à la meilleure « étude historique sur les principaux romanciers,
et le roman dans la Suisse de langue française, à partir de la nouvelle
Hélolse jusqu'au moment actuel. » — Toutes les variétés du roman et de la
nouvelle sont comprises dans le sujet. — Les concurrents sont invités à
rester plutôt sobres de détails biographiques sur les auteurs^ et à éviter les
citations trop étendues ; ils devront développer surtout la partie la plus
neuve de leur sujet ; c'est-à-dire le tableau des trente ou quarante dernières
années. — La section verrait avec plaisir les concurrents s'élever, en ter-
minant, à des considératious d'ensemble, par exemple sur le caractère dis*
tinctif et la signification sociale, les ressources actuelles et l'avenir possible
de ce genre littéraire dans notre pajs.
— Lectures faites a l'Académie des înscrtptions et bflles-lettres. — Dans
la séance du 5 novembre, M. Wallon a communiqué une notice sur la vie et
les travaux de M. Stanislas Julien . M . Léon Renier a lu un mémoire sur
deux inscriptions concernant les historiens Adrien et Velleius Paterculus. —
Dans la séance du 12, M. de Wailly a achevé la lecture d'un mémoire sur
la langue de Reims au treizième siècle. — M. Edmond le Blant a fait une
communication au sujet de fragments de marbres qui viennent d'être décou-
verts dans le tombeau de saint Mariin, à Tours. M. Ernest Desjardins a fait
une communication sur une inscription aux déesses mères. M. Léon Heuzej
a commencé la lecture d'une étude topographique et historique sur Dyrra-
chium, enÉpire, lecture continuée dans la séance du 19. M. Chodzkiéwiez a
communiq[ué un travail sur une inscription persépolitaine. -^ Dans la séance
du 19, M. de Saulcy a lu un rapport sur la mission de Victor Guérin dans la
Haute-Galilée.
— Lectures faites a l'Académie des scirnces morales et politiques. — Dans
la séance du 13 novembre, M. le docteur Wines a communiqué un mémoire
sur le mouvement en faveur de la réforme pénitentiaire dans les États civi-
lisés, lu au congrès international de Londres. M. Fustel de Coulanges a lu un
travail sur les institutions politiques au temps de Charlemagne. — Dans la
séance du 20, M. Ch. Waddington a lu le second chapitre de son mémoir»
sur Pjrrhon et le pyrrhonisme, consacré aux antécédents du pyrrhonisme en
Grèce.
La Société de géographie de Paris, son développement, son histoire. —
A l'occasion du congrès géographique, il a été publié une notice retraçant
l'historique de la société qui a tant fait pour développer en France le goût
des études géographiques, et qui y a réussi, puisque le nombre des mem-
bres de cette société s'accroît tous les ans, que l'an dernier 11874) il s'est
augmenté de trois cents nouveaux sociétaires, et qu'il dépasse actuellement'
le chiffi*e de mille. C'est la France, *- on ne saurait trop le redire, — qui a,
la première, fondé une société de géographie proprement dite. Avant la
création de la Société de géographie de Paris (1821 >, il avait été fait, il est
vrai, en divers pays, des tentatives pour constituer des^ associations dans le
but d'avancer l'étude de la terre. C'est ainsi qu'en 1688 s'était fondée à
Venise une société de cosmographie, qui prit le nom de société des Argo*
nautes ; quelques années plus tard, une association de même genre se forma
à Nuremberg. Plus tard, d'autres sociétés se constituèrent, mais dans ud
but plus spécialement commercial ; ces associations dirigèrent surtout leur
attention du cMé de l'Afrique; telles furent les deux sociétés dites
— 547 —
Tune fonnée en France, l'autre en Angleterre. Dès i785, on jetait, chei
nous, les bases d*nne société de géographie française, conçue à un point de
vue plus général que les précédentes. Ce projet, qu'on a des raisons d'attri-
buer à l'initiative de J.-N Buache, parait avoir été soumis à l'un des minis*
très de Tépoque, soit le maréchal de Castries, soit le baron de Breteuil,
ministre de la maison du roi, soit enfin M. de Yergennes, ministre des
afiiaires intérieures. On ne sait ce qui advint de la présentation de ce projet;
si l'un des ministres que nous venons de nommer l'eût recommandé à
Louis XVI, il est probable que ce prince, qui, à l'instar de Louis XV, s'iaté-
ressait aux progrès de la géographie, n'eût pas manqué de favoriser l'entre-
prise; mais il peut se faire aussi que les événements ultérieures aient
empêché les ministres de Louis XV[ et Louis XVI lui-même de s'en occuper.
Quoi qu'il en soit, ce plan a été retrouvé et publié dans le Buliêtin de ia
Société de Géographie (2* série, t. I", p. 409). L'auteur du projet voulait
surtout remédier à l'un des vices les plus fâcheux qui avaient nui jusqu'a-
lors à la diffusion des connaissances exactes en géographie, savoir le défaut
de bonnes cartes et la multiplicité deà mauvaises. Dans les idées des fonda-
teurs, les cartes géographiques devaient être plutôt une œuvre collective
qu'individuelle, l'ouvrage non d'un seul artiste, mais d'une réunion de
savants. Ue là, l'opinion qu'en formant une société d'artistes et de savants
qui mettraient leurs travaux en commun, on parviendrait promptement à
perfectionner la géographie, et à faire des cartes plus exactes et meilleures,
à mesure que le dépôt de la société s'augmenterait, et que le travail et les
recherches de ses membres s'accumuleraient. Malheureusement, le projet de
société semble avoir été abandonné, sans doute à cause des circonstances
politiques. D'autres projets de même nature furent conçus à l'époque de
la Révolution. On signale, entre autres, une société pour les découvertes en
Afrique, qui devait se former avec l'appui du gouvernement ; une nouvelle
société s'établit en 1802, grftce à l'initiative de Langlès, sous le titre de
Société de V Afrique intérieure et de découvertes,
n fallut dix-neuf ans encore et surtout les bienfaits d'une longue paix,
pour permettre à une société géographique de vivre et de durer. Ce fut,
comme nous l'avons dit, la France qui prit Tinitiative. Le 19 juillet 1821, une
réunion d'hommes éminents exprima la pensée que la science tirerait avan-
tage de la fondation d'une société de géographie. Cinq membres de la
réunion: MM. Barbie du Bocage, Jomard, langlès, Malte-Brun et Walckenaér
furent chargés de rédiger un règlement. Le 1*^ octobre suivant, le règlement
était soumis k une commission ; adopté le 1*' novembre, il fut publié le 7 du
même mois Appel fut fait alors, par circulaire, à tous les amis de la géo-
graphie, qui désireraient devenir membres. fondateurs de la société nouvelle,
on les conviait & une assemblée devant se tenir à l'hôtel de ville de Paris,
le 15 décembre. L'appel fut entendu : deux cent dix-sept personnes se pré-
sentèrent et se firent inscrire. De ce jour, le société de géographie se trouvait
définitivement constituée. Des deux cent dix-sept fondateurs de la société, il
ne reste actuellement qu'un seul membre, M. Vivien de Saint-Martin, prési-
dent honoraire de la société, et qui continue, avec une ardeur que rien ne
ralentit, ses importants travaux géographiques.
Les fondateurs de la première société de géographie qui ait existé dans le
monde comprirent que l'histoire, l'ethnographie, l'art de la guerre sur terre
et sur mer, la science nautique, les sciences naturelles, un grand nombre
d'autres branches des connaissances humaines, enfin l'industrie et le com-
merce reposent sur les notions précises qu'on peut avoir du globe. La voie à
suivre pour marcher au but était donc indiquée : provoquer des voyages de
— 5*8 —
découvertes, décerner des prix aux pins méritants, propager le goi\t des
études géographiques, enfin publier des cartes et des mémoires. Cinquante-
quatre ans se sont écoulés depuis cette époque, et la société est restée fidèle
au principe qui a présidé à sa fondation : contribuer de tous ses efforts aux
progrès des sciences géographiques. Le Bulleiin mensuel qu'elle publie depuis
son origine forme une cx)llection de plus de cent volumes, véritables archives
de la géographie, qui relatent outre les travaux de la société, le mouvement
des découvertes géographiques sur le globe. De ce recueil, il faut rapprocher
sept volumes de Mémoires, collection qui pourra être continuée et qui com-
prend, entre autres documents précieux, le texte français original des voyages
de Marco Polo, d'après un manuscrit de la Bibliothèque nationale. L'en-
semble de ces publications a entraîné une dépense de plus de 300,000 francs,
chifQre considérable, eu égard au modeste budget de la société, qui ne dis-
pose que d'un capital de 65,000 francs, et qui n'a pour se suffire à elle-même,
outre le revenu du capital dont nous parlons^ que le montant des cotisations
payées par ses membres. Malgré ses faibles ressources, la société a trouvé
moyen dlnstituer, dès l'origine, des prix destinés à récompenser les explo-
rateurs qui se signalent par d'importantes découvertes, et les auteurs de
travaux ou de recherches utiles au développement des sciences géogra-
phiques. Plus de cent prix ou médailles d'encouragement ont été ainsi
distribués par elle. Ce n'est pas tout. Un fonds dit des voyages, fonds modeste
et qui malheureusement est presque épuisé à l'heure qu'il est, a pu être
constitué, grâce à un grand esprit d'ordre et d'économie. Cette ressource
précieuse a servi à encourager nombre de nos compatriotes dans des enfre*
prises lointaines, difficiles et périlleuses. Il serait fort à désirer, comme le
dit la notice, que ce fonds pût être reconstitué sous la forme d'un capital
assez important pour rester comme une fondation dont le revenu serait
affecté aux voyages.
Le nombre des membres sociétaires était au 3i décembre 1874, de 1,038.
Un curieux tableau graphique tracé par M* V.-A. Malte-Brun, nous donne le
chiffre du personnel de la société, année par année depuis l'origine, avec
les augmentations ou les diminutions que ce nombre a subies, sous Vin-
fluence des événements politiques et autres. En 1822, on comptait déjà
279 membres ; en 1829, le nombre était de 305 ; mais en 1831, il tombe à
251 ; en 1848, il n'est plus que de 110, nous apprenons même par la notice,
que l'existence de la société fut alors sérieusement menacée ; en 1850, il
n'est encore que de 101 ; en 1860, il revient au chiffre primitif, à 217 ; à la
veille de la guerre de 1870, il était de 645; l'année suivante^ on ne
compte plus que 600 membres ; mais à partir de ce moment, la progres-
sion est constante : 732 membres en 1872; 831 en 1873 et 1,038 en 1874. —
En relations avec tous les points du globe, la société reçoit une foule de
publications intéressantes; la bibliothèque comprend aujourd'hui 10,000
volumes ou brochures et autant de cartes. Il faut espérer qu'il en sera
publié un jour ou l'autre, un catalogue. Dans ces derniei:s temps, la société
a constitué dans son sein une société spéciale, dite de géographie commer-
ciale, pour favoriser l'extension de nos relations commerciales extérieures.
Cette société qui a pour organe une excellente publication, VExpliyrateur^
promet de rendre à la science et au commerce de très-utiles services.
Vulgarisation des cartes géographiques. — On sait qu'à l'une des der-
nières séances de la société de géographie de Paris il a été donné commu-
nication, par l'intermédiaire de M. le ministre des affaires étrangères, d'une
lettre adressée par le consul de France à Rio de Janeiro, M. Alfred de
— 349 —
Valois ; lettre dans laquelle il était fait mention de ce qui a lieu au Brésil,
où le gouyernement impose aux compagnies de chemins de fer l'obligation
d'afQcher dans les gares certains renseignements géographiques relatifs à la
localité, à la province et au territoire entier du Brésil. A cette occasion, on
a exprimé le désir qu'il en fût fait de même en France, ce qui serait un
excellent moyen d'y propager les connaissances géographiques.
Or, le secrétaire général de la société de géographie de Paris, dans la
dernière séance de cette société, dont l'Explorateur d'aujourd'hui nous
apporte le cohnpte rendu, a rappelé que, déjà, la même idée avait été
émise. L'initiative en revient donc & la France, et notamment à la société de
géographie de Lyon. Le président de cette société, M. Louis Desgrand, avait
adressé à la société géographique de Paris une proposition tendant à unir
les efforts des deux sociétés pour amener les compagnies de chemins de fer
à prendre des mesures utiles à la diffusion de la géographie. Il s'agissait
d'inscrire dans chaque gare^ au-dessus, à côté et au-dessous du nom de la
localité desservie, celui du département dont elle fait partie ; et en second
lieu, de multiplier, dans les mêmes gares, les cartes murales dont l'intro-
duction^ en certaines stations^ a déjà eu un plein succès.
Ces cartes, répandues partout, ne pouvaient manquer d'avoir, sur l'at-
tention des milliers de voyageurs et de curieux qui y passent, un effet salu-
taire. Le principe des annonces murales est fondé sur les mêmes bases. La
société de Lyon proposait donc de recourir aux cartes de papier peint, qui
ont déjà été entreprises avec des résultats satisfaisants, et bien faits pour
encourager.
En conséquence, il y a lieu d'espérer que l'exemple donné par le Brésil
et l'action commune des sociétés géographiques de Paris et de Lyon provo-
queront des mesures favorables à l'enseignement de la géographie, et que
bientôt les voyageurs trouveront dans les gares et stations tous ' les ren-
seignements désirables sur la topographie et même un peu sur l'histoire
des contrées que traversent les lignes ferrées.
Les Universités russes. — En Russie, le ministre de l'instruction publique,
comte Tolstoï, a institué une commission composée des hommes les plus
compétents^ qui devront examiner l'état actuel des universités russes et
surtout s'enquérir de ce qui leur manque. Trois questions surtout ont été
soumises aux membres de la commission : 1* Pourquoi plus de cent chaires
sont-elles innoccupées I — 2* Quelles sont les causes de la diminution crois-
sante du nombre des étudiants? — 3° Par quels moyens s'opposer avec
succès à la propagande nihiliste qui fait toigours plus de progrès parmi la
jeunesse universitaire ? — Pour remplir sa mission et surtout pour pouvoir
répondre en connaissance de cause à ces trois questions» la commission a
déjà visité toutes les universités de l'empire ; en dernier lieu, elle se trou-
vait à Varsovie, où elle a assisté presque journellement anx cours, ayant
des conférences fréquentes avec le recteur et les autres professeurs.
Une bibliographie bistobique de le Bactagne. — Dans tine brociiure inti-
tulée : Esquisse d'une bibliothèque historique de la Bretagne suivie de la biblio-
graphie de quelques publications périodiquus de Lorient et de Rennes (Saint-
Brieuc, gr. in-8 de 43 p., extr. des Mémoires de l'Association bretonne pour
le congrès de Vannes), notre excellent collaborateur, M. R. Kerviler annonce
qu'il a l'intention de préparer, pour la Bretagne, un répertoire dans le genre
de celui que le P. Lelong a publié pour la France entière, et il a déjà, nous
dit-il, quatre ou cinq mille fiches toutes prêtes, leur nombre s'accroissant
tous les jours, car les ressources du catalogue de la riche bibliothèque de
— B50 —
Nantes, dont le sixième et dernier volnme vient de paraître, sont à sa dispo
sition, et Tinfatigable bibliothécaire, M. Emile Péhant, qui a consacré près
de vingt années & doter la Bretagne de ce précieux instrument de travail,
lui a promis son concours le plus actif. Bientôt, M. Kerviler nous donnera
quelques chapitres de sa future bibliographie historique raisonnèe de sa
province natale, et nous devons tous faire des vœux pour que Touvrage tout
entier, dont le plan est si heureusement conçu, ne tarde ensuite pas trop à
paraître. — T. de L.
Le jour des moats en Sicile. — Elle est très-instéressante la brochure que
rinfatigable Pitre vient de publier sous ce titre : Il giorno dei morti e le
strenne dei fanciulH in Sicilia, mais nous aurions dû en parler aux approches
du mois de novembre, car le travail du jeune savant sicilien a été inspiré
par le jour des morts. Chose bien bizarre, ce jour si triste dans no» pays,
ce jour qui, même à Paris, la ville des oublis et des frivolités, cause une
lugubre impression, est en Sicile une fôte joyeuse pour les enfants. Là, les
morts remplacent notre Saint-Nicolas ou Tarbre de No^l. Dans la nuit
du 1"' au 2 novembre, ils quittent leur froide demeure, mettent au
pillage les boutiques de conflseries et de jouets, et apportent dans les
familles qu'ils ont quittées des présents de toutes sortes, récompense de la
sagesse de l'année. Ces présents sont placés dans les endroits où Ton sup-
pose qu'on ira le moins les chercher. L'enfanf découvre d'abord des objets
insignifiants oy ridicules ; la mère, tout en souriant, encourage à de nou-
velles perquisitions : « Les morts, dit-elle, n'auront pas voulu oublier un
pauvre petit qui les a priés avec tant de dévotion. » Enfin Tenfant radieux
finit par trouver les cadeaux qui lui sont destinés, H cosi di morti, disent les
Siciliens, les choses des morts. — Cet usage qui nous parait si bizarre est
répandu dans presque toute la Sicile. Dans quelques parties de cette lie,
cependant, c'est la nuit du 24 et 25 décembre qui remplace celle du i"
an 2 novembre^ et alors les présents sont api>ortés par une sorte d'horrible
sorcière, rpii pourtant aime les enfants et qu'on appelle la vieille de
Noël : fa Vecehia di Natali. Ailleurs, enfin, le 1*' janvier est aussi le jour des
Strenne. — Th. P.
Le Colosse de Rhodes et M. Lâboulaye. — M. Ed. Laboulaye, membre de
l'Assemblée nationale et de l'Académte des Inscriptions, a prononcé, le
samedi 6 novembre, au banquet de l'Union franco-américaine, à l'hfttel du
Louvre, un discours d'où j'extrais c«tto phrase : « La statue de Hudépen-
dance, de M. Bartholdi, aura derrière elle trois grandes villes : New York,
Brooklyn et Ferdey City, (lette statue n'est pas trop grande devant cette
immensité. Le Colosse de Rhodes, qui noyait passer entre ses jœnbes de
petites barques assez mal pontées, ne serait qu'un jouet d'enfant auprès de
notre statue. » En regard de cette assertion de l'honorable orateur, je
demande la permission de placer une rectification que j'emprunte ft ane
dissertation intitulée : De la question de remplacement de Uxellodnnum (Paris,
1865, gr. in-8, p. iàii: « Ai-je besoin de rappeler que ce fut Yigenère qui,
dans une note de sa traduction approximative des Tableaux de Philostrate,
donna avec tant ô!aplo9nb au cx)losse de Rhodes cette position extaordinaire
qu'il garde encore de nos jours dans beaucoup trop de livres, comme si au
lieu d'avoir été imaginé par un écrivain du seizième siècle, ce grand écart
était attesté par les textes anciens les plus dignes de notre confiance ? On
s'étonne moins de trouver encore de nombreuses dupes d'une aussi auda-
cieuse mystification, quand on songe que le grand Letronne lui-même a pu
la laisser passer dans son excellente édition de VUistoùe a^icieniie de RolUn. »
— T. de L.
— 551 —
Li DIT DBS Rccs DE PARIS. — Publié pour la première fois par le savant
abbé Lebeuf, qui en avait découvert le manuscrit à Dijon, en 4751 (Voir
ffUtone de la ville et du diocèse de Paris, 1754, t. I*', p. 563, et t. IV, p. 7 de
l'édition donnée par M. Cocheris), le Dit des rues de Parts a reparu dans
buit ou neuf ouvrages divers (Fabliaux publiés par Méon, i8i8, p. 237;
IHctiounaire des rues de Paris, par La Tynna, 1816, p. lu; Tableau historique
de Parif, par de Saint-Victor, 1822, t. I^^ p. 43i); mais M. Mareuze est le
premier qui ait pris la peine de revoir le texte sur le manuscrit de la
Bibliothèque nationale (fonds français n^ 24432), et cette collation a fait
disparaître bien des erreurs (Le dit des rues de Paris (1300) par Guillot (de
Paris) avecpréface, notes H glossaire, 1875, in-16de xxiv-91 p., tiré à 360exempl.
dont 2 sur vélin et 6 sur pap. de Chine). Jusqu'ici, le texte n'avait été mis
au jour que d'une façon fort incorrecte ; malgré des naïvetés de toute espèce,
il offre de très-curieux détails qui font connaître ce qu'était Paris à cette
époque dont près de six siècles nous séparent. D'après les calculs du judi-
cieuxGéraud, la capitale comptait alors, y compris les faubourgs, 200,000 habi-
tants, et, dans l'enceinte ressérée de la ville, la population était extrême-
ment entassée. Ni commerce, ni industrie, si ce n'est ce qu'exigeaient les
besoins indispensables de la vie. Ce petit poème, qui énumère 184 rues par
deçà Grand Pont, fut composé de 1300 à 1310; on manque d'informations
sur l'auteur qui ne s'est guère préoccupé que de la rime, modifiant les noms
des rues quand le vers l'exigeait; il n'est pas toujours facile de se recon-
naître dans ces dénominations de voies publiques qui ont disparu en partie,
ou qui portent souvent d'autres noms que ceux qui leur appartenaient à
l'époque de Philippe le Bel. Le nouvel éditeur rend, à cet égard, un pré-
cieux service en plaçant au bas de chaque page des notes fort instructives
qui attestent une connaissance très-étendue de la topographie parisienne,
depuis le treizième siècle jusqu'aux derniers travaux de M. Haussmann.
C'est une lecture fort attachante pour toutes les personnes qu'intéresse
l'étude de ce vieux Paris presque entièrement disparu. Ajoutons que le plan
de petite dimension, mais très-net et très-clair, ne saurait manquer d'être
consulté avec une certaine satisfaction.
L'université catholique de Kensington. — Le collège de l'université catho-
lique de Kensington a ouvert ses coun> le lundi 1 i octobre, par une messe
solennelle du Saint-Esprit. Après ta messe, le recteur a prononcé un dis-
cours sur la loi du travail appliqué à linteltiffence. Voici le programme des
cours, tel qu'il est provisoirement adopté : M. le recteur : Morale chrétienne,
les Commandements (2 leçons par semaine) ; — M. le vice-recteur : Écri-
ture sainte, les Actes des ap6tres (2 leçons par semaine) ; — M. le profes-
seur de théologie naturelle : Des rapport^ de la science et de la religion
révélée (2 leçons), Des phénomènes physiologiques (2 leçons) ; - M. le pro-
fesseur Palej : Langues grecques et latines, Antigone de Sophocle, la jDtvt-
nation de Cicéron, les Géorgiques de Virgile, le livre XXII de Tite-Live
(leçons quotidiennes) ; — M. le professeur Mivart : Histoire naturelle, zoo-
logie et anatomie comparée des invertébrés (44 leçons dans l'année), ana-
tomie et physiologie de l'homme (22 leçons) ; — M. le professeur Barff :
Chimie, démonstrations et expériences (3 fois par semaine).
L'AssociATioff CATROUQUB. — Nous sommes heureux de pouvoir annoncer,
pour le 15 décembre 4875, l'apparition d'un nouveau périodique : L'Asso-
ciation eaihûHque, Bévue des questions sociales et ouvrières, — Organe des
hommes qui, depuis quatre ans, d4ns l'œuvre des cercles catholiques d'ou-
vriers, ne s'arrêtent devant aucun sacrifice, aucun effort, afin de faire cesser
— o32 —
l'antagonisme des classes en les ramenant à la connaissance et à Taccom-
plissementde leurs obligations sociales, cette revue deviendra un nouveau
moyen d'action pour propager la vérité catholique et faire reculer la révo-
lution. Que les catholiques la comprennent ainsi : qu'ils la lisent, qu'ils la
fassent lire autour d'eux. Par la nature et la valeur de ses travaux, nos
adversaire veiTont si ceux qui savent organiser des pèlerinages savant
aussi penser. — Le prix de l'abonnement est de 20 francs pour un an et de
\2 francs pour six mois. On s'abonne à Paris, au secrétariat de VCEuvre des
cercles catholiques d'ouorierSj 10, rue du Bac, et aux bureaux du PolybibHon.
Annales de lâ Normandie. — On annonce l'apparition prochaine d*une
revue mensuelle, publiée à Rouen, sous ce titre, sous la direction de
M. Michel Hardy.
'Les Ordres de chevalerie. — M. Jean Gay vient de publier, sous ce titre :
lÀste et origine de tous les ordres de chevalerie militaires et dvils qui oni été
institués par les papes et par les princes chrétiens du seizième siècle^ par P. Daviti
(publié séparément pour la première fois, par les soins de M. Jean Gay,
membre de l'Institut national genevois, Turin, 1876, in-8 76 p.), un volume
tiré à 300 exemplaires. L'avant-propos fort oonrt de l'éditeur fait connaitre
que ce petit travail est le seul qui mérite une attention spéciale dans nn
très-volamineux ouvrage, devenu rare et ne comprenant que de longues
dissertations historiques {Les estats, empires et principautéz du monde. Paris,
1615, in-fol. de 1464 p.). Daviti, né en 1573, fut un écrivain laborieux dont
les productions jouirent de quelque vogue : ses Travaux sans travail^ eurent
au moins trois éditions, en 1602 et en 1609; il consacra cinq volumes in-folio
à une Description des quatre parties du monde, qui vit le jour en 1637. Il y a
de nombreux renseignements historiques réunis avec soin et avec exacti-
tude dans la Liste que M. Gay a eu la bonne idée de retirer du gros bou-
quin où elle était enfouie, et où bien peu de personnes curieuses auraient
été la chercher. C'est un service rendu à des études qui sont aujourd'hui
en faveur.
Catalogue Bohy. — Nous avons sous les yeux le Catalogue des livres rares
et précieux composant la bibliothèque de J. T. Borp, ancien maire de Marseille.
(Marseille, E. Camoin, 1875, în-8, 31 1 p.).;Ce catalogue mérite d'être distingué
parmi les nombreuses publications relatives aux livres destinés à être dis-
persés par les enchères publiques. Il renferme 2,376 numéros relatifs aux
imprimés et 87 manuscrits; il se compose de deux parties distinctes ; l'une se
compose de bons ouvrages en tout genre, parmi lesquels il en est de rares
et de précieux, entre autres, dans l'ancienne poésie française ; l'autre,
beaucoup plus étendue, est une collection spéciale provençale contenant
une foule de livres et d'opuscules relatifs à la Provence, et aux honmies
plus ou moins célèbres qui appartiennent à cette province. Une pareille
réunion est le résultat de recherches persévérantes pendant de longues
années et d'un zèle infatigable; il serait impossible de la refaire aujour-
d'hui. Le catalogue, rédigé en détail et avec beaucoup de soin, indique son-
vent sous le même 'numéro un grand nombre de pièces diverses ; il dévoile
des anonymes qu'on chercherait très-inutilement dans les diverses éditions
du Dictionnaire de Barbier; il sera d'un très-grand secours aux bibliogra-
phes qui le placeront à côté des catalogues Coste et Taschereau si utiles
pour connaître ce qui concerne le Lyonnais et la Touraine. On observera
parmi tant d'ouvrages quelques volumes qui n'avaient été signalés nulle
part (voir n* 1845). La collection relative à Nostradamus, (n» 1687 et sui-
vants), celle de cantiques et noéls provençaux n*' 1848-1927) n'exbtent
— Îtô3 —
certainement nnlle part ailleurs anssi complètes. M. Bory ne se contentait
pas d'ailleurs de réunir des liTres ; il en a écrit de fort estimables relatifs
aux études auxquelles il consacrait tous ses loisirs {Origines de Vimprimerie
à ManeQk; De la Poésie provençale depuis les troubadours; De Vétat de la
Umffue ftançaise d Marseille avant la fondation de racadémie de cette
tdllej etc.).
Vieux papiebs et vieux souvenirs. ^ Sous le titre Vieux papiers et vieux
souoenirSf 1788; Les lettres de mon orand-pére, 1789-1795 (Valendennes,
imp. G. Giard et A. Seulin, 1875, in-18 j. de vni-173 p.), un anonyme, que
la piété filiale trahit à chaque page, vient de publier des papiers de famille
destinés au cercle restreint des amis et des parents. Ils mériteraient cepen-
dant de le franchir. Ils n'ont point Tinconvénient de toutes ces révélations
intimes qui introduisent le public dans le sanctuaire de la famille, et ils
donnent, sur les mœurs des familles parlementaires de province et sur la
Révolution, des traits qui serviront aux peintres de cette époque. L'auteur
nous introduit dans la ville de Saint-Pol, en 1788, où sa famille était hono-
rée des principales charges de la magistrature et de la confiance des
seigneurs, les princes de Soubise. Après avoir présenté les principaux
membres qui la composaient alors, il cède la parole aux documents dont le
principal est le récit fait par son grand-père, M. Thellier de Poncheville, de
toutes les péripéties de sa vie pendant la Révolution. Il eut le dangereux hon-
neur de lutter, aux élections pour les États généraux, contre Robespierre.
C'était un titre pour monter sur i'échafaud ; s'il échappa, ce ne fut pas grâce
à l'indulgence de ses ennemis, car il fut incarcéré, s'évada, fut repris, puis
délivré, condamné, tiré à bout portant, etc. Mais sa famille, fidèle comme
lui à Dieu et au roi, paya pour lui du sang de treize de ses membres.
— Le Begistre annuel de littérature et de Bibliographie pour 1875, édité
chez Pockering, par M. J. P. Beijeau, est en préparation. Il contiendra les
additions importantes faites aux bibliothèques publiques, les ventes de
livres, manuscrits et autographes, avec les prix des articles principaux, un
catalogue des publications bibliographiques de l'Angleterre et de l'étranger,
et autres informations.
— La ville de Smyme vient de commencer l'installation d'un musée
public d'antiquités. On y a déjà réuni 1,200 lampes, vases, sculptures, etc.,
provenant, en grande partie, de l'antique Éphèse.
— Parmi les publications de la Camden Society pour 1876, on annonce le
Siège de Rouen, et autres documents relatifs au règne de Henri VI.
— Nous empruntons à VAthenœum l'indication des prix qu'ont atteint
quelques ouvrages, dans la vente, faite récenmient à Londres, de la der-
nière portion de la bibliothèque de J. Dann Gardner. On voit que la valeur
attribuée aux livres anciens est loin de diminuer. Le Nouveau Testament de
Coverdale, imprimé à Paris, par Paul Regnault, en 1538, a été vendu
160 livres sterling (4,040 francs) ; la première édition de la Vie et des fables
d^ Ésope t imprimée à Uilan, vers 1480, 38 livres (958 francs) ; Normannorum
historiœ scriptores, d'André Duchesne, 1619, grand papier, 37 livres, (933
francs); le Myrouer de la vie humaine, de Roderigue de Zamora, imprimé à
Lyon, en 1462, 64 livres (1616 franes) ; Théocrite, imprimé par Aide, en 1495,
24 livres (606 francs).
— L'imprimerie de l'université de Cambridge va bientôt publier une édi-
tion critique de l'ancienne version latine du conmientaire de Théodore de
Mopsueste sur les épitres de saint Paul. Le texte sera emprunté au manuscrit
d'Amiens, déjà mis à contribution par le cardinal Pitra, dans le Spidlegium
Décembre 1875. T. XIV, 36.
— »64 —
êoUmMntê^ «t à un autre manuicriti rdcraunent Aécoa^^rt dans la ooltontion
jiMrléienne da British Muê9um,
— Il parait que les archives de Timprimerie dirigée par ia célèbre Plântio
à AnTers, au seizième siècle, ont été conservées jusqu'à nos jours, et l'oil
croit qu^elles pourront être bientôt communiquées au public. En effet, la
ville d* Anvers s'est mise en rapports avec une famille qui descend direela-
ment des Plantin, et des négociations ont été entamées pour Tachai de
cette collection importante. Cell&<d contient plus de 10,000 lettres da
tavftûts dont les œuvres ont été imprimées dans cette omdnei avec les
réponses de Plantin.
-^ Un choix de beaux livres français vient d*êtrô vendu à l'hôtel Drouoi,
par H* HAurice Delestre, successeur de M. Delbergue-Cormont, et M. Adolphe
L&bitte, libraire. — Voici, d'après le Journal des Débats, le prix qu'ont at-
teint les ouvrages les pins rares :
Pkms et dessiis nouveaux de jardinage, du sieur Le Bouteux, dédiés au mar-
quis de Louvois. Paris, Langlois, s. d., in-folio oblong. Ce volume contient
95 planches, )>ar Poillj et Porelle. Vues des châteaux de France et de leurs
Jardins, vendu 100 fr. — Iconologie par figures, on traité complet des allé-
gories, emblèmes et ouvrages utiles aux artistes, aux amateurs, et pouvant
servir à l'éducation des jeunes personnes, par MM. Gravelot et Gochin. A
Paris, ôhe* Lattri, graveur, s. d., 4 vol. in-8, v. rac, fil., tr. dor., 250 francs.
-— Vuéê des belles maisons de France, par Porelle. Paris, Langlois, 1680 ; 2
vol. in*4* obi., v. tr. dor., 223 planches en 2 vol.', exemplaire colorié,
160 francs. — Recueil des plans, élévations et coupes des châteaux, jardins et
déjfmdanoes que le roy de Pologne occupe en Lorraine, par Héré. Paris, s. d.
(l"* partie) 46 planches ; Plans et élévation de la place Royale de Nancy, 1753 ;
Recueil des ouvrages en serrurerie que Stanislas le Bienfaisant, roi de Pologne, a
ftâê poser sur la place Royale de Nancy, composé par Jean Lamour. Nancy, s.
d., in^^olio. Ensemble, 3 vol. in-folio, mar. v. fil. dent., tr. dor. Exemplaire
remboîté dans une ancienne reliure aux armes de Lorraine ; le dernier vo*
inme est aux armes du roi, 300 francs. -- Les CEmres de Pierre de Ronsard,
gentilhomme vendosmois, prince des poètes français. A Paris, chez Barthé-
lémy Macé et chez Nicolas Bron, 1617 ; front, et portrait gravé, 10 t. en 5
vol.y 38tt francs. — Rsynard, (Èuvres complètes. Paris, de l'imprimerie de
Monsieur, 1790 ; 6 vol. in*8, mar. bl. û\. tr. dor., figures de Boul ; bel exem*
plaire, 259 francs. •— Œuvres complètes de Crébillon. Paris, 4775 : 3 vol. gr.
in-8, mar. v. 111. dent., tr. idor. (Biziaux;. Exemplaire de Grésy ; figures de
Marinier, avant et avec la lettre, 399 francs. ^ CÉUvres «le Aactne. Paris, 1760,
3 vol. in-4; mar. r. ûl. tr. dor. Ancienne reliure, bel exemplaire aux armes
de Mirabeau. Bas /torts Quentin Bauchard ; orné de figures de Sève, 500
francs. ^ Ractsie. Œuvres. Paris, Pierre Didot Talné, 1801, 3 vol. in-folio,
pap. vél. mar. v. ûl, dent., tr. dor. Bel exemplaire de cette splendide édi-
tion, tirée k 250 exemplaires et ornée de 57 planches. Épreuve avec la lettre
grise, 355 francs. — Racine» Œuvres, avec les commentaires de Luneau de
Boi^ennain. Paris, 1778, 7 vol. in-8, mar., fil., tr. dor. (ancienne reliure).
Bel exemplaire avec les figures avant la lettre, 355 francs. ~ Monument da
costume physique et moral de la fin du dix- huitième siècle, on tableaux de la
vie^ ornés de figures dessinées et gravées par Moreau le jeune (texte par Res-
tif de la Bretonne), à Newvied-sur-le-Rhin, 1789, in-folio, demi-reliure, 26
planches, 555 francs. — Œuvres de Salomon Qessner. Paris, Renonard, 1799,
4 vol. in-8, mar. rouge, filet, tranche dorée (Bozérian), papier vélin, ûgorei
de Moreau avant la lettre, 500 francs. -* Œuvres de Demaustier. Paris, Rs-
nouard, 1809, 4 vol. in-8. mar. bl., filet, tranche dorée (Bozérian). Exem*
— 6BB -
plaire en grand papier Télin, figures de Morean, avant la lettre, 500 franea.
— Monifaueon. Antiquités expliquées, représentées en figures. Paris, 1719»
10 vol. in-folio, 1,760 francs.
— M. Louis de Zoysa, mudeliar, conservateur de la bibliothèque et chef
traducteur du nouveau gouvernement de Colombo, a fait, de temps entempt^
des rapports sur les résullats de son inspection dans les diverses bibliothè-
ques des monastères bouddhistes de Ceylan. Ces rapports ont été rendus
publics; ils ont confirmé les craintes que Ton avait de la destruction totale
de la plus ancienne littérature singhalaise, mais ils prouvent que le
mudeliar a réussi à découvrir d'importants ouvrages dont Tezistence avait
été jusqu'ici inconnue.
Parmi ces ouvrages, les suivants sont surtout dignes d'être notés : Daladàfnir
jàwaliya et DcUadà strtto, deux vieux livres singhalais sur la célèbre relique de
la Deut; le Kesâdhatu-vama^ ou Histoire du cheveu^ manuscrit qui était tout k
fait inconnu. Cet ouvrage, tel qu'il est mentionné dans le xxxix" chapitre du
Mahàvansa, traduit par M. Rys Davids, pour le dernier volume du Journal of
the Bùyal AhioHc Society, est des plus intéressants : Le Lalàta dhàtuvansa^
dont la copie, qui est dt la bibliothèque de Cambridge, est la seule copie
connue.
La Bibliothèque nationale de Paris a, sur cet ouvrage, un commentaire en
pàii. La Sàsana-Vensa, ou histoire du bouddhisme, et le Ràjadhiràja-Vitàsini,
Histoire de Bruma, sont tous les deux des ouvrages en pâli, d'une date incon-
nue, mais on pense que, de même que ceux qui les précèdent, ils contien-
nent une partie historique importante.
Il y a aussi un certain nombre d'ouvrages bouddhistes éthiques et méta-
physiques, dont un des plus intéressants est un ancien commentaire en dia-
lecte sur le Dkammapoda, bien connu en Europe par l'édition qu'en a faite
M. Faùsboll et la traduction qu'en ont donnée IfM. Max MûUer et Weber. Il
date du dixième siècle et il est le plus ancien ouvrage singhalais en prose
qui existe aujourd'hui.
Le plus important des ouvragss grammaticaux est le Padhasâdhana-tikâ,
très-ancien commentaire pâli sur la plus vieille grammaire de cette langue,
celle de Kachchàyana, dont M. Senart a dernièrement publié une édition
dans le Journal asiatique. Il est probable que les plus importants manuscrits
découverts seront copiés ou achetés par la bibliothèque de Colombo, dont
l'importance s'accroîtrait grandement, si chaque année elle dépensait une
petite somme pour faire des copies de manuscrits, qu'elle enverrait à U
Bibliothèque nationale de Paris et à celle du Bristish Muséum à Londres.
{Academy.)
— M. Shore, premier fonctionnaire de l'institution Hartley, à Sonthamp-
ton, a découvert, dans une collection de dessins et d'antiquités de l'époque
de Louis XIV, qui appartient à ladite institution, une tête de Madone. Au
revers de ce dessin, on peut lire plusieurs lignes manuscrites en vieil italien,
et le nom «Léonardo Vinci)), le tout en caractères anciens. Cette collection
de dessins occupe plus de cent cadres. Cinquante-deux d'entre eux sont des
esquisses concernant les fables d'Ésope ; on croit que ces esquisses sont des
originaux ; d'autres sont des dessins d'ornement, du temps de la Renais-
sance, des études de figure à la sanguine, et des études à l'encre, ébauches
hardies pour peindre des ciels. Ce sont vraisemblablement les œuvres d'ar-
tistes dont les noms sont inconnus, et l'on croit qu'ils appartenaient à un
médecin français qui s'était établi à Southampton, il y a cent vingt ans.
{Academy.)
— Les Femmes hibliophiUSt tel est le titre d'un petit volume in- 18 qu'a
— 556 —
fait imprimer un ami de la science des livres, M. Jean Gay, auquel on doit
déjà un catalogue raisonné des ouvrages relatifs au Jeu des échecs (fort utile
même après le livre allemand de Anton Schmid, publié à Vienne), et qui
a, cette année, fait paraître une Bibliographie africaine, qui atteste de longues
recherches. Le mince volume dont il est question ici n*a été imprimé qu'à
50 exemptaires, et il n'est point livré au commerce. Ou ne peut guère Ten-
vlsager que comme un essai, renfermant de nombreuses ioforoiations, et il
serait à désirer qu'il fût suivi d'un travail plus étendu sur ce sujet ; quelques
portraits et la reproduction des arinoiries, qui font arriver certains volumes
à des prix très-élevés, semblent de nature à rehausser vivement l'attrait
d'un travail qui n'a pas encore été entrepris. .Nous avons lieu de croire
qu'utilisant des notes laissées par Quérard et qui lui ont été communiquées,
M. Jean Gay* mettra sous presse des recherches sur un autre point curieux
de la bibliographies, à savoir les imprimeries particulières.
— La maison de librairie Longman, fort connue en Angleterre depuis près
d'un siècle, annonce, sous le titre de London Séries ofenglish ctossîcs, une
collection d'éditions fort soignées et à bon marché des meilleiTrs ouvrages
faisant partie des diverses branches de la littérature anglaise. On annonce
notamment les Essays de Bacon, un choix des meilleurs articles du Speetator
et du Tatler, les œuvres choisie» de Ghaucer, le Faustus de Marlowe (drame
remarquable, dont M. François Victor Hugo fils a publié une traduction fran-
çaise), les Poems de Wordsworth, etc. M. Fumival, dont l'activité ne se dément
pas^ annonce un recueil choisi d'extraits de livres et de maniiscrits du hui-
tième au quinzième siècle, sous le titre de : La Fie dans Vancienne Angleterre
{LifeinancientEngland).l]a travail de ce genre, relatif à la France et
exécuté par un écrivain instruit et judicieux, n'offrirait-il pas un très-grand
intérêt?
— Un remarquable ouvrage d'archéologie vient d'être publié par la
Société des antiquaires de Newcastle-sur-Tyne, sous le titre de LapÙarium
septeniriondlef ou Description des monuments de la domination romaine dans k
nord de V Angleterre,
— Chaque État de l'Amérique du Nord possède une société historique,
qui publie de temps à autre des documents sur l'histoire du nouveau con-
tinent. Une des publications les plus remarquables en ce genre est la Col'
lection des documents de Vhistoire de la Louisiane et de la Floride, dont la seconde
série vient de paraître à New York. L'éditeur, M. Trench, a receveilli, au prix
de laborieuses recherches, en France et en Espagne, les matériaux de ce
livre aussi intéressant pour les nations qui ont découvert ces provinces que
pour celles qui les habitent aujourd'hui.
— Les conservateurs du département des manuscrits du British Muséum,
non contents d'avoir livré à l'impression le catalogue des manuscrits acquis
de 4854 à 1860, poursuivent activement le même travail jusqu'en 1875. Les
lecteurs trouveront donc bientôt, dans cet établissement modèle, les cata-
logues détaillés de tous les manuscrits qui le composent, tant des fonds
anciens que des acquisitions récentes,
— On annonce la publication prochaine du IV* et dernier tome de Ton-
vrage de Max Mûller sur la science du langage, lequel porte ce titre un
peu fantaisiste : Copeauo; d^un atelier allemand.
— M. Bayster va publier la traduction en langue anglaise du savant livre
de M. François Lenormant sur la Magie et l'astrologie chez les Chaldéens.
— Un Anglais, M. i. Bruyn Andrew, apporte son tribut à la science si
étudiée de nos jours de la grammaire comparée. Il a choisi une langue ou
plutôt un patois encore peu connu des savants, celui qui se parle sur les
— 557 —
côtes de la Méditerranée, de Marseille jusqu'à Gênes. Son traité sur le
Dialecte menionnaU comble une lacune qui existait encore dans l'histoire des
idiomes de la Provence.
— L'archéologie préhistorique, cette science si neuve encore et si incer-
taine, reçoit de nouvelles lueurs de travaux sérieux entrepris d,ans toutes
les parties du monde. Un savant américain, M. J. G. Southall, vient de
publier & Philadelphie un livre remarquable^ sous ce titre : L'origine récente
de Vhomme établie Tpar la géologie et la science moderne de V archéologie préhis-
torique. L'auteur y fait justice des théories aventureuses qui reculent l'exis-
tence de rhonmie jusqu'à des centaines de milliers d'années. Voici sa con-
clusion, qui servira à faire juger l'esprit et les tendances de l'écrivain : u Si
j'ai réussi à établir la très-récente origine de la race humaine, le résultat
de l'évidence porte plus loin que les hypothèses de l'archéologie préhis-
torique, il s'attaque à la doctrine môme de M. Darwin ; car si, comme je le
soutiens, l'homme primitif ne remonte pas plus haut que six ou huit mille
ans, à l'état de civilisation, dans les régions tempérées de l'Orient (et on ne
rencontre aucune trace humaine au delà), la doctrine de l'évolution du
moins en ce qui concerne l'homme, est définitivement mise à néant. »
— The Athenœtwi du mois d'octobre renferme une curieuse étude sur les
mots celtiques ou gaéliques qui se trouvent dans Shakspeare et ses contem-
porains. L'auteur, M. Gh. Mackay, y reconnaît de nombreux restes de l'an-
cienne langue, conservés au seizième siècle dans l'idiome du peuple, auquel
Shakspeare faisait de larges emprunts.
— On vient de découvrir, dans les archives du chapitre de Westminster,
une collection de documents relatifs à l'histoire des Juifs en Angleterre au
treizième siècle. Ge sont en grande partie des contrats, baux, obligations
entre les opulents prêteurs et les seigneurs pauvres de l'époque; on y trou-
vera la preuve des grandes richesses de la race d'Israël, qui furent la cause
de son expulsion d'Angleterre en 1290.
PuBLiCAnoNs NOUVELLES. — Lcs Arts graphiques à l'exposition de Vienne^ par
Georges Masson (in-8, G. Masson). ^ Précis de philosophie chrétienne^ par
l'abbé Féchaux (in-8, Palmé). — Les Remèdes des champs^ par le D' Soffray
(2 vol. in-32. Hachette). •— Fréds d'hygiène privée et sociale, par A. Lacas-
sagne (in-12, G. Masson). — Trésor généalogique de dom VUkviellej publié
par H. et Alph. Passier (T. I", i^ et 2* p. t. H. V* p. in-4, Ghampion). —
liotice biographique sur dom VUleûielle, par A. et Alph. Passier (in-4, Gham-
pion). — Mtzkheth et Ibérie, notices sur la Géorgie^ par M. de Villeneuve (in-i2,
Douniol). — Pénelon, directeur de oonsciencCy par A. de Grisy (in-8, Didier). —
Le Président de Brosses, sa vie et ses ouvrages, thèse, par M. H. Mamet (in-8,
Thorin). — Madame en Vendée, par H. de Grammey (in-12. Palmé). — Borne
et Vendée, par J. Grétineau-Joly (in-12, Bray et Retaux). — Frédéric U, pAt/o-
sophe, par G. Rigollot (in-8, Thorin).— Étude sur la condition des lépreux au
moyen âge, par L. Guillouard (in-12, Thorin). — La Bibliothèque des écrivains
de la Compagnie de Jésus et le P. Aug. de Backer, par le R. P. V. Van Tricht
(in-8, Louvain, Gh. Fonteyn). — Souvenirs d'un magistrat, par A. L. Martin
(in-8, Thorin). — Le Scrutin de liste et le scrutin d'arrondissement en 1840 et
1869 (in-8, J. Baudry). — Le Bâton perdu, par Jean Loyseau (in-12, Dillet).
— Elisabe^j par Dorothée de Boden {jLU-ilt, Bourguet et Galas).
ViSENOT.
- 5S8 -
QUESTIONS ET RÉPONSES.
QUESTIONS.
Où naquit le P. Senault?
— -Selon le Morériàe 1757, Jean-Fran-
cis Senault naquit & Paris en 1601.
Selon le Dictionnaire hisUnique de
dom Ghaudon (édition de 1789),
Téloquent oratorien naquit à Anvers
en 1599. D'après Tabaraud et Verger,
dans la Bibliographie Michaud, il na-
Suit à Anvers en 1604 on en 1599.
n écrivain anonyme (Nouvelle Bio*
draphie générale) le fait naître en 1601
h AuverSy près Pontoise. Enfin,
M. Ludovic Lalanne, dans son Dic-
tionnaire historique de la France le dit
te né en 1701, à Anvers, près Pon-
toise. » Décidément est-ce à Paris
(en 1599? en 1601? en 1604?) ou
bien à Auvers-surOise (aujourd'hui
commune de l'arrondissement' et du
canton de Pontoise), que vint au
monde le futur supérieur général de
rOratoire? En tous cas, il faut écar-
ter du débat le nom d'Anvers qui
n'a été introduit que par une faute,
d'impression trop fidèlement reco-
piée. T. DE L.
Quel eiit l*autenr des Mé-
moire* aecrets ? — Il vient de
paraître, à la Librairie des biblio-
philes, un volume intitulé : Mémoires
secrets f volume formé d'une série de
lettres écrites par un magistrat pa-
risien, sous la monarchie de Juillet.
Quel est ce magistrat qui fut avocat-
général et conseiller à la cour royale
et qui fut appelé par l'éditeur A. de
Mamaj. un curieux de province,
Merlin et le* tribunaux, de
la Iteatauratlon.— Dans l'éloee
historique de Merlin, prononcé à la
conférence de l'Ordre des avocats
à la cour de Paris, en 1840, par
M» Auguste Mathieu (d'Avrei, on lit
(p. 25 et 26) : » Que les hommes po-
» litiques sont aveugles 1 Pendant
» quelques années les tribunaux de
» la Restauration exilèrent de leur
}> enceinte le nom et l'autorité du
>) grand jurisconsulte, et l'Avocat ne
n put l'invoquer sans craindre la pa-
„ rôle sévère du magistrat, comme si
„ la science eût été complice du ré-
» gicide 1 » — Y a-t-il quelle chose
de vrai dans cette allégation ?
B. DK FoUCBtUK.
Sébastien I^e Clere. -^
Existe -t-il encore à Paris ou en pro-
vince quelque parent ou allié de Sé-
bastien Le Clerc, fameux graveur
sous Louis XrV? L. B.
L.*Ordre de la Vlaltatlon.
— Quels sont les ouvrages parus
depuis cinquante ans, sur les diffé-
rentes fondations de couvents de
l'Ordre de la Visitation de Sainte*
Marie. Cb. dr C.
Chancelier d'A^ues-
•eau. — Pourrait-on donner quel-
ques indications sur le nombre et la
valeur des ouvrages (anciens ou
récents), qui ont apprécié l'œuvre du
chancelier d'Aguesseau? Existe-t-il
quelque monographie remarquable
sur cet intéressant sujet? A. V.
La Conspiration de» I*oa-
drea. — La Conspiration des Pou-
dres jgun powder plot), oui joue un
r61e important dans l'histoire da
règne de Jacques !•', présente bien
des points obscurs; elle mériterait
non moins jue la célèbre Conjura-
tion de Venise, d'être l'objet d'inves-
tigations sérieuses qui présenteraient
peut-être les choses sous un tout
autre aspect que celui adopté par
l'esprit de parti. Quels sont les ou-
vrages les plus dignes de fol qu'il
faudrait consulter à ce siyet? T. C*
RÉPONSES.
Sur un paaaai^ ^u ^our^
nal de l'Katolle (XUI, 286). —
Le savant éditeur des Commentaires
et IjCttres de Biaise de Monluc, dans
ce passade d'une lettre qu'il me per-
mettra ae reproduire, a bien voulu
répondre à la phrase où je disais :
Saurait-on quelque chose de plus sur
cet Abraham? Les renseignements
de M. Alph. de Ruble paraissent d'au-
tant plus précieux, (]u'ils sont tirés
d'un document inédit : « Vous avez
adressé une demande aux familiers
du seizième siècle, sur le sieur Abra-
ham, agent du parti réformé, pris
— 559 —
et mit à mort en 4575. Je ne m*int6- an temee dn Ait de l'amiral, et qu'il
resse pas moins que vous aux indi- fut employé en plnsleors négocia-
cations que vous pourrez obtenir, lions, notamment dans celles qui
Abraham joue un certain rôle dans précédèrent rinrasion dlemande de
les Mémoires de la Huguerie, que je 1576. Abraham est nommé trois fois
prépare en ce moment. Nous y voyons avec suite dans les Mémoires de la
qu'il avait été secrétaire de Coligny, Hugverie, » T. de L.
qu'après la Saint-Barthélémy il resta
Erratum. — Au numéro d'août, p. 115, liv. 15; au lieu de : YOdyssée,
lire VIliade.
TABLE MÉTHODIQUE
DES OUVRAGES ANALYSÉS
THÉOLOGIE
Écriture iMJnte. Cursus Scripturs sacrœ (le P. Schoupjf^), • . . 399
Liltursle. Année liturgique du prédicateur {Vabbé J, Orçmaj. . . . 200
Salnt«*Père«. Dialogue de saint Grégoire le Grand (trad. de B,
Cartier) 107
Tbéologle dognonatlque et morale, Compeadium theologis
dogmaticœ (Vabbé Teissonnier) 29
TheoïopsL woraih (S. Alphonsi de Ligorio) 400
De Perfectionibus moribusque diyinis {Le$iius) ,10.6
La divine synthèse, ou Texposé au double point de vue apologéti-
que et pratique de la religion Ui£çir GuUbert) 486
Cours abrégé de religion {le B, P. J. Z. Schouppe) 195
L*Ai-t d'enseigner la religion (i'a56é Jkfard'neQ 194
Esposizione popolare délia dottrina cristiana '^don F. Bosa) . . . 403
De theoria probabilitatis dissertatio theologica (R. 0 Fr, Jf. A.
Potion) 314
De la théorie du probabilrsme. Dissertation théologique (k A. P.
Fr.M.A, Potion) 314
L'Homme selon la science et la foi {le P. Didon) . 31$
Das Lebcn unsers H. Jesu Christus (L. C. Busitiger) 485
Jésus-Christ {Vabbé Ch. Place) 401
Controverse. Le Régne de Jésus-Christ et la question sociale {rahbé
Joly) 204
Réfutation de la Christologie de M. Albert Reville {Vabbé J. Troncy) . 402
La Question protestante jugée par le bon sens, la Bible et les faits
(G. Brnnain) i08
Petit Catéchisme protestant et catholique raisonné {Vabbé J.Louche) 197
Ascétisme, Pensées choisies de saint François de Sales (/. Deiotn-
court) 57
Maximes et avis spirituels de l'admirable docteur mystique Jean de
h Croix 840
— 560 —
.Belrailes spirituelles (du P. CJaudeds /a CDJomMàiV). . . ■ . . 2X1
L'Eraugile proposé à ceux qui fouSreut 203
Exercice du chemiu de la Croix (le B. P. Mach) 209
Miettes èvangéliqued {le fl. P. Th. hatUbimm) 206
La Hanae du prétro {le R. P. J. Mach) 209
L'OnisoD mentale ((« A. P. PelUalol) 313
Visites à Jésus-Hustie * 212
Union des chrÉtiena dans le cceur de Jésus 208
Les Œuvres eucharistiques (J. floncAon) m
La Prvmière Communion {JHnwJ. £'") 200
LesQuestions de vie et de mort (le R. P. A. Lefebvn) 442
t^onfèrences aux jeunes ûlles (fabbi P. Meehin) 197
Hois de Marie des paroisses et des familles chrétiennes (t'abbi Ant.
Ricard) 198
Mois de Marie de rime religieuse (J'a&â6 P. Demore) 1S9
Les Vertus de la Hère de Dieu (le fi. P. Araai) 210
MAlaunge* tbéologlque*. La Vierge Ma riu et la femme (Knu Harû
Elisabeth Cmé 34
Pailietles d'or 214
Tbâlogle bétérodoxe. Les Conflits de la science et de lu religion
(/. W. Draper) 3J7
JURISPRUDENCE
Droit prIvA. Observations pratiques sur l'application de difTérenla
articles du code pénal [Ch. Cotait) 233
Des Conséqueoces juridiques de la déconfiture (E. Pantiier) . . . 2(6
De la Propriété et de ses formes primiliTes (£. de Laveiye) ... 319
De la Division de3 personnes chez les Romains; des actes de l'état
ciTil (Pavai) 34»
Commentaire théorique et pratique de la loi du 10 déoembre 1874,
sur l'hypothèque nuritme (T. JKorel) 398
Essai sur la Tente commerciale (£. BiptrQ 391
La Faillite d'après le droit romain (S. Vavibtrg] 391
Traité surl'adultère (V. Sûffe] 390
Les Jeux et paris derant la loi (E. Chevallier) 389
De la séparation de corps {Massol) 387
La Détinition du droit {de Saulkoilie) 387
Le Droit en matière de sépulture (L. Jloiu:} 31
Droit public. Organisation judiciaire et administrative de la France
et de la Belgique 1814 à 1875 (£.FJour«)U) 2I5
De la Personoalité civile du diocèse iCA. de flran^uevtHe) .... 254
De l'accusation publique (£. Eabre) 389
Essai sur les institutions judiciaires en Roumanie {Atexaàdre
Vladeico) 489
Droit International. Le Code de commerce mis en concordance
avec les autres législations (L. Ouiitn) 391
Traité de l'ExtradiUon. (A. Billot) 488
La Faillite dans le droit international privé (G. Carie) traduction de
{E. Duboii) 391
— 561 —
Cours de philosophie (Th. Bernard) 322
Elementa philosophie (Pétri Ant. Corte) 404
Principii elemeotari di ûlosoiia (Prof. Testamenta) 404
Thëodicée (Am. de Margerie) 32
Théo^céQ (A. H. H. Dupant) 293
Apologie de la thëodicée du dernier concile général du Vatican
(Vabbé Freynet) i44
Examen philosophico-theologicum de ontologismo (A/6. Lepidi) . . 291
Ontologie (A. H. H. Dupont) 293
Methodus analjtico-syothetica in scientiis metaphysicis (Vabbé P. Jlf.
Brin) 294
Délia conoscenza iiUelUctuale, Irad. de (?• Matteo Liberatoré) . . 295
Deiruomo, trad. de (P. If. Lt66ra<ore) 296
La Béte (le A. P. de Bonnet) 325
Physiologie de la volonté (A. Herzen trad. du Dr Ch. Letoumeau). . 406
Qusestiones phiiosophicœ cum epistola (rabbé Sylv. Mauro R. P. M.
Liberatoré^ 297
Thésaurus pbilosophorum (leP, Georg,Beeb) recog. P. J. M.Camoldi, 298
Essai critique sur ]a philosophie de S. Anselme de Cantorbér? (abbé
Van Weddingen) 490
La Foi et la Science (Vabbé Moigno) 359
Origines et développemeot du positivisme contemporain (/. B. TiS'
sandier) 144
Le Matérialisme contemporain (Paul Janet) 324
Polltl^nie. Les Leçons de l'histoire. Le Christianisme et la libre-pen-
sée (Ed. Eaus) 217
Les Thèses et Thypothèse (Jules Camauer) 359
Morale. La Loi absolue du devoir et la destinée bumaine (J. Ham-
basson) 109
El Matrimonio (J. Sanehet de Toea) 327
Les Dangers du mariage et les dangers de la famille (de Mantraut) . 252
Le Grime et la Folie (fl. Jfatisd^) 411
Pensées, maximes, et boutades (L. de Cambettes-Labour^e) • • , 63
Œuvres des campagnes (le P. Vandel) 143
Apostolat des médecins (N. S. B***) 145
Education» enseignement. Les vrais principes de l'éducation
chrétienne rappelés aux maîtres et aux lamilles (le P. A. Monfat), 442
Principes raisonnes de la méthode intellectuelle appliquée à l'édu-
cation maternelle (J. Dueket) « . • . 360
Instructions et conseils adressés aux familles chrétiennes (Mgr Mei-
gnan) 252
Conférences sur les connaissances les plus utiles aux habitants de
la campagne (Th. Eomberg) 58
Politique. Restauration de la science politique (Ch. L. deHaUer) • 218
Des Conditions de gouvernement en France (Ant. Dubost) .... 219
La Constitution de l'Angleterre (F. Le Play) avec coUab. A. DeUdre. 407
Dieu et Patrie (S. Coran) 253
Economie •oclale. Rénovation sociale basée sur les lois de la
nature (Démétrius Gouffared) ^
Lois sociales expliquées par le bon sens (C. BotUry)
L'Ecole de la réforme sociale (B. P. Ramière)
Reàtez au village (Eginhard)
Congrès de Lyon (C. Rémont)
Assemblée des Œuvres catholiques du diocèse de SoissoP'
Notre-Dame-de-Liesse, les 10 et 11 mars 1873. •
Intempérance et Misère (Jean Lefort). .... *
■nnance», Statistique», etc. Principes de la sc^
(R.GmjMlot)
Recherches sur restimation de la richesse ^
France et en Angleterre (/« due d^Aym) Î55
Les Militaires blessés et invalides (U cùmtedêRieneourt) 34
IPhysIque et GIk1biI#». La théorie des atomes dans la eoneeption
générale du monde (A. Wurtz) 409
Des Forces physico-chimiques et de leur iotenrention dans la pro*
duction des phénomènes naturels (BeogtiereO 225
Influence de fa pression de l'air sur la yie de l'homme (2). Joiir-
danet) 491
La Conservation de l'énergie (B. Stewart) 410
L'Air (A. MoUessier) 483
Le Magnétisme (A. Badau) 483
Carbonisation des bois en vases clos et utilisation des produits dé-
rivés (C. Vincent) 226
Principes de géologie transformiste {Qmt, IMflii) 227
Rapport succmct sur la géologie des vallées de l'Athabaskau-
Mackenzie et de l'Anderson (le A. P. B. Petitot) 328
Traité élémentaire de minéralogie (£. Ptsiint), préface de (Des CM-
teaux) 329
• Principes de botanique (/. Gùurdon et Ch. Fourcade) 494
Mon Jardin (£. Smee, trad. de E. Barbier) 495
Les Animaux de la France (7. Aendtt) 475
L'Insecte (J. Michekt) 474
•clence» médicale». Dictionnaire de la Santé (J. B. Fùn8iaçpioe$), lil
Leçons élémentaires d'hygiène faites au collège de Falaiee (lé
Dr Deideux) publ. (L. A. Duehemin) 228
BlaUi6inati<iue». Histoire des mathématiques (Ferd, Hoefèr) . .412
Le Mètre international définitif (W. d0 Fom)ieU«) 149
Cosmographie. Le Soleil {le P. Secchi) 331
Passage de Vénus sur le soleil (J. P. A. Jlfadd(eii) 300
Hydrographie et Navigation, etc. Traité de la oonatmction
des ponts et viaducs (A. Morandàlre) 415
Cours de navigation intérieure (H. de Lagrené) 415
Ministère des Travaux publics. Ports maritimes de la France. . . 490
Dictionnaire des termes employés dans la construction (P. Chabai). 494
Les Voies souterraines (Maxime Hélène) 483
Mélangea aclentlflq'nea. L'ancienne jonction de l'Angleterre à la
France (Y. Deemarets) 02
Gonualasiincea nanellea. Le Livre des soupes et des potages
(J. Gouffé) 448
Beaux- Arts. La Danse macabre^ peinte en 1425, au cimetière des
Innocents (y. Du/our) 113
Corot (H. DumesmT) 229
L'Art et la Critique en France (Pierre Petroi) 499
A Cristian Painter (flînp. Flandrin) 499
Notice des tableaux, dessins, etc., exposés dans les salles dn Musée
de rhôtel de ville d'Autnn (Harold de Fontenay) 447
L'Art en Alsace-Lorraine (Bené Ménard) . 500
L'Orfèvrerie (Ferdinand de Lasteyrie) 40Î
Les Tapisseries (A. Castel) 483
BELLES-LETTRES
Philologie. Grammar and Dictionaryof the Language of the Hidatva
(WashingUm Matthews) 333
Assyrische Studien (Dr Fr. DelUteh) 501
Dictionnaire et grammaire de la langue des Cris (leB.P. Alb. La-
comôe) 333
Essai de graoi maire vepse ou tchoude du Nord (Ch* de Ujfah>y). . 333
— 668 -
Ithétorique» Bloqfaence. FrajsiiDoiit. ConMr^Doe» choUiaa* (A,
Laurmt) W
Poésie anotenne. L'Odyssée d'Homôre (Alexis Pierrwi) .... 114
Poésie du moyen A^e. Œuvres complètes de Riitebenf (A. Jv^
bifud) 240
La Chanson de RoUnd {Léon Gautier) • • . , 336
Li Rouman de Berte aus grans pies, par Adenès U Rois (Aug,
Scheler) 230
Baeves de Gommarchis, par Adenàs U Rois (Aug. Schêler), . . » 230
La Guerre de Metz en 1324 (£. de BouteiUer), suivi d'ét, crit. sur le
texte, par F. Bonnardot, préface de (X. QaiiUier) 502
Poésies éançaises, latines et grecques, G. Martin Despois (B. De^ei-
meris) ,338
Publleatlon de l'ESarly en^llol^ 1*cïxt ttcMslety .The myroure
of oure Ladye (J. H. Blunt) ,307
A Treatise on the Astrolabe (Bev. W. A. Sluai) ,308
The Gomplaynt of Scotlande (J. A. If. ifufTay/ , 308
Gursor Mundi (Rev. A. Moris) 313
Poésie moderne. Le Fabuliste chrétien (J. M, ViHefrainche) , • 261
Lacrymee rerum (L. Pâté) 300
Les Mélodies intimes (L. Pâté) «... 300
Rêves et Devoirs (Th. Promont) 300
Un Chapitre d'Art poétique (0. Le Vameeeur) 301
Les Champs et la Mer (J. Breton) 301
Fleurs et Chants (Arbonne Bastide) « 302
L'Illusion (H. Cazalis) 302
Le Cahier rouge (Pr. Ccppée) 302
Idéal et nature (Guy de Beaufori) 303
Du Cœur aux lèvres (Perd, Cartairade) . • • • 303
Les Fleurs sous l'herbe (Perd. Cartaxradé) ...••.*,, 303
Le Jour et la Nuit (Perd Cartairade) ,303
Les Illusions (E. Pavin) 303
Mes Veillées au Paraclet (le baron Ch. Wak1ma0r) ...... 303
Exaltations (Ernest Périgaud) 303
Les Feux follets (Ch. Pitou) 303
La France au Tribunal de Dieu (Vabbé Démange). 304
Les Militantes (Mme A. M. Blanch£cotte) 304
Sans peur et sans reproches (ilfme Panny Bénoix des Vergnes) • . 304
Saint François-Xavier (l'abbé Pélix Maleteste) .,..,... 304
Sonnets et poésies (E. Péhant) 305
Velléda (Louis de CombettesLabowelie) 305
Les Fantasmagories (L. Salles) , • 305
In extremis, adjeux au dix-neuvième siècle (Ath. Benenud) . • » 305
Panthéia (Pélix Henneguy) 305
Premières rimes (Préd. BataUle) 305
Chants du Soldat (Paul Déroulédé) 303
Nouveaux Chants du Soldat (Paul Déroulédé) 305
Almanach du Sonnet • • 146
Poésie étrangère. 1 Triomû di F, Petraroo, corretti nel testo e
riordinati (C. Pasqualiço) , 38
Manuel de la Revilla Dudas y tristens (D. Banum de Campoaimor) • 232
Rime di Luigi d'Ëredia. 526
TbéAtre. Les Spectacles forains et la Comédie-Française (J. Bonnas-
sies) 148
Théâtre de Racine illustré par Foulquier 474
M. Samson et ses élèves (E, Legouvé) 260
Dramas liricos (ArUonio Amao) 260
Conte» populaire». Contes populaires de la Grande-Bretagne
(L. Bruiyre) 115
— 584 —
Les Contas de Otaries Perranlt (A. Lefèm) 5M
:o^i«n« et nouTâlle*. La TeuUlion de Saint Antuiite (GiotaM
riaubtrl) «
Anrëliaoules Jaîbde la porte Capène (A. ÛMinim) S
Les Gladiateurs (C. J. WAyte-KetoiUe) trad. de (C3L Benmi
Deronu} 8
L'Aventora d'ane âme en peine (Gilbai-Auguttin Thûnjf) ... ft
Les Geatilsbommes de la cuiller {Ch. BmX) 10
La Conspiration de Salcède (£. KlUaidet^ 10
Le Put de Hontchal (AiA 'ItoIonJ) Il
L'As de Cœur (P. du Boitgabeg) 12
Les Hémoires de mon oncle (CA. tfffManZl) . . - 12
Les Hémoires d'uoe pétroleuse (A. Tiram) 13
La Conquête de Plassans (E. Zola) 13
La Tante de l'abbé Mouret (E. Zoia) 13
Mis RoTel (C. Chtrbulin) 14
Droit au but (A. Aehant) 15
Le Hanage de Tbècle (J
Dne Femme capricieuse ,_ _. _ , - -
L'Honneur de U famille (Urne Xnifjt-Bueiiitie)
Nancy VaUier (Mnte Gagne) 17
Une Idylle pendant le siège (fr. Coppie] ï?
Benée (Mme Et. Marcel) 18
La Famille Honval (£. DaroOle] 18
Blanche-Neige (Mme Cl. de Chandeneux) 18
La Main de velours (Mlle ù<d)rielle d'Esthampei) 18
Hiss Hortimer, trad. de (B. de Valbeau) 18
Harie, trad. de (Uouwn-Le-Duc) 19
Un Uariage français (Mme Jerdaru) trad. de (£. W**') ..... 19
Ha Hère et moi 19
Barnabe (Ferd Fabn) ■..,.' îO
La Villa-Vampire (Poui Vévat) ai
La Fontaine aux perles (P. Fémsi) 21
La Tresse blonde (fort, du Solsgobey) 22
Un Fruit de U mer Morte (M. £. finiddon) trad. de (Ch. Bemard-
Derotne) a
Le Jeune Brown (OrtmoUle Murroj/) trad. de (J. Butler) . , . . 2i
Falayrac (/. Steeg) 23
Une Femme gâaante (E. ûroi) 24
Le Chancellor (J. Verve) 4*
Histoire de petite ville (Ch. Deulfn) 24
Le Bal du diable (Ch. JVorrey) 25
Les Ames en peine (Z. Jformwr) 2S-36
Les Contes comladins (H. de la Uadeleiae) 26
Aventures extraordinaires d'un homme et de trois femmes (le
prince J. Liibi-mmliii 27
Le Médaillon (E. DaMa) 27
Une Muse (Alf. Botaergeia) 27
Cinq Nouvelles (Aif. Swaergeid) 27
La Chambra aux histoires (P. FertiauU) 27
L'Antre des mystères (H. Bolbuxy) 28
— 565 —
Le La Fontaine en action (Hygm-Purcy) .58
Ce que disent les champs (Mme la baronne de Machau) 364
Les Aventures de Rohinson-^^rusoé (Daniel de Foé) 478
La Vie des bois et du désert (JB. ff. Réwil) (A. DumaSf père) . . . 447
Histoire de chasse (fi. H, Révoil) 447
Tonj Brenner. Récit alsacien (Mme C. Emst) . 392
Trois histoires de terre et de mer (A Dûbarry) 393
Les Diamants irlandais (£. Bowles) 394
Goeurdoulx (Aynié Cécil) 395
kène (Et. Marcel) * 395
Petite Sœur (EL Marcel) 396
Mon Sillon [Mlle Fkuriot) *..,.... 396
Abnégation (Mme Bovardân) * 397
L'Institutrice à Berlin (Mlle M. Maréchal) 397
Le Sire de Coucy (F. de Servan) 397
Berthilde (Mlle &. (f An?or) 397
Victorius (le R. P. Gay, S. M.) 398
Les Châtelaines du Roussillon (Mme la comtesse de la Rochére) . . 398
L'Anneau du meurtrier {Gondry du Jardinet). 398
La Banque du Diable (£t^. de jforpme) 399
Pat, apôtre ) récit irlandais 446
Histoire de trois orphelins (Georges Path) 476
Les Faucheurs de la mort (A. de Lamothe) -476
M. Nosti*adamus (Mlle Fkuriot) 479
Deux Mères (Mfne Colomb) 480
Fausse route IJ. Gtrardin) 480
La Toute-Petite (J. Girardin) 48i
Tom Brown (J. Levoisin) 481
La petite Maltresse de Maison (Mlle Julie Gouraud) 483
Les Vacances d'un grand-père (Mme de Stolz) 484
Plus tard (Zénaide Fleuriot) 484
La Dette de Ben Alssa (Mlle Marie Maréchal) 484
Les Saintes légendes de l'enfance (fl. de Raroeul) 99
Biblioteca délia gioventù italiana i22
Histoire et critique littéraire. Histoire de la littérature fran-
çaise depuis son origine jusqu'à la renaissance (Ch. Gidel) . . 37
Maj]raerite de Suryille(£u(/. Viï/edieu) 338
Le P. Leieune, sa vie, son œuvre, ses sermons {Vabbé G. Ressoux) . 41
Jacques Grétineau-Joly (Vdbbé A. Maynard) 505
Crétineau-Joly et sps livres (le P. E. Regnault) 63
Aide Manuce et l'hellénisme à Yeniâe (Amb. F. Didot) 40
Histoire de l'influence de la langue française en Allemagne (J. de
Beglié) 146
La Langue et la littérature hindoustanies de 1850 à 1869 (Garcia
de Tassy) 233
Histoire de la littérature contemporaine en Italie, sous le régime
unitaire (A. Boua;) 118
Eplvtolalre» et polyfpraphe». Nouvelles Lettres de Mme Swet-
chme (le marquis de La Grange) il9
Opère di Vincenzo Mortillaro marcheze de Villarena 421
M^lan^ea littéraire». La Conférence entre Luther et le Diable
(J. lÀseux) . . 147
Solilo^es sceptiques (La JMb<Ae-2e-yayer| 147
Portraits d'histoire morale et politique du temps (Ch. de Mazade). 147
Dernières lettres d'un passant (A. de Boissieu) 362
Portraits de grandes dames (Imbert de Saint-Amand) 562
Uoe Belle âme, ou les Siromates de Jean de Rochevielle (H.
Calhiat) 119
Etudes politiques, historiques et religieuses (J. de Cacheleu) . . . 143
Quatre conférences (Juks Pavre) 262
— 566 —
Les Amuseurs de la rue {Auffustin Chcdkaml) 477
Les Sensations d'un juré (ff. Babou) «... 149
La Mort et la Bibliographie catholique (J. de Chaignolks) .... $1
Itoman* et nouvelle». Mémoires d'une forêt. Fontainebleau (J.
LemlUns) 148
La Crise de cent ans. L'Exilé lorrain. Le Sommet de la dté chré-
tienne [Ch. Choraux) 447
Causeries sur tous les tons (A. Real) 59
HISTOIRE
Géoi^aphle etvoyae^e*. Nouvelle géographie universelle (£.lte-
dus) 441
Histoire résumée de la géographie en Autriche, depuis 1850 (A.
Becker) 149
Petite carte de France murale {Ehrard) 151
Géographie de la France (A. Magin) 527
France physique, administrative, géographique et économique
(L. Dubee) 527
Géographie militaire de l'empire d'Allemagne (trad. de £• X. H.
Ruhier) 124
Voyage au pôle Nord des navires la Eansa et la Germania (G.
GovardauU) «507
ImMiai (Sir Samu£l White Baker), iraà. de {H. Vattemare). . . . 5ii
Voyages dans le nord de l'Europe (Jules Leclercq) 482
Dernier voyage du docteur Livingstone (H. Waller)^ trad. par
(Mme H. Loreau) 509
Un Hiver en Egypte (Eugène Poitcu) 477
Promenades en Italie (l'abbé Bolland) 478
Londres (L. Enault) 512
L'Espagne, splendeurs et misères (P.L.Imbert) 236
Les Pyrénées (le comte de Perroehel) 445
Souvenirs du pays de sainte Thérèse (Vabbé F. X, Plasse). • • . 45
L'Annam et le Cambodge (le A. P. C. £. BcuUlevaux) 43
L'Afrique équatoriale, Gabonnais, Pahonins, Gallois (le marquis de
Compiégne) « 262
La Souanétie libre (B. Bemainlle) 339
La Sibérie orientale (Octave Sachot) * 476
Voyages et découvertes d*Outre-Mer (Arthur Mangin) 477
DUstolre universelle. Cours d'histoire générale (F. Oger) ... 341
Histoire e«^cl6»la«tlque. Histoire de l'Eglise caih«>lique (rabbé
L. Jaunay) 340
Cours de Religion (le B. P. de Boylesve) 142
Histoire de rÉglise catholique en France T *** (Mgr loger). . . . 127
Histoire des persécutions de l'Eglise, jusqu'à la On des Antonins
(B. Aube) 125
The Nicene and Apostles' Creeds (C. A. Swainson) 422
The Athanasian Creed (6. D, W. Ommanney) 423
Le Pseudo-Synode, connu dans l'histoire sous le nom de Brigan-
dage d'Ephèse (Vabbé Martin) 241
Discours de notre très-saint Père le Pape Pie W (le R. P. de
Franciscis) 424
Haslolofile. La Vie des Saints (H. de Briancey) 98
Les Saintes du Paradis (Mme de Sougé) 98
Vies des Saints de l'atelier 98
Saint Joseph. EtuJe hist 'rique sur son culte (Vabbé Luoat) . . • 202
Vie de saint Joseph, d'après Anne-Catherine Emmeridi (Vabbé C.
V.Fi^uet) 99
Vie de Saint Joseph (le A. P Bouvy) 99
— 567 —
Sainte Marie-Madeleine (l'abbé CwlM) 529
Saint Antoine le Grand (Ch. Hello) 100
Vie de Saint Germain d'Auxerre (l'abbé C<mitanee)f trad. de (P.
GouilUmd). . 101
Histoire de saint Beoiard et de son siècle (le A. P. Th. RatUbmne). 101
SantoTomas de Aquino (^ZejandroPtdal y Mon) 242
Etudes sur les temps primitifs de l'Ordre de Saint-Dominique p. III.
(leR. F. Ant. Danzas) 244*
Sixième centenaire. Le cardinal saint bonaventuref évèque d'Albano. 101
Histoire du culte de Sainte Philomène (Louts Pe<t<) 104
La Vie admirable de notre glorieux père S. Pierre Célestin . • . 102
Sainte Jeanne-Françoise Fremyot de Chantai, t. II 426
Déposition de Sainte Chantai pour la canonisation de Saint François
de Sales 103
La Vierge des campa^nes^ ou Vie de la B. Oringa (Vabbé Henry). . 102
Vie de Sainte Catherine de Ricci (le P. Bayonne) 102
Vie de la Bienheureuse Marguerite-Marie (Vabbé Doras) .... 103
La Vie admirable du Bienheureux mendiant et pèlerin BenoiUJoseph
Labre (L. Aubineau) 103
Ordres religieux. Vie de la mère Thérèse, fondatrice de la Miséri-
corde de Laval (Vabbé Le Segretain du Patû) 104
Vie de la révérende mère Marie-Madeleine-Gipoulon (l'abbé G. Pe-
naud) 104
Vie de la révérende mère Sainte-Jérème 105
Alexis Clerc, mariui jésuite et otage de la Commune, fusillé à la
Roquette^ le 24 mai 1871 (k R. P. Ch. Daniel) 444
Vie intime d'un Frère des Ecoles chrétiennes (l'abbé Aug. Carion). 361
Marie Guyard et les ursulines au Canada (J. d'Estienne) .... 359
Histoire de* hérésies. Geschichte der quietistichen Mystik
(le Dr Heppe) 503
Histoire de la franc-maçonnerie, depuis son origine jusqu'aux
temps présents (Findel) 242
Histoire ancienne. Dictionnaire d'archéologie égyptienne (P.
Pierret) 437
Ancient History from the Monuments (S. Birch; Georges Smith;
and W. S. W. Vam) 237
Histoire ancienne des peuples de TOricnt (G. Maspero) 237
Dictionnaire pratique de l'antiquité (Patrice Chaumére). .... 240
Histoire du moyen Age. Le moyen âge et ses institutions (Oscar
Bavard) 481
The Map of Europe by treaty (Edw, Heriski) 433
Questions contemporaines. La Révolution (G. «ieJBemardt). . 256
. Sécurité et liberté de la France (G. de Kérigant) 59
Lettres d'un rural (le vioomte de Sarcus) 257
1871-1875. Au jour le jour (te f?iar9Ut5 de JBtenowrO 258
A Monsieur Tout-le-Monde. La Comédie du radicalisme (Ch, 2Ves-
vaux du Fraval) 363
La Question du drapeau. 63
Discours prononcés par Ms' Tévêque d'Orléans à l'Assemblée na-
tionale 254
Tableau résumé des principaux scrutins de l'Assemblée nationale
a. J. IV***) 258
La Prusse et la France devant l'histoire 435
Le Procès d*Aroim (E. Figurey etD. Corbier), introd. de (J. Valftey). 256
Deux incidents de la question catholique en Angleterre (Mme A,
Craven) 528
La Tentati?e anticatbolique en Angleterre (Af^r JVardt) 528
Les Souvenirs catholiques de la Tour de Lomirfs (Rev. R. Cookê)^
frad. car (Gréard) 528
Li Question dynastique en Espagne {Apariêi y Gtgiorra) • . • • 62
— 368 —
La Mission de Charles Vil (Vabbé AM Qaveau) 258
A bas don Carlos 364
Question espagnole. Don Carlos, roi légitime (H. Lemoine et Victor
Gay 259
La Question d'Orient 249
La Serbie et la crise orientale (£. Collas), . . .- 446
L'Herzégovine (£. de Sainte-Marie) 259
Pie IX et les études classiques (Mgr Gaume) 361
L'Armée et la mission de la France en Afrique (Mgr l'arehm)éque
d'Alger) • ... 207
Les Jésuites et l'armée (Alb. de Badh de Cugnae) 443
Voltaire, ennemi de Dieu, de la France et du peuple 363
La Déportation et l'abandon des morts (Léon Pages) 363
Histoire de Prcincse. L*Histoire de France depuis les temps les plus
reculés jusqu'en 1789, racontée à mes petits -enfants (Quizot), 576
Notre histoire des origines À i 870 (6r. ffu6auJ0 ^^
Hincmar de Reims (Vabbé Vidieu) 428
Chronique de Robert de Thorigny, abbé de Mont^aint-Michel (L.
Deliste) 46
Saint Louis et son temps (ff. Wallon) 47
Jeanne d'Arc (H. WaWon) 517
Etude sur Jeanne d'Arc (le comte de Bourbon-Lignières] 518
Rivalité de François I*' et de Charle«-Quint(lfti7fia() 130
Mémoires-Journaux de Pierre de l'EstoilIe, T. I«', (G.BnmetyA.Cham»
pollion, E. Halphen, P. Lacroix, Ch. Réad, Tamitey de Larroque,
Ed. Tricotel) 429
L'Expédition du duc de Guise à Naples (J. Loiselcur et (r. Bagne-
nault de Puchesse) 520
Une nièce de Mazarin (E. de Barthélémy) 521
Archives de la Bastille, règne de Louis XIV (JPV*. Raioaisson) ... 344
La Dauphine Marie- Josèphe de Saxe, mère de Louis XVI [le P. Emile
Bégnault) 261
Volaire et Rousseau (Gr. Vesnoiresterres) 49
Le Parlement, la Cour et la Ville pendant le procès de Robert-
François Damiens (1757),. Georges de Reylli) 345
Ursprung undReginn der ttevolutions-Kriege (L von Aanft6). . . 4!'i0
Bibuotbèjiue des Mémoires relatifs à l'histoire de France pendant le
dix-huitième siècle (de Lescuré) 215
Stofflet et la Vendée (Ed. Stofflef) 446
Les Débris de Quiberon (fiugf. (ie to Goumene) 131
La Chouannerie du Maine et pays adjacents [Vabbé Paulouin). . . 135
Archives révolutionnaires du département de la Creuse (1789-1794).
(Louis Daval) 346
Napoléon P' et le roi Louis (Félix Bocquain) 246
Histoire du second Empire, T. VI (T. Delord) 133
La Guerre de France 1870-1871, [Ch. de Mazade) 347
Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande (A/6. Sorel) . 347
Histoire du traité de Francfort et de la libération du territoire fran-
çais (jr. Valfrey) 248
La Guerre au jour le jour^ 1870-1871 (le baron A. Bu Casse) ... 217
Histoire de la Défense nationale en France (Vabbé A. Deramecourt). 128
Versailles pendant l'oocupalion (£. Delerot) 134
Histoire de» province». De la réunion de Lyon à la France
(Pierre Bonassieux) 3(2
Recherches sur les Etats de Bretagne (A. Du Bouetiez de Kerorguen). 352
Histoire étrangère. Histoire de l'Angleterre depuis la mort de la
reine Anne jusqu'à nos jours (H. Beynald) 61
Le Règne de Marie-Thérèse dans les Pays-Ba^ autrichiens (G. /. Ch.
Piot) 50
Dix ans de l'Histoire d'Allemagne (Saint-Bené Taillandier). ... 353
— 569 —
Histoire de l'Allemagne, depuis la bataille de Sadowa {Eug. Véron), 150
Délia vita privata dei Genovesi (L. T. Belgrano) 436
Histoire de Tabbave dUautecombe ea Savoie {CL Blanchard). . . 350
Storia dtsUa RepuDlica di Firenze di Gino Gapponi 522
La Mutualité des Slaves depuis les temps les plus aucieos jusqu'au
dix-buitiôme siècle (J. Fervolf) 334
A narrative of the récent Evenis in Ton King {H. Cordier). . . . 356
Les Drapeaux français {le comte H. de BouUU) 135
HtîAtoIre nobiliaire. Armoriai des cardinaux, arcbefêques et évê-
ques contempordiDs de France (ff. Tausin) 52
Notes prises aux archives de l'état civil de Paris, avenue Victoria, 4,
brûlées le 24 n^ai 1871 {le comte de Chaslelltix) « 437
Archéoloiple. Le Trésor de Clairvaux du douzième au dix-huitième
siècle {l'abbé Charles Lalore) 439
Notice sur. un autel antique dédié à Jupiter (Vabbé Barges). . ... 438
I^ouveaux mélanges d'archéologie, d'histoire et de littérature sur le
moyen âge. T. II et IIl {les R. P< Ch. Cahier, A . Martin). ... 439
Rapport sur une mission archéologique en Algérie (Ant. Héron de
Villefosse) 357
ll;6Iaii9e« blittorlques. Les Châteaux historiques de la France
{Vabbé Bourassé) 478
Scritti minori (P. JB^Iero) 54
Bloeri*aplKle. Les grands hommes de la France {Ed. Gœpp et H. de
Mannouryd'Ectot) 250
Les grands bienfiedteurs de l'humanité {Ad. HtMird) 444
Le Parnasse médical français ((e D}* A. CA^reau) 439
Gloires du catholicisme du dix-neuvième siècle : Mgr Dupanloup
{Vabbé Dourlens) 526
Ma Mère {Mgr de Ségur) 262
M. Th. Foisset (ff. Beame) 445
Joseph Sturge 259
Les Hommes de Texil {Charles Hugo) 440
Bibliographie. Notice sur un manuscrit mérovingiens (L. Delisle) . 438
Les Papiers de Noailles de la bibliothèque du Louvre {Louis Paris) • 358
Précis de l'histoire de la bibliothèque du Roi {Alf. Franklin) ... 53
Les Archives de Lyoa (L. Niepce) 54
Catalogue méthodique de la bibliothèque de la ville de Nantes
{EmiUPéhant) 56
Catalogo dei codici petrarchescbi délie biblioteche B «rberina, chi-
glana, Gorsiniana, Vallicelliano e Vaticana (£, iVarducct) - >' 38
Catalogo ra^ionato dei libri de prima stampa e délie edizioni aldine
e rare existenti nella bibliotheca nazlonale di Palermo (A. Pen-
nino) 525
Osservazioni suUa quistione dei primato délia stampa tra Palermo
e Messino (Gr. Salvo-^ozzo) 525
Bibliografia Siciliana (GF. M. Miar) 444
La Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus et le
P. Aug. deBacker(Jl. P. Van Tricht) 523
Décsmbeb 4875. T. XIV, 37.
— 570 —
TABLE DES AUTEURS
ACHABD (A.) 15
Amezeuil (G. d') 28
Aparisi y GnjlÂRRO 62
A RBOussE Bastide 302
ARi'As(le R. P.) 210
ARNA0(Ant.)' 260
AavoR (Mile G. d') 397
Assolant (Alf.) 11
Adbé (B.) 125
AuBERî (l'abbé A.) 143
AUBINBAU(LJ 103
Aten (le duc d') 255
B*** (N. S.) 145
Babou (H.), 149
Badts de Cugnac (Alb. de). . . 443
Badbn (Ad.) 28
Bagubkault de Puchesse (G.) . 520
Baker (Sir S. White.) 511
Ballacey (H.) 28
Barbier (E.) 495
BARGte (l'abbé) i39
Baroeul (H. de) 99
Barthélémy (E. de) 521
Bataille (Fréd.) 305
Bayonnb (le P.) 102
Bbaofort (Guy de) 303
Beadne (H.) 445
Becker (A.) U9
Becquerel 225
Belgrano (L. t.) 436
Bernard (Th.) 322
Bernard-Derome (Cb.) • . .8, 22
Bernardi (G. de) 256
Bernovillb (R.) 339
BEYLiÉ(J.de) «46
BiBNCOuRT (le marquis de). . . 258
BlLI^DDEL (E.) 10
Bai.OT(A.) 488
BiRCH (S.) 237
Blanchard (Cl.) 350
Blancbecotte (Mme A. M.) . . 304
Blanchon (J.) 214
Blunt(J. H.) 307
BoisGOBBY (F. du) 12, 22
BoissiBU (A. de) 362
BONNARDOT(F.) 502
BONNASSIES (J.) . ....... 148
BoNNAssiBox (Pierre; 342
Bonnet (le R. P. de) 325
BONSERGENT (Alf.) 27
Bodillé (lecomte L. de). ... 135
BociLLEVAUx (le R. P. G. E.). . 43
BouRAssÉ (l'abbé) 478
BouRBON-LiGNi&BES (le comle de). 519
Bourdon (Mme M.) .... 15, 397
BouTRiLLER (E. de) 302
BouTRy(C.) W
BoBVY (le R. P.) 99
BowLEs(E.) 394
BoYLEsvE (le R. p. de) l*^
BRADDON(MiSsE.) 22
Breton (J.) 301
Brin (l'abbé P. M.) 294
Bbueyrb (L.) **5
Brunet(G.) *29
BUBT (Cb.). . *0
Businger (L. G.) ^^
Butler (J.) |2
Cacbeleu (J. de) **3
Cahier (le R. P. Ch.). . v. . . . 439
CAHDN(Léon) 475
Calhiat(H.). «*•
Camauer (Jules) 359
Campoahor (D. Ramon de). . . 232
Capponi (G.) 522
Carion (l'abbé Aug.) 361
Carle (G.) 391
Carle (Mme E.) i6
Cabon (E.) 253
Cartairade (Ferd.) 303
Cartier (E.) *(n
CASATi(Ch.) 253
Castel(A.) 483
Cayé (Mme Marie-Elisabeth) . . 211
Cazalès{H.) 302
CÉciL (Aymé) 395
Chabat(P.) 496
Chaignolles (J. de) 61
Challamel (Augustin) 477
Champollion (A.) 429
Chandeneux (Mme Cl. de) . . . 18
Chabaux (Ch.) 447
Chastellux (le comte de) . . . 137
Chauvière (Patrice) 240
Cberbuuez (V.) .14
CHERBAU(leD' A.) 139
Chbvablibr (E.) 389
CoLiJks (E.) 446
Colomb (Mme) 479
CoLOHBiÈRE (R. p. Claude de la) 21 1
Combettes-Labourelib (L. de)63, 305
CoMPiÈGNE (le marquis de) . . . 262
Constance (l'abbé) 108
CooKB(Rey. R.) 528
CoppÉE (Fr.) 17, 302
CORBIER (D.) 256
Cordier (H.) 350
CoRNOLDi (le P. J. M.) 298
CoRRioL (l'abbé) 290
CoRTE (Petri-Ant.) 404
CouuN (Fabbé) .......
Cbaven (M»» A )....'.. .
Daclîn (E.)
Daniel (le R. P. Gh.)
Danzas (le R. P. Ant.) ....
Daras (Fabbé)
Delaire (A.)
Delerot (E.)
Delisle(L.) 46,
Delitzsch (le D' Fr.)
Deloixcourt (J.)
Delord (T.)
D EU ange (l'abbé)
Dehors (Fabbé F.)
DéNoix DES Vergnes (Mme Fanny)
Deramecourt (l'abbé A.)- • . •
Déroulède (Paul) . \
Descieux (le D')
Des Gloizeaux.
Desuarets (N.)
Desnoiresterres (G.)
Deulin (Ch.)
Dezeimeris (R.)
DiDON(le P.)
DiDOT (Amb. F.)
DoLLFcs (Gust.)
Doryille (L.)
Dodrlens (l'abbé)
Draper (J. W.)
Droz (E.)
DOBARRY(A.)
DUBEC (L.)
Dubois (E.)
DuBOST (Ant.)
Du BouETiEz deKerorguen (A.).
DuGasse (le baron A.). . . .
DUCHEMIN (L. A.)
Dupour (l'abbé V.)
Dumas (A.) père
DUMESML (H.)
Dupont (A. H. H.)
DuvAL (Louis)
Eginharo
Ebrard
Ellero (P.)
Enault (L.) ,
Erkdia (Luigi d')
Ernst (Mme G.) ...... .
EsTBAUPES (Melle G. d') . . . .
ESTIBNNE (J. d*)
Fabre(E.)
Fabre (F.)
Fath (Georges)
Favin(E.)
Favue (Jules)
Fertiault (F.)
Féval(P.)
Findei
Flaubert (G.)
— 571 —
529 Fleuriot (Mlle Z.). 396, 479, 484
528 Flourens (E.) 215
27 FoB (Diniel de) 479
444 FONSSAGRITES (J. B.) 111
244 FoîrrENAY (Harold de) . . . 447
103 FoN VIELLE (W. de) 149
407 Fouet (l'abbé C. F.). ... 99
134 Fourcade (Gh.) 494
438 FRANcisas (le R. P. de) . . . 424
501 Franklin (Alf.) 53
57 Franqueville (Gh. de). . . . 254
133 Franz (R.) 28
304 Fbeynet (l'abbé) 144
199 Fromont (Th.) 300
304 Gagne (Mme) 17
128 Galeubebt (le comte de). . . 2fi6
305 Gabcin de Tasst 233
228 Gaudillot (R.) 223
329 Gaunb (Mgr) 361
62 Gautier (Léon) 336.
49 Gaveau (l'abbé Abel). ... 258
24 GAY(le R. P.) 398
328 Gay (Victor) 259
315 Gérando (G. de) 58
40 GiDEL (Ch.) 37
227 GiRARDiN J.) 480, 481
18 Glasson (E.) 386
526 GoEPP (Ed.) 250
317 GoNDRY DU Jardinet .... 398
24 Goubarefp (Démétrius) . . . 253
393 GouFFÉ (J.) 448
527 GouiLLouD (le P.) 101
391 GouRAUD (Mlle Julie). ... 483
•il9 GOURDAULT (G.) 507
352 GouRDON (J.) 494
247 Gournbrie (Eng. de la). . . 131
228 Grand (l'abbé J.) 200
113 Grâard 529
447 Gbenville-Murray 22
229 GucHET(J.) 360
293 Guilbert (Mgr) 486
346 GuizoT 516
145 HALLBR(Ch. L. de) 218
151 Halphen (E.) 429
51 Haulleville (de) 387
512 HAUs(Ed.) 217
526 Havard (Oscar) 481
392 Bélène (Maxime) 483
18 Hrlix) (Ch.) 100
259 Henneguy (Félix) 305
389 Henry (l'abbé) 102
5tO HFJ>PK(leDr) 513
476 Héricault (Gh d') 12
303 Héron DE Vill&fosse (Ant). . . 357
262 Hertslet (Edw) 433
27 Herz£n(A.) 406
21 Heylli (G. dO 345
342 Hoefer (Ferd.) 412
6 Hohbeeg (Th.) 58
HUARD (Ad.)
HUBAULT (G.)
Hdgo (Charles)
Htgin-Forcy
Imbbrt (P. L.)
Jager (Mgr)
Janbt (Paul)
Jadnay (l'abbé L.)
Jrnkins (M"*) .
JoLT (l'abbé)
Joordan (Â.). .
JOURDANET (D.)
Jdbinal (A.)
KÂEiGAirr (G. de)
Rrafft-Bocaille (Mme). . . .
Lacombe (le R. P. Alb.) ....
Lacroix (P.)
La Grange (le marquis de). . .
Lagrené (H. de)
Lalohe (rabbé Ch.)
Lamothb (A. de)
La Mothe-le-Vayer
Lastetrie (Ferdinand de^ . . .
Latour (le R. P.)
Laurent (A.)
Lavkleyb (E. de)
Leclercq (Jules)
Lefebvre (le R. P, A.) . . . .
Lefèvrb (A.)
Lefort (Jean)
LSGOUVÉ (E.)
Lemoine (H.)
Léodzon-Lb-Duc
LEpmi (Âlb.)
Le Play (F.) 256,
Lescore (de)
Le Segretain du Patis (Pabbé).
Lessius
Letourneau (D' Ch:) .....
Lbvallois (J.)
Le Vavasseur (G.)
Levoisin (J.)
Liberatore (le R. P. M.). 295,
297.
LiGORi (S. Alph. M. de) . . . .
LlSEUX (J.)
Loiseleur (J.)
LoREAU (Mme H.)
Louche (l'abbé J.) ..... .
LuDOHiRSKi (le prince J.). . . .
LucoT (l'abbé)
Mach (le R. P. J.)
Mackau (Mme la baronne de) .
Madden (J. P. A.)
Madeleine (H. de la)
Magin (A.)
Maleteste (l'abbé Félix). . . .
Mangin (Arthur)
annoury d'Ectot (H. de) . . .
— 572 —
444 Marcel (Et.). ... 18, 395, 396
525 Maréchal (Mlle M.). . . 397, 484
HO Mabgerie(A. de) 32
58 Margerie (Eug. de) 399
236 Marmier (X ) 25, 36
127 Martin (l'abbé). 241
324 Martin (le R. P. A.i 439
340 Martinet (l'abbé) 194
19 Maspero(G.) 237
204 Mâssol 387
385 Matthews (Washington). . . . 333
491 Macdsley (H.) 411
420 Maure (l'abbé Sylv.) 297
59 Maynard (l'abbé U.) 505
16 Mazade (Ch. de) 147, 347
333 Méchin (l'abbé F.) 197
429 Meignan (Mgr) 252
119 Menard (René) 500
415 Miar(G. m.) 141
139 MlCHELET (J.) * . . 474
476 MiGNET 130
147 MoiGNo (l'abbé) 359
482 MoiTESSiER (A.) 483
143 MoNFAT (le P. A.) 442
35 MoNTROui (de) 252
319 Morandière (R.) 415
482 MoREL (T.). 392
442 Mûris (Rev. R.) 313
504 MuRRAY (J. A. H) 308
221 N*** (L. J.) 268
260 Nardi (SLgr) 528
259 Narducci (E.) 38
19 Narrey (Ch.), 2b
291 NiEPCE (L.) 54
407 Oger (F.) 341
245 Ommanney (G. D. W.) 423
104 OcDiN (L.) 391
106 Pages (Léon). . . : 363
406 Pannier (E.) 216
148 Paris (Louis) 358
301 Pasqualigo (C.) 38
481 Paté (L.) 300
296, Paulouin (l'abbé) 132
Payen 388
400 Péhant (Emile). ...:.. 56, 305
147 Penaud (l'abbé G.) 104
520 Pennino (A.) .* . 525
b09 Périgaud (E.) 303
197 Perrocbel (le comte de). . . . 445
27 Pervolp [L). 354
202 Petit (Louis) 104
209 Petitalot (le R. P.) 213
1364 Petitot (le R. P. E.) 328
360 Petroz (P.) 499
26 PiDAL Y Mon (Alejandro) ... 242
527 Pierret (P.) 437
304 Pierron (Alex.) 114
477 Pigurey (E.) 256
250 PioT (G. J. Ch.) 80
PlSANl (E.)
Pitou (Ch.)
Place (l'abbé Ch.)
Pla^e (rabbé F. X.) . . . . .
Poitou (Eugène)
PoTTON (le R. P. Fr.M. A.). • .
QniNTON (A.)
Radau (a.)
Rambosson (J.)
Ramière (le R. P.)
Ranke (L. von)
Ratisbonne (le R. P. Th.) . 101
Ravaisson (Fr.)
Read (Ch.)
RéAL(A.)
Reclus (E.)
RssB (le P. Georg)
Regnault (leP. Ë.). ... 63,
RÉMONT (C.)
Renabd (Am.)
Rendu (Victor)
Renoux l'abbé G.)
Révoil (B. h.)
Retnald (H.)
RiANCEY (H. de)
Ricard (l'abljé Ant.)
Riencourt (le comte de). . . .
Rjpebt(E.)
RocHèRE (M™* la comtesse de La)
RocQUAiN ^élix)
Rolund (l'abbé)
Romain (G.) . .
RONDEUET (Ant.) . . *
RosA (don F.)
Roux (A.)
Roux (L.)
RUBifeRE (E. X. H.)
Sacbot (Octave)
Saint-Amand (Imbert de) . . .
Sainte-Marie (E. de)
Saint-Renâ Taillandier. . . .
Salles (L.)
Salvo-Cozzo (G.)
Sancbezde TocA (J,)
Sansevebino G.)
Sarcus (le vicomte de) ... .
SCHELBB (Aug.)
ScHOUPPE (le R. P. J. X.). 495,
Sbcchi (le P.)
Ségalas (Anals)
— 573 —
329 SéGUR (Mgr de) 262
303 SeRVAN(F. de) 397
¥)i SiEYE (V.) 390
45 SlGNOBIELLO (N.) 290
.477 SKEAT(Rev. W. A.) 308
314 Smee (A.) 495
8 Smith (Georges) 237
483 SoREL(Alb.) 347
109 SouGÉ (Mme de) 98
528 Steeg (J.) 23
430 Stewabt (R.) 410
206 Stofflet (Ed.) 446
344 Stolz (Mme de) 484
429 SwAiNsoN (C. A.) 422
59 Tamizet de Larboque. .... 429.
421 Tausin (H.)) 58
298 Teissonnier (l'abbé) 29
261 TéRAM(A.) 13
61 Testa (le Prof.) 404
305 Thierry (G. A.) 9
475 Tissandier (J.B.) 144
41 TissoT (J.) 318
447 Tresvaux du Fraval (Cb.). . . 363
61 TRicHT(leR. P. Van) 523
98 Tricotel (Ed.) 429
198 TRONCY(rabbéJ.) 402
34 UjFALVY(Ch. de) 333
391 Vainberg(S.) 319
398 Valbeau (E. de) 18
246 Valfret (J.) 248, 256
478 Vandel (le p.) 143
108 Yattemare (H.) 511
60 Vaux (W. S. W.) 237
403 Verne (J.) 24
118 VÉRON(Eug.) 150
31 Vidieu (l'abbé) 428
124 Villedieu (Eug.) 338
476 ViLLEFRANCHE (J. M.) 261
362 Vincent (C.) 226
259 Vi0LEAu(H.) 57
353 Vladesco (Alexandre) 489
305 W**' (E.) 19
525 Walckenabb (le baron Ch.). . 303
327 Waller(H) 509
290 Wallon (H.) 47
257 Weddtngen (Fabbé Van). ... 490
230 Wbyte-Melvillb (C. J.). . . . 8
399 WuRTz(A.) 409
331 ZoLA(E) 13
15
— ?74 —
TABLE DES VARIETES
Le Moyen âge et la Renaissance, à
Sropos d'une publication récente
e M. Grayer, par M. Adolphe
d'Avril, 64.
Notes inédites sur Du Gange, par
M. Ph. Tamizey de Larroque, 151.
Bibliographie raisonnée de l'Acadé-
mie française, par M. René Kervi-
1er, 154.
.Le Gongrès international de géogra-
phie, par M. A. de Marsy, 263.
L'Orient latin à l'Exposition de géo-
graphie, par M. Moise Schwab, 267.
La Société géographique de Russie
et ses travaux, par le R. P. J. Mar-
tinov, 364, 530.
Les Publications de la CcoTiden So-
ckiy, par M. G. Masson, 448.
Les Publications révolutionnaires à
par
456.
TABLE DE LA CHRONIQUE
NÉCROLOGIE. * — Andersen (H. Ghr.),
272. — AvENEL (D. L. M.), 370. —
Barye (A. L.), 75. — Beaumont-
Vasst (le vicomte E. F. de), 163.—
Belval (L. Gh., marquis de), 74.
— Blanquet (AJb.), 164. — Bonnet
(J. F. E.), 68. — Bourgogne, 74.—
Breton (F. P. H. E.), 67. — Bru-
net DE Presle (Ch. M. Wl.), 371.—
Gallon (J. P.), 74. — Carpeaux
(J. B.), 458. — CoLLOMB (Ed.), 74.
—Constant (l'abbé Alph. L.), 69.—
GOQUEREL (A. J.), 163. — GORNU
(M»«), 70. — Cousseau (Mgr), 541.
— Dechamps (Ad.), 160. — Démar-
quât (le Dr J. N.), 74. — Deshayes
(G. P.), 74. — Dubois (l'abbé L.),
71. —Etienne, 272. — Geay (J. L.,
dit Ph. Geay-Besse), 460. — Gou-
LHOT DE Saint-Germain (A. F. de),
69. — Grasset (A. J. B. E.), 272.
— Groza (Alex.), 543. — Guipon
(J. J.), 70. — Jeancard (Mgr J.),
162. — Kremer (J.), 72. — La-
brouste (P. F. H.), 69. — Lafond
(E. Ed., comte), 162. — Lesieur
(A. H.), 71. — LiBELT (Ch.), 73. —
LoRAiN (P.), 459. — BIallet (Ch.
A.), 68. — Marbbau (J.-B.-F.), 459.
— Maroteau (G.), 71. — Mathieu
(S. Em. J. M, A.), 160. — Migne
(l'abbé J.-P.), 459.— Moreau (l'abbé
J. Ch.), 162. — Orsini (l'abbé M.),
161.— Paramelle (l'abbé), 273. —
Pannier (Léop.), 543. — Pas (J.
A. Aug.), 458. — Pradier (G.), 73.
Preux (Mgr P. J. de), 162. — Proux
(F. L. A Le), 273. — Rathery (E.
J. B.), 542. — Rauscher (le card.),
544. — Rémusat ^Ch. F. M , comte
de), 67. — RosENTHAL (Le Dr D.
Aug.), 68. — Roussel (Ad.), 70. —
Sartiges d'Angles (Icbaron J. de),
69. — Ségalas (P. S.), 459. —
Thirlwall (Connop.), 372. — Tou-
R0UDE (Alf.), 72. — Tross (Gh. Th.
Edw.), 273. — ViLLOT (M. J. F.),
70. — Wheatstone (Sir Gh.), 458.
— WiLKONSKA (M»« p.) , 73. —
WoLoczENSKi (Mgr M. G.), 72, 459.
Institut, 75, 164, 274, 460, 544.
Faculté des lettres de Paris, 75, 166.
Faculté de médecine, 75.
Les Universités catholiques, 465.
Les Universités russes, 549.
Bibliothèque nationale, 462.
Musée du Louvre, 373.
Ecole d'Athènes, 462.
Académie de la religion catholique,
462.
Congrès, 167, 275, 372, 463.
Sociétés savantes, 76, 170, 181, 275,
279, 282, 283, 374, 546.
Concours et prix, 166,275, 463,545.
Lectures faites aux Académies, 75,
170, 277, 374, 464, 546.
Collections et Bibliothèques : Bi-
bliothèques scolaires. 279, — Etat
des Bibliothèques de Paris, 378. —
Catalogue des monnaies orien-
tales du British Muséum 465.
Revues, Livres Journaux, 27, 88, 89,
— 575 —
«84, 283, 378, 3«1, 469, 380. —
L'Association catholique, 551. —
Annales de la Normandie, 552.
Mélanges scientifiques r Des mesures
en usage au moyen âge, 172. -=-
De la vulgarisation des connais-
sances géographiques , 178. —
Notre Géographie provinciale, 279.
— L'astronomie grec(^ue et ro-
maine, 375. — Vulgarisation des
cartes géographiques, 548.
Mélanges archéologiques et artisti-
ques : La Gravure française au dix-
huitième siècle, 79. — Collection
de pierres gravées, 80. — Prix des *
estampes rares, 81. — L'Email-
lerie chez les Gaulois, 176. — Un
coffret du douzième siècle décou-
vert à la bibliothèque de Vannes,
277. — La vraie croix de Baugé,
281. — Le Groupe de marbre de
Téglise Notre-Dame, à Bruges, 280.
— Du rôle décoratif de la pein-
ture en mosaïque, 377.
Enseignement : Un Recueil de bro-
chures d'éducation populaire, 179.
— VEductUûmy journal pédago-
gique, 179. — Catalogue de livres
anciens et modernes de la librai-
rie Aug. Fontaine, 87. — Catalogue
de livres par ordre alphabétique,
88. — Les Frères des Ecoles chré-
tiennes au Congrès de géographie,
277. — Les Elèves des Frères,
464.
Mélanges historiques : Quelques dis-
tractions du dictionnaire encyclo-
pédique de la théoloffie catho-
lique, 76. — Diodore ae Sicile et
le passage de la mer Rouge par les
Hénreux. 78. — Etats aïe service
de la maison royale de Bourbon,
180. — Les Sciences préhistoriques
à l'Institut, 181. — La Nouvelle-
Guinée et le capitaine Lawson, 278.
— Les Antiquités et Chroniques de
la ville de Dieppe. 281. — Le Co-
losse de Rhodes et M. Laboulaye,
550. '^ Le DU des rues de Paris,
551, — • Les Ordres de chevalerie,
552. — Vieux papiers et vieux sou-
venirs, 553.
Mélanges philologiques et litté-
raires : L'impromptu de l'hôtel de
Condé, 85. — La production litté-
raire en Allemagne en 187^, 86. —
Impression du Glossaire de Sainte-
Palaye, 171. — Cours historique
de langue française, 172. — Les
Clubs philologi^es en Italie, 173.
— Fêtes littéraires de Montpellier,
175. — La langue universelle, 179.
— Le Glossaire de Le Clerc de
Douy, 280. — Production litté-
raire en Russie, 380.
Mélanges bibliographiques : L'His-
toire de César de Napoléon RI et
M. Pion, 177. — Un Manuscrit hé-
breu de 916-917, 376. — Une Im-
primerie à Boulak, 377. — Les Ex-
îibris, 466. — Une bibliographie
historique de la Bretagne, 549. —
Catalogue Bory, 552.
Notes diverses : Les Français à l'é-
tranger, 174. — > Le Sint ui sunt aut
non sint, 180. — Les Journalistes
et l'Exposition de géographie, 183.
— La Revue des Deux-Mcmdes et la
statue de Memnon, 183. — Hono-
raires payés à divers auteurs, 282.
— Une brochure sur les Etats-
Unis, 376. — A propos d'un ou-
vrage sur la Chouannerie du Maine
et des pays adjacents, 468. — Ta-
bles des Bollandistes, 469. — Le
' jour des morts en Sicile, 550.
Renseignements divers: Abc (Un por-
trait de Jeanne d'), 176. — Cha-
teaubriand (Inauguration de sa
statue), 373. — La Bruyère (Une
lettre inédite de), 380. — Manin
(Une biographie die), 174. — Meis-
soNNiER (Un petit anachronisme
de M.), 378. — Santerre (Les
ordres du jour de), 281. — Les
Archives privées d'un habitant de
Pompéi, 167. — Publications nou-
veUes. 92, 190, 287, 382, 471, 557.
— Pnolications annoncées, 472. —
Ventes, 80, 82, 554.
TABLE DES QUESTIONS ET REPONSES.
Après moi le déluge, 288.
Bannières des corporations d'arts et
métiers, 288, 384.
Barbinais (Parçon de la), 191, 288.
Calendrier équinoxial, 191.
Cassien, 288.
Chabannes et Charles VH, 93.
Chance lier d'Aguesseau, 552.